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Revue Économie, Gestion et Société N°6 juin 2016

CONCEPTS DE PARTENARIAT PUBLIC PRIVE ET DE GESTION


DELEGUEE: ETUDE COMPARATIVE

De

Hasna EL ANEBRI

Chercheuse en Droit Privé, FSJES de Rabat- Agdal, Département Droit


Privé, Université Mohamed V de Rabat.

&

Chakib ELOUFIR

Professeur en Droit Privé, FSJES de Rabat- Agdal, Département : Droit


Privé, Université Mohamed V de Rabat.

RESUME

Le présent article porte sur une étude des concepts des contrats de gestion déléguée et de
partenariat public privé d‟un point de vue comparatif. Il s‟agit de la dimension théorique qui
caractérise lesdits contrats, tout en mettant l‟accent sur les éléments qui les distinguent et sur
ceux qui ont tendance à faire émerger un rapprochement entre certains de leurs éléments
constitutifs.

La notion de concession est également abordée du fait du lien étroit entre ladite notion et les
deux contrats objets de l‟étude. Le législateur marocain garde, en effet, le contrat de
concession dans certains textes régissant des secteurs spécifiques.

La méthodologie adoptée dans le cadre de ce travail est une méthodologie comparative qui
confronte les différentes caractéristiques conceptuelles desdits contrats tout en les expliquant.

MOTS CLES

Contrats, gestion déléguée, partenariat public privé, concession, service public.

ABSTRACT

This article focuses on a study of the concepts of management contracts and public private
partnership a comparative perspective. This is the theoretical dimension which characterizes
such contracts, while focusing on the elements that distinguish and those that tend to bring out
a reconciliation of some of their components.
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The concept of concession is also addressed because of the close link between that concept
and the two objects of the study contracts. The Moroccan legislator custody in fact the
concession contract in some texts governing specific sectors.

The methodology adopted in the framework of this work is a comparative methodology that
compares the various design features of such contracts while explaining.

KEYWORDS

Contracts, delegated management, public private partnership, concessions, public service.

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Introduction

La montée en puissance du procédé contractuel comme technique de gouvernement 1, participe


pleinement de la panoplie des nouvelles normes de l‟action publique en faveur du
développement des services publics octroyés aux usagers. Il en ressort la nécessité de
déterminer les concepts contractuels, de délimiter leur champ d‟action, leur portée et leur
limite.

En effet, le recours au contrat, en tant que formule juridique, a été et reste un moyen
d‟assouplir le principe d‟autorité, notamment en reconnaissant une plus grande autonomie aux
cocontractants. Le contrat en tant qu‟outil d‟organisation des relations entre les parties, est
soumis au droit des contrats, au droit civil, au principe de l‟autonomie de la volonté.
Cependant, lorsque le contrat porte sur un objet particulier, en l‟occurrence le service public,
certaines dérogations sont de mises.

A ce titre, les contrats de partenariat public privé (PPP) et de gestion déléguée portant sur un
objet unique, à savoir, le service public, sont confrontés à la nécessité de concilier entre le
droit applicable au service public qui est le droit administratif, le droit de la commande
publique, le droit des contrats publics et le droit des contrats qui est par définition un droit
civil, une branche de droit privé. Cependant, cette distinction ou cette délimitation n‟est plus
de mise actuellement.

En effet, les frontières naguère strictes entre les différentes branches du droit telles qu'elles
étaient instituées par les théories classiques sont actuellement remises en cause par la création
de nouvelles branches du droit à cheval entre les règles de droit privé et celles de droit public.

Il s‟agit notamment, du droit public des affaires, du droit public économique, du droit de la
concurrence, de la gouvernance des services publics, du droit de l‟environnement …etc. En la
qualifiant d‟évolution significative et positive ayant tendance à l‟ouverture des branches
respectives du droit sur elles même et sur l‟environnement immédiat, l‟on peut affirmer que
les contrats de gestion déléguée et de partenariat public privé s‟inscrivent dans cette
évolution.

1
Par gouvernement, l‟on entend conception, financement, construction exploitation ou gestion tous réunis ou
respectifs.
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Dans ce sens, certains auteurs2 se posent la question suivante : le PPP aurait-il révolutionné le
monde? L‟affirmation de ce caractère révolutionnaire renverrait à la remise en cause de la
fourniture de services publics directement par les structures administratives. Elle doit, à
l‟évidence, être nuancée, car la concession, contrat de type partenarial est pratiquée depuis
longtemps, dans nombre de pays. Le principe de désengagement au profit du secteur privé et
de collaboration avec des partenaires étrangers à la personne publique a éclos depuis des
siècles. Mais la nouveauté tient surtout à la pénétration du secteur privé dans des domaines
traditionnellement non commerciaux, comme la santé, l‟enseignement, les services
pénitentiaires3.

En effet, jusqu‟à l‟apparition du concept de « gestion déléguée » et de « partenariat public


privé » la notion de concession connaissait une existence consubstantielle et sereine. A ce
titre, et concernant les textes législatifs marocains, on peut constater que la concession -terme
juridique- est utilisée dans plusieurs textes législatifs à caractère notamment sectoriels4.
Or, il s‟avère que depuis l‟apparition des contrats de partenariat public privé, la distinction
avec la gestion déléguée suscite des interrogations. C‟est donc avant tout, un objectif de
transparence et de sécurité juridique qui doit être poursuivi autant par le législateur, le juriste
que le chercheur.

Il semble, à priori, impossible d‟aborder la gestion déléguée et le PPP au Maroc -d‟un point
de vue conceptuel- sans être interpellé sur la conception que se fait le législateur marocain de
la concession. Etant entendu que le terme est consacré au niveau juridique par un certain
nombre de textes (à caractère sectoriels).
2
Dans la mesure où les anglais se vantent d‟avoir créer le PPP et être les initiateurs de la technique, les français
s‟accrochent à leur précocité en la matière : la délégation de service public « formulation française de la gestion
déléguée » étant d‟origine française est l‟inspiratrice de la création des PPP.
3
On va voir comment et combien certains pays ont été pionnier en ce domaine et ont pu monter des projets
viabilisés de PPP pour des secteurs non-marchands notamment les pays anglo-saxons.
4
- Dahir n° 1-05-146 du 20 chaoual 1426 portant promulgation de la loi n° 15-02 relative aux ports et portant
création de l'Agence nationale des ports et de la Société d'exploitation des ports (B.O. n° 5378 du 15 décembre
2005) ;
- Dahir n° 1-91-118 (27 ramadan 1412) portant promulgation de la loi n° 21- 90 relative à la recherche et à
l'exploitation des gisements d'hydrocarbures (B.O. 15 avril 1992) ;
- Dahir n° 1-04-256 du 25 kaada 1425 (7 janvier 2005) portant promulgation de la loi n° 52-03 relative à
l'organisation, la gestion et l'exploitation du réseau ferroviaire national (Bulletin officiel n° 5284 du 20 janvier
2005) ;
- Dahir n° 1-02-297 du 25 rejeb 1423 (3 octobre 2002) portant promulgation de la loi n° 78-00 portant charte
communale (Bulletin officiel n° 5058 du 21 novembre 2002) ;
- Dahir n° 1-95-154 du 18 rabii I 1416 (16 août 1995) portant promulgation de la loi n° 10-95 sur l'eau (Bulletin
officiel n° 4325 du 20 septembre 1995).

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§1- Partenariat de type purement contractuel : acte attributif


qualifié de concession

Il y a lieu de cerner le concept de « concession » et de dégager ses traits caractéristiques et


distinctifs par rapport aux autres modes de recours au secteur privé.

La question qui est posée est celle concernant ces textes sectoriels. Donnent-ils lieu à des
régimes spécifiques ?

La concession c‟est l‟octroi fait par l‟autorité souveraine d‟un droit, d‟une grâce, d‟un
privilège, d‟une faculté de faire. Les concessions sont ordinairement conditionnelles, elles
supposent l‟abandon d‟un droit qui ne peut être réclamé par d‟autres ou de la jouissance
exclusive de ce qui aurait pu être commun à plusieurs5.

En France, au XIX siècle, la théorie de la concession repose sur les éléments suivants :

- c‟est une concession de travaux publics conformément à la tradition historique ;


- celle-ci n‟est pas toujours clairement différenciée de la notion de marché public ;
- la notion n‟ignore pas celle de service public mais s‟y réfère peu et l‟englobe ;
- la théorie de la concession est basée sur la notion de stipulation pour autrui et sur la
volonté des parties, véritable loi du contrat.

On appelle concession, « le contrat qui charge un particulier ou une société d‟exécuter un


ouvrage public ou d‟assurer un service public, à ses frais, avec ou sans subvention, avec ou
sans garantie d‟intérêt, et que l‟on rémunère en lui confiant l‟exploitation de l‟ouvrage public
ou l‟exécution du service public, avec le droit de percevoir des redevances sur les usagers de
l‟ouvrage public ou sur ceux qui bénéficient du service public 6 ».

5
BEZANCON Xavier, Essai sur les contrats de travaux et de services publics – contribution à l‟histoire
administrative de la délégation de mission publique, Paris, L.G.D.J, 2001, p. 408.
6
ROUSSET M., Le Service Public au Maroc, Rabat, La Porte 1994, p. 61 et 247.
5
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S‟agissant du Maroc, le rachat des concessions était également dicté par le fait qu‟il s‟agissait
de sociétés dont les apporteurs de capitaux étaient étrangers, les sociétés elles mêmes étant
parfois étrangères.

Ainsi, l‟ensemble du secteur concédé a été repris et confié à des organismes nationaux,
publics ou privés : tel est le cas des chemins de fer, de l‟exploitation portuaire, du réseau
téléphonique en zone nord, de la production et de la distribution de l‟énergie électrique, des
transports urbains et de la distribution de l‟eau et de l‟électricité.

La caractéristique principale de la concession est qu‟elle fonde la distinction selon son objet,
ainsi et afin de délimiter les contours de la notion, il y a lieu de distinguer entre la notion de
concession de travaux publics et celle de service public.

A- Concession de travaux publics

La concession de travaux publics peut être définie comme étant un contrat présentant les
mêmes caractères que les marchés publics de travaux à l‟exception du fait que la contrepartie
des travaux consiste soit uniquement dans le droit d‟exploiter l‟ouvrage, soit dans ce droit
assorti d‟un prix7.

De cette définition, il ressort que le principal caractère distinctif de la notion de concession de


travaux réside dans l‟octroi du droit d‟exploiter l‟ouvrage comme contrepartie de la
construction de celui-ci. Ce droit d‟exploitation peut également être accompagné d‟un prix.

Ainsi, le droit d‟exploitation permet au concessionnaire de percevoir des droits sur l‟usager de
l‟ouvrage pendant une certaine période de temps.

La durée de la concession constitue dès lors un élément important de la rémunération du


concessionnaire. Ce dernier n‟est donc pas directement rémunéré par le pouvoir adjudicateur
mais, il obtient de celui-ci le droit de percevoir les revenus résultants de l‟utilisation de
l‟ouvrage réalisé.

7
Communication interprétative de la commission sur les concessions en droit communautaire 2000/C, journal
officiel des communautés européennes.
http://www.collectivites-locales.gouv.fr/files/files/c_09120080412fr00040009.pdf.
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Le droit d‟exploitation implique aussi le transfert de la responsabilité d‟exploitation. Une telle


responsabilité couvre à la fois les aspects, technique, financier et de gestion de l‟ouvrage 8.

Aussi, c‟est au concessionnaire qu‟incombe la tâche d‟effectuer les investissements


nécessaires pour que son ouvrage puisse être utilement mis à la disposition des usagers. C‟est
aussi à lui qu‟incombe le poids de l‟amortissement de l‟ouvrage. En outre, le concessionnaire
assume non seulement les risques liés à toute construction mais il devra supporter également
les risques inhérents à la gestion et à la fréquentation de l‟équipement 9.

B- Concession de services publics

L‟objet des concessions de travaux est par hypothèse différent de celui des concessions de
services. Ceci peut conduire à des différences en termes d‟investissement et de durée qui
peuvent exister entre les deux types de concessions.

Cependant, et compte tenu des éléments susmentionnés, un contrat de concession revêt en


général les mêmes caractéristiques quel que soit l‟objet sur lequel il porte.
En effet, comme pour les concessions de travaux, le critère de l‟exploitation constitue une
caractéristique essentielle pour déterminer si l‟on est en présence d‟une concession de
services.

En application de ce critère, une concession existe lorsque l‟opérateur supporte les risques liés
au service en cause (établissement du service et son exploitation) en se rémunérant sur
l‟usager, notamment par la prescription de redevances sous quelque forme que ce soit.

Comme la concession de travaux, la concession de service se caractérise par un transfert de la


responsabilité d‟exploitation.

8
Bezançon Xavier, Op. Cit. note (27), p. 363.
9
Laurent RICHER; “concession de service public, marchés publics de services”; In Périodique AJDA actualité
juridique; 2001; p 106.
7
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Enfin, la concession de service porte généralement sur des activités qui, de par leur nature,
leur objet et les règles auxquelles elles sont soumises, sont susceptibles de relever de la
responsabilité de l‟Etat et qui peuvent faire l‟objet de droits exclusifs ou spéciaux.

C- Délimitation entre concession de travaux et concession de services publics

Il est utile de déterminer dans quelle hypothèse l‟on se trouve en présence d‟une concession
de travaux ou d‟une concession de services, surtout s‟il s‟agit d‟un contrat mixte qui comporte
aussi un aspect de prestation de services.
C‟est d‟ailleurs presque toujours le cas en pratique, puisque le concessionnaire de travaux
publics rend souvent un service à l‟usager sur la base de l‟ouvrage qu‟il a réalisé.

En matière de délimitation du champ d‟application des concessions de travaux et de services,


il y a lieu de préciser que si les travaux sont accessoires et ne forment pas l‟objet du contrat,
ils ne peuvent justifier la classification du contrat comme concession de travaux.

Dès lors, il s‟agit avant tout de savoir si l‟objet principal du contrat porte sur la construction
d‟un ouvrage ou sur l‟exécution et la réalisation de travaux pour le compte du concédant ou
si, au contraire, ces travaux ou la construction de cet ouvrage ne sont qu‟accessoires par
rapport à l‟objet principal du contrat10.

Si le contrat porte, à titre principal, sur la construction d‟un ouvrage pour le compte du
concédant, il s‟agit d‟une concession de travaux.

A l‟opposé, un contrat de concession qui ne comporterait la réalisation de travaux qu‟à titre


accessoire, ou qui porterait uniquement sur l‟exploitation d‟un ouvrage existant, s‟analyse en
une concession de service

En réalité, les concessions ne représentent plus qu‟un des éléments d‟une catégorie
contractuelle plus large dénommée « gestion déléguée de service public ».

10
Bezançon Xavier, Op. Cit. note (27). p.67 ; 167.
8
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Le recours de plus en plus rare à la notion de concession la fait apparaître de plus en plus
dérogatoire au droit commun, compte tenu de ses règles spécifiques si ce n‟est les références
y afférentes dans certains textes législatifs sectoriels.

Cependant, il n‟est pas inutile de rappeler que le processus concessionnaire a permis de


réaliser de grandes opérations et le permet encore vu la possibilité accordée au législateur de
légiférer pour certains secteurs spécifiques, à côté du champ d‟application de la loi n° 54-05
susvisée.

Il ressort de ce qui précède que la distinction principale entre la concession telle que définie
ci-dessus et la gestion déléguée comme prévue par la loi, est que cette dernière ne peut porter
que sur des services publics, ne peut avoir pour objet qu‟une activité se rapportant à l‟exercice
de ses services, en plus du fait que l‟Etat en tant qu‟Organisme public est exclu de son champ
d‟application.

Il existe une sectorisation juridique des contrats de concession en droit marocain, chose qu‟il
faut éviter dans le cadre d‟un texte sur les contrats de PPP11.

De fait, l‟enjeu d‟équipement qui est sous-jacent au procédé et son importance économique
d‟autre part imposent de trouver des solutions aux questions soulevées.

§2- Partenariat de type purement contractuel : acte attributif


qualifié de gestion déléguée

Le fait que le législateur marocain ait opté pour cette formulation de gestion déléguée
préfigure l‟importance éventuelle accordée par celui-ci à la gestion en tant que moteur de
l‟activité économique beaucoup plus que son corollaire juridique de « déléguée » qui est une
notion de droit.

11
Cependant, une exception pourrait être admise en matière réglementaire lorsque certains secteurs nécessitent
une spécificité particulière au niveau des procédures et/ ou des cahiers des charges. A ce niveau, des décrets
sectoriels pourraient, le cas échéant, voire le jour.
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Cependant, cela peut dénoter uniquement d‟une volonté de se détacher de l‟option choisie par
le législateur français, à savoir, celle de « la délégation de service public ». Il est incontestable
que dans la formulation française, l‟accent est beaucoup plus mis sur le caractère juridique de
l‟opération à travers la consécration de la notion juridique de délégation qui a un sens affirmé
en droit civil12.

Au fait, le choix de la gestion déléguée ou de la délégation ne change en rien le statut des


parties au contrat qui gardent leur qualification de délégant et délégataire. Il s‟en déduit que la
distinction entre les deux concepts est purement d‟ordre terminologique et ne préfigure pas
d‟une différence de fond entre les notions.

A- Portée de la définition

La première question qui se pose est celle du pourquoi de la définition législative de la gestion
déléguée de service public, autrement dit, pourquoi figer la définition de la gestion déléguée
dans la loi ?

Un premier argument tiré de la sécurité juridique, réside dans la nécessité, de stabiliser le


droit et d‟éviter ainsi tout risque d‟interprétation. Cependant, le fait d‟avoir introduit dans la
loi une définition de la gestion déléguée de service public ne sert que très incomplètement la
sécurité juridique. En effet, l‟introduction de la définition de la gestion déléguée dans la loi
serait de nature à freiner l‟évolution du droit dans ce domaine 13. La loi cristallise, en effet, une
évolution qui, à beaucoup d‟égards, n‟était pas aboutie. Dès lors que la loi paraît moins
réactive aux évolutions de la société que la jurisprudence, elle ne paraît pas constituer le
support optimal d‟une définition de la gestion déléguée qui s‟adapte rapidement et
efficacement aux évolutions, notamment économiques 14. Toutefois, l‟autre argument, qui
paraît plus fondé, pour justifier l‟introduction dans une loi de la définition de la gestion
déléguée de service public, est un argument politique, lié au positionnement des pouvoirs
publics vis-à-vis des partenaires étrangers (via accords de libre-échange notamment et statut

12
Jean François THURI7RE; “ la délégation de service public: problématique du sujet pour le juge
administratif”; In AJDA actualité juridique; 1996; p 581.
13
Pierre DELVOLVE; “ les contradictions de la délégation de service public”; In AJDA actualité juridique;
1996; p 675.
14
Philippe TERNEYRE; “ la notion de convention de délégation : éléments constitutifs et tentative de
délimitation sommaire”; In périodique AJDA Actualité Juridique; 1996; p 588.
10
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avancé avec l‟UE), des bailleurs de fonds (Banque Mondiale, Fonds Monétaire International)
ainsi que le positionnement du Royaume dans la région MENA (Middle East and North
Africa). Il est incontestable qu‟il y a là – et il faut s‟en réjouir – une volonté du législateur
d‟adopter une position claire sur le périmètre de la gestion de la chose publique.

Un débat qui, par ailleurs, semble s‟être déplacé. Aux affrontements parfois idéologiques, sur
la notion même de service public 15, s‟est substituée une réflexion tournée vers les modes de
gestion. Le débat se situera au niveau des moyens juridiques propres à permettre à deux
partenaires, notamment un partenaire public et un partenaire privé, de faire jouer au mieux les
potentialités de leur partenariat. Il s‟agira en quelque sorte de déterminer comment le droit
peut, ou doit, favoriser les partenariats public/privé, pour employer un terme générique.

Aussi faut-il considérer que le fait, pour le législateur d‟avoir introduit dans la loi une
définition de la gestion déléguée a le mérite de montrer que les enjeux concernent
aujourd‟hui, à titre principal, les modes de gestion.

En second lieu, on est à même de s‟interroger sur les apports de cette définition ? Cette
définition comporte cinq éléments essentiels qu‟il est nécessaire de rappeler.

Le premier élément, peut-être le plus fondamental, et qui est parfois un peu contesté, c‟est
qu‟une gestion déléguée est un contrat. Le législateur confirme là clairement la suprématie de
la formule contractuelle qui consacre les principes de liberté contractuelle, renvoie à l‟idée de
négociations pour la conclusion du contrat et consacre l‟idée selon laquelle le contrat est la loi
des parties. Notons, à ce titre que le législateur renvoie implicitement à cette idée que le
contrat, en la matière, est beaucoup plus important que la loi elle-même.

Tout ceci, sous réserve que l‟on ne soit pas en présence d‟un véritable acte unilatéral mais
d‟un contrat à caractère bilatéral voire multilatéral.

Deuxième critère, ou deuxième élément de définition, ce contrat doit être passé par une
personne morale de droit public, le «délégant» ce qui semble exclure ou ce qui exclut
explicitement les personnes privées chargées de la gestion d‟un service public qui seraient

15
ROUSSET M, Op. cit note (28) , p.75.
11
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éventuellement tentées de concéder elles-mêmes ou de sous-concéder une partie de la gestion


déléguée dont elles sont titulaires.

Troisième élément, cette gestion est fixée pour une durée limitée. Généralement, ces contrats
sont conclus pour une longue durée, la probabilité de changement en cours de route est, par
conséquent, très fréquente. La limitation de la durée est aussi un élément essentiel prévue par
la loi, il s‟agit de contrats à durée déterminée dont la loi n‟a pas fixé la possibilité de
prorogation ou de renouvellement qui est par conséquent, laissé à la libre disposition des
parties dans le contrat.

Quatrième élément, la gestion déléguée doit avoir pour objet de confier la gestion d‟un
service public dont la personne publique a la responsabilité. De ce point de vue, peu importe
que l‟on soit en présence d‟un service public industriel ou commercial ou d‟un service public
administratif à caractère non commercial : le législateur n‟exclut pas la possibilité de déléguer
un service public administratif.

Cinquième élément, le délégataire peut être une personne morale de droit privé, mais aussi
une personne morale de droit public. En effet, et sous réserve de ces attributions propres et
des textes qui lui sont applicables, aucune personne morale de droit public ne peut se voir
refuser de se porter candidate à l‟attribution d‟un contrat de gestion déléguée de service
public.
Le dernier élément est la rémunération16. En effet, la loi n° 54-05 relative à la gestion
déléguée octroi au délégataire le droit de percevoir une rémunération sur les usagers et/ou de
réaliser des bénéfices sur ladite gestion (article 2).

Enfin, la loi ajoute, sans que cela soit essentiel à cette définition, que la gestion déléguée peut
également porter sur la réalisation et : ou la gestion d‟un ouvrage public concourant à
l‟exercice du service public délégué, ce qui n‟a rien d‟original, puisque c‟est depuis toujours
la caractéristique de la concession.

16
Bezançon X., op. cit note (27), p. 130.
- Les contrats de Partenariat : Guide méthodologique ; Ministère de l‟Economie, des Finances et de l‟Industrie,
version du 7 février 2011 (mission d‟appui à la réalisation des contrats de Partenariat), Paris, p.89.
12
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Le procédé de la gestion déléguée de service public permet en réalité à la personne publique


d‟agir par personne interposée, selon les dispositions du contrat. Cette technique permet de
lier intérêt général et libéralisme économique.

Il y a lieu également de se demander est-ce que cette définition est suffisante ou aurait-elle dû
être complétée par d‟autres éléments ?

B- Limites de la définition

Il faut reconnaître que l‟option privilégiée par le législateur est celle d‟une définition simple,
qui sans être élémentaire reste une définition qui s‟en tienne à l‟essentiel.

Il semble que la volonté du législateur était de s‟en tenir à une définition de la gestion
déléguée de service public, tout ajout apparaissait comme complexifiant inutilement ladite
définition. La simplicité et la brièveté de la loi faisant partie des objectifs que le législateur
voulait atteindre en reléguant au contrat les précisions éventuelles à apporter.

Il faut opter pour une approche qui combine l‟approche juridique et l‟approche économique,
pourquoi ? Parce qu‟il est désormais admis que des règles plus souples sont nécessaires pour
les concessions de service public. Il ne s‟agit pas seulement de la gestion déléguée d‟un
service public, mais de la gestion d‟une activité économique.

L‟on est, en effet, en présence d‟un phénomène économique différent. Faire un achat pour
l‟administration est une chose, organiser un service pour la collectivité en est une autre.
Quelle est la différence substantielle ? Il y en a énormément. Il y a la différence du contrôle
par exemple. En effet, l‟État continue d‟exercer un contrôle sur tout, sur les tarifs, sur les
modalités d‟exercice. De plus, il s‟agit normalement de relations qui s‟étalent sur de longues
durées : dix, quinze, vingt ans en fonction des secteurs et des contrats.

Le concept de gestion déléguée adopté au Maroc et son corollaire français de délégation de


service public a selon EL YAAGOUBI 17, été inventé par la doctrine pour regrouper
l‟ensemble des montages juridico-financiers élaborés en la matière. En d‟autres termes, la
17
EL YAAGOUBI M., Le concept de gestion déléguée, in REMALD n°30 janvier/ février 2000.
13
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gestion déléguée recouvre les différents modes de gestion préexistants comme la concession,
l‟affermage, la régie intéressée, la gérance… et les différentes conventions de délégation dont
l‟étendue se situe entre un maximum et un minimum.

Si le concept prétend regrouper une diversité de procédés hétérogènes, la question qui se pose
d‟elle-même à ce niveau, est celle de savoir pourquoi le législateur marocain n‟a pas spécifié
dans la loi les différentes formes que peut inclure la gestion déléguée ?

A notre sens, l‟esprit du législateur est celui de développer une liberté contractuelle mieux à
même d‟accorder un certain degré de latitude aux parties contractantes. Tel semble être l‟objet
de cette attitude adoptée par le législateur marocain vis-à-vis de la typologie de la gestion
déléguée.

Sur un autre plan, il y a lieu de préciser qu‟une autre limite à cette définition semble être celle
de son champ d‟application. En effet, le législateur a, de prime abord, et de la façon la plus
explicite possible, exclu l‟Etat du champ d‟application de la loi. Si le choix est déterminé, ses
soubassements restent cependant à préciser.

Si le droit national a accusé une nette amélioration et évolution en la matière, certaines


incertitudes demeurent cependant relatives notamment, à la persistance du contrat de
concession dans certains textes de lois, et à l‟absence de qualification juridique du contrat de
PPP.

Il se déduit de la présentation de la définition de la gestion déléguée que toute gestion


déléguée est un partenariat. Enfin, il y a lieu de signaler que les conventions de gestion
déléguée sont des contrats qui évoluent peu même si leur durée est longue. Ce qui représente
en soi une limite à leur évolution d‟où le besoin de chercher de nouvelles formules plus
souples et mieux adaptables.

§3- Partenariat de type purement contractuel : acte attributif


qualifié de PPP

14
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Les opérateurs publics disposent, mis à part les formules de concession et de gestion
déléguée, d‟un autre instrument juridique global facilitant des montages complexes et
innovants avec le secteur privé. La superposition de ce nouveau contrat aux autres instruments
déjà existants oblige à une comparaison plus systématique des divers modes de gestion et
nécessite de définir la notion même de PPP.

Etant entendu que le champ d‟application du contrat de partenariat est plus large que les
formes «traditionnelles».

Toutes les analyses présentent le PPP comme une solution intermédiaire en matière
d‟intervention publique : le PPP s‟insère entre les deux extrêmes que sont la fourniture de
service par l‟administration elle-même et la privatisation18.
Cela n‟empêche pas le développement un peu partout dans le monde d‟une thématique anti-
PPP fondée sur une assimilation entre PPP et privatisation, mais ces critiques reflètent une
conception purement politique du PPP. En dehors de ces controverses, les définitions, assez
diverses qui sont données du PPP ont un caractère plus descriptif que conceptuel et sont
d‟inspiration économique beaucoup plus que juridique.

Il est de coutume d‟appeler ces contrats de nouveaux. Or, le partenariat a toujours existé. De
ce fait, pourquoi cette nouvelle catégorie de contrats, pourquoi le qualificatif de nouveau et
pourquoi le terme de partenariat ?

Au fait, cette terminologie, désormais acquise, ne peut que heurter le juriste, d‟abord parce
que tout contrat est un partenariat, ensuite l‟expression est dépourvu de sens juridique et
désigne au mieux une sorte d‟idéologie contractualiste qui, d‟ailleurs, déborde le champ du
contrat19.

A- Origine des PPP : les PPP à la lumière du droit anglais

18
Anne BREVILLE; “Avantages comparatifs du contrat de partenariat par rapport aux autres contrats
complexes”; In périodique AJDA actualité juridique; 2014; p 1754.
19
Ss la direction de SEDJARI A., Partenariat public privé et gouvernance future, Rabat, l‟Harmattan 2005,
p.513.
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Après avoir largement adopté le modèle classique des concessions, certain pays, notamment
européens, se sont engagés dans des formes contractuelles nouvelles qu‟il est convenu de
désigner sous l‟appellation de PPP20.

Le concept de partenariat public privé est directement issu du droit anglo-saxon. L‟expression
« public private partnerships » apparaît dans les années 70-80 dans le cadre d‟opérations
d‟urbanisme aux Etats-Unis avant d‟être reprise en Angleterre dans les années 1990 dans un
sens légèrement différent 21. Elle vise les hypothèses dans lesquelles les partenaires privés sont
associés aux projets de l‟administration et à leur exécution. La principale ambition du Private
Finance Initiative (PFI) est d‟encourager le secteur privé à apporter d‟une part les capitaux
frais qu‟il peut injecter dans la construction d‟équipements publics, et d‟autre part, son
expertise pour la gestion optimisée de ces services publics. Le Trésor Britannique, dans son
premier rapport22, insiste sur deux éléments déterminants qui justifient l‟intérêt du PFI ; « le
secteur privé doit véritablement endosser le risque » et « le secteur public doit obtenir des
services au meilleur prix par l‟application du principe «best value for money 23» qui cherche
l‟optimisation des coûts d‟utilisation des équipements construits par le constructeur étant
chargé lui-même d‟exploiter l‟équipement, aura tout intérêt à concevoir et à construire un
ouvrage de qualité, moins coûteux à exploiter et dont la durée de vie sera plus longue 24.

Pour le Gouvernement britannique, les PPP visent trois hypothèses :


- les partenariats institutionnels (création de sociétés à capitaux publics et privés) ;
- les partenariats dans lesquels les entreprises conseillent les personnes publiques pour
la valorisation de leurs biens ;
- les contrats de Private Finance Initiative (PFI), qui sont la principale illustration de ces
PPP.

20
BERGERE F., BEZANCON X., GOULARD L., FONACCIARI M., Le guide opérationnel des PPP, le
Moniteur 3ème édition, Paris 2010.
21
Sébastien T., Dossier partenariat public-privé, in Cahiers de droit de l‟entreprise, revue n°4. juillet-août 2006.
22
HM TREASURY, A new approach to public private partnerships, décembre 2012, p.99.
http://cdn.hm-treasury.gov.uk/infrastructure_new_approach_to_public_private_parnerships_051212.pdf.
23
Value for money : la prestation efficiente des services doit être faite à l‟intérieur des ressources disponibles. La
justification du recours à un PPP plutôt qu‟aux autres modes de commande publique repose sur l‟idée
généralement acceptée selon laquelle un partage optimal des risques entre les partenaires public et privé
engendre un bilan coûts/avantages (critère dit de l‟efficience ou de la « value for money ») plus favorable pour le
secteur public et, in fine, pour la société.
24
Pentecoste J.et Villateau E., Les mêmes critiques peuvent être adressées au PFI britannique et aux PPP
français, in Le Moniteur 2013.
16
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La politique des contrats de PFI a été lancée en 1992 dans le but de favoriser l‟investissement
du secteur privé dans le cadre de contrats payés par les personnes publiques en particulier
dans le domaine des hôpitaux, écoles et prisons.

Actuellement, la plupart des auteurs comme le Gouvernement anglais lui-même considèrent


que les contrats de PFI englobent aussi les contrats plus anciens que sont les contrats proches
concessions et le droit français suit apparemment cette tendance.

Il est clair que la très grande spécificité du contrat de PPP nécessite un cadre juridique
autonome, dans un contexte juridique se complexifiant.

B- Essai de définition des PPP

Si le terme de PPP est familier aux économistes comme aux gestionnaires, les juristes ne l‟ont
en réalité découvert que très récemment, dès lors, qu‟il s‟est vu rattaché au domaine
contractuel, d‟où le qualificatif de notion pré-juridique.

En effet, toute la difficulté à appréhender le concept de PPP pour les juristes tient à ce qu‟il ne
recoupe pas la distinction marché-concession car il est issu non seulement du droit anglo-
saxon mais qui plus est de la pratique qui ne s‟embarrasse pas de classification juridique.

L‟initiative à financement privé telle qu‟elle a été créée en Grande Bretagne est une forme de
PPP qui marie un programme de commande publique dans lequel le secteur public fait
l‟acquisition d‟actifs auprès du secteur privé, avec une externalisation consistant en ce que des
services soient fournis par le privé. Le secteur public conserve un rôle essentiel, soit en tant
qu‟il est le principal acquéreur des services, soit parce que c‟est lui qui, pour l‟essentiel, rend
le projet réalisable. Il diffère du marché de prestations de services en cela que la personne
privée apporte aussi bien les actifs que les services, il diffère des autres PPP en ce que le
secteur privé apporte aussi le financement 25.

25
Les PPP : partager les risques et optimiser les ressources, Rapport OCDE, Op. cit note (14) p. 15.
17
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Les caractéristiques des contrats PPP sont multiples, en effet, il s‟agit de contrats
multifonctionnels, complexes, globaux et de longue durée. Ils peuvent en outre, recouvrir tout
ou partie de :
- la conception de l‟infrastructure et des services qu‟elle autorise ;
- le financement ;
- la construction ou la réhabilitation ;
- l‟exploitation/maintenance ou la gestion des ouvrages ;

In fine, le contrat PPP doit permettre un partage des risques plus ou moins étendu.
Ainsi, le contrat de partenariat est défini par son objet, comme il en est généralement de tous
les contrats spéciaux. Mais on peut s‟étonner que cet objet ne soit en rien nouveau :
concevoir un ouvrage, le réaliser, le financer, le gérer ainsi que certaines activités qu‟il
accueille n‟est en rien une nouveauté.

Ces équipements ou services sont gérés sous la responsabilité des opérateurs privés. La
philosophie de ces contrats est, en effet, de permettre à l‟administration de tirer profit des
capacités de gestion d‟une entreprise privée, tenue de trouver les financements les mieux
adaptés à son activité, voire d‟assurer aux équipements en cause des débouchés autres que
ceux qui répondent strictement aux besoins de l‟administration contractante.

Il en découle la possibilité offerte aux autorités administratives d‟exiger que la rémunération


soit étroitement liée à des critères de performance dans l‟exécution de la prestation et calculée
sur la durée du contrat.

Lorsqu„ils comprennent une part de construction, la contrepartie de la responsabilité de


l‟entreprise, est la latitude qui lui est laissée pour concevoir et bâtir l‟équipement que
l‟administration utilisera. L‟avantage pour l‟administration, est que l‟entreprise lui fournira un
service complet pouvant aller de la conception et la construction d‟un ouvrage, d‟un
équipement ou d‟un bien immatériel jusqu‟à son exploitation et sa maintenance.

18
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Dans le cas des contrats de partenariat, il s‟agit d‟équipements ou de services exigeant des
investissements importants assumés par la personne privée, et dont l‟exploitation n‟est pas
destinée à assurer la rémunération.

Le transfert de risques, caractéristique principale du contrat PPP permet au secteur public de


se décharger de la responsabilité globale de projets souvent complexes ; essentiellement, les
risques de conception, de construction, de délais dans l‟achèvement des travaux, mais aussi
les risques d‟exploitation qui relèvent entièrement du privé.

Ceci implique que toutes les parties (administration, banques, opérateurs…) tissent des
relations contractuelles complexes qui déterminent avec précision l‟ensemble des risques
identifiés et quelle partie les prend en charge, et qui engagent chacun dans des participations
ou des garanties mutuelles. De manière facultative, il peut contenir d‟autres prestations
concourant à l‟exercice de la mission de service public qui est de la compétence de la
personne publique cocontractante ainsi que tout ou partie de la conception des ouvrages26.
On comprend que la nouveauté est dans le caractère global de ces nouveaux contrats ; ils ont
vocation à accueillir à la fois des prestations de travaux et de services, mises à la charge d‟un
unique cocontractant, lui-même uni à l‟administration par un même et unique contrat.

Cet objet global est depuis longtemps admis et pratiqué dans la concession, et qui correspond
bien à un contrat de longue durée avec un prestataire unique dont les obligations vont de la
réalisation et du financement de l‟équipement commandé à l‟exploitation de celui-ci pour la
durée de la délégation. La seule différence étant -non pas l‟objet contractuel global- mais
uniquement dans le mode de rémunération qui, dans la concession, est constitué au moins à
titre principal par les produits de l‟exploitation de l‟ouvrage ou du service qu‟il accueille.
Le concept de PPP s‟inscrit dans un continuum reflétant la multiplicité des formes
contractuelles et financières permettant son adaptation à de nombreux secteurs et services. Il
se situe, de ce fait, entre deux modes de réalisation des infrastructures servant de base à la
délivrance de services. A l‟une des extrémités se trouve la commande publique traditionnelle,
régie le plus souvent par un corps de règles relevant du droit administratif. Quelle que soit la

26
BREVILLE A., Les contrats de partenariat public-privé -guide pratique-, éditions du secteur public, Paris,
2008, p.149.
19
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formule retenue, l‟empreinte de la personne publique est prépondérante. A l‟autre extrémité se


situe la privatisation qui, au contraire, donne au secteur privé la pleine propriété des
infrastructures servant de base aux services qui sont délivrés à des conditions de marché, dans
ce cas, la capacité d‟intervention de la puissance publique est réduite.

Alors qu‟une rapide référence au droit comparé montre que l‟expression « partenariat »,
appliquée aux modes de mise en œuvre des politiques publiques tend en général à recouvrir
l‟ensemble des moyens qu‟utilisent les administrations pour associer à leur action des
partenaires privés (concessions, gestion déléguée, affermage, PFI etc…), le contrat de
partenariat, dans la pratique marocaine, correspond à un type de contrat spécifique qui, pour
être récent, a déjà connu une évolution importante27.

Le PPP est une opération globale dans laquelle, le partenaire privé prend en charge tout ou
partie des prestations à différents stades du projet ; le contrat entre la personne publique et le
partenaire privé est dans tous les cas conclu pour une durée relativement longue.

Les spécialistes de la Banque Mondiale ont tendance à considérer que les contrats de PPP sont
des variantes de la concession, alors que ceux du FMI voient dans la concession une forme de
PPP28.

Mais, ces problèmes de vocabulaire perdent de leur importance dès lors qu‟il est possible
d‟identifier une forme juridique suffisamment caractérisée. D‟après la présentation de la
Banque Mondiale, la clef de la distinction entre les types de contrats de type concessif est le
transfert de risques29.
Le PPP implique une répartition des risques entre la personne publique et le partenaire privé.
Cette répartition s‟effectue au cas par cas et doit prendre en compte les capacités et
compétences de chaque partie. Le financement du projet est assuré en grande partie par le
partenaire privé même si des financements publics peuvent compléter les financements privés.

27
Plusieurs secteurs ont connu des expériences en PPP, on peut citer notamment, les secteurs de l‟Habitat, de
l‟Energie solaire, de l‟Agriculture, des Ports …etc. La nouveauté réside, cependant, dans la migration de ces PPP
vers les secteurs non-marchands notamment, le secteur de l‟Enseignement (construction d‟écoles) et le secteur de
la santé (construction d‟hôpitaux).
28
RICHER L., Un modèle international : l‟opération de PPP, cabinet RICHER & associés 2011,
http://www.cabinet-richer.com/articles/ppp-modele-international.htm.
29
Banque Mondiale ; Rapport annuel 1994 ; p.64.
20
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Le partenaire privé est rémunéré par la personne publique et cette rémunération est souvent
étalée dans le temps.

Derrière le vocable PPP et d‟après les critères présentés ci-dessus, il existe de nombreuses
possibilités de montages juridiques et financiers innovants correspondant aux critères retenus
généralement pour caractériser un PPP.

En outre, il y a lieu de relever que d‟un point de vue juridique, la notion est imprécise. En
effet, certains critiques contestent l‟usage du terme «partenariat» dans l‟expression
«partenariat public privé». Selon eux, des partenaires partagent en général les mêmes
objectifs, ce qui n‟est pas le cas des parties, publique et privée à un PPP compte tenu de leur
différence de nature30.

Plus précisément, le secteur privé cherche à réaliser un bénéfice lorsque l‟État a vocation à
rendre des services. Mais cette interprétation du «partenariat» est peut-être trop étroite. Une
définition plus large engloberait non seulement les cas où les partenaires ont les mêmes
objectifs, mais aussi ceux où, poursuivant des objectifs différents, ils n‟en sont pas moins
capables de les harmoniser de façon à ce que la réalisation des objectifs de l‟un suppose celle
des objectifs de l‟autre. Si un contrat PPP implique que le partenaire privé maximise son
bénéfice en fournissant efficacement un service, il constitue bien un partenariat, puisque les
deux parties – l‟État et l‟associé privé – atteignent leurs objectifs.

La spécificité du PPP est qu‟il ne repose pas sur un mécanisme unique appliqué à tous les
contrats mais se décline, au contraire, en fonction des circonstances et des spécificités de
chaque projet. Il se caractérise, de ce fait, par une grande souplesse qui fait en même temps
son originalité et sa nouveauté.
Il semble que l‟option selon laquelle le PPP peut s‟inscrire dans une grande variété de formes
juridiques s‟apparente à la logique 31. Une logique de flexibilité dictée par la contrainte
d‟aménager un soubassement juridique approprié à une situation économique compliquée.
L‟application des contrats de PPP offre, de ce fait, des montages juridiques multiples,
différents et adaptables.

30
Rapport OCDE, Partenariat public privé partager les risques et optimiser les ressources, Op. cit. note (14), p.
18.
31
Cabinet Richer, Op. cit. note (44).
21
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En outre, il est admis que le recours au PPP doit être sous-tendu par le caractère d‟urgence
et /ou de complexité du projet. Aussi, une standardisation internationale en la matière semble
être la meilleure voie à suivre, sous réserve du respect des spécificités propres à chaque pays,
lesquelles spécificités qu‟il y a lieu de sauvegarder.

On ne partage pas l‟avis de certains auteurs qui voient dans ces PPP de simples marchés
publics, qu‟il y a lieu d‟insérer dans la réglementation relative aux marchés publics 32. Il s‟agit
d‟une assimilation qui ne prend aucunement en compte la spécificité de ces contrats, les
marchés publics bien qu‟étant des contrats de prestations de services, présentent des limites
inhérentes à leur durée, à leur objet et à leur nature même 33.

Une réglementation de grande qualité, l‟accès aisé à l‟information, la concurrence, et des


procédures adéquates sont importants pour assurer le succès et la bonne utilisation des PPP.
Ce sont des aspects essentiels pour garantir que l‟intervention publique puisse corriger les
échecs du marché, sans qu‟il en résulte d‟autres erreurs imputables à l‟État. Dans des
circonstances défavorables, le coût d‟une réglementation médiocre et d‟une gouvernance
faible peut être très élevé.

Conclusion

Deux principes doivent être respectés pour assurer la réussite des contrats de gestion déléguée
et de PPP, il s‟agit de la transparence et l‟accès aisé à l‟information et un cadre juridique
approprié :

- Transparence et accès aisé à l’information :

La disponibilité de l‟information à toutes les étapes du contrat aide à améliorer la


transparence, la responsabilisation et la gestion des projets. Comme l‟illustrent les principes

32
Partenariat public privé et gouvernance future, ouvrage collectif sous la direction de Ali SEDJARI, Op. Cit.
note (35). p.244.
33
PPP : mode d‟emploi juridique et approche économique, IGD, Ed. la documentation française, Paris 2006,
p.21. http://www.fondation-igd.org/files/pdf/IGD_DF_modeemploi.pdf.
22
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directeurs pour la qualité et la performance de la réglementation, énoncés par l‟OCDE 34, la


transparence est un élément clé de la qualité en ce domaine. Cet organisme encourage même
le droit d‟accorder aux entreprises privées, l‟accès aux données de PPP provenant notamment
des appels d‟offres antérieurs et des évaluations de projets en cours. Ce qui serait en mesure
d‟améliorer les chances pour que la conception du projet et la modélisation compétitive soient
solides35.

- Cadre juridique :

Un moyen supplémentaire de limiter les risques est de prévoir un contrat aussi complet que
possible. Toutefois, on ne peut en pratique couvrir toutes les éventualités, surtout pour des
programmes d‟une durée de 25 à 30 ans, comme c‟est habituellement le cas des contrats de
PPP (beaucoup plus longs que ceux de la gestion déléguée). Les contrats étant incomplets par
nature, un cadre juridique solide est de ce fait essentiel, si et quand les dispositions
contractuelles s‟avèrent inadéquates pour répondre aux exigences du contrat et aux possibles
conflits entre les parties.

34
Rapport OCDE, Partenariat public privé partager les risques et optimiser les ressources, Op. cit. note (14),
p.126.
35
Le Royaume-Uni est l‟exemple d‟un pays qui a pris plusieurs initiatives pour augmenter la transparence. Il
diffuse des informations (souvent sur le site Internet du Trésor) concernant l‟état des paiements futurs prévus par
le contrat de chaque PPP, la valeur en capital des contrats déjà signés et en préparation, le répertoire des projets
achevés et comparaison de leur performance avec les anticipations, l‟évaluation de la performance des projets en
cours, le rendement des fonds propres réalisé effectivement par les investisseurs du secteur privé.
En Australie, les autorités publiques ont l‟obligation de publier les contrats dans un délai de trois mois suivant
leur signature. En outre, elles doivent communiquer un bref résumé du contenu du contrat, un rapport décrivant
l‟optimisation de la dépense publique et des informations sur les actifs à transférer au secteur privé, le coût total
et la base des changements futurs du prix, les dispositions concernant la renégociation du contrat, les détails du
partage des risques pendant les phases de construction et d‟exploitation, les garanties données par les deux
parties et les détails du comparateur du secteur public.
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Bibliographie

1- Livres :

- AUBY J.F, La délégation de service public, Paris, Edition Dalloz, 1997.

- BEZANCON Xavier, Essai sur les contrats de travaux et de services publics - contribution à
l‟histoire administrative de la délégation de mission publique, L.G.D.J, 2001.

- Jean-Yves Chérot, Droit public économique, Economica 2007, 1032 p.

- LICHERE François, Droit des contrats publics, Dalloz, Paris 2005, 129p.

- MONDOU Christophe ; Les Conventions de délégation de service public des collectivités


territoriales, Editions du papyrus 2006, 184p.

- NICINSKI Sophie, droit public des affaires, lexstenso éditions, 2009, 622p Paris.

- Olivier RAYMUNDIE ; Gestion déléguée des services publics en France et en Europe, le


Moniteur 1995, 407 p, Paris.

- Ali SEDJARI (sous la direction de), Partenariat public privé et gouvernance future, Ouvrage
collectif l‟Harmattan 2005, 513 p.

- PPP- mode d‟emploi juridique et approche économique, Ouvrage IGD sous la direction et la
coordination d‟Anne Bréville et Laure Boulard, Paris 2006, 284 p.

2- Périodiques :

- JAIDI Larbi, « La Délégation de service public », Bulletin du CMC, Numéro 31.

- Auby JF, « Le cas des contrats de partenariat, ces nouveaux contrats étaient-ils nécessaires ?
», RFDA novembre - décembre 2004. p. 1095.

- REMALD, Mohamed EL YAÂGOUBI, le concept de gestion déléguée, n°30, janvier/février


2000.
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3- Webographie

- Guide pratique sur les contrats de partenariat, Ministère des Finances, France :
http://minefe.gouv.fr/presse/dossiers_de_presse/mapp050527/pres_guide.pdf-Groupe

- Veolia : http://www.veolia-finance.com/historique.html.

- http://www.partenershipUK.org.UK.

- www.sgg.gov.ma.

- http://www.economie.gouv.fr/ppp/accueil.

- http://www.oecd.org/fr/

- http://www.eib.org/?lang=fr.

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