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> L'actualité de l'arrêt centaure routier du 31 mai 1967 au regard de la loi n°2020-968 du 17 décembre

2020 déterminant les attributions, la composition, l'organisation et le fonctionnement du conseil D'état

L'arrêt centaure routier est une décision rendue par la Cour suprême de Côte d'Ivoire le 31 mai 1967
dans l'affaire opposant la société des Centaures routiers à l'Etat de Côte d'Ivoire. Cette affaire concernait
la responsabilité de l'Etat pour les dommages causés aux véhicules de la société lors du débarquement
d'un bac sur la lagune. La Cour suprême a jugé que l'Etat était responsable du fait du dommage causé à
un usager par le fait d'un ouvrage public, sauf s'il prouve que l'ouvrage était normalement entretenu.
Elle a ainsi consacré le principe de la responsabilité sans faute de l'Etat du fait des ouvrages publics en
droit administratif ivoirien. La loi n°2020-968 est une loi organique adoptée par le Parlement ivoirien le
17 décembre 2020 et promulguée par le Président de la République le 14 janvier 2021. Elle détermine
les attributions, la composition, l'organisation et le fonctionnement du Conseil d'Etat. Le Conseil d'Etat
est la plus haute juridiction de l'ordre administratif en Côte d'Ivoire. Il a des attributions contentieuses et
consultatives. Il contrôle la légalité des actes administratifs et statue sur les litiges impliquant
l'administration. Il donne aussi son avis sur les projets de loi, les ordonnances et les décrets. Le sujet
nous invite donc à réfléchir sur l'évolution du droit administratif ivoirien depuis l'arrêt centaure routier
jusqu'à la loi n°2020-968. Dès lors, il se pose la problématique suivante :en quoi la loi n°2020-968
constitue-t-elle une rupture ou une continuité avec l'arrêt centaure routier ?

I) De la confirmation des principes posés par l'arrêt centaure routier par la loi n°2020-968

A) Le maintien du principe de la responsabilité sans faute de l'Etat du fait des ouvrages publics

L'article 65 de la loi n°2020-968 dispose que "lorsqu'un dommage est causé à un usager par le fait d'un
ouvrage public, la responsabilité du maître d'ouvrage est engagée, sauf s'il prouve que l'ouvrage était
normalement entretenu". Cette disposition reprend la formule de l'arrêt centaure routier et consacre
ainsi le principe de la responsabilité sans faute de l'Etat du fait des ouvrages publics comme une règle
générale du droit administratif ivoirien. Ce principe vise à protéger les usagers des risques liés à
l'utilisation des ouvrages publics et à garantir la réparation intégrale de leur préjudice. Il s'applique à
tous les ouvrages publics, qu'ils soient mobiliers ou immobiliers, corporels ou incorporels, et quels que
soient leur propriétaire, leur affectation ou leur mode de gestion.

B) Le renforcement du principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires

L'article 2 de la loi n°2020-968 dispose que "le Conseil d'Etat est l'une des institutions juridictionnelles
représentatives du pouvoir judiciaire. Il est la plus haute juridiction de l'ordre administratif". Cette
disposition affirme le caractère juridictionnel du Conseil d'Etat et son appartenance au pouvoir
judiciaire, conformément à la Constitution de 2016 qui dispose en son article 138 que "le pouvoir
judiciaire est représenté par la Cour suprême, le Conseil d'Etat, la Cour des comptes et les juridictions de
l'ordre judiciaire". Cette disposition consacre ainsi le principe de la séparation des autorités
administratives et judiciaires, qui implique que les litiges impliquant l'administration relèvent de la
compétence exclusive du Conseil d'Etat et non des juridictions de l'ordre judiciaire. Ce principe vise à
garantir l'indépendance et l'impartialité du juge administratif et à assurer le respect du droit par
l'administration.

II) La loi n°2020-968 innove par rapport à l'arrêt centaure routier

A) L'introduction du principe de la responsabilité pour faute de l'Etat du fait des actes administratifs

L'article 66 de la loi n°2020-968 dispose que "lorsqu'un dommage est causé à un usager par le fait d'un
acte administratif, la responsabilité du maître d'ouvrage est engagée si cet acte est entaché d'une
faute".Cette disposition instaure le principe de la responsabilité pour faute de l'Etat du fait des actes
administratifs, qui n'était pas reconnu par l'arrêt centaure routier. Ce principe implique que l'Etat ne
peut être tenu pour responsable des dommages causés par ses actes administratifs que s'il est
démontré qu'il a commis une faute dans leur élaboration ou leur exécution. Ce principe vise à limiter la
responsabilité de l'Etat et à préserver ses marges de manoeuvre dans l'exercice de ses missions d'intérêt
général.

B) La création du principe du recours préalable obligatoire devant le Conseil d'Etat

L'article 67 de la loi n°2020-968 dispose que "tout recours contentieux dirigé contre un acte
administratif doit être précédé d'un recours préalable obligatoire devant le Conseil d'Etat". Cette
disposition crée le principe du recours préalable obligatoire devant le Conseil d'Etat, qui n'était pas
prévu par l'arrêt centaure routier. Ce principe implique que tout usager qui souhaite contester un acte
administratif doit d'abord saisir le Conseil d'Etat pour qu'il examine la légalité de cet acte et qu'il rende
un avis motivé dans un délai de deux mois. Ce principe vise à favoriser le règlement amiable des litiges
et à réduire le contentieux administratif

**Conclusion**

En conclusion, nous avons vu que la loi n°2020-968 du 17 décembre 2020 déterminant les attributions,
la composition, l'organisation et le fonctionnement du Conseil d'Etat confirmait les principes établis par
l'arrêt centaure routier du 31 mai 1967 en matière de responsabilité sans faute de l'Etat du fait des
ouvrages publics et de séparation des autorités administratives et judiciaires. Toutefois, cette loi
introduisait aussi des innovations, comme le principe de la responsabilité pour faute de l'Etat du fait des
actes administratifs et le principe du recours préalable obligatoire devant le Conseil d'Etat. Ces
innovations visaient à limiter la responsabilité de l'Etat, à favoriser le règlement amiable des litiges et à
réduire le contentieux administratif. Ainsi, cette loi marquait une évolution du droit administratif
ivoirien, tout en respectant les fondements posés par l'arrêt centaure routier. Ce dernier demeurait
donc un arrêt fondateur et actuel du droit administratif ivoirien. Cependant, on peut se demander si
cette loi suffit à garantir l'effectivité du contrôle juridictionnel de l'administration et la protection des
droits des usagers. Peut-être faudrait-il envisager d'autres réformes, comme la création d'un tribunal
administratif de première instance ou la simplification des procédures administratives.

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