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Séminaire de droit constitutionnel

luxembourgeois
Prof. Dr. Luc Heuschling

Séance n°7 – La délimitation entre Loi et règlements


Cas pratique

(5.5.2023)

Julie Berna
Christina Bostani
Yiwen-Lucie Chen
I) Introduction : Enoncé des faits, des informations manquantes ainsi que le plan
d’action

Dans le cas ci-présent, notre client a été sanctionné par la Commission de surveillance du
secteur financier (CSSF) sur la base d’un règlement adopté par cette même institution en vertu
d’une habilitation légale très large. De surcroît, une seconde amende a été prononcée sur le
fondement d’une disposition réglementaire habilitant le Président de la CSSF à établir des
normes techniques et leurs sanctions par voie de circulaire. Face à ces sanctions, il est de notre
rôle de défendre les intérêts de notre client en examinant attentivement la légalité de ces actes
administratifs. Ainsi, dans le suivant, nous examinerons si les sanctions imposées à notre client
sont conformes à la Constitution et si les dispositions réglementaires sur lesquelles elles
reposent respectent les principes fondamentaux de notre système juridique.

Pour arriver à ces fins, il serait d’une grande utilité de s’interroger sur les questions qui se
posent déjà pendant la première lecture de notre énoncé.

D’abord, l’énoncé nous informe que notre client vient d‘être sanctionné par la CSSF. L'identité
et le statut juridique du client, ainsi que toute relation éventuelle qu'il pourrait avoir avec la
CSSF, restent inconnus. En vue de ce manque d’informations, la possibilité d’une stratégie de
défense plus personnalisée à la situation concrète est écartée.

Ceci nous dirige vers le deuxième acteur de notre cas pratique, à savoir la Commission de
surveillance du secteur financier (CSSF). Il s’agit ainsi d’un établissement public dont le rôle
est la surveillance des professionnels et des produits du secteur financier luxembourgeois1.
Plaçant le terme dans un cadre juridique, un établissement public est défini en tant que « toute
personne morale de droit public chargée par une disposition législative de gérer un ou plusieurs
services publics déterminés sous le contrôle tutélaire de l’État »2.

Ayant analysé dans la mesure du possible les acteurs principales du cas pratique, il serait
maintenant convenable de s’interroger sur des questions ambiguës qui se posent dans l´espèce.
Afin de pouvoir adéquatement répondre aux problèmes de notre client, nous comblerons des
lacunes potentielles par nos propres hypothèses si nécessaire.

1
Site internet officiel de la CSSF, disponible sous : https://www.cssf.lu/fr/la-cssf/
2
Décision du Gouvernement en conseil du 10 février 2017déterminant des lignes directrices pour la création
d’établissements publics, disponible sous : https://me.gouvernement.lu/dam-assets/fr/distinctions-
honorifiques/guide-de-redaction-etablissements-publics.pdf
Au préalable, l’énoncé nous informe sur le fait que notre client a d’abord eu une sanction, sans
préciser ni l’étendue, ni le type de la sanction. Dans une seconde analyse il nous manque
également des informations sur la nature et la gravité de l’infraction pour laquelle la CSSF a
sanctionné notre client. Par conséquent, on ne peut qu’établir des hypothèses à l’égard de la
justification et proportionnalité de la sanction prononcée contre notre client.

Nous visons alors à mettre en cause la conformité des mesures prises par la CSSF avec leurs
bases légales, à savoir le règlement et la loi énoncé dans le cas pratique. Il s’agit en outre
d’examiner de plus près la légitimité du règlement en soi ainsi que par conséquence la légitimité
de la loi habilitante, et de vérifier si la disposition législative a respecté le texte constitutionnel.

Nous placerons alors dans un premier temps le problème à lequel notre client fait face dans un
cadre juridique (II) et par la suite d’élaborer les stratégies de défense possibles ainsi que les
démarches possibles à suivre (III).

II. Placement du cas pratique dans un cadre juridique

Premièrement, la CSSF étant un établissement public créé par une loi en 19983, il est à
remarquer dans ce contexte que d´après l´art.108 de la Constitution actuelle, et son équivalent,
l´art. 129 de la nouvelle Constitution, les établissements publics peuvent être investis du
pouvoir de prendre des règlements, à la condition que la loi le lui accorde.

A la base de l´article 4 de la loi du 15 mars 2016 qui dispose qu´ « [u]n recours en pleine
juridiction est ouvert devant le Tribunal administratif à l’encontre des décisions de la CSSF et
du Commissariat aux assurances prises en exécution de la présente loi », nous proposons de
saisir le tribunal administratif.

Un recours en annulation devant le tribunal administratif serait cependant seulement


possible dans un délai de 3 mois après la publication de l´acte administratif contesté4. S´il
peut sembler peu probable que le règlement que nous allons attaquer était publié pendant les

3
Loi du 23 décembre 1998 portant création d'une commission de surveillance du secteur financier, Mém.A,
n°112, 24 décembre 1998,
ELI : https://www.legilux.public.lu/eli/etat/leg/loi/1998/12/23/n2/jo
4
G. RAVARANI, « Du bon (c’est-à-dire du mauvais) usage du pouvoir règlementaire », in Quo vadis droit
luxembourgeois ? Réflexions sur l’évolution des sources techniques et normatives, Promoculture-Larcier,
Windhof 2013, p.28.
3 derniers mois mais, c´est probable que notre client a reçu les deux sanctions, que nous
visons à contester, assez récemment. Nous prévoyons ainsi d´attaquer la validité de ces
dernières en contestant la légalité du règlement et en outre la conformité de la loi habitante
sur laquelle la CSSF fonde sa compétence de sanctionner notre client.
Les juges de n´importe quelle autre juridiction pourraient selon l´article 95 de l´actuelle
Constitution et article 102 de la nouvelle Constitution ne pas appliquer un règlement
contraire à la loi (exception d´illégalité) et que la constitutionnalité d´une loi ne peut être
jugée que de la Cour constitutionnelle qui devrait être saisie par renvoi préjudiciel.

III. Les démarches / stratégies possibles

A) Le pouvoir réglementaire dans les matières réservées

Tout d´abord, il importe de constater que la CSSF intervient ici dans une matière réservée
dans la mesure où elle émet des sanctions.
L´article 14 de la Constitution actuelle et désormais l´article 19 de la nouvelle Constitution
disposent que « [n]ulle peine ne peut être établie ni appliquée qu’en vertu de la loi »5.
En effet « la détermination des infractions et la fixation des peines, même administratives et
disciplinaires » sont qualifiées comme une matière réservée par la Constitution à la loi6. La
compétence d´y fixer des normes convient en principe au seul législateur, il y en a toutefois
des exceptions à ce principe.
Ainsi d´après l´article 32(3) de l´actuelle Constitution (Art.45(2) étant l´équivalent de la
nouvelle Constitution), qui dispose que « [d]ans les matières réservées à la loi par la
Constitution, le Grand-Duc ne peut prendre des règlements et arrêtés qu’en vertu d’une
disposition légale particulière qui fixe l’objectif des mesures d’exécution et le cas échéant
les conditions auxquelles elles sont soumises »7, la matière peut - sous condition que la loi
habilite expressément le Grand-Duc - être réglée de façon subsidiaire par des règlements.

C´est nécessaire de faire deux remarques à cet égard :


- Bien que l´article cité raisonne sur le pouvoir règlementaire du Grand-Duc, alors
que le règlement que nous contestons ici est un règlement adopté par un

5
Constitution du 17 octobre 1868 du Grand-Duché de Luxembourg, version consolidée au 19 mai 2020, Art.14.
6
M. BESCH, Normes et légistique en droit public luxembourgeois, Promoculture-Larcier, 2019, p.33.
7
Constitution du 17 octobre 1868 du Grand-Duché de Luxembourg, version consolidée au 19 mai 2020,
Art.32(3).
établissement public, il est généralement admis que l´art.32(3) ainsi que la norme
y énoncée s´appliquent aussi à l´article 108bis et donc aux établissements
publics8. Ceci a désormais été clarifié par la nouvelle Constitution par l´ajout de
l´Art.129(2) qui prévoit que « [d]ans la limite de leur objet, la loi peut leur
accorder la compétence de prendre des règlements. Dans les matières réservées à
la loi par la Constitution, ces règlements ne peuvent être pris qu’en vertu d’une
disposition légale particulière qui fixe l’objectif des mesures d’exécution et, le
cas échéant, les conditions auxquelles elles sont soumises »9.

- Même si après sa révision en 2016 cet article ne dispose plus explicitement que
le législateur doit obligatoirement préciser les conditions et modalités pour
l´exercice des mesures règlementaires comme c´était le cas après la révision
constitutionnelle de 2004, il est encore généralement admis (comme on peut le
constater dans les avis du Conseil d´Etat, dans la doctrine et dans la
jurisprudence) que la loi doit fixer les points essentiels dans une matière réservée,
voire le cadre normatif dans lequel le pouvoir règlementaire est habilité d´agir.
« [L]a volonté du Constituant, telle qu’elle ressort du rapport de la
Commission des institutions et de la révision constitutionnelle du 29 juin
2016, a été de sauvegarder « les compétences de la Chambre des Députés par
rapport au pouvoir exécutif » et d’exclure l’adoption de « simples lois cadre
fixant quelques grands principes et abandonnant l’essentiel des règles de fond
et de forme aux règlements d’exécution élaborés par le Gouvernement »10.
La question jusqu´à quel degré le législateur doit entrer dans les détails pour
couvrir les points essentiels d´une matière est - il faut l´avouer - assez
compliquée.

Prenant en considération les observations susmentionnées, nous constatons que la


formulation « La CSSF est habilitée à adopter tout règlement nécessaire à l’exercice de ses

8
Rapport de la Commission des institutions et de la révision constitutionnelle du 19 juin 2016 sur la proposition
de révision de l’article 32, paragraphe 3 de la Constitution, doc. parl. n° 6894/4, p.4.
9
Constitution du Grand- Duché de Luxembourg, version consolidée au 1 juillet 2023, art.129(2).
10
Avis du Conseil d’État du 27 octobre 2016 sur le projet de loi portant 1. transposition de la directive
2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 sur les contrats de crédit aux
consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et
2013/36/UE et le règlement (UE) n° 1093/2010; et 2. modification du Code de la consommation, doc. parl. n°
7025/3, p.6.
fonctions » est beaucoup trop général/ pas suffisamment précise, pour laisser deviner que
la CSSF est habilitée à édicter des sanctions à l´encontre des tiers. Il manque toute
précision face aux infractions qui seront poursuivies par la CSSF, ni peut-on y trouver les
sanctions possibles. En autres mots, la disposition sur laquelle est fondée le règlement en
question omet toute précision sur des points dits essentiels quant à l´exécution de la loi, tel
qu´exigée dans les matières réservées. En conséquence nous argumentons que la
disposition citée n´est point pertinente comme base légale pour les sanctions prononcées
contre notre client.

Nous affirmons sur ce point que ce serait inconstitutionnel pour une loi de laisser une si
grande marge discrétionnaire au pouvoir réglementaire dans une matière réservée par la
Constitution à la loi. La CSSF en vertu de ce règlement, basé sur la disposition légale citée
ci-dessus, se confère un excès de pouvoir dans une matière réservée, dans laquelle elle serait
en principe d´après la Constitution incompétente.
De l´un côté, on peut donc chercher la faute dans la loi habilitante, qui échoue à fournir les
éléments nécessaires. Pour mettre en cause la conformité de cette loi à la constitution, il faut
saisir la Cour Constitutionnelle. Selon le texte constitutionnel actuel ainsi que nouveau,
celle-ci ne peut être saisi qu’à titre préjudiciel par le juge du fond11. Il est en outre nécessaire
de désigner une disposition constitutionnelle spécifique que nous alléguons que la loi ci-
présente viole.
De l´autre côté c´est possible d´envisager que c´est la CSSF qui a étendu excessivement sont
champ d´action.
En tout cas, nous plaidons que les décisions individuelles de la CSSF, à savoir les deux
sanctions infligées à notre client, qui ont été prononcées sur base de ce règlement illégal,
soient annulées.

En réalité la question de délimiter les domaines de compétence respectifs de la loi et des


règlements peut être assez délicate. Les juges s´orientent à l´aide de certains points de repère
qui vont être évoqués dans la prochaine section.

Constitution du Grand-Duché de Luxembourg, version consolidée applicable au 19 mai 2020, l’article


11 11

95ter(2) et version consolidée applicable au 1 juillet 2023, l’article 112(2).


B) Motifs retraçables et principe de proportionnalité

Pour rappel, dans notre cas, il semble que notre client s’est vu infligé à la fois une sanction de
nature indéfinie et une amende par la CSSF.

La première sanction est basée d’après l’énoncé sur une loi qui autorise la CSSF à adopter tout
règlement nécessaire à l’exercice de ses fonctions, alors que la seconde est basée sur une norme
technique établie par le Président de la CSSF par voie de circulaire.

En examinant les dispositions en question, il convient de vérifier si elles sont en lien direct et
nécessaire12 avec le but poursuivi par le texte qui leur sert de fondement légal. N’ayant pas
identifié ce texte législatif nous pourrons seulement sur titre hypothétique argumenter que dans
le cas où ce texte existerait et que le règlement n’aurait pas un « lien étroit, direct et
nécessaire »13 avec celui-ci afin d’atteindre l’objectif visé par la loi, notre client aurait été
sanctionné sur des règlements excessives et inappropriées. De plus, le juge du Tribunal
administratif pourrait examiner si les dispositions règlementaires ont été prises dans l’intérêt
général et sur des motifs justes qui peuvent être retracés par des administrés intéressés et par le
juge14. En autres mots le juge doit s’assurer que le règlement sur lequel notre client a été
sanctionnée est bien compréhensible autant pour notre client que pour le juge lui-même.

En outre, il convient également de vérifier si les dispositions réglementaires utilisées afin de


sanctionner notre client respectent le principe de proportionnalité15. Le juge devrait dans ce
cas examiner si ces dispositions sur la base desquelles notre client a été sanctionné sont « dans
la mesure de l’objectif poursuivi »16 signifiant que ces dispositions devront être adaptées et
nécessaires pour atteindre l’objectif d’intérêt public visé par les dispositions règlementaires
sans outrepasser leur finalité sociale17 tout en respectant les droits et libertés des administrés.
Cependant, dans le cas où le juge estime que ces sanctions sont disproportionnées ou
injustifiées, il pourrait décider d’annuler ou de réduire les sanctions visant notre client.

En dehors de la légalité du fond du règlement, il convient aussi de se concentrer sur la légalité


de la forme.

12
M. Besch, (2019), Normes et légistique en droit public luxembourgeois, Promoculture-Larcier, Luxembourg,
p. 54.
13
Ibid, p. 54.
14
Ibid.
15
Ibid.
16
Ibid.
17
Ibid.
C) Examen de la légalité formelle du règlement

À travers le contrôle de la légalité externe/formelle du règlement, on peut mettre en cause la


validité de celui-ci. On met ici alors l’hypothèse que le règlement n’a pas suivi certaines
formalités importantes dans la procédure avant son entrée en vigueur, menant à une ou plusieurs
violations des règles de procédures. Il faut également examiner si la CSSF a respecté le cadre
juridique de leur compétence que le législateur lui a tracé.

On pose d’abord une question simple mais cruciale dans un tel cas : Est-ce que l’auteur du
règlement est habilité à émettre des actes du caractère réglementaire ?

Dans notre cas-ci, la réponse est positive, puisqu’il existe une disposition législative d’une
norme juridique hiérarchiquement supérieure du règlement qui lui confère le pouvoir
règlementaire dans un domaine spécifique. Selon l’article 108bis de la Constitution actuelle et
l’article 129 de la nouvelle Constitution, le législateur peut décider à doter aux établissements
publics comme la CSSF non seulement une personnalité civile, mais également le droit
d’émettre des règlements, tant qu’ils se trouvent « dans la limite de leur spécialité ».

Par suite de la vérification de cette réponse, il faut contrôler si les conditions de forme du
règlement ont été respectées. L’auteur doit avoir sollicité préalablement l’avis du Conseil d’Etat
et en cas échéant les avis d’autres autorités compétentes, sinon le règlement en question aurait
une irrégularité formelle18. Comme déjà mentionné au début, le règlement ne produit que des
effets juridiques s’il a été publié « dans la forme déterminée par la loi », selon l’article 112 de
la Constitution actuelle et l’article 113 de la nouvelle Constitution. Dans le cas où un ou
plusieurs de ces formalités n’ont pas été respectées, ceci nous permet de pouvoir introduire un
recours d’exception d’illégalité contre le règlement en question, selon l’article 95 de l’actuelle
Constitution et l’article 102 de la Constitution nouvelle. Bien qu’il existe également la
possibilité de demander l’annulation du règlement, une telle action est non seulement plus
difficile à accomplir dû à la rareté des recours directs contre des règlements, mais aussi dû au
délai imposé : il faut saisir le tribunal d’administratif dans les 3 mois suivant la publication du
règlement19.

18
G. RAVARANI, « Du bon (c’est-à-dire du mauvais) usage du pouvoir réglementaire », dans Quo vadis droit
Luxembourg ? Réflexions sur l’évolution des sources techniques et normatives, Promoculture Larcier, 2013, p.
23.
19
Ibid, p. 28.
On recommande alors de poursuivre une sanction indirecte contre le règlement, à savoir
l’exception d’illégalité. Ainsi, en cas de réussite, le juge déclara l’acte réglementaire en tant
qu’illégal et la norme litigieuse se voit refusée d’être appliquée20.

D) Arguments visant spécifiquement la seconde sanction : contester la base légale de l´amende


Quant à la circulaire qui sert comme justification de l´amende (deuxième sanction) infligée
à notre client, il se pose la question si elle est de force obligatoire.

Nous avons déjà établi que la CSSF est habilitée par la loi à prendre des règlements.
Néanmoins, la question se pose si cette habilitation s’étend spécifiquement au Président de
la CSSF. Vu que la seconde amende n’a pas été prononcée sous le nom de la CSSF, mais
spécifiquement au nom du Président de celle-ci, nous doutons qu’il est compétent d’émettre
ces normes et leurs sanctions. Nous pouvons alors contester la légalité de la disposition du
règlement qui habilite le Président à émettre cette seconde amende.

Comme le pouvoir réglementaire est d´attribution dans les matières réservées21, il se pose
la question si c´est possible de subdéléguer cette compétence à un autre organe que prévu
par la loi habilitante. La Constitution ne dit rien sur ce problème, mais l´alinéa 2 de l´article
76 de la Constitution interdit implicitement la subdélégation du pouvoir règlementaire par le
Grand-Duc à ses ministres dans les matières réservées, en omettant d´énumérer l´art.32(3)
bien qu´il prévoit explicitement que « [d]ans l'exercice du pouvoir lui attribué par les articles
36 et 37, alinéa 4 de la Constitution, le Grand-Duc peut, dans les cas qu'il détermine, charger
les membres de son Gouvernement de prendre des mesures d’exécution ». L’article 76 ne
s’applique donc pas à la subdélégation du pouvoir réglementaire d’attribution, même après
la révision constitutionnelle de 2004 qui a permis au Grand-Duc de subdéléguer son pouvoir
réglementaire d’exécution aux ministres22. Il est également à préciser que dans les domaines
désignés comme réservés à la loi par la Constitution, le règlement est censé de jouer un rôle

20
Ibid, p. 29.
21
P. SCHMIT et E. SERVAIS, Précis de droit constitutionnel, Luxembourg, Saint Paul, 2009, p. 167.
22
Rapport de la Commission des institutions et de la révision constitutionnelle du 4 mai 2004 sur la proposition
de révision portant 1. révision des articles 11, paragraphe (6), 32, 36 et 76 de la Constitution; 2. création d’un
article 108bis nouveau de la Constitution, doc. parl. n° 4754/6.
subalterne au législateur, en se limitant à seulement mettre en œuvre ce qui disent les
dispositions législatives23.

Si donc le Grand-Duc ne peut pas subdéléguer dans des matières réservées, on pourrait alors
envisager que dans la même logique, la subdélégation du pouvoir réglementaire à un organe
interne d´un établissement public dans des matières réservées n´est également pas permis.
Par conséquence, la circulaire en question serait en soi déjà illégale et donc à écarter.

23
A. STEICHEN, « Le domaine de la loi et du règlement », dans Gerkrath J. (dir.), La jurisprudence de la cour
constitutionnelle du Luxembourg 1997-2007, Luxembourg, Pas. Lux, 2008, p. 50.
Bibliographie

Législation :

Constitution du Grand- Duché de Luxembourg, version consolidée au 1 juillet 2023.

Constitution du 17 octobre 1868 du Grand-Duché de Luxembourg, version consolidée


au 19 mai 2020.

Loi du 23 décembre 1998 portant création d'une commission de surveillance du secteur


financier, Mém.A, n°112, 24 décembre 1998, ELI :
https://www.legilux.public.lu/eli/etat/leg/loi/1998/12/23/n2/jo

Avis du Conseil d’État du 27 octobre 2016 sur le projet de loi portant 1. transposition
de la directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 sur
les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage
résidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE)
n° 1093/2010; et 2. modification du Code de la consommation, doc. parl. n° 7025/3.

Rapport de la Commission des institutions et de la révision constitutionnelle du 19 juin


2016 sur la proposition de révision de l’article 32, paragraphe 3 de la Constitution, doc.
parl. n° 6894/4.

Rapport de la Commission des institutions et de la révision constitutionnelle du 4 mai


2004 sur la proposition de révision portant 1. révision des articles 11, paragraphe (6),
32, 36 et 76 de la Constitution; 2. création d’un article 108bis nouveau de la
Constitution, doc. parl. n° 4754/6.

Doctrine :

BESCH, M., Normes et légistique en droit public luxembourgeois, Promoculture-


Larcier, 2019, 696 pages.

RAVARANI G., « Du bon (c’est-à-dire du mauvais) usage du pouvoir règlementaire »,


in Quo vadis droit luxembourgeois ? Réflexions sur l’évolution des sources techniques
et normatives, Promoculture-Larcier, Windhof 2013, pp. 19-36.
SCHMIT P. et SERVAIS E., Précis de droit constitutionnel, Luxembourg, Saint Paul,
2009, 624 pages.

STEICHEN A., « Le domaine de la loi et du règlement », dans Gerkrath J. (dir.), La


jurisprudence de la cour constitutionnelle du Luxembourg 1997-2007, Luxembourg,
Pas. Lux, 2008, pp. 39-58.

Autres sources complémentaires :

Décision du Gouvernement en conseil du 10 février 2017 déterminant des lignes


directrices pour la création d’établissements publics, disponible sous :
https://me.gouvernement.lu/dam-assets/fr/distinctions-honorifiques/guide-de-
redaction-etablissements-publics.pdf

Site internet officiel de la CSSF, disponible sous : https://www.cssf.lu/fr/la-cssf/

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