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Wasselin Lucas n°41905787 Cons. Const., 18 mars 2009, n°2009-578 DC, §5 et §6.

Le Conseil Constitutionnel a rendu une décision en date du 18 mars 2009 relative aux modalités du
principe d’égalité devant les charges publiques, de rétroactivité ainsi que la compétence du
législateur dans la détermination du recouvrement des impositions.

En l’espèce, un projet de loi instituant une mobilisation pour le logement et la lutte contre
l’exclusion fut délibéré le 28 juillet 2008, il fut ensuite adopté par le Parlement, et ce définitivement
le 24 février 2009. Pourtant, les requérants notamment plus de soixante députés ont saisi le Conseil
Constitutionnel au motif que les articles 4, 61, 62, 64, 65 et 118 étaient illégaux.
Ainsi, les requérants faisaient valoir que le prélèvement institué par cette loi constituerait une
sanction à caractère fiscal et violerait le principe de non-rétroactivité au sens de l'article 8 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et la compétence du législateur au sens de l'article
34 de la Constitution au motif qu’il peut fixer « l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement
des impositions de toutes natures ». Les requérants contestaient également ce prélèvement au motif
qu’il remettrait en cause le principe de sécurité juridique et le principe d'égalité. Ils constataient les
articles 61, 64 et 65 qui porteraient une atteinte inconstitutionnelle aux contrats et méconnaîtraient
le principe d’égalité devant la loi au motif que cela viendrait favoriser la mobilité dans le parc de
logements locatifs sociaux.
De plus, ils contestaient l’article 62 de la loi a motif que le législateur n’avait en aucun cas épuisé sa
compétence en faisant renvoi au décret donc ce renvoi ne respectait pas l’exigence d’intelligibilité
et d’accessibilité de la loi.
Enfin, les requérants contestaient l’article 118 de la loi au motif que s’il limitait les déroutes de
gouvernance en limitant notamment le nombre de membres du conseil d’administration
d’administration, l’article instituait une procédure qui serait contraire à la Constitution.

Dans quelle mesure, une loi remettant en cause le principe d’égalité devant les charges publiques ne
peut être remise en cause au motif qu’elle institue des dispositions suffisamment précises et non
équivoques alors même que l’intervention du législateur constitue une incompétence négative ?

Pourtant le Conseil Constitutionnel dans cette décision du 18 mars 2009 censure l’article 4 et les
articles 61, 64 et 118 de la loi.
Le Conseil constitutionnel censure l’article 4 de la loi au motif que si le prélèvement institué par la
loi ne sanctionne pas le « manquement à une obligation fixée par la loi ou le règlement », il fait
partie de la notion d’impositions de toutes natures. Pourtant, si l’article 34 de la Constitution
identifie la compétence du législateur au regard de la détermination des impositions, le pouvoir
réglementaire peut édicter des mesures « nécessaires à la mise en œuvre de ces règles ».
Néanmoins, le législateur a habilité le pouvoir réglementaire à fixer l’assiette et le taux d’une
imposition méconnaissant ainsi sa compétence car le législateur avait laissé la possibilité au pouvoir
réglementaire de définir le champ d’application du prélèvement. L’article 4 de la loi est donc, selon
le Conseil Constitutionnel contraire à la Constitution.
Au regard de l’article 62 de la loi, que selon le principe d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi,
l’article 62 ne remettait pas en cause le principe d’égalité au motif qu’il était « suffisamment précis,
non équivoque ».
Enfin, le Conseil constitutionnel constate que les dispositions du 1° du III de l’article 118 de la loi «
n’avaient aucune relation directe » avec les dispositions la loi. Ainsi, cet article et ses dispositions
ont été censurés au motif qu’ils sont contraires à la Constitution.
Ainsi, le Conseil Constitutionnel censure certains des articles contestés par les requérants et a même
qualifié les articles 115 et 123 de cavaliers législatifs, toutefois il maintient l’article 62 de cette loi.

Cette décision identifie et limite la compétence du législateur, ce dernier ne pouvant habiliter le


pouvoir réglementaire à fixer le champ d’application et actions qui sont propres au législateur.
Elle définit la protection du principe de légalité, le principe de non rétroactivité et l’incompétence
négative du législateur fiscal. Pourtant, force est de constater qu’il faut écarter en l’espèce, le moyen
relatif à l’atteinte des conventions et la remise en cause du principe d’intelligibilité et d’accessibilité
même si ces notions sont intrinsèquement liées au principe d’égalité devant les charges publiques.

Dans quelles mesures, des dispositions fiscales instituant un prélèvement faisant partie de la notion
d’impositions de toutes natures peuvent êtres censurées au motif qu’elles remettent en cause la
compétence du législateur alors même que ce prélèvement n’institue aucune sanction ayant le
caractère de punition ?

Ainsi, le Conseil Constitutionnel définit strictement la compétence du législateur en censurant les


dispositions de l’article 4 au motif qu’elles constitueraient une incompétence législative en ce que le
législateur aurait habilité le pouvoir réglementaire à fixer les règles relatives aux impositions dont
son assiette doit être clairement établie (I). Pourtant, il apporte la qualification d’impositions de
toutes natures du prélèvement ne présentant pas les caractéristiques d’une sanction fiscale punitive
(II).

Ainsi, cette décision semble rappeler la notion de compétence, le législateur est selon l’article 34
compétent pour fixer les modalités de l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des
impositions de toutes natures. Cette disposition est législative, ce qui atteste de sa protection.
En effet, l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 considère que la
loi « est l’expression de la volonté générale », ainsi il n’est pas possible de donner à certains des
prérogatives que d’autres ne pourraient obtenir.
En effet, si l’impôt n’est pas facilement identifiable puisqu’il entre en contradiction avec la
définition juridique apportée, il reste pourtant considéré comme légitime et efficace, il est toutefois
considéré comme étant un prélèvement de nature fiscale que l’État opère sur les ressources des
personnes physiques et celles des personnes morales afin de subvenir aux charges publiques.
S’il n’existe pas tellement de contestation de la part des contribuables, c’est que l’imposition fait
l’objet d’une protection et permet d’être un moyen d’intervention dans la régulation de l’activité du
domaine économique et social.
Dès lors, la définition n’est toutefois pas complète, pour Gaston Jèze, l’impôt est une prestation de
valeur pécuniaire exigée des individus, pour couvrir des dépenses d’intérêt général. Pour Vedel,
l’impôt est une prestation pécuniaire prélevée régulièrement par voie d’autorité, sans contrepartie,
en vue de la couverture des charges publiques.

Ainsi, l’impôt fait donc l’objet de protection pour qu’il puisse être respecté, il est identifié dans le
préambule de la Constitution de 1958. Le Conseil constitutionnel est intervenu dans sa décision
Amicale des Annamites de 1971 afin de reconnaître la valeur constitutionnelle du préambule. Si le
préambule est reconnu, l’impôt qui est mentionné dans celui-ci est donc un principe constitutionnel
fiscal et fait donc l’objet de protection légale.

Toutefois, cette décision semble revenir sur le principe d’égalité devant l’impôt, selon l’arrêt du
Conseil d’État de 2004, c’est un principe général de droit et considère que tous les citoyens sont
donc traités de la même façon devant l’impôt. Tous les contribuables doivent être traités et protégés
de la même façon. Toutefois, ce principe est remis en cause, en effet selon Maurice-René Simonnet,
« la procédure d’agrément va à l’encontre du principe d’égalité des citoyens devant l’impôt » mais
peut l’être par un motif d’intérêt général justifiant une rupture d’égalité.

I. La détermination de la compétence du législateur, des dispositions illégales pour incompétence


négative
Le Conseil Constitutionnel rappelle dans cette décision la compétence du législateur, en l’espèce, le
requérants avaient contesté la disposition selon laquelle l’habilitation constituait un dépassement de
compétence pour le législateur. En effet, cela fut reconnu par le Conseil Constitutionnel comme
incompétence législative. Néanmoins, force est de constater la clarté des dispositions et l’assiette.

1) L’examen scrupuleux du respect de la compétence législative


Cet examen peut être rappelé en l’espèce car les requérants faisaient valoir que l’intervention du
pouvoir réglementaire dans les compétences du législateur remettait en cause les compétences de
ces acteurs et le principe d’égalité. En effet, la compétence du législateur est déterminée par l'article
34 de la Constitution au motif qu’il peut fixer « l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement
des impositions de toutes natures » alors que le pouvoir réglementaire ne peut selon l’article 37,
qu’édicter « les modalités d’application qui sont nécessaires à la mise en œuvre les règles
d’impositions ». Or, en l’espèce, le pouvoir réglementaire n’avait pas fixer les modalités
d’application relatives aux règles de l’imposition mais avait lui même fixait ces règles.
Il s’agissait d’une incompétence négative du législateur car l’habilitation permettait au pouvoir
réglementaire de fixer les règles concernant l’assiette du prélèvement.

L’incompétence négative du législateur fiscal est appréciée lorsque le législateur laisse au pouvoir
réglementaire le soin de définir l’assiette. Ainsi, cette incompétence négative n’est pas inédite et
semble rappeler la décision du Conseil d’État de 2010 Kimberly Clark au motif que l’incompétence
négative du législateur ne donne pas lieu à l’invocation d’une question prioritaire de
constitutionnalité sauf lorsqu’elle affecte un droit ou une liberté protégés par la Constitution. Ainsi,
les requérants pouvaient à bon droit contester la légalité de la loi qui instituait un tel prélèvement.

Ainsi, le Conseil Constitutionnel donne raison aux requérants en censurant les dispositions de
l’article 4 de la loi au motif que cela constitue une incompétence négative et remettrait en cause la
Constitution. Toutefois, cette décision semble rappeler le respect subsidiaire de la clarté des règles
et des modalités établies à l’égard de l’assiette et du prélèvement.

2) Une clarté des dispositions du prélèvement et de l’assiette exigée


Le Conseil Constitutionnel n’emploie pas de termes précis dans les considérant 5 et 6 de la décision
du 18 mars 2009 néanmoins, il rappelle les mesures d'application et la mise en œuvre de ces règles.
En effet, le Conseil Constitutionnel a, dans une décision de 1985, annulé un impôt au motif que
l’assiette n’était pas « clairement déterminée par la loi ». Ainsi, par ce motif, la loi contesté dans
cette décision de 1985 ne pouvait être conforme à l’article 34 de la Constitution au motif qu’il n’a
pas fixé les règles de l’assiette de l’impôt conformément à la Constitution.En l’espèce, dans la
décision de 2009, la notion de potentiel financier n’était pas définie, ce qui pour beaucoup ont donc
remise en cause le principe de clarté des dispositions du prélèvement et de l’impôt.
En effet, selon M. Badré « à cette assiette imprécise devait s’appliquer un taux dont la définition
était également renvoyé au décret » ou encore selon Mme Terrade « On nous met donc dans la
situation de devoir légiférer sans simulations, sans précisions réelles sur le barème du prélèvement.
Cela commence à faire un peu beaucoup pour un seul article ! Si l’on y ajoute une pincée de
rétroactivité, un risque de voir le prélèvement frapper des organismes sortis d’un plan de
redressement à moyen terme et une opacité globale sur l’utilisation des fonds, le tour est joué ! »
Ces auteurs dénoncent ainsi l’imprécision même de l’article 4 de la loi contesté dans la décision du
Conseil Constitutionnel du 18 mars 2009. Enfin, cet article prévoyait un prélèvement qui reposait
sur un « potentiel financier » « calculé, selon un taux progressif fixé par décret » sur ses « deux
derniers exercices sans pouvoir excéder le tiers ». Ainsi, les règles d’application de l’assiette et du
prélèvement fixées par la loi étaient contestables au motif qu’elles étaient imprécises et indigestes.

Néanmoins, le Conseil Constitutionnel apporte la qualification d’impositions de toutes natures du


prélèvement ne présentant pas les caractéristiques d’une sanction fiscale punitive.
Il identifie une remise en cause du principe d’égalité devant les charges publiques.
II. La précision de la qualification d’imposition de toutes natures du prélèvement ; une remise en
cause du principe d’égalité ?
Le Conseil Constitutionnel identifie dans cette décision le prélèvement comme n’étant pas une «
sanction ayant le caractère d’une punition » mais une « imposition de toutes natures » selon l’article
34 de la Constitution. Néanmoins, il existe une remise en cause du principe d’égalité invoqué aussi
bien au regard de la compétence du législateur que par la rétroactivité des dispositions dont ce
dernier moyen est rejeté.

1) Une identification relevée du prélèvement comme imposition de toutes natures


En l’espèce, les requérants considéraient que les dispositions de la loi étaient illégale et remettaient
en cause le principe d’égalité des charges publiques protégé à l’article 13 de la Déclaration des
droits de l’homme. En effet, ces dispositions instituaient, selon eux, un prélèvement qui revêtait un
caractère de sanction fiscale. Pourtant, la décision du Conseil constitutionnel est différente, il ne
qualifie pas ce prélèvement comme sanction fiscale mais comme imposition de toutes natures en
estimant que seule une répression à un manquement d’une obligation fixée par une loi ou par un
règlement est une sanction fiscale. De plus, le Conseil Constitutionnel considère qu’il ne peut s’agir
d’une sanction fiscale lorsque le but poursuivi par la loi en question était « une mutualisation des
ressources destinées au logement social tout en encourageant les organismes HLM à développer
leurs investissements ». Ainsi, par cette qualification, le Conseil Constitutionnel considère qu’il
s’agit d’une imposition incitative qui fait partie de la catégorie des « impositions de toutes natures
». Toutefois, le Conseil Constitutionnel définit ce prélèvement comme étant imprécis au motif qu’il
n’était évoqué que comme « potentiel financier annuel moyen » mais qu’il incombait aussi au
décret de déterminer les modalités et les règles de l’assiette relatives au prélèvement institué par la
loi.

Ainsi, le Conseil Constitutionnel identifie le prélèvement comme imposition de toutes natures mais
apporte une précision au regard de la légalité du prélèvement institué par la loi litigieuse
et la violation du principe d’égalité devant les charges publiques.

2) Une violation du principe d’égalité et des principes constitutionnels ; une censure justifiée
Le Conseil Constitutionnel remarque une violation des principes instituant les compétences du
pouvoir réglementaire qui en dépassant sa compétence et étant habilité, entache les dispositions
d’une violation de l’article 34 et de la Constitution.
Pourtant, les requérants faisaient également valoir que le prélèvement présentait une sanction à
caractère fiscal qui violait aussi bien le principe d’égalité devant les charges publiques, le principe
de sécurité juridique et le principe de non-rétroactivité des lois plus sévères selon l’article 8 de la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.En effet, le principe d’égalité devant l’impôt est
protégé et ce par l’article 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen mais aussi par la
décision du Conseil d’État de 1923, Couitéas selon lequel le principe s’apprécie pour l’ensemble
des prélèvements obligatoires. Néanmoins, le législateur peut déroger au principe d’égalité en
matière fiscale lorsque des traitements différents sont pris en compte en vu d’une différence de
situations justifiée par des mesures d’intérêt général.
Encore faut-il savoir si la loi instituait des différences justifiées par un motif d’intérêt général, et ce
par un contrôle de cohérence au regard des critères rationnels et des objectifs poursuivis tout en
s’assurant par le contrôle de proportionnalité, que la différence de traitements n’est pas
disproportionnée. La contestation du principe de non-rétroactivité n’est pas acceptée car il n’existe
pas de principes constitutionnels de non rétroactivité selon la décision du Conseil Constitutionnel de
1980. Toutefois ce refus peut développer le débat de l’inscription d’un principe constitutionnel de
non rétroactivité de la loi selon Olivier Fouquet. Ainsi, par l’absence de réelle définition de
l’assiette du prélèvement institué par la loi, par u champ d’application disparate du champ
d’application de l’imposition que le Conseil constitutionnel censure les dispositions de l’article 4 de
la loi et donne en partie raison aux requérants.

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