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16 Droit Administratif
COMPIN Sascha 22202557
L’arrêt Sarran et Levacher, rendu par le Conseil d’Etat le 30 octobre 1998, est un arrêt
essentiel en matière de hiérarchie des normes puisqu’il affirme la suprématie de la Constitution
sur les normes internationales dans l’ordre juridique interne.
Dans cet arrêt Sarran et Levacher, le Conseil d’Etat précise clairement la place de la
Constitution et des traités internationaux dans la hiérarchie des normes internes, pour ce faire,
il rend tout d’abord compte de l’impossible contrôle de conventionnalité du décret à valeur
constitutionnelle (I) avant d’affirmer la suprématie de la Constitution sur les engagements
internationaux dans l’ordre interne (II)
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Tout d’abord, il convient de s’attarder sur les moyens des requérants ayant soutenus que
le décret du 20 aout 1998 est contraire à des normes conventionnelles. En effet, l’article 3 du
décret dispose que « Conformément à l'article 76 de la Constitution et à l'article 2 de la loi du 9
novembre 1988 [..] sont admis à participer à la consultation du 8 novembre 1998 les électeurs
inscrits à cette date sur les listes électorales du territoire et qui ont leur domicile en Nouvelle-
Calédonie depuis le 6 novembre 1988 » par conséquent, un corps électoral restreint pour la
consultation est établi par la commission administrative. Le décret est donc en contradiction
avec les articles 2, 25 et 26 du pacte des Nations unies sur les droits civils et politiques, de
l'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales (CEDH), ces dispositions étant relatives au droit civils et politiques. Les
requérants souhaitent donc que le juge administratif opère un contrôle de conventionalité, celui-
ci ayant accepté d’effectuer ce contrôle sur les actes administratif depuis 1989, avec l’arrêt CE
20 octobre 1989 Nicolo, afin de faire annuler le décret et donc faire prévaloir dispositions
externes. De plus, les requérants avançaient que ces mêmes articles 3 et 8 du décret ainsi que
l’article 76 de la Constitution étaient non conformes à plusieurs normes constitutionnelles
relatives aux principes d’égalité du suffrage dont l’article 3 de la Constitution et les articles 1
et 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ce qui pouvait dès lors poser la
question d’un contrôle de constitutionnalité de cet acte administratif.
Le Conseil d’Etat écarte premièrement la possibilité d’un contrôle de constitutionnalité du
décret en répondant que « les articles 3 et 8 dudit décret font une application exacte de l'article
76 de la Constitution qui est entendue déroger aux autres normes de valeur constitutionnelle
relatives au droit de suffrage » ce qui signifie que les dispositions du décret sont bien conformes
à la Constitution. De par cette interprétation, le Conseil d’Etat déclare qu’un article spécial de
la Constitution peut déroger à des normes constitutionnelles générales, mais aussi qu’il n’y a
pas de hiérarchie parmi les dispositions constitutionnelles, ainsi la DDHC ne peut primer sur
un article spécial de la Constitution.
Concernant le contrôle de conventionnalité et l’application des normes internationales sur les
dispositions supposément discriminantes, le moyen est écarté par le Conseil d’Etat puisque dans
son considérant, il déclare « qu’un tel moyen ne peut qu'être écarté dès lors que par l'effet du
renvoi opéré par l'article 76 de la Constitution aux dispositions dudit article 2, ces dernières ont
elles-mêmes valeur constitutionnelle. » Ainsi, les dispositions de la loi du 2 novembre 1988 et
les articles du décret du 20 aout 1998 ont une valeur constitutionnelle puisque l’article 76 de la
Constitution s’y réfère.
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Par conséquent, un contrôle de conventionnalité par le juge administratif est impossible puisque
l’acte administratif qui aurait pu être contrôlé par le Conseil d’Etat devient une norme à une
valeur constitutionnelle limitant ainsi l’office du juge.
II. La primauté de la Constitution dans l’ordre juridique interne sur les traités internationaux
Le Conseil d’Etat en affirmant dans son considérant de l’arrêt Sarran et Levacher que la
suprématie des traités internationaux ne s’applique pas dans l’ordre interne sur la Constitution,
« que si l'article 55 de la Constitution dispose que les traités ou accords régulièrement ratifiés
ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois sous réserve,
pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie, la suprématie ainsi conférée
aux engagements internationaux ne s'applique pas, dans l'ordre interne, aux dispositions de
nature constitutionnelle » fut le premier arrêt concrétisant la primauté de la Constitution dans
l’ordre interne en cas de conflits de normes.
Ainsi, nous devons noter que par cet arrêt, le Conseil d’Etat expose la responsabilité de la
France à des poursuites devant la Cour de Justice de l’Union européenne qui avait auparavant
dans son arrêt Handelsgesellschaft en date du 17 décembre 1970 clairement indiqué que le droit
constitutionnel des Etats devait se soumettre au droit communautaire. Néanmoins, cela n’a pas
empêché que l’arrêt Sarran soit confirmé s’agissant du droit de l’Union Européenne dans CE,
3 décembre 2001, Syndicat national de l’industrie pharmaceutique. Au sein de cet arrêt, le
Conseil d’Etat affirme que la suprématie du droit de l’Union Européenne ne saurait prévaloir
sur la Constitution dans l’ordre interne, réaffirmant donc sa primauté de normes suprême dans
l’ordre juridique français.
Par ailleurs, l’ordre judiciaire a également rendu un arrêt suivant le sens de la décision de Sarran
et Levacher, prouvant l’efficacité d’un dialogue des juges cohérent dans le sens d’une
jurisprudence précise. En effet, l’arrêt en question date du 2 juin 200 rendant par la Cour de
cassation en assemblée plénière « Affaire Fraisse », dans son arrêt la Cour de cassation pose la
solution de principe selon laquelle la Constitution prime sur une norme internationale ou
européenne en cas de conflit de norme dans l’ordre interne devant le juge judiciaire.
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Bibliographie :
Les grands arrêts de la juridiction administrative, Dalloz, 1999
Les grands arrêts de la juridiction administrative, Dalloz, 2013
Droit administratif 2022-2023, Memento, 2022
Droit administratif 2021-2022, J-C Ricci, F. Lombard, 2021
Conseil d’Etat https://www.conseil-etat.fr/decisions-de-justice/jurisprudence/les-grandes-
decisions-depuis-1873/conseil-d-etat-assemblee-30-octobre-1998-sarran-et-levacher
D. Alland, Consécration d’un paradoxe : primauté du droit interne sur le droit international,
RFD adm. 1998
RFDA 1998, p. 1086
B.Matthieu, M. Verpaux L’accord de Nouméa, l’arrêt Sarran et ses suites, RFDA, 1999
P. Jan, L’immunité juridictionnelle des normes constitutionnelles, LPA, 2000