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Les textes à commenter sont relatifs à la théorie de l’écran législatif .

Ils sont composés de deux


arrêts du Conseil d’Etat de la République Française. Le 1 er a été rendu le 06 novembre 1936 tandis
que le second a été rendu le 17 mai 1991.

Des faits du premier arrêt , il ressort qu’en l’espèce, le requérant Monsieur Arrighi avait été mis
d’office à la retraite suite à l’adoption, par le ministre de la guerre, d’une décision prise en vertu de
l’article 2 du décret du 10 mai 1934 qui autorisait la mise d’office à la retraite des fonctionnaires
ayants cumulés les trente années de service exigées. Monsieur Arrighi, dans les faits, remplissait
parfaitement cette condition temporelle parce qu’il avait travaillé dans l’armée durant une certaine
période.

Monsieur Arrighi contestera néanmoins cette décision car selon lui, il ne satisfait pas les conditions
fixées à l’article 2 du décret du 10 mai 1934 , décret pris sur le fondement de l’article 36 la loi du 28
février 1934.

Parmi ses principales prétentions, Monsieur Arrighi soutient avant toute chose que l’article 36 de la
loi du 28 février 1934 est contraire à la Constitution et qu’en conséquence, il doit être procédé d’une
part à son abrogation et d’autre part à l’annulation du décret du 10 mai 1934 adopté car, d’après lui ,
ce décret a été pris sur le fondement d’une loi dont les dispositions seraient contraires à la
Constitution.

Dans le second arrêt ,il ressort qu’en l'espèce, M. Quintin, avait adressé au préfet du Finistère,
défendeur en l’espèce, une demande en vue de l’obtention d’un certificat d’urbanisme pour la
construction de maisons d’habitation . Toutefois, le certificat lui avait été refusé par une décision du
préfet en date du 15 novembre 1985 sur le fondement de l’article R 111-14-1 d’un décret pris en
application de l’article L 111-1 du Code de l’urbanisme. Le requérant avait alors décidé de saisir le
tribunal administratif de Rennes d’une demande d’annulation du certificat négatif du préfet du
Finistère. Néanmoins, il fut débouté par le jugement du tribunal du 18 mai 1988. Suite à ce refus de
faire droit à sa demande, M. Quintin avait formé un pourvoi devant le Conseil d’État. Le 17 mai 1991,
le conseil d’État avait rendu un arrêt confirmatif rejetant la requête d’annulation du demandeur au
pourvoi.

Cependant, le Conseil d’État avait pris le soin de vérifier la conformité de l’article R 111-14-1 à la
Constitution alors même que ce dernier règlement avait été pris en application de l’article L 111-1 du
Code de l’urbanisme , suspecté d’être inconstitutionnel.

En substance, dans l’arrêt Quintin, le requérant prétend que la décision du préfet est illégale, car
fondée sur une base légale contraire à la Constitution, en l’occurrence, l’article R 111-14-1, pris lui
aussi en application de l’article L 111-1 du Code de l’urbanisme. Il était donc demandé au Conseil
d’État de s’interroger sur la légalité de la décision du préfet et par conséquent sur la conformité du
certificat d’urbanisme négatif avec le droit de propriété, ainsi qu’avec la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme.

Si l’on s’en tient aux prétentions des requérants dans les deux arrêts , il est alors légitime de se
demander si le Conseil d’État est il compétent pour contrôler la constitutionnalité d’un règlement
pris sur le fondement d’une loi ?

Par son arrêt Arrighi rendu le 6 novembre 1936 la Haute juridiction de l’ordre administratif rejette la
requête introduite par le sieur Arrighi et se déclare incompétente pour contrôler la conformité du
décret (I)
Quand à L’arrêt Quintin , il marque une évolution en donnant au Conseil d’Etat la possibilité, dans
une hypothèse bien précise de contrôler le règlement par rapport à des normes supra législatives (II)

I- L’INCOMPÉTENCE DU CONSEIL D’ÉTAT POUR CONTRÔLER LA CONSTITUTIONNALITÉ


D’UN RÈGLEMENT PRIS SUR LE FONDEMENT D’UNE LOI.

Un règlement fondé sur une loi ne peut être contrôlé constitutionnellement par le conseil d’État car
cela relève du conseil constitutionnel (A). De plus cette incompétence est aussi basée sur la nature du
règlement (B)

A- UNE COMPÉTENCE EXCLUSIVEMENT RÉSERVÉE AU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

Il ressort de l’arrêt Arrighi que Le Conseil d’État soutient que le juge administratif est totalement
incompétent pour exercer un contrôle de constitutionnalité des lois car, d’après lui, la faculté de
contrôler la constitutionnalité des lois reste la compétence exclusive et l’apanage du Conseil
constitutionnel.

Cela signifie que la haute juridiction administrative considère ainsi que le contrôle de
constitutionnalité d’un décret pris sur le fondement d’une loi ,loi à laquelle ce décret est conforme
ne relève pas de son champ de compétences mais exclusivement de celui du Conseil constitutionnel
car la loi fait écran entre le décret et la Constitution et il est interdit au juge administratif de se
prononcer.

Dans sa présente décision le Conseil d’État décline sa compétence lorsqu’il soutient précisément
que : “Considérant qu’en l’état actuel du droit public français, ce moyen n’est pas de nature à être
discuté devant le Conseil d’État statuant au contentieux.”

En conséquence, le conseil d’État précise que l’article 2 du décret du 10 mars 1934 est bel et bien
applicable à la situation de Monsieur Arrighi car d’une part le requérant a parfaitement accompli la
durée minimale de service qui était exigée afin de mettre d’office un fonctionnaire à la retraite (une
durée de trente ans) et d’autre part le Conseil d’État se reconnaît incompétent pour contester la
constitutionnalité du décret du 10 mai 1934 fondé sur la loi du 28 février 1934 , qui, en conséquence,
reste en vigueur et applicable de plein droit.

Par ailleurs, la nature du décret du 10 mai 1934 à un impact sur l’incompétence du Conseil d'État

B- UNE INCOMPÉTENCE BASÉE SUR LA NATURE DU RÈGLEMENT.

On distingue 2 types de règlements :

D’une part le règlement autonome , qui est un texte réglementaire (décret, arrêté, ordonnance,
réglementation) édicté en dehors de toute loi ; et d’autre part le règlement d’application encore
appelé règlement d’exécution qui est un texte réglementaire pris en complément à une loi pour en
fixer les modalités d’application afin que celle-ci puisse être exécutée.
En effet , certains règlements peuvent être pris sur le fondement d’une loi. Tel est le cas du décret du
10 mai 1934 qui constitue un règlement d’application , dans la mesure où il est fondé sur une loi , qui
est celle du 28 février 1934.

Dès lors, contrôler la constitutionnalité d’un tel règlement reviendrait à contrôler la


constitutionnalité de la loi qui lui sert de fondement.

Or le contrôle de constitutionnalité de la loi n’est pas une prérogative du Conseil d’État.

Ce faisant, le Conseil d’Etat ne s’estime pas compétent pour contrôler la constitutionnalité d’un
règlement si ce règlement a été pris en application d’une loi. C’est la consécration de la théorie de la
loi-écran ; compte tenu de la présence entre la norme constitutionnelle et le règlement d’un « écran
législatif », le Conseil d’Etat ne peut contrôler la constitutionnalité du règlement puisque cela
reviendrait à contrôler la constitutionnalité de la loi, ce qui ne relève pas de sa compétence. Ainsi, un
règlement contraire à la Constitution, mais conforme à une loi qui en constitue le fondement, ne
peut être invalidé par le juge administratif.

En conséquence, la requête du sieur Arrighi est rejetée, et le décret du 10 mai 1934 reste en vigueur.

Il ressort de ce qui précède que l’arrêt Arrighi est la consécration jurisprudentielle de la théorie de la
loi-écran , selon laquelle le juge administratif ne peut pas opérer un contrôle de constitutionnalité.
Toutefois, l’arrêt Quintin illustre l’exception de ce principe.

II- LA COMPÉTENCE EXCEPTIONNELLE DU CONSEIL D’ÉTAT À APPRÉCIER LA


CONSTITUTIONNALITÉ D’UN RÈGLEMENT PRIS SUR LE FONDEMENT D’UNE LOI.

Au sens des arrêts soumis à commentaires le Conseil d'État a une compétence exceptionnelle pour
apprécier la constitutionnalité d’un règlement pris sur le fondement d’une loi. Ainsi cette exception
est concevable lorsqu’il y a une habilitation législative générale (A) et la transparence de l’écran (B)

A- UNE HABILITATION LÉGISLATIVE GÉNÉRALE

Il ressort des arrêts à commenter que seul le Conseil constitutionnel peut opérer un contrôle de
constitutionnalité a priori et a posteriori. L'arrêt Arrighi étant le principe, l’arrêt Quintin va et mettre
l’exception. Cela s'entend de ce que depuis cet arrêt une exception est née qui est : les lois de pure
forme.

Le juge administratif accepte alors de contrôler la constitutionnalité d’un acte administratif pris en
application d’une loi sur la forme est de pure forme. C’est-à-dire si elle n’a pas de véritable contenu .

D’où une habilitation législative qui est la capacité légale à accompli certains actes. Par cette
habilitation le Conseil d’État devient compétent pour contrôler la légalité d’un décret prit sur le
fondement d’une loi inconstitutionnelle.

Par ailleurs, on observe une transparence au niveau de l’écran.

B- LA TRANSPARENCE DE L’ÉCRAN
Suivant les arrêts à commenter le Conseil d’État se considère incompétent pour apprécier la
constitutionnalité d’un règlement pris sur le fondement d’une loi . Cela pose la théorie de la loi
écran . Cela intervient lorsque l’acte administratif a été pris sur le fondement d’une loi qui a été
inconstitutionnelle.

La loi fait donc écran entre la constitution et le décret. Par exception les lois qui ne conduisent pas
sur le fond à l’inconstitutionnalité de l’acte administratif sont à l'origine d'écran transparent.

Dans ce cas la confrontation de l'acte administratif à la constitution est possible . Si aucune


disposition législative ne s'intercale entre une norme constitutionnelle et l'acte administratif le
Conseil d'État se comporte pleinement comme un juge constitutionnel en faisant respecter la
suprématie de la Constitution.

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