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1 LES SOURCES
(Semestre 1)
Source unjf
SOMMAIRE
Lectures reproduites
CF. INTEGRALITE DES TESTES SUR LA BIBLIOTHÈQUE
NUMERIQUE.
- Lecture 1. O. Gohin , Le Conseil d'Etat et le contrôle de la constitutionnalité de la
loi - RFDA 2000 p. 1175.
- Lecture 2. H. Labayle, « Question prioritaire de constitutionnalité et question
préjudicielle : ordonner le dialogue des juges ? », RFDA 2010 p. 659.
- Lecture 3. Platon, Les interférences entre l'office du juge ordinaire et celui du
Conseil Constitutionnel : « malaise dans le contentieux constitutionnel » ?, RFDA
2012 p. 639.
Documents reproduits.
Le contrôle préventif.
Document 1 : Article 38 C°
Document 2 : Article 39 C°
L’interprétation d’un traité conformément à un principe constitutionnel
Document 3: CE, 3 juillet 1996, Koné
La QPC, article 61-1 Constitution de 1958
Document 4 : Nouvel article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 créé par
la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des
institutions de la Ve République ;
Document 5 : CE 14 mai 2010 Rujovic n° 312305
Le contrôle de conventionnalité des lois par le juge
Document 6 : CE, Ass. 31 mai 2016, Mme C.A.
Les effets des déclarations d’inconstitutionnalité prononcées par le Conseil
constitutionnel
Document 7. CE 11 janvier 2019 Avis société civile immobilière (SCI)
Maximoise de création n° 424819 A
Document 8. CE 24 décembre 2019 Société hôtelière Paris Eiffel Suffren n°
425983
LIRE AUSSI Conseil d'État, Assemblée, 13 mai 2011, Mme M’Rida, Mme
Delannoy et M. Verzele, Mme Lazare (document non reproduit),
https://www.conseil-etat.fr/decisions-de-justice/jurisprudence/les-grandes-
3
decisions-depuis-1873/conseil-d-etat-assemblee-13-mai-2011-mme-m-rida-
mme-delannoy-et-m.-verzele-mme-lazare
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Lectures reproduites.
Lorsque le Conseil d'Etat ressurgit dans le droit des institutions françaises, c'est au
détour d'une disposition souvent citée de la Constitution de l'an VIII, ainsi rédigée :
« Sous la direction des consuls, un Conseil d'Etat est chargé de rédiger les projets
de lois et les règlements d'administration publique, et de résoudre les difficultés qui
s'élèvent en matière administrative(2). » Texte remarquable de cet article 52 qui
établit bien, dès sa refondation, l'ambivalence du Conseil d'Etat, institution dont les
attributions à la fois administratives et contentieuses s'interpénètrent, en réalité,
dans une commune fonction consultative tant que, pour la juridiction administrative
de droit commun, le contexte restera, à trois années près et jusqu'en 1872(3), sinon
jusqu'en 1889(4), celui de la justice retenue.
La Constitution est cependant une norme que le Conseil d'Etat ni ne peut ni ne veut
ignorer dans le contrôle qu'il lui appartient d'exercer, sur les règlements notamment,
en tant que juge de l'excès de pouvoir. En effet, au titre du contrôle de la légalité
interne des actes administratifs, la violation de la loi, au sens de la violation des
normes de droit positif qui s'imposent au pouvoir compétent dans l'édiction de l'acte
administratif, inclut nécessairement - et sans aucune difficulté théorique - la
violation de la Constitution(20). Cela est vrai avant comme après 1958. Saisi en
annulation d'un décret pris dans la compétence du législateur, sur recours d'un
député le cas échéant(21), le Conseil d'Etat annule ce décret pour excès de pouvoir
et défend, par là même, la répartition constitutionnelle des compétences : en ce
sens, est, par exemple, illégal le décret mettant fin à l'interdiction du coupage des
vins, pourtant assortie par la loi de peines correctionnelles, dès lors que ce décret a
été ainsi pris en méconnaissance de la compétence du législateur en matière pénale,
telle que définie à l'article 34 de la Constitution, et donc en violation de cette
disposition constitutionnelle(22). Cela est vrai également en présence d'une
disposition expresse du texte même de la Constitution ou de l'un des éléments du
Préambule de cette Constitution : très tôt, dans le cadre du Préambule de la
Constitution de 1946, le Conseil d'Etat donne ainsi une positivité aux principes
politiques, économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps(23),
aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République(24) ou encore à
la Déclaration de 1789(25) en vue de contrôler et, le cas échéant, de censurer l'acte
administratif inconstitutionnel.
pas autonome, mais pris en application et en conformité des dispositions d'une loi,
le moyen d'illégalité étant tiré précisément de la contrariété d'un tel acte à la
Constitution. Or, pour s'en tenir au cas le plus fréquent, celui des actes de nature
réglementaire, soutenir qu'un règlement conforme à une loi est contraire à la
Constitution revient, par transitivité, à soutenir implicitement, mais nécessairement,
que la loi elle-même est contraire à la Constitution. Pour le juge, un tel moyen est
inopérant dans la mesure où son examen ne pourrait que le conduire à se prononcer
sur la constitutionnalité d'une loi qui fait écran entre le règlement et la Constitution
et qui interdit donc l'exposition du règlement à la Constitution(26).
Etrange paradoxe que celui qui vient affirmer la suprématie du droit constitutionnel
positif et qui, en même temps, vient faire échapper très largement l'acte
administratif à l'incidence juridictionnelle de ce droit. Dès lors, on doit se tourner
vers les deux hypothèses successives qui sont au centre de la dualité fonctionnelle
du Conseil d'Etat depuis la mise en œuvre d'une justice administrative
définitivement déléguée : conformément au plan de l'ordonnance du 31 juillet 1945
et du décret du 30 juillet 1963, on doit ainsi distinguer le Conseil d'Etat dans ses
attributions en matière administrative et législative et le Conseil d'Etat statuant au
contentieux. La première hypothèse permet de resituer le contrôle de
constitutionnalité de la loi, au sens de la loi ordinaire ou organique, dans les
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Dans une matière couverte par le secret puisque le gouvernement est le seul
destinataire de la consultation sur des textes à son initiative(38), on pourrait - pour
illustrer le propos - multiplier les mises en garde constitutionnelles fournies par les
deux publications de référence que sont, à cet égard, à la fois Etudes et documents
du Conseil d'Etat et Les grands avis du Conseil d'Etat. On se contentera de rappeler
que, dans son avis publié en date du 6 février 1953(39), le Conseil d'Etat fut ainsi
conduit à se prononcer, par voie d'interprétation, sur la constitutionnalité d'une loi
permettant le retour à la pratique des décrets-lois de la IIIe République, malgré la
prescription très ferme de l'article 13 de la Constitution de 1946 qui entendait
rétablir le monopole législatif au profit de l'Assemblée nationale : « L'Assemblée
nationale vote seule la loi. Elle ne peut déléguer ce droit(40). » Dans le cadre de
son contrôle de constitutionnalité du projet d'habilitation qui désignait les matières
dévolues à la compétence gouvernementale aux fins de permettre la modification
par décrets de la législation préexistante, il devait ainsi interpréter le nouveau droit
constitutionnel en faveur du retour à cette pratique, tout en encadrant son
interprétation au titre des matières qui sont réservées par la loi à la Constitution ou
par « la tradition constitutionnelle républicaine » ;
On ajoutera une autre hypothèse qui ne pourra que se développer dans l'avenir,
celle de la dévolution du pouvoir législatif à telle ou telle collectivité décentralisée
dans le cadre d'un statut d'autonomie comme celui dont bénéficie déjà la Nouvelle-
Calédonie, sur le fondement de l'Accord de Nouméa du 5 mai 1998
constitutionnalisé et de la révision constitutionnelle du 20 juillet 1998. En effet, la
loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie transpose à toute
délibération du Congrès, dénommée « loi du pays », qui, selon le Tribunal
administratif de Nouvelle-Calédonie, « constitue clairement un acte législatif »(41),
le dispositif de l'article 39, alinéa 1er précité de la Constitution. L'article 100, alinéa
1er de la loi statutaire dispose ainsi que « les projets de loi du pays sont soumis,
pour avis, au Conseil d'Etat avant leur adoption par le gouvernement délibérant en
Conseil », solution qui est d'ailleurs étendue aux propositions de loi du pays(42).
Or, avant même que le Conseil constitutionnel ne soit éventuellement en mesure
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d'exercer son contrôle sur la loi du pays, cette consultation est l'occasion d'un
contrôle en amont de la constitutionnalité du projet ou, le cas échéant, de la
proposition de loi du pays qui permet au Conseil d'Etat d'avertir l'autorité
compétente du risque sérieux - mais non certain - de censure pesant sur le dispositif
initial au cas où elle déciderait de le maintenir(43).
De la consultation que le Conseil d'Etat est conduit à opérer sur toute loi antérieure
au 5 octobre 1958 afin qu'elle puisse être modifiée par décret, résulte un contrôle
qui vise à vérifier le texte au regard de l'article 34 de la Constitution pour
déterminer s'il entre ou non, en tout ou en partie, dans la matière de la loi, c'est-à-
dire si, respectivement, il est une véritable loi, insusceptible de modification
réglementaire, ou bien un simple texte de forme législative, susceptible d'une telle
modification. Il s'agit donc bien d'un contrôle non juridictionnel de
constitutionnalité de la loi exercé sur la base du droit applicable à la date à laquelle
le Conseil d'Etat se prononce, et non pas, de façon rétroactive, à la date à laquelle
cette loi a été promulguée. Mais, si l'on se réfère au dernier rapport public en date
du Conseil d'Etat, on vérifie que les décrets de l'article 37 compte pour fort peu
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dans les attributions administratives du Conseil d'Etat. Sur un total de cent treize
décrets réglementaires, deux seulement ont été pris en 1999 sur ce fondement, au
titre l'un du ministère de l'Intérieur et l'autre du ministère de la Justice(44).
Cette procédure vise à opérer le tri, parmi les actes communautaires, entre ceux qui
sont de la matière de la loi française - « dès leur transmission au Conseil de l'Union
européenne », ils font l'objet d'une information du Parlement et d'un examen
éventuel par l'une ou l'autre des deux assemblées parlementaires - et ceux qui, hors
de la matière de la loi française, restent en dehors de la connaissance du
Parlement(46). Or, une telle sélection conduit inévitablement la Haute Assemblée à
vérifier la constitutionnalité de l'acte communautaire au regard du champ
d'application de l'article 34 de la Constitution française dans une tentative
finalement assez vaine d'interférer de façon accessoire, facultative et tardive - c'est-
à-dire, au total, inefficace - sur une compétence qui n'est plus exclusivement ni
celle de la France ni, en France, celle du législateur. (…)
certainement le cas du juge ordinaire français qui vient appliquer une loi qu'il sait
inconstitutionnelle ou dont il est sérieusement soutenu devant lui, sans réponse de
sa part, qu'elle est inconstitutionnelle ?
Fondée sur le souci du juge français de ne pas entrer en conflit avec le législateur,
cette conception qui interdit, en France, le contrôle juridictionnel de
constitutionnalité de la loi par le juge ordinaire, traduit donc le règne sans partage
de la loi(50), au sein d'un système politique où la souveraineté nationale a été
rapidement confondue avec la souveraineté parlementaire correspondant à
l'exercice d'un pouvoir législatif illimité(51). La doctrine classique du droit public
est clairement en faveur de cette « conception quasi oraculaire »(52) de la loi, «
expression de la volonté générale », héritée de Rousseau et, à travers la Révolution
française, de la Déclaration de 1789(53), telle que cette doctrine est systématisée
par Carré de Malberg tout particulièrement. Ses propos qui trouvent encore un écho
très clair dans la doctrine publiciste contemporaine, doivent être ici rappelés : «
Cette force et cette puissance supérieures par où se caractérise la loi, découlent
directement de son origine et tiennent essentiellement à des causes formelles. Elles
proviennent de la supériorité propre à la volonté de l'organe législatif statuant
législativement(54). »
Pourtant, il faut constater que le statut de la loi a subi une dégradation progressive,
suivant un processus nettement accéléré sous la Ve République(55). Les causes en
sont multiples - elles ne sont pas seulement juridiques - et il n'est ni utile ni
nécessaire d'y revenir ici longuement. Il s'agit notamment de la perte définitive de
la souveraineté parlementaire, de la nette marginalisation du législateur parmi les
pouvoirs publics, de l'excès quantitatif et, corrélativement, de l'insuffisance
qualitative de la production des assemblées, du contournement de la loi par le droit
international et communautaire et, par voie de conséquence, de l'affaiblissement
relatif de la valeur normative de la chose légiférée ou encore du contrôle de
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Or, ce dernier point mérite attention. Car le contrôle juridictionnel de la loi devant
le Conseil d'Etat peut passer par cette modalité de contrôle indirect que constitue le
contrôle de conventionnalité. Mais, à cette première modalité on peut aussi
envisager d'ajouter un contrôle direct par l'exception d'inconstitutionnalité.
Lorsque, pour des raisons discutables de texte, mais conformément à une solution
vérifiée dans tous les systèmes constitutionnels européens, à l'exception de
l'Autriche, le Conseil constitutionnel a considéré, en 1975, que, juge de la
conformité des lois et des traités à la Constitution, il n'est pas, pour autant, juge de
la compatibilité entre les traités et les lois qui leur sont postérieures et contraires, le
juge judiciaire a su déduire aussitôt de l'incompétence du juge constitutionnel sa
propre compétence en matière de contrôle de conventionnalité des lois. Mesurant
enfin les graves inconvénients pour le contentieux administratif de la
marginalisation du droit et de l'isolement de la juridiction, le Conseil d'Etat a pu
tardivement réintégrer, en 1989, ce nouveau système juridique qui se développait
désormais malgré lui - en tout cas, sans lui - et rallier ainsi la construction théorique
qui permet d'effacer l'écran législatif éventuellement interposé entre le droit
administratif et le droit international ou communautaire(56).
Car, dans le même sens, les implications de la solution par laquelle le Conseil
d'Etat affirme, en principe, la primauté de la Constitution « dans l'ordre interne », le
conduisent à écarter l'application d'un traité régulièrement ratifié dès lors qu'il le
considère a posteriori comme incompatible avec la norme constitutionnelle(64). S'il
va de soi que l'arrêt Sarran ne transforme pas non plus le Conseil d'Etat en juge
constitutionnel, il y a cependant une logique du contrôle opéré par le Conseil d'Etat
qui est implicitement de faire prévaloir une norme constitutionnelle en tant que juge
de l'excès de pouvoir, dans une conception hiérarchiquement exacte de la
normativité supralégislative. La question à poser est alors la suivante : du contrôle
implicite de constitutionnalité des traités, le Conseil d'Etat ne pourra-t-il pas, ne
devrait-t-il pas venir déduire, un jour peut-être, le contrôle - même implicite - de la
constitutionnalité des lois ?
Il est hors de propos que la loi soit mise directement au greffe de la juridiction
administrative, dans le cadre du recours pour excès de pouvoir, car ce contrôle
juridictionnel de constitutionnalité par voie d'action est spécifiquement confié au
Conseil constitutionnel, selon le schéma amorcé en 1946 et activé à partir de 1974,
la compétence du Conseil constitutionnel pour connaître de la loi au contentieux
ayant pu justifier l'incompétence du Conseil d'Etat à cet égard, avant(65) et, plus
encore, après l'accès du juge administratif au contrôle de conventionnalité(66).
L'échec de cette réforme devant le Sénat en juin 1990 ainsi que les propositions de
la Commission Vedel en février 1993(73) devait conduire à relancer in extremis -
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Pourquoi ne pas admettre enfin la compétence du juge ordinaire à cet effet ? Car, de
la compétence d'un juge par voie d'action on ne saurait déduire l'incompétence d'un
autre juge par voie d'exception : le juge administratif est ainsi juge de l'acte
administratif par voie d'action comme le juge pénal l'est par voie d'exception(75).
De même, de la compétence d'un juge par voie d'exception on ne saurait déduire
l'incompétence d'un autre juge par voie d'exception : le juge constitutionnel, en tant
que juge électoral, est aussi juge de l'inconventionnalité par voie d'exception(76).
De même encore, de la compétence d'un juge par voie d'action, on ne saurait
déduire l'incompétence du même juge par voie d'exception : le juge administratif
est ainsi juge de l'acte réglementaire par voie d'action ou d'exception(77) comme le
juge constitutionnel l'est à l'égard de la loi modificative(78). Dès lors, rien ne dit
qu'en France, faute de révision constitutionnelle adéquate, le moyen de
l'inconstitutionnalité de la loi sera toujours inopérant devant le juge ordinaire,
particulièrement devant le juge judiciaire, encore inhibé. Pourquoi alors renoncer à
solliciter, de temps à autre, la jurisprudence en ce sens dans l'espoir qu'un jour, en
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A la vérité, ce sont tous les pouvoirs constitués qui sont tenus en permanence au
respect de la Constitution, le contrôle de constitutionnalité par tout juge ordinaire
n'étant que la traduction de cette soumission à la norme suprême, conformément à
la définition contemporaine de l'Etat de droit. Tout autre attitude revient à ne pas
normativiser la Constitution qui ne peut guère être, en même temps, du droit pour le
Conseil constitutionnel et de la politique, de l'histoire ou de la sociologie - en tout
cas du non-droit - pour le juge ordinaire, notamment pour le Conseil d'Etat, du
moins contre certaines normes ou dans certains contentieux. Au moment où la
confusion est installée et s'aggrave, au fil des révisions constitutionnelles réalisées
ou prévues, entre la loi et le règlement, comment ne pas voir que le contrôle du juge
ordinaire ne peut plus s'arrêter à une distinction devenue mythique et risquée entre
ces deux normes unilatérales et à caractère général et impersonnel ? Et comment ne
pas plaider alors pour une normativité cohérente et contrôlée où le Conseil d'Etat
viendrait reprendre toute sa place dans la défense des libertés publiques, c'est-à-dire
de la Constitution au sens matériel du terme, au bénéfice d'un contrôle direct par
l'exception d'inconstitutionnalité formée contre les lois dans le cadre du recours
pour excès de pouvoir à l'encontre des actes administratifs(79) ?
que l'on trouve encore à critiquer le contrôle de constitutionnalité des lois par le
Conseil constitutionnel qui aura certainement plus fait pour la protection des
libertés publiques que bon nombre de législations à principes. Cette prolongation
du légicentrisme n'est plus de mise quand « la loi votée (...) n'exprime la volonté
générale que dans le respect de la Constitution »(83). A la démocratie par la loi il
est grand temps de savoir substituer, si besoin, la démocratie malgré la loi.
En 1895, Jèze exprimait cette idée simple et juste - on dira même saine et logique -
selon laquelle aucun tribunal ne peut appliquer une loi qui contient une violation
flagrante de la Constitution par le motif que, se trouvant en présence de deux textes
contradictoires, il doit faire prévaloir la norme supérieure, c'est-à-dire la
Constitution(84). Quand on considère le droit public actuel et quand, notamment,
on vérifie combien, tous les jours, le juge ordinaire assure contre la loi la
supériorité des engagements internationaux de la France, la Convention européenne
des droits de l'homme ou le Traité instituant la Communauté européenne bien sûr,
mais aussi telle obscure convention d'extradition, fiscale ou encore de
l'Organisation internationale du travail, on pense à ces fermes propos de Duguit : «
Dans la conception impérialiste il était logique qu'aucune critique contentieuse ne
pût être dirigée contre la loi. [...] Si, comme nous le prétendons, cette conception de
la loi disparaît, il doit exister une tendance très forte à reconnaître aux tribunaux le
droit d'apprécier la constitutionnalité des lois(85). »
Près d'un siècle plus tard, alors même qu'il n'y a plus ni souveraineté du législateur
ni subordination du juge à la loi, nous le prétendons encore, aux conséquences de
droit, sans que le Conseil d'Etat, statuant comme juge de l'exception
d'inconstitutionnalité sorte, pour autant, du champ de sa compétence en tant que
juge des seuls actes administratifs. Pour retourner contre le commissaire du
gouvernement Roger Latournerie, le texte de ses remarquables conclusions de
1936(86), le temps est donc largement venu de ne plus se résigner, aux dépens de
l'harmonie des plus belles constructions juridiques, à l'état du droit imparfait,
dépourvu de sanction constitutionnelle. Dans sa note brillante au Dalloz sous les
arrêts Arrighi et Dame Coudert, Eisenmann démontait d'ailleurs, point par point, la
thèse en faveur du caractère irrecevable de l'exception d'inconstitutionnalité de la
loi retenu par le Conseil d'Etat. Pourtant, en une seule phrase malheureuse de
conclusion, il renonçait, à son tour, à la garantie juridictionnelle de la loi en France
regardée - malgré Kelsen(87) - comme une tentative vaine ou dangereuse de
contentieux administratif ? « En dépit de la logique juridique », écrivait Eisenmann,
« nous avouons n'en avoir pas le courage »(88). Non, il faut en avoir le courage et,
par un nouvel état du droit public français, cesser de sacrifier le droit public à
l'opinion publique : à cause de la logique juridique, mais surtout en faveur de la
démocratie politique, il y a lieu de croire que le Conseil d'Etat pourra ou saura
devenir le censeur de la loi au regard de la Constitution.
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Le coup est passé près. L'arrêt rendu par la Cour de cassation le 16 avril 2010 dans
l'affaire Abdeli et Melki en a été la cause, le juge judiciaire refusant de plier en
allant en pleine connaissance de cause au bout d'une démarche annoncée en amont.
En réponse à peine indirecte et afin de sauver l'essentiel, le Conseil constitutionnel
et le Conseil d'État s'en sont fait l'écho immédiatement. Pour le premier dans sa
décision 2010-605 DC du 12 mai 2010 et pour le second dans son arrêt Rujovic c.
OFPRA du 14 mai 2010. Loin d'ajouter un cran à une polémique naissante(7), la
solution dégagée dans les ailes du Palais Royal a permis au contraire de
circonscrire l'incendie et de ramener la sérénité dans un débat qui commençait à en
manquer(8), où les métaphores guerrières l'emportaient sur l'analyse juridique(9).
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Cette réactivité inédite a eu pour principal mérite de dégager l'horizon avant une
réponse de la Cour de justice de l'Union que l'on était en droit de craindre, n'en
déplaise aux jeteurs d'anathèmes simplificateurs. L'arrêt de la CJUE rendu le 23
juin 2010 témoigne en effet de ce que, sans l'intervention décisive des deux
juridictions suprêmes, le dispositif imaginé par le législateur organique aurait fait
l'objet d'une déclaration d'incompatibilité avec le droit de l'Union.
richesse à la condition d'être ordonné »(15). Le besoin d'ordre devient alors une
nécessité, au vu de la multiplication de ces ordres juridiques, de leur combinaison
croissante et de leurs interactions devant le juge interne(16). Ce dernier dispose
d'un instrument éprouvé pour démêler l'écheveau ainsi constitué : le renvoi à titre
préjudiciel. Familier au juge interne, la construction européenne en a favorisé la
redécouverte(17). Il permet de réguler le jeu des systèmes juridiques nationaux et
aussi leur articulation correcte avec l'ordre juridique européen(18), façonnant ainsi
les traits de l'Europe des juges que le président Lecourt pressentait(19). Sa pratique
a accoutumé le juge interne à écouter, parfois après avoir cédé à la tentation de
résister. Elle a également fait prendre conscience au juge de l'Union des risques de
l'impérialisme juridique.
que la théorie de l'acte clair a fait naître par le passé de tensions dans les relations
entre le juge administratif et le juge de l'Union. D'un point de vue comparatif, il
faut aussi noter que le « sérieux » des interrogations commande finalement toujours
le jeu du renvoi, en droit constitutionnel comme ailleurs(31). De même et enfin,
depuis la célèbre jurisprudence CILFIT(32) qui délivre le juge national de ses
obligations en cas de précédent jurisprudentiel, l'hypothèse de la prise en compte
d'une jurisprudence antérieure est largement identique à Luxembourg et à Paris.
Pour ce qui est de la QPC, les mêmes débats ont conduit à des solutions largement
identiques. En premier lieu, l'article 61-1 de la Constitution permet la question de
constitutionnalité seulement lors d'une « instance en cours devant une juridiction ».
La loi organique précise ainsi les institutions juridictionnelles concernées et elle a
partagé les interrogations du droit de l'Union à propos de l'arbitrage(36). À l'inverse
du contentieux communautaire et à l'image du droit interne, le rôle des parties à
l'instance est déterminant. Ces dernières sont les acteurs exclusifs de la demande.
Outre le fait que le juge ordinaire ne peut soulever d'office la question, elles sont
les seules à pouvoir poser la question, malgré le « filtre » de la transmission du
Conseil d'État et de la Cour de cassation. Le juge ordinaire en est réduit à «
25
Néanmoins, le rôle confié par la loi aux juridictions suprêmes est ici fortement
comparable à celui qu'elles tiennent face à la question préjudicielle de droit
communautaire comme, du reste, le vice-président du Conseil d'État y fit allusion
lors de son audition devant la Commission des lois(38). Le renvoi préjudiciel de
l'ex-article 177 est un « dialogue de juge à juge »(39) entièrement entre les mains
du juge interne, qui, selon les cas, peut ou doit effectuer le renvoi. Les juridictions
suprêmes y occupent une place stratégique déterminante. Outre l'article 234 TCE,
le défunt article 68 TCE relatif aux questions préjudicielles en matière migratoire,
comme l'article 35 TUE en matière d'entraide répressive dans une moindre mesure,
ne réservait-il pas aux juridictions suprêmes des États membres la possibilité de
renvoyer à la Cour de justice(40) ? Sans que l'hypothèse du « filtre » soit acceptable
en matière communautaire, force est de se rendre compte cependant qu'elle y
ressemble un peu...
l'affaire, est le mieux placé pour apprécier, au regard des particularités de celle-ci,
la nécessité d'une décision préjudicielle pour rendre son jugement »(52). Ces
regards insistants posés sur la décision nationale de renvoi n'ont pas été sans
grincements divers expliquant que la Cour ait quelque peu tempéré cette attitude.
On notera néanmoins que, le 22 juin 2010, la Cour ne prête pas l'oreille aux
observations du gouvernement français plaidant l'irrecevabilité des demandes
formulées par la Cour de cassation, en soulignant que la décision du juge de renvoi
qui la sollicite bénéficie d'une « présomption de pertinence »(53) et la Cour de
justice ne décèle aucun élément lui permettant d'en douter dans le renvoi effectué
par la Cour de cassation, bien au contraire.
Il est trop tôt encore pour juger de ce que sera l'attitude du Conseil constitutionnel
quant à la délimitation de sa mission. La lecture de son règlement intérieur(54)
autant que la lecture de ses premières décisions confirmeront ou non la prudence de
son positionnement actuel : le Conseil constitutionnel n'est « pas compétent pour
connaître de l'instance à l'occasion de laquelle la QPC a été posée »(55). Disposant
des mémoires ou des conclusions des parties sur la base de l'article 23-7, on peut
douter, les mêmes causes produisant les mêmes effets à Paris et à Luxembourg,
qu'il y ait là une impossibilité de nature à s'en tenir strictement aux termes de la
demande.
La Constitution règle la difficulté pour ce qui concerne les effets de la QPC puisque
son article 62, alinéa 2, dispose qu'une « disposition déclarée inconstitutionnelle sur
le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision
du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le
Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets
que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ». Instruit des
difficultés rencontrées par d'autres juridictions, le constituant donne ainsi au juge
constitutionnel les moyens de garantir la bonne application du droit que ces
dernières ont dû conquérir elles-mêmes, qu'il s'agisse de l'effet erga omnes ou de la
modulation des effets dans le temps.
• En droit interne, la chose est claire : l'action préjudicielle repose sur une logique
de séparation des pouvoirs et de respect strict des lignes de cette séparation. Le
dualisme juridictionnel sur lequel le droit interne repose implique cependant que
l'étanchéité ne soit pas complète et qu'une collaboration soit instituée afin que
chaque ordre de juridiction puisse accomplir son office. La plénitude de leur
compétence explique donc qu'elles puissent être sollicitées par l'autre ordre de
juridiction et concourir à une bonne administration de la justice.
Toute autre est l'explication qui fonde le renvoi préjudiciel dans le droit de l'Union,
même si l'on préféra longtemps s'en tenir à la première approche au Palais Royal,
avant d'en accepter pleinement le jeu(62). Le renvoi à titre préjudiciel a joué en
effet un rôle fondateur pour le droit de l'Union européenne dans la mesure où il a
transfiguré les rapports existants entre les juridictions parties à cet acte de
collaboration juridictionnelle. Partenaires davantage que soumis, les juges
nationaux ont ainsi été placés dans une position de collaboration que la Cour de
justice a immédiatement soulignée, relation « par laquelle juridiction nationale et
Cour de justice, dans l'ordre de leurs compétences propres, sont appelées à
contribuer directement et réciproquement à l'élaboration d'une décision en vue
d'assurer l'application uniforme du droit communautaire dans l'ensemble des États
membres »(63). Maintes fois répétée par la Cour, cette posture est valorisée dans
29
l'affaire C-189/10 comme on le verra plus loin. Elle a effectivement fait des
juridictions nationales un juge communautaire(64). Investies de responsabilités
nouvelles, elles ont donc largement contribué à l'harmonie qui s'est établie
progressivement. Comme l'a justement noté un acteur de premier plan de cette
collaboration, en Europe « s'instaure alors une nouvelle relation des juridictions
entre elles, une relation qui n'est plus de clôture, de clivage, de protection, de
répartition, de séparation, d'opposition ou de conflits, mais une relation d'ouverture,
d'interpénétration, d'emprunt, de comparaison, de compatibilité et d'articulation
»(65). Il n'est plus besoin d'en recenser les bénéfices pour la cohérence juridique
dans l'Union européenne même si l'on comprend que, le temps des fondations
passé, la banalisation est venue(66).
• Pour les protagonistes de la QPC, une part importante des enjeux réside là. Bruno
Genevois l'a évidemment perçu immédiatement lorsqu'il effectue un parallèle bien
venu avec « le mode d'appréciation traditionnel des questions préjudicielles »(67).
L'option du pré carré, celle de la défense du territoire de leurs attributions, peut
s'offrir à l'esprit des acteurs en présence. À cet instant, le « filtre » instauré par le
législateur est susceptible de produire des effets redoutables si l'on décide d'en
pervertir l'emploi. L'option du jeu commun, de « l'esprit de collaboration » cher à la
Cour de justice peut aussi s'imposer ici aux juridictions suprêmes. Pourtant, la
messe n'est pas dite et les risques sont réels, comme l'expérience étrangère le
démontre en Belgique par exemple(68).
Les commentateurs des dispositions de la loi organique ne se sont pas fait faute de
souligner l'interrogation majeure pesant sur le dispositif, celle tenant au rôle de «
filtre » confié aux deux juridictions suprêmes tant « leur appréciation sera à
l'évidence l'un des éléments déterminants de la réussite ou non de la réforme »(69).
Les « subtils distinguos sémantiques »(70) visant à permettre aux juridictions
suprêmes d'exercer leur pouvoir d'appréciation au lieu de jouer un simple rôle de
transmission ouvrent en effet une possibilité qui n'est pas sans risques. Reprenant à
leur compte la stratégie du Conseil d'État qui fit les beaux jours de son opposition à
l'article 177 du traité de Rome(71), les juridictions suprêmes peuvent parfaitement
s'ériger en juges de la constitutionnalité au motif que la contestation du texte qui
leur est soumis « ne présente pas un caractère sérieux », dépassant ainsi le cadre
d'un « contrôle a minima sur la pertinence de la question »(72). « L'obscure clarté »
du texte constitutionnel aura là toutes chances de rejoindre celle du traité de
Rome(73) au rayon des mauvaises querelles jurisprudentielles. Dès lors,
l'excellente démonstration de Dominique Rousseau a tout lieu d'être prise au
sérieux : si « les rapports entre Conseil constitutionnel, Cour de cassation et
Conseil d'État sont fondés sur la civilité et la bonne entente », l'usage immodéré du
filtre par les deux juridictions suprêmes risque de perturber le climat(74).
30
Rien dans cette hypothèse n'est à écarter, le meilleur comme le pire, même s'il faut
se garder d'exagérer les scories d'une période d'apprentissage. Ainsi, dans la
première série de décisions rendues par le Conseil d'État comme par la Cour de
cassation, et dont certaines portaient sur des questions emblématiques, le «
caractère sérieux » des arguments invoqués est balayé au moyen de techniques de
raisonnement qui font furieusement penser à celles qui servirent en leur temps pour
se délier de l'intervention de la Cour de justice(75)...Par exemple en
reformulant(76) la question posée par le juge du fond en lui indiquant que sa
question vise « en réalité » une interprétation et non une question de
constitutionnalité à propos de la non-motivation des jurys d'assises(77)... Par
exemple en considérant que la question « n'est pas nouvelle et ne pose pas un
caractère sérieux » alors qu'elle pose la question du dualisme fonctionnel du
Conseil d'État(78)...Ou encore qu'elle ne présente pas de caractère sérieux en ce qui
concerne l'infraction de contestation de crimes contre l'humanité instituée par la loi
« Gayssot »(79)...
À l'opposé, une autre stratégie peut être tenue par les juridictions suprêmes, à
l'identique de celle qu'elles ont menée avec succès dans leur relation avec le juge de
l'Union européenne. Elles ont dans ce cas le choix entre la posture du « maître ou
de l'esclave » de ce pluralisme(80), étant acquis que cette mission
d'ordonnancement valorise leur situation centrale sur l'échiquier juridique. Investir
le terrain tout en reconnaissant la supériorité du juge constitutionnel pour dénouer
des interrogations dont la charge est parfois plus symbolique que juridique, garantir
un fonctionnement harmonieux de la question préjudicielle de constitutionnalité
pour mieux se rendre indispensables dans sa régulation sont autant de possibilités
désormais ouvertes.
Tant les déclarations d'intention lors des débats parlementaires que les enjeux en
présence laissent espérer que cette voie sera préférée à celle du raidissement. En
effet, en ce début de XXIe siècle, la logique de conservation ou le réflexe de
propriétaire n'a plus de justification réelle, bien au contraire.
respect et à la supériorité sur les lois des traités ou accords légalement ratifiés ou
approuvés et des normes de l'Union européenne... »(86).
C'était là passer un peu vite sur les mises en garde d'une partie majoritaire de la
doctrine(87), outre celles du Conseil d'État(88), et sur les réticences exprimées
fermement devant la Commission des lois par le procureur général de la Cour de
cassation et son premier président et rappelées depuis(89). Plusieurs arguments
convaincants étaient mis en avant tant du point de vue juridique que de celui de
l'efficience : d'abord celui de l'inexactitude de l'assimilation du contrôle de
conventionnalité et du contrôle de constitutionnalité, ensuite celui de la porosité du
dispositif retenu(90), enfin et surtout l'intérêt du justiciable à agir au plus vite. À cet
égard, le premier président de la Cour de cassation prenait de manière prémonitoire
pour exemple le cas d'un justiciable privé de liberté auquel il ne serait pas possible
de faire immédiatement droit sur le terrain constitutionnel, ce que le contrôle de
conventionnalité permettrait. Réservant le cas du droit communautaire, il indiquait
sa conviction : « il importe là encore de laisser au juge judiciaire la faculté de
choisir le renvoi préjudiciel si la réponse de la CJUE apparaît déterminante pour
l'issue du litige, et de poser une éventuelle question de constitutionnalité
ultérieurement, si cela demeure pertinent... depuis l'instauration d'une nouvelle
procédure d'urgence, la Cour de justice peut répondre dans de courts délais - moins
de trois mois actuellement - aux questions relatives à l'espace de liberté, de sécurité
et de justice »(91).
La Cour de cassation n'a pas partagé son opinion. Elle a fait délibérément le choix
d'une réponse contestable à une question qui est pourtant, elle, véritable. À l'instant
où une question de constitutionnalité et une question de conventionnalité lui étaient
33
La réalité des intentions du législateur n'était pas dissimulée et les débats lors des
auditions organisées par la Commission des Lois le confirment. Organiser la
priorité de la question de constitutionnalité visait largement dans son esprit à
garantir la primauté de la règle constitutionnelle sur la règle conventionnelle, fût-
elle communautaire, quitte à négliger les risques potentiels de cette approche. «
Replacer la Constitution au sommet de l'ordre juridique français », l'argument fut
une constante du débat. Soit. Encore fallait-il démontrer que la Constitution avait
34
C'est dire que cet angle de vue pose un grave problème de compatibilité avec le
droit de l'Union en ce qu'elle privilégie la protection de la règle interne sans
équivalent pour la règle européenne. Il ne fallait pas être grand clerc pour le
comprendre, sans passion et par simple connaissance du droit de l'Union. À cet
égard, avancer sur ce terrain sabre au clair, aux mâles accents de la défense de la
souveraineté nationale, ne fait plus recette à Luxembourg comme à Strasbourg.
En premier lieu, interrogée sur le point de savoir si une juridiction nationale qui
constate l'inconstitutionnalité d'une disposition nationale est privée de la faculté de
saisir la Cour de justice de questions préjudicielles du fait que cette constatation est
soumise à un recours obligatoire devant la Cour constitutionnelle, la CJUE a
dissipé toute hésitation : « l'efficacité du droit communautaire se trouverait
menacée si l'existence d'un recours obligatoire devant la Cour constitutionnelle
pouvait empêcher le juge national, saisi d'un litige régi par le droit communautaire,
d'exercer la faculté qui lui est attribuée par l'article 177 du traité de soumettre à la
Cour de justice les questions portant sur l'interprétation ou sur la validité du droit
communautaire, afin de lui permettre de juger si une règle nationale est ou non
compatible avec celui-ci »(101). Elle y rajoutait qu'il « incombe au juge national
d'apprécier la pertinence des questions de droit soulevées par le litige dont il se
trouve saisi et la nécessité d'une décision préjudicielle pour être en mesure de
rendre son jugement ainsi que le stade de la procédure auquel il y a lieu de déférer
une question préjudicielle à la Cour »(102).
En second lieu, la Cour a indiqué que le juge national saisi d'un litige entre
particuliers concernant l'effet d'une directive avait la faculté d'interroger la Cour à
titre préjudiciel, cette faculté étant indépendante « des modalités s'imposant au juge
national, en droit interne, pour laisser inappliquée une disposition nationale que
celui-ci estime contraire à la Constitution »(103). Elle y soulignait qu'afin de
permettre le plein effet d'une règle communautaire, « le juge national doit, en
présence d'une disposition nationale entrant dans le champ d'application du droit de
l'Union qu'il estime incompatible avec ledit principe et dont une interprétation
conforme à celui-ci s'avère impossible, laisser cette disposition inappliquée, sans
être ni contraint ni empêché de saisir au préalable la Cour d'une demande de
décision préjudicielle »(104).
Enfin, très récemment, interrogée par le Tribunal suprême espagnol sur le point de
savoir si le fait de soumettre une action en responsabilité de l'État à des modalités
procédurales différentes, selon qu'elle a pour fondement la violation législative
36
Les ayant formulés dès le premier instant, la Cour de cassation a logiquement saisi
la Cour de justice en estimant que la loi organique entamait l'office que le traité lui
a confié concernant la protection de l'intégrité du droit communautaire. Faire le
procès de cette conviction et de sa volonté d'user des voies de droit à sa disposition
pour faire valoir l'intérêt d'une meilleure protection du justiciable est donc déplacé.
La CJUE lui rend justice, le 22 juin 2010 : « force est de constater qu'il découle des
principes dégagés par la jurisprudence rappelés aux points 41 à 45 du présent arrêt
que l'article 267 TFUE s'oppose à une législation nationale telle que décrite dans les
décisions de renvoi »(107). Dont acte.
Constater très justement que le juge judiciaire se livre là à une « attaque frontale »
de la loi organique(108) et qu'il est loin d'avoir choisi le meilleur itinéraire pour
livrer ce combat est tout aussi exact mais il n'y a là « rien de choquant »(109). Il
n'est pas le seul, en effet. L'exemple belge, dont le législateur s'est inspiré, illustre
que ce doute est partagé par d'autres juridictions. L'avis du Conseil d'État
belge(110) souvent cité par les commentateurs estime que « l'adverbe
«immédiatement » ne signifierait pas que la Cour de justice exigerait que le
contrôle européen devrait précéder dans le temps le contrôle de constitutionnalité,
même si une première lecture, détachée en outre du contexte dans lequel l'arrêt est
rendu, pourrait le suggérer ». D'où une conclusion positive quant à la compatibilité
du choix effectué par le droit belge. Cette opinion n'est pas partagée par tous, y
compris en Belgique. Ainsi, le juge d'instance de Liège a saisi la CJUE d'une
question préjudicielle visant à clarifier les choses. Les traités s'opposent-ils à ce
qu'une loi nationale impose un recours préalable devant la Cour constitutionnelle au
juge national qui constate qu'un citoyen contribuable est privé de la protection
37
juridictionnelle effective qui lui est garantie « sans que ce juge puisse assurer
immédiatement l'applicabilité directe du droit communautaire au litige qui lui est
soumis »(111) ? Les observations déposées par le gouvernement belge devant la
Cour de justice lors de l'audience du 2 juin 2010 dans l'affaire Melki se
comprennent d'autant mieux dans ce contexte.
• La Cour de justice valide sans surprise dans son arrêt C-188/10 le sérieux des
interrogations de la Cour de cassation. Il existe bien un problème de compatibilité
entre la QPC et le droit de l'Union. Son interprétation réduit à néant les prétentions
de la question de constitutionnalité à un traitement prioritaire excluant le jeu du
droit de l'Union.
La Cour éprouve donc le besoin d'en détailler plus loin l'explication, de manière
pédagogique et très convaincante. De son point de vue, le fonctionnement du
système de coopération entre les juges de l'Union nécessite que le juge national soit
libre de saisir, à tout moment de la procédure qu'il juge approprié, et même à l'issue
d'une procédure incidente de contrôle de constitutionnalité, la Cour de justice de
toute question préjudicielle qu'il juge nécessaire.
Pour ajouter au trouble, la Cour de cassation avait placé le débat technique dans
une impasse complète et peu admissible. Dans l'attente d'une réponse de la Cour de
justice, le juge judiciaire avait refusé en effet de trancher la question de
constitutionnalité qui lui était posée, le tout pour soulever d'office une question de
39
conventionnalité qui, elle, ne lui avait pas été posée... En droit de saisir la CJUE à
titre préjudiciel et même obligée de le faire en cas de doute, elle omet en revanche
complètement les obligations qui pèsent également sur elle vis-à-vis du juge
constitutionnel. Le 16 avril, elle ne transmet pas davantage qu'elle ne rejette la
question des requérants, ce qui est pour le moins curieux. Mettant en avant le «
délai de trois mois » imparti « pour décider du renvoi de la question de
constitutionnalité au Conseil constitutionnel », la Cour de cassation inverse l'ordre
des priorités voulu par le législateur organique. Elle sollicite donc la CJUE à titre
préjudiciel pour statuer en urgence sur la conventionnalité de l'examen prioritaire
de la question de constitutionnalité, quitte à envisager ensuite une transmission
éventuelle de la QPC à son juge.
C'était là sans compter sur l'imagination des plaideurs et l'inquiétude qui avait
gagné le Palais Royal. La médiatisation du positionnement de la Cour de cassation
a incité les premiers, qu'ils soient parlementaires (de façon particulièrement
sibylline) ou particuliers (de façon assez mystérieuse), à tirer argument de l'arrêt du
16 avril, fournissant ainsi l'occasion d'un contrefeu préventif qui va s'avérer
salutaire pour la QPC. On y reviendra, cette double intervention va être
déterminante dans le prétoire de Luxembourg et permettre de sauver les apparences
de la QPC. La conscience aiguë des enjeux a conduit les deux occupants de la place
du Palais Royal à manifestement coordonner leur réponse, saisissant cette occasion
dans des dossiers où là n'était clairement pas la question. Le Conseil constitutionnel
consacre ainsi de longues lignes à la QPC dans le cadre d'un contrôle de
constitutionnalité ordinaire et le Conseil d'État s'empare également du débat dans
un litige concernant une convention internationale universelle des plus classiques,
la Convention de Genève(117).
• Sans que la question lui ait été posée ainsi, à la lecture en tout cas des conclusions
du rapporteur, le Conseil d'État apporte sa pierre à l'édifice. Emboitant le pas à la
décision du Conseil constitutionnel rendue deux jours avant, le juge administratif
plaque sa vision de la QPC sur une décision relative à un tout autre objet, la
Convention de Genève. Pour lui, « ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le
juge administratif, juge de droit commun de l'application du droit de l'Union
européenne, en assure l'effectivité, soit en l'absence de question prioritaire de
constitutionnalité, soit au terme de la procédure d'examen d'une telle question, soit
à tout moment de cette procédure, lorsque l'urgence le commande, pour faire cesser
immédiatement tout effet éventuel de la loi contraire au droit de l'Union ». En
d'autres termes, son contrôle peut jouer à tout moment en cas d'urgence,
immédiatement en cas d'absence de QPC ou après celle-ci. En revanche, pour ce
qui est du renvoi à la CJUE, « le juge administratif dispose de la possibilité de
poser à tout instant, dès qu'il y a lieu de procéder à un tel renvoi, en application de
l'article 267 du TFUE, une question préjudicielle ».
Dans ces conditions, la révolte de la Cour de cassation était largement vidée de son
venin, la question de constitutionnalité redevenant préjudicielle et non plus
prioritaire au sens où elle aurait empêché d'une part de garantir à tous coups
l'applicabilité immédiate du droit de l'Union et, d'autre part, de mettre sur un pied
équivalent la protection de l'intégrité du droit national et du droit de l'Union en
différant la seconde dans le temps. En définitive, la QPC est bien davantage «
obligatoire » qu'elle n'est « prioritaire ».
Il reste que le raisonnement tenu par la Cour de cassation repose sur une confusion
initiale indiquant la nécessité d'ordonner les réponses préjudicielles de manière
complémentaire.
L'émoi provoqué par l'arrêt de la Cour de cassation repose sur une confusion du
raisonnement tenu par le juge judiciaire. Celle-ci a entraîné en contrepoint la
réaffirmation solennelle par le juge constitutionnel de la distinction entre contrôle
de conventionnalité et contrôle de constitutionnalité, permettant ainsi à la Cour de
justice d'indiquer les conditions d'une interprétation de la QPC conforme au droit
de l'Union.
C'est là que le bât blesse : la construction de la Cour de cassation repose sur une
confusion majeure. Le 16 avril 2010, le juge judiciaire fait délibérément masse des
questions de constitutionnalité et de conformité au droit de l'Union dans le but à
peine dissimulé de vider l'abcès du caractère prioritaire de la question de
constitutionnalité.
• Pour ce faire, elle emboîte le pas aux prétentions des requérants qui lui faisaient
valoir que la conformité de l'article 78 du CPP à la Constitution comme au droit de
l'Union était posée, les engagements du traité de Lisbonne ayant « valeur
constitutionnelle ». Schématiquement, la Cour tire d'abord argument de l'autorité
des décisions du juge constitutionnel pour feindre d'être privée désormais de son
droit à saisir la CJUE. Ceci suppose au préalable que le juge constitutionnel puisse
connaître du problème. La Cour affirme donc que le Conseil constitutionnel
vérifiant la conformité de la loi au droit de l'Union, l'autorité de son contrôle
interdirait au juge judiciaire d'y revenir. D'où la question préjudicielle qu'elle pose à
la CJUE : priver le juge national du fond de sa capacité à interroger le juge de
l'Union est-il compatible avec les dispositions du traité l'y obligeant ?
43
Qu'on en juge. La Cour de cassation souligne en premier lieu que l'article 23-2 de la
loi organique interdit aux juges du fond de statuer sur la conventionnalité d'une
disposition légale avant de transmettre la question de constitutionnalité puisque
celle-ci est prioritaire. Là est la source de blocage. L'article 62 de la Constitution
disposant que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun
recours et s'imposent aux pouvoirs publics, « les juridictions du fond se voient
privées, par l'effet de la loi organique du 10 décembre 2009, de la possibilité de
poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne avant de
transmettre la question de constitutionnalité ». Une fois celle-ci tranchée, plus rien
n'est possible : « si le Conseil constitutionnel juge la disposition législative attaquée
conforme au droit de l'Union européenne », les jeux sont faits. Les juridictions du
fond comme la Cour de cassation ne pourront plus postérieurement à cette décision
saisir la CJUE « malgré les dispositions impératives de l'article 267 du TFUE » ni
se prononcer sur la conformité du texte au droit de l'Union. Très logiquement, le
juge judiciaire pose donc à l'interprète authentique du traité qu'est le juge de
l'Union le problème de la mise en échec de la coopération préjudicielle voulue par
le traité du fait de l'introduction de cette priorité d'examen au profit du contrôle de
constitutionnalité.
L'ensemble de cette construction repose sur une erreur majeure : la Cour postule
que le Conseil constitutionnel a la capacité de juger « la disposition législative
attaquée conforme au droit de l'Union ». Le juge judiciaire prétend donc ici que le
juge constitutionnel assimile dans son office l'exercice du contrôle de
constitutionnalité et celui du contrôle de conventionnalité, comme si les deux types
de normes n'en faisaient qu'un.
Enfin et en toute logique, le fait même qu'une réforme constitutionnelle ait établi un
contrôle de constitutionnalité par voie d'exception et que le constituant comme le
législateur organique aient précisément distingué contrôle de constitutionnalité et
contrôle de conventionnalité ne plaide pas en faveur d'un élargissement du bloc de
constitutionnalité au traité sur l'Union européenne(129). D'une part, car si le
constituant l'avait entendu ainsi, il l'aurait indiqué. D'autre part, car la restriction
des normes de référence du contrôle de constitutionnalité par voie d'exception aux
seuls « droits et libertés garantis par la Constitution » le confirme dans les articles
23-2 et 23-5 : il distingue ce qui relève de ce champ là et ce qui touche aux «
engagements internationaux de la France ». Dans ces conditions, un rappel explicite
de cette ligne jurisprudentielle était indispensable. Doté de la force de l'article 62 de
la Constitution, il rappelle au juge l'état du droit positif.
Il estime que « pour mettre en oeuvre le droit reconnu par l'article 61-1 de la
Constitution à tout justiciable de voir examiner, à sa demande, le moyen tiré de ce
qu'une disposition législative méconnaît les droits et libertés que la Constitution
garantit », les dispositions de la loi organique(136) « précisent l'articulation » et les
responsabilités respectives en matière de contrôle de constitutionnalité et de
contrôle de conventionnalité. Le premier « incombe » au Conseil constitutionnel, le
second relève des juridictions administratives et judiciaires. Dès lors, « le moyen
tiré du défaut de compatibilité d'une disposition législative aux engagements
internationaux et européens de la France ne saurait être regardé comme un grief
d'inconstitutionnalité ».
46
Enfin, le juge constitutionnel se penche sur le cas particulier des obligations qui
pèsent sur le juge interne du fait de l'article 267 TFUE, qui ouvre la faculté ou
instaure l'obligation de renvoyer selon le cas à la CJUE. Il indique sans surprise que
ni la Constitution ni la loi organique « ne privent » les juridictions administratives
et judiciaires de cette obligation « y compris lorsqu'elles transmettent une question
prioritaire de constitutionnalité ». À dire vrai, on s'en doutait un peu malgré la
crainte exprimée par la Cour de cassation.
47
Plus intéressant aurait été de dire pourquoi de manière plus précise. Une explication
est proposée par Marc Guillaume dans son commentaire de la décision 2010-605
DC aux Cahiers : « le fait de poser une question préjudicielle constitue une mesure
d'instruction avant dire droit que le juge peut prendre lorsqu'il l'estime nécessaire,
sans que le fait qu'une question prioritaire de constitutionnalité ait été posée au
juge, ni le fait qu'il ait procédé à sa transmission puissent faire obstacle à cette
faculté »... Il y a plus convaincant(140). Il est acquis que la question préjudicielle
emporte une opération d'interprétation, d'appréciation de validité ou plus
généralement de qualification juridique(141), en droit interne comme dans le droit
de l'Union. Il est également admis que les mesures d'instruction se rapportent
généralement à des questions de fait, en tout cas selon l'opinion de René
Chapus(142) ou l'article 143 du Code de procédure civile. Dès lors, réduire l'action
préjudicielle à une simple mesure d'instruction serait minimiser l'impact décisif
qu'elle a sur la solution du litige et sur le débat juridique qu'elle ouvre. En
admettant ou en rejetant une demande de renvoi préjudiciel, le juge du fond dit le
droit tout comme quand il soulève d'office ce moyen.
Plus remarquable est le long développement consacré par le Conseil aux relations
entre le droit de l'Union et la QPC. Ignorant sans doute les relations entre le droit de
Genève et le droit communautaire de l'asile, le requérant n'y faisait pas d'allusion,
pas davantage que le rapporteur public. Le juge administratif, en sa qualité de «
juge de droit commun de l'application du droit de l'Union européenne » se penche
pourtant sur le sens de l'article 23-5 de la loi organique pour définir le cadre de son
office. Pour le Conseil d'État, ces dispositions n'entravent en rien l'obligation qu'il a
d'assurer l'effectivité du droit de l'Union. Il l'affirme tant en ce qui concerne son
obligation d'écarter un texte national contraire qu'à propos de son obligation
préjudicielle.
Après avoir mené son analyse sur la base de cette « prémisse » et condamné la
conclusion à laquelle elle conduisait « selon cette interprétation », c'est-à-dire
l'empêchement du juge national de déférer aux obligations qu'il tient de l'article 267
TFUE, tant avant la transmission de la QPC qu'après celle-ci(145), la CJUE retient
un élément déterminant. « Toutefois », les gouvernements français et belge ont
présenté une « interprétation différente de la législation française visée par la
première question posée en se fondant, notamment, sur les décisions du Conseil
constitutionnel n° 2010-605 DC, du 12 mai 2010, et du Conseil d'État n° 312305,
du 14 mai 2010, rendues postérieurement à la transmission des décisions de renvoi
de la Cour de cassation à la Cour de justice »(146). Retenir cette description du
droit interne permet alors de trouver une issue malgré une réelle difficulté. La
jurisprudence de la Cour souligne en effet qu'il appartient à la juridiction nationale
de donner à la loi interne qu'elle doit appliquer, dans toute la mesure du possible,
une interprétation conforme aux exigences du droit de l'Union(147). La CJUE s'en
remet donc à l'approche du droit national retenue par le juge interne qui la saisit. En
l'espèce, cette approche est erronée et la retenir conduirait à fournir une réponse
inadaptée puisque ne correspondant pas au problème juridique posé. L'effet utile de
sa réponse justifie qu'elle privilégie le contexte juridique proposé par l'interprète
authentique de la Constitution.
La Cour acquiesce donc à ce changement de pied, sans être dupe. On notera à cet
égard tout le sel de son opinion finale : « eu égard aux décisions susmentionnées du
Conseil constitutionnel et du Conseil d'État, une telle interprétation des dispositions
nationales qui ont institué le mécanisme de contrôle de constitutionnalité en cause
au principal ne saurait être exclue »(148). On ne saurait mieux indiquer que cette
50
interprétation conforme n'allait pas sans ces dernières... C'est dire aussi que la
description du droit opérée par le juge judiciaire impliquait, à l'inverse, une
déclaration d'incompatibilité avec le droit de l'Union parfaitement prévisible et que
le système de la QPC n'est acceptable du point de vue du droit de l'Union qu'au prix
d'une interprétation de la loi organique conforme à ce droit.
Tout n'est pas réglé pour autant et un effort important d'assimilation de la réponse
de la Cour de justice attend désormais le droit français.
L'arrêt de la Cour de justice du 22 juin ne laisse pas le droit français quitte pour
autant. Il ouvre deux chantiers d'importance inégale.
• Le premier, on l'a vu plus haut, concerne les conditions dans lesquelles le juge
national peut satisfaire ses obligations communautaires de renvoi préjudiciel dans
le cas où il serait tenu par son droit national de déclencher une procédure incidente
de contrôle de constitutionnalité telle que la QPC. Au cas où cette procédure
l'empêcherait de laisser immédiatement inappliquée une loi nationale contraire au
droit de l'Union, la CJUE fixe de manière solennelle les limites de son action. Le
traité « exige », et le terme est volontairement fort, que le juge national « soit libre,
d'une part, d'adopter toute mesure nécessaire afin d'assurer la protection
juridictionnelle provisoire des droits conférés par l'ordre juridique de l'Union et,
d'autre part, de laisser inappliquée, à l'issue d'une telle procédure incidente, ladite
disposition législative nationale s'il la juge contraire au droit de l'Union ».
Elle indique ainsi que « dans l'hypothèse particulière où le juge est saisi d'une
question portant à la fois sur la constitutionnalité et la conventionnalité d'une
disposition législative », il lui appartient de mettre en oeuvre, le cas échéant, les
mesures provisoires ou conservatoires propres à assurer la protection
juridictionnelle des droits conférés par l'ordre juridique européen, ce qui est en
harmonie avec l'arrêt du 22 juin 2010. En revanche, s'excluant du jeu au motif
qu'elle n'est qu'un filtre, la Cour de cassation se déclare dans « l'impossibilité de
satisfaire à cette exigence » dans la mesure où « la procédure ne permet pas de
recourir à de telles mesures ». Elle s'adresse alors de manière comminatoire au juge
du fond : « le juge doit se prononcer sur la conformité de la disposition critiquée au
regard du droit de l'Union en laissant alors inappliquées les dispositions de
l'ordonnance du 7 novembre 1958 modifiée prévoyant une priorité d'examen de la
question de constitutionnalité ». En d'autres termes, la Cour de cassation s'écarte là
sans fondement sérieux des indications combinées de la Cour de justice et du
Conseil constitutionnel. Allant au delà du raisonnable, elle ouvre un second front
avec le législateur dont elle propose de laisser l'ouvrage inappliqué(151).
• Le second est plus important, lourd de sens pour le Conseil constitutionnel. À n'en
pas douter et alors que nul ne lui demandait de s'aventurer sur ce terrain, la Cour de
justice s'est intéressée aux conditions dans lesquelles le contrôle incident de
constitutionnalité d'une loi transposant les dispositions impératives d'une directive
de l'Union s'effectue en droit interne. Elle indique, manifestement à l'adresse du
Conseil constitutionnel, sa vigilance extrême sur ce point dans des termes qui
semblent imposer à ce dernier des évolutions nécessaires.
52
Or, pour elle, le risque n'est pas exclu qu'il y soit porté atteinte en raison des effets
de la QPC, susceptible de vider d'objet son intervention. En effet, le caractère
prioritaire d'une procédure incidente de contrôle de constitutionnalité étant
susceptible d'aboutir à l'abrogation d'une loi nationale se limitant à transposer les
dispositions impératives d'une directive de l'Union en raison de sa contrariété à la
Constitution, la Cour « pourrait, en pratique, être privée de la possibilité de
procéder, à la demande des juridictions du fond de l'État membre concerné, au
contrôle de la validité de ladite directive par rapport aux mêmes motifs relatifs aux
exigences du droit primaire, et notamment des droits reconnus par la Charte des
droits fondamentaux de l'Union européenne, à laquelle l'article 6 TUE confère la
même valeur juridique que celle qui est reconnue aux traités »(154).
La Cour lui indique que les juridictions suprêmes des États membres sont tenues de
procéder à un renvoi préjudiciel au titre de l'article 267 TFUE, alinéa 3, « avant que
le contrôle incident de constitutionnalité d'une loi dont le contenu se limite à
transposer les dispositions impératives d'une directive de l'Union puisse s'effectuer
par rapport aux mêmes motifs mettant en cause la validité de la directive ». De
53
même, ces juridictions sont également tenues par la suite de tirer les conséquences
qui découlent de l'arrêt rendu par la Cour à titre préjudiciel. Adressée au juge
procédant au contrôle incident de constitutionnalité, cette invitation concerne le
Conseil constitutionnel. La CJUE ne laisse pas place au doute : cette obligation
vaut « à moins que la juridiction déclenchant le contrôle incident de
constitutionnalité n'ait elle-même saisi la Cour de justice de cette question sur la
base du deuxième alinéa dudit article »(156).
Enfin, la Cour porte le coup de grâce sans grands égards à la fois à la loi organique
régissant la QPC mais aussi et surtout à l'argument de délai utilisé par le Conseil
constitutionnel pour décliner le renvoi préjudiciel. Pour elle, « l'encadrement dans
un délai strict de la durée d'examen par les juridictions nationales ne saurait faire
échec au renvoi préjudiciel relatif à la validité de la directive en cause ».
Au total, l'onde de choc de l'arrêt C-188/10 promet donc d'être décapante pour le
droit constitutionnel français, l'invitant à rejoindre nombre de ses homologues
européens.
dans la zone des 20 kilomètres autour des frontières intérieures, celle-ci pouvait
être considérée comme tranchée. Sauf à considérer que l'entrée en vigueur du traité
de Lisbonne et la proclamation de l'absence de contrôles aux frontières intérieures
de l'Union par l'article 67 TFUE constituaient un « changement de circonstances »
justifiant de solliciter à nouveau le Conseil constitutionnel, la cause était entendue.
Elle l'était en tout cas pour l'avocat général, qui faisait valoir que l'entrée en vigueur
du traité de Lisbonne ne modifiait en rien l'économie des accords de Schengen
puisque le protocole 19 relatif à l'intégration de l'acquis Schengen affirme que cet
acquis tel qu'il a été développé par les États membres est préservé par le nouveau
traité. Il aurait pu ajouter à cela, en consultant l'article 62 TCE rédigé à Amsterdam,
que la problématique de la libre circulation des personnes n'a pas été modifiée à
Lisbonne de ce point de vue. En bref et sous cet angle, la question de
constitutionnalité ne se posait pas.
qu'on puisse les assimiler à un maintien déguisé des contrôles aux frontières,
lesquels seraient contraires au traité.
Dès lors, s'il y avait matière à réflexion et donc à renvoi préjudiciel à la CJUE,
c'était précisément sur l'interprétation de cet article 21 du Code frontières et même,
éventuellement, sur sa compatibilité avec le principe de libre circulation des
personnes posé par le traité et confirmé par l'article 45 de la Charte des droits
fondamentaux, « dans les conditions et limites prévues par le traité ». Souvent
critiquée en doctrine et par les ONG, cette restriction permanente et systématique à
la libre circulation que constitue un dispositif de contrôle d'identité spécifique à la
zone frontalière appelait une confrontation avec les États membres devant la Cour
de justice. Faute d'avoir mis en oeuvre un renvoi en appréciation de validité du
règlement 562/2006, la Cour de cassation contraint la Cour de justice à demeurer
sur le seul terrain de l'interprétation, l'article 267 TFUE ne constituant pas une voie
de recours ouverte aux parties au litige pendant devant le juge national(161).
équivalant à celui des vérifications aux frontières, et que cela vaut également dans
les zones frontalières. Aussi, des contrôles tels que ceux opérés par les autorités
françaises ne sont interdits que lorsqu'ils revêtent un effet équivalant à celui des
vérifications aux frontières.
Il importait alors pour la Cour de définir dans quelles conditions de tels contrôles
pouvaient ou non être considérés comme « équivalant » à des contrôles aux
frontières. L'article 21 détaillait les critères distinctifs entre ces contrôles : ils sont
fondés sur des informations générales et l'expérience des services de police
relatives à d'éventuelles menaces pour la sécurité publique et visent, notamment, à
lutter contre la criminalité transfrontalière, sont conçus et exécutés d'une manière
clairement distincte des vérifications systématiques des personnes effectuées aux
frontières extérieures et, enfin, sont réalisés sur la base de vérifications effectuées à
l'improviste.
La Cour relève en premier lieu que l'objectif des contrôles de l'article 78-2 CPP
n'est pas le même que celui des contrôles aux frontières. Ceux-ci visent, d'une part,
à s'assurer que les personnes peuvent être autorisées à entrer sur le territoire d'un
État membre ou à le quitter et, d'autre part, à empêcher les personnes de se
soustraire aux vérifications aux frontières. En revanche, l'article 78 du CPP vise à
vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres
et des documents prévus par la loi française. Or la possibilité pour un État membre
de prévoir de telles obligations dans son droit national n'est pas, en vertu du
règlement de 2006, affectée par la suppression du contrôle aux frontières
intérieures.
En second lieu, la Cour note que le fait que le champ d'application territorial des
contrôles d'identité soit limité à une zone frontalière ne suffit pas, à lui seul, pour
constater son effet équivalant à un contrôle aux frontières, « compte tenu des
termes et des objectifs de l'article 21 » du règlement 562/2006. Elle note néanmoins
que, s'agissant des contrôles à bord d'un train effectuant une liaison internationale et
sur une autoroute à péage, des règles particulières relatives à son champ
d'application territorial sont prévues par le droit français. Cet élément « pourrait,
quant à lui, constituer un indice pour l'existence d'un tel effet équivalent ».
Néanmoins, et c'est là que le bât blesse, le droit français, autorisant des contrôles
indépendamment du comportement de la personne concernée et de circonstances
particulières établissant un risque d'atteinte à l'ordre public, ne contient ni
précisions ni limitations de la compétence accordée, notamment concernant
l'intensité et la fréquence des contrôles pouvant être effectués sur cette base
juridique. Cet encadrement aurait eu un effet décisif pour la Cour de justice : «
éviter que l'application pratique de cette compétence par les autorités compétentes
57
aboutisse à des contrôles ayant un effet équivalant à celui des vérifications aux
frontières au sens de l'article 21, sous a), du règlement n° 562/2006 »(163).
Faute d'y avoir procédé, le droit français n'est donc pas compatible avec le droit de
l'Union. Il devait « prévoir l'encadrement nécessaire de la compétence conférée à
ces autorités afin, notamment, de guider le pouvoir d'appréciation dont disposent
ces dernières dans l'application pratique de ladite compétence ». La CJUE précise
du reste, à l'adresse des autorités qui devront y remédier si elles souhaitent
maintenir ce dispositif, que « cet encadrement doit garantir que l'exercice pratique
de la compétence consistant à effectuer des contrôles d'identité ne puisse pas revêtir
un effet équivalent à celui des vérifications aux frontières »(164) tel que l'article 21
du règlement n° 562/2006 en décrit les circonstances.
Ce phénomène est bien connu en ce qui concerne le refus, par le juge ordinaire, et
notamment administratif, de contrôler par voie d'exception la constitutionnalité des
lois. Ce n'est cependant que de façon rétrospective que ce refus, très antérieur à la
création du Conseil constitutionnel(2), a été justifié par la compétence de ce
dernier. En 1936, le commissaire du gouvernement Latournerie, concluant sur
58
C'est en 2005 que la « substitution de motifs » est apparue expressément dans l'arrêt
Deprez et Baillard du Conseil d'État. La Haute juridiction y affirme désormais «
59
Les données du problème sont ici bien connues. Le Conseil constitutionnel, depuis
sa célèbre jurisprudence IVG (20), constamment réaffirmée(21), se considère
61
Le cas le plus connu, celui qui a le plus mobilisé la doctrine ces dernières années,
est le cas de l'article 88-1 de la Constitution. De cette disposition, à la teneur
apparemment plus déclarative que normative(22), le Conseil constitutionnel a tiré
une exigence constitutionnelle de transposition des directives(23) dont il déduit sa
propre compétence pour contrôler la compatibilité entre les lois de transposition des
directives et les directives ainsi transposées(24). Or, ce faisant, il effectue une
opération que le juge ordinaire effectue aussi dans le cadre de sa fonction de juge
de droit commun du droit de l'Union(25). Devrait-on en déduire, en vertu du modus
vivendi précédemment énoncé, que ce dernier devrait alors renoncer à exercer un
tel contrôle ? Il n'en manifeste aucune volonté, et une telle renonciation serait de
toute façon contraire à la jurisprudence la plus classique de la Cour de justice. En
vertu de celle-ci, le juge national saisi au principal est tenu d'écarter de lui-même et
immédiatement toute norme nationale incompatible avec une disposition du droit
de l'Union européenne(26), ce qui inclut évidemment les lois de transposition
incompatibles avec les directives transposées.
Il n'en reste pas moins que l'opération effectuée par le juge ordinaire et celle
effectuée par le juge constitutionnel, quoique présentant une différence de degré,
sont de la même nature. En outre, dès lors que la disposition en cause de la
directive ne nécessite aucune interprétation, ou bien encore si elle a déjà fait l'objet
d'un éclairage de la part de la Cour de justice, le Conseil constitutionnel n'a plus
aucune raison de restreindre son contrôle, de sorte que celui-ci est alors
parfaitement identique à celui opéré par le juge ordinaire.
À cela s'ajoute, si l'on veut bien verser quelques instants dans la prospective, les
virtualités encore contenues dans la Constitution, en termes de « portes d'entrée »
du droit de l'Union.
L'on n'a ainsi pas encore évoqué l'article 88-2 de la Constitution. Dans sa rédaction
originelle, il était ainsi rédigé : « sous réserve de réciprocité et selon les modalités
prévues par le Traité sur l'Union européenne signé le 7 février 1992, la France
consent aux transferts de compétences nécessaires à l'établissement de l'Union
économique et monétaire européenne (UEM). Sous la même réserve et selon les
modalités prévues par le Traité instituant la Communauté européenne, dans sa
rédaction résultant du traité signé le 2 octobre 1997, peuvent être consentis les
transferts de compétences nécessaires à la détermination des règles relatives à la
libre circulation des personnes et aux domaines qui lui sont liés ». La loi
constitutionnelle n° 2003-267 du 25 mars 2003 a ajouté l'alinéa suivant : « La loi
fixe les règles relatives au mandat d'arrêt européen en application des actes pris sur
le fondement du Traité sur l'Union européenne ». Cet alinéa, légèrement
modifié(38), est devenu l'alinéa unique de l'article 88-2 depuis la révision
constitutionnelle du 4 février 2008 destinée à rendre la Constitution française
compatible avec le Traité de Lisbonne(39).
Or, à propos de l'ex-alinéa 1er, X. Magnon avait pu estimer que « pourrait être
inférée du membre de phrase "selon les modalités prévues par le traité" une
obligation à la charge du législateur, sous le contrôle du juge constitutionnel, de
respecter dans les dispositions touchant à l'UEM ou à la libre circulation des
personnes (...) les prévisions contenues dans [le Traité de Maastricht et le Traité
d'Amsterdam] »(40). Certaines décisions du Conseil constitutionnel ont d'ailleurs
pu créer une ambiguïté en ce sens. Ainsi, dans la décision 93-324(41), le Conseil a
estimé qu'à la date de sa décision, le Traité de Maastricht n'étant pas entré en
vigueur, il n'y avait pas lieu de contrôler la constitutionnalité de la loi déférée au
regard des dispositions de l'article 88-2 de la Constitution et que, dès lors, la
constitutionnalité de la loi déférée devait être appréciée au seul regard des autres
dispositions de la Constitution. Il en a déduit qu'il n'y avait pas lieu pour lui, en
l'espèce, de s'assurer de la conformité de la date d'entrée en vigueur de la loi prévue
par son article 35 aux stipulations du Traité. Or une stricte interprétation a contrario
de ce raisonnement impliquerait que si le traité avait été en vigueur, le grief aurait
été recevable.
Et il faut encore ajouter, pour être tout à fait complet, les virtualités encore latentes
de l'article 88-1. Pour l'instant, le Conseil constitutionnel n'en déduit que sa seule
compétence pour contrôler l'absence d'incompatibilité manifeste entre les lois de
transposition et les directives transposées. Mais, d'une part, on peine à comprendre
pourquoi cette obligation ne s'imposerait constitutionnellement qu'à l'égard des lois
de transposition : l'incompatibilité avec une directive d'une disposition législative
qui n'a pas pour objet de la transposer n'est-elle pas elle aussi une violation de
l'obligation constitutionnelle de transposition ? D'autre part, on peine également à
comprendre comment une disposition formulée en des termes aussi généraux que
l'article 88-1 pourrait ne constitutionnaliser, parmi toutes les obligations issues du
droit de l'Union, que la seule obligation de transposition des directives(43). Cette
interprétation restrictive semble d'ailleurs soumise aux coups de butoir de la
jurisprudence... des juges dits « ordinaires »(44) ! Ainsi, le Tribunal des conflits,
dans sa décision SCEA du Chéneau du 17 octobre 2011(45), a affirmé, reprenant
presque verbatim l'arrêt Simmenthal de la Cour de justice(46), que le respect du
droit de l'Union européenne (dans son ensemble !) constitue « une obligation, tant
en vertu du Traité sur l'Union européenne et du Traité sur le fonctionnement de
l'Union européenne qu'en application de l'article 88-1 de la Constitution », solution
depuis lors reprise par le Conseil d'État dans l'arrêt Fédération Sud Santé sociaux
du 23 mars 2012(47).
Par ailleurs, au-delà de cette identité de contrôle, les interférences entre juge
ordinaire et Conseil constitutionnel peuvent même apparaître quand chacun reste
cantonné dans son rôle (contrôle de constitutionnalité des lois pour le Conseil
constitutionnel, contrôle de conventionnalité des lois pour le juge ordinaire). En
effet, l'exercice, par le juge ordinaire, du contrôle de conventionnalité des lois peut
66
Cette problématique peut être illustrée avec profit par l'épisode bien connu du
régime de la garde à vue.
La Cour européenne des droits de l'homme avait estimé, dans deux arrêts visant la
Turquie(50), que l'impossibilité pour une personne gardée à vue, de bénéficier de
l'assistance d'un avocat méconnaissait la Convention. Le Conseil constitutionnel, en
2010, a pareillement estimé que les articles 62, 63, 63-1 et 77 du Code de procédure
pénale et les alinéas 1er à 6 de son article 63-4 étaient contraires à la Constitution
en ce qu'ils ne permettent pas à la personne interrogée, alors qu'elle est retenue
contre sa volonté, de bénéficier de l'assistance effective d'un avocat. Cependant,
afin d'éviter non seulement des annulations en séries (si l'abrogation avait bénéficié
aux instances en cours) mais également un vide juridique considérable, le Conseil
constitutionnel différa la date d'effet de la déclaration d'inconstitutionnalité au 1er
juillet 2011(51).
Il est d'ailleurs à noter que le même type de problème se rencontrera à plus forte
raison lorsque la disposition législative dont l'abrogation pour inconstitutionnalité
est différée est également contraire au droit de l'Union européenne. En effet, la
Cour de justice a expressément pris position sur cette situation dans un arrêt
Filipiak, dans lequel elle a estimé que « la primauté du droit communautaire impose
au juge national d'appliquer le droit communautaire et de laisser inappliquées les
dispositions nationales contraires, indépendamment de l'arrêt de la juridiction
constitutionnelle nationale qui a décidé l'ajournement de la perte de force
obligatoire des mêmes dispositions, jugées inconstitutionnelles »(57). Par la suite,
la Cour a été interrogée sur le point de savoir si les juridictions nationales pouvaient
être autorisées, notamment pour éviter un vide juridique, à suspendre l'effet
d'éviction de la réglementation nationale jugée contraire au droit de l'Union durant
le temps nécessaire à la mise en conformité de cette réglementation avec le droit de
l'Union, par analogie avec le pouvoir dont la Cour de justice dispose de différer les
effets dans le temps de l'annulation d'un acte de l'Union(58), de la déclaration
d'invalidité d'un tel acte(59) ou encore de l'interprétation du droit de l'Union. La
Cour a répondu qu'« à supposer même que des [considérations impérieuses de
sécurité juridique] soient de nature à conduire, par analogie et à titre exceptionnel, à
une suspension provisoire de l'effet d'éviction exercé par une règle de droit de
l'Union directement applicable à l'égard du droit national contraire à celle-ci », les
conditions d'une telle suspension « ne pourraient être déterminées que par la seule
Cour »(60). Cela exclut donc toute compétence des juridictions nationales pour
68
Restait à savoir si, après l'entrée en vigueur de la QPC, ce pouvoir allait être
conservé par les juridictions administratives ou bien allait être transféré au Conseil
constitutionnel. Sur ce point, aucune solution n'allait a priori de soi. Comme le
faisait remarquer le professeur Drago, « pour les lois antérieures à 1958, le Conseil
d'État et la Cour de cassation, dans leur fonction de "filtre" des questions
préjudicielles de constitutionnalité, pourront toujours utiliser l'argument de la
caducité ou de l'abrogation implicite, exerçant un véritable contrôle de
constitutionnalité dans le temps, ce qui pourrait réduire fortement l'utilisation de
cette procédure pour les lois antérieures à la Ve République. La pratique viendra ou
non confirmer l'utilisation efficace de cette technique »(66). Or c'est la solution
contraire qui s'est réalisée : le juge administratif renvoie au Conseil constitutionnel
les QPC tirées de l'incompatibilité d'une disposition législative avec des
dispositions constitutionnelles postérieures(67), et le Conseil constitutionnel, de
son côté, les contrôle de la même façon que les dispositions législatives
incompatibles avec des dispositions constitutionnelles antérieures(68). En ce qui
concerne les dispositions législatives antérieures à la disposition constitutionnelle
avec laquelle elles sont incompatibles, les justiciables n'ont donc pas gagné une
nouvelle protection, car elle était déjà assurée par le juge ordinaire ; ils subissent en
revanche un rallongement procédural, puisque la question doit désormais suivre la
procédure de la QPC.
Si l'on conçoit cependant aisément que de telles configurations sont amenées à être
marginales, il s'avère donc que le maintien d'une compétence résiduelle du juge
ordinaire pour constater l'abrogation constitutionnelle implicite d'une disposition
législative n'est ni inconcevable ni inutile. Il convient, à présent, d'en envisager les
conséquences.
Et plus encore, il n'est pas nécessaire qu'une divergence existe entre le juge
ordinaire et le Conseil constitutionnel pour que des problèmes de cohérence se
posent. En effet, quand bien même le juge ordinaire puis le Conseil constitutionnel
s'accorderaient pour constater l'abrogation constitutionnelle implicite d'une
disposition législative, se poserait malgré tout la question des effets dans le temps
de la décision du second.
75
On ne peut en outre exclure certaines hypothèses qui, pour peu probables qu'elles
soient, n'en sont pas moins déroutantes. Soient par exemple, trois litiges nés de faits
advenus simultanément et auxquels sont applicables une même disposition
législative ayant fait l'objet d'une abrogation constitutionnelle implicite. Admettons
que dans le premier cas, le juge ordinaire ait de lui-même constaté ladite
abrogation. Admettons ensuite que, dans le deuxième cas, le juge ordinaire, au
mépris ou dans l'ignorance de ce premier constat d'abrogation, ait renvoyé la
question au Conseil constitutionnel, qui aura abrogé ladite disposition législative
avec effet immédiat, sous réserve des instances déjà en cours. Admettons enfin que,
dans le troisième litige, le juge ordinaire ait été saisi après la décision du Conseil
constitutionnel. Il en résulte que dans ce seul troisième litige, et malgré la
simultanéité de faits avec les deux autres, la disposition législative ne sera pas
considérée comme inapplicable.
Enfin, et de manière plus générale, on ne peut terminer sans évoquer ici l'atteinte au
principe d'exclusivité de compétence du Conseil constitutionnel que constituerait
une compétence partagée entre ce dernier et le juge ordinaire pour le contrôle de
compatibilité des dispositions législatives avec les dispositions constitutionnelles
postérieures. Il en va ici de la cohérence du modus vivendi précédemment évoqué
entre juge ordinaire et Conseil constitutionnel, basé sur le principe de non-
immixtion du premier dans le champ de compétence du second, qui irrigue en
particulier la jurisprudence administrative et notamment le refus, par le juge
administratif, de contrôler lui-même la constitutionnalité des lois et des traités(92).
Cette cohérence n'est-elle pas compromise par l'existence d'une compétence
76
***
Au regard de ces quelques exemples, il apparaît que l'office du juge ordinaire et
celui du juge constitutionnel ne sont pas aussi étanches que pourraient le faire
croire certaines affirmations du juge administratif, et en particulier l'affirmation
péremptoire du Conseil d'État dans l'arrêt Deprez et Baillard (94). Il n'en découle
certes aucune « catastrophe juridique », aucune incohérence majeure dans le
système de protection des droits et libertés constitutionnelles. Mais ces
interférences ne sont pas sans produire un certain « malaise » qui amène, à tout le
moins, à interroger ce postulat de l'étanchéité des offices. Et ce, alors même que le
juge administratif tire d'importantes conséquences de ce postulat - en particulier, sa
propre incompétence pour contrôler lui-même la constitutionnalité des lois (hors
hypothèse de l'abrogation implicite) et des traités. Sans doute serait-il dès lors
opportun de repenser en des termes moins absolus, plus pragmatiques et peut-être
plus souples la coexistence entre ces juges de la loi que sont le Conseil
constitutionnel et le juge ordinaire.
Documents reproduits.
Le contrôle préventif.
Document 1 : Article 38 C°
Le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au
Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des
mesures qui sont normalement du domaine de la loi.
Les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis du Conseil
d'État. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si
le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date
fixée par la loi d'habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière
expresse.
A l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les
ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui
sont du domaine législatif.
Document 2 : Article 39 C°
77
Analyse du CE,
https://www.conseil-etat.fr/decisions-de-justice/jurisprudence/les-grandes-
decisions-depuis-1873/conseil-d-etat-3-juillet-1996-kone
Vu la procédure suivante :
Mme D...C...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de
Paris, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative,
d'enjoindre à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris et à l'Agence de la
biomédecine de prendre toutes mesures afin de permettre l'exportation des
gamètes de son mari, décédé, vers un établissement de santé espagnol autorisé à
pratiquer les procréations médicalement assistées.
valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années
2014 et 2015, a décidé, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du
code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au
Conseil d'Etat, en soumettant à son examen la question de savoir si une décision
du Conseil constitutionnel constatant la non-conformité à la Constitution d'une
disposition législative rendue à la suite d'une question prioritaire de
constitutionnalité, constitue une décision juridictionnelle mentionnée au
troisième alinéa de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, insusceptible
à ce titre de constituer un évènement propre à motiver une réclamation en
matière d'impôts directs locaux de nature à faire courir le délai de réclamation.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu : (…)
REND L'AVIS SUIVANT :
1. Les jugements visés ci-dessus du tribunal administratif de Montreuil
soumettent au Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de
justice administrative, des questions analogues. Il y a lieu de les joindre pour
qu'ils fassent l'objet d'un même avis.
2. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : " Une
disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est
abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou
d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel
détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a
produits sont susceptibles d'être remis en cause. " Ainsi que l'a jugé le Conseil
constitutionnel, notamment dans ses décisions n° 2010-108 QPC et n° 2010-110
QPC du 25 mars 2011, la déclaration d'inconstitutionnalité doit, en principe,
bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la
disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les
instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil
constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution
réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de
reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que
la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration.
3. Aux termes des troisième et cinquième alinéas de l'article L. 190 du livre des
procédures fiscales : " Sont instruites et jugées selon les règles du présent
chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition
ou à l'exercice de droits à déduction ou à la restitution d'impositions indues,
fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à
une règle de droit supérieure, révélée par une décision juridictionnelle ou par un
avis rendu au contentieux. / (...) / Pour l'application du troisième alinéa, sont
considérés comme des décisions juridictionnelles ou des avis rendus au
87
contentieux les décisions du Conseil d'Etat ainsi que les avis rendus en
application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, les arrêts de la
Cour de cassation ainsi que les avis rendus en application de l'article L. 441-1 du
code de l'organisation judiciaire, les arrêts du Tribunal des conflits et les arrêts
de la Cour de justice de l'Union européenne se prononçant sur un recours en
annulation, sur une action en manquement ou sur une question préjudicielle ".
Aux termes de l'article R. 196-1 du même livre : " Pour être recevables, les
réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les
taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus
tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / a) De la
mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en
recouvrement ; / b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas
donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en
recouvrement ; / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation.
Ne constitue pas un tel événement une décision juridictionnelle ou un avis
mentionné aux troisième et cinquième alinéas de l'article L. 190. (...) ". Enfin,
aux termes de l'article R. 196-2 du même livre : " Pour être recevables, les
réclamations relatives aux impôts directs locaux et aux taxes annexes doivent
être présentées à l'administration des impôts au plus tard le 31 décembre de
l'année suivant celle, selon le cas : / a) De la mise en recouvrement du rôle ou de
la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / b) De la réalisation de
l'événement qui motive la réclamation ; ne constitue pas un tel événement une
décision juridictionnelle ou un avis mentionné aux troisième et cinquième
alinéas de l'article L. 190 ; (...) ".
4. Il résulte des dispositions citées au point 3 ci-dessus que les décisions du
Conseil constitutionnel ne sont pas au nombre des décisions juridictionnelles ou
avis mentionnés aux troisième et cinquième alinéas de l'article L. 190 du livre
des procédures fiscales, pour lesquels la deuxième phrase du c de l'article R.
196-1 et du b de l'article R. 196-2 du même livre écarte la qualification
d'événement constituant le point de départ d'un nouveau délai de réclamation.
5. Toutefois, seuls doivent être regardés comme constituant le point de départ de
ce délai les événements qui ont une incidence directe sur le principe même de
l'imposition, son régime ou son mode de calcul. Une décision par laquelle le
Conseil constitutionnel, statuant sur le fondement de l'article 61-1 de la
Constitution, déclare inconstitutionnelle une disposition législative ne constitue
pas en elle-même un tel événement susceptible d'ouvrir un nouveau délai de
réclamation.
6. Il appartient au seul Conseil constitutionnel, lorsque, saisi d'une question
prioritaire de constitutionnalité, il a déclaré contraire à la Constitution la
disposition législative ayant fondé l'imposition litigieuse, de prévoir si, et le
88
cas échéant dans quelles conditions, les effets que la disposition a produits
avant l'intervention de cette déclaration sont remis en cause, au regard des
règles, notamment de recevabilité, applicables à la date de sa décision.
Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Montreuil, à la SCI
Maximoise de création, à la SAS AEGIR et au ministre de l'action et des
comptes publics.
3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la cour d'appel
de Paris, par un arrêt du 15 octobre 2009, confirmé par un arrêt de la Cour de
cassation du 29 juin 2011, a jugé que la société hôtelière Paris Eiffel Suffren
était tenue de mettre en œuvre un régime de participation des salariés aux
résultats de l'entreprise de 1986 à 1999. A la suite de la décision du Conseil
constitutionnel du 1er août 2013, la société hôtelière Paris Eiffel Suffren a
demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la
somme de 2 025 068,53 euros, augmentée des intérêts légaux, qu'elle a dû
verser à ses salariés et anciens salariés en exécution de cet arrêt ainsi qu'au
titre du forfait social, de la contribution sociale généralisée et de la contribution
pour le remboursement de la dette sociale, en faisant valoir que ce versement
était la conséquence de l'inconstitutionnalité du premier alinéa de l'article 15
de l'ordonnance du 21 octobre 1986, devenu le premier alinéa de l'article L. 442-
9 du code du travail. Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 5 octobre
2018 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel contre
le jugement du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande.
Sur le principe de la responsabilité de l'Etat :
4. Aux termes du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution : " (...) les
lois peuvent être déférées au Conseil constitutionnel, avant leur promulgation,
par le Président de la République, le Premier ministre, le Président de
l'Assemblée nationale, le Président du Sénat ou soixante députés ou soixante
sénateurs ". Aux termes du premier alinéa de son article 61-1 : " Lorsque, à
l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu
qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la
Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette
question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se
prononce dans un délai déterminé ". Aux termes de son article 62 : " Une
disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61 ne
peut être promulguée ni mise en application. / Une disposition déclarée
inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter
de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date
ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les
conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits
sont susceptibles d'être remis en cause. / Les décisions du Conseil
constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux
pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles
".
[sur la responsabilité, voir le cours au second semestre] 5. La responsabilité de
l'Etat du fait des lois est susceptible d'être engagée, d'une part, sur le fondement
de l'égalité des citoyens devant les charges publiques, pour assurer la
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lieu à répétition. Une action indemnitaire dirigée contre l'Etat, que cette
décision n'exclut pas, ne serait pas susceptible d'affecter les conditions et limites
dans lesquelles elle prévoit la remise en cause des effets produits par la
disposition législative considérée, qui intéresse les rapports entre employeurs et
salariés. Cette décision ne fait ainsi pas obstacle à ce que soit engagée,
devant la juridiction administrative, la responsabilité de l'Etat du fait de
l'application des dispositions, déclarées inconstitutionnelles, du premier alinéa
de l'article 15 de l'ordonnance du 21 octobre 1986 puis du premier alinéa de
l'article L. 442-9 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à la loi du 30
décembre 2004.
tenant aux sommes versées à ses salariés et anciens salariés au titre de leur
participation à ses résultats pour les exercices 1986 à 1995 et aux prélèvements
sociaux afférents