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Correction de la dissertation
Accroche
Définition des termes : PGD et PFRLR (formulation issue de la Constitution de 1946 avec la pensée de rendre hommage à
l’œuvre libérale de la IIIème République et reprise comme telle en JP), à mettre évidemment en liaison avec leur
consécration contentieuse.
Histoire : Consécration progressive des PGD, découverts par le Conseil d’Etat : CE 1944 Dame Veuve Trompier-Gravier,
CE 1945 Aramu, CE, ass., 7 juillet 1950, Dehaene, CE, Ass., 17 février 1950, Ministre de l’agriculture c. Dame Lamotte,
CE 1951, Société des concerts du conservatoire…A noter que la première mention jurisprudentielle des PGD est
contemporaine de l’arrêt qui a fondé le droit administratif. Le jour même où l’arrêt Blanco était prononcé, le TC statuait
que c’est « en les conciliant avec les principes généraux du droit » que les textes spéciaux régissant l’administration
devaient être interprété (TC 8 février 1873, Dugave et Bransiet).
Question de l’apparition des PGD et d’un PFRLR dans la JP du CE = intimement liée à l’émergence d’un contrôle de
constitutionnalité en France.
Contexte : Pendant lgt, jusqu’à l’avènement de la Cinquième République, négation des rapports entre le juge de
l’Administration et la Constitution. Norme suprême était considérée comme une déclaration d’intention, non un texte
contraignant + mythe rousseauiste de la loi. Il y avait donc quelque chose de paradoxal à affirmer la supériorité
hiérarchique de la Constitution et refuser dans le même temps d’en sanctionner la violation. Le rapport entre juge
administratif et Constitution pouvait donc être résumé comme suit : « Assurément l’idée que l’on se faisait de la
Constitution était très haute, mais la conception dominante quant à la nature de la loi ne l’était pas moins. Pour les
concilier, il eût fallu découvrir une autorité capable de parler en leur nom. Or, en cas de conflit entre elles, à qui
s’adresser, sinon aux juges ? La majesté de la loi faisait du contrôle une vexation indésirable » (G. Burdeau, Traité de
science politique). Contrôle de constitutionnalité demeurait inefficace face au prestige de la loi et au principe de séparation
des pouvoirs.
Intérêt du sujet (problématique) : Pourtant, le juge administratif n’a pas toujours été indifférent à la Constitution. Par le
biais notamment des principes généraux du droit, il a pu précéder le juge constitutionnel, du fait notamment de sa
différence de situation entre contrôle de constitutionnalité des actes administratifs et législatifs. Le juge administratif a donc
pu connaître des matières constitutionnelles en dehors même de l’application directe de la Constitution.
C’est ainsi « sous l’ombre tutélaire du Palais-Royal, [que] prenait lentement son essor la Cour du Palais Montpensier. On
pensait alors que l’Aiglon ressemblerait à l’Empereur ! » (J. Robert). En effet, lorsque le Conseil constitutionnel est créé
en 1958, il ne se trouve pas devant une « table rase » (doyen Vedel) sur laquelle il doit bâtir les fondations d’un contrôle de
constitutionnalité des lois. Les juges du Palais Royal ont pu jouer un rôle de révélateur de la valeur juridique de la
Constitution et du bloc de constitutionnalité.
En effet, l’action du Conseil constitutionnel a été facilitée par la prise en compte, avant 1958, des dispositions du
Préambule de 1946, de la Déclaration de 1789 par le Conseil d’Etat au travers notamment des principes généraux du droit
et de la découverte de principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.
Le Conseil constitutionnel profite ainsi d’un « terreau fortement établi » (G. Drago) par le juge administratif pour établir sa
jurisprudence et enrichir en 1971 la Constitution des textes qui la préfacent. La décision « Liberté d’association » est ainsi
révélatrice d’une part, de l’extension du champ d’application de la Constitution, d’autre part, de l’autorité des solutions
dégagées antérieurement par le juge ordinaire : le principe fondamental reconnu par les lois de la République de liberté
d’association affirmé par le Conseil constitutionnel avait déjà été qualifié de la sorte par le Conseil d’Etat dans son arrêt
Amicale des annamites de Paris du 11 juillet 1956.
Annonce
Dès lors, par une sorte de retour d’influence, le juge administratif va progressivement substituer des principes
constitutionnels aux principes généraux du droit, marquant l’acceptation réaliste de leur constitutionnalisation et l’intérêt
renouvelé du juge ordinaire pour la Constitution. Ainsi, dans l’arrêt Amicale des anciens élèves de l’Ecole nationale de santé
de Saint-Cloud de 1990, le Conseil d’Etat substitue « le principe d’égalité de tous les français aux emplois et fonctions
publics », découvert dans l’arrêt Barel et autres en 1954, par celui « d’égal accès des citoyens aux emplois publics proclamé
par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 ». Cette solution n’eût certainement pas
été la même si le Conseil constitutionnel n’avait pas constitutionnalisé, en 1971, les autres textes du bloc de constitutionnalité,
puisqu’il a permis de leur conférer une portée normative de nature à faire reculer les principes généraux du droit dans leur rôle
de défense des libertés. Cette absorption s’est faite dans un but d’harmonisation des règles de droit, « la nécessité de substituer
les normes constitutionnelles aux principes généraux de même contenu [devenant] absolue lorsque la médiation n’a pas
seulement pour conséquence un double système de normes de référence mais aussi une double interprétation d’un principe
unique » (Karine Butéri).
Toutefois, il est remarquable de noter que si les principes généraux du droit ont, en majeur partie, fait l’objet d’une
élévation au rang constitutionnel par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, les PFRLR, issus des grandes lois de la
IIIème République, ne se sont pas substitués aux principes généraux du droit, en raison de leur différence de contenu. Ainsi,
s’il est revenu au Conseil d’Etat de consacrer, pour les besoins de l’espèce, le PFRLR de liberté d’association dans sa décision
d’assemblée du 11 juillet 1956, Amicale des Annamites de Paris, c’est avec éclat que le Conseil constitutionnel a repris à son
compte dans sa décision Liberté d’association, la solution dégagée quinze ans auparavant par le juge administratif. Par ailleurs,
cette décision fut l’occasion pour le juge de la rue Montpensier d’affirmer solennellement ce qui ne pouvait l’être par le
Conseil d’Etat : la reconnaissance de la portée normative des PFRLR ainsi que de l’ensemble des dispositions contenues dans
le bloc de constitutionnalité. C’est à ce titre que Jacques Robert eut cette élégante phrase : « la haute juridiction administrative
observait avec un intérêt toujours courtois mais un rien protecteur, le développement d’une nouvelle juridiction
constitutionnelle (…) et ne se lassait point d’être flattée quelque peu par le nouveau Conseil qui, certaines fois, prenait modèle
sur lui en empruntant quelques-unes de ses méthodes et en suivant, sur des questions épineuses, plusieurs de ses
raisonnements ».
Transition : En tout état de cause, si c’était surtout sous forme de principes généraux du droit que les dispositions
constitutionnelles étaient matériellement invoquées, ils perdent peu à peu de leur importance pour être remplacés par des
normes constitutionnelles, y compris des PFRLR. Néanmoins, ceux-ci conservent une certaine utilité en tant que normes
supplétives, dès lors que leur place dans la hiérarchie des normes permet leur invocation plus facilement que pour les normes
constitutionnelles, qui se voient elles opposer certaines limites d’applicabilité directe.
b. Des facilités procédurales offertes par les PGD, mais désormais concurrencées par les normes conventionnelles
La souplesse des principes généraux du droit, de valeur « infralégislative et supradécrétale » (Chapus), a pour effet
d’insérer, sous cette forme juridique, le contenu matériel des dispositions constitutionnelles au sein des normes
jurisprudentielles. Les textes constitutionnels trouvent ainsi une traduction dans les principes généraux du droit, bien qu’il n’y
soit pas fait expressément référence dans la jurisprudence du Conseil d’Etat. On retrouve une nouvelle fois le problème de
dissymétrie entre la place hiérarchique de la Constitution, placée au sommet de la pyramide kelsénienne, et sa portée
normative, ce que M. Waline exprimait en ces termes à propos des principes généraux du droit : « Pourquoi invoquer, comme
Antigone, les principes non écrits du Droit, lorsque ces principes sont écrits noir sur blanc dans le plus élevé de tous nos
textes, la Constitution elle-même ? ». L’absorption, évoquée plus haut, des PGD par les normes constitutionnelles, illustre le
fait que les principes généraux du droit apparaissent aujourd’hui, dans l’imagerie juridique, comme des « armes médiévales
dans le combat pour les libertés » (J.M. Blanquer).
Toutefois, la caducité du mécanisme des PGD pour la protection des droits et libertés fondamentaux est davantage
imputable à la reconnaissance de l’effet direct des traités internationaux qu’à la concurrence des normes constitutionnelles. Le
justiciable trouve aujourd’hui dans la boite de Pandore conventionnelle un terreau important de droits et libertés invocables
devant le juge qui en assure une protection efficace. Le maintien de la théorie de l’écran législatif en France et l’incertitude
tenant à l’applicabilité directe de la disposition constitutionnelle sont autant de limites à l’invocabilité de la Constitution par le
justiciable qui rendent incertaine l’issue du recours sur ce fondement. Or, depuis l’arrêt Nicolo du Conseil d’Etat de 1989, le
juge dispose de la faculté de passer outre l’écran législatif en matière conventionnelle et de contrôler directement le respect
d’un acte administratif par rapport à une déclaration des droits contenus dans un traité. Ce n’est plus tant leur place dans la
hiérarchie des normes qui fait perdre aux principes généraux du droit leur attrait contentieux, que l’efficacité incomparable de
l’exception d’inconventionnalité, utilisée à foison par le juge ordinaire.
Doctrine majoritaire s’est ralliée à la thèse de René Chapus selon laquelle les PGD auraient une valeur supra-décrétale et
infra-législative puisque les actes administratifs doivent les respecter et que la loi peut les écarter. Thèse dont la justification
découle de la liaison entre hiérarchie de la norme et hiérarchie de l’organe (Carré de Malberg) : ainsi, si le juge administratif
est le serviteur de la loi, il est compétent pour censurer sur son fondement les actes réglementaires. Par conséquent, les normes
qu’il édicte, bien que d’origine jurisprudentielle, doivent avoir son niveau hiérarchique.
Contestation de cette compétence : théorie de Carré de Malberg n’a qu’une portée relative (contre-exemple : ordonnances
ratifiées de l’article 38 : édictées par l’exécutif, mais ont valeur législative) + opposition exagérée entre interprétation du droit
et création de normes : interprétation jurisprudentielle ne prétend pas, en général, créer une norme JP de valeur égale à celle
interprétée. V. aussi : CE 28 mai 1982, Roger : le CE utilise l’expression « PGD à valeur législative » : le fait d’avoir interprété
une loi pour dégagé ce principe lui octroie-il un statut législatif ?
CE Ass. 11 juillet 1956, Amicale des Annamites de Paris : position audacieuse du JA qui a consisté à interpréter le
préambule de la Constitution de 1946 pour en dégager un PFRLR et sanctionner son non-respect au contentieux, et ce à une
époque où le juge administratif refusait d’appliquer directement la Constitution, ne lui reconnaissant qu’une portée déclarative.
Véritable basculement ici : valeur juridique du PFRLR + application directe au litige. Cette décision constitue l’unique cas
d’application directe de la Constitution à un acte administratif avant la Vème République.
Question de la compétence du CE pour dégager un PFRLR se posera de nouveau, dans le contexte juridique de la Vème
République, avec l’arrêt Moussa Koné. L’arrêt d’assemblée Koné du 3 juillet 1996 va singulièrement actualiser la question de
l’application de la Constitution aux traités : « Considérant qu’aux termes de l’article 44 de coopération franco-malien susvisé
‘‘L’extradition ne sera pas exécutée si l’infraction pour laquelle elle est demandée est considérée par la partie requise comme
une infraction politique ou comme une infraction connexe à une telle infraction’’ ; que ces stipulations doivent être
interprétées conformément au principe fondamental reconnu par les lois de la République, selon lequel l’Etat doit refuser
l’extradition d’un étranger lorsqu’elle est demandée dans un but politique… ». Outre le fait que le Conseil d’Etat y interprète
un engagement international à la lumière d’un principe constitutionnel, il prouve de manière spectaculaire, s’il en était encore
besoin, sa capacité à « découvrir » de manière autonome, un principe fondamental reconnu par les lois de la République, et
ainsi à se positionner comme un véritable juge de l’interprétation de la Constitution. Autrement dit, « la norme
constitutionnelle mise en exergue par le juge est directement utilisée comme mètre de référence de l’interprétation de
l’engagement international applicable à la circonstance » (P. Gaïa).
Audace du juge peut s’expliquer en l’espèce par la nécessité d’interpréter la convention dans un sens conforme aux principes
constitutionnels (ce qu’on a appelé une « réserve d’objet constitutionnel ») mais contraire visiblement à la volonté des parties.