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Le juge administratif concurrent du Conseil constitutionnel ?

Correction, plan détaillé (proposition)

Problématisation : Le sujet étant sous forme interrogative, la problématique était très simple à
trouver (il suffisait de répondre à la question posée et de prendre position). Ce sujet est un
classique en DAG.

Le principe de légalité, selon lequel l’Administration ne peut agir qu’en conformité avec le
droit, impose donc que cette dernière respecte la norme suprême de notre ordre juridique
interne : la Constitution.
Les normes constitutionnelles, particulièrement depuis le début de la Ve République, sont
venues compléter la loi comme source de l’action administrative. Le Conseil d’État a donc
fortement intégré le bloc de constitutionnalité dans la jurisprudence administrative. En ce sens,
l’intégration de la Constitution dans la jurisprudence administrative exhorte le juge à
manier la Constitution, rapprochant ainsi ses fonctions de celle juge constitutionnel (I) ;
toutefois, le JA n’est pas un juge complet de la constitutionnalité (II).

I. Le juge administratif, juge de la constitutionnalité de l’action


administrative

A. La consécration de la suprématie de la Constitution par le JA

- Dans un premier temps, le CE s’est référé à la DDHC et donc à la Constitution pour


contrôler l’action administrative ; plus précisément, il a considéré qu’il appartenait à
l’administration d’appliquer la Constitution en l’absence d’intervention du législateur
afin de sauvegarder l’ordre public ou d’éviter un usage abusif d’un droit constitutionnel
garanti : V. CE, Ass., 7 juillet 1950, Dehaene.
Par la suite, le CE a posé comme principe que le JA contrôle la conformité des actes
administratifs à la Constitution et censure tout acte qui en serait contraire : V. CE, Ass.,
11 juillet 1956, Amicale des annamites de Paris.
- Le JA a consacré en 1998 la suprématie de la Constitution dans l’ordre juridique
interne : V. CE Ass., 30 octobre 1998, Sarran Levacher et autres). Dès lors, la légalité
a bien englobé la constitutionalité (document 1, article de Louis Favoreu).

B. L’interprétation de la Constitution par le JA

- Le CE s’est reconnu compétent pour interpréter la Constitution. V. pour illustration CE


11 mai 1998, Mlle Aldige (concernant la contrariété du numerus clausus de 20% de
femmes dans l’armée avec le principe d’égal accès aux emplois publics).
- Le CE a en ce sens dégager des PFRLR, notamment celui d’interdiction de l’extradition
à but politique (CE Ass., 3 juillet 1996, M. Koné). Dans cet arrêt, le juge administratif
s’est octroyé la possibilité de dégager un principe, de valeur constitutionnelle, alors
même qu’il n’était pas encore appliqué par le Conseil constitutionnel. Le Conseil
constitutionnel n’a ainsi pas le monopole de l’interprétation de la Constitution, mais
seulement celui de déclarer une loi contraire à celle-ci. La compétence du JA en matière
de contrôle de constitutionnalité demeure donc restreinte.

1
II. Le juge administratif, juge restreint de la constitutionnalité de l’action
administrative

A’. Le refus du contrôle de la constitutionnalité des lois par le JA

- « L’attachement à la tradition française de souveraineté de la loi a fait obstacle à ce que


[le CE] s’engage dans la voie d’un contrôle de conformité des lois à la Constitution »
(document 3, article de Bernard Stirn).
➔ CE, 6 novembre 1986, Arrighi : Refus du CE d’exercer un contrôle de
constitutionnalité des lois, car c’est le rôle du Conseil constitutionnel.
Il construit, dans cette jurisprudence, la théorie de la loi écran : il accepte de vérifier
la constitutionnalité d’un acte administratif autonome, mais pas d’un acte administratif
pris en application d’une loi. Dans ce dernier cas, ce serait comme s’il vérifiait, par
ricochet, la constitutionnalité de la loi en application de laquelle l’acte administratif a
été pris. Or ce n’est pas son rôle : c’est le CC qui réalise le contrôle de constitutionnalité
des lois (art. 61 et 61-1 de la Constitution de 1958).
- À noter : C.E., Ass., 12 juill. 2013, Fédération nationale de la pêche en France : Le CE
peut vérifier si les mesures administratives prises pour l'application de la loi, « dans la
mesure où elles ne se bornent pas à en tirer les conséquences nécessaires », n'ont pas
elles-mêmes méconnu un principe tiré de la Constitution (en l’espèce, de la Charte de
l’environnement). En d’autres termes, si l’acte administratif ne reprend pas exactement
et uniquement les éléments de la loi qu’il applique, l’écran devient alors transparent et
le juge administratif peut en contrôler la constitutionnalité. => la théorie de la loi écran
ne joue que dans la mesure où le moyen tiré de l’inconstitutionnalité d’un acte
administratif unilatéral obligerait le juge à apprécier la constitutionalité d’une loi. Dès
lors que le requérant soulève des vices de constitutionalité propres à l’acte administratif,
le juge accepte d’opérer le contrôle de constitutionalité.

B’. Une situation inchangée même depuis l’introduction de la QPC

- La jurisprudence de 1936 n’a pas été remise en cause par l’entrée en vigueur de la QPC
(question prioritaire de constitutionnalité) qui permet au requérant devant le JA,
d’arguer, au soutien de sa requête et dans un mémoire « écrit distinct et motivé », de
l’atteinte portée par la loi aux droits et libertés garanties par la Constitution. Le JA doit
alors vérifier le caractère utile, sérieux et nouveaux du moyen. S’il considère que la
question posée satisfait les critères légaux, il sursoit à statuer et saisit le CE, qui dispose
de trois mois pour les vérifier et, le cas échéant, soumettre la question soulevée au CC.
La QPC associe ainsi étroitement le CE à la mise en œuvre de la constitutionnalité a
posteriori de la loi..
- V. CE, 29 mars 2017, Lefèvre : Le JA n’est donc toujours pas, depuis la QPC, juge de
la constitutionnalité des lois. Il ne fait que filtrer les QPC en vérifiant les critères de la
loi organique du 10 décembre 2009.

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