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CONTENTIEUX CONSTITUTIONNEL

INTRODUCTION GÉNÉRALE
L’expression contentieux constitutionnel renvoie aux litiges qui
concernent l’interprétation et l’application des règles constitutionnelles.
Autrement dit, il s’agit de tous les conflits de normes dans lesquels les règles
constitutionnelles sont en jeu.
Les juridictions constitutionnelles, qu’elles soient des conseils ou des
cours, sont les organes spécialement désignés par la Constitution pour en
garantir le respect et s’assurer de la conformité à la Constitution des règles
juridiques applicables.
Le contrôle par lequel le juge s’assure du respect des règles
constitutionnelles porte le nom de contrôle de constitutionnalité. Il peut s’agir
d’un contrôle de constitutionnalité des lois, d’un contrôle de constitutionnalité
des actes administratifs ou d’un contrôle de constitutionnalité des traités
internationaux.

CHAPITRE PRÉLIMINAIRE : PRÉSENTATION DU CONTENTIEUX


CONSTITUTIONNEL
SECTION PREMIÈRE : LES ORIGINES DU CONTRÔLE DE
CONSTITUTIONNALITÉ
Le contrôle de constitutionnalité est né aux États-Unis en 1803 dans
l’affaire MARBURY c/ MADISON, Cour suprême des États-Unis. Dans cet arrêt,
la cour suprême affirme qu’une loi contraire à la Constitution n’est pas du
droit. La cour, pour la première fois, fait primer la Constitution sur les lois. La
cour affirme « C’est précisément le domaine et le devoir du pouvoir judiciaire
de dire ce qu’est la loi. Si deux lois se contredisent, les tribunaux doivent
décider comment chacune s’applique. Il en est ainsi si une loi contredit la
Constitution ».
Par ailleurs, on présente l’affaire MARBURY c/ MADISON comme la
décision par laquelle la cour suprême a institué le mécanisme du judicial review.
Ce mécanisme signifie que le contrôle de constitutionnalité peut être diffus
c’est-à-dire exercé par plusieurs juridictions à la différence du contrôle de
constitutionnalité exercé par un seul organe, donc concentré. En Europe, à la
différence des États-Unis, le contrôle correspond à un modèle concentré, un
modèle qui a été théorisé par HANS KELSEN.

PARAGRAPHE PREMIER : LA THÉORISATION DU CONTRÔLE DE


CONSTITUTIONNALITÉ PAR LA DOCTRINE AUTRICHIENNE
Dans son ouvrage intitulé théorie pure du droit, KELSEN va schématiser
un contrôle de constitutionnalité qui va s’appliquer dans toute l’Europe. C’est un
modèle qui s’inspire de la pyramide des normes. Pour KELSEN, l’État est
assimilable au droit et il conçoit le droit comme un ensemble de normes
superposées et hiérarchisées les unes sur les autres. Par conséquent, la validité
d'une norme inférieure dépend de sa conformité à l’égard d’une norme
supérieure. Et la Constitution est au sommet de la hiérarchie des normes et elle
doit être respectée par toutes les normes qui lui sont inférieures.
Pour garantir la supériorité de la Constitution ainsi que les principes
fondamentaux qu’elle contient, il faut instituer un organe spécialement
compétent. Et cet organe ne peut pas être le juge ordinaire qui n’est que le
serviteur de la loi. Cet organe ne peut pas être non plus le parlement parce qu’il
est l’auteur de la loi. On peut pas être jugé et partie. Donc, cet organe doit être
un tiers impartial et indépendant. À partir du modèle autrichien, la théorie de
KELSEN va influencer les États européens qui vont proposer un modèle de
contrôle concentré. Autrement dit, le contrôle est exercé que par un seul
organe, un organe spécial. Et en cela, le modèle européen s’éloigne du modèle
de la judicial review.

PARAGRAPHE II : LA DISTINCTION DU MODÈLE AMÉRICAIN ET EUROPÉEN


DE CONTRÔLE
Plusieurs critères permettent de distinguer ces deux modèles.

✓ Le critère de l’organe de contrôle : Un contrôle diffus dans le modèle


américain, un contrôle concentré dans le modèle européen. Et en Afrique, du
fait de la colonisation, c’est le modèle européen qui est appliqué.

✓ Le critère du moment du contrôle : Le contrôle peut être a posteriori


c’est-à-dire après la promulgation de la loi. Le contrôle peut être également a
priori c’est-à-dire lorsque la loi n’est pas encore promulguée.
✓ Le critère des détenteurs du droit de saisine : ça peut être les
particuliers dont les droits ont été lésés, ça peut être des autorités politiques,
des autorités juridictionnelles ou tout citoyen de l’État.
✓ Le critère des modalités de la saisine : Il peut s’agir d’un contrôle par
envoie d’exception ou d’un contrôle par voie d’action.
✓ Le critère de la nature du contrôle : Le contrôle peut être concret ou
abstrait.

✓ Le critère des effets du contrôle : Le contrôle peut avoir deux effets :


un effet relatif ( la loi inconstitutionnelle est écartée pour le cas d’espèce ) ; il
peut également avoir un effet absolu ( la loi inconstitutionnelle est totalement
supprimée de l’ordonnancement juridique ).
Dans la pratique, on observe une implication des deux modèles américain
et européen. Au Sénégal par exemple existe aussi bien le contrôle par voie
d’action et le contrôle par voie d’exception. Au Burkina Faso, il en est de même.
C’est dire, il y a donc une implication des éléments des deux systèmes de
contrôle.

SECTION II : LA LÉGITIMITÉ DU CONTRÔLE DE CONSTITUTIONNALITÉ


PARAGRAPHE PREMIER : LA REMISE EN CAUSE DE LA SOUVERAINETÉ
PARLEMENTAIRE
La question que l’on se pose ici est de savoir si le contrôle de
constitutionnalité des lois porte atteinte à la souveraineté du parlement.
En France par exemple, les III e et la IV e Républiques ont consacré la
toute puissance de la loi à travers le légicentrisme. La loi ne pouvait mal faire
parce qu’elle est l’expression de la volonté des représentants du peuple.
Contrôler le législateur reviendrait à contrôler le peuple. Or le peuple est
souverain.
D’ailleurs, JEAN JACQUES ROUSSEAU avait théorisé la doctrine de
l’infallibilité de la loi et par ricochet celle de l’infallibilité du parlement qui vote
la loi. Les protagonistes de l’infallibilité de la loi soutiennent que le contrôle de
constitutionnalité comporte un risque, celui de faire du juge constitutionnel,
une sorte de législateur. Le juge constitutionnel en effet, serait un législateur
négatif car avec un contrôle, la loi votée par le parlement ne peut être appliquée
qu’avec son autorisation.
Le contrôle de constitutionnalité est également critiqué parce que la
Constitution a longtemps été considéré comme un simple catalogue qui ne
contiendrait que des valeurs morales et des principes philosophiques et qui ne
peuvent pas être juridiquement sanctionnés. Cette qualification de la
Constitution a longtemps prévalue. Ce qui explique que le contrôle de
constitutionnalité n’est né en France qu’en 1958 avec l’avènement de la Ve
République.
D’autres critiques ont vu le jour. Certains ont pu dire qu’avec un contrôle
de constitutionnalité, le juge constitutionnel pourrait instaurer « un
gouvernement des juges ». Le « gouvernement des juges » renvoie à
l’hypothèse où le juge serait doté de compétences qui dépasseraient ses
attributions traditionnelles, un juge qui irait au-delà de ce que l’autorise les
textes.
PARAGRAPHE II : LA COMPÉTENCE SUPRÊME DU PEUPLE
Les critiques sur la souveraineté du parlement qui serait remise en cause
n’ont pas prospérées. CARRÉ DE MALBERG a dénoncé les dérives de la
démocratie représentative et il a théorie le remplacement de l’État légale ( la
puissance de la loi ) par l’État de droit ( la soumission de tous les pouvoirs publics
au droit ). Au regard des impératifs de l’État de droit, les actes des pouvoirs
publics comme le parlement doivent être contrôlés.
En outre, pour le doyen VEDEL, la légitimité du contrôle de
constitutionnalité est incontestable car le juge constitutionnel n’a pas le dernier
mot. Autrement dit, si une décision du juge constitutionnel ne convient pas au
pouvoir constituant ( le peuple ), celui-ci a l’ultime compétence pour modifier la
décision adoptée par le juge constitutionnel. Et ce par la technique de la révision
constitutionnelle ( article 103 de la Constitution du Sénégal ).

CHAPITRE PREMIER : L’APPROCHE INSTITUTIONNEL DE LA JURIDICTION


CONSTITUTIONNEL
SECTION PREMIÈRE : LA PRÉSENTATION ORGANIQUE DU CONSEIL
CONSTITUTIONNEL
PARAGRAPHE PREMIER : L’ORGANISATION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
L’organisation du conseil constitutionnel est prévue par la Constitution du
22 janvier 2001 qui prévoit la composition et le fonctionnement du conseil. Le
conseil constitutionnel a été créé en 1992 au Sénégal en remplacement de
l’ancienne cour suprême toutes sections confondues. L’organe a connu une
réforme majeure en 2016 dans le sens d’une revalorisation des compétences du
conseil.
Selon l’article 4 de la loi organique du 14 juillet 2016, les membres du
conseil constitutionnel sont nommés parmi les hauts magistrats, le procureur
général près la cour suprême, les présidents de chambre à la cour suprême, le
premier avocat général de la cour suprême, les professeurs titulaires de droit
etc. Ces personnalités peuvent être en activité ou à la retraite et doivent avoir
20 ans d’ancienneté.
Au titre de l’article 81 de la Constitution, le président de la République
nomme les membres du conseil constitutionnel ( qui sont au nombre de 07 )
dont deux ( 2 ) sur une liste de quatre ( 4 ) personnalités proposée par le
président de l’assemblée nationale.
En comparaison, il y’a sept ( 07 ) membres pour la cour constitutionnelle
du Bénin, douze ( 12 ) membres pour le conseil constitutionnel allemand, neuf
( 09 ) en France etc.
Le mandat est de 6 ans non renouvelable au Sénégal.

PARAGRAPHE II : LES ATTRIBUTIONS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL


Ces attributions sont prévues par la loi organique 92-23 du 30 mai
1992 qui dispose que le conseil exerce toutes les fonctions dévolues à la
cour suprême. L’article 92 de la Constitution du Sénégal dispose que le
conseil constitutionnel se prononce sur :

✓ La constitutionnalité des règlements intérieurs des assemblées

✓ La constitutionnalité des lois

✓ Le caractère réglementaire des dispositions de forme législative.


Le conseil se prononce également sur :

✓ La constitutionnalité des lois organiques

✓ La recevabilité des propositions de loi et d’amendement


d’origine parlementaire

✓ La constitutionnalité des engagements internationaux


✓ Les exceptions d’inconstitutionnalité soulevées devant la cour
suprême et la cour d’appel

✓ Les conflits de compétences entre le pouvoir exécutif et le


pouvoir législatif.
Le conseil connaît également de la régularité des élections
présidentielles et législatives.

SECTION II : LES AMBIGUÏTÉS SUR LA NATURE DE LA JURIDICTION


CONSTITUTIONNELLE
PARAGRAPHE PREMIER : LA NATURE POLITIQUE DU CONSEIL
CONSTITUTIONNEL
Les raisons qui sous-tendent la thèse de la nature politique du
conseil sont nombreuses.

✓ Il y a d’abord la modalité de nomination des membres du conseil.


Tous les membres du conseil sont nommés par des autorités politiques.
Par conséquent, la nomination peut répondre à des logiques idéologiques
ou partisanes. C’est le cas aux États-Unis avec les juges de la cour
suprême.

✓ En France, le conseil constitutionnel a été envisagé comme un


instrument du parlementarisme rationalisé. MICHEL DEBRÉ disait que le
conseil était comme une armée contre les déviations du régime
parlementaire.
✓ L’existence d’un contrôle de constitutionnalité exclusivement a
priori suppose que seules les autorités politiques peuvent saisir le conseil
avant la promulgation de la loi. Réserver la saisine à des autorités
politiques postule potentiellement la nature politique du conseil
constitutionnel.
Toutefois, le débat sur la nature politique du conseil est de moins
en moins pertinent car :
✓ À côté du contrôle a priori, il existe un contrôle a posteriori. Par
conséquent, la saisine n’est plus seulement réservée à des autorités
politiques. Elle est de plus en plus démocratique.
✓ En outre, l’article 92 de la Constitution du Sénégal dispose que
les décisions du conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun
recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités
administratives et juridictionnelles. Les décisions du conseil sont revêtues
de l’autorité de la chose jugée. En cela, on peut dire que ce n’est pas un
organe politique mais un organe juridictionnel.

PARAGRAPHE II : LA JURIDICTIONNALISATION INACHEVÉE DU CONSEIL


CONSTITUTIONNEL
Cette juridictionnalisation s’explique par l’appellation même de
l’organe c’est-à-dire « conseil ». Il serait beaucoup plus opportun de
transformer les conseils constitutionnels en cours constitutionnelles car
l’appellation « cour » est beaucoup plus porteuse en potentialités
juridictionnelles.

CHAPITRE II : LES ACTES DU CONTENTIEUX CONSTITUTIONNEL


Le contentieux constitutionnel est celui des normes que le juge conforme
à la Constitution. La définition formelle de la Constitution est que c’est un texte
désigné comme tel et qui contient les règles que le pouvoir constituant y a
intégré. Ces règles sont les dispositions sur l’organisation des pouvoirs publics,
les droits et libertés et les obligations des citoyens.
En fonction du pays, les actes contrôlés peuvent être des acte du pouvoir
réglementaire ( c’est le cas au Bénin ). Ça peut également être les actes des États
fédérés, ceux du pouvoir judiciaire c’est-à-dire les actes juridictionnels alors
qu’au Sénégal, le conseil constitutionnel contrôle avant tout les lois et les
engagements internationaux.

SECTION PREMIÈRE : LES NORMES DE RÉFÉRENCE


PARAGRAPHE PREMIER : LA CONSTITUTION
1 : LA DÉFINITION DE LA CONSTITUTION
Une définition formelle de la Constitution consiste à considérer que tout
ce qui est dans le texte constitutionnel a une valeur constitutionnelle. À cette
définition formelle s’oppose une définition matérielle de la Constitution. Au
titre de la définition matérielle, les éléments qui figurent dans la Constitution
et qui n’ont pas un objet matériel seront écartés. Parallèlement, les normes
extérieures au texte constitutionnel mais qui présentent un objet
constitutionnel ont une valeur constitutionnelle. Exemple : les dispositions du
code électoral notamment les dispositions sur le mode de scrutin. La
Constitution est donc entendue de manière plus large que le texte formelle. Elle
peut englober des dispositions auxquelles la Constitution renvoie.

2 : LA DIVERSITÉ DES CONTRÔLES DE CONSTITUTIONNALITÉ


Les différents textes qui abordent le contentieux constitutionnel se
contentent de mentionner le contrôle des normes par rapport à la Constitution.
C’est le cas du contrôle des règlements des assemblées et des lois ( organiques
et ordinaires ). Le conseil constitutionnel peut également contrôler si une clause
d’un engagement international est contraire à la Constitution ( article 97 de la
Constitution du Sénégal ).
À côté de ces contrôles classiques, il y a d’autres formes de contrôle plus
atypiques. C’est le cas du contrôle des textes législatifs qui auraient un
caractère réglementaire. En France, c’est l’article 37 alinéa 2 de la Constitution
qui le prévoit. Il y a également le contrôle des propositions de lois et des
amendements qui ne seraient pas du domaine de la loi. C’est pourquoi, l’article
76 de la Constitution du Sénégal dispose « Les matières qui ne sont pas du
domaine législatif en vertu de la présente Constitution ont un caractère
réglementaire ». Ces dispositions réglementaires, parce qu’ils ne font pas partie
des domaines de compétences du législateur, doivent être extirpées de la loi.
Et le président de la République pourra modifier les textes de forme législative
par décret après autorisation du conseil constitutionnel lorsqu’ils contiennent
des dispositions réglementaires.

PARAGRAPHE II : LE PRÉAMBULE
1 : LE CONTENU DU PRÉAMBULE
Le préambule de la Constitution contient des principes dont la valeur
juridique ne sont pas toujours encore reconnu. Le principe de l’intégrité,
probité, transparence, promotion du genre etc. Il contient également des actes
internationaux comme la DDHC de 1789, la déclaration universelle des droits
de l’homme de 1948, la convention sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination à l’égard des femmes du 18 décembre 1979, la convention
relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 et enfin la charte africaine
des droits de l’homme et des peuple du 27 juin 1981.
2 : LA VALEUR JURIDIQUE DU PRÉAMBULE
La valeur juridique du préambule à longtemps été contestée. Le
préambule fut considéré comme un simple texte symbolique, philosophique et
moral. Il a fallu attendre la décision du conseil constitutionnel français du 16
juillet 1971, LIBERTÉ D’ASSOCIATION pour que la valeur juridique du
préambule soit reconnue.
Au Sénégal, la reconnaissance fut faite par le conseil constitutionnel dans
une décision du 23 juin 1993, RABAT D’ARRÊT. Au Burkina Faso, le juge
constitutionnel rappelle également que le préambule à valeur constitutionnelle
dans un avis juridique du 14 avril 2003.
Avec la reconnaissance de la valeur juridique du préambule, le bloc
constitutionnalité se trouve élargi en ce qu’il comprend l’ensemble des règles
de valeur constitutionnelle.

SECTION II : L’EXCLUSIVISME DE LA CONSTITUTION


Lorsque l'on parle d’exclusivisme de la Constitution, il s’agit en vérité de
dire que le conseil constitutionnel se limite à la vérification de la conformité
des normes à la Constitution.
Le conseil constitutionnel ne contrôle pas la conventionalité des lois dans
le cadre du contrôle de constitutionnalité ( décision IVG, conseil constitutionnel
français, 15 janvier 1975 ). La même solution s’applique au Sénégal. En effet, les
décisions prises par le conseil ( article 92 de la Constitution ) ont un caractère
absolu et définitif alors que le contrôle de la conventionalité c’est-à-dire la
supériorité des traités sur les lois ( article 98 de la Constitution ) présente un
caractère relatif et contingent. Le contrôle de conventionalité est relatif parce
que la supériorité des traités sur les lois est subordonnée à des conditions de
réciprocité . Cela veut dire qu’une loi contraire à un traité n’est pas
nécessairement contraire à la Constitution car la supériorité du traité ne vaut
que lorsque l’application du traité est réciproque.
La condition de réciprocité n’est toutefois pas valable pour les traités
relatifs aux droits fondamentaux. Ces traités s’appliquent de manière
inconditionnelle, indépendamment de toute condition de réciprocité.
Donc il appartient aux juridictions ordinaires de procéder au contrôle de
conventionalité des lois. Les juridictions ordinaires judiciaires ou
administratives, en vertu de l’article 98 de la Constitution, doivent écarter
l’application des lois nationales contraires à un traité.
En France, les juridictions ordinaires ont réagi différemment au contrôle
de conventionalité. La cour de cassation a très rapidement admis le contrôle de
conventionalité des lois dans une décision du 24 mai 1975, SOCIÉTÉ DES CAFÉS
JACQUES VABRE. Le conseil d’État n’a reconnu la supériorité des traités sur les
lois même postérieures qu’à travers la jurisprudence du 20 octobre 1989 ,
NICOLO. Cette supériorité des textes internationaux a été étendue par le conseil
d’État aux règlements communautaires ( CE, 24 septembre 1990, BOISDET ) et
aux directives communautaires ( CE, 28 février 1992, S.A ROTHMANS
INTERNATIONAL FRANCE ).
En revanche, le contrôle n’a pas été étendu à la coutume ( CE, 06 juin
1997, AQUARONE ), ni aux principes généraux du droit.
CHAPITRE III : LES ACTES CONTRÔLÉS
SECTION PREMIÈRE : LES ACTES EXCLUS DU CONTRÔLE
Sont exclus du contrôle de constitutionnalité devant le juge
constitutionnel :

✓ Les lois constitutionnelles

✓ Les lois référendaires

✓ Les actes non législatifs

PARAGRAPHE PREMIER : LES LOIS CONSTITUTIONNELLES


Il s’agit des lois dont l’objet est de modifier la Constitution. C’est
pourquoi les lois constitutionnelles sont appelées les lois de révision
constitutionnelle. Au Sénégal, c’est l’article 103 qui prévoit le régime de
révision de la Constitution, révision qui est adoptée soit par les députés à une
majorité des 3/5 des voix ou par le peuple par référendum.
L’impossibilité pour le conseil constitutionnel du Sénégal de contrôler les
lois de révision trouve son origine historique de la jurisprudence du conseil
constitutionnel français. En effet, dans sa décision du 06 novembre 1962, le
conseil constitutionnel français avait refusé de contrôler une loi référendaire
dont certaines dispositions modifiaient la Constitution. Le conseil
constitutionnel adopte la même politique jurisprudentielle en écartant de son
champ de contrôle, les lois constitutionnelles. Il l’a rappelé dans sa décision du
12 février 2016.
L’absence de contrôle des lois constitutionnelles se justifie selon le doyen
VEDEL par le fait que le pouvoir constituant dérivé est au même niveau que le
pouvoir originaire. Or la volonté du peuple ne saurait faire l’objet de contrôle
en ce que le peuple dispose de la souveraineté.
L’idée aussi est d’éviter qu’il existe des normes supra-constitutionnelles,
lesquelles normes qui seraient au dessus de la volonté du peuple. Ces normes
seraient considérées comme des règles qui seraient au dessus des lois
constitutionnelles et dont le conseil constitutionnel devra respecter. Admettre
un contrôle des lois constitutionnelles, Ce serait dire que le peuple n’est plus
souverain. Et au qu’au dessus du peuple, qu’il y aurait des lois naturelles que le
juge placerait au dessus du peuple. Un tel postulat existe en Allemagne et en
Italie. En Afrique, c’est aussi le cas du Burkina Faso, pays dans lequel le juge
admet un contrôle des lois constitutionnelles.
En France et au Sénégal, le principe est celui de l’absence de contrôle des
lois constitutionnelles.

PARAGRAPHE II : LES LOIS RÉFÉRENDAIRES


À l’instar des lois constitutionnelles, les lois référendaires sont
également exclues du contrôle de constitutionnalité. L’origine du référendum
peut remonter à la DDHC, article 6 de la déclaration qui dispose « Tous les
citoyens ont le droit de concourir personnellement ou par leurs représentants
à sa formation ( la loi ) ». L’article 3 de la Constitution du Sénégal dispose quant
à lui « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses
représentants et par la voie du référendum ».
En France, l’absence de contrôle des lois référendaires provient de la
décision du 06 novembre 1962 du conseil constitutionnel.
L’exclusion des lois référendaires signifie qu’il y a une différence entre le
parlement législateur et le peuple législateur. Le contrôle du conseil ne peut
porter que sur l’activité du parlement législateur. Cependant, il existe en la
matière un paradoxe ou une contradiction. En effet, la loi référendaire ne peut
être contrôlée par le conseil constitutionnel mais elle peut faire l’objet d’une
modification par le parlement ou par le peuple lui-même à travers un autre
référendum. En réalité, lorsque le parlement modifie la loi référendaire, on
considère que c’est le peuple qui a modifié sa propre loi car le peuple est
composé par les représentants du peuple qui agissent au nom du peuple.

PARAGRAPHE III : LES ACTES NON LÉGISLATIFS


Le principe est celui de l’absence de contrôle des actes qui ne peuvent
pas être qualifiés de loi. Ne peuvent être déférés au conseil que les textes qui
ont un caractère de loi au titre de l’article 71 de la Constitution du Sénégal.
C’est le cas des ordonnances qui sont des textes édictés par le gouvernement à
la place du parlement et qui sont des actes administratifs parce que adoptés
en conseil des ministres et ce jusqu’à leur ratification par le législateur.
Dans le cadre du contrôle a posteriori, l’exception d’inconstitutionnalité
ne peut concerner qu’une disposition législative. Il s’agit alors soit de loi
organique ou de loi ordinaire. Naturellement il peut s’agir d’ordonnance mais à
condition que celle-ci soit ratifiée par le parlement.

SECTION II : LES ACTES SOUMIS AU CONTRÔLE DE CONSTITUTIONNALITÉ


PARAGRAPHE PREMIER : LES CONTRÔLE FACULTATIF DES ENGAGEMENTS
INTERNATIONAUX
Au titre de l’article 97 de la Constitution du Sénégal, si le conseil
constitutionnel a déclaré qu'un engagement international comporte une
clause contraire à la Constitution, l’autorisation de ratification ou
d’approbation ne peut intervenir qu’après révision de la Constitution. Les
engagements internationaux concernés sont les traités négociés, signés et
ratifiés par le président de la République et les accords qui sont approuvés par
le gouvernement.
Les traités internationaux qui au titre de l’article 96 de la Constitution ne
peuvent être approuvés ou ratifiés que par une loi doivent faire l’objet de
contrôle. Il s’agit des traités de paix, de commerce, ceux qui engagent les
finances de l’État, ceux relatifs à l’état de personnes etc.

PARAGRAPHE II : LE CONTRÔLE DES LOIS ET DES ACTES LÉGISLATIFS


Parmi les lois et les actes législatifs, il faut distinguer le contrôle des lois
organiques qui est obligatoire et le contrôle des lois ordinaires qui est facultatif.
I : LE CONTRÔLE OBLIGATOIRE DES LOIS ORGANIQUES
Les lois organiques ont pour vocation de compléter et de préciser la
Constitution sans toutefois la modifier. Elles visent à déterminer le régime
juridique des institutions constitutionnelles. Leur régime juridique fait que ces
lois se situent entre la loi constitutionnelle et la loi ordinaire. Aux termes de
l’article 78 de la Constitution, les lois organiques sont votées et modifiées à la
majorité absolue des membres de l’assemblée nationale.
Leur nature particulière exige que le contrôle de constitutionnalité soit
fait avant leur entrée en vigueur. À l’occasion de ce contrôle, le conseil vérifie si
la loi organique respecte le domaine de la loi.
Quatre critères permettent d’identifier la loi organique :

✓ Le caractère organique doit être conféré par la Constitution

✓ L’objet de la loi doit nécessairement porté sur l’organisation et le


fonctionnement d’une institution

✓ La loi doit être votée à la majorité absolue

✓ Le conseil constitutionnel doit déclarer la loi conforme à la


Constitution

B : LE CONTRÔLE FACULTATIF DES LOIS ORDINAIRE


Le contrôle des lois ordinaires est soumis aux aléas de la saisine même si
certaines lois ordinaires connaissent des modalités contrôle spécifiques. La loi
ordinaire est définie à l’article 67 de la Constitution du Sénégal qui fixe un
domaine de la loi par rapport au domaine su règlement.
Le contrôle de ces lois est subordonnée à une saisine préalable. Et cette
saisine est soit institutionnelle soit ouverte ou démocratique.

✓ Pour la saisine institutionnelle, seules des autorités politiques peuvent


le faire. Au Sénégal, c’est réglée par l’article 74 de la Constitution. Il s’agit du
président de la République ou d’1/10e des membres de l’Assemblée nationale.
Et cette saisine intervient après le vote de la loi mais avant sa promulgation par
le président de la République.
✓ Quant à la saisine démocratique, elle n’est pas seulement réservée aux
seules autorités politiques. Les citoyens peuvent saisir directement la
juridiction constitutionnelle. C’est le cas au Bénin et au Burkina Faso.
✓ On peut aussi donner l’exemple de l’auto-saisine . Exemple : article 123
de la Constitution du Bénin.
Le champ de contrôle du conseil ou de la cour constitutionnelle s’est
considérablement élargi avec le mécanisme de l’exception
d’inconstitutionnalité ( avec une saisine prétorienne ) qui signifie que la loi
promulguée peut faire l’objet d’une saisine. Dans ce cas on est plus seulement
dans le cadre du contrôle préventif mais plutôt d’un contrôle dit correctif, un
contrôle qui vise à corriger l’intégration d’une loi dans l’ordonnancement
juridique.

PARAGRAPHE III : LE CONTRÔLE OBLIGATOIRE DES RÈGLEMENTS DES


ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES
Au Sénégal, c’est un contrôle obligatoire à l’instar des Assemblées
parlementaires. Mais c’est un contrôle qui n’est pas automatique car le conseil
constitutionnel ne se saisit pas directement. L’idée de ce contrôle, c’est le
respect du parlementarisme rationalisé. En effet, il faut éviter que les
Assemblées adoptent dans leurs règlements des dispositions qui pourraient
contourner les limites posées par la Constitution. Et le conseil constitutionnel
du Sénégal contrôle le règlement des Assemblées non seulement à l’égard de la
Constitution mais aussi à l’égard des lois organiques.
C’est un contrôle qui est exercé à double détentes. C’est-à-dire que le
règlement est contrôlé et les modifications apportées par l’Assemblée
nationale notamment au règlement déjà contrôlé sont également recontrôlés
par le conseil constitutionnel.
CHAPITRE IV : LA PORTÉE DES DÉCISIONS
DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

SECTION PREMIÈRE : LES POUVOIRS DU CONSEIL JUGE AIGUILLEUR


Le juge constitutionnel n’instaure pas « un gouvernement des juges »
dans le cadre de son contrôle. Dans l théorie du juge aiguilleur qui a été pensée
par Louis FAVOUREU, le juge se limite à dire au législateur, les indications, la
procédure qu’il faut adopter pour que la loi soit conforme à la Constitution.
Donc le juge ne remplace pas le législateur, il lui fixe la procédure à respecter. Et
lorsque la requête ne respecte pas les conditions de forme, le conseil conclue à
l’irrecevabilité. Cela veut dire que la demande n’est pas acceptée par le conseil.
C’est le cas lorsque le saisissant n’a pas qualité pour introduire une instance
devant le conseil. Par contre, lorsque la requête est formulée dans le respect des
conditions procédurales, le juge peut prononcer l’inconstitutionnalité des
dispositions incriminées.
Mais l’étendue de l’inconstitutionnalité est variable. Elle peut concerner
soit la totalité de la loi soit certaines dispositions de la loi ( théorie de la
divisibilité de la loi ). Mais il peut y avoir une difficulté lorsque
l’inconstitutionnalité partielle affecte l’ensemble de la loi. Dans ce cas, le
conseil considère que la disposition concernée est inséparable de la loi. Au
Sénégal, la loi du 14 juillet 2016 prévoit que si la disposition est inséparable de
l’ensemble de la loi, celle-ci ne peut être promulguée.
Une fois que le conseil a rendu sa décision, celle-ci revêt le caractère de
l’autorité absolue de la chose jugée.
L’autorité des décisions du conseil apparaît à l’article 92 de la
Constitution. Une disposition inconstitutionnelle ne pourra pas être
promulguée. Elle ne pourra pas non plus être mise en application. L’article 92
dispose également que les décisions du conseil s’imposent aux pouvoirs publics
et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles. Deux
conséquences y découlent :

✓ L’irrévocabilité des décisions du conseil : les décisions du conseil sont


revêtues de l’autorité absolue de la chose jugée. Dans certains pays comme le
Niger et le Bénin, ne pas appliquer les décisions du conseil revient à violer la
Constitution.

✓ La décision d’inconstitutionnalité prive d’effets des dispositions


inconstitutionnelles. Exemple : lorsque certaines dispositions de la loi sont
frappées d’inconstitutionnalité, ne pourront être promulguées que les
dispositions non censurées.
Dans le cadre de l’exception d’inconstitutionnalité, la disposition
contraire à la Constitution sera abrogée.
Dans le cadre du contrôle des traités internationaux, si l’accord
international est contraire à la Constitution, il ne peut y avoir ratification que si
la Constitution est révisée.
L’autorité des décisions de la juridiction constitutionnelle peut toutefois
être relativisée parce qu’il peut y’avoir :
• des revirements jurisprudentiels
• des rectifications d’erreurs matérielles
• une réticence des autorités politiques à appliquer les décisions du
conseil.

SECTION II : LES POUVOIRS DU CONSEIL JUGE RÉGULATEUR


La juridiction constitutionnelle dans certains pays de l’Afrique noire
francophone assure la fonction de régulation du fonctionnement des
institutions et de l’activité des pouvoirs publics ( article 99 de la Constitution
du Togo, article 114 de la Constitution du Bénin par exemple ). La juridiction
constitutionnelle est habilitée à prendre toute décision qui a pour vocation
d’éviter la paralysie des institutions de la République. C’est ce que le juge
constitutionnel du Niger a pu dire dans une décision du 15 mai 2014.
• Le juge constitutionnel malgache s’est fondé sur ce pouvoir de
régulation pour renverser un gouvernement dans sa décision de juin 2018.
• La cour constitutionnelle du Gabon, dans une décision du 14 novembre
2018, a réécrit l’article 13 de la Constitution gabonaise pour régler la question
successorale pour la présidence de la République.
• La cour constitutionnelle béninoise a également pour habitude de
l'utiliser comme fondement de ces décisions : en 2006, la décision dite
consensus national ; en 2011 la décision dite option fondamentale.
Très souvent, ce pouvoir est utilisé en Afrique à la suite des élections
présidentielles ou législatives lorsque l’issue de l’élection est conflictuelle.
Au Sénégal, le conseil constitutionnel apparaît davantage comme un juge
aiguilleur que comme un juge régulateur. En effet, le conseil constitutionnel du
Sénégal a pour doctrine de se limiter à l’orthodoxie de ses pouvoirs
traditionnels en ne faisant pas la promotion du « gouvernement des juges ».
Toutefois, la décision rendue par le conseil constitutionnel du Sénégal le
12 février 2016 constitue un tournant décisif dans la doctrine du conseil. En
effet, pour la première fois le juge constitutionnel sénégalais a prescrit des
injonctions au pouvoir public. Une injonction est une directive que le juge
donne aux autorités administratives pour appliquer sa décision. En
l’occurrence sans aucune habilitation textuelle, le juge constitutionnel a
formulé des injonctions à l’endroit du président de la République. Ce qui
pourrait être considéré comme une atteinte à la séparation des pouvoirs. En
définitive, le juge constitutionnel sénégalais quand bien même est-il un juge
aiguilleur peut apparaître selon les besoins de sa jurisprudence comme un juge
régulateur.

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