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Les sources du droit CHAPITRE 1


administratif
Le principe de légalité, principe fondamental, implique que les actes de l’admi-
nistration doivent respecter toutes les normes qui leur sont supérieures. Les règles
qui s’imposent à elle découlent des sources du droit administratif, groupées en
un ensemble hiérarchisé – le bloc de légalité –. Certaines règles sont externes à
l’administration, d’autres internes.

Les règles s’élaborent de façon spontanée (coutume au rôle négligeable en droit administratif) ou
sont édictées par l’autorité publique (règles écrites) ou le juge (jurisprudence). Les sources du
droit administratif ne sont pas regroupées dans un code.
La Constitution détermine les autorités compétentes pour poser les règles de droit, la pratique
pouvant infirmer ou compléter ses prévisions.
Les lois et règlements touchent plus particulièrement à la structure des organismes publics, la
compétence des autorités administratives, la structure et les modalités de fonctionnement de la
juridiction administrative.
La jurisprudence, source essentielle des grandes constructions du droit administratif stricto sensu
(acte unilatéral, contrat, responsabilité…), rend possible l’adaptation constante des règles juri-
diques aux problèmes de fait et reste l’une des caractéristiques du droit administratif, fondamen-
talement prétorien.
La loi doit respecter la Constitution et les principes de valeur constitutionnelle.
Aux conditions posées par l’article 55 de la Constitution, les traités et accords internationaux
priment sur la loi interne.
Toutes les autorités administratives sont liées par les sources de droit administratif qui leur sont
externes (Constitution, traités, lois, principes généraux du droit). Les autorités administratives
les plus modestes doivent respecter, outre ces sources, les règles de droit sécrétées par les auto-
rités administratives qui leur sont supérieures.
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La méconnaissance par une autorité administrative d’une source du droit est sanctionnée par l’an-
nulation de l’acte ou sa mise à l’écart lors d’un litige par le jeu de l’exception d’illégalité.

1 Les sources écrites

■ La Constitution et les normes de valeur constitutionnelle


La Constitution est la source suprême, directe ou indirecte, de toutes les compétences qui
s’exercent dans l’ordre administratif (CE, ass., 30 oct. 1998, Sarran, Levacher et a. ; Cass.,
plén., 2 juin 2000, Mlle Fraisse ; Cons. const., 10 juin 2004). Le Conseil constitutionnel est incom-
pétent pour apprécier la conformité à la Constitution d’une révision constitutionnelle (Cons. const.,
26 mars 2003). Les normes constitutionnelles s’imposent au législateur comme à l’administration.
Le juge censure les actes administratifs méconnaissant directement une règle constitutionnelle (CE,
ass., 11 juill. 1956, Amicale des Annamites de Paris). Mais si l’inconstitutionnalité provient de ce
que l’acte est pris en exécution d’une loi elle-même inconstitutionnelle, celle-ci reste sans sanction,
car censurer l’acte reviendrait à critiquer la loi. La loi fait écran entre le juge et la norme consti-
tutionnelle. Le juge ne peut juger de la régularité juridique de la loi par rapport à la Constitution
– c’est le rôle exclusif du Conseil constitutionnel – et doit rejeter un moyen tiré de l’inconstitu-
tionnalité de la loi (CE, sect., 10 juill. 1954, Fédé. des conseils de parents d’élèves). Cependant, s’il
n’appartient pas au juge administratif d’apprécier la conformité d’un texte législatif aux disposi-
tions constitutionnelles en vigueur à la date de sa promulgation, il lui revient de constater l’abro-
gation, fût-elle implicite, de dispositions législatives qui découle de ce que leur contenu est
inconciliable avec un texte qui leur est postérieur, que celui-ci ait valeur législative ou constitution-
nelle (CE, ass. 16 déc. 2005, Min. Aff. soc. et Synd. nat. des huissiers de justice).
Dès que les lois et lois organiques nécessaires à l’application de l’article 61-1 de la Constitution
seront intervenues, lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il sera sou-
tenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit,
le Conseil constitutionnel pourra être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la
Cour de cassation qui se prononcera dans un délai déterminé.

a) Les articles de la Constitution


Ils répartissent entre le président de la République et le Premier ministre le pouvoir régle-
mentaire général et le pouvoir de nomination des fonctionnaires de l’État, précisent le
régime du contreseing ministériel, distribuent les compétences entre le Parlement et le gou-
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CHAPITRE 1 – LES SOURCES DU DROIT ADMINISTRATIF

vernement selon la nature des matières et en ce qui concerne la ratification et l’approbation des
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traités. Ils posent aussi des principes : égalité des citoyens devant la loi, liberté de constitution et
d’activité des partis politiques, supériorité des traités sur la loi, à certaines conditions, libre admi-
nistration des collectivités territoriales. Le Conseil constitutionnel, le juge administratif ou le juge
judiciaire résolvent les difficultés d’interprétation qu’ils posent, ce qui crée des divergences (Cons.
const., 17 mars 1964 et 2 juill. 1965 et CE, ass., 3 févr. 1967, Confédé. gén. vignerons du Midi ;
Cons. const., 26 juin 1969 et CE, 27 févr. 1970, Cne de Bozas).

b) Le préambule de la Constitution
Il comporte dix lignes, très substantielles, qui renvoient à la DDHC du 26 août 1789 et au
préambule de la Constitution de 1946. Il proclame l’attachement du peuple français aux droits
de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale définis par la DDHC, aux principes poli-
tiques, économiques et sociaux, proclamés par le préambule de 1946 comme particulièrement
nécessaires à notre temps, et aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.
Reprenant la solution dégagée sous la IVe République (CE, ass., 7 juill. 1950, Dehaene ; – ass.,
6 janv. 1956, Synd. autonome du cadre de l’adm. gén. des colonies ; – Amicale des Annamites de
Paris ; – ass., 7 juin 1957, Condamine), le Conseil d’État, suivi par le Conseil constitutionnel
(16 juill. 1971), a très vite reconnu valeur constitutionnelle au préambule, qui ne doit pas
être dissocié du reste de la Constitution (CE, sect., 12 févr. 1960, Sté Eky).
Cette valeur constitutionnelle a été réaffirmée par le Conseil d’État, de même que celle de la
Charte de l’environnement à laquelle il est fait référence dans le préambule depuis 2005 (CE, ass.,
3 octobre 2008, Cne d’Annecy).
Certaines dispositions en sont suffisamment précises pour être appliquées directement (« la nation
assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » : CE, ass., 8 déc.
1978, GISTI), d’autres doivent être précisées par une loi (solidarité devant les charges résultant des
calamités nationales : CE, 29 nov. 1968, Tallagrand). Il existe des cas limites : le principe selon
lequel « tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur
les territoires de la République » ne s’impose au pouvoir réglementaire, en l’absence de précision
suffisante, que dans les conditions et limites définies par des dispositions législatives ou conven-
tionnelles (CE, 27 sept. 1985, France Terre d’Asile) mais n’exclut pas le droit des demandeurs d’asile
à être autorisés à demeurer sur le territoire jusqu’à ce qu’il ait été définitivement statué sur leur
demande (CE, ass., 13 déc. 1991, N’Kodia, Dakoury).
Le Conseil constitutionnel prend telles quelles certaines dispositions du préambule (art. 17 DDHC :
Cons. const., 16 janv. 1982, 13 déc. 1985). Il en développe et concrétise d’autres (prise en consi-
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dération de certaines composantes de l’art. 4 de la DDHC : « la liberté consiste à pouvoir faire tout
ce qui ne nuit pas à autrui » et reconnaissance de leur valeur constitutionnelle : Cons. const.,
12 juill. 1979, 30 oct. 1981, 16 janv. 1982, 20 janv. 1993 ; principe d’égalité, défini comme impo-
sant seulement qu’à des situations semblables soient appliquées les mêmes règles et n’interdisant
pas qu’à des situations non semblables soient appliquées des règles différentes, pourvu que les dif-
férences de traitement soient « justifiées par la différence des situations et ne soient pas incom-
patibles avec la finalité de la loi » : Cons. const., 17 janv. 1979, 12 juill. 1979, 21 janv. 1981,
16 janv. 1982, avant d’indiquer ses corollaires : égalité devant la justice, les charges publiques, égal
accès aux emplois publics…).
Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République furent inclus dans le
préambule de la Constitution de 1946 afin de rendre hommage à l’œuvre libérale de la
IIIe République, la formule ne paraissant donner valeur constitutionnelle qu’aux libertés d’asso-
ciation et d’enseignement. La liberté d’association fut reconnue explicitement comme un prin-
cipe fondamental (CE, Amicale des Annamites de Paris), le premier à être reconnu par le Conseil
constitutionnel (16 juill. 1971), avant ceux du respect des droits de la défense en matière pénale,
des libertés individuelles et de l’enseignement, de l’indépendance de la juridiction administrative,
de l’indépendance des professeurs d’université, de celui selon lequel l’annulation ou la réformation
des décisions prises par l’administration dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique
relève de la juridiction administrative ou encore celui consacrant l’importance des attributions
conférées à l’autorité judiciaire en matière de protection de la propriété immobilière. Le Conseil
d’État utilise la notion (obligation pour l’État de refuser une extradition demandée pour un but
politique : 3 juill. 1996, Koné).

c) La chose jugée par le Conseil constitutionnel


Le Conseil d’État estime être lié par l’interprétation de la Constitution donnée par le Conseil consti-
tutionnel lorsqu’il a à statuer dans une affaire où est en cause un texte législatif sur lequel le
Conseil constitutionnel s’est déjà prononcé (CE, ass., 20 déc. 1985, SA Éts Outters ; – ass., 11 mars
1994, SA La Cinq). En revanche, saisi à propos d’une loi sur laquelle celui-ci ne s’est pas prononcé,
il statue comme il l’entend, même si la question posée a déjà été résolue par ce dernier (CE, 9 juill.
1986, Ville de Paris).
L’autorité des décisions du Conseil constitutionnel ne se limite pas à leur dispositif, mais s’étend à
ceux de leurs motifs « qui en sont le soutien nécessaire et en constituent le fondement même »
(Cons. const., 16 janv. 1962). « L’autorité de la chose jugée » qui s’attache à ces décisions
« ne peut être utilement invoquée à l’encontre d’une autre loi conçue, d’ailleurs, en
termes différents », (Cons. const., 20 juill. 1988) ce qui rejoint la solution du Conseil d’État.

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