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Université Hassan premier- Settat

Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales

Droits humains et libertés publiques


Droit en français, S4
Année 2019-2020
cours: Sources internes des droits humains et libertés

Professeur: Abdellatif BENBOUNOU

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II-Les sources internes des droits humains et des libertés
Après l'étude des différentes sources, internationales et
européennes des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, il faut examiner comment ils sont juridiquement
organisés au niveau national.
Plusieurs analyses sont nécessaires. Il s'agit d'abord de savoir qui
élabore le régime juridique de ces droits et ces libertés qui sont le
constituant, le législateur, le gouvernement et l'administration en
générale. Chacun a sa zone de compétence en fonction de ses
attributions.
On peut distinguer trois niveaux de textes liés à trois niveaux
d'autorités. C'est, d'abord, la Constitution sous la responsabilité
du constituant originaire comme du constituant dérivé. Les droits
et les libertés ont effectivement un ancrage constitutionnel. C'est,
ensuite, la loi sous la responsabilité du législateur. Beaucoup de
droits et de libertés ont seulement un ancrage législatif. C'est,
enfin, souvent, le décret, sous la responsabilité du gouvernement,
qui donne une organisation juridique concrète au droit ou la
liberté reconnus.

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A-L'ancrage constitutionnel des droits et des libertés et l'État de droit
L'affirmation ou la proclamation des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, surtout les plus importants, relèvent à l'évidence du niveau
constitutionnel, car la constitution est le texte disposant de la plus forte valeur
juridique dans une démocratie. Il est donc normal et indispensable que les droits
de l'homme et les libertés fondamentales aient un ancrage constitutionnel très
affirmé. Leur garantie est encore plus solide. Cela est en adéquation avec la
fonction même de la Constitution. Elle est la traduction juridique du contrat social
d'une société déterminée à un moment déterminé. Les droits de l'homme et les
libertés fondamentales concrétisent ce compromis social fondamental. Les valeurs
les plus importantes doivent être reconnues par le texte le plus important.
On va ainsi de la Constitution au texte le plus modeste l'arrêté municipal, ou du
constituant au maire. L'ordre juridique appelle le contrôle du respect de
l'ensemble des normes juridiques : le contrôle de constitutionnalité exercé par le
juge constitutionnel, le contrôle de conventionalité et le contrôle de la légalité.
Cela permet le respect de la Constitution, des traités internationaux et de la loi.
Aujourd'hui, les droits de l'homme et les libertés fondamentales trouvent souvent
leurs fondements dans la Constitution, ou le bloc de constitutionnalité, c'est-à-
dire l'ensemble des normes de niveau constitutionnel qui permettent au Conseil
constitutionnel d'effectuer un contrôle de constitutionnalité.

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a- Le contenu du bloc de constitutionnalité
Par rapport aux droits et aux libertés fondamentales, le bloc de
constitutionnalité est un ensemble composite dans la forme comme
sur le fond. Il comprend un ensemble de textes, mais aussi de
principes de valeur différente dégagés au fur et à mesure par la
jurisprudence de la cour constitutionnelle.
-la compétence de la juridiction administrative en matière de
contentieux de l'excès de pouvoir ;
-l'importance des attributions conférées à l'autorité judiciaire en
matière de protection de la propriété immobilière;
-les spécificités de la justice des mineurs".
Évidemment, cette garantie constitutionnelle des droits de l'homme et
des libertés fondamentales est complète, si le texte constitutionnel lui-
même est respecté par toutes les autorités surtout les plus élevées
d'un pays. L'ancrage constitutionnel et la garantie constitutionnelle des
droits concourent à la construction d'un réel État de droit.
L'Étal de droit ressemble à une pyramide selon la vision de Hans Kelsen
: un ordre juridique, mais un ordre juridique contrôlé clans son
fonctionnement à chaque niveau. L'ordre juridique suppose une
hiérarchie de normes en liaison avec une succession hiérarchique
d'autorités.
Nous en donnons quelques exemples en relation avec les droits et les
libertés fondamentales :
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L’égalité devant la loi;
la publicité des débats judiciaires en matière pénale;
la sauvegarde de l'ordre public;
le respect de la liberté d'autrui;
la préservation du caractère pluraliste des courants d'expression
socioculturels;
Enfin, l'intégration progressive, dans le bloc de constitutionnalité, de normes
de niveau international, a aussi pour conséquences de renforcer l'assise
juridique des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La constitution marocaine de 2011 recommande le respect de ces catégories
des droits et des libertés :
-Les droits personnels de l’individu comme le droit à la vie (art 20), à la liberté
et à la sûreté de la personne (art 21), l’interdiction à l’atteinte de l’intégrité
physique ou morale, l’exclusion de la torture, des traitements inhumains et
cruels (art 22), l’interdiction de l’arrestation et détention arbitraire en dehors
de la loi (art 23), le droit à la protection de la vie privée, la liberté de
correspondance, de circulation et du domicile (art 24), le droit de fonder une
famille sur un lien légal (art 32), le droit de propriété sans en être
arbitrairement dépossédé (art 35).
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-Les droits collectives comme les libertés de réunion, de rassemblement, de
manifestation pacifique, d'association et d'appartenance syndicale et politique dans le
cadre du respect de la loi (art 29), le droit de prendre part à la direction des affaires
publiques du pays (art 6), soit directement ou par l’intermédiaire de représentants
librement choisis, sont garanties aussi les libertés de pensée, d’expression et d’opinion
(art 25).
-Les libertés économiques et sociaux comme le droit à la protection sociale qui consiste
à élaborer et mettre en œuvre des politiques destinées aux personnes et aux catégories
à besoins spécifiques (art 34), le droit au travail et l’absence des discriminations pour un
même travail, le droit syndical, le droit au repos, le droit à la santé, le droit à l’éducation
et le droit à la culture.
b- Les conséquences du contenu du respect du bloc de constitutionnalité
L’ancrage constitutionnel est donc de plus en plus fondamental, car une fois intégré au
bloc de constitutionnalité, les droits de l'homme et les libertés fondamentales
concernés deviennent quasiment intouchables.
En même temps cet ancrage constitutionnel nécessite de plus en plus un souci et la
réalisation de la compatibilité avec des textes internationaux du type de la déclaration
universelle des droits de l’homme, de la Convention européenne des droits de l'homme
et des libertés fondamentales, du pacte international relatif aux droits civils et
politiques du 19 décembre 1966 et du pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels de la même année.

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B- La compétence du législateur
Le domaine d'intervention du législateur est prédéterminé dans la
Constitution. La loi doit fixer les garanties jugées fondamentales en laissant
le soin à d'autres autorités, comme celles qui disposent du pouvoir
réglementaire, de compléter les dispositions législatives par des mesures
d'application.
Une intervention indispensable
Comme la Constitution ne donne pas, à chaque droit de l'homme et à
chaque liberté fondamentale, un ancrage constitutionnel, compte tenu
même du mode de rattachement au texte suprême, l'intervention du
législateur est indispensable. Cette intervention prend une forme
d'adoption de lois spécifiques.
Par ailleurs de nombreux droits de l'homme et libertés fondamentales sont
basés sur une loi, faisant souvent l'objet d'une codification législative
comme la loi 36-04 de mars de 2006 relative à la création des partis
politiques, la loi de 27 novembre 1958 formant code de la presse au Maroc
ou la loi promulguée en 1958 relative aux rassemblement publics.

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L'intervention du législateur connaît plusieurs limites car « aujourd'hui, la loi est une règle
parmi les autres». La loi est d'abord un domaine limité par la Constitution dont le respect
est assuré par la cour constitutionnelle. La Constitution fixe le domaine de compétence du
législateur par l'article 71 : « La loi est votée par le Parlement. La loi fixe les règles
concernant : les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour
l'exercice de leurs libertés publiques; la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias...
la nationalité... la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont
applicables ; la procédure pénale ; l'amnistie ; la création de nouveaux ordres de juridiction
et le statut des magistrats... La loi détermine les principes fondamentaux de l'enseignement,
de la préservation de l'environnement, du droit du travail, du droit syndical et la Sécurité
sociale...».
Dans l'exercice de cette compétence, le législateur est aussi soumis aux autres exigences de la
Constitution et de manière plus complète au bloc de constitutionnalité. Ce respect est
contrôlé par la cour constitutionnelle en vertu de l'article 132 de la Constitution. Cela lui
permet de veiller à ce que le législateur n'outrepasse pas ses compétences en oubliant la
Constitution, surtout en ce qui concerne les droits de l'homme et les libertés fondamentales.
La loi est bien l'expression de la volonté générale mais dans le cadre du respect de la
Constitution.
La loi est ensuite limitée par la nécessité de respecter les traités internationaux si nombreux
en matière de droits de l'homme et de libertés fondamentales. En effet, en acceptant de
ratifier un traité, le législateur se contraint lui-même à le respecter en vertu de la
Constitution. 8
C- Les compétences du gouvernement et de l'administration
Au-delà de la compétence du législateur déterminée par la Constitution, le
gouvernement est aussi appelé à intervenir. Cette intervention est
indispensable, d'abord parce que la loi renvoie à des décrets d'application
comme par exemple le décret de 4 aout 2005 réglementant le droit d’association
pour l’application du Dahir 1-58-376 du 15 novembre 1958. En effet, il est rare
que la loi soit autosuffisante. Des mesures complémentaires ou des précisions
doivent être apportées dans de nombreuses hypothèses, surtout lorsqu'il s'agit
de droits-créances. Ensuite, cette intervention peut-être directement celle du
gouvernement en cas de pouvoir réglementaire autonome en vertu de la
Constitution, ce qui est quand même moins fréquent dans le domaine des droits
de l’homme et des libertés fondamentale. Enfin, cette intervention peut être
aussi le fait d'autres autorités administratives sur le territoire comme le préfet
ou les responsables des collectivités territoriales en fonction de leurs
compétences par exemple dans le cadre de l'exercice de la police administrative.

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