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UNIVERSITE TOULOUSE CAPITOLE

Année universitaire 2022/ 2023

3° année de licence en droit

DROIT DES LIBERTES PUBLIQUES

CORRECTION

Sujet  à méditer ou à disserter : L’effectivité de la protection des droits et libertés


fondamentales par la Constitution de 1958.

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Introduction :

« Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation
des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution.  » Il résulte de cet article 16 de la
Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen et de cette philosophie libérale post-
révolutionnaire, qu’un État de droit se lit dans les sources qu’il consacre et reconnait.
L’étude de la protection des droits et libertés fondamentales en droit interne nécessite
d’en déterminer l’essence et l’étendue. D’une part, la référence aux droits et libertés
fondamentales est essentiellement doctrinale et s’oppose distinctement à la notion de libertés
publiques, pouvant être remises en cause par le législateur. Cette expression de
« Grundrechte » (droits et libertés fondamentaux) est issue de la loi fondamentale allemande
du 23 mai 1949, a n de limiter le législateur et le constituant qui ne peuvent pas remettre en
question une liste de droits subjectifs. Le fondamentalisme de ces droits et libertés est une
conception oue. Selon l’approche substantialiste, la notion de fondamentalité de ses droits se
réfère à leur substance et à leur valeur très importante, en eux-mêmes. C’est ainsi à raison de
leur caractère fondamental que l’ordre juridique les consacre généralement, à un rang éminent
de la hiérarchie des normes, a minima, supra-législatif. Au contraire, la conception
normativiste leur confère la qualité de fondamental dès lors que la norme qui les contient
possède elle-même un rang fondamental. La doctrine majoritaire considère ainsi qu’ils
seraient contenus soit dans une norme constitutionnelle soit dans une norme internationale.
D’autre part, la protection de ces droits et libertés fondamentaux implique de les défendre
face aux risques auxquels ils peuvent être confrontés tel que, notamment, l’action de
différents pouvoirs, leur conciliation avec les impératifs d’ordre public ou les actes
individuels leurs étant contraires.
Dans le système juridique français, le droit international est inférieur à la Constitution
et aux autres sources constitutionnelles. Dès lors, les droits et libertés les mieux protégés sont
ceux qui se trouvent consacrés à un rang constitutionnel puisqu’aucune autres règles autre que
de valeur constitutionnelle ne peut venir les contrarier. Toutefois, l’ambition première du
constituant en 1958 n’était pas d’ériger un Conseil constitutionnel garant des droits et libertés
fondamentaux, puisqu’il n’était « qu’un chien de garde du parlementarisme rationnalisé ». La
Ve République s’élèvera toutefois en théâtre d’une véritable transformation progressive de la
protection de ces droits et libertés fondamentales par le Conseil constitutionnel.

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Il est alors opportun de se demander si la Constitution de la Ve République est apte à
assurer une protection effective des droits et libertés fondamentaux.
La consécration du bloc de constitutionnalité par le Conseil constitutionnel a eu un
effet vertueux sur la protection des droits et libertés fondamentales (I). Dès lors, la portée de
ce bloc de constitutionnalité démontre sa prééminence tant en droit interne qu’en droit
international (II).

Plan :

I. L’effet vertueux de la consécration du bloc de constitutionnalité

La protection des droits et libertés fondamentaux est érigée, d’une part, grâce aux
normes textuelles formant le bloc de constitutionnalité (A), et, d’autre part, grâce aux normes
prétoriennes consacrant ces droits et libertés fondamentaux (B).

A. Les fondements textuels de protection des droits et libertés fondamentaux

1. quasi-absence de l’expression « droits et libertés fondamentaux » au sein même de


la constitution sauf :
- art. 1 : af rme des droits fondamentaux indirectement
! consacre le droit d’égalité devant la loi = corollaire du principe de non-
discrimination + respect de toutes les croyances = liberté de conscience, religion etc.
- art. 2 : forme démocratique du régime et devise française
- art. 66  : énoncé 2 principes important relatifs au droit à la sûreté = consacre un
principe fondamental de l’Etat de droit (logique art. 7 DDHC – interdiction de la
détention arbitraire)
- art. 66-1 : constitutionnalise l’abolition de la peine de mort
! Donc absence textuelle de la notion de DLF mais présence indirecte de ces DLF

2. TOUTEFOIS consécration DLF par  : préambule de 46, DDHC, Charte de


l’environnement
- DC 16 juillet 1971, Liberté d’association : le préambule de 1946 et les textes qu’ils
comportent ont une valeur constitutionnelle

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= extension du champ de protection des DLF et le préambule devient un texte
renvoyant à d’autres sources textuelles de valeur constitutionnelles
- DDHC  : formellement incluse dans le bloc de constitutionnalité en 1973 cf
Décision Loi de nance de 1974 « Taxation d’of ce », 27 déc. 1973 
= DDHC constitue une source essentielle des libertés et droits constitutionnels et la
Constitution de 1958 ! le Conseil constitutionnel érige des libertés à partir de la
DDHC ex : liberté d’entreprendre (art. 4 DDHC ! DC du 16 janv. 1982, Loi de
nationalisation) ou principe de publicité des audiences devant les juridictions
administratives et civiles (arts. 6 et 16 DDHC ! DC du 21 mars 2019, Loi de
programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice)
- Préambule de 1946  : renvoi à la catégorie des principes fondamentaux reconnus
par les lois de la République et énumère les principes particulièrement nécessaires
à notre temps
- Charte de l’environnement  : adossée au préambule par la loi constitutionnelle du
1er mars 2005 (Volonté du Président J. Chirac) -> droit de chaque homme de vivre
dans un environnement sain + consacre la notion de préjudice éclogique réparable

B. Les fondements prétoriens de protection des droits et libertés fondamentaux

1. Les principes de valeur constitutionnelle (PVC)


- beaucoup de PVC ont été dégagés sur la base de textes normatifs existants, ils ont
permis la création de nouveaux droits et libertés fondamentaux
- ils permettent au conseil constitutionnel soit de consacrer certains principes non
existant dans les textes, ou de renforcer ceux existants.
- PVC = consécration de principe à valeur constitutionnelle par le juge constitutionnel
aux alentours des années 1970-1980 -> ces PVC se rattachent à d’autres droits et
libertés dont ils sont les corollaires
- ex  : la continuité du service public et droit de grève (DC 25 juill. 1979, Droit de
grève à la radiotélévision) ou principe de la liberté d’aller et venir (DC, 15 juill. 1979,
Loi relative à certains ouvrages reliant les voies nationales ou départementales) ou
principe de la liberté contractuelle (DC 3 août 1994, Loi relative à la protection sociale
complémentaire des salariés) ou la sauvegarde de la dignité humaine (DC 27 juill.
1974, bioéthique).

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2. Objectifs à valeur constitutionnelle (OVC)
- n’ont pas pour nalité de consacrer des droits et libertés fondamentaux mais ont pour
nalité de limiter ces DLF, qui ne sont pas absolus.
- c’est la conciliation des droits et libertés fondamentales avec des objectifs ou
exigences contraires tel que l’ordre public ou l’intérêt général
Ces OVC s’imposent au législateur
Les OVC sont de valeur égale aux libertés et droits fondamentaux et peuvent donc
justi er une atteinte légitime, car ces limites sont nécessaires à la jouissance des droits
et libertés du citoyen, mais l’exercice de ces limites doit être nécessaire, adapté et
proportionné
Ex : OVC de la possibilité pour toute personne d’accéder à un logement décent (DC
19 janv. 1995, Loi relative à la diversité de l’habitat)
- récemment : consécration de l’OVC de protection de l’environnement (DC QPC 31
janv. 2020, Union des industries de la protection des plantes)

II. La portée étendue du bloc de constitutionnalité

Le bloc de constitutionnalité prime sur les normes internes inférieures (A), mais
également sur les normes internationales (B).

A. La primauté du bloc constitutionnel sur les normes internes inférieures

1. Une supériorité supra-législative


- les lois ordinaires et organiques sont soumises au contrôle de constitutionnalité
Ce contrôle est facultatif pour les lois ordinaires – art. 61 de la constitution (a priori)
ou art. 61-1 (a posteriori par la QPC). ! lois soumises au respect des normes
constitutionnelles à peine d’entrée en vigueur ou d’abrogation
Mais contrôle obligatoire pour les lois organiques qui ont vocation à préciser certaines
normes constitutionnelles.
- lois référendaires (procédure de l’art. 11 de la constitution), permettant d’organiser
une consultation référendaire  : le conseil constitutionnel n’est pas compétent pour
statuer sur la conformité de ces lois à la Constitution => car elle constitue l’expression

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directe de la souveraineté nationale (ex  : Loi autorisant la rati cation du traité sur
‘l’Union européenne du 23 sept. 1992)

2. Une supériorité sur les actes administratifs


- Normes constitutionnelles sont supérieures aux lois
Donc pyramide des normes de Kelsen = normes constitutionnelles a fortiori
supérieures aux actes administratifs (règlementaires ou individuels)
- Contrôle de constitutionnalité des AA = juge administratif qui peuvent sanctionner
tant l’illégalité de l’acte que son inconstitutionnalité
- MAIS  : théorie de la loi écran (CE, 6 nov. 1936, Arrighi)  : si l’acte ne fait
qu’emporter l’application de la loi, alors le juge ne contrôle pas la
constitutionnalité ou la conventionnalité de l’acte ! car cela reviendrait à
effectuer un contrôle de constitutionnalité de la loi, dont la compétence est
réservée au juge constitutionnel

B. La supériorité af rmée du bloc constitutionnel sur les normes internationales

1. Une supériorité sur les normes internationales


- du point de vue du droit international : l’ordre juridique international est supérieur à
toutes les normes de droit interne, sauf exception, même si la norme est de rang
constitutionnel. (Af rmé notamment par la Cour. EDH, GC, 30 janv. 1998, Parti
communiste uni é de Turquie et autres c. Turquie)
- du point de vue des juridictions interne : les normes constitutionnelles priment sur les
normes internationales
Art. 55 de la Constitution  : normes internationales au-dessus des lois mais pas au-
dessus de la Constitution – arrêt CE, Ass., 30 oct. 1998, Sarran et arrêt CDC, ass. Pl.,
Mlle Fraisse. ! si con it entre droit international et norme constitutionnelle, cette
dernière l’emporte.

2. Une supériorité sur les normes européennes


- même raisonnement pour le droit de l’Union européenne : le Conseil constitutionnel
ne reconnait pas la primauté du droit de l’UE (DC, 19 nov. 2004, Traité établissant une
Constitution pour l’Europe)

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- le Conseil s’appuie sur l’article 88-1 de la Constitution qui obligent les pouvoirs
publics à transposer les directives sous le contrôle du juge constitutionnel ou
administratif.
Dès lors  : le Conseil n’exerce qu’un contrôle restreint a n de savoir si la loi de
transposition dépasser le cadre des obligations imposées par la directive ! il n’a donc
pas à véri er la conformité de la directive avec les normes constitutionnelles ! rend
inopérant l’ensemble des droits et libertés garantis par la constitution lors du contrôle
de transposition
Mais réserve constitutionnelle : si la directive porte atteinte à une disposition expresse
contraire à la constitution ou à une règle inhérente à l’identité constitutionnelle de la
France (DC, 27 juill. 2006).

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