Vous êtes sur la page 1sur 9

Commentaire des articles 1 et 2 de la loi du 11 octobre 2010

INTRODUCTION

Le débat actuel sur la visibilité des religions dans l’espace public fait écho à celui qui avait
accompagné il y a plus d’un siècle le vote de la loi de Séparation à la Chambre des députés.

À cet égard, la loi du 11 octobre 2010 marque une rupture profonde avec les solutions
libérales qui se dégagent de la loi de 1905 en matière d’expression des croyances religieuses.
Mais si l’orientation de chacun de ces deux textes est a priori opposée, il faut, si l’on veut en
tirer des conclusions pour le présent, commencer par interroger la pertinence d’une telle mise
en perspective de ces deux lois si différentes et tant éloignées dans le temps.

La loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public fait
désormais partie avec sa devancière, la loi du 15 mars 2004 « encadrant, en application du
principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse
dans les écoles, collèges et lycées publics », du corpus français de droit des activités
religieuses, auquel elle donne une orientation tout à fait inédite, même si l’on peut en
retrouver les traces dans le passé national.

C’est désormais l’expression publique des convictions religieuses et plus largement la


visibilité des religions dans l’espace social qui sont remises en cause, au nom des exigences
minimales du vivre ensemble.

On n’a pas assez remarqué que dans sa décision QPC du 21 février 2013, Association pour la
promotion et l’expansion de la laïcité, le Conseil constitutionnel a promu la laïcité au titre de
« droit et liberté que la Constitution garantit » de sorte qu’elle n’est plus seulement
ce principe général d’organisation des pouvoirs publics que l’on s’accordait à voir en elle
depuis un siècle, mais qu’elle est devenue également un droit individuel, opposable non
seulement à l’État, mais aussi dans les relations intersubjectives.

C’est cette réalité française originale, dans un paysage européen marqué par un plus grand
libéralisme mais néanmoins très attentif aux évolutions françaises, qui justifiait de revenir, à
quatre années de distance, sur la loi de 2010.

Le droit à la laïcité dont découle cette loi est en effet le vecteur de revendications de plus en
plus fortes, visant à bannir toute forme d’expression publique des religions, que ce soit dans la
rue, dans l’entreprise, à l’Université, dans les cantines publiques, lors des sorties scolaires ou
encore dans les crèches. Cette tension entre une vision classique de la laïcité comprise comme
principe d’organisation des pouvoirs publics et une « nouvelle » laïcité déployant ses effets
dans tout l’espace social, qui se veut la réponse républicaine aux manifestations du
communautarisme religieux, devient aujourd’hui de plus en plus vive.

En attestent les dissensions au sein de l’Observatoire de la laïcité, ou encore les disputes qui
déchirent nos intellectuels médiatiques. Autrement dit, si la loi de 2010 mérite aujourd’hui

encore l’attention, ce n’est pas seulement pour les effets qu’elle a pu produire, mais parce
qu’elle est symbolique d’une rupture qui interroge les perspectives présentes et à venir de la
laïcité. Il se pourrait bien qu’à l’avenir cette dernière doive se décliner selon un double
standard.

Les auteurs de la loi de 2010 ont pris trop de soin à éviter toute mention de la laïcité et des
voiles religieux, pour qu’en réalité la question religieuse n’y soit pas centrale. Omettre son
objet, c’est encore le meilleur moyen de le désigner.

L’opinion ne s’y est pas trompée, qui parle de loi « anti-burqa », comme elle a qualifié de
« loi sur le foulard » la loi de 2004, alors même que cette dernière vise de manière large « les
signes ou tenues manifestant une appartenance religieuse ».

Quant à parler de droit à la laïcité à propos de la loi de 2010, il faut se rappeler qu’elle a pour
fondement, ainsi que l’expose son exposé des motifs, les « exigences fondamentales du vivre-
ensemble », c’est-à-dire le droit reconnu à chacun d’entre nous d’exiger d’autrui, dans un lieu
public, le respect d’un certain nombre d’obligations et notamment celle de présenter son
visage au regard.

Ainsi qu’a pu le dire le Conseil d’État dans son rapport de 2015, une telle conception de
l’ordre public procède « de l’affirmation d’un droit »

Le débat public actuel sur la visibilité des religions dans l’espace public fait écho à celui qui
avait accompagné le vote de la loi de 1905 à la Chambre des députés. À l’époque, le
législateur avait conclu à la libre expression des convictions religieuses dans le nouveau
régime de séparation.

Ainsi, ces articles sont-ils une entrave à la liberté religieuse et à la liberté de conscience au
regard de ses éléments constitutifs ?

I-LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DE LA DISSIMULATION DU VISAGE DANS


L’ESPACE PUBLIC

La dissimulation du visage dans l’espace public est interdite à compter du 11 avril 2011 sur
l’ensemble du territoire de la République, en métropole comme en outre-mer.

Cette infraction est constituée dès lors qu’une personne porte une tenue destinée à dissimuler
son visage et qu’elle se trouve dans l’espace public : ces deux conditions étant nécessaires et
suffisantes ;

A-L’interdiction relative de la dissimulation du visage

La portée de l’interdiction

Les tenues destinées à dissimuler le visage sont celles qui rendent impossible l’identification
de la personne. Il n’est pas nécessaire, à cet effet, que le visage soit intégralement dissimulé.

Sont notamment interdits, sans prétendre à l’exhaustivité, le port de cagoules, de voiles


intégraux (burqa, niqab...), de masques ou de tout autre accessoire ou vêtement ayant pour
effet, pris isolément ou associé avec d’autres, de dissimuler le visage.

Dès lors que l’infraction est une contravention, l’existence d’une intention est indifférente : il
suffit que la tenue soit destinée à dissimuler le visage.

Les exceptions légales

L’article 2 de la loi prévoit plusieurs exceptions à l’interdiction de la dissimulation du visage.


En premier lieu, l’interdiction ne s’applique pas « si la tenue est prescrite ou autorisée par
des dispositions législatives ou réglementaires ».
Il s’agit par exemple de l’article L. 431-1 du code de la route qui impose le port du casque
aux conducteurs de deux-roues à moteur.

En deuxième lieu, l’interdiction ne s’applique pas « si la tenue est justifiée par des raisons de
santé ou des motifs professionnels ».

Les motifs professionnels concernent notamment le champ couvert par l’article L. 4122-1 du
code du travail aux termes duquel « les instructions de l’employeur précisent, en particulier
lorsque la nature des risques le justifie, les conditions d’utilisation des équipements de
travail, des moyens de protection, des substances et préparations dangereuses. Elles sont
adaptées à la nature des tâches à accomplir ».

Enfin, l’interdiction ne s’applique pas « si elle s’inscrit dans le cadre de pratiques sportives,
de fêtes ou de manifestations artistiques ou traditionnelles ».

Ainsi les processions religieuses, dès lors qu’elles présentent un caractère traditionnel, entrent
dans le champ des exceptions à l’interdiction posée par l’article 1er. Au titre des pratiques
sportives figurent les protections du visage prévues dans plusieurs disciplines.

Les dispositions de la loi du 11 octobre 2010 s’appliquent sans préjudice des dispositions qui
interdisent ou réglementent, par ailleurs, le port de tenues dans certains services publics et qui
demeurent en vigueur.

Il en est ainsi de la loi no 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de


laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles,
collèges et lycées publics (article L. 141-5-1 du code de l’éducation nationale et circulaire
d’application du 18 mai 2004).

Demeurent également applicables la charte du patient hospitalisé, annexée à la circulaire du


2 mars 2006 relative aux droits des patients hospitalisés, et la circulaire du 2 février 2005
relative à la laïcité dans les établissements de santé.

B-Une définition classique de l’espace public



L’article 2 de la loi précise que « l’espace public est constitué des voies publiques ainsi que
des lieux ouverts au public ou affectés à un service public ».

La notion de voies publiques n’appelle pas de commentaire.

Il convient de préciser qu’à l’exception de ceux affectés aux transports en commun les
véhicules qui empruntent les voies publiques sont considérés comme des lieux privés.

La dissimulation du visage, par une personne se trouvant à bord d’une voiture particulière,
n’est donc pas constitutive de la contravention prévue par la loi. Elle peut en revanche tomber
sous le coup des dispositions du code de la route prévoyant que la conduite du véhicule ne
doit pas présenter de risque pour la sécurité publique.

Constituent des lieux ouverts au public les lieux dont l’accès est libre (plages, jardins publics,
promenades publiques ...) ainsi que les lieux dont l’accès est possible, même sous condition,
dans la mesure où toute personne qui le souhaite peut remplir cette condition (paiement d’une
place de cinéma ou de théâtre par exemple). Les commerces (cafés, restaurants, magasins), les
établissements bancaires, les gares, les aéroports et les différents modes de transport en
commun sont ainsi des espaces publics.

Les lieux affectés à un service public désignent les implantations de l’ensemble des
institutions, juridictions et administrations publiques ainsi que des organismes chargés d’une
mission de service public. Sont notamment concernés les diverses administrations et
établissements publics de l’État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics,
les mairies, les tribunaux, les préfectures, les hôpitaux, les bureaux de poste, les
établissements d’enseignement (écoles, collèges, lycées et universités), les caisses
d’allocations familiales, les caisses primaires d’assurance maladie, les services de Pôle
emploi, les musées et les bibliothèques.

Ainsi, la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public
dont le but avoué est la prohibition du port du voile intégral est porteuse d’une contradiction
latente.

Elle vise à interdire l’exercice d’un droit fondamental, la liberté de conscience, procédant
ainsi à une érosion directe du principe de laïcité, vue de la protection de la sécurité juridique.

L’on pourrait ainsi s’interroger sur la conformité du texte à la Constitution.

Le Conseil Constitutionnel a pris le parti de la conformité du texte à la Constitution en


rappelant la nécessité de concilier la protection de l’ordre public avec l’exercice d’un
droit fondamental, la liberté de conscience.
Il émet, par ailleurs, une réserve d’interprétation quant aux restrictions induites de
l’application de la loi sur la liberté de religion. Consacrée à l’article 10 de la
Déclaration des Droits de l’Homme de 1789, reprise dans le Préambule de la
Constitution de 1946, la liberté de religion est protégée par l’article 1er de la

Constitution du 4 octobre 1958 qui institue la laïcité comme l’un des principes
fondateurs de la République française.
La laïcité garantit la liberté de religion et le principe de non-discrimination. Elle
permet de concilier la liberté de conscience avec la neutralité de l’Etat.
Contrairement aux principes de liberté de religion et d’égalité en matière religieuse
dont l’étendue et les limites peuvent être précisées par les juges, le contenu de la
laïcité reste plus dépendant des situations nationales et notamment de la distinction
entre public et privé et entre les différentes conceptions de l’Etat et de la démocratie.
Ainsi, dans une société démocratique, toute restriction aux droits fondamentaux
notamment le droit au respect de la liberté de pensée, de conscience et de religion ou
la liberté de circulation doit être prévue par la loi et constituer une mesure nécessaire à
la sécurité publique.
En ce sens, la loi doit être de portée générale, égale pour tous, et ne pas viser de
situations particulières.
Le recours à une loi d’exception peut être, a contrario, motivé par la protection de
l’ordre public qui serait à la fois la finalité et la justification d’une atteinte à l’un des
principes fondamentaux. Préalablement à l’élaboration de la loi, le législateur a requis
l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) et
celui du Conseil d’Etat.
Le Conseil constitutionnel a reconnu une légitimité circonscrite à la loi en rappelant la
nécessité d’évaluer la situation de la limitation du port du voile intégral, en ce qu’il
concerne l’exercice de la liberté de conscience, au regard de la protection de l’ordre
public.
La validité du texte est, en outre, conditionnée, sous réserves, à l’absence d’une
atteinte excessive à la liberté de conscience.

II-LA NOTION INSTRUMENTALE DE L’ORDRE PUBLIC VIA LA CONCILIATION


DES DIFFERENTES LIBERTES

Pour certaines femmes de confession musulmane, le port du voile véhicule


l’expression de la manifestation de leur liberté de conscience, l’une des composantes
de la liberté de pensée qui est un droit fondamental. Le législateur s’est encadré d’un
régime adapté à la gestion pluraliste du port de signes religieux ou, de façon plus
générale, la dissimulation du visage dans les lieux publics, complété par de
nombreuses décisions jurisprudentielles.
A– Un regime juridique pluraliste du port de signes (les réserves de la
cncdh et du conseil d’etat)

La confrontation de la liberté de conscience aux impératifs de l’ordre public

La France est une république laïque qui assure l’égal exercice des droits et libertés à
chaque individu, où chaque homme est assuré qu’il « ne peut être lésé dans son travail
en raison de ses origines, ses opinions ou ses croyances ».
La laïcité est ici le corollaire du principe d’égalité qui interdit aux collectivités
publiques de se prévaloir de l’origine, de l’opinion ou des pensées d’un homme pour
fonder toute discrimination. A contrario, aucun membre de la société n’est autorisé à se
prévaloir de ses croyances religieuses pour s’affranchir du respect de la vie en société.
L’application de ces principes est imprégnée de références jurisprudentielles.
Ainsi, à propos du port de voile au sein des établissements scolaires, le Conseil d’Etat
a jugé que les manifestations ostentatoire et revendicative de la religion étaient
incompatibles avec le principe de laïcité.
De même, l’obligation d’apparaître sur les photographies d’identité tête nue doit être
respectée, estimant que les dispositions de la loi attaquées, visant à limiter les risques
de falsification et d’usurpation d’identité, n’étaient pas disproportionnées au regard de
l’objectif à atteindre.
L’article L.141-5-1, introduit dans le Code de l’Éducation par la loi 2004-228 du 15
mars 2004, interdit tout port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent
ostensiblement une appartenance religieuse.
Toutefois, le Conseil d’Etat opine en faveur de la tolérance des signes religieux
discrets.
La Cour européenne des droits de l’homme a adopté une position similaire.
Le Code Général des Collectivités Territoriales (L.2212-2 pour le maire et L. 2215-1
pour le Préfet) permet, dans les circonstances locales particulières dûment justifiées et
sous réserve que la mesure soit proportionnée à ces risques, d’interdire la
dissimulation volontaire du visage dans certains lieux publics exposés à des risques
avérés pour la sécurité publique.
Par ailleurs, le décret du 19 juin 2009 interdit la dissimulation du visage au sein et aux
abords immédiats d’une manifestation.
Les circonstances de lieu et temps ont justifié jusqu’alors le recours à des mesures
appropriées. La loi nouvelle qui a souhaité établir un régime général n’apporte qu’une
solution ponctuelle. D’ailleurs, comme le précise le Conseil d’Etat, aucune démocratie
moderne n’a pu légiférer sur l’interdiction générale du port du voile intégral.
Le port du voile intégral, fût-il un accessoire nécessaire à la manifestation de la liberté
de conscience, peut être limité par des impératifs liés à la protection de l’ordre public.
Une telle appréciation déplacerait le débat de la protection d’une liberté publique
vers la protection de la sécurité publique, confrontant ainsi la liberté de
conscience aux impératifs de l’ordre public. Une telle appréhension du problème
introduirait une confusion entre le port du voile intégral à des fins confessionnelles
islamiques et le risque d’atteinte à la sécurité publique. Elle aurait pour conséquences

d’assimiler les femmes portant le voile, de façon contrainte ou volontaire, au facteur


de risque pour la sécurité juridique.
Les réserves de la CNDH et du Conseil d’Etat
L’un des buts de la loi est de prévenir une atteinte à la dignité des femmes victimes de
« contrainte sociale » ou de libérer ces dernières de cette forme d’oppression qu’est
l’invisibilité subie du fait du port du voile intégral.
Le remède pourrait être pire que le mal dès lors que ces femmes, victimes de telles
pratiques, interdites par la loi de circuler dans les espaces publics, n’auraient d’autre
solution que de rester recluses, à la merci de leur bourreau.
Pour prévenir ce risque, les avis de la CNCDH et du CE offrent des solutions qui, au
regard des principes républicains, écarteraient tout jugement de valeur quant à la
protection des droits fondamentaux de ces quelque 1.900 femmes qui revendiquent le
port du voile intégral.
Les deux institutions se sont déclarées réservées quant au vote d’une loi visant
l’interdiction générale du port du voile intégral.
La CNCDH a conseillé de « faire preuve de pédagogie afin de permettre à tous de
mieux comprendre les religions et la laïcité en tant que faits historiques et faits sociaux
et de poser les bases d’un vivre ensemble ».
S’appuyant sur les dispositifs juridiques existant, le Conseil d’Etat a démontré qu’une
interdiction générale s’avèrerait juridiquement fragile. Voulant limiter les dérives et
éviter toute stigmatisation d’une religion, le Conseil d’Etat est resté fidèle à sa
jurisprudence relative à l’ordre public, plaçant le débat dans l’espace public tout en le
cantonnant aux établissements publics qui offrent un lieu susceptible de mesurer, sans
abus, une interdiction proportionnelle au respect du principe de neutralité. Il a opté
pour placer le débat dans le cadre de l’utilisation par l’autorité publique de ses
pouvoirs de police donc dans le débat concernant l’affrontement de la liberté de
religion avec la sécurité publique, repoussant ainsi toute interdiction générale et
absolue. Une attitude contraire reviendrait à sanctionner un signe confinant à
l’exercice d’une liberté religieuse, ce qui serait contraire aux dispositions de l’article
10 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen.
La protection des droits fondamentaux dans une société démocratique ne peut se
satisfaire d’une interdiction générale et absolue. La liberté de conscience est protégée
par la laïcité qui garantit le pluralisme religieux.
Dans cet esprit, le Conseil constitutionnel a choisi de conditionner l’interdiction du
port du voile à des fins religieuses au respect du principe de proportionnalité, à une
interprétation stricte quant au respect des lieux de culte, mettant ainsi à la charge de
l’Etat l’obligation de garantir l’exercice de la liberté religieuse

B-le respect de la liberté de religion comme condition déterminante de


l’interdiction du voile integral

Outre la méconnaissance des exigences minimales de la vie en société, la dissimulation


totale du visage par le port du voile par une catégorie de femmes musulmanes est une
pratique qui, sans favoriser la situation des intéressées, peut, dans certaines
circonstances, constituer un danger pour la sécurité publique.
Sans ignorer l’existence de règles dédiées à des situations ponctuelles, le législateur
pose les conditions d’une interdiction générale à laquelle le Conseil constitutionnel
assigne des limites.
Les conséquences de l’interdiction du port du voile intégral
L’article 2 de la loi précise l’étendue de l’espace public qui est constitué des voies
publiques ainsi que des lieux ouverts au public ou affectés à un service public. Cette
définition complète le droit positif régissant le port du voile dans les établissements
publics et, de façon plus générale, la dissimulation du visage lors d’une manifestation,
volontairement ou sous la contrainte.

La méconnaissance d’une telle interdiction est passible d’une amende légère et ou


d’une obligation de stage de citoyenneté, pour les contrevenantes. De lourdes sanctions
sont prévues pour les personnes incitant ou contraignant ces femmes à cette pratique.
Ainsi, une distinction tacite semble est faite entre les femmes qui portent
volontairement le voile et celles qui le subissent.
Le Conseil constitutionnel a estimé qu’infliger une amende de 150 € aux
contrevenantes qui correspond à une contravention de deuxième classe à laquelle
pourrait s’ajouter l’obligation d’effectuer un stage de citoyenneté permettraient
d’assurer l’équilibre entre la sauvegarde de l’ordre public et la garantie des droits
fondamentaux de ces femmes. Par ailleurs, la légèrement de la peine assortie ou non de
l’obligation d’effectuer un stage de citoyenneté semble correspondre, de façon timide,
aux préconisations de la CNDCH. Aucune atteinte disproportionnée n’est ici décelée.
Cependant, le Conseil constitutionnel a entouré la validité de la loi d’une réserve
d’interprétation en vue de prévenir toute intrusion démesurée, aux fins de protection de
la sécurité publique, dans la liberté de culte des femmes porteuses du voile intégral.

L’exercice de la liberte de conscience, élément de la protection de l’ordre public.


Le libre exercice de la liberté de conscience n’exclut pas des restrictions dès lors
qu’elles sont nécessitées par la protection de l’ordre public.
L’interdiction de dissimuler son visage dans l’espace public justifiée par la protection
de la sécurité publique est donc conforme à la Constitution. Toutefois, le port du voile
intégral, sinon obligatoire du nécessaire à l’exercice de la liberté de religion, dans les
lieux réservés à la pratique des cultes, ne peut être interdit qu’en cas de stricte
nécessité. Une évaluation des exigences de la sauvegarde de la sécurité public au
regard de la protection des droits fondamentaux de ces femmes a-t-elle été effectuée !

Se fondant sur les dispositions des articles 4 et 5 de la Déclaration des droits de


l’homme et du citoyen du 26 août 1789, le Conseil constitutionnel a estimé que pour
les articles 1 à 3 de la loi, la conciliation n’est pas manifestement disproportionnée, eu
égard aux objectifs que le législateur s’est assigné et à la nature de la sanction instituée
en cas de méconnaissance de la règle fixée par lui (cons. 5). Toutefois, il estime que
l’interdiction de dissimuler son visage dans l’espace public ne peut s’appliquer dans
les lieux de culte ouverts au public car sinon l’atteinte à l’article 10 de la Déclaration
de 1789 relative à la liberté religieuse serait excessive. Il émet ainsi une réserve
d’interprétation sur ce point. Le Conseil s’est inquiété quant aux conséquences de
l’application de la loi dans les lieux de culte .
Préalablement, le Conseil d’Etat avait attiré l’attention du législateur sur la difficulté
qu’induirait l’interdiction du port du voile dans les lieux de cultes.
La mise en application d’une telle mesure dans les lieux de culte engendrerait des
troubles qui nuiraient gravement à l’ordre et aurait pour conséquence de rendre le
remède plus nocif que le mal. On doit veiller dans l’application de la loi à faire une
nécessaire conciliation entre l’exercice d’un droit fondamental et la protection de la
sécurité juridique.
Cette aventure législative constitue-t-elle une avancée ou une régression pour les
droits des femmes qui, imperceptiblement, à chaque avancée, telle une peau de
chagrin, s’amenuisent d’autant ! Au-delà de la liberté religieuse qu’en est-il du choix
laissé aux femmes de se vêtir selon leur bon vouloir et de circuler en toute liberté ?
L’évolution des principes fondamentaux n’est-elle pas corrompue par le tout
sécuritaire qui attise nos peurs, favorisant, par ses exactions l’érosion de la laïcité,
rempart de la neutralité de l’Etat ! Une loi de plus à la recherche d’un hypothétique
équilibre sociologique !

Vous aimerez peut-être aussi