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DE LA DÉCISION
par
Jean-Yves LASSALLE
Maître de conférences à l’université de droit, d’économie et des sciences d’Aix-Marseille.
Directeur de l’Institut de sciences pénales et de criminologie (ISPEC)
DIVISION
Généralités, 1-4. § 2. – Règles spécifiques, 27-34.
SECT. 1. – Aspects répressifs de l’affichage ou de la dif- SECT. 2. – Aspects non répressifs de l’affichage ou de
fusion, 5-34. la diffusion, 35-44.
ART. 1. – CADRE JURIDIQUE DE LA SANCTION, 7-18.
ART. 1. – FONCTION DE RÉPARATION, 36-43.
§ 1. – Nature de la sanction, 8-12.
§ 1. – Dispositions générales, 36-37.
§ 2. – Domaine de la sanction, 13-18.
ART. 2. – RÉGIME JURIDIQUE DE LA SANCTION, 19-34. § 2. – Dispositions spécifiques, 38-43.
§ 1. – Règles communes, 20-26. ART. 2. – FONCTION DE SANCTION CIVILE, 44.
BIBLIOGRAPHIE
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Généralités.
1. Contexte général. - Fondement de la législation démocra- du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication à
tique, le principe de la liberté d’expression inclut nécessairement propos de l’audiovisuel (in Code pénal Dalloz). De même c’est
celui de la liberté de publication, c’est-à-dire, essentiellement, de la loi de 1881 qui, implicitement, quand elle a abrogé les dis-
diffusion et d’affichage (V. Affichage, Presse, Droits de l’homme positions antérieures, a fait de la liberté d’affichage un principe
[Convention européenne]). Il n’est donc pas étonnant que cette tout aussi important, confirmé ultérieurement par l’article 1er de
liberté soit consacrée par les textes. On sait le rôle primordial l’ancienne loi du 29 décembre 1979, relative à la publicité, aux
que la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (in Code enseignes, repris maintenant par l’article L. 581-1 du code de
pénal Dalloz) a joué dans ce domaine (V. Presse). Ainsi, c’est l’environnement.
dans son article 5 que se trouve affirmé le principe de la liberté
de diffusion dans les écrits périodiques, disposition qui est au- 2. Définitions. - Entendu strictement, l’affichage est le fait
jourd’hui complétée par celle de l’article 1er de la loi no 86-1067 d’apposer un document écrit sur un support afin de porter à
la connaissance du public des informations d’intérêt divers. l’ensemble de la situation. Au reste, l’article 131-35 n’est pas le
Notons qu’à l’époque récente le législateur préfère utiliser le seul texte de notre législation répressive à envisager ce type de
terme de publicité : c’est le cas depuis la loi de 1979 précitée mesures. Bien des textes extérieurs au code, nous le verrons, y
qui la définissait, dans son article 3, comme toute inscription, font référence, et ce depuis longtemps. De telle sorte qu’on peut
forme ou image destinée à informer le public ou à attirer son parler d’un droit commun et de droits spécifiques de l’affichage
attention, formulation se trouvant maintenant dans l’article 581-3 et de la diffusion, prononcés comme sanction pénale. C’est dire
du code de l’environnement. Mais ne font pas partie du concept que celle-ci occupe une place non négligeable dans notre ar-
moderne d’affichage les signes, dessins, figurations, croquis senal pénologique. Elle est d’ailleurs conforme à la Conven-
que l’on peut rencontrer ici ou là. Quant à la notion de diffusion, tion européenne des droits de l’Homme car, si son article 3 pro-
elle désigne, du moins dans le cadre de cette étude, les diverses hibe les traitements inhumains ou dégradants, on ne peut y voir
formes de publication qui empruntent soit la voie écrite comme une sanction à ce point humiliante (Cass. crim. 26 mars 1990,
les journaux et les périodiques, soit la voie audiovisuelle telles Bull. crim., no 131). En tout cas, c’est de cette sanction qu’il faut
la radiophonie et la télévision. traiter, à la fois dans ses cadre et régime juridiques.
3. Droit de l’affichage ou de la diffusion. - Ces précisions ter-
minologiques faites, on sait que l’affichage et la diffusion font ART. 1er. – CADRE JURIDIQUE DE LA SANCTION.
l’objet d’une législation et d’une réglementation complexes et ta- 7. Plan. - La sanction pénale de l’affichage et de la diffusion
tillonnes, ainsi que d’une jurisprudence diversifiée et abondante. a une nature juridique qui varie selon les situations et voit son
À tel point qu’on peut parler d’un droit de l’affichage ou de la domaine circonscrit par trois sortes d’exclusions et une grande
diffusion et, plus généralement d’ailleurs, de la publication. Or diversité d’admissions.
en son sein figurent de nombreuses dispositions qui intéressent
le pénaliste et, accessoirement, le civiliste. Il se trouve qu’elles § 1er. – Nature de la sanction.
sont de deux sortes. D’une part, le droit pénal de l’affichage ou
de la diffusion comporte de nombreuses incriminations. En ce 8. Peine. - La justice est en principe publique. C’est toujours le
sens l’affichage et la diffusion sont source d’infractions pénales cas pour le prononcé des jugements. Mais, malgré cette publici-
(V. Affichage). D’autre part, le droit de l’affichage et de la diffu- té, beaucoup d’entre eux passent inaperçus. Aussi, clairement
sion contient des prescriptions de nature très différente. En effet, pour faire souffrir davantage le condamné dans sa réputation,
elles font de l’utilisation de ce support médiatique le moyen d’in- la loi a érigé au rang de peine l’affichage ou la diffusion de la
fliger une sanction ou d’obtenir une réparation, de telle sorte que décision. C’est « une sorte de version douce du pilori » (F. DE-
l’affichage ou la diffusion apparaît alors comme un mode de ré- SPORTES et F. LE GUNÉHEC, op. cit., no 847). Il s’agit bien
action sociale. Bien sûr la mise en œuvre de ces mesures obéit d’ajouter une opprobre, une ignominie, une honte supplémen-
à certaines règles. C’est leur étude qui fait l’objet de la présente taires. Cette sanction est donc une peine prévue pour mieux
contribution. Trois idées majeures méritent d’être soulignées. réprimer la faute commise et non une mesure de sûreté visant
Tout d’abord le concept d’affichage ne suffit plus à rendre compte à réduire l’état dangereux de l’intéressé. Mais elle a sans doute
du contenu des mesures de publication. Ensuite ces dernières également un rôle pédagogique (D. THOMAS, Affichage ou dif-
prennent des formes très variées : sanction, pénale ou civile, et fusion de la décision prononcée, J.-Cl. pén, art. 131-35), car elle
aussi réparation. Enfin, en droit répressif, l’affichage ou la diffu- fait mieux connaître les interdits légaux et les conséquences de
sion ont un caractère de punition très marqué. leur transgression. Il est vrai que cette fonction peut être attri-
buée à toute la législation répressive. Quoi qu’il en soit, sa na-
4. Mode de réaction sociale. - La voie de l’affichage ou de la ture de peine est indubitable. Il reste à préciser de quelle peine
diffusion comme vecteur de la réaction sociale à l’encontre des il s’agit. Cela dépend des hypothèses.
délinquances et déviances est empruntée pour atteindre des ob-
jectifs différents : répressifs ou non. Il convient dès lors de re- A. – Personnes physiques.
tenir ce critère de distinction en notant que les dispositions les
9. Peine accessoire. Contumace. - Dans un cas très particu-
plus nombreuses et diverses concernent la matière répressive
lier, l’affichage ou l’insertion de la décision s’analyse comme une
proprement dite. Auparavant on rappellera pour mémoire que
peine accessoire. C’est en matière de contumace (V. Contu-
l’affichage, en tant que sanction administrative, existait en ma-
mace). Ici l’article 634 du code de procédure pénale dispose
tière fiscale. L’article 1754 du code général des impôts prévoyait
qu’un extrait de l’arrêt de condamnation du contumax est inséré
l’affichage, dans les publications officielles de la commune, des
d’une part, dans le plus bref délai et à la diligence du procureur
sanctions fiscales prononcées à l’égard des contribuables en
général, dans un des journaux du département du dernier domi-
matière d’impôt sur le revenu. Ces dispositions ont été abro-
cile du condamné (al. 1er) et, d’autre part, doit être placardé à la
gées par l’article 18 de la loi no 77-1453 du 29 décembre 1977
porte du dernier domicile du condamné, à la porte de la mairie de
(D. 1978.28).
la commune où le crime a été commis et à celle du prétoire de la
cour d’assises (al. 2). Si le code actuel, dans son article 132-17,
SECTION 1re a supprimé les peines accessoires, il n’a pas entendu le faire
Aspects répressifs de l’affichage ou de la diffusion. pour celles figurant dans des textes hors code pénal, de telle
sorte que cette disposition est maintenue.
5. Historique. - Avant l’adoption du code pénal de 1992, l’af-
fichage et la diffusion, comme sanction pénale, étaient visées 10. Peine complémentaire. - D’une manière générale, la sanc-
aux articles 51 et 51-1 de ce code. Le premier de ces textes per- tion d’affichage ou de diffusion est une peine complémentaire
mettait au juge, dans les cas spécialement indiqués par la loi, visée par l’article 131-10, in fine, pour les personnes physiques.
d’ordonner l’affichage de la condamnation. Le second contenait Elle est en principe facultative, donc à la discrétion du juge. Ex-
une disposition semblable, cette fois-ci relative à la publication ceptionnellement elle est obligatoire. C’est ce caractère que lui
dans la presse, officielle ou non, du jugement. confère la loi dans le domaine des infractions d’hygiène et de
sécurité (C. trav., art. L. 263-6) ou à l’égard de la fraude fiscale
6. Législation. - C’est l’article 131-35 du code actuel qui a repris (CGI, art. 1741). Ce caractère obligatoire est compatible, a ju-
ces deux dispositions en une seule, puisqu’elle fait référence à la gé la chambre criminelle, avec l’article 6 de la Convention eu-
fois à l’affichage et à la diffusion de la décision. De telle sorte que ropéenne des droits de l’Homme (Cass. crim. 7 mars 2001,
la première de ces notions est trop réductrice pour embrasser Bull. crim., no 60, obs. B. Bouloc, Rev. sc. crim. 2001.802).
Cette solution est approuvée par l’annotateur. Certes, concède- peut être prononcée (Cass. crim. 24 janv. 1995, Bull. crim.,
t-il, le juge se doit de proportionner la sanction à la gravité de no 33).
l’acte, ce qui ne peut être fait avec une peine obligatoire, mais,
souligne-t-il, d’un coté le principe de la proportionnalité n’est pas B. – Admissions.
inclus dans l’article 6, d’un autre coté il est possible au condam-
né de demander le relèvement de la peine de publication, ce qui 16. Diversité. - Dans quels cas notre législation répressive ad-
constitue un moyen de personnalisation de la sanction. met-elle la possibilité de la sanction d’affichage ou de diffusion ?
Si, à l’origine, assez peu nombreuses étaient ces situations, elles
11. Peine substitutive. - Outre les peines principales et com- ont eu tendance à croître, mais c’est surtout le code pénal actuel
plémentaires, la législation répressive française contient deux qui les a augmentées considérablement. Aujourd’hui elles sont
autres sortes de peines en matière correctionnelle : celles dites très diverses.
alternatives, énumérées dans l’article 131-6, et celles qu’on peut
dire substitutives, normalement complémentaires, inventoriées 17. Code pénal. - C’est dans de nombreuses matières que
par l’article 131-10 et qui, aux termes du texte suivant, peuvent le code pénal vise la peine d’affichage ou de diffusion. Par
être prononcées à titre de peine principale, c’est-à-dire à la place exemple, sont concernées des infractions contre des personnes
de l’emprisonnement et de l’amende. La peine d’affichage et de (livre II) comme les atteintes involontaires, les risques causés
diffusion n’est pas visée par le premier texte mais l’est par le à autrui, les discriminations, le proxénétisme..., des infractions
deuxième. C’est dire que le tribunal correctionnel a la faculté de contre les biens (livre III) tels l’abus de confiance, l’escroquerie,
la prononcer au lieu et place des peines principales normalement le recel... et des infractions contre la nation... (livre IV) comme
encourues. Cette possibilité n’existe pas en matière criminelle. la corruption, le trafic d’influence, certaines entraves à l’exercice
de la justice.
B. – Personnes morales.
18. Hors code pénal. - Le code pénal est loin de contenir toutes
12. Peine principale. - Parmi les peines, en dehors de l’amende, les incriminations. Les normes relatives aux droits pénaux spé-
susceptibles d’être infligées aux personnes morales, lorsque la cialisés ou spécifiques figurent en dehors de notre code répres-
loi le prévoit, l’article 131-39 du code pénal cite, en neuvième sif. Elles aussi comportent des dispositions qui prévoient la pos-
position, l’affichage ou la diffusion de la condamnation. Cela sibilité de prononcer la sanction étudiée. C’est le cas du code
vaut pour les matières criminelle et correctionnelle. Le juge peut du travail pour le travail temporaire, le travail dissimulé, le mar-
l’infliger seule ou avec d’autres sanctions. chandage... ; du code de la consommation pour la publicité men-
songère, les loteries publicitaires... ; du code de la propriété in-
tellectuelle pour la contrefaçon d’une œuvre de l’esprit... ; de la
§ 2. – Domaine de la sanction. loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse pour certaines
provocations... ; du code de commerce pour les infractions à la
A. – Exclusions.
réglementation des prix, de la concurrence, des ventes [anc. ord.
13. Mineur. - L’article 20-4 de l’ordonnance du 2 février 1945 1er déc. 1986 codifiée]...
relative à l’enfance délinquante (in Code de procédure pénale
Dalloz) énumère les diverses sanctions qui ne peuvent être pro- ART. 2. – RÉGIME JURIDIQUE DE LA SANCTION.
noncées en matière de minorité (V. Enfance délinquante). Par-
mi elles figurent l’affichage et la diffusion de la condamnation. 19. Présentation. - S’agissant du régime juridique de la peine
Cette exclusion doit être approuvée : le droit des mineurs est d’affichage ou de diffusion, il est indiqué, du moins pour le droit
fondé sur la réinsertion des jeunes délinquants et le reste mal- commun, dans l’article 131-35 du code pénal. À l’examen de
gré les réformes récentes (L. no 2002-1138, 9 sept. 2002, JO ce texte, il apparaît qu’il comporte deux séries de règles. Tout
10 sept.). Les mesures stigmatisantes sont donc inconcevables d’abord, dans ses trois premiers alinéas, il contient des dispo-
à leur égard. C’est pourquoi, d’ailleurs, la publicité d’une affaire sitions qui sont communes à l’affichage et à la diffusion et qui
pénale concernant un mineur est même érigé en délit punit de concernent la charge de la peine, l’étendue de la publication et
6 000 € d’amende (Ord. 2 févr. 1945, art. 14 et 14-1) ; cité dans la protection des victimes. Ensuite, dans ses deux derniers ali-
la presse le nom d’un enfant délinquant, même décédé est pu- néas, il prescrit des règles qui sont spécifiques à l’affichage ou à
nissable (Cass. crim. 24 sept. 2002, no 01-85.890, Bull. crim., la diffusion et qui intéressent divers aspects relatifs, notamment,
no 175). aux modalités de mise en œuvre.
14. Contravention. - Sous la législation de l’ancien code pénal, § 1er. – Règles communes.
la sanction d’affichage pouvait être infligée en matière de contra-
ventions (art. 475). Aujourd’hui ce n’est plus le cas (V. Contra- A. – Charge de la peine.
vention). En effet, à la suite de l’adoption d’un amendement par-
lementaire, lors de la discussion du code actuel, cette mesure 20. Principe : à la charge du condamné. - L’alinéa 1er du
ne figure plus dans la liste des peines contraventionnelles, en texte précise que l’affichage ou la diffusion sont à la charge du
particulier dans celle de l’article 131-16. Son domaine est donc condamné. Au passage, on notera que cette peine n’atteint pas
restreint aux crimes et délits et à ce titre elle est visée à l’ar- seulement sa réputation mais aussi son patrimoine. Quoi qu’il en
ticle 131-10. soit, cette solution est parfaitement justifiée, car ces dépenses
ne sont pas des frais de justice, désormais supportés par l’État.
15. Principe de la spécialité. - Une troisième règle limite le do- Ainsi la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que les
maine de la sanction de l’affichage ou de diffusion : celle de la frais de publication et d’affichage d’une décision judiciaire, peine
spécialité. Sont exclues de son champ d’application toutes les complémentaire définie par l’article 131-35 du code pénal, ne
infractions à l’égard desquelles le législateur ne l’a pas prévue. sont pas des frais de justice criminelle, correctionnelle ou de
Aux termes de l’article 131-10, les juges ne peuvent l’infliger à police au sens des articles 800 et R. 92 du code de procédure
l’encontre d’un crime ou d’un délit que si le texte d’incrimination pénale ; ils échappent donc à l’application de l’article 800-1
le précise expressément. Par exemple, n’étant pas prévue en dudit code et ne peuvent être mis à la charge du Trésor (Cass.
matière de diffamation publique envers un citoyen chargé d’un crim. 12 oct. 1995, Bull. crim., no 306, D. 1995, IR 267, JCP
mandat public (L. du 29 juill. 1881, art. 31), ladite sanction ne 1996. IV. 165).
24. Cela dit, quelle que soit l’hypothèse, les juges n’ont pas à 28. Lieux. - Plusieurs observations relatives au seul affichage
indiquer le coût de la publication dans leur décision (Cass. crim. méritent d’être faites. En premier lieu, à propos des endroits sus-
28 mars 1996, Bull. crim., no 144, Dr. pén. 1997, comm. no 9, ceptibles de recevoir les affiches, l’alinéa 4 de l’article 131-35 se
obs. J.-H. ROBERT, Rev. sc. crim. 1997.376, obs. B. Bouloc). contente de disposer que la peine s’exécute dans les lieux indi-
qués par la juridiction. Il ne propose donc pas de sites particuliers
B. – Étendue de la publication. et laisse tout pouvoir au juge. Il est vrai que, de droit commun,
les situations sont très diverses et qu’il était donc difficile aux
25. Étendue variable. - L’alinéa 2 de l’article 131-35 offre, en rédacteurs du code pénal de faire un inventaire. Mais on peut
droit commun, trois possibilités au juge :... 1o soit il se décide imaginer qu’en pratique le juge optera pour le domicile ou le lieu
pour une publication intégrale de la condamnation, auquel cas professionnel du condamné. En dehors du droit commun, il faut
c’est la totalité du jugement qui est portée à la connaissance savoir que certains textes spéciaux énoncent une liste limitative
du public ;... 2o soit il opte pour une publication partielle. En ou indicative. Ainsi l’article L. 263-6 du code du travail parle de
pareille hypothèse, il doit préciser les extraits du jugement qui « portes des magasins, usines ou ateliers du délinquant », si
seront affichés ou diffusés. À cet égard, l’omission par la juri- bien que le juge ne saurait imposer l’affichage sur les chantiers
diction répressive de déterminer les extraits d’un jugement ou (Cass. crim. 16 févr. 1993, Bull. crim., no 75). De même l’ar-
arrêt de condamnation dont l’affichage partiel a été ordonné en ticle L. 216-3 du code de la consommation dit : « notamment aux
application de l’article 131-35, alinéa 2, du code pénal relève portes du domicile, des magasins, usines et ateliers du condam-
du contentieux de l’exécution régi par les articles 710 et 711 du né ». Les textes spéciaux sont donc parfois plus précis, ce qui
code de procédure pénale (Cass. crim. 3 avr. 1996, Bull. crim., limite la liberté du juge. On a pu le constater dans une affaire où
no 152, Rev. sc. crim. 1997.376, obs. B. Bouloc ; V. Peine une cour d’appel avait ordonné que la condamnation d’un pro-
[Exécution]) ;... 3o soit il choisit de faire publier un communiqué fesseur d’université pour fraude fiscale soit affichée sur son lieu
informant les citoyens des motifs et du dispositif de la décision. professionnel. La chambre criminelle a cassé cette décision en
Il lui appartient alors, évidemment, de mentionner les termes de estimant que cette localisation n’entrait pas dans les prévisions
ce communiqué. de l’article 1741 du code général des impôts qui pourtant vise
entre autres les établissements professionnels du contribuable
C. – Protection des victimes. (Cass. crim. 19 mai 1983, Bull. crim., no 150, D. 1983, IR 491,
obs. J.-M. R, Gaz. Pal. 1984.1, somm. 4, obs. J.-P. Doucet,
26. Accord préalable. - Dans son troisième alinéa, l’article 131- Rev. sc. crim. 1984.314, obs. A. Vitu).
35 indique que l’identité de la victime ne peut apparaître qu’avec
son accord ou celui de son représentant légal ou de ses ayants 29. Délai. -En deuxième lieu, à l’égard du délai, le même
droit. L’idée est que la publication ne doit pas porter à la victime alinéa 4 de l’article 131-35 prescrit que la peine d’affichage
un préjudice supplémentaire (V. Victimes d’infraction). Plutôt que s’exécute pour la durée indiquée par la juridiction, période
de voir son nom s’étaler, elle peut préférer la discrétion. Ce fai- qui ne peut excéder deux mois. C’est donc le délai de droit
sant, le texte précité généralise une règle qui se trouvait dans commun. Le texte ajoute « sauf disposition contraire de la loi
l’ancien article 416-2 du code pénal à propos d’une discrimina- qui réprime l’infraction ». Cette précision est inutile car des
tion fondée sur l’état de santé et le handicap. Plus largement, dérogations sont toujours possibles, l’article 131-35 n’ayant
même si une telle disposition ne figure pas dans les textes spé- que valeur législative. De fait, des textes prévoient des durées
ciaux, elle doit être étendue à ces situations particulières. En soit plus longues (CGI, art. 1741 : trois mois), soit plus courtes
tout cas, elle emporte comme conséquence pratique que le juge (C. consom., art. L. 216-3 : sept jours). Et quand aucun délai
doit demander à la victime si elle accepte que son identité soit n’est prévu (C. trav., art. L. 263-6), le juge devra appliquer celui
révélée dans la publication. de droit commun, comme l’avait décidé la Cour de cassation
40. Juridictions d’instruction. - La loi no 93-2 du 4 janvier 1993 42. Tribunal correctionnel. - Une disposition ancienne du code
(D. 1993.134) a inséré, pour mieux assurer le respect du principe d’instruction criminelle, aujourd’hui reprise par l’alinéa 4 de l’ar-
de la présomption d’innocence, deux articles (177-1 et 212-1) ticle 91 du code de procédure pénale, concerne l’hypothèse de
dans le code de procédure pénale (V. Présomption d’innocence). la dénonciation téméraire ou abusive. À la suite d’une décision
Ces textes permettent au juge d’instruction et à la chambre de de non-lieu, la personne mise en examen peut engager une ac-
l’instruction d’ordonner des publications judiciaires à la suite d’un tion en dommages-intérêts contre son dénonciateur et, en cas
non-lieu. L’objectif de ces dispositions vise à atténuer les im- de condamnation, le tribunal correctionnel peut ordonner la pu-
pacts médiatiques que peuvent avoir les enquêtes et les instruc- blication intégrale ou par extraits de son jugement dans un ou
tions relatées dans la presse écrite ou audiovisuelle, en infor- plusieurs journaux qu’il désigne aux frais du condamné et en
mant les lecteurs, auditeurs ou spectateurs que telle affaire, por- fixant le coût maximum de chaque insertion. La publication est
tée précédemment à leur connaissance, a finalement abouti à donc laissée à la discrétion du tribunal. C’est un moyen efficace
un non-lieu. de réparation de l’atteinte à la considération, l’opinion publique
étant informée que les accusations de la partie civile étaient sans
fondement (V. Action civile, Dénonciation calomnieuse, Dénon-
41. Le domaine d’application de ces articles est limité à la phase
ciation téméraire, Partie civile ; V. égal. J. DUMONT, Constitution
de l’instruction : ils ne concernent pas les classements sans suite
de partie civile, J.-Cl. pr. pén., fasc. 20, 2000, no 250).
et les décisions de relaxe et d’acquittement, la publicité de la jus-
tice ayant été, dans ce dernier cas, jugée suffisante. Leur mise 43. Notons qu’il avait été décidé, sous l’empire du code d’instruc-
en œuvre obéit à diverses règles : seule la personne concernée tion criminelle, que la publication ordonnée comme complément
peut requérir la publication ; les juridictions d’instruction ont la de réparation devait être réclamée par la victime et ne pouvait
faculté de refuser la demande, mais elles doivent alors statuer être ordonnée d’office par le tribunal (Cass. crim. 23 févr. 1933,
par ordonnance motivée susceptible d’appel (L. no 2000-516 du DP 1933.1.97, note Fréjaville).
15 juin 2000, art. 96, III et V) ; ce sont elles qui déterminent la
teneur de la communication diffusée ; le coût de la publication
est supporté par l’État (Circ. du 1er mars 1993) ; les organes
médiatiques doivent déférer à l’injonction de la juridiction (sur ART. 2. – FONCTION DE SANCTION CIVILE.
ces points, V. Présomption d’innocence ; V. égal. P. AUVRET,
Le droit au respect de la présomption d’innocence, JCP 1994. 44. Sanction civile. - Parmi les principes directeurs du procès
I. 3802 ; Les sanctions du non-respect de la présomption d’in- figure l’obligation de réserve, édictée par l’article 24 du nouveau
nocence par les journalistes, Gaz. Pal. 1995.2, doctr. 1053 ; code de procédure civile. Ce texte, après avoir prescrit que les
Le journaliste, le juge et l’innocent, Rev. sc. crim. 1996.625 ; parties sont tenues de garder en tout le respect dû à la justice,
J.-H. ROBERT, Jouissance des droits civils. Protection de la permet au juge, selon la gravité des manquements à cette règle,
présomption d’innocence, J.-Cl. civ., art. 9-1, no 66 à 73). Il de prendre diverses mesures parmi lesquelles figure l’affichage
va sans dire que ces publications judiciaires peuvent intervenir de ses jugements. Il semble que cette possibilité soit très rare-
quelle que soit la prétendue infraction qui était reprochée et que, ment utilisée puisqu’elle n’a pas fait l’objet d’une jurisprudence
ordonnées par les juridictions d’instruction, elles se réalisent par publiée. C’est pourquoi nous ne mentionnons que pour mémoire
l’intermédiaire de supports médiatiques : écrits périodiques ou l’existence de cette sanction civile qui ne concerne que l’affi-
services de communication audiovisuelle. chage.
INDEX ALPHABÉTIQUE
Admissions 16 s. Charge de la peine 20 s. Destruction 31. Impression 30.
Affichage 27. – condamné 20. Détérioration 31. Incrimination 15 s.
– affiche 29. – frais de justice (non) 20. Diffusion 27. – atteintes : aux biens 16 ; à la nation
– atelier 28. – limite 21. – affichage (distinction, cumul) 27. 16.
– caractère typographique 30. – maximum de l’amende encourue – Journal officiel 32. – code pénal 16.
– chantier 28. 22. – média audiovisuel 32. – commerce 17.
– délai 29. – principe 20. – organe médiatique 27. – concurrence 17.
– destruction 31. – recouvrement 22. – presse 32. – consommation 17.
– détérioration 31. – Trésor public 22. – propriétaire (organe de presse) 33. – contrefaçon 17.
– diffusion (distinction, cumul) 27. Classement sans suite 41. V. Affichage. – marchandage 17.
– dimension 29 s. Code général des impôts 4. Dimension 30. – prix 17.
– domicile 28. Commerce 17. Dissimulation 31. – propriété intellectuelle 17.
– impression 30. Communication audiovisuelle 1. Domaine de la sanction 13 s. – provocation 17.
– lacération 31. Communiqué 25. Domicile 9, 28. – publicité mensongère 17.
– liberté 1. Concurrence 17. Dommages-intérêts (prise en – spéciale 15.
Condamné 8. compte) 37. – travail 17.
– lieu 28 : public 27.
– charge de la peine. V. ce mot. Durée 29. – vente 17.
– magasin 28.
– domicile, lieu de travail 9, 28. Étendue de la publication 25. – violences 16.
– sanction 30.
Consommation 17. Exclusion 13 s. Inscription 2.
– site professionnel 28.
Contravention (Exclusion) 14. – contravention 14. Insertion 9.
– usine 28.
Contrefaçon 17. – mineur 13. Instruction 40 s.
V. Diffusion.
Contumace 9. – principe de spécialité 15. Journaux 2, 9.
Aspects Convention européenne des droits Extraits du jugement 25. – Journal officiel 32.
– non répressifs 35 s. de l’homme 6, 10. Figuration 2. Juge d’instruction 40 s.
– répressifs 5 s. Cour d’assises 9. Forme 2. Lacération 31.
Atelier 28. Croquis 2. Frais de justice (Non) 20. Législation 3, 6.
Audiovisuel 1. Définition 2. Fraude fiscale 10. Liberté d’expression 1.
Cadre juridique 7 s. Délai 29. Historique 5. Lieu professionnel 28.
Caractère typographique 30. Demande 36. Hygiène et sécurité 10. Magasin 28.
Chambre de l’instruction 40 s. Département 9. Image 2. Mairie 9.
Chantier 28. Dessin 2. Impôt sur le revenu 4. Marchandage 17.