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Droit et Ville

Publicité et esthétique
J. Morange

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Morange J. Publicité et esthétique. In: Droit et Ville, tome 7, 1979. Colloque Bayonne - 17 juin 1978 : La réforme de la
responsabilité et de l'assurance en matière de construction. pp. 101-123;

doi : https://doi.org/10.3406/drevi.1979.1013

https://www.persee.fr/doc/drevi_0396-4841_1979_num_7_1_1013

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Publicité et esthétique

PAR

J. MORANGE

Maître
àdelaDroit
Faculté
dePublic
conférence
de Droit agrégé
de Limoges.
Publicité et esthétique, comment comprendre le rapprochement
des deux termes ?
Signifie-t-il que la publicité doit être belle, ou tout au moins ne
pas être laide ? Dans ce premier sens, ce sera le problème des publi¬
citaires. Il n’est pas à négliger et un certain nombre d'entre eux en
est conscient. La profession compte de véritables artistes, même
si, comme c'est souvent le cas, on ne les reconnaît qu’après leur
mort. Une récente exposition n'a-t-elle pas été consacrée avec
succès à l'«art de l'affiche » ? Dans un autre domaine, celui de la
politique, l'Espagne démocratique a pu exposer officiellement, pour
la première fois depuis la guerre civile, les affiches traduisant de
façon particulièrement vivante, les idéologies opposées de l'époque.
A condition qu'elle renonce à la banalité ou à la vulgarité, l'affi¬
che peut faire sourire, s’intégrer à la vie quotidienne ou faire rêver.
Elle peut constituer un élément de gaieté et de décoration. Les
couloirs du métro, beaucoup de halls de gare et d'autres lieux publics,
ont tout à gagner à leur présence.
D'autres supports publicitaires présentent un intérêt différent. Les
enseignes et les divers éléments du mobilier urbain sont liés à
l’atmosphère et à l’histoire d'une ville et d'une région. Il est sur¬
tout dommage qu'une trop grande uniformisation dans les for¬
mes et dans les matériaux aient largement fait disparaître cette
harmonie et cette intégration à la vie régionale et locale. La
publicité lumineuse a largement contribué à créer ou à maintenir
des centres d’attraction ou d'animation. Elle peut même être à l’ori¬
gine d’un certain sentiment de sécurité lorsqu'elle pallie la carence
en éclairage de certaines agglomérations. Les enseignes fournis¬
sent parfois, en outre, des renseignements utiles aux consom¬
mateurs.
Mais cette vue un peu idyllique de l’insertion de la publicité
dans le tissu urbain est, hélàs, loin de correspondre toujours à
la réalité.
Pour quelques publicités réussies, combien choquent, agacent ou
enlaidissent ! Il est rare que l'on prenne conscience globalement
104 DROIT ET VILLE

de l’atteinte qu'elles portent à l’environnement. Dans la plupart


des cas, la gêne ou un sentiment de rejet ne sera attaché qu’à cer¬
tains dispositifs déterminés.
En réalité, ceux qui sont le moins facilement admis, sont probable¬
ment ceux qui donnent manifestement l’impression de n'exister que
pour eux-mêmes sans présenter aucune utilité pour qui que ce soit.
Une affiche peut cacher une palissade de chantier, un hangar, un
bâtiment industriel ou un mur nu. Elle a alors une fonction à rem¬
plir tout comme les enseignes ou le mobilier urbain. Il n'en est plus
de même lorsqu'on se trouve face à ces immenses panneaux publi¬
citaires plantés au hasard des terrains restés libres, identiques
dans toutes les régions de France. Leur multiplication récente n'est
pas pour rien dans toutes les demandes qui ont été formulées pour
susciter une intervention administrative. Mais comment celle-ci pour¬
ra-t-elle se définir ?
— L'administration pourrait jouer ici un rôle de conseil ou d'inci¬
tation comme elle le fait dans d’autres domaines (culturel, archi¬
tectural...). En d’autres termes, elle pourrait se voir confier un
rôle actif tendant à encourager les publicités utiles ou esthétiques
et à décourager les autres. Mais ce type d'action n’est pas admis
en l'occurrence et il est peu probable qu’il le soit dans un proche
avenir.
Il reste donc à contrôler, à réglementer ou à interdire. Au nom
de quel droit ? Dans certains cas, on pourra se fonder sur le pou¬
voir de police consistant à assurer la sécurité, la salubrité ou la
tranquillité publiques. Les responsables sont déjà intervenus dans
ce sens pour éviter que certaines formes de publicité ne puissent
porter atteinte à la sécurité de la circulation routière, par exem¬
ple, en distrayant ou en gênant les automobilistes 0)-Mais la pro¬
tection de l'esthétique n’est, en général, pas considérée comme étant
au nombre des missions qui incombent à l’autorité de police.
Une intervention législative est donc indispensable si l'on veut
conférer à l’Administration un nouveau pouvoir ou étendre ceux
qu'elle possède déjà en vertu de lois antérieures.
Celles-ci sont déjà nombreuses : lois de 1902, 1910, 1913, 1930, 1935,
1943 (2). Mais l’ensemble de textes ainsi adopté est apparu depuis

bles(1)des
Décret
voiesn°ouvertes
76-148 du
à la11 circulation
février 1976publique.
relatif à la
J.O.
publicité
14 février
et aux
1976.enseignes visi¬
(2) On trouvera l'ensemble des textes importants annexés au Rapport de la
Commission des Affaires culturelles (N° 448 seconde session ordinaire de 1977-1978.
Annexe au procès-verbal de la séance du 16 juin 1978).
Les textes actuellement en vigueur relatifs à l'affichage et à la publicité sont
regroupés dans la brochure n° 1081 éditée par les journaux officiels.
DROIT ET VILLE 105

longtemps insuffisant, car trop limité dans son champ d'application,


peu adapté aux conditions actuelles de la publicité et surtout peu
respecté en pratique. Un groupe de travail a été mis en place depuis
plusieurs années et sur la base de ses travaux, le Gouvernement a
adopté un projet de loi soumis en première lecture et adopté par
le Sénat (3). Il tente de mettre fin à un certain nombre d'incerti¬
tudes et de constituer, même si son objet est limité à l’affi¬
chage, une nouvelle étape dans la construction d'un droit de l'esthéti¬
que (4)
Ce droit, parfois qualifié aussi de droit à l'environnement ou de
droit au cadre de vie a été très fréquemment invoqué devant la com¬
mission spéciale chargée d'élaborer une Charte des libertés. Il n'a
guère été précisé et l’absence de résultat positif en la matière ne
permet pas de s'y référer de façon utile. Par contre, ce droit, peu
défini, et aux contours imprécis, se heurte à des droits tradition¬
nels et fondamentaux.
Si l’on s’attache à la notion étroite de publicité, à la notion com¬
merciale, toute réglementation ou toute interdiction se heurte au
principe de la liberté du commerce et de l'industrie. Certes, celui-
ci est probablement un des plus contestés de nos droits fondamen¬
taux. Mais, juridiquement, il constitue encore un principe général du
droit au sens que le Conseil d’Etat attribue à cette expression.
De plus, toute mesure en la matière, sera ressentie comme une
gêne pour les activités économiques qui apparaissent partiellement
liées à l’utilisation de la publicité. Elle apparaîtra encore plus
comme risquant d’avoir de graves répercussions sur la profession
publicitaire elle-même dont l’importance n’est pas négligeable.
Compte tenu du schéma économique qui est encore le plus lar¬
gement répandu, les nécessités de l’expansion seront considérées com¬
me primant celles de l'environnement. Et cela d’autant plus que la
hantise du chômage, auquel on n’envisage guère de remède que

ment
Pavard

bre
par
mission
Les
63,
(3)
1978).
M.et
Séance
débats
LeGuy
au
des
d’Administration
projet
nom
affaires
Petit
du
sont
de
de
3 au
oct.
la
reproduits
loi
culturelles
nom
Commission
gouvernemental
1978,générale
den°laau
64,
(rapporteur
Commission
journal
Séance
des
et àAffaires
a un
donné
du
officiel
: avis
M.
6des
oct.
économiques
lieu
Jacques
présenté
lois
(Sénat,
1978,
auconstitutionnelles,
rapport
Carat),
n° par
débats
67,etM.
Séance
précité
du
à un
Pierre
parlementaires,
Plan.
avis
du
dedu
présenté
Ceccaldi
12
la règle¬
octo¬
com¬

(4) Compte tenu du thème de cet article, on ne mentionnera pas de nombreux


problèmes suscités par le vote de cette loi et évoqués lors des débats parlementai¬
res : problèmes économiques (conventions passées par les communes et relatives
au mobilier urbain), sociaux (contrats de location passés par des particuliers avec
des entreprises de publicité), fiscaux (taxe sur la publicité).
106 DROIT ET VILLE

dans le cadre de la croissance, vient renforcer ces arguments. La


Commission des Affaires économique et du Plan a bien mis en valeur
cet aspect du problème.
La publicité extérieure fait travailler six mille personnes répar¬
ties en une centaine d'entreprises et réalise un chiffre d'affaires de
plus de un milliard de francs, soit près de 10 % des dépenses annuel¬
les françaises de publicité. Celui-ci est, dans ce domaine, presque
égal à celui de la télévision et supérieur à ceux de la radio et du
cinéma réunis. C'est également la publicité extérieure qui a connu
l'expansion la plus rapide en quadruplant, depuis cinq ans, son
chiffre d’affaires. Etant relativement peu coûteuse, elle est particuliè¬
rement adaptée aux besoins des petites et moyennes entreprises qui
constituent 70 % de ses clients et 60 % de son chiffre d'affaires. Mais,
parmi les conséquences fâcheuses de cette activité florissante, il faut
noter une augmentation de près de 50 % de la densité publicitaire
depuis 1970.
Cet accroissement des implantations publicitaires a été d'autant
plus diversement ressenti que l’affichage commercial n’est pas le
seul à exister. Plusieurs campagnes électorales récentes ont été,
depuis cinq ans, l'occasion d'un affichage sauvage, d'une ampleur in¬
connue. Celui-ci a choqué par le gaspillage qu'il représente et
également, dans la mesure où il manifeste ouvertement l’emprise
de l'argent sur le monde politique.
Mais si l’on s’attache justement, maintenant, à la notion large
de publicité, c'est-à-dire à toute entreprise tendant à transmettre un
message, on se heurte à une liberté encore bien plus fondamentale
que la liberté du commerce et de l’industrie, à savoir la liberté
d'expression elle-même.
C'est entre autres pour cette raison, et aussi parce que l’affichage
non commercial n'avait jamais pris l'ampleur qu'on lui connaît
aujourd’hui, que le législateur n'était jamais intervenu directement
en la matière. Ce type d'affichage pouvait se prévaloir de la loi de
1881 sur la liberté de la presse et le régime juridique instauré en
1943 a été considéré comme ne s'appliquant pas à lui par une juris¬
prudence constamment bienveillante à son égard.
Il faut cependant noter que le droit à la liberté d'expression et
à la libre communication des idées, s'il est inscrit dans la déclaration
de 1789 et s'est vu attribuer une valeur constitutionnelle, ne
peut être absolu, pas plus que toute autre liberté. Le législateur est
compétent pour fixer les bornes nécessaires à la préservation du
droit égal d'autrui. En l’occurrence, l’affichage, quelque soit par
ailleurs son contenu, est d'autant plus ressenti comme une « agrès-
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sion » que celui qui en est la victime est, en somme, contraint de le


lire ou de l'observer.
Il n'en est pas de même des autres moyens de communication de
la pensée qui sont d'ailleurs par excellence les moyens de diffu¬
ser des idées et non seulement des slogans, qu'il s'agisse de la radio,
de la télévision, du cinéma, des réunions publiques ou encore bien
plus de la presse et du livre. Il est vrai que certains de ces moyens
ne sont pas également accessibles à tous et que la limitation du
droit d'affichage devrait parallèlement conduire à une plus grande
ouverture des autres médias à tous les courants de pensée. Cette solu¬
tion serait bien préférable à l'admission d'un affichage incontrôlé
qui dégrade tant de monuments et de sites.
L'affichage non commercial porte autant atteinte au cadre de
vie que l'affichage commercial. Qu'un panneau appelle à acheter
une automobile, à ne pas fumer, ou à soutenir l'action d’un parti
politique, il peut se révéler aussi inesthétique de par ses dimensions
ou son implantation.
Le Sénat a clairement choisi de voter un texte général réglemen¬
tant la publicité extérieure et les enseignes. Il a notamment rejeté,
avant toute discussion sur le fond, une proposition d'amendement
émanant du groupe communiste et tendant à exclure l’affichage non
commercial du champ d'application de la loi (5).
La plupart des sénateurs se sont cependant montrés conscients de
la gravité du problème et se sont efforcés de le résoudre au moins
partiellement.
Ils ont tenté d'insérer, par voie d'amendement, une disposition
permettant de réglementer l'affichage politique en période électo¬
rale. Celui-ci aurait été prohibé d'une façon générale sauf sur les
panneaux destinés à cet effet. Ainsi serait mieux assuré le principe
d'égalité entre les candidats. Cet article a été rejeté, à la suite
d’une opposition du gouvernement faisant valoir que cette mesure
devrait plus logiquement être insérée dans un autre texte législatif (6).
Ils ont surtout prévu que, en contre partie de la réglementation
générale de l'affichage qui résultera de la loi, les maires seraient
tenus de déterminer, sur le domaine public ou privé de la commune,
un ou plusieurs emplacements « destinés à l'affichage d'opinion
ainsi qu’à l'annonce des manifestations culturelles, politiques, syndi¬
cales ou sportives organisées par des associations sans but lucratif ».

(5) J.O. (Débats parlementaires-Sénat) 6 octobre 1978, p. 2354 et s.


(6) J.O. Débats parlementaires Sénat, p. 2529.
108 DROIT ET VILLE

L’affichage en question est entièrement gratuit. Il est absolument


général et les petites communes ne peuvent aucunement s'en dis¬
penser (7).
Pour éviter les abus, le Sénat a aussi tenu à préciser que, en
vue d'assurer la liberté d’opinion et de répondre aux besoins des
associations locales, les conditions d’application du présent article
seraient fixées par décret en Conseil d'Etat « en fonction du nom¬
bre d’habitants et de la superficie de la commune ». Ainsi les pan¬
neaux ne pourront pas être seulement symboliques. Notons enfin
qu'en cas de carence du maire, l’affichage sauvage non commercial
pourra impunément subsister. Les sanctions prévues dans la loi ne
lui seront pas applicables tant que les panneaux d’affichage libre
n'auront pas été mis en place (8).
Ces dispositions ne peuvent que renforcer le caractère global du
texte qu'a entendu voter le Sénat. Il a pour vocation avouée de
réglementer l’ensemble de la publicité extérieure et ceci amène à
se poser trois questions que susciterait tout autre projet du même
type.
— OÜ pourra-t-on désormais faire de la publicité ? C’est le pro¬
blème du champ d’application de la loi ou de la localisation de la
publicité (I).
— QUI sera compétent en la matière ? C'est le problème de la
réglementation de la publicité extérieure (II).
— COMMENT rendre la loi efficace ? C’est le problème des sanc¬
tions et des procédures qui leur sont applicables, en d'autres ter¬
mes, celui de contrôle de la publicité extérieure (III).

I. Où ?

La localisation de la publicité extérieure

Le projet de loi voté par le Sénat comprend un certain nombre de


dispositions d’ordre général. Il comprend également des dispositions
particulières applicables à certaines formes de publicité.

position
de
abaissant
mentaires
ment
certain
(J.O.
(8)
(7)
plus
Débats
tendant
Après
Le
pourcentage
de
des
projet
ce
—deux
une
communes
parlementaires
chiffre
Sénat
à de
ce
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du
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2389
soient
repoussé
dedisposition
en
(10
loi).
et (Cf.
place
%s.)
tenues
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des
J.O.
général)
l'affichage
aux
de
amendements
Débats
un
communes
mettre
amende¬
à la
parle¬
libre.
dis¬
un
DROIT ET VILLE 109

1) Les dispositions générales.

Elles ont pour but de créer des zones dans lesquelles l'affichage
est, soit interdit, soit réglementé de façon plus ou moins sévère.
Toute publicité est interdite :
— sur les immeubles classés parmi les monuments historiques
ou inscrits à l'inventaire supplémentaire;
— sur les immeubles qui, bien que non classés ni inscrits, pré¬
sentent un caractère esthétique, historique ou pittoresque et figurent
sur une liste arrêtée par l'autorité administrative;
— sur les monuments naturels et dans les sites classés;
— dans les parcs nationaux et les réserves naturelles.
Cette mesure qui vise à protéger les édifices et les lieux les plus
précieux est traditionnelle. Elle existe, à quelques variantes près
depuis 1943 (9), voire pour certains monuments depuis 1902.
Le projet de 1978 reprend également une distinction dégagée depuis
1943 mais en allant plus loin. Désormais, les principes applicables
seront totalement opposés selon qu'on se trouve « hors aggloméra¬
tion » ou dans une agglomération.
Dans le premier cas, c’est le principe de l'interdiction qui est posé.
On estime que la publicité est en quelque sorte incongrue en rase
campagne et qu'elle y constitue une atteinte beaucoup plus grave
qu’ailleurs à l'environnement.
Des « périmètres » ne peuvent en effet être institués « qu'à proxi¬
mité d'établissements commerciaux, industriels ou de centres artisa¬
naux ou dans des groupements d'habitations, notamment dans des
lieux dits importants » (10).
Au contraire, dans les agglomérations, la publicité est « admise »
ce qui ne signifie aucunement qu'elle y soit totalement libre.
Elle sera normalement soumise à un régime de droit commun (n).
Celui-ci résultera, plus précisément, des prescriptions contenues dans
un décret pris en Conseil d’Etat. Mais en accord avec le gouverne¬
ment, le Sénat a tenu à prévoir, dans la loi même, « que le pouvoir
réglementaire indiquerait notamment en fonction des procédés et des
dispositifs utilisés, les emplacements où la publicité peut être réa¬
lisée sur les bâtiments et sur les toitures, les conditions d'implan-

les (9)
nationaux
sites
Article
inscrits
et réserves
5; On
et ylestrouvait
naturelles
abords une
des
n’yinterdiction
monuments
figuraient pas.
(tombée
historiques.
en désuétude)
Par contre,concernant
les parcs

(10) Projet, article 5 : Il est précisé que les mots agglomération et lieu-dit
sont pris en matière de circulation routière.
(11) Projet, article 6.
110 DROIT ET VILLE

tation des portatifs ou d’utilisation de certains éléments de mobilier


urbain comme supports publicitaires ». Il déterminerait « égale¬
ment les prescriptions relatives à la hauteur au-dessus du sol de
la publicité, à sa surface unitaire ou à sa surface totale sur un même
support et fixe les conditions d'entretien des dispositifs et de leur
emplacement » (12).
Cette réglementation sera parfois assouplie. Il peut, en effet, être
instituées des « zones d'affichage élargi » dans lesquelles seront
déterminées, en fonction de chaque cas, les prescriptions générales
qu'il convient de ne pas appliquer. Les sénateurs ont eu en vue,
tout comme le gouvernement, des quartiers ou zones d’aggloméra¬
tion dans lesquelles règne traditionnellement une intense activité
commerciale ou nocturne.

(12) Il est bien sûr impossible de connaître pour l’instant ce que serait le
contenu des textes d’application puisque la loi n'est pas encore votée définitive¬
ment. fait
Carat On peut
au nomtoutefois
de la Commission
en avoir unedes
idée
Affaires
en se culturelles
reportant au(p. rapport
44) : de M. J.
« A l’intérieur des agglomérations la publicité non lumineuse ne pourrait dans
le régime de droit commun :
a) être apposée sur les monuments naturels, les plantations, les lampadaires,
les poteaux électriques ou télégraphiques ou sur les équipements intéressant la
circulation routière, ferroviaire, maritime ou fluviale;
b) être apposée sur les murs des bâtiments d’habitation autres que les murs-
pignons aveugles ou les murs-pignons ne comportant qu'un minimum d'ouver¬
tures;
c) être apposée sur des clôtures autres que les murs ou les palissades;
d) masquer en tout ou partie une baie ou un élément de décor architectural;
e) s'élever au-dessus de l'égout du toit ou de la corniche de la terrasse en te¬
nant lieu;
f) dépasser les limites du mur qui la supporte;
g) dépasser de plus d'un tiers de sa hauteur la limite supérieure de la palissade
qui la supporte;
h) dépasser une surface unitaire de 4 mètres carrés pour les publicités apposées
le long des voies dont la largeur est inférieure à 12 mètres, cette surface étant
portée à 16 mètres carrés pour les voies dont la largeur est égale ou supérieure
à 12 mètres;
i) dépasser une surface totale sur un même mur ou une même palissade, supé¬
rieure à un pourcentage déterminé de la surface du mur ou de la palissade;
j) pour la publicité sur portatif, être située à l'intérieur des communes de
moins de 10.000 habitants;
k) pour la publicité sur portatif, être située à moins de 10 mètres de la limite
un
mitoyenne
bâtimentdud’habitation;
fonds sur lequel est installé ce dispositif et d’un fonds comportant
1) pour la publicité sur portatif, être située à moins de 50 mètres d'une autre
publicité
cités apposées
sur ce
dosportatif
à dos sur
préexistant,
un même lepanneau.
portatif pouvant supporter deux publi¬
dans
Desdes
dérogations
cas limites.à » ces prescriptions pourraient être accordées par le maire
DROIT ET VILLE 111

Il est d'autres cas où il faudra, au contraire, rendre la réglemen¬


tation plus sévère. On parlera alors de zones d’affichage restreint.
A l'intérieur de celles-ci, les dispositions du droit commun pour¬
ront être aggravées. On pourra même aller jusqu'à édicter une
interdiction totale de publicité. Ces zones d'affichage restreint peu¬
vent être librement délimitées par l'autorité administrative responsa¬
ble. Elles s’appliquent cependant de plein droit dans un certain
nombre de cas prévus par le législateur : dans les secteurs sauvegar¬
dés, dans le champ de visibilité de certains immeubles présentant
un caractère esthétique, historique ou pittoresque (13), autour des
monuments historiques classés, autour des parcs régionaux et natu¬
rels, autour enfin des sites inscrits ou classés, ou dans les sites ins¬
crits à l’inventaire.
Dans ce dernier cas, l’autorité administrative responsable peut
exceptionnellement estimer que le site ( totalement ou partielle¬
ment) doit être considéré comme une zone d'affichage élargi. Il a
en effet été expliqué (14) que depuis plus de dix ans les inscriptions
de sites avaient été particulièrement nombreuses ? Parmi ceux-ci, on
trouve des quartiers intéressants au point de vue architectural ou
historique, mais aussi des quartiers très animés dont la vocation
commerciale n’est pas niable (15). C’est en songeant à eux que le
Sénat a envisagé la possibilité d'établir des dérogations au régime
général.
Elles ne concernent pas les dispositions particulières qui en sont
indépendantes.

2) Dispositions particulières.

Elles tiennent à la qualité du support publicitaire et elles sont


relatives à la publicité lumineuse. Il ne s'agit pas des dispositifs
supportant des affiches éclairées par projections ou par transparence.
Ceux-ci ne constituent que l'accessoire de l'affiche et on leur appli¬
que le droit commun. Le Gouvernement et le Sénat ont, au contraire,
pensé que les dispositifs lumineux installés sur les balcons et les
toitures étaient plus difficiles à réglementer par des normes dimen¬
sionnelles et que leur impact sur l'environnement était beaucoup plus

loi.(13) La liste en est arrêtée par l’autorité administrative, cf. article 5 du projet de
(14) Rapport de la Commission des Affaires culturelles, p. 53.
(15) Actuellement les trois-quarts de Paris intra muros constituent des sites
inscrits.
l'Est... Parmi les quartiers concernés, on trouve Pigalle, les gares du Nord et de
112 DROIT ET VILLE

important que celui des simples affiches (16). En conséquence ils sont
soumis à un régime d'autorisation.
C'est à ce régime que seraient soumis les véhicules publicitaires.
— Les véhicules publicitaires
Il peut s'agir d'aéronefs faisant de la publicité à basse altitude, de
bâteaux circulant le long des plages munis d’un dispositif publici¬
taire. L’Administration ne disposait à leur égard d'aucun moyen
de droit (I7).
Le risque était grand surtout que certaines firmes utilisent de
plus en plus des véhicules terrestres, automobiles en particulier.
Compte tenu de la réduction globale de l'espace publicitaire résultant
de la loi, il était à craindre que certains publicitaires ne soient
tentés d'utiliser au maximum ce type d'équipements. Cela aurait pu
être un moyen idéal de tourner la loi. Il aurait suffi de faire sta¬
tionner régulièrement un tel véhicule dans un lieu où, par ailleurs,
l’affichage est totalement interdit. Aussi le texte voté prévoit-il
que ce type de publicité peut être interdit, soumis à autorisation ou à
des prescriptions
Conseil d'Etat. générales dans des conditions fixées par décret en

Mais, et ceci a été très clairement précisé lors des débats, la loi
ne visera aucunement les mentions portées sur les véhicules uti¬
litaires des entreprises artisanales ou commerciales dont le minis¬
tre a précisé qu’elles étaient assimilables à des enseignes ou à des
enseignes publicitaires.

relles,
décret
droit
(16) commun.
Celles-ci
M.
soient
J. Carat
respectées.
seraient
(rapport
données
Selon
p. 45),
le rapporteur
àcescondition
dispositifs
de que
laneCommission
certaines normes
pourraient des affaires
dans le fixées
régime
cultu¬
par
de

a) être réalisés sur les monuments naturels, les plantations, les poteaux électri¬
ques ou télégraphiques ou sur les équipements intéressants la circulation routière,
ferroviaire, maritime ou fluviale;
b) dépasser les limites du mur pignon ou du garde corps du balcon qui les
supporte;
c)être réalisé à moins de trois mètres du niveau du sol;
d) s'élever au-dessus de la ligne de l'égout du toit ou de la corniche de la ter¬
rasse en tenant lieu qu’après avis de l’architecte des bâtiments de France, ni
dépasser cette ligne de plus du sixième de la hauteur de la façade de l'immeuble,
le dépassement ne pouvant excéder six mètres.
(17) En l’absence de texte précis, le Conseil d’Etat appliquait ici les principes
généraux de sa jurisprudence en matière de police. L'autorité administrative
peut réglementer une activité pour des motifs tirés des nécessités de la sécurité
publique à condition qu’elle ne le fasse pas de manière générale et absolue. Elle
ne peut pas prendre l’initiative de l’interdire, ou de la soumettre à autorisation
lorsque le législateur n’est pas intervenu.
C.E. 2 avril 1954 Petronelli, Rec. 208 à propos des véhicules publicitaires.
sur
C.E.
les nuages.
15 décembre 1961, Chiaretta Rec. 709 à propos de la publicité lumineuse
DROIT ET VILLE 113

— Les enseignes et préenseignes.


distincts
Il faut : introduire une distinction entre trois types de dispositifs

— l’enseigne « est l’indication, par quelque procédé visuel que


ce soit, d'une activité s’exerçant dans tout ou partie de l'immeuble sur
lequel elle est apposée. Elle ne peut comporter d’autres mentions que
celle d'un nom, d'une profession, d'une dénomination ou d'une rai¬
son sociale et de la marque qui y est attachée. »
— « l'enseigne publicitaire désigne toute annonce complémentaire
de l'enseigne » (18).
Dans ces deux premiers cas, un régime relativement libéral doit
s'appliquer mais il reviendra à un décret en Conseil d'Etat d'en
définir les prescriptions générales en fonction des procédés utilisés,
des activités et des lieux où elles s’exercent.
— C'est au contraire le droit commun qui s’appliquera aux préen¬
seignes, dispositifs « signalant par quelque procédé que ce soit la
proximité de l’immeuble où s’exerce une activité déterminée ».
Les normes applicables risquent, cependant, de se révéler particuliè¬
rement gênantes hors agglomération où toute publicité est interdite.
Aussi a-t-il été prévu qu'un décret en Conseil d’Etat déterminerait les
cas et les conditions dans lesquelles on pourrait déroger aux pres¬
criptions normalement applicables pour « signaler des activités, soit
particulièrement utiles pour des personnes en déplacement ou liées
à des services publics ou d'urgence, soit s'exerçant en retrait de la
voie publique, soit en relation avec la fabrication ou la vente de pro¬
duits du terroir par des entreprises locales ».
Une fois de plus, le législateur renvoie donc au pouvoir réglemen¬
taire le soin de préciser la loi.

II. QUI ?
La réglementation de la publicité

Il convient d'abord de rappeler que toute réglementation géné¬


rale de la publicité extérieure ne pouvait se faire que sur la base
d’une loi car l'article 34 de notre constitution réserve au Parlement

(18) Des explications très précises sont données dans le rapport de la Commis¬
sion des Affaires culturelles (p. 63) :
— Le dispositif comportant les mentions « A. Durand bijoutier horloger » ou
les mentions « Société de construction mécanique X » est une enseigne.
— Le caisson lumineux qui comporte la mention « Montres X » et est fixé sur
la devanture de la bijouterie ci-dessus, est une enseigne publicitaire.
114 DROIT ET VILLE

le soin de fixer les règles concernant « les droits civiques et les


garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des
libertés publiques ».
Celui-ci peut naturellement renvoyer au pouvoir réglementaire
le soin de préciser les modalités d'application des principes qu'il a
posés. Le Sénat a, en l’occurrence, largement utilisé cette possibi¬
lité. En effet, si l'article 31 du projet prévoit, d’une façon générale
que : « les modalités d'application de la présente loi seront défi¬
nies par décret en Conseil d'Etat », des délégations plus précises ont
été opérées à plusieurs reprises en faveur du pouvoir réglementaire.
Néanmoins, pour l'essentiel, le système repose sur une large délé¬
gation de compétence aux autorités locales, assortie d’un savant
dosage. Sa relative complexité peut susciter une sérieuse crainte
d'arbitraire.

1) Une subtile décentralisation.

Les sénateurs se sont entendus pour conférer aux autorités admi¬


nistratives locales un triple rôle : délimiter, réglementer, autori¬
ser. En effet, mis à part les quelques cas, somme toute assez limités,
où une interdiction d’afficher est la conséquence d'autres textes,
relatifs par exemple aux monuments historiques, aux sites, aux
parcs naturels ou aux abords de ces divers monuments ou sites, la
compétence est très nettement décentralisée.
Ainsi, c'est le maire qui, après avis de la commission départemen¬
tale compétente en matière de sites, et du Conseil municipal, décide
d’interdire l’affichage sur les immeubles qui, bien que non classés
ni inscrits, présentent un caractère esthétique, historique ou pitto¬
resque.
Au niveau des autorisations prévues, à plusieurs reprises, et notam¬
ment en ce qui concerne la mise en place d'enseignes ou de préen¬
seignes, le législateur ne s'est pas prononcé expressément sur la com¬
pétence, renvoyant pour cela à un décret en Conseil d’Etat, mais il
résulte des explications très précises données en séance par le minis¬
tre que : « chaque fois qu'il s'agira du droit commun, le décret en
Conseil d'Etat donnera le pouvoir aux maires. Mais il y a des cas,
par exemple celui d'une enseigne ou d'une préenseigne implantée
sur un monument historique, où ce n'est plus du ressort du maire,

en—outre
comme
mentions
Le dispositif
une
les
n'ymentions
enseigne
figuraient
comportant
« Vins
publicitaire,
pas. X,lesnouilles
mentions
ce quiY, ne
Biscottes
« Epicerie
serait Zpas
de
», est
la
le Place,
cas
considéré
si J.ces
Dupont
également
dernières
» et
DROIT ET VILLE 115

mais de celui du préfet. Dans ce cas, le pouvoir sera maintenu à


celui-ci » (19).
C'est enfin le maire qui délimite en toute liberté les zones d'affi¬
chage libre destinées aux partis politiques et associations à but non
lucratif, avec tous les risques que cela comporte, entre autres au
point de vue de la protection de l’esthétique. Rien n'empêcherait en
effet les maires de choisir comme emplacement le mur d'un monu¬
ment historique ou d’un immeuble particulièrement pittoresque.
D'une façon générale, il est apparu nécessaire de laisser aux autori¬
tés locales un très large pouvoir d'appréciation et d'adaptation des
prescriptions générales. Le Sénat, il ne faut pas s'en étonner, a été
très sensible à cet aspect des choses. Peut-être a-t-il été poussé
dans cette voie par le fait que certains inconvénients de la loi de
1943 étaient dus au rôle trop exclusif conféré au préfet. En tout
cas, les rapporteurs, les intervenants en séance ont beaucoup insisté
sur ce point sans rencontrer d'opposition de la part du gouverne¬
ment (20).
C'est à une savante concertation que l'on va faire appel lorsqu’il va
s’agir de déterminer les « périmètres » auxquels doit s'appliquer
une réglementation appropriée. Cette opération est essentielle. C'est
d’elle que dépendra réellement la place accordée à la publicité dans
chaque secteur du territoire. En effet, dans le système adopté par
le Sénat, la loi et le réglement posent les règles générales. Ils définis¬
sent le droit commun qui s'applique sur tout le territoire en l'absence
d'autres dispositions plus ou moins contraignantes.
Les autorités locales peuvent, en effet, lever l'interdiction d'effec¬
tuer de la publicité hors agglomération en délimitant certains « péri¬
mètres » autour de centres industriels, commerciaux ou artisanaux,
adoucir les règles générales, en précisant lesquelles d'entre elles ne
devront plus s'appliquer lorsqu’on se trouvera dans une zone d’affi¬
chage élargi qu’elles auront elles-même défini ? Au contraire, elles
pourront ajouter de nouvelles exigences lorsqu'elles auront déter¬
miné une zone d'affichage restreint.
Dans un cas comme dans l’autre, c'est à elles que revient le soin
de délimiter la zone en question et d'établir une réglementation
appropriée.

en(19)
compte
compétence
ce Débats
qui
tenuconcerne
serait
du
du caractère
Sénat
ministérielle.
les : autorisations
séance
national
du que
11 octobre
relatives
celles-ci1978,
ne
à des
manqueront
J.O. véhicules
p. 2497-2498.
pas
publicitaires,
Au
de revêtir,
contraire,
et
la

intentions
(20) On en
de vote.
trouve une illustration, parmi d’autres, dans les motivations des
J.O. Sénat, débats parlementaires, Séance du 11 octobre 1978, p. 2530.
116 DROIT ET VILLE

La procédure relativement complexe prévue par le Sénat se décom¬


pose en deux phases successives :
— La préparation de la décision.
La délimitation du secteur et les prescriptions qui s’y appliquent
sont élaborées par un groupe de travail présidé par le maire et com¬
prenant des représentants des commîmes intéressées et des services
de l'Etat.
Les chambres de commerce et d'industrie, les chambres de métiers
et les chambres d'agriculture sont, à leur demande, associées, avec
voix consultative, à ce groupe de travail. Les associations locales
d’usagers sont, quant à elles, consultées, à leur demande, par le
maire.
Puis le préfet prend l'avis de la commission départementale com¬
pétente en matière de sites.
Il soumet ensuite le « projet de délimitation et de réglementa¬
tion à l'avis du conseil municipal. Dès lors et selon le résultat de cette
consultation, le préfet peut prendre une décision.
— La décision.
En cas d'avis favorable du conseil municipal, « la publication de
ses dispositions est assurée par arrêté préfectoral ».
En cas de modifications apportées par ce dernier au projet qui
lui a été soumis, « le préfet publie les nouvelles dispositions ou les
transmet pour décision par arrêté ministériel, au ministre chargé
des sites ».
Cette procédure relativement complexe et imprécise peut susci¬
ter quelques doutes et quelques critiques.

2) Un risque sérieux d’arbitraire.

Ce risque d'arbitraire a, en la matière, plusieurs causes distinc¬


tes mais concordantes. Les responsabilités, insuffisamment définies,
aboutissent, pourtant, à créer une toute puissance administrative
qui ne s’insère pas dans un système d'ensemble cohérent relatif à la
protection de l’esthétique.
a) Des responsabilités insuffisamment définies.
A la lecture du projet et du texte voté par le Sénat, il est très
difficile de dire quel est le rôle laissé aux professionnels. Il est en
effet prévu que, à leur demande, les Chambres de commerce et d'in¬
dustrie, les Chambres de métiers et d'agriculture sont associées
avec voix consultative au groupe de travail présidé par le maire.
Il n'y a rien de choquant à ce que ces organismes soient consultés
largement et entendus à l’occasion de la réglementation d'une acti¬
vité économique qui les concerne. Fallait-il aller jusqu'à les « asso-
DROIT ET VILLE 117

cier » au groupe de travail ? On peut en douter, car leur point de


vue, qui ira probablement plus dans le sens des intérêts profession¬
nels que dans celui de la défense de l’esthétique, sera probablement
largement pris en compte dans un groupe de travail relativement res¬
treint. Il aurait été à tout le moins souhaitable d’équilibrer cette
influence, en faisant participer au groupe, dans les mêmes condi¬
tions, un nombre égal de représentants des associations de défense.
Or, celles-ci Gont seulement consultées par le maire, à leur demande.
Cette collaboration se serait révélée d’autant plus utile que les seuls
groupements susceptibles d'intervenir ont déjà dû faire preuve
d'une certaine représentativité (21).
Quant au reste du groupe, il sera composé de représentants des
services de l'Etat et de la commune. Ces derniers y seront majori¬
taires, l'assurance en a été formellement donnée par le ministre au
Sénat (22). Mais la nature de la décision qui en résultera n’est pas
évidente.
M. Ducos-Ader a très clairement mis en lumière les imprécisions
juridiques contenues dans ce texte (23). Comment le groupe de tra¬
vail peut-il « élaborer » un simple « projet » ? Que signifie la « publi¬
cation » de ces dispositions par arrêté préfectoral ? Ne s'agirait-il pas
plutôt d'une promulgation ?
En dépassant les problèmes de techniques juridiques, on peut
voir un autre inconvénient à cette procédure : c'est de diluer les
responsabilités. Le maire ne fait que présider le groupe de tra¬
vail. Les élus locaux pourront toujours accuser les représentants de
l'administration et réciproquement. En la forme, la décision émanera
du préfet ou du ministre alors que l’avis du Conseil municipal aura
été déterminant. Tout cela n’est pas clair. Autant il est souhaitable
qu'une concertation soit la plus ouverte possible, autant il est dan¬
gereux qu'une décision n'ait pas un auteur facile à déterminer.
Or ceci est encore aggravé par une autre disposition de la loi.
L'article 16 mentionne en effet que les autorisations délivrées par
le maire, dans les cas prévus aux chapitres I et II de la loi, le
sont au nom de l’Etat. La responsabilité n’est-elle pas le corollaire
du pouvoir ? Cette dilution des responsabilités est d'autant plus
grave que la loi confère à l'Administration une toute puissance de
fait.

(21) Ce sont, en effet les associations locales d'usagers prévues à l’article 19,
c'est-à-dire celles qui remplissent les conditions fixées à l'art. 40 de la loi du
10 juillet
code de l'urbanisme.
1976 sur la protection de la nature ou aux articles L 121-8 et L 160-1 du
(22) J.O. Sénat-Débats parlementaires 5 octobre 1978 p. 2370.
Le(23)
projet
R. Ducos-Ader
de loi sur l'affichage.
: « Technique
D. 1978
législative
Chronique
en matière
p. 272. de libertés publiques ».
118 DROIT ET VILLE

b) Une toute puissance administrative.


Pour l'essentiel, le système législatif repose sur la délimitation
de « zones » et de l’édiction de prescriptions qui soient appropriées
à chacune d'entre elles. Or l'administration, selon la procédure que
l'on vient de décrire, dispose d'une liberté quasi totale. Mis à part
les quelques cas où la publicité sera interdite en vertu de la loi,
il sera possible, en renonçant au régime de droit commun d'éta¬
blir, ou une zone d’affichage élargi, ou une zone d'affichage res¬
treint.
Dans le premier cas, en adoptant une réglementation appropriée,
on pourra aboutir à une publicité à peu près totalement libre.
Dans le deuxième cas, on parviendra, légalement, si on le souhaite,
à une interdiction totale et absolue de l'affichage sur tout le terri¬
toire de la commune (24).
Or ces décisions peuvent être l’une et l’autre souhaitables à condi¬
tion qu’elles correspondent à une certaine situation locale. Mais en
fait, elles dépendront bien plus de l’appréciation subjective des admi¬
nistrateurs et de leurs humeurs. En effet, le législateur ne donne clai¬
rement aucune directive. Il ne précise nulle part qu'une zone d’affi¬
chage élargi ne peut être établie que lorsque l'activité commerciale,
l'animation, l'absence de caractère pittoresque du lieu ou une acti¬
vité publicitaire traditionnelle le justifient. Il n’indique pas non
plus qu'une zone d’affichage restreint doit être, ou ne peut être pré¬
vue que lorsque l’intérêt historique, architectural, esthétique ou le
caractère pittoresque des lieux ou du site le rendent indispensa¬
ble.
Ainsi les publicitaires mécontents de voir définir une très large
zone d'affichage restreint ou les associations de défense de l’envi¬
ronnement regrettant de voir trop de zones d'affichage élargi ne
pourront guère invoquer la violation de la loi à l'appui d'un recours
contentieux.
Le projet de loi voté par le Sénat constitue plus un texte de pro¬
cédure qu'un texte tentant de définir les rapports que la publicité
et ses divers supports doivent établir avec l’environnement. Du
reste, la lecture des débats montre clairement que l’on a voulu ren¬
dre aux maires la liberté d'appréciation qu’ils avaient perdue depuis
1943, et non les contraindre par des prescriptions générales. Mais

dement
tout
clairement
jusqu'à
J.O.
(24)ouCette
Sénat-Débats
l’interdiction
àpartie
l'article
indiqué
solution
d’une
3 parlementaires,
que
permettant
est
totale
agglomération.
certaine.
l’ondepourrait
celui-ci.
auLeconseil
Séance
Sénat
Ildans
y avait
amunicipal
du
une
renoncé
5 en
octobre
zone
effet
d’interdire
après
d'affichage
souhaité
1978,que
p. 2360.
l’affichage
voter
le
restreint
ministre
un amen¬
dans
aller
ait
DROIT ET VILLE 119

alors, on peut s’étonner que le rapporteur ait dénoncé, parmi les


causes de l'inapplication du droit positif, le fait que « la réglementa¬
tion varie d'un département à l'autre » (25).
Il est un cas où l'absence de prescriptions générales est particu¬
lièrement choquante. C'est celui des sites inscrits. Lorsqu'on se
trouve en présence de l’un d'eux, on devrait normalement appliquer
le régime de l'affichage restreint. Ceci laisse la possibilité aux auto¬
rités administratives de moduler la réglementation.
Mais il est beaucoup plus contestable que ces mêmes autorités sans
être guidées par aucune directive du législateur puissent lui préfé¬
rer le régime de droit commun, voire de façon « exceptionnelle »,
le régime de l'affichage élargi.
Certes, la politique d’inscription des sites a été assez libérale et
aujourd’hui, les trois quarts de Paris intra muros sont dans ce
cas. Il n’est sans doute pas réaliste d’y interdire tout affichage
comme le prévoit le droit positif inappliqué sur ce point. Est-il par
contre normal que les autorités administratives puissent arbitraire¬
ment et sans contrôle n'en tenir aucun compte ? Rien dans la loi
ne les empêcherait de déclarer le « Marais » zone d’affichage élargi
ou au contraire d'interdire l'affichage dans les trois quarts de Paris.
Cette marge d’appréciation est beaucoup trop large et met en lumière
l’absence d'une politique globale de l’esthétique.
c) L’absence d’une politique globale de l'esthétique
Les dispositions trop rares et trop peu cohérentes existant en
la matière reposent sur une politique de classement et d'inscription
ou de définition de zones plus ou moins sensibles.
Le projet de loi voté par le Sénat permet, à plusieurs égards, de
s’interroger sur l’insuffisance, voire l’incohérence de cette politi¬
que.
A quoi sert-il en effet de délimiter un certain nombre de péri¬
mètres sensibles, si le vote d’une simple loi sur l'affichage implique
la redéfinition de nouveaux périmètres (hors agglomération, d'affi¬
chage restreint ou élargi) n'ayant aucun rapport avec les premiers et
dans le même temps la possibilité de ne tenir aucun compte de cer¬
tains de ceux qui existent actuellement (sites inscrits) ?
De la même façon, est-il logique que le maire puisse, après avis de
la Commission départementale des sites et du Conseil municipal,
interdire l'affichage sur les immeubles qui, bien que non classés ni
inscrits, présentent un caractère esthétique, historique ou pittores¬
que ? Ou bien ces immeubles présentent un réel intérêt et il serait
souhaitable qu'on les protège d’une façon générale et non seule-

(25) J.O. Sénat, Débats parlementaires p. 2326.


120 DROIT ET VILLE

ment contre l'affichage en les classant ou en les inscrivant, ou bien


ils ne présentent aucun intérêt et l'interdiction d’afficher ne se
justifie pas particulièrement.
Une politique de l’esthétique plus cohérente serait donc souhai¬
table à tous égards. Elle permettrait de justifier plus facilement la
lourdeur relative des sections édictées par la loi.

HI. Comment ?

Le Contrôle de la publicité

Que ce soit dans le rapport de la Commission des affaires cultu¬


relles, dans les avis de la commission des affaires économiques et
de la commission des lois, ou lors des débats, une unanimité s'est
dégagée pour dénoncer les insuffisances de la loi de 1943. Celle-ci
serait pratiquement cause de tous les maux. Mais il faut noter
que beaucoup de reproches qui lui sont adressés sont injustifiés. Le
législateur aurait pu utilement y réfléchir s'il ne veut pas que le
texte qu’il a élaboré subisse le même sort. Ainsi la « durée relati¬
vement longue de la procédure » surtout pour les délits commis
par les entreprises d'affichage est plus due à des pratiques adminis¬
tratives qu’au contenu de la loi elle-même (26). De même, « l'allon¬
gement fréquent de cette durée en raison de l'utilisation de divers
moyens de procédure » n’est pas du tout spécifique à cette matiè¬
re (27). Enfin les taux des amendes étaient peut-être trop faibles,
mais que penser lorsque le rapporteur écrit : « Bien que le législateur
ait prévu des amendes pouvant aller de 300 à 15.000 F (et à 150.000 F
en cas de récidive) l'amende à laquelle est condamné le contrevenant
s'écarte peu en général du minimum (Les amendes prononcées sont
rarement supérieures à 2 000 F) » ? (28). Si la faiblesse du taux des
amendes tient à l'appréciation librement effectuée par les tribunaux,
pourquoi espérer qu'il en ira autrement si la loi prévoit des pénali¬
tés dont le plafond sera encore plus élevé ?
Il n'est pas possible, compte tenu de la longueur imposée au pré¬
sent article de se livrer à une analyse comparée du droit positif et
du texte voté par le Sénat. Il est,cependant, certain que les règles

formés
tration
Conseil
(26) Même
(27)
(28) Cf.ad’Etat
devant
lebien
rapport
rapport,
ne
voulu
lessont
juridictions
de
p.
sepas
la78.
77laisser
commission
etsuspensifs.
p. 14paralyser
administratives
et 15.des
L’exemple
affaires
car il ainsi
semble
culturelles,
cité p.
queignorer
15 les
prouve
p. appels
76.
quequelesdevant
l'adminis¬
recours
le
DROIT ET VILLE 121

actuelles devaient être complétées, voir leur champ d'application


élargi, et être rendues plus efficaces au niveau de leur application.
Mais le texte voté par le sénat se situe en réalité dans la prolonga¬
tion du droit positif.
Le Sénat a eu surtout en vue deux objectifs qu'il a largement réali¬
sés : renforcer la dissuasion, rendre les condamnations plus effi¬
caces :

1) Un renforcement de la dissuasion.

Les sénateurs se sont voulus réalistes. Il faut que les éventuels


contrevenants sachent précisément à quoi ils s'exposent et quel est
le droit en vigueur.
A cette fin, il a d'abord été précisé que les textes et documents rela¬
tifs aux prescriptions qui régissent l'affichage dans la commune
seront tenus à la disposition du public (29). Cette disposition est tout
à fait logique. Les règles sont complexes. Les intéressés doivent les
connaître d'autant plus que les peines prévues sont fortes.
Les amendes applicables au cas où les délits prévus par la loi et
résultant de sa méconnaissance seraient réalisés sont relativement
lourdes (1000 à 2000 F d'amendes, doublées en cas de récidive) (30).
Surtout les poursuites devraient être facilitées. La difficulté avec
laquelle elles pouvaient être intentées constituait incontestablement
une lacune de la loi de 1943. Désormais, les personnes habilitées à
constater les infractions aux dispositions de la loi et des textes pris
pour son application sont relativement nombreuses et variées (31).
De plus une mission a été confiée aux associations de défense de
l'environnement et aux associations locales d'usagers (32). Celles-ci
pourront « exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui con¬
cerne les faits constituant une infraction..., et portant un préjudice
direct ou indirect aux intérêts collectifs qu’elles ont pour objet
de défendre ». On pourrait ainsi éviter un classement des dossiers
au niveau du parquet et donner plus de retentissement à certaines
affaires.
Toutefois et quel que soit son souci de renforcer la dissuasion, le
Sénat n’a pas voulu remettre en cause certains principes fondamen¬
taux du droit pénal :

(29) Article 16 bis.


(30) Acticle 19.
(31) Article 27.
(32) Article 26. Il ne s'agit que des associations remplissant les conditions
fixées
art. L à121-8
l’art.
et 40L 160-1
de la du
loi code
du 10dejuillet
l'urbanisme.
1976 sur la protection de la nature ou aux
122 DROIT ET VILLE

— Il n’a pas accepté de faire peser sur le bénéficiaire d'une publi¬


cité irrégulière, une présomption de culpabilité (33). Ce refus est
tout à fait justifié car la loi qui aurait méconnu ce principe était
certainement inconstitutionnelle .
— Il est peut-être plus contestable d'avoir refusé la proposition
faite par la Commission des affaires culturelles et acceptée par le
gouvernement, grâce à laquelle « la publicité faite en contraven¬
tion des dispositions de la présente loi et des textes réglementai¬
res pris pour son application est considérée comme une infraction
continue (34) » car « il est logique que l'infraction soit considérée
comme continue, puisque l’action publicitaire en cause par l'émission
continue d’un message continu est elle-même continue. » (35).
Le Sénat a considéré que l’ensemble des dispositions qu’il allait
voter suffirait à garantir l’efficacité des condamnations.

2) Des condamnations efficaces.


Le Sénat a d'abord voulu établir une certaine proportionnalité
entre la peine et le profit. Aussi a-t-il décidé que l'amende sera appli¬
quée autant de fois qu’il y a de dispositifs en infraction et autant de
fois qu'il y a de jours pendant lesquels la publicité aura été faite en
infraction (36).
De même il a été prévu que, en cas de condamnations, le tribunal
ordonne soit la suppression, soit la mise en conformité avec les
prescriptions auxquels ils contrevenaient des dispositifs qui consti¬
tuent l’infraction, dans un délai qui ne peut excéder un mois et sous
astreinte de 50 à 500 F par jour (37).
Enfin dès la constatation d'une infraction, le ministre, le préfet ou
le maire peuvent ordonner la suppression ou la mise en conformité
avec les règles auxquelles ils contrevenaient des dispositifs apposés ou
maintenus en violation des dispositions légales ou réglementaires (38).
Cette suppression et la remise en état des lieux sont effectuées d'office
en quelque lieu que ce soit si elles ne l'ont pas été par les intéres¬
sés qui sont alors tenus solidairement au remboursement des frais.
Il est bien précisé que la survenance de la prescription ou d’une
amnistie n'empêche pas ces dispositions de s'appliquer alors qu’ac-

par
fice
11 (33)
(34)
(35)
(36)
(37)
(38)
oct.
les
deArt.
J.O.
J.O.,
Rapport
Article
1978,
dispositions
la commune
Débats
28débats
p.21.
32
et
2517
de
: art.
Article
parlementaires
laet
parlementaires
relatives
sur
commission
additionnel
s. le23 territoire
: au
L'astreinte
recouvrement
Sénat,
des
: Sénat,
J.O.
de
affaires
est
laquelle
Débats
séance
séance
recouvrée
culturelles
des
du
parlementaires
l’infraction
duproduits
3 11
oct.
dans
oct.
p.
1978,
les
communaux,
82.
1978,
a p.
été
conditions
Sénat,
2511
p.commise.
2508
etSéance
s.au
etprévues
s.béné¬
du
DROIT ET VILLE 123

tuellement, elle permet aux dispositifs irrégulièrement implantés


d'être maintenus en toute impunité.

CONCLUSION

La loi votée en première lecture par le Sénat a deux mérites essen¬


tiels. Elle constitue un texte à portée générale, visant toutes les for¬
mes de publicité extérieure, et elle est incontestablement dotée d'une
certaine cohérence au niveau des dispositions dissuasives et répres¬
sives (39).
On peut, cependant, lui faire également deux critiques principales :
Le Sénat ne donne aucune définition générale, et par là même il ne
donne aucun moyen de contrôle au juge administratif; il s'inspire
seulement de l'idée selon laquelle plus un lieu est intéressant au
point de vue de l’esthétique, moins on doit y faire de publicité. Or,
à ce niveau toutes les mesures d’adaptation sont finalement laissées
à l'appréciation discrétionnaire des autorités locales.
On peut donc vraiment dire que cette loi sera ce que les maires
et les conseils municipaux en feront. Elle met les publicitaires à leur
merci, mais aussi l'esthétique et l’environnement de notre pays.

nement,
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J.O.
(39) Débats
Par
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