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DÉVELOPPEMENT DURABLE
COLLECTIVITÉS LOCALES,
FINANCES PUBLIQUES
ET DÉVELOPPEMENT DURABLE
ODILE LE CANN* ET LUC LAVENTURE**
L
e développement durable, notion de répondre aux besoins actuels des popula-
née à Rio, au Sommet de la Terre tions, notamment ceux des plus démunis,
de 1992, a longtemps été considéré sans compromettre les besoins des générations
par les industriels comme un concept futures »1. Ce concept, déjà présent à l’état
« militant », hérité des défenseurs de embryonnaire au premier Sommet de la
l’environnement. Pourtant, dès 1991, les Planète, à Stockholm, en 1972, sous le
économistes publiaient les premières ana- nom d’éco-développement, a connu sa vé-
lyses montrant que l’économie et la fi- ritable révélation au Sommet de la Terre,
nance internationales allaient être boule- en juin 1992 à Rio ; 164 Etats étaient
versées par ces nouvelles données. représentés, au côté des Organisations non
Aujourd’hui, nous en sommes déjà à gouvernementales (ONG) pour débattre
établir, au niveau international, des stra- sur trois conventions-cadre : les modifica-
tégies d’émissions carbone per capite, qui tions climatiques, la biodi-versité et la dé-
seront, demain, les régulateurs des permis sertification. La convention sur le climat
de droits à polluer. Dans toute cette et l’effet de serre a eu le succès que l’on sait
histoire, les collectivités locales, et les : ratifiée en mars 1994 par les 164 Etats,
finances publiques, doivent opérer une elle fait, depuis 1995, l’objet de réunions
petite « révolution ». annuelles de son organe exécutif, la « Con-
férence des Parties » (COP), qui a décidé
de se doter de mécanismes financiers pour
LE CONSTAT s’orienter vers des processus économiques
D’UNE ÉVOLUTION (« mécanismes de flexibilité » ou flex-mex)
de « tonnes carbone évitées ». Ces méca-
nismes seront définis de manière plus pré-
Enjeux du développement durable cise à la COP 6, en l’an 2000, à La Haye, et
au niveau mondial vraisemblablement gérés par un « fonds
carbone » piloté par la Banque mondiale,
Le développement durable peut se défi- dans la perspective d’un marché financier
nir comme un développement conciliant de droits.
économie, environnement et solidarité Les mécanismes de flexibilité prévoient
sociale, trois piliers qui en fondent la légi- des « marchés de droit à polluer », ou
timité. Plus généralement, et de manière « permis négociables », qui pourraient
plus philosophique, le développement du- prendre deux formes économiques :
rable doit se concevoir comme « la capacité - des marchés de développement pro-
* Directeur général du Comité 21, Comité français pour l’environnement et le développement durable
** Directeur des antennes du Réseau France Outremer (RFO)
pres (MDP), offrant des permis à polluer à des politiques de développement durable.
des pays industrialisés exportant des tech- En juin 1999, la Guadeloupe, première
nologies respectueuses de l’environnement région française, a rendu public son
à des pays en développement ; « agenda 21 », au cours du premier salon
- des « applications conjointes » en caribéen de l’environnement.
direction des pays en économie de transi- On pourrait voir dans ces nouvelles
tion, qui n’auraient pas forcément la politiques un simple effet de mode, ou une
même teneur en permis. communication strictement politique. Par
Si nous évoquons plus spécifiquement expérience, et grâce à un premier recul sur
ici la Convention climat, c’est que celle-ci les expériences réussies, nous savons qu’il
est sans doute la plus avancée aujourd’hui n’en est rien. « L’agenda 21 local » provo-
en termes économiques, qu’elle préfigure que, chez les élus, comme chez les fonction-
l’aboutissement des autres conventions naires territoriaux, une sorte de « déclen-
mondiales, et surtout qu’elle concerne, in chement », parfois long à se produire, qui
fine, une ressource essentielle : l’énergie. En va impacter durablement les politiques
effet, le méthane (CH4) et le gaz carboni- publiques, notamment en créant des lieux
que (CO2), issus de la combustion des ou organes de « démocratie participative »,
énergies fossiles, sont les deux principaux où les habitants peuvent participer à
gaz à effet de serre. Dès lors, tous les grands l’élaboration de ces politiques. Preuve en
groupes industriels et financiers se penchent est, par exemple, le récent appel à candida-
avec intérêt sur ces négo-ciations. Notons ture de la ville de Grande-Synthe (59),
que le Programme des Nations Unies pour proposant une « mission d’assistance à
l’Environnement (PNUE) a réuni de maîtrise d’ouvrage pour les études sanitaires
nombreux organismes financiers et assu- et d’impact sur l’environnement » dans le
reurs - bien peu d’entre eux sont français -, cadre d’une opération de réhabi-litation de
pour signer une charte en faveur du déve- logement social. Notons, au passage, que
loppement durable2. Grande-Synthe est l’une des premières
villes primées pour son « agenda 21 local »
par le ministère de l’Aménagement du
La place des collectivités locales territoire et de l’Environnement en 1997,
dans le développement durable notamment pour sa « globalité ».
Dès lors, deux problèmes principaux se
Dans ces vastes négociations internatio- posent aux collectivités locales pour la mise
nales, les collectivités locales semblent avoir en oeuvre de telles démarches de déve-
une place bien mineure. En France, la loppement durable : le processus de la
mise en oeuvre des « agendas 21 locaux », commande publique et les règles budgé-
héritiers de Rio et sortes de « nouvelles taires ainsi que les modes de management
grilles de lecture » des politiques publiques des collectivités locales.
à l’heure du développement durable, est
l’une des réponses à la transversalité Le processus de la commande publique et les
demandée par le concept même de déve- règles budgétaires
loppement durable ; 16 « agendas 21 lo-
caux » ont été primés en 1997, dans le Comment intégrer la clause de « mieux-
premier appel à propositions du ministère disant social », qui suppose le recours à
de l’Aménagement du Territoire et de des entreprises locales, avec des chantiers
l’Environnement (dont Chambéry, Athis- d’insertion, alors même que le code des
Mons, Grande-Synthe), et une cinquan- marchés publics proscrit ce type de pré-
taine de villes se lancent actuellement dans férence ? Comment intégrer la notion
DÉVELOPPEMENT DURABLE
La réglementation
Les modes de financement public
du développement durable La réglementation a un effet important
sur l’environnement, par les contraintes
Les économistes internationaux ont qu’elle fixe, notamment en matière d’émis-
envisagé, voire testé, certains modes de sions, mais ce recours à la réglementation
DÉVELOPPEMENT DURABLE
qu’a été prise la loi française portant sur les collectivités locales est un frein à la
des dispositions diverses d’ordre économi- mise en place de véritables politiques de
que et financier pour 1999, prévoyant développement durable.
notamment un réalignement de la fiscalité On pourrait citer bien d’autres exem-
sur le gazole et l’essence sans plomb, pour ples : lors de la construction d’une usine
les amener, dans les cinq ans, vers la d’incinération des ordures ménagères, par
moyenne européenne. L’objectif affiché exemple, le Fonds de compensation de
de la fiscalité est de créer un « double divi- la TVA (FCTVA) ne peut être inté-
dende » : protéger l’environnement, et ré- gralement perçu par la collectivité qui
partir une partie des ressources dégagées investit... que si l’usine d’incinération ne
en faveur des plus démunis, ou pour récupère pas, sous forme d’électricité ou
abonder des législations sur le travail. de chaleur, l’énergie résiduelle ! (principe
Cette fiscalité nouvelle, qui concerne, de récupération intégrale de la TVA dès
dans un premier temps, les transports, va lors que l’équipement ne rapporte pas de
s’appliquer très prochainement au secteur recettes directes à la collectivité).
de l’énergie. Les finances publiques, et les La gestion déléguée des services publics
modes de fonctionnement des collectivités peut aussi se révéler porteuse d’incohéren-
locales devront aussi s’adapter aux futurs ces avec la démarche de développement
instruments fiscaux. La loi du 30 décembre durable, si l’autorité concédante n’est
1996 sur l’air et l’utilisation rationnelle de pas suffisamment exigeante avec son
l’énergie n’a-t-elle pas prévu que 20 % concédant : les multiples recours contre
des flottes de véhicules des collectivités les sociétés gestionnaires de l’eau, dans
devaient être alimentés en « carburants al- les villes françaises, en sont de vivants
ternatifs » (GPL, électricité, gaz naturel) ? exemples. Il en est de même de certains
Chacun de ces modes de finance- réseaux de chaleur urbains affermés, mal
ment public du développement durable dimensionnés ou peu entretenus. Et
comporte ses avantages, mais aussi ses que dire de ce que les juristes appellent
inconvénients et ses limites. Les pays du eux-mêmes des « montages exotiques » :
Nord de l’Europe préfèrent la voie régle- Marchés d’entreprises de Travaux publics
mentaire et les taxes (notamment avec la (METP), Vente en l’état futur d’achève-
taxe sur le CO2). L’Allemagne a long- ment (VEFA) ou baux emphytéotiques
temps privilégié la labellisation. En France, avec convention d’exploitation non déta-
plusieurs systèmes ont cohabité depuis de chable (les baux emphytéotiques, par
nombreuses années, et c’est seulement en ailleurs, ne sont pas soumis à la loi Sapin,
1998, lors de la préparation de la loi de sur la transparence des marchés publics) ?
finances pour 1999 que nous avons vu En résumé, ces montages prévoient un
apparaître les premières mesures fiscales financement de l’investissement par l’en-
en faveur du développement durable. treprise adjudicataire, en contrepartie
On a parlé alors « d’an 1 » de la fiscalité d’une rémunération annuelle de la
écologique. Est-ce l’an 1 ou l’an 0 ? L’ave- collectivité, à la même entreprise, pour
nir seul nous le dira. l’exploitation du service public attaché à
l’équipement. Outre le fait que l’on mé-
Développement durable et finances lange, ici, construction factuelle d’un
publiques : quelques incohérences équipement et gestion d’un service pu-
blic, la collectivité locale, généralement,
Nous avons vu précédemment que le va rembourser au total plusieurs fois,
fonctionnement même de la commande sur ces contrats de 20 à 30 ans, le prix
publique et des budgets administratifs dans initial de l’équipement. Sans compter les
difficultés prévisibles, mais non encore structurels européens, affiche très claire-
résolues, de TVA en cas de rupture du ment le développement durable comme
contrat du fait de la collectivité. Bien sûr, l’une de ses priorités. Cette planification,
la collectivité soulage ainsi sa section qui a le mérite de vouloir développer les
d’investissement, mais pour un avenir cohérences transverses, n’a pas encore at-
incertain, dépassant largement les man- teint ses objectifs : les Plans d’élimination
dats électifs successifs. des déchets ménagers ont été, pour la plu-
De tels montages sont, certes « dura- part, renvoyés « à leurs chères études »,
bles » - dans la durée - pour les entreprises seuls trois PRQA sont vraiment en acti-
contractantes, mais ils ne correspondent vité, et les PDU piétinent. Il ne faut pas
en aucun cas au concept de « développe- voir par là un recul du développement
ment durable », qui prévoit, justement, durable, mais plutôt une absence de mé-
une analyse investissement/exploitation thodologie - car le concept est encore suf-
à moyen et long terme au bénéfice du fisamment flou -, un manque d’évaluation
citoyen-contribuable. et d’indicateurs de pilotage. C’est pour-
Il paraît clair, aujourd’hui, qu’une ré- tant, sans nul doute, par la planification,
forme de la commande publique et de la que le développement durable entrera de
gestion déléguée des services publics lo- plain-pied dans les politiques publiques.
caux devrait intégrer, le plus en amont Nous devrions, sans doute, vivre l’an pro-
possible, la notion de « développement chain son incursion dans l’élaboration at-
durable ». Mais les moyens d’analyse et tendue des schémas collectifs des énergies
d’évaluation restent encore à inventer... et des services, et dans les schémas des
transports, qui viennent en corollaire des
Contrats de Plan Etat/Région. Mais pour
La planification comme outil : que cette planification nécessaire réussisse,
du global au local il faut pouvoir y intégrer une dimension
essentielle : celle de la société civile, pilier
Dans le constat sur les finances publi- du développement durable. C’est donc par
ques et le développement durable, nous la concertation dans la planification que
devons aussi intégrer les nouveaux modes nous pourrons trouver de nouvelles idées,
de planification Etat/collectivités locales, et la légitimité recherchée par les collecti-
qui devraient apporter plus de cohérence vités locales.
aux politiques publiques, et une meilleure Le constat sur le développement dura-
répartition des moyens financiers. La loi ble dans les collectivités locales, et face aux
du 13 juillet 1992, sur les déchets, avait finances publiques, est plutôt pessimiste à
prévu des Plans départementaux d’élimi- ce jour. De nombreuses tentatives ont vu
nation des déchets ménagers. Plus récem- le jour, sans être suivies d’effets. De multi-
ment, la loi du 31 décembre 1996, sur ples initiatives se sont développées, avec
l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie, peu d’actions concrètes, locales ou
a imposé la mise en oeuvre de Plans nationales. Au moment même où les
régionaux de qualité de l’air (PRQA), de grandes entreprises françaises - marketing
Plans de déplacements urbains (PDU) et « vert » oblige - se réclament du dévelop-
de Plans de protection de l’atmosphère pement durable, et créent des structures
(PPA) pour les zones urbaines sensibles. dédiées, les collectivités locales et les finan-
Enfin, la future Loi sur l’Aménagement ces publiques ont bien du mal à imposer
durable du territoire (LADT), avec ses leur vision à moyen terme, et leur poids
Contrats de Plan Etat/Région, recalés sur sur les modes traditionnels de fonctionne-
une période de six ans pour suivre les fonds ment.
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Encadré
Les zones « d’écologie industrielle » sont des zones industrielles dans lesquelles les
émissions, déchets et fluides d’une entreprise peuvent servir, avec transformation ou
non, de matière première ou d’énergie à une autre entreprise de la même zone. On peut
ainsi créer un « éco-système industriel », bénéfique à chaque industriel.
Ces initiatives ont déjà été mises en oeuvre en France, mais de manière ponctuelle, et
sans lien avec un territoire cohérent de proximité. La première expérience européenne
a eu lieu, au début des années 1990, à Kalundborg (Danemark).
La présence, sur cette zone, d’une centrale énergétique, d’une raffinerie, d’un cimentier,
d’un utilisateur de gypse, a permis de créer, en réponse aux attentes des industriels, une
zone pratiquement autonome à 60 % en énergie par simple synergie des flux entrants
et sortants de chaque entreprise.
En France, ce concept vient de faire son apparition, notamment avec l’appui de la ville
de Grande-Synthe (59), qui a lancé, le 21 septembre dernier, à l’occasion du salon
Pollutec, la première étude de faisabilité de ce type, sur la zone des Deux-Synthes7. Ce
nouveau développement des zones « d’écologie industrielle » permet aux collectivités
locales françaises de bénéficier de zones industrielles économes en énergie et en
matières premières, donc susceptibles d’intéresser de nouvelles implantations, et de
mieux « cibler » les industriels à la recherche de nouveaux sites, en les intégrant de
manière complémentaire dans le processus de l’éco-système.
Les zones « d’écologie industrielle » sont certainement une réponse endogène perti-
nente aux difficultés actuelles de valorisation des initiatives liées au développement
économique local8.
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des crises d’asthme en cas de pollution Cour de Justice européenne dans le règle-
atmosphérique, dans l’élaboration des ment des litiges, entre renationalisation pos-
recommandations d’un Plan de déplace- sible des économies régionales, et respect
ments urbains. C’est aussi « monétariser » du développement durable.
les ressources en forêts, considérées comme
« puits de carbone » dans le PIB d’un Etat. Un travail à poursuivre sur les taux d’actua-
Cette notion d’internalisation des coûts ex- lisation
ternes est très satisfaisante sur le plan intel-
lectuel, car elle répond à un véritable souci La Commission française du dévelop-
de cohérence, moteur du développement pement durable (CFDD) a édité, en 1997,
durable, mais pratiquement impossible en préparation de la Conférence des Par-
aujourd’hui à appliquer concrètement dans ties de Kyoto, un document très pertinent
les collectivités locales, ou pour les finances sur les aspects économiques du dévelop-
publiques, car elle suppose à la fois un pement durable9. Le taux d’actualisation
niveau de transversalité qui n’existe pas, et généralement utilisé en France, dans les
une « monétarisation » des effets externes projets industriels, est de 5 %, alors qu’il
qui pourrait susciter certains effets pervers, n’est que de 3 % au niveau européen.
dans la surévaluation des « PIB non-mar- Markanya et Pierce (1988) avaient pro-
chands », en particulier pour les pays en posé, pour intégrer le développement du-
développement, porteurs de ressources qui rable, des taux d’actualisation très faibles,
manquent aux pays industrialisés. voire nuls, pour tenir compte, justement,
de l’allongement des horizons d’analyse
La réforme de la commande publique dans des projets. « C’est l’argument important
les collectivités locales d’altruisme inter-générationnel »8. Mais cet
argument n’a pas su convaincre les ban-
Le colloque réalisé par l’Association quiers. On peut aussi envisager un taux
française des ingénieurs et techniciens variable d’actualisation. Une seconde piste
écologues (AFITE) le 22 septembre der- économique à explorer, plus proche en fait
nier, à Pollutec, sur le thème « Comment des concepts du développement durable,
intégrer l’environnement dans les achats est d’utiliser un jeu de paramètres qui de-
publics », a été révélateur du malaise géné- vront constituer un « nouveau taux d’ac-
ral : il n’est pas possible, dans les régle- tualisation », avec des pondérations à défi-
mentations françaises actuelles, d’intégrer nir. Ce sont, par exemple, les taux margi-
le développement durable dans l’acte d’achat naux de substitution intertemporelle des
public. La volonté de transparence euro- consommateurs (d’où une réflexion éco-
péenne, et les clauses de concurrence bien nomique sur le merchandising), le coût
légitimes qu’elle sous-tend, rendent aussi du capital ramené aux nouveaux marchés
les choix particulièrement difficiles. Seule internationaux, le rendement du capital,
une véritable stratégie européenne, en fa- et le possible « taux zéro » d’actualisation
veur du développement durable, avec des des programmes environnementaux, pré-
critères de choix et d’évaluation, pourrait cédemment recommandé.
rendre aux décisions publiques une légiti- L’approche du développement durable
mité en faveur du développement durable. par les taux d’actualisation est fondamen-
Si des stratégies sectorielles, comme le 5ème tal, car il « calibre » nos horizons d’analyse,
Programme communautaire de recherche à la fois dans une perspective nationale,
et développement (PCRD) tentent d’y par- sur nos grands choix budgétaires, mais
venir, on peut avoir l’espoir que ce nouveau aussi au niveau mondial, dans les échanges
mode de fonctionnement atteigne aussi la interentreprises.
DÉVELOPPEMENT DURABLE
On voit très clairement tout le chemin sur trois ans, comme les économies d’éner-
qu’il reste à parcourir, mais on sent bien, gie dans les bâtiments publics, l’exempla-
aussi, que le mouvement de fonds est rité du personnel municipal dans ses trans-
inéluctable : le développement durable ports, etc. Bien sûr, certains engagements
aura, dans les dix prochaines années, une sont typiquement adaptés au contexte
réalité économique dans les finances pu- local, comme la réduction d’utilisation des
bliques. ascenseurs (!), mais ce type de « tableau de
bord » permet de hiérarchiser les priorités
de la ville dans sa politique en faveur du
Les indicateurs du développement développement durable.
durable dans les collectivités locales
Plus structurellement, et d’après les ex-
Pour mieux suivre l’évolution du déve- périences menées en France, on mesure
loppement durable dans les collectivités très rapidement l’implication d’une col-
locales, il est nécessaire de disposer d’indi- lectivité locale en matière de développe-
cateurs transverses de fonctionnement. Ces ment durable en examinant ses structures
indicateurs doivent intégrer le moyen et de fonctionnement internes. L’époque des
long terme, tout en donnant des indi- « Chartes d’écologie urbaine et de la qua-
cations objectives à court terme. Cruel lité de la vie » (1993) avait fait apparaître le
dilemme. L’OCDE avait publié, voici quel- métier « d’éco-conseiller » dans les collecti-
ques années, un recueil des « indicateurs vités locales. Malheureusement, celui-ci
de pilotage » de l’environnement : plus de s’est trop souvent retrouvé isolé au sein de
150 indicateurs étaient à renseigner. Un services techniques, sous la responsabilité
système beaucoup trop compliqué pour d’un adjoint « environnement », et finale-
nos finances publiques, et par la raréfac- ment en charge de la seule responsabilité
tion des moyens humains dans ce domaine. « voirie » ou « espaces verts ». Aujourd’hui,
Le Centre National de la Fonction Publi- avec les « agendas 21 locaux », on voit
que Territoriale (CNFPT) s’est également apparaître une nouvelle forme d’organisa-
risqué dans cet exercice périlleux10, avec tion des services, en particulier avec la
une approche très pragmatique. Plus ré- création de véritables « cellules » ou « mis-
cemment, le programme européen RES- sions » transverses, sous la responsabilité
PECT (juin 1998) a réuni de nombreuses des directeurs généraux des services. De
collectivités locales (dont, par exemple pour telles structures, qui posent en elles-mê-
la France, Orléans et Boulogne- mes le problème de la répartition interne
Billancourt) sur le même sujet. Il est vrai des pouvoirs de décision, sont caractéris-
que le domaine est vaste, encore largement tiques d’une démarche de développement
inexploré dans sa version « collectivités durable dans une collectivité locale. C’est
locales », et confronté aux difficultés de un indicateur structurel particulièrement
fonctionnement - budgets et commandes intéressant, car il est révélateur d’une prise
publiques - évoquées précédemment. de conscience réelle, au-delà des simples
Il serait peut-être intéressant, pour les discours politiques. A partir de là, tout
collectivités locales, de s’inspirer de la peut s’enchaîner, et le décalage entre la
démarche de la ville de Joetsu, au commande publique et le développement
Japon, seule ville certifiée « ISO 14 000 » durable peut considérablement se réduire,
au monde (la certification ISO 14 000 avec le recours aux « appels d’offres
concerne le système de management en performentiels », plus difficiles à conce-
environnement et éco-audit). Quelques voir, mais qui permettent enfin d’allonger
engagements simples et concrets, chiffrés les horizons d’analyse pour réaliser de véri-
tables choix en faveur du développement mauvais aloi. Mais nous avons réussi à
durable. passer, en moins de dix ans, de la protec-
tion de l’environnement au développement
durable, avec l’ébauche des moyens de sa
Comme nous avons pu le voir, finances croissance. Il s’agit d’un véritable « mou-
publiques et développement durable ne vement de fonds », auquel s’accrochent
visent pas forcément les mêmes objectifs, désormais de plus en plus d’acteurs socio-
et ne répondent pas toujours aux mêmes économiques.
critères d’évaluation. Pourtant, toute Car le développement durable, c’est
l’évolution internationale, européenne et d’abord une aventure humaine. Daniel
française semble diriger entreprises et Truy, chargé de mission « développement
collectivités locales vers de nouvelles durable » à Grande-Synthe, déclarait ré-
formes de « monétarisation » du dévelop- cemment « le développement durable,
pement durable, avec des mécanismes c’est ce qui m’a fait plus lire en deux ans
financiers que l’on imagine volontiers qu’en 39 ans de vie ». De quoi aborder le
transverses, globaux et anticipateurs. Nous XXIème siècle avec enthousiasme : le Code
hériterons sans doute de quelques erreurs Napoléon est sans doute soluble dans le
du passé ; et de quelques optimismes de développement durable...
NOTES
1. Action 21 « Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement », United Nations publication, IBSN 92-1-
200147-5.
2. Charte UNEP « Financial Services and the Environnement », Regional Office for Europe, novembre 1998.
3. « Pour un développement durable : une fiscalité au service de l’environnement ». Rapport d’information n°1000 de Nicole
Bricq enregistré le 23 juin 1998.
4. Courrier de la Planète, n°30, septembre/octobre 1995.
5. « Pour un développement durable : une fiscalité au service de l’environnement ». Rapport d’information n°1000 de Nicole
Bricq enregistré le 23 juin 1998.
6. Voir forum internet : www.agora21.org.
7. Communiqué de presse Comité 21 à l’occasion de la conférence de presse du 21 septembre 1999. Contact : Christine
Delhaye . Tel : 01 42 84 84 23.
8. « Vers une écologie industrielle », Serin Erkman, Editions Charles Léopold Meyer.
9. « Les cahiers du développement durable », n°5, décembre 1997.
10. CNFPT - « Présentation des travaux d’un groupe de 10 collectivités sur l’élaboration d’un tableau de bord et d’indicateurs
environnement », 29 mai 1997.