DOSSIER DU MOIS
Négociations
Climatiques
La COP 27 sous le signe
de la solidarité
La COP 27 s'est tenue du 6 au 20 novembre
dernier en Egypte. Si lors de la conférence pré-
cédente, l'atténuation face aux changements
climatiques était au coeur des discussions, il a
été, cette année, question de justice et de soli-
darité climatiques. Un sujet fort de cette COP
était celui des pertes et dommages qui sont les
conséquences irréversibles du changement cli-
matique et qui frappent le plus souvent les pays
en voie de développement, constituant ainsi
une dette climatique des pays du Nord envers
ceux du Sud selon ces derniers.
Un accord important a été conclu : la création
d'un fonds spécifique pour venir en aide aux
pays les plus affectés dont les contours pra-
tiques doivent encore être élucidés. C'est sans
nul doute la grande avancée de cette COP 27.
e NÉGOCIATIONS CLIMATIQUES
INTERNATIONALES
La justice et la solidarité au coeur
des exigences des PED
Dès le début des négociations climatiques en 1992,
et malgré l'hétérogénéité du groupe des pays émer-
gents et en développement, une certaine cohérence a
caractérisé leurs revendications. Ces États essaient de
faire entendre leur voix clamant la spécificité de leurs
besoins et leur forte vulnérabilité vis-à-vis des chan-
gements climatiques. D'une part, leurs revendications
avaient trait à la question du partage de l'effort d'at-
ténuation du changement climatique, et d'autre part
elles ont porté sur la nécessité de les soutenir pour
faire face à ses effets qui sont déjà à l'oeuvre.
Sans nier l'importance de la question de l'atténuation
DÉCEMBRE 2022 N°352
des changements climatiques et des efforts à mettre en
oeuvre pour réduire les émissions, les PED souhaitent
mettre l'accent sur celle de l'adaptation au change-
ment climatique déjà à l'oeuvre. Les stratégies d'adap-
tation sont, en effet les questions clés pour réduire la
vulnérabilité des différents pays et régions aux change-
ments climatiques. Elles englobent un vaste ensemble
de politiques spécifiques à chaque pays en fonction
de son contexte géographique et socioéconomique et
s'inscrivent dans des domaines aussi divers que la ges-
tion de l'eau, la planification de l'usage des terres, la
gestion des risques de catastrophes, la reforestation ou
encore l'amélioration des sols. L'opérationnalisation de
la finance climatique est une autre revendication trans-
versale de ces pays. La communauté internationale
a décidé, lors du sommet de Copenhague en 2009,
de créer un Fonds Vert pour le Climat pour héber-
ger une large partie des financements, l'objectif étant
d'atteindre 100 milliards US$ par an à horizon 2020.
Un des enjeux des négociations est d'opérationnaliser
ces fonds, d'atteindre l'objectif cible, et de rééquilibrer
la répartition des fonds entre l'adaptation, lésée, et
l'atténuation, et la mise en place de mécanismes pour
renforcer l'accessibilité des fonds, notamment pour les
pays les plus vulnérables.
En résumé, les exigences du Sud portaient sur l'im-
portance des réductions d'émissions à opérer, sur un
régime particulier de transferts de techniques efficaces
en carbone dérogeant aux règles de la propriété intel-
lectuelle et sur les financements publics à apporter
pour compenser les coûts d'adaptation et d'atténua-
tion. Est apparue également l'idée qu'il incombait aux
pays industriels de rembourser une « dette climatique»
aux pays du Sud pour les dommages déjà subis et ceux
à venir du fait du changement climatique. La question
des pertes et dommages est revendiquée notamment
par les Etats vulnérables qui sont les principales vic-
times des sécheresses, inondations ou ouragans alors
qu'ils ont le moins contribué aux émissions de gaz à
effet de serre.
Malgré la mobilisation des pays en développement
force est de constater que leurs besoins ont faiblement
ENVIRONNEMENT
été pris en compte par les négociations internationales,
leurs revendications déçues, de manière répétée, par
l'issue des COP précédentes.
—© LA COP 27
Une avancée remarquable
de la solidarité internationale
Rappelons que la COP 26 tenue en novembre 2021
à Glasgow, qui avait débouché sur le « Pacte de Glas-
gow pour le climat», n'avait pas permis d'avancées tan-
gibles sur le plan de la solidarité. Le texte, qui indiquait
des délais à tenir pour l'atténuation - réduction des
émissions de 45 % à horizon 2030 et neutralité car-
bone en 2050 - contenait quelques avancées, comme
la mention, pour la première fois des énergies fossiles
comme cause du changement climatique. Il appelait
les pays développés à doubler leur soutien financier
pour l'adaptation pour 2025, lançait un programme de
travail sur le sujet ainsi qu'un dialogue sur les pertes et
dommages, dossier sensible sur lequel les pays déve-
loppés avaient réussi à bloquer tout progrès significatif.
La COP 27, tenue à Charm el-Cheikh en Egypte, a
réuni les représentants de plus de 200 pays, avec le
mandat de rehausser les ambitions sur la réduction
des émissions de gaz à effet de serre, de progresser
sur la mise en oeuvre de l'adaptation, et de résoudre
plusieurs questions cruciales sur fond de tensions
Nord-Sud dont la finance. Sous la pression des pays en
développement, la question des pertes et dommages a
été inscrite à l'ordre du jour. Des progrès étaient atten-
dus, notamment par les pays vulnérables (dont les pays
africains) concernant la finance climat, l'adaptation et
les pertes et dommages. La question du financement
de l'adaptation étant déjà source de tensions entre les
pays du Nord et les pays du Sud, la mise à l'agenda offi-
ciel de la question des pertes et dommages a constitué
une avancée historique pour ces derniers.
Aussi ancien que les négociations climatiques, avec
une première mention dès le sommet de Rio de Ja-
neiro en 1992, le sujet des pertes et dommages a pris
une importance croissante à mesure que les impacts
du réchauffement climatique se faisaient sentir. Ce
terme désigne les dommages inévitables causés par
le changement climatique d'origine humaine, même si
on fait tout pour réduire le réchauffement climatique
et s'y adapter. Les dommages irréversibles résultent
des aléas ponctuels tels que les événements extrêmes,
ou des aléas à évolution lente tels que l'élévation du
niveau de la mer. Ces conséquences prennent la forme
de préjudices matériels tels que les pertes écono-
miques ou la destruction d'infrastructures, et de pré-
judices culturels, par exemple liés aux déplacements
forcés de populations.
La question des pertes et dommages a été portée par
les pays les plus exposés, notamment les petits Etats in-
sulaires. Ceux-ci demandent l'instauration d'un méca-
nisme de compensation distinct des fonds qui existent
déjà pour l'adaptation ou la diminution des émissions.
La création d'un fonds spécifique pour les pertes et
préjudices a marqué un point d'avancée important de
la COP 27, la question ayant été ajoutée à l'ordre du
jour officiel et adoptée pour la première fois lors de
la COP 27. Cette réalisation a permis de qualifier cette
COP comme conférence de la solidarité internationale
et de la coopération. Elle a été permise grâce au sou-
tien de l'Union européenne avec l'objectif ambitieux
de créer un mécanisme de compensation des pertes
et des dommages par les plus grands émetteurs, et ce
par le transfert de sommes financières sans précédent
dans l'histoire des relations internationales. La COP 27
renvoie à la COP suivante pour l'adoption du «fonds
de réponse aux pertes et dommages ». Entre-temps,
ses modalités de mise en place seront étudiées et
élaborées par un comité qui sera notamment chargé
d'identifier les pays donateurs et les pays bénéficiaires.
Dans la même orientation, la COP 27 fut l'occasion
de formuler de nouvelles promesses de dons pour le
Fonds d'Adaptation au changement climatique, ces
promesses représentent un apport ponctuel de 230
milliards de dollars en tout. Par ailleurs, l'initiative de
Bridgetown, portée par la Barbade, qui a posé de ma-
nière générale la question d'une réforme du système
financier international, vise à suspendre les dettes des
pays les plus vulnérables octroyés par les banques de
développement, s'ils devaient être frappés par une
catastrophe climatique.
La COP27 présente ainsi une portée symbolique ex-
trêmement forte pour les États qui expérimentent dès
aujourd'hui les effets des changements climatiques
et l'urgence de bénéficier de mécanismes de soutien
financier. Cet acquis est considéré comme une énorme
réussite après trente ans passés à essayer d'avancer sur
la question. Cependant, la vraie bataille pour déter-
miner le rôle exact du fonds et qui paiera ou recevra
quoi commencera à peine. Ce mécanisme devrait être
opérationnel d'ici deux ans, mais les inquiétudes sont
légitimes dans la mesure où son financement dépend
grandement des pays développés, dont les engage-
ments financiers font toujours défaut pour le Fonds
en matière d'adaptation. De plus, la Chine, désignée
comme un pays en voie de développement, mais qui
ne l'est plus, dans les faits, a déjà révélé qu'elle ne
contribuera pas au fonds.
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