La Péremption
de la Compensation
Dans le sillage de la réforme
de la protection sociale
L'implémentation historique de la Caisse de
compensation (CC) tire son essence du Dahir de
création de 1977, dans sa modification de celui de
1941. L'objectif fixé à cette institution se résume,
essentiellement, dans sa mission de stabilisation
des prix des produits de première nécessité. Il
s'agit, dans une association entre péréquation
et subventions, d'atténuer l'impact virulent des
hausses des prix sur les consommateurs. Subsi-
diairement ladite caisse servi à soutenir certains
secteurs économiques, à l'exemple de l'artisanat
de l'agriculture... A partir de 1974, ces ristournes,
alimentées, particulièrement, à partir du sec-
teur pétrolier, se sont révélées insuffisantes,
devant les prélèvements de la Taxe intérieure
de consommation (TIC) par le Trésor et surtout,
sous l'effet du vif renchérissement des produits
péréqués. Une situation qui l'a poussé vers une
totale dépendance du Budget général, la trans-
formant ainsi en simple intermédiaire, distribu-
teur de subventions. Dépourvue de ressources
propres, la CC a entamé ses premières réformes,
à partir des années 8o du siècle dernier, par la
libération d'une partie des produits subvention-
nés (lait, engrais, huiles alimentaires...). Les
fluctuations, à la hausse, des produits subven-
tionnés, accélérées par une succession de crises
et l'avènement de la réforme de la protection
sociale ont plaidé en faveur de la poursuite de la
décompensation, voire son remplacement par
des mécanismes plus adaptés.
-ë SOUS L'EFFET DES MARCHÉS
MONDIALISÉS
Une bulle qui gonfle
démesurément
Aujourd'hui, après la libération des prix des carburants,
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l'État continu à subventionner les prix du gaz butane,
ainsi que ceux des produits alimentaires s'agissant,
notamment, du sucre et de la farine nationale de blé
tendre, à travers un encadrement assuré par un collège
ministériel (Energie, Intérieur, Finances, Industrie et
Agriculture) de concertation et selon une approche
participative impliquant l'ensemble des parties concer-
nées. La multiplication de crises profondes depuis
2007 (crise financière de 2007-2009 dite des sub-
primes, crise du coronavirus dite sanitaire, crise énergé-
tique 2021-2022 que l'on peut qualifier de martiale) a
exacerbé les risques systémiques et fouetté l'inflation.
L'impact sur le Maroc, de cette succession de décon-
venues a dicté la nécessité de développer une vision
globale, en matière de subventions, pour restructurer
les fondements de l'aide sociale. L'objectif a consisté,
dans un premier temps, en une plus grande rationalisa-
tion, s'appuyant sur des programmes de protection du
genre RAM ED. Les résultats mitigés, de cette option,
ont forcé l'orientation vers une réforme plus globale
des mécanismes d'accompagnement social, adossée
à un ciblage plus efficace par l'institution du Registre
Social Unifié.
La protection du pouvoir d'achat ou du moins le ralen-
tissement de sa dégradation, a forcé l'Exécutif, dans la
seconde moitié de l'année 2022, à l'obligation d'ap-
porter un correctif aux affectations budgétaires réser-
vées à la compensation. Une rallonge de 16 milliards
de dirhams, portant les crédits ouverts à 32 milliards
de dirhams, s'est avérée nécessaire pour faire face à
la flambée des prix des produits énergétiques et ali-
mentaires, engendrée par le conflit Russo-ukrainien.
Soit un surenchérissement de l'ordre de 72%, par
rapport à l'augmentation de l'exercice 2021. Une éva-
luation faite sur la base d'un taux de change de 9,87
MAD/5US, un cours moyen du gaz butane de 800
sus la tonne, pour une consommation ayant atteint
1,86 million de tonnes. L'estimation de la charge de
soutien du gaz a été, pour les huit premiers mois de
l'année, de l'ordre de 15,7 milliards de DH, à laquelle
s'ajoute celle relative aux produits alimentaires, éta-
blie, quant à elle, pour une valeur de près de 11 mil-
liards de DH, pour totaliser 26,7 milliards de dirhams.
 Nonobstant le manque de visibilité de l'environnement, accompagnent la compensation mettent en cause
économique et sécuritaire, international, il est attendu toute tentative de programmation et de rationalisation
que les perspectives de l'année 2023 se situeraient de l'engagement budgétaire. Aussi, d'aucuns pensent
dans le même intervalle de mobilisation de fonds qu'il serait raisonnable de verser la vocation straté-
d'aide, donnant lieu à une programmation de près de gique de la caisse d'administration de la compensation
26 milliards D H au titre de cet exercice à venir, pour une dans l'ceuvre en voie de généralisation du système de
couverture globale des produits compensés. Cette en- protection sociale, qui sauvegarderait, équitablement
veloppe, constitue l'un des derniers jalons qui, tout en le pouvoir d'achat des citoyens. Le rapport de la Com-
marquant le point de non-retour de la décompensation, mission de la planification du Parlement n'a pas man-
annonce le lancement de la mise en oeuvre des nou- qué de signifier, à cet égard, une mise en garde contre
velles orientations stratégiques appelées à introduire la tout ajournement de la réforme de la compensation,
réforme de la généralisation de la protection sociale. pour éviter de mettre en péril le soutien des classes
Actuellement le gaz butane continu d'être subvention- vulnérables.
né directement par le biais des distributeurs, compte
non tenu des frais du transport. L'État intervient pour En effet ce filet de sécurité, dans son montage actuel,
combler la différence entre un prix de vente, réputé souffre d'un manque d'efficience inhérent à la plé-
invariable, et le prix de revient réel déterminé par les thore des organismes intervenant sous diverses tutelles
fluctuations du marché mondial. Les produits alimen- et partant, d'une insuffisante intégration dans la défi-
taires, quant à eux, bénéficient de subsides multiples, nition des politiques sociales. L'absence de complé-
répartis entre production, importation, consommation mentarité et la multiplicité des chevauchements des
et transport. C'est ainsi que la récolte et le stockage compétences paralysent de ce fait toute tentative
de la production sont dédommagés, en espèces, au d'activation de synergie.
niveau des collecteurs et des meuniers. S'agissant
Le Nouveau modèle de développement (N M D),
des importations, et dans le souci de réguler les prix
pour sa part, déplore la légèreté de l'offre publique
du blé tendre en préservant l'invariabilité du prix du
de protection sociale, dans la traduction de son ina-
pain, le mécanisme de compensation s'emploie à
déquation aux besoins de la population, par la ca-
adapter les tarifs douaniers afin de contenir, à par-
rence de ses services et sa faible couverture. Il n'a
tir d'un certain seuil préalablement déterminé, les
pas manqué de recommander, pour y remédier, l'édi-
répercussions d'une élévation du coût d'importation.
fication d'un "socle de protection sociale "de base,
incorporant soutien sanitaire, allocations familiales et
-e INADÉQUATION ENTRE L'OFFRE revenu minimum de dignité. Il préconise, par la même
DES SERVICES ET LES BESOINS occasion, de supplanter l'esprit de la " compensation
DES POPULATIONS généralisée ", qui n'a qu'une portée modérée sur le
citoyen, au profit d'une logique de ciblage, suscep-
Le passage à l'octroi des aides
tible de combiner qualité, innovation et efficacité
directes dans l'élaboration des programmes sociaux. Le projet
de "Maroc inclusion" prôné, ainsi, par le N M D vise à
On déduit, de ce qui précède, que les incertitudes qui
instaurer un dispositif institutionnel qui assurerait "le
pilotage intégré et coordonné des programmes des
ÉVOLUTION DE LA CHARGE DE COMPENSATION DU GAZ BUTANE
filets sociaux".
EN MDH
14,7 14,6
132 13,5 Par ailleurs, l'urgence de la réforme de la compensa-
12 12,1
tion repose sur l'antinomie grandissante entre les sou-
10, 0,4
8,7 9,1 cis de l'équilibre budgétaire et les impératifs de l'équi-
8
té sociale, dans une démarche qui aspire à optimiser
l'efficacité des transferts directs, au profit des ménages
4 3,39 3,46 3,43 3,40 3,25 3,40
qui en ont le plus besoin. L'objectif, dans la grande
1,47 1.50 1,35 1,29 1,50
1,08 réforme de protection sociale, est de permettre aux
o
ménages éligibles de jouir, en plus des apports moné-
2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021
taires ou en nature, d'une facilité d'accès aux services
mu Gaz butane a» Sucre à la consommation mg Farine et blé tendre
des infrastructures de base, particulièrement la santé
Source : données du PLF 2023, tirées de la Caisse de compensation et du HCP
et l'éducation...

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