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Cette mutation apparaît dans les centaines de nouvelles lois A la date d'aujourd'hui, 57 parties ont formellement déposé

et de nouvelles politiques visant à réduire les émissions et leurs CPDNs (la Lettonie, a présenté une CPDN au nom
à encourager l’adaptation aux changements climatiques qui de l’Union européenne et ses 28 États membres).1
ont été adoptées et continuent d’être adoptées chaque
Pour qu’un maximum de nations contribue à cette œuvre,
année aussi bien dans les pays développés que dans les pays
un important effort de portée mondiale est en cours pour
en voie de développement. En outre, cette législation gagne
aider les pays en voie de développement à préparer et à
en qualité et sa mise en œuvre s’accélère.
présenter leurs plans nationaux d’action climat.
Qui plus est, les capitaux et la technologie voulus pour
Les gouvernements de pays tels que l’Allemagne, l’Australie,
obtenir les transformations nécessaires sont disponibles dès
la France, le Royaume-Uni et les États-Unis, des
aujourd’hui. De nombreux investisseurs constatent qu’il est
institutions de l’ONU et des organisations
plus rentable d’investir dans des activités durables, et
intergouvernementales accordent une aide financière,
notamment dans les énergies renouvelables.
technique et autre à une centaine de nations en voie de
De fait, les investissements mondiaux dans les énergies développement.
renouvelables se sont accrus de 17 % l’année dernière,
atteignant 270 milliards de dollars, avec l’effondrement du La France contribue à encourager la
prix du pétrole, et en grande partie en raison de la forte réponse mondiale des entreprises
baisse continue du prix de la technologie, surtout solaire
et éolienne, ce qui implique que chaque dollar investi dans Sur le plan national et international, les gouvernements ont
les énergies renouvelables permet d’acquérir actuellement une responsabilité absolument primordiale : établir des
une bien plus grande capacité de produire de l’énergie. politiques et des objectifs ambitieux de réduction des gaz
à effet de serre et protéger leurs économies face à l’évolution
Les pays qui adoptent des plans pour actuelle du climat.
le climat sont de plus en plus Cependant, ce ne sont pas les principaux protagonistes, ni
nombreux même, souvent, les plus importants en matière
d’investissements, de recherche, de développement et
Il est manifeste qu’aucun pays ne peut réussir seul, serait-il d’influence sur les consommateurs. Leur conviction qu’ils
l’un des plus grands émetteurs de gaz à effet de serre de la peuvent agir sur les changements climatiques est clairement
planète. renforcée lorsque les industriels et les électeurs le réclament.
On ne pourra obtenir de résultats que si les milliards de La France, en tant qu’hôte et Présidente de la 21 ème
personnes qui vivent dans des pays en développement Conférence des Parties à CCNUCC, qui se tiendra à Paris,
peuvent concrétiser leurs propres aspirations au progrès considère à juste titre la nécessité d’un raz-de-marée issu
tout en bâtissant des sociétés résistantes au climat des investisseurs et des industriels pour contribuer au succès
caractérisées par une énergie propre. planétaire de l’action en faveur du climat. C’est pourquoi
Une réponse internationale rassemblant les 196 Parties à la elle a organisé les 20 et 21 mai 2015, également à Paris, un
CCNUCC est donc essentielle pour s’assurer que tous les Sommet pour les Entreprises et le Climat, pour présenter
pays puissent concourir, maintenant et à l’avenir, à ce que des initiatives majeures déjà en cours et recenser les moyens
le réchauffement mondial ne s’élève pas à plus de 2°C et d’accélérer le passage à une société faible émettrice de
puissent s’adapter de façon satisfaisante à un certain niveau carbone.
de changement climatique qui est désormais inéluctable. À New York, en septembre 2014, le Sommet sur le climat
C’est pourquoi tous les pays ont été invités à contribuer à organisé par M. Ban Ki-Moon, Secrétaire général de
l’accord de Paris sous la forme de plans nationaux d’action l’ONU, a révélé qu’il existait un soutien extraordinaire de
en faveur du climat appelés Contributions prévues la part des investisseurs, des industriels et des dirigeants
déterminées au niveau national (CPDNs). Le Secrétariat régionaux et de la société civile pour une action forte en
de la CCNUCC va ensuite synthétiser ces plans avant la faveur du climat.
réunion de Paris de façon à ce que les gouvernements Par exemple, une coalition de gouvernements, d’entreprises,
sachent quelles sont les ambitions dans l’ensemble et ce d’établissements financiers, de banques multilatérales de
qu’ils doivent faire d’autre. développement et de dirigeants de la société civile a
1 - Site (http://unfccc.int/focus/indc_portal/items/8766.php)
consulté le 28 août 2015
2015 : Transformer les défis en opportunités d'actions 27
annoncé qu’elle allait mobiliser plus de 200 milliards de en expansion, vulnérable aux changements climatiques,
dollars pour financer un développement à faible teneur en saisisse les nombreuses opportunités qu’apporte 2015 avec
carbone et résistant au climat. un nouvel accord sur le climat et des investissements
croissants dans une énergie propre.
Une coalition d’investisseurs institutionnels s’est engagée
à décarboniser pour 100 milliards de dollars de son En guise d’exemple, on citera la remarquable initiative de
portefeuille d’ici décembre prochain et à mesurer, divulguer 19 pays africains qui ont entériné la mise en place d’un
l’empreinte carbone d’au moins 500 milliards de dollars couloir africain de l’énergie propre pour accélérer le
d’investissements. déploiement et le commerce de l’énergie renouvelable en
un réseau continu s’étendant de l’Égypte à l’Afrique du
Soixante-treize gouvernements, onze instances régionales
Sud. Si cette initiative est couronnée de succès, la moitié
et plus de 1 000 entreprises et investisseurs ont signalé qu’ils
de l’électricité produite en Afrique orientale et australe
étaient en faveur de la fixation du prix du carbone. Dans
pourrait provenir de sources renouvelables d’ici 2030,
l’ensemble, leur empreinte représente 52 % du PNB
contre un cinquième aujourd’hui.
(Produit National Brut) mondial et 54 % des émissions
mondiales.
Paris 2015 : un monde différent d’il y
L’année dernière, à Lima, ces mesures de soutien ont donné a à peine six ans
naissance au Programme d’action Lima-Paris, et leur
progrès sera célébré et présenté à Paris en décembre Lorsque les gouvernements auront conclu un accord à Paris,
prochain. ils devront garder en mémoire que leur œuvre n’est qu’à
moitié achevée. En effet, cet accord doit avoir un objectif
L’équation africaine : comment explicite – aboutir à une forte décarbonisation au cours de
adapter les objectifs de développement la deuxième moitié du XXIe siècle – mais aussi présenter
clairement les moyens, les politiques et les soutiens
à l’action en faveur du climat nécessaires pour atteindre cet objectif.
Selon la vision traditionnelle des investissements, le risque Depuis la conférence de 2009 sur le climat à Copenhague
vient d’abord et la récompense ensuite. La beauté d’une où la conclusion d‘un nouvel accord s’est avéré insaisissable ;
grande partie de l’action en faveur du climat, est que la la détermination de l’envergure et de la profondeur de la
récompense vient d’abord et que le risque futur est réduit. réponse face à l’évolution du climat à tous les échelons des
Cela est particulièrement le cas dans les pays en voie de gouvernements, des entreprises et de la société civile s’est
développement et notamment en Afrique, où les énergies développée de façon exponentielle.
renouvelables, les réseaux intelligents, l’efficacité énergétique, Des cabinets ministériels aux conseils d’administration, des
la réduction de la pollution et la protection des conseils municipaux aux groupes de citoyens, chacun
infrastructures, des foyers et de l’industrie face au climat s’accorde de plus en plus à penser que la réduction de la
ont des avantages immédiats pour les gouvernements, les pollution, les économies d’énergie, le passage à des énergies
entreprises et les citoyens. renouvelables et la protection contre les incidences du
Les solutions face au climat offrent un portefeuille de climat sont des solutions évidentes à des problèmes
politiques « sans regrets » et d’actions essentielles pour précédemment insolubles.
aboutir à un développement durable et éviter les pires À Copenhague, on estimait que la société devait faire des
changements climatiques à venir. sacrifices pour sauver le monde. Aujourd’hui, on estime
L’Afrique aurait davantage à perdre que la plupart des autres que de véritables sacrifices succéderont à l’inaction.
régions d’une évolution incontrôlée du climat, mais elle Paris doit, pour moi, marquer un tournant. Mais le monde
bénéficiera davantage d’accords marquants et d’une action va tourner avant que Paris ne soit atteint et d’ici là, nous
« climat » efficace. devons découvrir la voie longue mais plus directe d’un
L’Agence internationale de l’énergie a calculé que les deux avenir meilleur et plus prospère pour la majorité plutôt que
tiers de la population de l’Afrique subsaharienne n’ont pas pour une minorité.
accès à l’électricité. Il s’agit d’une perspective passionnante où l’humanité peut
Le moment est propice pour que l’Afrique, avec son devenir l’architecte d’un destin positif et évolutif.
potentiel économique croissant et sa population jeune et

28 LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE
Tourisme et développement durable : vers
un développement sobre en carbone
L’année 2015 sera une année charnière du point de vue de la durabilité, les
gouvernements étant appelés à adopter, au sommet des Nations Unies à New
York, le programme de développement pour l’après-2015 qui marquera les
Achim STEINER
quinze prochaines années. Le programme de développement pour l’après-2015
Directeur Exécutif du Programme des
est un programme porteur de transformation et axé sur l’être humain, assorti
Nations Unies pour l’environnement
(PNUE) et Sous-Secrétaire Général de d’objectifs audacieux et ambitieux pour un avenir plus durable dont l’élaboration
l’Organisation des Nations Unies est le fruit du travail collectif d’un large éventail d’acteurs.
Directeur Exécutif du Programme des Afin de placer le nouveau programme dans une démarche intégrée, le Groupe
Nations Unies pour l’environnement (PNUE) de travail intergouvernemental ouvert sur les objectifs de développement
depuis 2006, Achim Steiner a auparavant
assumé les fonctions de Directeur Général durable a présenté une proposition articulée autour de 17 objectifs et 169 cibles.
de l’Union Internationale pour la Conserva- Le tourisme détient le potentiel de contribuer à plusieurs de ces objectifs,
tion de la Nature (UICN) et de Secrétaire notamment l’utilisation efficace des ressources hydriques et l’utilisation accrue
Général de la Commission Mondiale des des énergies renouvelables. Le secteur présente un intérêt particulier dans le
Barrages. Diplômé de l’Université d’Oxford
contexte des objectifs 8, 12 et 14 sur la croissance économique partagée et
et possédant une Maîtrise des Arts de l’Uni-
versité de Londres, il a également étudié à durable, les modes de consommation et de production durables et l’exploitation
l’Institut Allemand de Développement et à durable des océans et des ressources marines, respectivement.
la Harvard Business School. Son parcours
comprend des missions menées à différents En outre, le document final de la Conférence de 2012 des Nations Unies sur
niveaux (du local au global) auprès d’orga- le développement durable (Rio+20),L’avenir que nous voulons,constate qu’« un
nisations gouvernementales, non-gouver- tourisme bien conçu et bien organisé peut apporter une contribution non
nementales et internationales, visant à négligeable au développement durable dans ses trois dimensions ; il est
aborder le lien entre la durabilité environ-
nementale, l’équité sociale et le dévelop-
étroitement lié à d’autres secteurs et il peut créer des emplois décents et des
pement économique. Son travail a été débouchés commerciaux ».
reconnu par un certain nombre de prix, tels
que le Prix Steiger pour son « engagement Ces dix prochaines années, il sera capital de dissocier la dégradation de
et travail important pour la protection de l’environnement de la croissance économique et, partant, d’accroître la
la planète ». contribution nette des activités économiques à l’élimination de la pauvreté et
à un développement social sans exclusion. Le Cadre décennal de programmation
concernant les modes de consommation et de production durables, adopté à
la Conférence Rio+20, encouragera l’innovation et la coopération entre les
parties prenantes. Il accélérera aussi l’évolution des modes de production et
d’utilisation des biens et des services que l’on trouve dans nos sociétés. Le
Programme sur le tourisme durable est l’un des six programmes initiaux
du Cadre décennal ayant été approuvés à la Conférence Rio+20. Dirigé par
l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), institution spécialisée des
Nations Unies chargée du tourisme, et codirigé par les gouvernements de la
République française, de la République de Corée et du Royaume du Maroc,
ce programme rassemble une grande diversité d’acteurs qui se sont associés
pour en assurer l’application effective (voir la figure 1).

Achim.Steiner@unep.org
claudia.tenhave@unep.org

2015 : Transformer les défis en opportunités d'actions 29


Le programme sur le tourisme durable du Cadre
décennal de programmation concernant les modes
de consommation et de production durables

Taleb RIFAI
Taleb Rifai est Secrétaire
général de l’Organisation
Mondiale du Tourisme (OMT)
depuis 2010. Monsieur Rifai a
une vaste expérience dans la
fonction publique nationale et
internationale, dans le secteur
privé et le milieu universitaire.
Parmi les différentes positions
qu’il a occupées, on compte
celle de Directeur général
adjoint de l’Organisation inter-
nationale du Travail et
plusieurs fonctions au sein du
Gouvernement de Jordanie
(Ministre de l’Aménagement et
de la Coopération Internatio-
nale, Ministre de l’Information
et Ministre du Tourisme et de
l’Antiquité). Titulaire d’un
doctorat en Design urbain et
Aménagement du Territoire de
l’Université de Pennsylvanie,
Taleb Rifai a été impliqué dans
la recherche, l’enseignement
et la pratique de l’Architecture
et du Design urbain en Jordanie
et aux États-Unis.

Contrairement aux années précédentes, le tourisme durable est maintenant


solidement ancré dans le programme de développement pour l’après-2015.
Cependant, pour mener à bien ce programme, nous aurons besoin d’un cadre
d’exécution clairement défini, de financements adéquats et d’investissements
dans les technologies, les infrastructures et les ressources humaines.

La contribution du tourisme à la croissance


économique et à un développement inclusif
Ces soixante dernières années, le secteur du tourisme n’a cessé de prendre de
trifai@unwto.org
l’ampleur et de se diversifier, pour devenir l’un des secteurs économiques les
plus vastes et à plus forte croissance dans le monde.Aujourd’hui, c’est un secteur
dglaesser@unwto.org

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qui représente 9 % du PIB mondial, 6 % des exportations dans le tourisme) de l’OMT et ONU-Femmes montre
mondiales et 1 emploi sur 11 dans le monde. En 2014, les également que le secteur du tourisme emploie deux fois
arrivées de touristes internationaux se sont élevées à plus de femmes que d’autres secteurs.
1 milliard 135 millions, contre 25 millions en 1950. D’ici
2030, l’OMT prévoit que les arrivées de touristes La durabilité environnementale dans
internationaux atteindront 1,8 milliard. le tourisme
De par sa taille, son essor et sa capacité à attirer beaucoup
L’expansion et la croissance du tourisme induisent des
d’investissements, à créer des emplois, à doper les
responsabilités accrues. Le défi demeure de faire en sorte
exportations et à adopter les technologies nouvelles et
de réduire à un minimum les impacts négatifs et d’accroître
émergentes, le secteur est un pilier important de la croissance
la capacité du secteur à créer des emplois décents et des
économique et du développement, particulièrement pour
débouchés économiques contribuant à l’élimination de la
les pays les moins avancés (PMA) et les petits États insulaires
pauvreté et à la prospérité. D’après le PNUE, on distingue
en développement (PEID). D’après l’OMT, le tourisme est
trois grandes catégories d’impacts du développement du
la première ou la deuxième source de recettes d’exportation
tourisme :
pour près de la moitié des PMA et la source la plus
importante de devises pour plus de la moitié des PEID. En • L’appauvrissement des ressources naturelles lié à la
outre, le tourisme crée des emplois et de la richesse non consommation d’eau, d’énergie et de terres ;
seulement dans le secteur, mais également dans de nombreux
• La pollution de l’eau, de l’air et sous forme de déchets
autres, comme l’agriculture, le bâtiment et l’artisanat.
solides ; et
L’Organisation internationale du Travail (OIT) estime
qu’un emploi dans le tourisme crée 1,5 emplois dans • Les impacts physiques incluant les constructions et le
l’économie. Il y a là une occasion intéressante à saisir de défrichement, le développement marin et côtier, le
relier le secteur du tourisme aux objectifs de réduction de mouillage et les faits et gestes des touristes.
la pauvreté à l’échelon national ou aux objectifs relatifs à
l’expansion de l’économie créative, lesquels ciblent Sachant que dans un scénario du statu quo, le tourisme se
fréquemment les petites entreprises et les personnes situées traduirait, d’ici 2050, par une augmentation de 154 % de la
au bas de la pyramide. De plus, d’après l’OIT, les femmes consommation d’énergie, de 131 % des émissions de gaz à
constituent de 60 % à 70 % de la main-d’œuvre touristique, effet de serre, de 152 % de la consommation d’eau et de
la moitié d’entre elles ayant 25 ans ou moins. Le Global 251 % de l’évacuation des déchets solides, il est impératif
Report on Women in Tourism (Rapport mondial sur les femmes de faire de la durabilité le mot d’ordre du développement
du tourisme.

Parc Masai-Mara, Photo : DR

2015 : Transformer les défis en opportunités d'actions 31


Dans ce contexte, les changements climatiques représentent
la menace la plus importante pour un développement
touristique durable. D’après le rapport Climate Change
Adaptation and Mitigation in the Tourism Sector : Framework,
Tools and Practices1 (Adaptation aux changements climatiques
et atténuation de leurs effets dans le secteur du tourisme :
cadres, outils et pratiques), le tourisme est l’un des secteurs
économiques les plus sensibles aux effets du climat. Dans
de nombreuses destinations touristiques, les principaux Sur le chemin de la maison, Photo : DR

attraits qu’elles ont à offrir sont subordonnés au climat ; une Aussi loin qu’on puisse prévoir, ces tendances positives,
évolution du climat est susceptible d’être lourde de parmi tant d’autres, continueront d’inciter à adopter des
conséquences pour elles. Le tourisme contribue de la même modes d’exploitation plus durables dans le tourisme,
manière au réchauffement planétaire, sachant qu’il est alimentant les efforts pour parvenir à des destinations
responsable d’environ 5 % des émissions mondiales de touristiques sobres en carbone.
carbone. On remarquera que le secteur s’est déjà engagé à
réduire progressivement ce chiffre grâce à des partenariats, Vers un secteur du tourisme plus
une sensibilisation et l’adoption de nouvelles technologies. durable
L’influence croissante des C’est collectivement que nous devons affronter le défi
technologies et le rôle du consistant à promouvoir une société plus inclusive tout en
favorisant la croissance économique et en assurant la
consommateur
protection de l’environnement. La promotion du tourisme
Les technologies mobiles sont de plus en plus utilisées par durable est notre responsabilité à tous, touristes compris.
les consommateurs pour faire leurs réservations de vacances Sachant que les touristes voyageant chaque année se
et pour donner leur avis en temps réel, ce qui influe comptent en milliards, il y a d’immenses possibilités à saisir
profondément sur le secteur mondial du tourisme. Les d’infléchir attitudes et comportements.
hôtels, sites et destinations sont de plus en plus contraints Le PNUE et l’OMT continueront de travailler ensemble
de revoir leurs pratiques en matière de durabilité à cause en faveur de la promotion et de l’application de politiques
des risques pour leur réputation. Même si la majorité des et de modes d’exploitation durables permettant de porter
voyageurs demeure très sensible à la variable prix, les à son maximum la contribution du tourisme au
consommateurs attendent de plus en plus de leur destination développement socioéconomique tout en réduisant à un
et de leur hébergement une gestion responsable et durable. minimum l’utilisation qu’il fait des ressources naturelles.
Il y a également, de la part des entreprises, une prise en Pour y arriver, il est impératif d’agir dans tous les six
compte plus importante de la disponibilité des ressources domaines clé énoncés ci-dessous :
au moment de s’approvisionner en matériaux ou de décider
1. Renforcer les politiques et les partenariats pour
de l’emplacement de leurs installations. Les chaînes
la durabilité : les pouvoirs publics ont la responsabilité de
hôtelières internationales, par exemple, se sont attachées à
montrer le chemin en adoptant des politiques de
investir dans les technologies vertes (énergie renouvelable,
développement traitant des objectifs et des cibles du
matériel et appareils automatisés et à haut rendement)
programme de développement pour l’après-2015. Ce
permettant de réduire la consommation de ressources
programme incite les pouvoirs publics à promouvoir une
naturelles et de faire baisser les coûts d’exploitation. C’est
logique de responsabilité partagée concernant l’avenir au
une forte incitation commerciale et un créneau porteur en
moyen de politiques cohérentes. Travailler avec le secteur
vue de futurs investissements.
privé et la société civile garantit la transparence, des résultats
D’après les estimations du PNUE, s’ils investissaient dans élevés et équitables. Les politiques en faveur d’un tourisme
du matériel et des appareils à haut rendement énergétique durable devraient délimiter le périmètre du développement,
(réfrigérateurs, climatisation, ventilateurs et éclairage), les assurer l’apport de valeur ajoutée et encourager l’innovation
2 200 hôtels des Caraïbes pourraient réduire leur comme autant de chances à saisir pour les petites comme
consommation actuelle d’électricité de 11 %, supprimer pour les grandes entreprises touristiques, et assurer un suivi
3,1 millions de tonnes d’émissions de CO2 et économiser des résultats obtenus.
700 millions de dollars US sur leur facture d’électricité.
2. Appliquer une démarche et des outils prenant en
1 PNUE, Université d’Oxford, OMT et OMM.
compte le cycle de vie : Inscrire le développement du
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tourisme dans une logique prenant en compte le cycle de communautés réceptrices en faisant découvrir la gastronomie,
vie, c’est défendre le principe de consommer moins de les arts, l’artisanat et les loisirs ainsi que le patrimoine naturel
ressources, éliminer les déchets et fournir des produits et et culturel de la destination encourage la participation de
des services à forte valeur ajoutée contribuant au bien-être nombreuses et diverses parties prenantes, de petites
national. Il est fondamental d’appliquer au développement entreprises et de groupes à assise communautaire. Les
du tourisme cette logique du cycle de vie en termes de stratégies visant à développer une nouvelle génération de
planification, d’investissements, d’exploitation et de gestion, produits et de services durables peuvent apporter de la valeur
de marketing, de production et de consommation de biens ajoutée au développement des produits tout en créant de
et de services durables, et de suivi et évaluation. À cette fin, nouveaux débouchés commerciaux et des emplois.
il existe un certain nombre d’outils et d’autres sont en train
6. Appuyer la prise de décision fondée sur des
d’être mis au point pour aider les pouvoirs publics à passer
données factuelles : Atteindre les objectifs de
à des modes de consommation et de production plus
développement durable exigera de définir des objectifs
durables dans la chaîne de valeur touristique ; ces outils sont
concrets et mesurables ainsi que d’établir des systèmes de
disponibles via le système des Nations Unies.
suivi et de responsabilité.
3. Repenser le financement : Repenser le financement
Le PNUE et l’OMT travailleront ensemble pour aider à
du développement touristique durable fournit des occasions
mesurer les progrès et remédier aux difficultés que
de promouvoir les innovations pour alléger la pression
rencontrent de nombreux pays, du point de vue technique
budgétaire et peut être conjugué à des mesures incitatives
et des capacités, à rassembler des données et présenter des
appropriées pour assurer la transition vers une économie
rapports, passage obligé pour que se matérialisent la
verte sobre en carbone. Il faudrait systématiquement réduire
consommation et la production durables et les indicateurs
ou éliminer les entraves à une utilisation plus efficace des
du tourisme pour les objectifs de développement durable.
ressources budgétaires qui empêchent une gestion
Ces défis supposent un rôle plus poussé et renforcé, dans
rationnelle et des lignes d’action efficaces et intégrées. De
le domaine du suivi et de la collecte de données à l’échelon
nombreux PEID et PMA sont très endettés. Leurs déficits
local et national, des bureaux nationaux de statistique et
soumettent les allocations budgétaires à de fortes contraintes.
des ministères compétents.
Les transferts de fonds, l’assistance au titre de la coopération
au développement et les investissements privés représentent
d’importantes sources de financement pour le
développement national, qui devraient être exploitées
efficacement. Ces possibilités exigent pour leur part d’avoir
mis en place des techniques de comptabilité nationale
intelligentes et un environnement transparent et équitable
pour l’activité qui favorise la confiance, soit porteuse, bon
pour le rendement de l’investissement et propice à
l’obtention de résultats en matière de développement.
4. Renforcer la résilience du tourisme : La planification
du tourisme durable devrait permettre au secteur d’être
prêt à faire face efficacement à des risques opérationnels.
La première étape consiste à analyser les risques auxquels
est exposé le secteur, y compris la chaîne de valeur du
tourisme, suivie d’une évaluation de ses systèmes et
fonctions critiques d’intervention. C’est la base pour
pouvoir généraliser la prise en compte de la durabilité et
accroître la résilience, ainsi que pour promouvoir
l’innovation et la valeur ajoutée.
5. Diversifier pour offrir des produits et des services
durables : Tirer parti des trésors cachés que recèlent les

Pour en savoir plus sur le tourisme durable, consulter la


publication LEF N° 95, http://www.ifdd.francophonie.org/
ressources/ressources-pub-desc.php?id=589 Cascade Chitrakot, Photo : DR

2015 : Transformer les défis en opportunités d'actions 33


les thématiques
comme autant
d'opportunités d'actions
le climat dans tous ses états :
une science qui alerte, le Giec qui témoigne
La planète a la fièvre. Le GIEC est à son chevet, et a diagnostiqué une indigestion
au CO2. La santé humaine, la sécurité alimentaire, la biodiversité et le
Photo : J. Delorme (UCL)
développement durable lui-même sont menacés par les changements
Jean-Pascal VAN YPERSELE climatiques. Le GIEC alerte, depuis plus d’un quart de siècle, mais il montre
Jean-Pascal van Ypersele est physicien-cli- aussi que les options sont à portée de main pour protéger la vie sur Terre d’une
matogue, Vice-président du GIEC (Groupe fièvre excessive, et même pour la prévenir. Que manque-t-il alors ?
d’experts Intergouvernemental sur l’Evolu-
tion du Climat) et candidat à sa présidence. Qui ne sait pas aujourd’hui que le climat change vraiment, que cela affecte
Il est professeur ordinaire de climatologie l’habitabilité de notre planète, et que c’est principalement le résultat de la
et de sciences du développement durable à
l’Université catholique de Louvain (UCL). Il
combustion du charbon, du pétrole et du gaz, ainsi que du déboisement ?
est aussi membre de l’Académie royale de Ceux qui ne le savent pas ne veulent pas le savoir, parce que cette vérité les
Belgique et du Conseil fédéral du dévelop-
pement durable. dérange. Ceux qui le savent ont lu, ou ont au moins entendu parler des rapports
du GIEC, le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat.
Créé en 1988 par les Nations unies, le GIEC a pour mission d’évaluer et de
synthétiser les informations scientifiques-clés à propos des changements
climatiques, de leurs conséquences, et des éléments de solutions qui permettraient
de diminuer la gravité de ces conséquences (adaptation) ou de les prévenir
(atténuation par la réduction des émissions). Le dernier rapport complet du
GIEC, terminé en 2014, a été préparé par plus de 800 auteurs du monde entier,
et comporte près de 5 000 pages1.
On peut cependant résumer ses principales conclusions en quatre points :
• L’influence humaine sur le système climatique est claire ;
• La poursuite des émissions de gaz à effet de serre augmentera le risque
d’impacts graves, répandus et irréversibles pour les populations et les
écosystèmes ;
• Alors que les changements climatiques représentent une menace pour le
développement durable, il existe de nombreuses opportunités pour intégrer
les mesures d’atténuation, d’adaptation, et la poursuite d’autres objectifs
sociétaux ;
• L’Humanité a les moyens de limiter les changements climatiques et de
construire un avenir plus durable et plus résilient.
Les deux derniers messages devraient constituer une source d’optimisme. Le
GIEC a en effet montré que des éléments de solution étaient à portée de main
des décideurs ; que leur mise en œuvre pourrait, à certaines conditions, ne pas
coûter cher, et qu’il était possible, en plus, de contribuer en même temps à la
résolution d’autres problèmes auxquels l’Humanité fait face : la pauvreté, le
manque d’accès à l’énergie ou à l’eau propre, ou le manque d’emplois.

jean-pascal.vanypersele@uclouvain.be
@JPvanYpersele sur Twitter 1 Les rapports du GIEC (et leurs résumés en français) sont disponibles sur www.ipcc.ch

www.uclouvain.be/vanyp
2015 : Transformer les défis en opportunités d'actions 35
Et pourtant, les indicateurs climatiques deviennent de plus L’effet de serre symbolise les atteintes à l’environnement
en plus préoccupants : la température moyenne à la surface global qui viennent du cœur du système : là où l’énergie est
du globe et le niveau des mers continuent à augmenter, consommée. Des dizaines de milliards de tonnes de CO2 et
tout comme la concentration en gaz à effet de serre (en autres gaz à effet de serre sont émises chaque année
particulier le CO2) qui est devenu le principal facteur de principalement par combustion de charbon, pétrole et gaz,
réchauffement. La plupart des glaciers reculent, et les surtout par les riches (tant au Nord qu’au Sud). Les
calottes du Groenland et de l’Antarctique ont commencé changements climatiques projetés auront des impacts
à fondre. Les vagues de chaleur se multiplient, de même significatifs, le plus souvent négatifs, sur nombre
que les pluies très intenses, qui favorisent les inondations d’écosystèmes et de secteurs socio-économiques, y compris
et glissements de terrain. la chaîne alimentaire et les ressources en eau, et sur la santé
humaine. Dans certains cas, les impacts sont potentiellement
La communauté internationale a adopté dès 1992 une
irréversibles. Ses effets sont injustes : les populations les
Convention-cadre sur les changements climatiques,
moins coupables de l’effet de serre seront les plus affectées.
renforcée en 1997 par le Protocole de Kyoto. Mais le Nord
Et le mode de vie des pays les plus responsables de la
a accumulé une telle dette climatique vis-à-vis du Sud
pollution sert malheureusement souvent de modèle à copier,
que ce dernier a longtemps rechigné à participer aux efforts
sans souci du chaos environnemental qui résulterait d’un
de réduction des émissions de gaz à effet de serre tant que
monde dont chaque habitant consommerait et polluerait
le Nord n’aurait pas balayé sérieusement devant sa porte.
autant qu’un Américain du Nord moyen, ou même qu’un
Et pourtant, il y a urgence. Sans réduction drastique du
Européen.
déboisement et de l’usage des combustibles fossiles (du
moins sans capture du carbone) au niveau mondial, Les sommets de Copenhague, puis de Cancún ont décidé
l’Humanité se dirige vers un climat plus chaud que ce qu’il faudrait réunir à partir de 2020 cent milliards de dollars
qu’elle n’a jamais connu. Des centaines de millions de par an pour aider les pays en développement, via le « Fonds
personnes seront affectées. De nombreuses espèces vivantes vert pour le climat » à s’adapter aux changements climatiques
sont menacées de disparition. C’est l’habitabilité de toute ou à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Prenons
la planète qui est en jeu. un peu de recul. Les pays développés ont la responsabilité
principale pour le réchauffement qui a déjà eu lieu. Il est
L’objectif international est à présent de réduire les émissions
donc généralement compris qu’ils ont également à financer
de telle manière que le climat ne se réchauffe pas de plus
la plus grande partie du Fonds vert pour le climat. Si l’on
de 2°C au-dessus de la température préindustrielle, tout
considère qu’il y a à peu près un milliard de « riches » et six
en aidant les pays en développement à s’adapter à la partie
milliards de « pauvres » sur la Terre aujourd’hui, un tel
des changements climatiques devenue inévitable, suite aux
montant représente chaque mois moins d’un dollar et demi
émissions massives de gaz à effet de serre qui ont déjà eu
à recevoir pour chaque « pauvre », et un peu plus de huit
lieu, principalement de la part des pays développés. Bien
dollars à payer pour chaque « riche ». On peut d’une part se
des conséquences négatives sont attendues pour un tel
demander si de tels montants sont suffisants pour réellement
niveau de réchauffement, qui est cependant apparu aux
aider les « pauvres » à faire face aux changements climatiques
décideurs politiques en 2009 et 2010 comme une valeur
et, d’autre part, si la contribution demandée aux « riches »
qu’il était possible de respecter (en réduisant les émissions)
est vraiment si difficile que cela à réunir. Après tout, le total
et en deçà de laquelle l’adaptation restait possible.
représente moins du dixième de ce qui est consacré chaque
Le GIEC estime, sur la base de son évaluation de la année par l’Europe et l’Amérique du Nord pour leurs
littérature scientifique, qu’il est encore possible de respecter dépenses militaires. Et pourtant les changements climatiques
cet objectif de 2°C, et même (avec une probabilité moindre sont de plus en plus considérés comme une menace pour
d’y arriver) un objectif de 1,5°C, à condition que les la sécurité internationale.
émissions nettes de gaz à effet de serre commencent bientôt
La Conférence de Paris se prépare dans ce contexte. Celui
à décroître de manière à atteindre des niveaux nuls avant
d’un problème qui menace l’habitabilité de l’ensemble de
la fin du siècle. Les émissions mondiales croissent cependant
la planète, dont les causes et les responsabilités humaines
toujours. Ce qu’il manque, et c’est le message caché du
principales sont bien comprises, dont les éléments de
dernier rapport du GIEC, c’est la volonté politique de
solution sont connus, mais autour duquel la plupart des pays
mettre en œuvre rapidement une combinaison suffisamment
signataires de la convention-climat se confrontent depuis
ambitieuse des options et mesures évaluées par le GIEC.
vingt ans sans assumer réellement leurs responsabilités (qui
sont communes mais différenciées).

36 LIAISON ÉNERGIE-FRANCOPHONIE

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