Vous êtes sur la page 1sur 25

L’environnement : un

sujet de droit ?
Le droit de l’environnement
est-il récent ?
Les premières prises de conscience de l’impact de l’activité
humaine sur la nature et les premières lois, remontent au 19
ème siècle.

https://youtu.be/Rd9ONcVUcuo

Mais le développement du « droit de l’environnement » tels


qu’on le connaît remonte aux années 1970.
Au départ, un « droit » soutenu par des revendications
« politiques ».
Ex : les premières radio « libres » sont « vertes »…
https://youtu.be/7EWLwQmKMpU
Du droit de l’environnement au
droit de la nature
Dès le départ, 2 conceptions différentes :

• Droit de l’environnement => un droit créé par les hommes et


pour les hommes : limiter l’impact sur la nature, tout en
préservant l’économie humaine. Seuls les hommes sont
titulaires de droit et ils sont sanctionnés a posteriori en cas de
« faute » par rapport à des règlements.

• Droit de la nature => droit partagé entre l’homme et son


environnement. Tout le « vivant » est titulaire de droits, et les
mesures sont orientées vers la protection des générations
futures.
Une affaire emblématique…
En 1971, l’affaire fondatrice de Walt Disney contre les
séquoias :
À la fin des années 1960, la société Walt Disney projeta
d’installer une station de sports d’hiver dans une vallée de
Californie du Sud, nommée Mineral King et célèbre pour ses
séquoias. Le Sierra Club, association de protection de la
nature fondée à la fin du XIXème siècle par l’écrivain John
Muir s’opposa au projet et engagea une action en justice. En
septembre 1970, la cour d’appel de Californie rejeta la
demande du Sierra Club au motif qu’il n’avait pas d’intérêt à
agir : il ne pouvait pas arguer d’un préjudice personnel.
L’affaire devait venir en délibéré devant la Cour suprême des
États-Unis à la fin 1971.
• Quelle est la demande de l’association Sierra Club ?
Pourquoi ne peut-elle aboutir juridiquement ?
Une affaire emblématique…
C’est là qu’intervient l’idée de Stone : sans doute les
membres du Sierra Club ne sont-ils pas personnellement
atteints par le projet de Walt Disney. Mais les arbres, eux,
sont menacés de disparaître. Si leur cause pouvait être
personnellement plaidée par un représentant désigné, ils
pourraient avoir gain de cause, et le projet serait rejeté.
L’article, montrant que cette idée était cohérente et
pouvait être mise en œuvre, fut rapidement écrit et
accepté par la Southern California Law Review à temps
pour que les juges de la Cour suprême puissent en avoir
connaissance avant même sa publication en 1972.
• Par quelle technique juridique le Sierra Club essaie de
contourner l’argumentation des juges ?
Une affaire emblématique…
L’appel du Sierra Club fut finalement rejeté (par quatre voix et
deux abstentions), mais une minorité de trois juges fut d’avis
contraire et, parmi ceux-ci, le juge Douglas, défenseur connu de
la protection de la nature, se rallia aux arguments de Stone qu’il
cita dans son opinion dissidente. L’affaire, disait-il, au lieu d’être
désignée comme Sierra Club v. Morton (Morton était le
secrétaire d’État à l’Intérieur de l’époque), devrait être
rebaptisée « Mineral King v. Morton », ce qui reviendrait à
conférer aux objets environnementaux un droit d’agir en justice
pour leur propre compte. Pourquoi, continuait-il, ne pas ouvrir
les tribunaux états-uniens aux « rivières, aux lacs, aux estuaires,
aux plages, aux crêtes montagneuses, aux bosquets d’arbres,
aux marais et même à l’air » ?
• Selon vous, cette démarche est-elle plus proche de la notion
de droit de l’environnement ou du droit de la nature ?
Une affaire emblématique…
S’ils perdirent cette fois là, ceux qui s’opposaient au projet
l’emportèrent finalement : découragée par les retards
entraînés par les poursuites judiciaires, la société Walt
Disney abandonna son projet et, en 1978, le Congrès
intégra la Mineral King Valley dans le Sequoia National
Park….
En France, après l’Amoco Cadiz,
l’affaire Erika…
Le 16 mars 1978 à 21 h 40 le pétrolier « Amoco Cadiz » battant
pavillon libérien s'échoue au large de Portsall, libérant
227.000 tonnes de pétrole brut. A partir de cette catastrophe, un
arsenal international de mesures ont été prises pour limiter les
marées noires.
naufrage Amoco Cadiz
1. Quels sont les obstacles juridiques qui freinent la prise en
charge du navire ?
2. Quels sont les obstacles techniques au sauvetage du navire ?
3. Quelles sont les solutions envisagées pour préserver les
côtes ? Sont elles efficaces ? Sont-elles satisfaisantes au regard
du droit de la nature ?
4. Quelles mesures législatives sont prises à l’issue de cette
catastrophe ? Qu’en pensez-vous ?
Les suites du naufrage de
l’Amoco Cadiz
Après la marée noire occasionnée par l’Amoco Cadiz, diverses
mesures sont installées :

Matérielles : nouveaux radars le long des côtes, remorqueur


permanent pour une intervention plus rapide.
Législatives : navigation près des côtes déportée à 50 km
minimum pour les navires dangereux, le préfet peut décider
de la prise en charge des navires en difficulté.
Judiciaire : une société mère est reconnue responsable de la
marée noire. (principe du pollueur-payeur)
L’affaire Erika…la justice va t- elle
consacrer un droit écologique ?
Le naufrage de l'Erika

Après enquête, il s’avère que le navire n’était pas en bon état,


bien qu’ayant été autorisé par la société italienne de certification
RINA, et affrété par la compagnie Total.
Le premier jugement du TGI de Paris donne raison aux parties
civiles.

Le jugement en appel
1. Quelles sont les parties qui s’opposent ?
2. Quels sont leurs arguments respectifs ?
Rebondissement dans l’affaire
Erika…
« La cour de cassation pourrait annuler la procédure
précédente : pour l'avocat général de la Cour de cassation, le
procès de Total pourrait être annulé. La France ne serait, en
effet, pas juridiquement compétente, l'Erika ayant fait naufrage
hors des eaux territoriales. Ce serait à l'état maltais de juger
l'affaire »
Récapitulatif de l'affaire Erika
1. Quels sont les points acquis par les parties civiles ?
2. Quel est l’enjeu de ce procès en cassation, au regard de la
construction du droit de l’environnement ?
L’issue du procès Erika, et l’évolution
du droit de l’environnement
Septembre 2012, Total définitivement jugé responsable et
coupable de la catastrophe provoquée par l'Erika. (jurisprudence)

Le préjudice écologique est inscrit dans le Code Civil non plus


comme atteinte à la nature portant préjudice aux hommes, mais
en tant que telle, par la loi du 8 août 2016.

L’article 1246 énonce que « toute personne responsable d'un


préjudice écologique est tenue de le réparer », le préjudice
écologique étant défini comme « une atteinte non négligeable
aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux
bénéfices collectifs tirés par l'homme de l'environnement »
La protection de
l’environnement inscrite dans
la constitution
En 2004, la Charte de l’Environnement
est inscrite dans le bloc de
constitutionnalité.
Elle consacre une nouvelle catégorie de
droits constitutionnels, concernant le
"droit de vivre dans un environnement
équilibré et respectueux de la santé"
(art. 1). Ces droits s’accompagnent aussi
de devoirs. Ainsi, chacun doit participer à
la préservation et à l’amélioration de
l’environnement (art. 2), prévenir ou
limiter les conséquences des atteintes
qu’il peut porter à l’environnement (art.
3), et contribuer à leur réparation (art. 4).
Un droit de l’environnement plus
complexe….
Le préjudice écologique peut être « pur » ou « dérivé »,
« collectif » (en orange) ou « individuel » (en vert) :
Préjudice causé à l’environnement Préjudice causé à l’homme

Atteinte aux sols et à leurs fonctions

Préjudice Atteinte aux eaux, milieux aquatiques et


à leurs fonctions
pur
Atteinte aux espèces et leurs fonctions
Atteinte aux services
écologiques

Préjudice Préjudices moraux


dérivé
Préjudices corporels
Préjudices économiques
• Le tribunal civil de Marseille a condamné quatre braconniers a versé 350 000
euros au Parc national des Calanques pour réparer les dommages causés à la
nature. (mars 2020)
• Extrait de l'arrêt de la cour d'appel de Pau du 10/09/2009 (Marquèze contre FIEP)
- "En conséquence, la responsabilité civile découlant de l'infraction de destruction
d'espèce protégée doit être retenue à l'encontre de M. Marquèze"
- "La cour déclare M; Marquèze entièrement responsable de la mort de l'ourse
Cannelle et le condamne à verser 3000 € à l’association FIEP"
• "Face à l'inaction des pouvoirs publics" en matière de pollution atmosphérique,
l'association Ecologie Sans Frontière (ESF) a annoncé qu'elle allait porter plainte
contre X auprès du procureur de la République, pour mise en danger d'autrui
(10/03/2014) La chambre criminelle apporte une nouvelle restriction liée à
l'absence de préjudice personnel. (09/09/2020)
• Après l’incendie de l’usine chimique Lubrizol de Rouen, beaucoup de questions
restent en suspens : ses conséquences sanitaires et écologiques sur la ville et ses
habitants inquiètent. Le site fabriquait des additifs pour huiles, carburants ou
peintures.. (27/09/2019)
• La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par Monsanto, filiale du groupe
allemand Bayer, ce qui rend définitive sa condamnation dans le dossier l'opposant
à l'agriculteur Paul François, intoxiqué après avoir inhalé des vapeurs de
l'herbicide Lasso. (21/10/2020)
La réparation du préjudice
écologique
Le principe est d’abord la REPARATION EN NATURE => remise en
l’état initial (dépollution, reforestation, etc… )

Si ce n’est pas possible => versement de DOMMAGES ET


INTERETS, destinés à « réparer l’environnement », d’abord au
demandeur, et s’il ne peut intervenir, à l’Etat.

Mesures pour PREVENIR ou faire CESSER le dommage.

La prescription pour les affaires de préjudice écologique est de


10 ans, à partir de la connaissance du préjudice (différente des
faits…)
Aller plus loin : la nature, sujet
de droit à part entière…
Le droit français reconnait le préjudice écologique pur, mais il
n’est souvent utilisé que pour revendiquer un droit de
réparation ou de compensation A POSTERIORI, pas pour
protéger EN AMONT la valeur intrinsèque des écosystèmes.

Þd’où l’idée de créer une personnalité juridique à la nature…

Cette idée de nature-personne existe déjà en Amérique latine.


La nouvelle Constitution de l’Équateur, adoptée en 2008,
reconnaît la nature comme un sujet de droit : droit d’être
respectée, droit d’être restaurée en cas de dommage
Des avancées concrètes en droit
international de l’environnement
Le droit de l’environnement en France suit le droit international de
l’environnement :: + de 300 traités internationaux relatifs à la protection
de l’environnement. Quelques dates….
• 1972 : Création du Programme des Nations Unies pour l’Environnement
• 1982 : convention des Nations Unies sur le droit de la mer
• 1988 : création du Groupe Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat
(GIEC)
• 1992 : sommet de Rio, et prémices du protocole de Kyoto
• Rio 20 ans après…. Jusqu’à l’accord de Paris (2015) et les COP suivantes…
Ces textes étendent la protection du droit de l’environnement à tous les
aspects de la nature : biodiversité, atmosphère et espace, forêt,
montagne, cours d’eau etc…

Mais « droit mou » => prise d’engagements, mais pas


d’obligation/sanction, chapeauté par l’ONU
Quelques exemples par le
monde….
 En 2017, après un siècle et demi de combat, le fleuve sacré Whanganui a
acquis un statut juridique, validé par le parlement de Nouvelle Zélande, qui lui
reconnaît la qualité d'« être vivant unique ». C’est une vraie reconnaissance de
la connexion profondément spirituelle entre la tribu, l'Iwi Whanganui et son
fleuve ancestral=> en cas d'atteinte au cours d'eau, celui-ci sera représenté en
justice par deux avocats, dont un représentant du Peuple Maori.
 Le Gange, fleuve sacré pour les Indiens, a été reconnu par la justice de l’État
himalayen de l’Uttarakhand comme une personne morale, ce qui lui permet
notamment d'être défendu juridiquement.
 26 Février 2019 : Les habitants de la ville de Toledo, dans l'Ohio, située sur la
rive Ouest du lac Erié, ont voté le 26 février à 61,37% pour donner à ce lac un
statut juridique permettant de poursuivre ses pollueurs en lui donnant le droit
« d'exister et prospérer naturellement ».
 Le 18 septembre 2020, l’Appel du Rhône pour la reconnaissance d’une
personnalité juridique du fleuve est lancé : Faire entendre la voix du Rhône en
justice serait lui donner la possibilité de se défendre pour sa régénération, sa
préservation et sa protection. Une façon novatrice de penser la nature.
Le droit de l’environnement au
Maroc
2003 : loi 11-03 relative à la protection et à la mise en valeur
de l’environnement.
2011 : la nouvelle Constitution du royaume du Maroc a
reconnu le droit au développement durable notamment par
l’institution du Conseil économique, social et
environnemental, compétent sur les questions
environnementales.
 2014 : la Charte nationale de l’environnement et du
développement durable a été adoptée.

=> Choix sans équivoque du développement durable et de la


protection de l’environnement en droit marocain.
Place du droit de l’environnement
dans le droit marocain
• Une place confortée, car à valeur constitutionnelle : la
Constitution énumère, dans son article 71, les « règles
relatives à la gestion de l’environnement, à la protection des
ressources naturelles et au développement durable » parmi
les matières relevant du domaine de la loi.

• Ainsi, outre la valeur constitutionnelle du développement


durable et du droit de l’environnement, sa mise en œuvre
relève d’un niveau élevé dans la hiérarchie des normes.
Le rô le du Conseil Economique
Social et Environnemental
• La Constitution de 2011 a élargi les prérogatives du CESE en y
ajoutant le volet environnemental.
• Les attributions du CESE : « le Gouvernement, la Chambre des
représentants et la Chambre des conseillers sont tenus, à l’exception
des projets de lois de finances, de consulter le CESE sur :
• les projets et propositions de lois-cadre concernant les objectifs
fondamentaux de l’État dans les domaines économique, social et
environnemental ;
• Le CESE peut aussi s’autosaisir pour émettre des avis, formuler des
propositions ou réaliser des études ou des recherches dans les
domaines relevant de ses attributions. Le CESE a émis divers avis se
rapportant au développement durable et la protection de
l’environnement. (ex. : Avis du CESE sur le projet de loi 27-13 relatif à
l’exploitation des carrières, le CESE a émis, avis du CESE le 27 mars
2014 sur la gouvernance du secteur de l’eau…)
… et dans les faits ?
Des difficultés demeurent dans l’application du droit de
l’environnement et de la réparation du préjudice écologique…
• Des difficultés à identifier les victimes :
• Si ce sont des personnes ayant subi un direct personnel et
certain=> réparation possible.
• Mais si le dommage a été subi par le milieu naturel (l’eau, le sol,
la faune, l’air,… => réparation difficile à cause des règles
classiques de la responsabilité civile
• Des difficultés à identifier les dommages… :
le législateur n’a pas créé un délit unique de pollution du milieu
naturel et la détermination des responsabilités demeure une
question difficile notamment au niveau de l’établissement du lien
de causalité entre l'acte incriminé et ses conséquences nuisibles.
• Et des sanctions non dissuasives…
Un droit marocain de
l’environnement en évolution…
33 milliards de dirhams, soit 3,52% du PIB.

C'est ce que coûtent les dégradations environnementales au


Maroc. (source : rapport préparatoire COP 22)

Une situation qui pourrait amener le droit marocain a évolué sur


ce sujet…

Vous aimerez peut-être aussi