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Master I mention « Droit des affaires » – TD Droit spécial des sociétés – Séance 5 (Éléments de correction)

TRAVAUX DIRIGES DE DROIT SPECIAL DES SOCIETES


Séance 5. Les sociétés des professions libérales

Éléments de correction

Cas #1. – Un avocat, qui exerce une activité de nature civile en raison de sa profession libérale,
peut-il se prévaloir des dispositions de l’article L. 442-1 II du Code de commerce en cas de
rupture brutale de son contrat de collaboration ? (A) ; Un avocat peut-il également exercer les
fonctions d’associé au sein d’une SNC ? (B) ; Un avocat associé au sein d’une SEL marseillaise
peut-il également être salarié au sein d’un cabinet aixois ? (C)

A – Sur la rupture brutale des relations commerciales établies

L’article 29 de la loi no 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à


l’allégement des démarches administratives dispose que :

« Les professions libérales groupent les personnes exerçant à titre


habituel, de manière indépendante et sous leur responsabilité, une
activité de nature généralement civile ayant pour objet d’assurer, dans
l’intérêt du client ou du public, des prestations principalement
intellectuelles, techniques ou de soins mises en œuvre au moyen de
qualifications professionnelles appropriées et dans le respect de
principes éthiques ou d’une déontologie professionnelle, sans préjudice
des dispositions législatives applicables aux autres formes de travail
indépendant. »

L’article 1er de la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions
judiciaires et juridiques dispose que :

« La profession d’avocat est une profession libérale et indépendante ».

L’article L. 442-1 II du Code de commerce dispose que :

« Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice


causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de
distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement,

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une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui


tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en
référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels ».

Dans un arrêt en date du 20 février 2019, la première chambre civile de la Cour de cassation
affirme qu’un avocat et le cabinet au sein duquel il collabore n’étant pas partenaires
commerciaux, le premier ne peut pas engager à l’encontre du second une action en responsabilité
civile pour pratiques commerciales abusives (Cass. 1e civ., 20 février 2019, n°17-27.967).

En l’espèce, Maître WALTER ne pourra donc pas se prévaloir des dispositions de cet article
pour tenter d’obtenir réparation.

B – Sur l’impossibilité de cumuler la profession d’avocat avec les fonctions d’associé de SNC

L’article L. 221-1, al. 1er, du Code de commerce dispose que :

« Les associés en nom collectif ont tous la qualité de commerçant et


répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales ».

L’article 22 du décret no 2023-552 du 30 juin 2023 portant code de déontologie des avocats
dispose que :

« La profession d’avocat est incompatible :


a) Avec toutes les activités de caractère commercial, qu’elles soient
exercées directement ou par personne interposée ;
b) Avec les fonctions d’associé dans une société en nom collectif,
d’associé commandité dans les sociétés en commandite simple et par
actions, de gérant dans une société à responsabilité limitée, de membre
du directoire ou directeur général d’une société anonyme, de gérant
d’une société civile à moins que celles-ci n’aient pour objet la gestion
d’intérêts familiaux ou l’exercice de la profession d’avocat.
Les incompatibilités prévues aux alinéas précédents ne font pas obstacle
à la commercialisation, à titre accessoire, de biens ou de services
connexes à l’exercice de la profession d’avocat si ces biens ou services
sont destinés à des clients ou à d’autres membres de la profession.
L’avocat ou la société d’avocat qui fait usage de la dérogation prévue au
b ou au quatrième alinéa en informe par écrit, le conseil de l’ordre du

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barreau dont il ou elle relève dans un délai de trente jours suivant le


début de l’activité concernée. Le conseil de l’ordre peut lui demander
tous renseignements ou documents utiles pour lui permettre d’apprécier
si une telle activité est compatible avec les règles de déontologie de la
profession ».

En l’espèce, Maître WALTER ne pourra donc pas constituer une SNC. La profession d’avocat
est, en effet, incompatible avec les fonctions d’associé au sein d’une SNC.

C – Sur le cumul de la qualité d’avocat-salarié et d’associé d’une SEL

Le décret 2016-878 du 29 juin 2016 a abrogé, à compter du 1er août 2016, l’article 20 du décret
93-492 du 25 mars 1993, visé dans un arrêt en date du 14 février 2018 (Cass. 1re civ., 14 février
2018, no 17-13.159), qui interdisait à l’avocat associé exerçant au sein d’une société d’exercice
libéral d’exercer sa profession à titre individuel, en qualité de membre d’une autre société, quelle
qu’en soit la forme, ou en qualité d’avocat salarié. Cette disposition demeure applicable aux
associés des SEL d’avocats constituées avant cette date sauf si les associés conviennent, à la
majorité prévue pour la modification des statuts, que l’abrogation leur est applicable (décret
2016-878 du 29 juin 2016, art. 3).

L’autre texte visé dans cet arrêt est l’article 7 de la loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 qui
dispose que l’avocat peut exercer sa profession soit à titre individuel, soit au sein d’une
association, soit au sein d’entités dotées de la personnalité morale, à l’exception des formes
juridiques qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant, soit en qualité de salarié ou
de collaborateur libéral d’un avocat, d’une association, société d’avocats ou d’une société ayant
pour objet l’exercice de la profession d’avocat. Ce texte énumère donc les formes selon lesquelles
un avocat peut exercer sa profession sans toutefois imposer à l’avocat associé d’une société
d’exercice libéral, contrairement à l’article 20 du décret précité, d’exercer sa profession de façon
exclusive au sein de cette dernière. En l’espèce, dans l’arrêt du 14 juin 2018, la cour d’appel de
Toulouse, dont l’analyse est implicitement approuvée par la Cour de cassation, a estimé que
l’emploi de la conjonction « soit » montrait le caractère alternatif et non cumulatif de ces modes
d’exercice.

Cas #2. – Un avocat, associé au sein d’une SCP placée en procédure de redressement judiciaire,
peut-il se prévaloir du principe de l’interdiction des poursuites individuelles pour échapper au
paiement de ses cotisations sociales ?

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L’article L. 631-1 du Code de commerce dispose que :

« Il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout


débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans
l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible,
est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves
de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers
lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible
n’est pas en cessation des paiements.

Cette condition s’apprécie, s’il y a lieu, pour le seul patrimoine engagé


par l’activité ou les activités professionnelles.

La procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la


poursuite de l’activité de l’entreprise, le maintien de l’emploi et
l’apurement du passif. Elle donne lieu à un plan arrêté par jugement à
l’issue d’une période d’observation et, le cas échéant, à la constitution de
classes de parties affectées, conformément aux dispositions des articles
L. 626-29 et L. 626-30. La demande prévue au quatrième alinéa de
l’article L. 626-29 peut être formée par le débiteur ou l’administrateur
judiciaire »1.

Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que l’ouverture d’une procédure de


redressement judiciaire à l’égard de la société civile professionnelle est sans incidence sur
l’obligation de l’associé au paiement de ses cotisations sociales. L’URSSAF peut alors
poursuivre l’associé en paiement sans déclarer la créance à la procédure collective ouverte contre
la société (Cass. com., 21 novembre 2018, n°17-18.306).

N.B. : La chambre commerciale de la Cour de cassation rappelle, ce que la deuxième chambre


civile avait déjà souligné dans un précédent arrêt (Cass. 2e civ., 2 avril 2015, no 14-13.698) :
l’avocat qui relève, s’agissant de l’assurance maladie et des allocations familiales, du régime des
travailleurs non-salariés des professions non agricoles est personnellement débiteur de ces
cotisations, et ce, qu’il exerce son activité en nom propre ou au sein d’une société civile
professionnelle d’avocats. Ces cotisations sont assises sur les revenus tirés de son activité
d’avocat. La circonstance, bien connue en pratique, que la société civile professionnelle établisse

1
L’article L. 631-14 du Code de commerce, qui renvoie à l’article L. 622-21, pose le principe de l’interdiction des
poursuites individuelles contre le débiteur placé en procédure de redressement judiciaire.

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les déclarations et fasse l’avance des cotisations n’est pas de nature à faire de cette dernière un
codébiteur de ces cotisations, lesquelles restent des dettes personnelles de l’avocat. Il en résulte,
et c’est l’apport de l’arrêt commenté, que l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire
à l’égard de la société civile est sans incidence sur l’obligation de l’avocat, associé, de payer ses
cotisations.

Autrement dit, ces cotisations, puisqu’elles ne sont pas dues par la société mise en redressement
judiciaire, n’ont pas à être déclarées au passif de cette dernière et ne sont pas soumises à
l’interdiction des poursuites individuelles.

Cas #3. – Les statuts d’une société d’exercice libéral peuvent-ils valablement priver un associé,
qui cesse son activité de pharmacien, des droits attachés à ses parts ?

Afin de décomplexifier les règles applicables aux professions libérales et de rendre ces professions
plus attractives, l’ordonnance no 2023-77 du 8 février 2023 simplifie, clarifie et sécurise le cadre
juridique s’appliquant aux professions libérales réglementées. Cette ordonnance entrera en
vigueur le 1er septembre 2024.

Cette ordonnance, relative à l’exercice en société des professions libérales réglementées, prise en
application de l’article 7 de la loi no 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité
professionnelle indépendante, entend clarifier à droit constant les dispositions législatives
communes aux professions libérales réglementées, issues en bonne part de la loi no 90-1258 du
31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises
à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations
financières de professions libérales.

En outre, les dispositions de trois textes se retrouvent redistribuées au sein d’un dispositif
législatif unique : la loi no 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles
professionnelles, la loi no 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de
société des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre
est protégé et la loi no 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des
chances économiques.

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L’article 46 de l’ordonnance no 2023-77 du 8 février 2023 relative à l’exercice en société des


professions libérales réglementées dispose que :

« Sous réserve des dispositions propres à chaque famille de professions


mentionnée à l’article 2, plus de la moitié du capital social et des droits
de vote est détenue, soit directement, soit par l’intermédiaire d’une
société de participations financières de professions libérales, par des
professionnels exerçant au sein de la société ».

L’article 47 de l’ordonnance no 2023-77 du 8 février 2023 relative à l’exercice en société des


professions libérales réglementées dispose que :

« Sous réserve des dispositions propres à chaque famille de professions


mentionnée à l’article 2, le complément du capital social et des droits de
vote peut être détenu par :
1° Des personnes physiques qui sont des professionnels exerçants ou des
personnes morales exerçant la profession constituant l’objet social de la
société ;
2° Pendant un délai de dix ans, des associés personnes physiques qui,
ayant cessé toute activité professionnelle, ont exercé cette profession au
sein de la société, sous réserve de l’article 54 ;
3° Les ayants droit des personnes physiques mentionnées ci-dessus
pendant un délai de cinq ans suivant leur décès ;
4° Une société de participations financières de professions libérales régie
par le livre V de la présente ordonnance ;
5° Des personnes exerçant une profession libérale réglementée de la
même famille que celle mentionnée dans l’objet social ;
6° Des personnes européennes dont l’activité constitue l’objet social de
la société. S’il s’agit d’une personne morale contrôlée, partiellement ou
totalement, par une autre personne morale, elle respecte les exigences en
matière de détention du capital et des droits de vote prévues par la
présente ordonnance ».

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L’article 53 de l’ordonnance no 2023-77 du 8 février 2023 relative à l’exercice en société des


professions libérales réglementées dispose que :

« Dans l’hypothèse où l’une des conditions relatives à la détention du


capital et des droits de vote ou de la gouvernance mentionnées aux
articles 56 à 67 viendrait à ne plus être remplie, la société dispose d’un
délai d’un an pour se mettre en conformité avec les dispositions de la
présente ordonnance. A défaut, tout intéressé peut demander en justice
la dissolution de la société. Le tribunal peut accorder à la société un
délai maximal de six mois pour régulariser la situation. La dissolution
ne peut être prononcée si, au jour où il est statué sur le fond, cette
régularisation a eu lieu ».

Dans un arrêt en date du 8 décembre 2015, la Cour de cassation indique notamment que les
statuts d’une société d’exercice libéral peuvent valablement priver un associé, cessant son
activité, des droits attachés à ses parts. Cependant, cette sanction ne peut pas s’appliquer au
droit aux bénéfices (Cass. com., 8 décembre 2015, no 14-19.261). En l’espèce, le litige a pour
origine la décision d’un associé, cogérant et détenteur de 50% des parts sociales d’une SEL
exploitant une officine de pharmacie, de cesser son activité au sein de la société. Dans cette
hypothèse, l’associé, du fait de la cessation de son activité professionnelle au sein de la société,
doit céder ses parts sociales, mais selon des modalités temporelles qui diffèrent suivant sa
participation au capital social.

En effet, l’ancien2 article 5 de la loi n°90-1258 du 31 décembre 1990, relatif aux conditions de
détention des parts sociales d’une SEL, disposait que « plus de la moitié du capital social et des
droits de vote doit être détenue (…) par des professionnels en exercice au sein de la société ».
Le complément, précise le texte, peut être détenu notamment « pendant un délai de dix ans,
[par] des personnes physiques qui, ayant cessé toute activité professionnelle, ont exercé cette ou
ces professions au sein de la société ». Ce texte précisait que « dans l’hypothèse où l’une des
conditions visées au présent article viendrait à ne plus être remplie, la société dispose d’un délai
d’un an pour se mettre en conformité avec les dispositions de la présente loi. À défaut, tout
intéressé peut demander en justice la dissolution de la société » (cf. les dispositions de l’ordonnance
de 2023 énoncées dans la majeure ; attention, ces dispositions entreront en vigueur le 1er septembre
2024).

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À compter du 1er septembre 2024, cet article ne s’appliquera plus. Par conséquent, il conviendra d’appliquer les
articles cités dans la majeure.

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Il s’évince donc de ces règles que celui des associés qui cesse son activité professionnelle au sein
de la SEL doit céder au moins une partie de ses parts sociales de façon à permettre aux associés
professionnels d’être majoritaires. Celles qui ne sont pas cédées peuvent être conservées pendant
dix années. Si le texte est clair sur ce point, en revanche, il ne dit mot sur le sort des droits
d’associé attachés aux parts sociales du professionnel pendant la période qui se situe entre la
cessation de son activité et la cession de ses droits sociaux.

En l’espèce, prenant le relais des lacunes de la loi, les statuts stipulaient que « si la cessation
d’activité d’un associé avait pour effet de réduire la quotité de capital des associés professionnels en
exercice à une fraction inférieure au minimum légal, il perdrait, dès la survenance de cet événement,
l’exercice des droits attachés aux parts qu’il détenait, ces parts étant alors rachetées à la diligence de la
gérance ». Contestant la validité de cette clause, l’associé sortant assigne la société pour obtenir
son annulation ainsi que celle des délibérations qui s’étaient tenues sans qu’il puisse y exercer
son droit de vote. Parallèlement, le demandeur sollicitait la nomination d’un administrateur ad
hoc chargé, notamment, de convoquer une assemblée en vue de la mise en conformité des statuts,
du rachat de 1% de ses parts, ainsi que de la distribution des bénéfices depuis l’exercice 2009,
année au cours de laquelle il avait cessé son activité.

Ses demandes sont accueillies pour partie par la cour d’appel : celle-ci juge, d’une part, que la
clause du pacte social est illicite en tant qu’elle entraîne la perte automatique des droits attachés
à la qualité d’associé ; d’autre part, et en revanche, elle déboute l’associé sortant de ses demandes
afférentes à la perception des bénéfices attachés à ses parts.

La censure de la Cour de cassation est double :

- En premier lieu, au visa des articles 5 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 et 1844-
10 du Code civil, la chambre commerciale décide que « les statuts d’une SEL de
pharmacien d’officine peuvent déroger aux dispositions légales non impératives et
notamment prévoir que l’associé qui cesse toute activité professionnelle peut rester
associé pendant dix ans en qualité d’ancien associé, mais que, si cette situation a pour
effet de réduire la part de capital des associés professionnels en exercice à une fraction
inférieure à la moitié de ce capital, il perd, dès la survenance de cet événement, l’exercice
des droits attachés aux parts qu’il détient et ses parts sont rachetées à la diligence (à
l’initiative) du gérant ».

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- En second lieu, au visa de l’article 5 de la loi de 1990 et des articles 1844-1 et 1869 du
Code civil, elle relève qu’« il résulte de la combinaison de ces textes que la perte, en
application d’une clause statutaire, de l’exercice des droits attachés aux parts détenues
par un associé au sein d’une SEL de pharmacien d’officine, dès la cessation de ses
fonctions professionnelles au sein de la société, n’emporte pas, jusqu’au remboursement
des droits sociaux, la perte de la rétribution des apports en capital ».

En somme, la Cour de cassation juge donc partiellement valable la clause du pacte social qui
prive l’associé de ses droits à compter de la cessation de son activité. Elle considère en effet qu’est
licite la clause statutaire qui le prive de ses droits politiques3. Toutefois, elle décide que ce dernier
conserve les droits pécuniaires (droit aux bénéfices) attachés à ses apports en capital jusqu’au
remboursement de ses parts sociales.

Cas #4. – Les héritiers d’un professionnel de santé, associé au sein d’une SCP, sont-ils tenus de
réparer les dommages causés par ce dernier à l’un de ses patients avant son décès, et ce alors
même que leurs parts sociales ont fait l’objet d’une cession au profit d’un autre associé de la
société ?

Les SCP relèvent initialement d’une loi n°66-879 du 29 novembre 1966. Toutefois, à compter
du 1er septembre 2024, ces sociétés seront régies par les articles 5 à 33 de l’ordonnance no 2023-
77 du 8 février 2023 et ont pour objet, selon l’article 5, l’exercice en commun de la profession de
leurs membres. La clientèle est, en principe, celle de la société, les honoraires sont mis en
commun et les bénéfices sont répartis entre les associés.

Selon l’article 20 de cette ordonnance, chaque associé répond sur l’ensemble de son patrimoine
des actes professionnels qu’il accomplit et la société est solidairement responsable avec lui des
conséquences dommageables de ces actes. La société ou les associés doivent, par ailleurs,
contracter une assurance de responsabilité civile professionnelle. L’article 22 énonce, en outre,
qu’un associé peut se retirer de la société, soit qu’il cède ses parts, soit que la société lui rembourse
leur valeur.

Les SCP d’infirmiers ou infirmières et de masseurs-kinésithérapeutes sont, en outre, régies par


un décret n°2006-393 du 30 mars 2006, transposé aux articles R. 4381-25 à R. 4381-88 du
Code de la santé publique fixant les règles de constitution et de fonctionnement de ces sociétés.

3
La portée de la clause litigieuse est ainsi limitée aux seuls droits d’associés non patrimoniaux qui ne sont pas
d’ordre public. Le droit de participer aux décisions collectives et le droit de vote, qui en est le corollaire, étant
d’ordre public, la clause ne paralyse donc que le droit de communication et le droit d’intervenir dans la vie sociale
(questions écrites, etc.), qui varient en fonction des formes de SEL adoptées.

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L’article R. 4381-25 du Code de la santé publique dispose ainsi que la responsabilité de chaque
associé à l’égard de la personne qui se confie à lui demeure personnelle et entière, sans préjudice
de l’application de l’article 16 de la loi no 66-879 du 29 novembre 1966 [devenu article 20 de
l’ordonnance du 8 février 2023].

Il résulte de ces dispositions qu’un associé garde une responsabilité personnelle et entière à
l’égard de ses patients et que la société peut être condamnée solidairement à réparer les
conséquences dommageables de ses actes. La Cour de cassation en a déduit qu’une action en
responsabilité pouvait être indifféremment dirigée contre la société ou l’associé concerné, ou
encore contre les deux (exemple : Cass. 1e civ. 8 mars 2012, no 11-14.811).

Dans un arrêt en date du 11 juillet 2018 (Cass. 1re civ., 11 juillet 2018, no 17-17.441), la Cour
de cassation a été saisie du cas d’un masseur-kinésithérapeute associé, dont un patient avait
présenté, à la suite d’une manipulation cervicale, une dissection d’une artère vertébrale ayant
entraîné un accident vasculaire cérébelleux ischémique bilatéral. Ce patient a agi en
responsabilité et indemnisation, alors qu’entre-temps, le masseur-kinésithérapeute était décédé
et ses héritiers avaient cédé ses parts sociales à un autre associé.

Contrairement aux premiers juges, la cour d’appel avait considéré que la cession des parts
sociales faisait obstacle à la recherche de la responsabilité du masseur-kinésithérapeute :
« Attendu que, pour juger que les héritiers ne peuvent plus être mis en cause, depuis le 1er août 2009,
au titre de la responsabilité des actes professionnels accomplis par J.. Y... dans la société et rejeter la
demande formée à leur encontre par M. X..., l’arrêt se fonde sur la cession des parts sociales qu’ils ont
consentie à un associé de la SCP ».

Statuant sur les pourvois du patient et de la caisse qui lui avait servi des prestations, la Cour de
cassation a censuré l’arrêt d’appel en reprenant les dispositions des articles 16 de la loi du 29
novembre 1966 et R. 4381-25 du Code de la santé publique. Elle a déduit de ces textes que la
cession par un associé de ses parts sociales était dépourvue d’effet sur sa responsabilité qui
demeurait, comme celle de la société, engagée au titre des conséquences dommageables des
soins qu’il avait prodigués dans le cadre de son exercice au sein de la société.

En l’espèce, les héritiers du professionnel de santé (et la SCP) seront donc tenus de réparer les
dommages que celui-ci a causés à son patient avant son décès ; la cession de leurs parts sociales
étant dépourvue d’effet sur leur responsabilité.

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