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ABREVIATIONS

RAL Résolution alternative des litiges


CA Conseil d'administration
Principes fondamentaux du marché des capitaux
PFMCI
islamique
Principes fondamentaux pour la réglementation de la
PFRFI
finance islamique
DEEP Dispositif d'enregistrement électronique partagé
OPCI Organisme de placement collectif islamique
MCI Marché des capitaux islamique
CSFI Conseil des services financiers islamiques
OICV Organisation internationale des commissions de valeurs
Directive concernant les marchés d'instruments
MiFID
financiers
PA Protocole d'accord
P2P Pair à pair
ARC Autorité de réglementation et de contrôle

Introduction
La protection des investisseurs joue un rôle crucial dans le
développement et l'intégrité des marchés de capitaux. La présente
norme porte sur la protection des investisseurs contre les manquements
imputables aux intermédiaires financiers, les allégations trompeuses sur
la conformité avec la Charia et l'utilisation abusive des actifs des clients,
sur le renforcement de la transparence et l'amélioration des informations
fournies aux investisseurs, sur la protection des actionnaires minoritaires
et la mise en place de moyens efficaces de recours ou de résolution des
litiges en cas de manquement. La confiance des investisseurs dans un
marché des services financiers qui fonctionne bien est essentielle pour
assurer la stabilité financière, la croissance, l'efficience et l'innovation à
long terme. En sus de la stabilité financière, les cadres réglementaires et
les dispositifs de surveillance adoptés par les organisations de contrôle
contribuent à la protection des investisseurs, qui a été souvent, et de
plus en plus, identifiée comme un objectif majeur de ces organisations.

La réglementation des pratiques de vente et de l'information des


investisseurs vise à réduire potentiels asymétrie d’information et
déséquilibres résultant de l'exercice de pouvoir de marché entre le
secteur et les investisseurs, d'une part, et entre les fournisseurs de
produits et les distributeurs, d'autre part, qui se produisent notamment
avec des produits d'investissement assez complexes ou innovants. La
réglementation réduit également les éventuelles incitations aux ventes
inadaptées, en permettant de détecter les conflits d'intérêts et de clarifier
les coûts supportés par les investisseurs. Une telle réglementation joue
un rôle majeur dans le développement de la confiance des investisseurs
et la mise en œuvre de stratégies d'investissement adaptées aux
besoins des clients. Elle doit conduire à la mise en place de marchés de
capitaux islamiques plus efficients et à l'instauration d'une confiance
accrue des investisseurs dans les marchés de capitaux islamiques
(MCI).

Dans le contexte de la finance islamique, plusieurs éléments inhérents à


la protection des investisseurs sont à la base des valeurs fondamentales
de la finance islamique, et permettent notamment de garantir l'équité et
la certitude des transactions et d'éviter l’exploitation entre les parties
dans une transaction. Ces valeurs servent, entre autres, à veiller à ce
que les investisseurs ne soient pas désavantagés, trompés ou
escroqués par un émetteur/distributeur de produits ou par des
prestataires de services, et soulignent la nécessité de fournir des
informations, significatives en temps opportun. Parmi les caractéristiques
inhérentes aux financements conformes à la Charia, il y aussi la
promotion d'une conduite éthique dans les affaires, tels que le principe
de justice et le traitement équitable. Charia

En revanche, certains problèmes sont spécifiques à la finance islamique.


Plusieurs d'entre eux découlent de produits, en particulier des ṣukūk, qui
ne sont pas identiques à leurs équivalents conventionnels les plus
proches, et qui peuvent ne pas être bien compris par tous les
investisseurs (en particulier les investisseurs de la catégorie de la
clientèle de particuliers). D'autres problèmes découlent du fait que l'on
peut supposer que de nombreux investisseurs soient préoccupés par la
conformité avec la Charia, mais qu'ils ne soient pas en mesure d'évaluer
le produit ou même d'apprécier les déclarations faites à propos du
produit. D'autres encore découlent de problèmes opérationnels, souvent
sur des marchés intermédiés.

Généralement, le MCI se compose de trois principaux marchés de


produits : (i) le marché des actions islamiques (facilité par la disponibilité
des indices correspondants), (ii) le marché des ṣukūk, et (iii) le marché
des organismes de placement collectif islamiques (OPCI). Dans certains
des marchés plus développés, une gamme plus large de produits sur le
MCI, comme les produits structurés islamiques, le capital-risque
islamique, ou le capital-investissement et le financement islamique de
pair à pair (P2P), entre autres. Pour des raisons de non-conformité avec
la Charia, certaines pratiques du marché des capitaux conventionnel ne
se retrouvent pas sur le MCI, comme notamment la vente à découvert et
l'utilisation de produits dérivés. Ces pratiques ne sont donc pas
abordées par la présente norme. De même, le MCI est généralement
caractérisé par un ensemble diversifié d'intermédiaires, comme
notamment ceux qui opèrent dans la gestion des portefeuilles
individuels, l'exécution des ordres et la négociation ou la distribution des
titres. Le statut réglementaire de ces intermédiaires peut varier. Par
exemple, dans certaines juridictions, un conseiller en investissement qui
traite pour le compte de clients et/ou est autorisé à détenir les actifs de
ses clients serait classé dans la catégorie des intermédiaires de marché.
Dans d'autres juridictions, les conseillers en investissement sont traités
différemment des intermédiaires de marché. En outre, les intermédiaires
de marché peuvent exercer d'autres fonctions généralement invisibles
pour la clientèle de particuliers. Certains peuvent négocier pour leur
propre compte ou souscrire à l'émission de titres. Ils peuvent exercer
d'autres fonctions spécialisées, notamment en tant que dépositaires ou
administrateurs de fonds. Dans la pratique, de nombreux intermédiaires
de marché peuvent, dans des systèmes financiers qui opèrent selon les
deux approches, traiter à la fois des produits conformes à la Charia et
des produits non conformes à la Charia. Par exemple, un cabinet de
courtage peut accepter d'exécuter des ordres de ses clients, pour des
titres qu’ils soient conformes ou non conformes à la Charia. Un cabinet
de conseil financier peut accepter de donner des conseils sur des
organismes de placement collectif islamiques ou conventionnels.
Cependant, certains intermédiaires peuvent dans certains cas
revendiquer la conformité avec la Charia, relativement à des produits
pour lesquels ils offrent leurs conseils ou pour leurs propres opérations
ou pour les deux. Dans tous ces cas, le souci de clarté dans la
revendication de conformité avec la Charia par une entreprise et, en
particulier pour les entreprises qui traitent des produits/services
conformes et des produits/services non conformes à la Charia, la
garantie d'une distinction adéquate entre leurs activités/opérations
islamiques et leurs opérations/activités conventionnelles au sein de
l'entreprise (par exemple, la présence d'un personnel ou d'une unité
dédiée, selon la taille de l'entreprise) sont des aspects importants.
Au cours des quatre dernières décennies, de nombreuses entreprises occidentales ont
choisi de délocaliser plusieurs de leurs activités dans des usines situées dans des pays
en développement. En conséquence, plusieurs pays d’accueil ont pris la décision
d’assouplir leur réglementation afin d’attirer les entreprises occidentales et les
investisseurs étrangers. Cela a entraîné ce que l’on appelle communément la « course
vers le bas », qui conduit de nombreux pays cherchant à attirer des capitaux étrangers à
réduire leurs normes sociales et environnementales et à limiter la responsabilité des
entreprises pour les dommages causés par leurs activités.

Dans le contexte de ces mouvements de capitaux, les gouvernements des États


occidentaux ont cherché à assurer le traitement équitable de leurs sociétés dans leurs
activités à l’étranger par la conclusion de traités commerciaux et d’investissement. Ces
traités accordent une protection aux investisseurs et leur permettent de faire valoir
leurs droits devant les tribunaux arbitraux vis-à-vis de l’État hôte dans lequel ils
investissent2. De tels accords internationaux n’imposent généralement pas
d’obligations aux investisseurs, mais seulement aux États parties3. On estime que plus
de 3 000 traités bilatéraux d’investissement ont été conclus à ce jour4.

Avec la montée de la mondialisation, les entreprises ont obtenu des États un certain
nombre de droits en vertu du droit international des investissements. Les investisseurs
étrangers ont, notamment, acquis ces droits grâce aux dispositions relatives au
règlement des différends entre investisseurs et États, contenues dans les traités
bilatéraux d’investissement (TBI) et dans les traités multilatéraux d’investissement
conclus entre États. Ces traités d’investissement entre États ont privatisé la protection
internationale des investisseurs, leur accordant un droit d’action directe contre les États
devant les tribunaux arbitraux5.

Si les entreprises et les investisseurs privés ont accumulé un certain nombre de droits
en vertu de ces traités, on note néanmoins une certaine asymétrie en ce qui concerne
leur responsabilité envers les pays et les populations touchés par les répercussions
négatives générées par leurs activités. Plusieurs abus commis par des sociétés
transnationales, bénéficiant de cadres réglementaires laxistes, notamment en matière
de droit du travail et de protection de l’environnement, ont été révélés au grand public
au cours des dernières années. L’une des plus grandes tragédies causées par ces abus
est l’effondrement de l’immeuble du Rana Plazza, qui abritait plusieurs usines de
fabrication de vêtements au Bangladesh. Cet accident, survenu le 24 avril 2013, a fait
plus de 1 100 morts et 3 000 blessés6.

De tels accidents soulignent la nécessité d’imposer des obligations de développement


durable aux entreprises multinationales et aux investisseurs. En effet, il semble crucial
que les États et les entreprises s’entendent sur un certain contrat social, dans lequel les
États et les investisseurs auraient des devoirs et des obligations équivalents7. John
Ruggie, représentant spécial de l’Organisation des Nations Unies(ONU) pour les
entreprises et les droits de l’homme de 2005 à 2011, a insisté sur l’importance de tenir
compte des droits de la personne dans les contrats et traités d’investissement :
« La négociation est pour les parties le bon moment de faire connaître leurs attentes et
de déterminer leurs responsabilités respectives en ce qui concerne tous les types de
risques, y compris les risques pour les droits de l’homme. De plus, une bonne gestion
des risques pour les droits de l’homme aura des répercussions sur d’autres éléments du
contrat, d’où l’intérêt d’analyser ces risques de façon cohérente, parallèlement aux
questions économiques et commerciales8.

C’est pourquoi dans le présent document, nous discuterons de l’assemblage, des liens
se trouvant entre les Droites de l’Homme et l’arbitrage International sur le Fondement
d’un traité bilatéral d’investissement. Dans un premier temps, nous nous intéresserons
à la prise en compte de la violation des droites de l’Homme dans la procédure arbitrale
relative à l’investissement et dans un second temps, nous nous pencherons sur
l’irruption des droits de l’Homme dans le contentieux arbitral transnational relatif à
l’investissement.

Section 1 : La prise en compte de la violation des droits de


l’Homme dans la procédure arbitrale relative à l’investissement
Aujourd’hui plus que jamais, les droits de l’homme rythment notre quotidien et
l’arbitrage d’investissement, bien qu’étant un domaine plus que spécifique, n’a pas
échappé à cette règle. En effet, avec une régularité croissante, les tribunaux arbitraux
ont été amenés à étudier des revendications liées aux droits fondamentaux, à tel point
que la dichotomie présentée autrefois entre ces deux domaines est désormais révolue.
À l’heure de l’hyper-mondialisation et de l’intensification constante des flux
commerciaux et d’investissements, le droit et ses acteurs ne peuvent plus se permettre
d’éluder ces questions essentielles. Depuis les premiers traités d’investissement
jusqu’à ceux de dernière génération, les conceptions n’ont eu de cesse d’évoluer,
passant d’une protection exclusive de l’investisseur à un mouvement de régulation en
faveur de l’État d’accueil. Ces transitions ont également atteint la jurisprudence
arbitrale ainsi que les revendications développées par les parties litigantes. Du fait de
la diversité avec laquelle « intérêts publics » et « intérêts privés » sont conjugués,
certaines difficultés se posent pour détacher une ligne directrice claire.
Ici, nous traiterons premièrement du droit de propriété, de la liberté d’investir et
de la relation entre les deux concepts puis ensuite nous discuterons du déni de justice
dans l’arbitrage international.

Paragraphe 1 : Le droit de propriété et la liberté d’investir


I- Le droit de propriété
Le droit de propriété est le droit, détenu par une personne physique ou une personne
morale, d'user, de profiter et disposer d'un bien de toute nature (corporelle ou
incorporelle), dans les conditions fixées par loi. Le propriétaire est celui qui dispose de
ce droit. Le titre de propriété officialise ce droit.
Au niveau des Etats, le droit de propriété est, en général, protégé par une déclaration
de droit ou par la constitution.

A. L’étendue du droit de propriété


Le propriétaire d’un bien peut, en principe, faire tout ce qu’il veut de celui-ci. En effet,
c’est l’article 544 du Code civil Français qui l’énonce : « La propriété est le droit de
jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue […]. » Ainsi, le droit de
propriété apparaît comme le droit réel le plus complet.

1. Les trois composantes du droit de propriété


Les trois composantes du droit de propriété sont :
- l’usus, qui est le droit de se servir de la chose ;
- le fructus, qui désigne le droit d’en recueillir les fruits ;
- l’abusus, qui est le droit de disposer de la chose (la vendre, la donner, la
détruire).

2. L’objet de la propriété
La propriété s’applique sur la chose elle-même, c’est-à-dire sur le bien corporel, qui
peut être un meuble ou un immeuble. C’est l’objet principal de la propriété.
Le droit porte aussi sur les accessoires de la propriété, c’est-à-dire les éléments qui
proviennent de la chose ou s’y ajoutent. Ainsi, les fruits proviennent régulièrement de
la chose (loyers, récoltes…) alors que les produits ne se renouvellent pas (carrières,
mines…).
Enfin, concernant la propriété du sol, le droit porte aussi bien sur le dessus que sur le
dessous d’un terrain. C’est grâce à cette règle qu’une construction est possible.
B. Les caractères du droit de propriété

1. Les caractères absolu et exclusif de la propriété


Le caractère absolu du droit de propriété donne à son titulaire le pouvoir de faire
respecter par toute personne les prérogatives attachées à son droit. Cependant, dans
l’intérêt de tous, ce droit connaît des limites. L’article 544 du Code civil énonce : «
[…] pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».
Le droit de propriété est exclusif car, sauf exception (la copropriété), à un bien est
attaché un seul propriétaire, qui cumule ainsi les trois pouvoirs constitués par l’usus, le
fructus et l’abusus.

2. Le caractère perpétuel de la propriété


La durée du droit de propriété est identique à la durée d’existence de la chose qui en
est l’objet. En conséquence, le droit n’est pas perdu par le non-usage et, d’autre part, la
propriété est transmise aux héritiers par voie de succession.

C. Les limites du droit de propriété


Il s’agit de concilier l’intérêt du propriétaire avec l’intérêt de la collectivité. Par
ailleurs, le propriétaire qui, par l’usage de son droit de propriété, cause un dommage à
un voisin doit réparer le préjudice qu’il a provoqué.

1. Les limites légales du droit de propriété


Le législateur peut remettre en cause le droit de propriété du titulaire dès qu’il en va de
l’intérêt de la société.
Dans certains cas, le droit du propriétaire peut être limité sans pour autant être perdu.
C’est le cas, par exemple, de la législation restrictive appliquée aux choses
dangereuses comme les armes ou à certains animaux.
Dans d’autres situations, le propriétaire peut perdre tout ou partie de son bien, dès qu’il
en va de l’intérêt général. C’est le cas de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;
le propriétaire est alors indemnisé par l’administration de la perte de son droit ; cela
arrive à l’occasion de la construction d’une route ou d’un aménagement urbain, par
exemple.
2. Les limites jurisprudentielles du droit de propriété
Afin d’entretenir de bons rapports, les voisins doivent être attentifs à l’usage qu’ils
font de leur droit de propriété afin d’éviter de faire subir un dommage à autrui. Le cas
échéant, l’auteur du trouble est obligé de le faire cesser. Il peut même être amené à
verser des dommages et intérêts à sa victime.
Cependant, il faut distinguer deux situations, selon que l’origine du trouble causé au
voisin se trouve dans un comportement volontaire ou dans un agissement
involontairement nuisible.
a) L’abus de droit
Il y a abus de droit lorsque le propriétaire cause un dommage en agissant avec
l’intention de nuire ; son comportement est alors dépourvu d’intérêt légitime et
sérieux. Par exemple, celui qui édifie une fausse cheminée sur son toit pour priver de
soleil son voisin abuse de son droit de propriété.
b) L’inconvénient anormal du voisinage
Il y a inconvénient anormal de voisinage quand un dommage est causé par un
propriétaire sans intention de nuire (inconscience, négligence, par exemple) ; on
constate cependant que les nuisances dépassent les inconvénients habituellement
supportables selon une appréciation coutumière. Par exemple, celui qui perturbe le
sommeil de son voisin par la mise en marche très matinale d’une machine cause un
inconvénient anormal.

D. Les droits de propriété industrielle

1. la marque : conditions de validité


Selon l’article 711-1 du Code de la propriété intellectuelle, « la marque est un signe
susceptible de représentation graphique servant à identifier les produits ou services
d'une personne physique ou morale ».
En France, toute marque doit respecter un certain nombre de règles :
 la marque doit être distinctive : elle ne doit pas être le nom générique d'un
produit ; ainsi une enseigne optique ne peut créer comme marque « lentilles ».
Cela aboutirait pour l'opticien à s'attribuer l'exclusivité d'un mot usuel ;
 la marque ne doit pas être « déceptive » : elle ne doit pas induire te
consommateur en erreur sur la nature et les caractéristiques du produit ou
encore sur sa provenance géographique ;
 la marque doit être disponible : si l'on souhaite déposer une marque à l'INPI
(Institut National de la propriété Industrielle) on doit s'assurer que le nom choisi
n'a pas été déposé par une tierce personne. Dans le cas échéant, on peut être
poursuivi pour contrefaçon de marque ;
 la marque doit être licite : elle ne doit pas être contraire à l'ordre public et aux
bonnes mœurs. Par ailleurs, certains signes ne peuvent être reproduits par une
marque : drapeaux des États et autres signes officiels.

a. La protection de la marque en France


Il est nécessaire de protéger une marque particulièrement au regard des contrefaçons
(reproduction à l'identique), de l'imitation et de l'usage de marque {par exemple dans
une publicité comparative). L'intégralité de la démarche de dépôt et de protection peut
se faire soit au greffe du tribunal de commerce (ou encore au tribunal de grande
instance) du domicile ou du siège social du déposant, soit à l'INPI (à Paris ou en
région). L'INPI est un établissement public chargé de la propriété industrielle (brevets,
marques, dessins et modèles). Le dépôt de marque est payant : il peut être effectué
pour une ou plusieurs classes de produits. L'INPI répertorie 34 classes de produits et
11 classes de services. Les activités liées à l'optique-lunetterie concernent la classe 9.
L'enregistrement d'une marque garantit l'antériorité d'existence et l'exclusivité
d'utilisation sur tout le territoire français.
La publication du dépôt se fait au BOPI (Bulletin Officiel de la Propriété Industrielle).
À partir de là, les tiers intéressés disposent d'un délai de deux mois pour faire
opposition.
À défaut d'opposition, la marque est enregistrée : un certificat d'enregistrement est
remis au déposant qui en devient propriétaire et la marque est inscrite au registre
national des marques. Le monopole d'exploitation est alors acquis : la marque est
protégée en France pendant 10 ans. Cette période est indéfiniment renouvelable à
condition de payer une nouvelle taxe à chaque renouvellement.
Une fois la marque protégée, le déposant a la totale liberté de vendre, sans risque, sa
marque (cession de marque) ou la louer (licence de marque). La licence de marque
constitue un des éléments du contrat de franchisage (« contrat de franchise »).
Toute marque non utilisée pendant 5 ans est frappée de déchéance.
Une entreprise peut être amenée à développer ses produits à l'étranger. Il est alors
nécessaire de protéger sa marque au niveau communautaire voire international.
b. De la marque nationale à la marque communautaire voire internationale

Une entreprise qui souhaite commercialiser sa marque nationale dans un nombre limité
de pays a la possibilité de s'adresser aux organismes similaires à l'INPI dans chaque
pays qui l'intéresse. La procédure, autonome dans chaque État, débouche sur la
délivrance d'un certificat d'enregistrement national de marque. Les certificats ainsi
délivrés par les États restent totalement indépendants. Chaque procédure peut être
longue et coûteuse car la traduction dans la langue des pays visés est une exigence
préalable. Le dépôt de marque nationale, au compte-goutte, État après État, n'est donc
à envisager que si l'on souhaite commercialiser ses produits dans peu de pays.
Cependant, au niveau communautaire, il existe une procédure unique, simple et peu
coûteuse, qui se traduit par un seul dépôt permettant de protéger les marques, dessins
et modèles sur tout le territoire de l'Union européenne. L'entreprise peut contacter
directement l'OHMI (Office de l'Harmonisation dans le Marché Intérieur), à
Alicante(Espagne). La marque communautaire est protégée pendant dix ans
renouvelables sur l'ensemble de l'Union européenne“.
Pour une protection internationale au sein des pays signataires de l'Arrangement (ou
protocole) de Madrid, il faut faire sa demande par l'intermédiaire de l'INPI auprès de
l'OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle) à Genève. La protection
de la marque est alors accordée pour dix ans renouvelables. Une marque internationale
ainsi enregistrée produit les mêmes effets dans les pays désignés que ceux d'une
demande ou d'un enregistrement effectué dans chaque pays. Ce système simplifie par
ailleurs la gestion ultérieure de la marque car les changements et les renouvellements
de l'enregistrement peuvent être inscrits par une simple et unique procédure auprès du
bureau international de l'OMPI.

2. le brevet : définition et conditions


Un brevet est une protection juridique d'une invention (d'une solution technique
apportée à un problème technique).
Lorsque le dépôt de brevet est effectué à l'INPI, il permet à son titulaire d'obtenir sur
toute l'étendue du territoire français, un monopole d'exploitation pour une durée
maximale de 20 ans. Le déposant devient ainsi le seul à pouvoir l'utiliser. À ce titre, il
peut :
- interdire toute utilisation de son invention effectuée sans son autorisation ;
- poursuivre les contrefacteurs devant les tribunaux.
Pour être brevetable, le produit doit :
- être nouveau, sans être préalablement divulgué au public ;
- être susceptible d'application industrielle ;
- résulter d'une activité inventive.

 Monopole d’exploitation
Le fait d'être titulaire d'un brevet vous donne des droits très importants contre les
auteurs de contrefaçons : si vous estimez qu'on porte atteinte à vos droits, par
fabrication ou commercialisation frauduleuse de vos produits, vous pouvez saisir les
tribunaux. Les auteurs de contrefaçons s'exposent à des sanctions très sévères :
confiscation ou destruction des produits contrefaits, interdiction sous astreinte de
poursuivre leur activité, condamnation à des dommages et intérêts, peines d'amende ou
d'emprisonnement.
Dans bien des cas, toutefois, l'existence du brevet suffit à faire renoncer les contre-
facteurs, et donc à éviter une procédure.

II- La liberté d’investir

Incontestablement, réglementer l’entrée et l’installation de l’investissement étranger


sur le territoire national est un droit souverain des pays accueillant ces investissements.
Ce droit comporte également la possibilité d’imposer des restrictions pour des raisons
inhérentes à la situation nationale des États.
Néanmoins, l’adoption d’une politique restreinte à l’égard des investisseurs étrangers
n’est que rarement dans l’intérêt de l’État d’accueil. La solution consiste donc à
trouver un équilibre entre les droits et les obligations ainsi qu’entre les intérêts des
investisseurs étrangers et ceux des pays d’accueil. Le désir légitime de certains États
de restreindre ou de contrôler la liberté ou le pouvoir des investisseurs étrangers sur
leur territoire semble critiquable. De nos jours, caractérisés par la prolifération des
accords sur la promotion et la protection de l’investissement, les États d’accueil et
ceux qui font l’objet de notre étude en particulier ont tout intérêt à attirer les
investisseurs en leur reconnaissant une certaine liberté d’investir ainsi qu’un certain
pouvoir de gérer leur investissement.

A- Le principe de la liberté d’investir


Le principe de la liberté d’investir, vu sous l’angle du droit d’établissement, est
reconnu dans des traités de commerce postérieurs à 1945 1, mais ne fait pas de nos
jours l’objet d’une définition précise. Cela semble normal dans la mesure où la notion
d’investissement elle-même n’est pas définie. Plusieurs projets ont été lancés sur le
thème de la liberté d’investissement. 2
Ces projets ont permis d’ouvrir un débat en la matière. Ils ont confirmé la nécessité de
reconnaître certains principes fondamentaux en faveur des investisseurs étrangers, à
savoir la transparence, la libéralisation et la non-discrimination. Néanmoins, ils n’ont
pas réussi à trouver une définition commune du terme. Par conséquent, il revient à
chaque État de fixer ses propres conditions régissant l’admission et le traitement de
l’investissement sur son territoire.
La période qui a suivi la Première Guerre mondiale a vu la naissance des pays arabes
en tant qu’États souverains3. Suite à leur indépendance, ces États devaient
impérativement exploiter leurs ressources naturelles dans le but d’améliorer leur
situation économique. La solution idéale pour réaliser cet objectif était celle
d’accueillir des investissements nouveaux. Pour ce faire, la majorité d’entre eux a
promulgué des législations en matière d’investissement international. Certains États
ont adopté des législations très favorables en matière d’encouragement et de protection
de l’investissement4. La liberté d’investir a été exprimée soit d’une manière explicite5,
soit d’une manière implicite lorsque le texte prévoit d’autres expressions équivalentes
ou reconnaît à l’investisseur certains droits ou traitements6.

Le Maroc est une plateforme de plus en plus attractive pour les investissements
étrangers.

En effet, depuis des décennies les différents gouvernements ont donné une importance
à l’investissement étranger. Dans les différents programmes, on considère les
investissements étrangers comme facteur pour soutenir la croissance du pays.
Différentes adaptations du cadre juridique et fiscal du pays ont été
opérées. Le but affiché est de garantir un climat d’affaires modernes et
aux normes internationales pour les investisseurs de divers horizons.

Pour investir au Maroc, un investisseur devrait y retrouver ses repères en


matière de lois, de règles et d’institutions.

Dans le cadre de l’amélioration et de la modernisation de son système


des affaires, plusieurs lois ont été promulguées depuis la fin des années
90.

Dans le cadre de la promotion de l’investissement étranger, le Maroc a


mis en place un système qui répond aux standards internationaux. Ainsi,
toute contrainte visant la présence d’un investisseur local a été
supprimée. Au Maroc, une société peut être détenue à 100% par des
investisseurs étrangers.

Il est possible pour un étranger, d’acquérir librement des biens mobiliers


et immobiliers sans contraintes.

Le Maroc a, en outre, ratifié des conventions internationales relatives à la


garantie et à la protection de l’investissement.

Le Maroc a, par ailleurs, adopté une charte d’investissement afin de


mettre en place des mesures d’encouragement à l’investissement. Cette
charte consacre de manière légale le principe de liberté d’investir au
Maroc. De plus, cette charte promeut les opportunités d’investissement
au Maroc.

La libéralisation de l’économie marocaine à partir des années 80 a


conduit le royaume du maroc à moderniser le cadre juridique applicable
aux entreprises qui remontait pour partie au protectorat français,
modernisation inscrite dans un agenda plus vaste de réformes
économiques, sociales et politiques.
Avec l’arrimage du maroc à l’union européenne (accord d’association de
1996, octroi d’un statut avancé en 2008 et négociation en cours d’un
accord de libre-échange complet), le droit des affaires marocain
converge vers un corpus imprégné des règles du droit européen et plus
particulièrement français.
Les évolutions récentes ont jeté les bases d’un droit des affaires
moderne, prenant en compte les enjeux contemporains tels que les
partenariats public privé, l’économie numérique, la protection des
données à caractère personnel, la protection de l’environnement et du
consommateur et la lutte contre le blanchiment d’argent et le
financement du terrorisme.
La diplomatie active du maroc à l’égard de nombreux etats du continent
africain sous l’impulsion du roi mohamed vi s’est traduite par le
renforcement des liens politiques et économiques avec de nombreux
etats mais également par le retour du maroc au sein de l’union africaine
et la mise en œuvre du processus d’adhésion à la cedeao. D’aucuns ont
alors vu l’opportunité pour le maroc d’intégrer à terme l’organisation pour
l’harmonisation en afrique du droit des affaires (ohada) visant à organiser
un système juridique et judiciaire sous la forme d’un cadre légal simple,
moderne et adapté à la vie des affaires, et ainsi introduire le droit ohada
au maroc.
Le présent mémorandum a pour objectif de présenter aux investisseurs
un condensé du cadre juridique applicable aux entreprises au maroc ne
faisant pas appel public à l’épargne. Il ne prétend pas à l’exhaustivité
des matières abordées.
Etats membres de l’ohada : bénin, burkina faso, cameroun, centrafrique,
comores, congo, côte d’ivoire, gabon, guinée-bissau, guinée-conakry,
guinée equatoriale, mali, niger, sénégal, tchad, togo et la rdc. L’adhésion
à l’ohada est ouverte à tout état membre de l’union africaine et à tout
état non-membre de l’union à condition d’y être invité par tous les états
parties.

I. Cadre juridique général des investissements


Afin de faciliter et développer les investissements au Maroc, plusieurs mesures ont été
adoptées, associées à l’application de nombreuses conventions bilatérales et
multilatérales.
A. La charte de l’investissement
La loi-cadre n°18-95 formant charte de l’investissement a fixé pour une
période de dix années à compter de 1996 la politique de l’etat en matière
de développement et de promotion des investissements. Les mesures
principalement d’ordre fiscal et douanier sont désormais intégrées dans
le droit commun.
Pour tenir compte des nouvelles orientations de l’économie marocaine
notamment en matière industrielle et des attentes des investisseurs en
termes de nouvelles incitations, une nouvelle charte de l’investissement
le 4 juillet 2016 est en cours d’élaboration.
B. Les conventions d’investissement conclues avec l’etat
Les investisseurs dont les programmes d’investissement remplissent un
des critères suivants peuvent conclure avec l’etat des conventions
d’investissements.
Du fait de nombreux arbitrages, élaboration de la nouvelle charte a pris
du retard mais elle devrait être soumise au parlement prochainement.
Critères
 Montant de l’investissement égal ou supérieur à 100 millions de
dirhams ;
 Au moins 250 emplois stables à créer ;
 Réalisation de l’investissement dans une des régions listées dans
le décret n° 2-98-520 du 5 rabbi 1419 (30 juin 1998) ;
 Transfert de technologie ;
 Contribution à la protection de l’environnement.
Avantages
Les conventions d’investissements permettent aux investisseurs de
bénéficier des avantages prévus par la charte de l’investissement et ses
textes d’application et d’une prise en charge par l’etat d’une partie des
dépenses suivantes :
 Dépenses d’acquisition du terrain nécessaires aux investissements
à hauteur de 20 % ;
 Dépenses d’infrastructure externe dans la limite de 5% du montant
du programme d’investissement ;
 Frais de formation professionnelle à hauteur de 20 %.
En tout état de cause la participation totale de l’etat ne doit pas dépasser
5 % du montant global du programme d’investissement ou 10 % dans
certains cas.
En parallèle à ce régime conventionnel, la fondation hassan ii pour le
développement économique et social est en mesure de contribuer au
financement des projets d’investissement dans différents secteurs
définis.
C. Liberté d’investissement
Les flux financiers entre le maroc et l’étranger sont soumis à la
réglementation des changes instaurée par le dahir du 30 août 1949
relatif à la répression des infractions à la réglementation des changes,
modifié et complété par le dahir du 27 octobre 1951, et l’instruction
générale des opérations de change de 2013 complétée par différentes
circulaires.
Le principe qui anime la réglementation des changes repose sur la
nécessité d’obtenir l’accord préalable de l’office des changes pour toutes
les opérations donnant lieu à un flux financier entre le maroc et l’étranger
lorsqu’elles ne sont pas autorisées ou prévues par la réglementation des
changes.
Investissements étrangers
Les investisseurs étrangers au maroc bénéficient de la liberté d’investir et de rapatrier
les fruits de leurs investissements à condition de les financer en devises et d’en faire la
déclaration à l’office des changes selon un modèle pré-établi.
Par ailleurs, l’exercice d’activités commerciales par un étranger n’est pas soumis à la
présence d’un associé marocain dans le capital.
Investissements à l’étranger par les entreprises de droit marocain 
Les entreprises de droit marocain peuvent investir à l’étranger sans
l’accord préalable de l’office des changes lorsque le montant des
investissements ne dépasse pas 50 millions de dirhams ou 100 millions
de dirhams pour les investissements en afrique.
Conventions intra-groupe
Très souvent lorsqu’un groupe s’implante à l’étranger, des conventions
de prestations de services sont conclues entre la nouvelle structure et
une ou plusieurs filiales du groupe à l’étranger notamment en matière de
prestations d’assistance technique ou de concession de droits de
propriété industrielle.
De telles conventions peuvent être conclues librement au maroc sous
réserve de respecter les conditions prévues aux articles 55 et suivants
de l’instruction générale des opérations de change de 2019. Est toutefois
soumise à l’accord préalable de l’office des changes la participation des
filiales marocaines aux frais engagés par leurs maisons-mères au titre
des frais de gestion, des frais de siège, des frais liés aux services
mutualisés et des frais de recherche et de développement.
Les rémunérations attachées aux conventions intra-groupe ont
également des incidences fiscales liées à leur caractère déductible ou
non, à la retenue à la source (sous réserve des conventions fiscales de
non double imposition) et à la taxe sur la valeur ajoutée. Il convient de
signaler que les entreprises imposables au maroc et ayant directement
ou indirectement des liens de dépendance avec des entreprises situées
à l’étranger peuvent demander à l’administration fiscale de conclure un
accord préalable sur les prix de transfert pour une durée ne dépassant
pas quatre années.
D. Le guichet unique
En application des directives de la lettre royale du 09 janvier 2002
relative à la gestion déconcentrée de l’investissement, des guichets
uniques dénommés « centres régionaux d’investissement » (cri) ont été
institués afin de faciliter le parcours des investisseurs. Ils assurent deux
missions : l’aide à la création d´entreprises et l´aide à l’investissement.
Au regard de l’aide à la création d’entreprises, l’investisseur dépose son
dossier de création de société auprès du cri de la région où il s’implante,
qui se charge de faire immatriculer l’entreprise auprès des différentes
administrations concernées : administration fiscale, caisse nationale de
sécurité sociale et registre du commerce. Après immatriculation, le cri
délivre les différents justificatifs portant les numéros d’immatriculation. Le
délai  annoncé pour créer une entreprise est de 2 jours ; en pratique il
peut atteindre plus d’une semaine sans compter le temps pris par le
processus de rédaction et de signature des statuts de la société.
En matière d’aide à l’investissement, le cri étudie les demandes
d’autorisations administratives ou prépare les actes administratifs
nécessaires à la réalisation des projets d’investissement et les projets de
conventions à conclure avec l’état.
Suites aux dysfonctionnements constatés, la loi n°47-18 portant réforme
des cri et création des commissions régionales unifiées d’investissement
a été publiée au bulletin officiel n° 6754 du 21 février 2019 (version
française). La loi entrera en vigueur à compter de la date d’installation
des organes d’administration et de gestion des cri. Elle a pour objet de
faciliter l’acte d’investissement.
E. Les conventions bilatérales et internationales
Le maroc est signataire d’un grand nombre de conventions bilatérales destinées à
faciliter et protéger les investissements étrangers sur son territoire notamment avec la
france avec laquelle il a signé notamment les conventions suivantes :
 La convention fiscale de non double imposition du 29 mai 1970 ;
 La convention de sécurité sociale du 22 octobre 2007 ;
 L’accord sur la protection, l’encouragement et la garantie réciproque des
investissements du 13 janvier 1996 ;
 L’accord en matière de séjour et de l’emploi du 9 octobre 1987.
Sur un plan international, le maroc a ratifié :
 La convention internationale de washington instituant le centre international de
règlement des différends relatifs aux investissements qui a pour vocation de
faciliter le règlement des litiges relatifs aux investissements entre les
gouvernements et les investisseurs étrangers ;
 La convention instituant l’agence multilatérale de garantie des investissements
qui offre des garanties contre différents risques (inconvertibilité des monnaies,
restriction aux transferts, expropriations, guerre, terrorisme et troubles civils,
etc.).
Le maroc a également adhéré ces dernières années à plusieurs instruments clés de
l’ocde : la déclaration sur l’investissement international et les entreprises
multinationales, la déclaration sur l’intégrité, la probité et la transparence dans la
conduite des affaires et de la finance et la convention concernant l’assistance
administrative mutuelle en matière fiscale.
F. Casablanca finance city
Casablanca finance city (cfc) est une place financière régie par la loi n°
44-10 située à casablanca.
Elle a pour vocation d’attirer en son sein les entreprises souhaitant
investir à l’étranger, et plus particulièrement sur le continent africain.
Seules les entreprises financières ou non financières exerçant les
activités limitativement énumérées et les sièges régionaux ou
internationaux peuvent se voir octroyer le statut cfc.
Le statut confère aux entreprises labellisées des avantages fiscaux en
termes d’impôt sur les sociétés, d’impôt sur le revenu et de droits
d’enregistrement, ainsi qu’en environnement « doing business » attractif
en matière de facilitation administrative dans le cadre du processus de
création d’entreprise, de recrutement de salariés étrangers et de
réglementation des changes.

Ii. Modalités d’implantation d’une activité commerciale


 en fonction de ses objectifs et de la portée de son projet, l’investisseur a
le choix entre différentes formes juridiques pour exercer les activités
envisagées.
1. Modalités d’exercice d’une activité commerciale
les activités commerciales peuvent être exercées sous diverses formes :
 L’auto-entreprenariat (la loi n°114-13 relative au statut de l’auto-
entrepreneur limite le chiffre d’affaires et les activités autorisées) ;
 L’entreprise individuelle ;
 La société commerciale.
2. Modalités d’implantation d’un investisseur étranger
Un investisseur étranger a plusieurs options pour s’implanter au Maroc.
A. Création d’une structure
Une société étrangère peut créer :
 Une filiale sous la forme d’une société commerciale,
 Une succursale,
 Un bureau de liaison s’il s’agit d’une simple activité de
représentation.
B. Reprise d’une société existante
Un investisseur, personne physique ou morale, peut :
 Acquérir la totalité du capital d’une société existante, ou
 Prendre une participation minoritaire ou majoritaire sous la forme
d’une acquisition de titres d’une société existante ou à créer ou de
souscription à une augmentation de capital.
Lors de l’acquisition d’une partie du capital d’une société, il est fortement
conseillé de conclure un pacte d’actionnaires et une garantie d’actif et de
passif avec les associés historiques.
Cas particulier des opérations d’envergure constitutives d’opérations de
concentration
En application de l’article 11 de la loi n° 104-12 relative à la liberté des
prix et de la concurrence, les opérations d’acquisition d’envergure
peuvent être qualifiées d’opérations de concentration, et dès lors être
soumises à l’accord préalable du conseil de la concurrence lorsqu’une
des trois conditions suivantes est réalisée :
 Le chiffre d’affaire total mondial, hors taxes, de l’ensemble des
entreprises ou groupes de personnes physiques ou morales
parties à la concentration est supérieur à 750 millions de dirhams ;
 Le chiffre d’affaires total, hors taxes, réalisé au Maroc par deux au
moins des entreprises ou groupes de personnes physiques ou
morales concernés est supérieur à 250 millions de dirhams ;
 Les entreprises qui sont parties à l’acte, ou qui en sont l’objet, ou
qui lui sont économiquement liées ont réalisé ensemble, durant
l’année civile précédente, plus de 40% des ventes, achats aux
autres transactions sur un marché national de biens, produits ou
services de même nature ou substituables, ou sur partie
substantielle de celui-ci.
Sont qualifiées d’opérations de concentration les opérations suivantes :
 Fusion entre au moins deux entreprises antérieurement
indépendantes ;
 Acquisition par une ou plusieurs personnes détenant déjà le
contrôle d’une entreprise ou non, directement ou indirectement, par
prise de participation au capital ou achat d’éléments d’actifs,
contrat ou tout autre moyen, du contrôle de l’ensemble ou d’une
partie d’une autre entreprise ou de l’ensemble ou de parties de
plusieurs autres entreprises ;
 Acquisition par une ou plusieurs entreprises, directement ou
indirectement, par prise de participation au capital ou achat
d’éléments d’actifs, contrat ou tout autre moyen, du contrôle de
l’ensemble ou d’une partie d’une autre entreprise ou de l’ensemble
ou de parties de plusieurs autre entreprises.
3. Principales sociétés commerciales utilisées
Les principales formes de sociétés utilisées au Maroc sont la société à
responsabilité limitée (Sarl) et la société anonyme (sa). Elles ont pour
avantage de limiter la responsabilité des associés aux montants de leurs
apports contrairement à la société en nom collectif.
Elles sont obligatoirement immatriculées au registre du commerce.
La création d’une Sarl ou d’une sa donne lieu à la rédaction de statuts et
à la réalisation d’apports en numéraire ou en nature.
A. La Sarl
La Sarl est régie par la loi n° 5-96 du 13 février 1997 sur la société en
nom collectif, la société en commandite simple, la société en
commandite par actions, la société à responsabilité limitée et la société
en participation, promulguée par le dahir du 13 février 1997, telle qu’elle
a été modifiée et complétée.

Nombre
 de 1 (Sarl à associé unique) à 50
d’associés

Capital social Absence de capital social minium

Au moins un gérant, associé ou non, personne


Gérance physique, qui peut être résident (titre de séjour
obligatoire) ou non au Maroc.

Cession de Librement cessibles mais possibilité de prévoir une


parts clause d’agrément.
sociales à un
associé
Cession de
parts Agrément donné à la majorité des associés représentant
sociales à un les 3/4 des parts sociales.
tiers
Appel public
Interdit
à l’épargne
Commissaire Obligatoire si le chiffre d’affaires dépasse 50 millions de
aux comptes dirhams hors taxes

Elle est régie par la loi n° 17-95 du 30 août 1996 relative aux sociétés
anonymes, telle qu’elle a été modifiée et complétée.
Le tableau suivant ne présente pas les dispositions applicables aux sa à
directoire et conseil de surveillance.

Nombre
 au moins 5
d’actionnaires

Capital social Au moins 300.000 dirhams

Conseil d’administration (ca) composé de 3


administrateurs au moins, personne physique ou
morale, et obligatoirement actionnaires de la société.
Le président du ca est obligatoirement une personne
Administration
physique. L’administration personne morale doit
nommer un représentant permanent. Les premiers
administrateurs nommés pour 3 ans, puis pour 6 ans
maximum.
Un directeur général (dg) ou direction générale
Direction  assumée par le président du ca (président directeur
général). Il peut être assisté par un dg délégué.
Cession d’action
entre actionnaire Liberté de cession
s
Cession d’action Agrément possible dans les conditions prévues par
à des tiers  les statuts
Appel public à
Oui
l’épargne 
Commissaire aux
Obligatoire
comptes
En savoir plus : cliquer ici
Autres formes sociale
Il est possible de créer une société anonyme simplifiée (sas) qui a pour
avantage d’offrir une grande souplesse statutaire aux associés pour
organiser la gouvernance et leurs relations contractuelles. Elle a
toutefois pour inconvénient de ne pouvoir être constituée que par des
sociétés et à condition que leur capital soit au moins égal à 2 millions de
dirhams ou à la contre-valeur en monnaie étrangère. Elle ne peut pas
faire appel public à l’épargne.
Il est également possible de constituer une société en commandite par
actions (SCA) qui permet notamment d’organiser librement dans les
statuts les conditions de nomination et de révocation de la gérance. Elle
se caractérise par deux types d’associés : les commanditaires dont la
responsabilité est limitée aux apports et les commandités dont la
responsabilité est indéfinie et solidaire, c’est-à-dire qu’ils assument seuls
la totalité des pertes de la société. En contrepartie, leur accord est
nécessaire pour prendre les décisions en assemblée générale. Ils
peuvent donc bloquer des décisions voulues par les commanditaires. La
gestion est confiée à un gérant, tandis qu’un conseil de surveillance en
assume le contrôle permanent.
De même, peut être créée une société en nom collectif, dont tous les
associés ont la qualité de commerçant et engagent ainsi leur
responsabilité de manière indéfinie et solidaire, ainsi qu’une société en
commandite simple caractérisée par deux types d’associés à l’instar des
SCA: les commanditaires dont la responsabilité est limitée aux apports et
les commandités qui ont le statut des associés en nom collectif.
4. La succursale
La succursale est une émanation d’une société existante dite société
mère. Aussi contrairement à une filiale d’une société, elle n’a pas de
personnalité morale propre. Par conséquent, elle n’a pas de patrimoine
propre. Dès lors, la société mère est juridiquement responsable des
dettes éventuelles de sa succursale au maroc et devra faire face aux
éventuelles actions en responsabilité.
Malgré l’absence d’une personnalité juridique distincte de celle de sa
maison mère, elle possède une autonomie de gestion qui lui permet de
prendre des décisions par l’intermédiaire de son gérant mais les
engagements restent pris au nom de la maison mère.
La succursale doit être inscrite au registre du commerce.
5. Localisation du siège social
L’entreprise doit avoir un siège social qui est mentionné dans ses
statuts. En fonction de ses besoins, elle pourra choisir d’être domiciliée
auprès d’une entreprise de domiciliation ou de signer un bail
commercial. Elle pourra également se domicilier dans l’immeuble dont
elle serait propriétaire.
A. Domiciliation
Depuis la publication de loi n°89.17 modifiant et complétant le code de
commerce, l’activité de domiciliation est réglementée. Désormais, toute
domiciliation d’une entreprise ou d’un siège social devra être faite dans
les conditions définies par les nouveaux articles 544-1 à 544-11 du code
de commerce.
Ainsi, le contrat de domiciliation doit être fait par écrit selon un modèle
établi par décret, et pour une durée limitée renouvelable. Toutefois la
durée du contrat de domiciliation de certaines activités qui seront fixées
par décret est limitée.
Pour éviter des domiciliations de complaisance et une disparation des
sociétés domiciliées, le code de commerce soumet le domiciliataire et le
domicilié à de nombreuses obligations.
B. Bail commercial
Dans le cadre d’un investissement pérenne, il est habituel de signer un
bail commercial.
Le bail commercial est régi par la loi n°49-16. Il permet au locataire de
bénéficier du droit au renouvellement du bail lorsqu’il justifie d’une
jouissance consécutive d’au moins deux années. A défaut, il a droit à
une indemnité d’éviction. Le loyer est fixé par accord entre les parties. Il
ne peut être augmenté qu’au terme d’une durée de 3 ans et seulement
dans la limite de 10 %.
C. Acquisition
Lorsque l’investissement envisagé le nécessite, l’investisseur étranger
peut très bien acheter un bien immobilier pour exploiter ses activités et y
domicilier son siège social. L’acquisition d’un bien immobilier se fait par
acte authentique et donne lieu à des formalités d’inscription auprès de la
conservation foncière.

Iii. Financement des entreprises


Outre les financements en fonds propres ou par voie d’apports
en compte courant d’associés, les entreprises peuvent recourir
aux modes de financement bancaire habituels, tels que l’emprunt, le
crédit-bail, l’affacturage ou la mobilisation de créances commerciales.
Par ailleurs, à l’exception des sas et des sarl, les sociétés anonymes
peuvent se financer par voie d’appel public à l’épargne au moyen de
l’émission de valeurs mobilières cotées à la bourse des valeurs de
casablanca ou de titres négociables sous la forme de billets de
trésorerie.
En application de la loi n° 33-06 relative à la titrisation de créances,
modifiée par la loi n°119-12, les entreprises peuvent également céder
leurs actifs, qu’il s’agisse de créances nées ou à naître, de titres en
capital et de créances, ou de tous autres actifs corporels ou incorporels,
immobiliers ou mobiliers, matières premières, en contrepartie de
liquidités dans le cadre d’opérations de titrisation.
En outre, les entreprises qui le souhaitent peuvent se financer au moyen
de produits financiers islamiques émis par les banques participatives.
Un projet de loi relatif au financement collaboratif (crowdfunding) a été
introduit dans le circuit législatif. Il doit permettre par l’intermédiaire de
plateformes internet de financer les entreprises sous la forme d’émission
de droits sociaux, de prêts ou sous la forme de dons en numéraire avec
ou sans contrepartie.

Iv. Relations contractuelles commerciales


Les relations contractuelles sont soumises à plusieurs réglementations.
1. Le droit commun
Les contrats sont régis par le dahir du 12 août 1913 formant code des
obligations et des contrats (doc). Le doc constitue ce qu’on appelle de
manière habituelle le droit commun applicable aux relations
contractuelles (équivalent du code civil en droit français). Il est marqué
par le principe de la liberté contractuelle. Le doc a été modifié et
complété en 2007 pour permettre de conclure et de signer des contrats
par voie électronique.
Le doc régit également un certain nombre de contrats qui sont utilisés
dans la vie des affaires comme la vente, l’échange, le bail ou le mandat.
Il régit également la vente d’immeuble en état futur d’achèvement. Les
contrats de distribution comme la franchise ou la concession
commerciale ne faisant l’objet d’aucune réglementation particulière, sont
soumis au droit commun.
2. Le code de commerce
Le code de commerce régit les contrats commerciaux suivants :
 Les contrats portant sur le fonds de commerce
 Le nantissement
 L’agence commerciale
 Le courtage
 La commission
 Le crédit-bail
 Le transport de choses et des personnes
 Les contrats bancaires
3. Dispositions spécifiques
D’autres contrats que l’on retrouve dans la vie des affaires sont soumis à
des réglementations spécifiques comme le bail commercial.
Délais de paiement
Si le doc pose le principe de la liberté contractuelle, le code de
commerce impose depuis quelques années aux entreprises le respect de
délais de paiement. Tout délai de paiement convenu entre des
commerçants ne peut pas dépasser 90 jours à compter de la date de
réception des marchandises ou d’exécution de la prestation fournie. A
défaut de délai convenu, le paiement doit intervenir dans un délai de 60
jours maximum. A défaut de paiement dans les délais, une indemnité de
retard est exigible, égale au taux directeur de bank al-maghrib le plus
récent, majoré de 7 points de marge de pourcentage. Lorsque le taux est
convenu, il doit être au moins égal au taux précité. Il n’est pas permis de
déroger à ces dispositions. Le code de commerce prévoit des
dérogations possibles mais les textes d’application n’ont pas été encore
adoptés.
En pratique, quasiment aucune entreprise ne respecte les délais de
paiement et rares sont celles qui exigent le paiement des indemnités
pour préserver la relation commerciale bien que l’administration fiscale
est en droit de réintégrer les indemnités non réclamées dans le bénéfice
imposable de l’entreprise créancière.
En matière de marchés publics les délais de paiement et les intérêts
moratoires sont régis depuis le 1er janvier 2017, par le décret n° 2-16-
344, du 22 juillet 2016.
Droit applicable à un contrat international
L’article 13 du dahir du 12 août 1913 sur la condition civile des français
et des étrangers pose le principe de l’autonomie de la volonté dans le
choix de la loi applicable au contrat ; à défaut, il donne aux juges les
critères de détermination de la loi applicable.
Il est ainsi permis aux parties à un contrat international de le soumettre à
la loi de l’une des parties mais également à un droit étranger aux parties.
Ce point n’est pas négligeable selon les avantages que présentera un
droit national par rapport à un autre des parties.

V. Relations de travail
Les relations individuelles et collectives de travail sont régies par la loi
n°65-99 formant code du travail et les textes d’application. Outre la
relation de travail, le code du travail réglemente les négociations au sein
de l’entreprise, les institutions représentatives des salariés et le
règlement des conflits collectifs.
Le droit de grève, garanti dans la nouvelle constitution de 2011, fait
l’objet d’un projet de loi organique en cours de négociation. Ce vide
n’empêche pas les salariés d’user du droit grève.
Les salariés peuvent être embauchés sous la forme de contrats à durée
indéterminée ou déterminée dans les cas prévus par le code du travail.
Ils bénéficient d’un salaire minimum légal.
Les salariés licenciés pour faute bénéficient d’un préavis, sauf en cas de
faute grave, dont la durée dépend de l’ancienneté et du versement d’une
indemnité de licenciement dont le montant est fixé en fonction de
l’ancienneté dans l’entreprise et après 6 mois de travail.
En cas de licenciement abusif, les salariés ont droit à des dommages-
intérêts dont le montant est fixé sur la base du salaire d’un mois et demi
par année ou fraction d’année d’ancienneté sans toutefois dépasser
le plafond de 36 mois.
Les salariés licenciés pour des raisons économiques bénéficient d’une
indemnité pour perte d’emploi dont le financement est pris en charge par
l’employé et l’employeur.
L’âge de la retraite est fixé à 60 ans. Toutefois le ministère du travail
peut autoriser une entreprise à garder un salarié au-delà de l’âge légal si
le salarié en est d’accord.
Embauche de salariés étrangers
L’embauche de salariés étrangers est soumise à l’accord préalable de
l’agence nationale de la promotion de l’emploi et des compétences
(anapec), sauf dans certains cas limités tels que les personnes
associées d’une société de droit marocain, puis à l’accord du ministère
du travail sous la forme d’un visa apposé sur le contrat de travail
étranger (cte) qui fait l’objet d’un modèle type.
Depuis le 1er juin 2017, les demandes de visas de contrat de travail pour
les salariés étrangers sont désormais instruites via le
site www.taechir.travail.gov.ma
Attention les visas sont donnés pour une durée limitée, ce qui fait que le
cte a la nature d’un contrat de travail à durée déterminée même si
plusieurs cte se succèdent entre les parties, et même si l’employeur et
l’employé ont signé en parallèle un contrat de travail à durée
indéterminée. Cette situation conduit à de nombreux litiges devant les
tribunaux lors de la terminaison du contrat de travail ou du licenciement
du salarié. Toutefois, il semblerait que la cour de cassation qualifie le cte
renouvelé comme un contrat de travail à durée indéterminée pour
accorder au salarié dont le cte n’est pas renouvelé des indemnités pour
licenciement abusif.

Vi. Régulation de la concurrence


Attaché à l’économie de marché, le maroc a mis en place depuis une
vingtaine d’années une réglementation régulant la libre concurrence et
posant le principe de la liberté des prix.
Les piliers du droit de la concurrence ont été posés par la loi n° 06-99
sur la liberté des prix et de la concurrence. Toutefois le pilier
institutionnel reposant sur la mise en place d’un conseil de la
concurrence a rapidement été critiqué dans la mesure où ce dernier
n’était qu’un organe consultatif, le premier ministre ayant les pouvoirs de
saisir le conseil et de prendre des sanctions.
Suite aux manifestations populaires dans la foulée du printemps arabe,
une nouvelle constitution a été adoptée par voie de référendum en 2011
qui a érigé le conseil de la concurrence en une instance constitutionnelle
de bonne gouvernance et de régulation.
A la suite de cette constitutionnalisation du conseil de la concurrence, la
loi n° 06-99 a été abrogée par deux nouvelles lois renforçant la
régulation de la concurrence et dotant enfin le conseil de la concurrence
de vrais pouvoirs :
 La loi n°104-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence, et
 La loi n° 20-13 relative au conseil de la concurrence.
La loi n° 104-12 prévoit que les activités de production, de distribution et
de services sont soumises au principe de libre concurrence et de liberté
des prix. Toutefois, l’administration peut intervenir pour fixer les prix de
certains biens, produits ou services dans des situations prévues par la loi
n°104-12. De même, les prix de certains biens, produits et services sont
toujours encadrés comme l’électricité et les produits pharmaceutiques.
D’un point de vue opérationnel, la loi n° 104-12 a élargi la liste des
pratiques anticoncurrentielles et des exceptions, ainsi que les seuils à
partir desquels les opérations de concentration doivent être notifiées au
conseil de la concurrence pour obtenir son accord préalable (voir
chapitre ii- b.  Cas particulier des opérations d’envergure constitutives
d’opérations de concentration). La loi encadre également les pratiques
restrictives de concurrence.
La loi a désormais doté le conseil de la concurrence de
pouvoirs décisionnaire, de sanction, d’enquête et d’auto-saisine, ils
restent malheureusement pour l’instant lettre morte dans la mesure où le
mandat des membres du conseil a pris fin en 2013, paralysant ainsi le
fonctionnement du conseil. Dans les faits, le conseil est saisi
parallèlement aux services du chef de gouvernement.

Vii. Protection du consommateur et sécurité des produits et des services


Les relations entre fournisseurs et consommateurs sont encadrées par la
loi n° 31-08 édictant des mesures de protection du consommateur. La loi
a notamment pour objet d’assurer une information claire du
consommateur et d’interdire les clauses abusives. Elle encadre certaines
pratiques commerciales telles que la publicité, les contrats conclus à
distance et le démarchage. Plusieurs dispositions s’appliquent aux
crédits à la consommation et aux crédits immobiliers.
Par ailleurs, la loi n° 24-90 relatif à la sécurité des produits et des
services définit les obligations des professionnels intervenant dans la
chaîne de fabrication et de distribution de produits et de services au
Maroc.
La loi n° 24-90 :
 Met notamment à la charge du fabricant du produit fini et de son
importateur une obligation générale de sécurité consistant à ne
mettre sur le marché que des produits ou des services sûrs, et ce à
peine de sanctions pénales,
Introduit le principe de la responsabilité civile du fait des produits
délictueux sans que celle-ci ne puisse faire l’objet de clauses limitatives
ou exonératoire de responsabilité.

Viii. Droits de propriété industrielle et intellectuelle


Les droits de propriété industrielle portant sur les marques et les brevets
sont protégés par la loi n° 17-97 relative à la protection industrielle, telle
qu’a été modifiée et complétée afin d’en aligner les dispositions sur les
meilleurs standards internationaux.
Le maroc a adhéré à l’arrangement de Madrid de 1891 concernant
l’enregistrement international des marques permettant ainsi de déposer
au bureau de l’office marocain de la propriété industrielle et commerciale
(ompic) une seule demande d’enregistrement d’une marque avec effet
pour tous les pays désignés dans la demande, et au patent coopération
treaty (pct) en matière de protection international des brevets.
Les droits d’auteurs sont quant à eux protégés par la loi n°2-00 relative
aux droits d’auteur et droits voisins. Les logiciels et les bases de
données ayant un caractère original bénéficient de la protection au titre
des droits d’auteur.
Durée de protection des droits

20 ans à compter de la date de dépôt de


Marque
la demande,  indéfiniment renouvelable
20 ans à compter de la date de dépôt de
Brevet
la demande
5 ans à compter de la date de dépôt de la
Dessin et modèle
demande et renouvelable pour 4 périodes
industriel
successives de 5 ans
70 ans pour les droits patrimoniaux et
Droits d’auteur
durée illimitée pour les droits moraux
Inventions des salariés
À défaut de stipulation contractuelle plus favorable au salarié, l’article 18
de la loi n°17-97 distingue deux catégories d’inventions auxquelles sont
attachés des régimes différents :
 Les inventions faites par un salarié dans le cadre de son contrat de
travail comportant une mission inventive qui correspond à ses
fonctions effectives, ou d’études et de recherches qui pourraient lui
être explicitement confiées, appartiennent à l’employeur. Toutefois
le salarié concerné a droit à une rémunération supplémentaire fixé
par le contrat de travail ou la convention collective.
 Par contre, toutes les inventions dites hors mission appartiennent
au salarié. Dans certaines conditions définies par loi n° 17-97,
l’employeur a le droit de se faire attribuer la propriété ou la
jouissance de tout ou partie des droits attachés au brevet
protégeant l’invention du salarié. En contrepartie, le salarié a droit
à un juste prix convenu entre les parties, ou, à défaut, fixé par le
tribunal.
Ix. Protection des données à caractère personnel
Toute entreprise qui collecte et traite des données à caractère personnel
doit le faire en conformité avec la loi n° 09-08 relative à la protection des
personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère
personnel.
La commission nationale de contrôle de la protection des données à
caractère personnel (cndp) est l’organe chargé du contrôle de la
protection des données personnelles.
La collecte et le traitement de données doivent faire l’objet d’une
déclaration préalable auprès de la cndp ou d’une autorisation préalable
de la cndp pour les données sensibles, puis être faits avec le
consentement des personnes et en respectant les principes de licéité, de
légitimité et de proportionnalité.
Toute personne qui collecte et traite des données à caractère personnel
doit désigner un responsable de traitement qui est soumis à diverses
obligations notamment de confidentialité et de sécurité.
Les personnes dont les données sont traitées bénéficient des
droits suivants :
 Droit à l’information ;
 Droit d’accès à leurs données ;
 Droit de rectification de leurs données ;
 Droit d’opposition au traitement de leurs données.
Lorsque des entreprises ont conclu un contrat aux termes duquel des
données à caractère personnel sont transmises, qu’il s’agisse de contrat
de sous-traitance ou non, l’entreprise qui transmet les données doit
s’assurer contractuellement que le prestataire garantit la protection des
données communiquées conformément à la loi n° 09-08.
Traitements simplifiés de données personnelles
La cndp est habilitée à prendre des délibérations organisant le traitement
de données personnelles pour certaines catégories d’entre elles telles
que les délibérations suivantes :
 N°98-au-2015 du 12/06/2015 portant modèle de demande
d’autorisation type relative au traitement des données à caractère
personnel dans le cadre de la gestion des fournisseurs;
 N° 32-2015 du 13/02/2015 portant modèle de déclaration type
concernant les traitements de données à caractère personnel dans
le cadre de la gestion des clients;
 N° 508-au-2014 du 14/11/2014 portant modèle de déclaration type
concernant les traitements de données à caractère personnel
relatifs à la vente en ligne;
 N°298-au-2014 du 11/04/2014 portant modèle de demande
d’autorisation type relative au traitement de données à caractère
personnel mis en œuvre par le secteur privé ou assimilé en vue de
la gestion des ressources humaines
 N°478-2013 du 01/11/2013 portant sur les conditions nécessaires
à l’utilisation des dispositifs biométriques pour le contrôle d’accès.

- Règlement des litiges commerciaux


Les litiges commerciaux sont soumis aux tribunaux de commerce dont il
peut être fait appel des jugements devant les cours d’appel de
commerce. Les parties en litige peuvent également former un pourvoi
devant la chambre commerciale de la cour de cassation contre les
décisions de justice rendues en dernier ressort.
Les parties à un litige commercial peuvent choisir de le soumettre à un
tribunal arbitral composé d’un ou de plusieurs arbitres en nombre impairs
ou recourir à un processus de médiation conventionnelle dans les
conditions prévues par le code de procédure civile dans le cadre d’un
compromis ou d’une clause contractuelle d’arbitrage ou de médiation.
Qu’est-ce que la médiation ?
Contrairement à la justice étatique ou privée, la médiation n’a pas pour
objet de trancher un litige. Elle permet aux parties en conflit, avec l’aide
d’un tiers appelé le médiateur, neutre, indépendant, impartial,  de
solutionner leur différend, non par la recherche d’un compromis mais par
ce qui sera pour elles la meilleure solution répondant à leurs besoins et
intérêts. La médiation est un mode amiable de règlement des conflits au
cours du duquel le médiateur aide les parties à trouver elles-mêmes une
solution négociée. Le médiateur, à l’inverse d’un conciliateur, ne propose
pas de solutions.
Source :www.casablancafinancecity.com
Source :www.cndp.ma

I- Le déni de Justice

Le principe du déni de justice incarne la mauvaise administration de la justice par les


tribunaux locaux.[6] Les actes interdits de la justice locale tournent principalement
autour de l'accès à la justice, discrimination et exécution lente ou inexistante de
décisions de justice favorables à un investisseur étranger.[7]

L'une des définitions les plus anciennes et les plus souvent citées du déni de justice est
celle qui figure dans le L. Fay, H. Neer et Pauline Neer (Etats-Unis) v. États-Unis
mexicains Cas. Tel que défini par le tribunal dans Vers le bas:
[J]Le traitement d'un étranger, afin de constituer une délinquance internationale,
devrait s'élever à un outrage, à la mauvaise foi, à la négligence volontaire du devoir, ou
à une insuffisance de l'action gouvernementale si loin des normes internationales que
tout homme raisonnable et impartial reconnaîtrait facilement son insuffisance.[1]
Le contenu du principe de déni de justice se trouve dans le Ambatielos[2] Cas. Là, le
tribunal a déclaré que:

[J]l'étranger doit jouir de la pleine liberté de comparaître devant les tribunaux pour la
protection ou la défense de ses droits, que ce soit en tant que demandeur ou défendeur;
à intenter toute action prévue ou autorisée par la loi, à remettre tout acte de défense à
titre de défense, compensation ou demande reconventionnelle, d'engager un avocat,
pour apporter des preuves, documentaire ou oral ou de toute autre nature; faire une
demande de caution, interjeter appel et, en bref, utiliser pleinement les tribunaux et se
prévaloir des recours ou garanties procéduraux prévus par la loi du pays afin que
justice soit rendue sur un pied d'égalité avec les ressortissants du pays.(accents ajoutés)
[3]

Une définition plus récente du déni de justice provient de la Azinian v. Mexique


arbitrage, qui a identifié quatre types de déni de justice:

Un déni de justice pourrait être plaidé si les tribunaux compétents refusent de


poursuivre, si ils le soumettent à un retard injustifié, ou si ils administrer la justice
d'une manière gravement inadéquate… Il existe un quatrième type de déni de justice, à
savoir la mauvaise application claire et malveillante de la loi.[4] (accents ajoutés)
Une définition plus large du déni de justice a été trouvée dans le Loewen v. Etats-Unis
arbitrage. Là, le tribunal arbitral a conclu qu'un déni de justice nécessitait une «une
injustice manifeste dans le sens d'un manque de procédure régulière conduisant à un
résultat qui porte atteinte au sens de la convenance judiciaire".[5] Bien que le tribunal
Loewen a finalement jugé qu'il n'avait pas compétence, elle a conclu que la procédure
devant un tribunal américain était si biaisée qu'elle équivalait à un déni de justice.

Le déni de justice peut concerner une procédure pénale. Le tribunal de Tokios Tokelés
a souligné les violations des principes de conduite fondamentaux dans les procédures
pénales comme une manifestation de déni de justice.[8]

Le déni de justice peut également concerner des procédures administratives locales. Ce


fut notamment le cas Gaine métallique v. Mexique Cas, où les autorités
administratives mexicaines n'ont pas délivré à tort un permis à un investisseur
étranger.[9]

Le déni de justice dans l'arbitrage international concerne des actes ou des omissions du
pouvoir judiciaire d'un État pour lesquels un État peut être internationalement
responsable. Bien que le pouvoir judiciaire soit un organe fonctionnellement
indépendant de l'exécutif et du gouvernement d'un État, c'est toujours un organe de
l'Etat. Par conséquent, Les États peuvent être tenus internationalement responsables
des actes et omissions de leurs tribunaux.[1]

D'après J. Paulsson, le déni de justice peut être reconnu dans les circonstances
suivantes: “refus d'accès à un tribunal pour défendre des droits légaux, refus de
décider, retard déraisonnable, discrimination manifeste, la corruption, ou la soumission
à la pression de l'exécutif.” [2]

Les critères ci-dessus n'ont pas toujours été suivis par les tribunaux arbitraux
investisseur-État, toutefois. Différents niveaux de responsabilité internationale ont été
trouvés par les tribunaux arbitraux, donnant lieu à de multiples appréciations de déni
de justice.

Définition de déni de justice

La loi n°2007-1787 du 20 décembre 2007 sur la simplification du droit a


caractérisé le déni de justice par la circonstance que les juges ont refusé
de répondre aux requêtes ou ont négligé de juger les affaires en état et
en tour d'être jugées. Ce même texte précise que l'etat est civilement
responsable des condamnations en dommages et intérêts qui sont
prononcées à raison des faits de déni de justice sauf son recours contre
les juges qui s'en sont rendu coupables.

L'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, édicte


que "toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un
tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des
contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-
fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle". Cette
disposition a servi de fondement à la reconnaissance, par la cour
européenne des droits de l'homme, d'un droit d'accès à la justice, du
droit à un recours juridictionnel. Selon cet arrêt, "le principe selon lequel
une contestation civile doit pouvoir être portée devant un juge compte au
nombre des principes fondamentaux du droit universellement reconnus ;
il en va de même du principe de droit international qui prohibe le déni de
justice. L'article 6.1 doit se lire à leur lumière. Si ce texte passait pour
concerner exclusivement le déroulement d'une instance déjà engagée
devant un tribunal, un etat contractant pourrait, sans l'enfreindre,
supprimer ses juridictions ou soustraire à leur compétence le règlement
de certaines catégories de différends de caractère civil pour le confier à
des organes dépendant du gouvernement. Pareilles hypothèses,
inséparables d'un risque d'arbitraire, conduirait à de graves
conséquences contraires auxdits principes et que la cour ne saurait
perdre de vue... Aux yeux de la cour, on ne comprendrait pas que
l'article 6.1 décrive en détail les garanties de procédure accordées aux
parties à une action civile en cours et qu'il ne protège pas d'abord ce qui
seul permet d'en bénéficier en réalité : l'accès au juge. Équité, publicité
et célérité du procès n'offrent point d'intérêt en l'absence de procès. "

Si l'impossibilité pour une partie d'accéder au juge chargé de se


prononcer sur sa prétention et d'exercer un droit qui relève de l'ordre
public international constitue un déni de justice fondant la compétence
de la juridiction française lorsqu'il existe un rattachement avec la france,
la seule détention par une société française d'une partie du capital d'une
société étrangère ne constitue pas un lien de rattachement au titre du
déni de justice.
Que l'instance ait été ou non régulièrement engagée par une partie,
toute demande introduite devant une juridiction, contraint le juge qui en
est saisi à statuer. L'absence de décision mettant fin à l'instance prise
dans un délai raisonnable ou prise avec un retard qui ne serait pas
justifié par les circonstances propres à la procédure (encombrement des
rôles, renvois successifs demandés par les parties, absence de
diligences de la partie requérante, non remise des pièces demandées
par le tribunal, cas de suspension légale de l'instance, exécution
de mesures d'instruction. .) Et qui révélerait une volonté du juge de ne
pas statuer, constituerait un des cas d'ouverture de la "prise à partie".
Elle engagerait la responsabilité de l'etat. Quant à l'appréciation de la
durée de procédures ayant eu le même objet, il convenait, non pas, de
considérer la durée de chaque procédure prise isolément, mais de
prendre en compte l'espace de temps qui a été nécessaire à l'obtention
de la solution finale Pour ce qui est du déroulement d'une procédure
arbitrale internationale, la première chambre de la cour de cassation a
jugé que l'impossibilité pour une partie d'accéder au juge, fût-il arbitral,
chargé de statuer sur sa prétention et d'exercer ainsi un droit qui relevait
de l'ordre public international consacré par les principes de l'arbitrage
international, constituait un déni de justice justifiant la compétence
internationale du juge français.
-Sanctions face au déni de justice
Il s’agit de punir le mauvais exercice de la justice et non l’intention du
juge :
 Sanction pénale : le déni de justice constitue une entrave à
l’exercice de la justice. Il est sanctionné par l’article 434-7-1 du
code pénal : « le fait par un magistrat, ou toute autre personne
siégeant dans une formation juridictionnelle ou toute autorité
administrative, de dénier de rendre la justice après en avoir été
requis, et de persévérer dans son déni après avertissement ou
injonction de ses supérieurs est puni de 7 500 € d'amende et de
l'interdiction de l'exercice des fonctions publiques pour une durée
de cinq à vingt ans. »
 Action civile en responsabilité : l’article l 141-1 du code de
l’organisation judiciaire dispose que « l’état est tenu de réparer le
dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la
justice. Cette responsabilité n’est engagée que par une faute
lourde ou par un déni de justice.»
L’état est donc civilement responsable des condamnations à des
dommages et intérêts pour cause de déni de justice. La responsabilité
des magistrats judiciaires pour des fautes personnelles se rattachant au
service de la justice ne peut être engagée que sur action récursoire de
l’état.
Comment invoquer un déni de justice ?
Vous pouvez invoquer un déni de justice par la procédure de la prise à
partie des articles 366-1 et suivants du code de procédure civile :
 Le requérant doit produire deux sommations de juger délivrées par
huissier de justice au greffe de la juridiction.
 Le greffier vise l’original et le transmet au juge.
 La sommation doit être réitérée passé un délai de huit jours.
 C’est le premier président de la cour d’appel qui statue après avoir
pris l’avis du procureur général.

Section 2 : L’irruption des droits de l’Homme dans le contentieux


arbitral transnational relatif à l’investissement

III – L’opposition entre la protection de l’investissement et la protection


des droits de l’Homme
III-1) L’opposition de la protection de l’investissement
Il y a longtemps que la protection des ressortissants étrangers
préoccupe le droit international. Bien avant l’apparition des traités
d’investissement modernes, tous les États avaient fixé des normes
minimales de protection (relevant du droit international coutumier) même
si la portée de ces obligations a par la suite suscité bien des
controverses et des débats. Il faut rappeler que le droit international
encadrant le traitement des ressortissants étrangers ne protège pas
seulement les acteurs économiques, mais aussi les simples citoyens. De
ce fait, bon nombre des griefs formulés par des gouvernements contre
des États étrangers au 19e siècle et au début du 20e pour mauvais
traitements à l’endroit de leurs ressortissants portaient sur des violences
ou des violations de ce qu’on pourrait appeler les droits civils de ces
personnes. Il s’agit notamment de cas d’arrestation ou de détention
arbitraire, de brutalité policière, de détention au secret ou de violence
collective ciblant des étrangers. Qui plus est, il est arrivé que les traités
négociés pour confirmer ou compléter ces obligations de faible portée
visent à protéger non seulement des biens ou des intérêts économiques,
mais aussi les droits civils et les libertés religieuses. De fait, l’un des
principaux objectifs poursuivis par plusieurs États, notamment les États-
Unis et le Royaume-Uni, dans leurs négociations avec d’autres pays,
était d’obtenir des garanties de respect de la liberté religieuse, ou du
moins de la liberté de conscience, pour la protection des ressortissants
étrangers6. Durant la seconde moitié du 20e siècle, les plaintes pour
préjudices personnels ou décès de ressortissants étrangers ont eu
tendance à provenir de victimes recourant aux mécanismes du système
de protection des droits humains à mesure qu’ils voyaient le jour tandis
que les plaintes portées par les États contre d’autres États pour mauvais
traitements de leurs ressortissants tendaient à porter sur des préjudices
économiques subis par des étrangers. Dans le même sens, la
négociation de traités de large portée protégeant tout l’éventail de droits
civils et économiques garantis aux ressortissants étrangers, a semblé
alors passer de mode. En revanche, durant la même période, on a pu
voir se multiplier des accords plus étroits visant à protéger une seule
catégorie de ressortissants étrangers : celle des investisseurs et leurs
investissements. Ces traités internationaux de force contraignante
protègent autant les entreprises que les personnes, mais au sens de
leurs intérêts économiques et non au sens plus général de la protection
de la santé et du bien-être de ces acteurs contre toute forme
d’interférence8. Ce sont sur ces traités d’investissement et sur leur
application que nous allons nous pencher ici. Avec la croissance
spectaculaire des flux d’investissement étranger direct (IED) dans le
monde, la charpente de traités internationaux d’investissement s’est
tranquillement élargie pour encadrer les milliards de dollars que
représentent ces mouvements de capitaux transfrontaliers.
Contrairement au système mis sur pied pour encadrer le commerce
international centralisé depuis longtemps autour de l’Organisation
mondiale du commerce (OMC) et, avant elle, autour de l’Accord général
sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) , l’investissement
étranger est gouverné par un patchwork complexe et hautement
décentralisé de traités bilatéraux d’investissement (TBI). On sait que les
efforts déployés pour mettre en place un accord multilatéral
d’investissement unique ont systématiquement échoué, souvent à cause
de l’opposition concertée de groupes de la société civile qui se méfiaient
des motifs animant les promoteurs de ces initiatives. Les organisations
non gouvernementales (ONG) de défense des droits humains ont été le
fer de lance du mouvement d’opposition à l’Accord multilatéral sur
l’investissement (AMI) négocié par l’Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE) et, plus tard, à une initiative
lancée par des États membres de l’OMC. À l’échelle régionale, les ONG
de défense des droits humains ont également animé le mouvement
d’opposition au projet de Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA),
accord susceptible de contenir un chapitre sur l’investissement inspiré du
modèle des traités bilatéraux d’investissement. La crainte que l’AMI ou la
ZLEA confèrent de puissantes protections légales aux biens et aux
actifs, et restreignent le pouvoir des États de réglementer l’activité
économique au nom d’objectifs plus larges, comme la promotion et la
protection des droits humains, ou encore que ces accords obligent les
États à indemniser les investisseurs quand leurs politiques de promotion
des droits humains nuisaient aux intérêts de ces derniers a alimenté
cette opposition des ONG. Malgré les inquiétudes suscitées par la
multilatéralisation des règles de protection des investissements, les États
ont négocié d’innombrables traités bilatéraux (et quelques traités
régionaux) sur le modèle de l’AMI ou de la ZLEA sans guère attirer plus
qu’une fraction de l’attention réservée aux projets d’accords multilatéraux
sur l’investissement. Le nombre d’accords de ce type a quintuplé durant
les années 90, passant de 385 à 1857. Au milieu de l’année 2008, on
dénombrait plus de 2600 traités bilatéraux d’investissement, sans
compter les dispositions similaires à celles des TBI figurant dans un
nombre croissant d’accords plus larges de libre-échange. Cette tendance
a eu pour résultat que bon nombre des objectifs recherchés par les
promoteurs d’un accord multilatéral ou régional notamment des
protections à toute épreuve des biens et avoirs ont été atteints par
d’autres moyens. Si le patchwork actuel de traités bilatéraux
d’investissement (et d’accords de libre-échange) n’offre pas une
couverture universelle, il s’avère extrêmement efficace, puisqu’on voit
des firmes internationales d’avocats d’affaires conseiller des
investisseurs étrangers pour qu’ils structurent tous leurs projets et
transactions d’investissement étranger direct de manière à les placer
sous l’aile protectrice de l’un de ces traités. Il peut s’agir par exemple
d’un investisseur américain qui intègre à son projet un véhicule
d’investissement néerlandais de manière à bénéficier de la protection
d’un traité conclu par les Pays-Bas avec le pays hôte visé. En général,
les investisseurs étrangers qui se servent de ce cadre juridique peuvent
être des entreprises (sociétés de capitaux privées ou publiques), et des
gens d’affaires qui investissent dans un autre pays. Toutefois, vu la
formulation peu précise de nombreux traités d’investissement, les firmes
et les particuliers disposent d’une large marge de manœuvre pour
brandir ces protections contre leur propre gouvernement, tout
simplement en structurant leurs activités de manière qu’elles
appartiennent à des entités étrangères admissibles aux protections
prévues par un traité international. Par conséquent, étant donné que les
flux d’investissement transfrontaliers circulent de plus en plus grâce au
passeport protecteur de l’un ou l’autre de ces accords internationaux, il
convient de bien saisir le type de protections qu’offrent ces instruments,
pour évaluer ensuite quelles répercussions ces accords peuvent avoir
sur les droits humains .
Traitement juste et équitable
Les arbitres doivent interpréter ce qui, au vu des faits qui leur sont
présentés, constitue un traitement « injuste » ou « inéquitable ». Les
tribunaux d’arbitrage n’ont pas donné la même interprétation de ce
qu’implique concrètement cette protection. Pour certains arbitres,
constitue par exemple un traitement « injuste » ou « inéquitable » un
déni de justice de la part des tribunaux locaux, ou des cas où les
autorités administratives ont agi de mauvaise foi ou ont soumis les
investisseurs à du harcèlement ou à un traitement discriminatoire.
Souvent, les arbitres interprètent la clause du traitement juste et
équitable comme l’obligation de protéger les « attentes légitimes » des
investisseurs, même si le sens à donner à ce concept ne fait pas
consensus.
Protection et sécurité intégrales
L’État d’accueil doit assurer la protection policière de tout bien ou actif
appartenant à des étrangers.
Traitement national
En vertu de la clause du traitement national, les investisseurs étrangers
et leurs investissements doivent bénéficier d’un traitement aussi
favorable que celui qui est accordé aux investisseurs (ou
investissements) locaux.
Traitement de la NPF
Le traitement de la NPF fait en sorte que les investisseurs étrangers et
leurs investissements bénéficient d’un traitement comparable à celui
accordé à des investisseurs (ou des investissements) provenant de pays
tiers.
Protections contre l’expropriation directe ou indirecte
Les traités protègent généralement les investisseurs contre toute
expropriation directe ou indirecte en obligeant l’État hôte à verser pleine
compensation pour tout investissement faisant l’objet d’un tel traitement.
Libres transferts de fonds
Les investisseurs étrangers ont le droit de rapatrier tous les fonds
associés à l’investissement (bénéfices, dividendes, intérêts, frais et
autres gains en capital) .
Les dispositions des TBI concernant le règlement des différends
C’est un puissant mécanisme international de règlement des différends
qui donne effet aux protections prévues dans les TBI, dans la mesure où
il permet aux investisseurs de demander réparation devant un tribunal
d’arbitrage contre l’État hôte s’ils estiment que celui-ci n’a pas respecté
les clauses de protection du traité. Généralement, l’investisseur va
désigner un arbitre, l’État en cause fera de même, et un troisième arbitre
sera choisi par consensus ou par un organe de supervision. Les
investisseurs peuvent contester toutes les formes d’action
gouvernementale, y compris de nouvelles charges fiscales, des
décisions administratives, des lois ou autres. Et ce qui est peut-être plus
important encore, les investisseurs peuvent alléguer des pertes
financières résultant du non-respect des dispositions du traité. Même si
les TBI sont des traités conclus d’État à État, ils ouvrent le chemin aux
arbitrages entre investisseurs et États. Grâce au mécanisme d’arbitrage
prévu dans les TBI, les investisseurs peuvent faire appliquer les
dispositions du traité sans avoir à compter sur leur État d’origine pour
défendre leur cause à leur place (comme l’exigent le système de l’OMC
ou les formes traditionnelles de protection diplomatique utilisées pour
protéger les ressortissants étrangers et les biens appartenant à des
étrangers). Autrement dit, quand un investisseur estime avoir été privé
d’un « traitement juste et équitable » ou d’une autre forme de protection
garantie par le traité, il peut engager une action contre l’État hôte devant
un tribunal international d’arbitrage dans le but d’obtenir une
compensation financière pour infraction aux dispositions du traité. Il
n’existe pas de tribunal ou d’instance unique pour entendre de telles
causes ; celles-ci sont réglées au cas par cas selon plusieurs règles de
procédure. La plupart des traités d’investissement proposent plus d’un
mode d’arbitrage, ce qui laisse à l’investisseur le choix d’adopter celui
qui lui convient. Ce choix peut avoir des conséquences importantes dans
la mesure où les règles de procédure diffèrent, notamment en ce qui
concerne le degré de confidentialité entourant l’arbitrage. Nous
présentons dans le tableau qui suit plusieurs des options offertes en
matière de procédures d’arbitrage. Les procédures d’arbitrage prévues
dans les TBI présentent un certain nombre de caractéristiques qui
méritent d’être notées, à commencer par leur manque de transparence.
En effet, rien n’oblige à rendre les procédures publiques. Si les
arbitrages effectués sous l’égide du CIRDI de la Banque Mondiale
figurent tous sur un registre public, ceux qui empruntent d’autres règle de
procédure ne sont pas assujettis aux mêmes conditions de
transparence. En outre, certaines règles procédurales imposent de
formidables barrières à toute divulgation, même si une des parties
(l’investisseur ou l’État) souhaite rendre publiques certaines informations.
Par exemple, dans les règles procédurales de la CNUDCI, souvent
choisies par les parties, la confidentialité est de mise et les plaidoiries et
les auditions ne sont généralement pas considérées comme faisant
partie du domaine public. Chose curieuse, il est impossible de connaître
le nombre de poursuites intentées contre des États, et encore moins de
connaître le détail de ces affaires ainsi que leurs implications juridiques,
politiques et financières. Pour certaines affaires évoquées ici,
l’information a été obtenue à la suite des recherches et investigations
menées aux fins de la présente étude. Dans certains cas, ce sont les
parties elles-mêmes qui cherchent à divulguer des informations sur leur
action en justice ; dans d’autres, des journalistes ou des organisations
non gouvernementales enquêtent sur ces affaires et déterrent de
nouvelles informations. La marge de manœuvre dont disposent les
parties pour choisir l’arbitre de leur différend est un autre trait notable
des procédures d’arbitrage. Il n’existe pas d’instance permanente pour
entendre ces causes, qui sont plutôt traduites devant des tribunaux
d’arbitrage constitués expressément au cas par cas.
La possibilité pour des individus d’intervenir à titre d’avocats (plaider au
nom des investisseurs ou des États) ou d’agir à titre d’arbitres (qui vont
siéger dans d’autres affaires et interpréter le sens à donner aux traités) a
suscité bien des analyses et des débats. Certains ont préconisé la mise
en place d’un tribunal permanent où siègeraient à temps plein des juges
indépendants chargés de régler les différends relatifs aux traités
d’investissement. Toutefois, ces propositions n’ont jusqu’à présent en
rien modifié le modèle actuel d’arbitrage au cas par cas. Il faut souligner
que les traités d’investissement ont généré un important volume de
litiges en droit international. En effet, les investisseurs peuvent souvent
éviter d’utiliser les tribunaux nationaux de l’État hôte. Ils vont préférer
recourir à l’arbitrage international, après avoir observé le délai d’attente
prescrit (généralement de courte durée) par le traité d’investissement
concerné. De toute évidence, cette pratique n’a rien de commun avec le
système international des droits humains, dans lequel il faut avoir au
préalable épuisé tous les recours internes avant de pouvoir accéder aux
organes de surveillance de l’application des traités ou aux cours
régionales des droits humains, cette démarche étant dictée par le souci
de respecter la souveraineté des États et le principe de subsidiarité (à
savoir que les conflits doivent être réglés dans la mesure du possible à
l’échelon local). Comme nous le soulignerons dans les pages qui
suivent, il ne fait aucun doute que les droits humains sont à l’occasion
invoqués devant des tribunaux d’arbitrage de différends relatifs à des
traités d’investissement. Cette tendance soulève bien entendu la
question de savoir si ces arbitres sont capables de traiter
convenablement les dimensions de ces affaires portant sur les droits
humains. Quoi qu’il en soit, il reste que les droits humains sont déjà
invoqués, et vont continuer de l’être, dans les arbitrages relatifs aux
traités d’investissement. Il est par conséquent utile de comprendre
comment fonctionnent ces instances, et de les comparer aux
mécanismes de traitement des plaintes en vigueur dans le système des
droits humains.
Dans le tableau 3 (page suivante), nous comparons plusieurs aspects
des procédures des mécanismes de protection des investissements et
des mécanismes mis en place dans le domaine des droits humains, à
savoir les deux cours régionales des droits humains les plus utilisées .
Tableau 3 : Comparaison des principales caractéristiques des cours régionales des droits
humains et de l’arbitrage des différends relatifs aux traités d’investissement

Questions Cours régionales des droits Arbitrage des différends relatifs à


humains (Cour européenne des des traités d’investissement
droits de l’homme ou
Cour interaméricaine des
droits de l’homme)

Comment les individus peu- Épuisement des recours internes Il est rare que l’épuisement des recours
vent-ils porter plainte pour exigé au préalable. internes soit exigé. Le traité peut prescrire
violation des dispositions un délai d’attente (3-6 mois) avant que
d’un traité ? l’investisseur puisse faire appel à l’ar
bitrage international, mais les arbitres
annulent souvent cette condition.

Qui entend ces causes ? Des juges à temps plein siégeant Des arbitres désignés pour régler un
selon un calendrier précis. seul et unique différend; membres de
firmes d’avocats, universitaires ou juges
à la retraite.

Les plaintes doivent-elles Oui. Non. Les arbitrages CIRDI sont rendus
être rendues publiques ? publics, mais rien n’exige que les
arbitrages empruntant d’autres règles
le soient.

Les auditions sont-elles Oui, sauf si les circonstances exigent Non. Seulement dans les rares cas où les
ouvertes au public? le huis clos. procédures sont publiques (à la demande
des deux parties).

L’utilisation des TBI dans les recours engagés par des


investisseurs étrangers contre des États hôtes
Les TBI sont devenus un élément majeur du paysage
réglementaire de l’investissement étranger, avec la multiplication des
poursuites intentées par des investisseurs étrangers contre des États,
qui se retrouvent donc obligés de rendre leur conduite conforme à leurs
obligations internationales dictées par ces traités. Comme on l’a noté
plus haut, lorsqu’il n’existe pas de traité entre le pays d’origine de
l’investisseur et le pays où il désire investir, il est de plus en plus courant
de voir les investisseurs structurer leurs investissements de manière à
les faire transiter par au moins un pays ayant déjà signé un traité avec
l’État hôte visé. De cette façon, même en l’absence de traité entre le
pays d’origine et le pays hôte visé, la transaction peut bénéficier de la
protection d’un traité. Vu qu’il existe plus de 2600 TBI en vigueur, il n’est
pas facile de déterminer quels sont les traités internationaux qui
s’appliquent dans un projet d’IED donné. Le tableau qui suit offre à cet
égard des pistes pour qui veut comprendre quels sont les traités qui
peuvent être invoqués dans le cas d’un projet d’IED. Toutefois, seuls les
investisseurs eux-mêmes sont en mesure de savoir comment ils ont
structuré leurs investissements et, par conséquent, de connaître les
protections dont ils peuvent se prévaloir.
Comme les investisseurs étrangers structurent de plus en plus leurs
investissements de manière à profiter de la protection d’un ou de
plusieurs traités, il n’est pas surprenant de voir se multiplier les
procédures d’arbitrage. Il s’agit habituellement de poursuites intentées
par des investisseurs qui allèguent que l’État dans lequel ils ont investi a
manqué aux obligations qui lui incombaient aux termes d’un traité. Dans
un petit nombre de cas, cependant, des gens d’affaires, et non des
sociétés, engagent individuellement des poursuites contre un
gouvernement. Il peut s’agir de différends de nature strictement
économique, mais il arrive aussi que des gens d’affaires invoquent les
dispositions plus classiques du droit international concernant le
traitement des ressortissants étrangers et allèguent avoir été
arbitrairement emprisonnés, harcelés, soumis à des violences physiques
ou même à la torture. Par exemple, un homme d’affaires néerlandais, M.
Trinh Vinh Binh, a poursuivi en 2005 le gouvernement vietnamien en
vertu du traité d’investissement conclu entre les Pays-Bas et le
Vietnam32. Outre les allégations classiques de confiscation d’actifs
économiques, M. Trinh a aussi soutenu avoir fait l’objet de détention
illégale avant procès, de torture et de violences physiques aux mains
des autorités vietnamiennes. Cette plainte, si elle se démarque
nettement des motifs invoqués habituellement dans les arbitrages relatifs
aux investissements, ressemble aux plaintes déposées en vertu des
conventions de protection des droits humains, même si elle a été
soumise à l’arbitrage en vertu d’un traité économique. Quoi qu’il en soit,
à l’époque moderne, il est inhabituel qu’on invoque des traités
d’investissement pour protéger ce qu’on peut qualifier de droits civils de
ressortissants étrangers ou ce qui relève de leur bien-être physique.
Dans la très grande majorité des cas connus, il s’agit de procédures
entreprises par des sociétés ou des entreprises qui allèguent que
certaines mesures (lois, règlements administratifs) ou certaines actions
(ou omissions) gouvernementales contreviennent à une ou plusieurs des
obligations de l’État hôte envers les investissements étrangers. Souvent,
les investisseurs vont alléguer qu’ils ont fait l’objet d’une expropriation
directe ou indirecte, par exemple en soutenant que les actions du
gouvernement ont eu pour effet de réduire ou d’annuler la valeur d’un
investissement. Dans d’autres cas, ils allèguent avoir été traités de
manière injuste, arbitraire ou discriminatoire. Ils vont par exemple
soutenir que leur investissement a bénéficié d’un traitement moins
favorable que celui accordé à d’autres investissements en ce qui touche
aux licences, permis et mesures réglementaires, ou que les procédures
administratives ou légales n’étaient ni transparentes ni régulières, ou
encore qu’ils ont subi un préjudice de la part d’un nouveau
gouvernement qui a annulé les mesures de privatisation entamées par
son prédécesseur ou qui a imposé de nouveaux impôts ou taxes, ou de
nouvelles redevances à des investissements existants .
Au moment d’écrire ces lignes, les procédures d’arbitrage en instance
entre investisseurs et États touchaient la plupart des secteurs
économiques (énergie, extraction minière, télécommunications, services
d’évacuation des eaux usées ou de distribution de l’eau, secteur
manufacturier, services financiers, médias et industrie du divertissement,
agriculture et agroalimentaire) et soulevaient des questions
fondamentales sur les limites imposées par les traités d’investissement à
la souveraineté des États. Si, sur le fond, ces affaires peuvent être
radicalement différentes, toutes visent éventuellement le versement
d’indemnités par les États. Les dédommagements réclamés par les
investisseurs ne correspondent pas nécessairement aux indemnités que
leur accorderont les arbitres s’ils jugent que l’État a manqué à ses
obligations conventionnelles ; toutefois, les préjudices financiers allégués
par des investisseurs étrangers peuvent leur valoir, quand l’arbitrage leur
est favorable, des dizaines, voire des centaines de millions de dollars en
indemnités. On assiste depuis quelque temps à une prolifération des
procédures d’arbitrage associées aux TBI, avec des douzaines d’affaires
inscrites en une seule année. Il est probable qu’il y en a d’autres qui sont
intentées sans qu’on le sache. Certaines de ces poursuites peuvent être
justifiées par des gestes incontestablement abusifs de la part de
gouvernements ou de fonctionnaires, notamment ceux qui entraînent la
destruction de biens ou actifs des investisseurs. Mais dans d’autres cas,
les poursuites intentées par les investisseurs visent à bloquer ou à
contester les efforts déployés par des gouvernements désireux de
réglementer l’investissement étranger pour des raisons d’intérêt public
qu’ils jugent importantes, notamment des questions relatives à la santé
publique, à l’environnement ou à la culture .

Pouvoir réglementaire et souveraineté des États


Les traités d’investissement se sont mis à attirer l’attention, surtout en
Amérique du Nord, lorsque des investisseurs étrangers ont engagé des
poursuites qui touchaient la question névralgique du pouvoir
réglementaire des États. On a beaucoup parlé des dispositions de
l’ALENA similaires à celles des TBI à la fin des années 1990, à cause
d’une série d’actions intentées par des investisseurs pour contester des
mesures comme l’interdiction, par la Californie, d’un additif controversé à
l’essence et la décision du Canada de bannir un autre additif au
carburant. Plus de dix ans plus tard, le Canada fait toujours face à des
poursuites intentées au titre des dispositions de l’ALENA de type TBI et
qui portent sur des sujets controversés comme l’étude d’impact
environnemental d’un site contesté de carrière, l’élimination d’un
insecticide agrochimique dangereux, le Lindane, et un projet
d’enfouissement de déchets municipaux non toxiques sur le site d’une
mine. Il reste bien des questions épineuses à résoudre quand il s’agit
d’interpréter et d’appliquer les obligations découlant des traités
d’investissement. Il faut fixer la ligne au-delà de laquelle une
réglementation ou une action de l’État deviennent une forme d’«
expropriation » exigeant le versement d’indemnités aux investisseurs
étrangers touchés ; il faut aussi déterminer quel genre de politiques
différentielles entre divers acteurs économiques sera jugé admissible
parce que non contraire à l’obligation de traitement national envers les
investisseurs et les investissements étrangers, et enfin déterminer si
l’absence de certaines exceptions dans les TBI peut être interprétée
comme une indication que ces exceptions ne sont pas implicitement
prévues dans le traité. Vu la multiplicité d’actions et de politiques
gouvernementales susceptibles d’être visées lors des procédures
d’arbitrage associées à des TBI, il n’est pas surprenant que les droits
humains commencent eux aussi à entrer en scène dans ce contexte,
comme nous allons le voir dans le chapitre suivant. Mais avant d’aborder
ce sujet, nous allons d’abord rappeler brièvement quel est le statut des
droits humains en droit international .

III-2) Opposition sur la protection des droits de l’homme


Aujourd’hui, 55% de la population mondiale n’a accès à aucune forme de
protection sociale alors que la communauté internationale l’a reconnue
comme un droit humain fondamental (Article 22 de la Déclaration
universelle des droits de l’homme).

L’impact de la protection sociale pour stimuler la croissance économique a


largement été démontré depuis les années 1960. La Banque mondiale a
ainsi élevé la protection sociale au rang des instruments principaux des
stratégies de lutte contre la pauvreté et d’amortisseur lors de crises
économiques ou sanitaires.
De nombreuses études sont par ailleurs disponibles sur l’impact de
l’investissement dans la protection sociale et son lien très étroit sur la
croissance économique dans les pays développés et en développement.
Précisons, toutefois, qu’il reste difficile de disposer d’une seule et même
lecture en raison de l’hétérogénéité des modèles et de l’irrégularité du
niveau d’investissement dans de nombreux pays.
Pour de nombreuses personnes, le concept de la protection sociale reste
flou, aussi il est souvent nécessaire de rappeler ce qu’il recouvre. Il
désigne l’ensemble des mécanismes de prévoyance collective qui
permettent aux bénéficiaires de faire face aux conséquences financières
des risques sociaux. Les instruments sont classés en trois catégories :
 L’assurance sociale
 L’assistance sociale (impôts, cash transfert, etc.)
 Les différents programmes du marché du travail.
Tout cela englobe les prestations de santé, les allocations familiales, les
prestations de chômage, les prestations vieillesse, les prestations
d’invalidité, les prestations d’accidents du travail, les prestations maternité
et, enfin, les prestations des survivants.
La protection sociale, un engagement politique ?
Pour beaucoup de gouvernements en quête des résultats immédiats, cet
investissement reste perçu avant tout comme un « coût », une
« dépense » avec des effets visibles à moyen-long terme. Hormis l’option
du cash Transfer… qui reste très dépendante des dons monétaires
internationaux et n’est pas une réponse viable à longue échéance. Elle
n’incite pas les travailleurs à entrer dans le secteur formel. 
Or il ne s’agit plus d’envisager la protection sociale comme un coût
comptable mais bien comme un investissement économique. Là où des
États comme la France y consacrent 31% du PIB, la plupart des pays
dépensent moins de 2% de leur PIB à la protection sociale. Le Royaume
du Maroc a récemment décidé d’emprunter cette voie et d’augmenter ses
dépenses consacrées à la protection sociale à hauteur de 5% à l’horizon
2025. Pourtant, les ressources sont les mêmes, voire moindres en raison
de la crise. Il s’agit bien là d’une décision politique.
La protection sociale, un stabilisateur économique
D’une région à une autre, on observe une grande disparité dans
l’investissement social et il reste un long chemin à parcourir pour
atteindre l’objectif 1 à 3 des Nations Unies. Aujourd’hui, 50% des
personnes les plus pauvres ne reçoivent que 9% du revenu mondial alors
que les 1% des plus riches en reçoit 20%.
Sans ces investissements financiers et ces mesures de soutien social,
l’impact de la crise sanitaire sur le chômage, les revenus et la pauvreté́
aurait été beaucoup plus élevé́ . L’un des principaux enseignements de
cette de crise – les mêmes effets avaient déjà été remarqué lors de celle
de 2008 -, est que la protection sociale fonctionne comme un véritable
stabilisateur économique.
En Afrique de l’Ouest, l’économie s’est contractée de 1,1 % en 2020, y
entraînant la première récession depuis 25 ans. Les prix alimentaires ont
augmenté, de nombreuses entreprises ont été contraintes de fermer et les
transferts d’argent des migrants ont été diminués. Les personnes
vulnérables des zones rurales et urbaines ont été les plus touchées. Dans
toute l’Afrique subsaharienne, jusqu’à 40 millions d’habitants risquent de
plonger dans l’extrême pauvreté.
En réponse aux impacts du Covid-19 en Afrique de l’Ouest et du Centre,
l’aide internationale (Union européenne, Banque mondiale, AFD, ILO,
UNICEF, GIZ, USAID…) a soutenu le déploiement rapide et à grande
échelle des transferts monétaires et fourni de l’aide à l’emploi aux
communautés les plus pauvres depuis le début de la crise. Elle a ainsi
apporté une aide précieuse à 19 pays de cette zone. Au total, environ 50
millions de personnes (soit 10 % de la population totale de la région) ont
bénéficié de ce soutien.
La protection sociale, un impact à trois niveaux
Les effets d’atténuation sont visibles aussi bien sur les particuliers que sur
les entreprises.
Ils sont observés au niveau méso, macro et micro. Au niveau méso, elle
dynamise les économies locales. Au niveau macro, elle stimule la
croissance qui produira une augmentation du niveau de vie des
populations et quitteront progressivement le secteur informel. Au niveau
micro, elle permet aux particuliers, aux ménages des programmes de
protection sociale de « compenser les inefficacités des marchés du crédit,
des assurances. »
Le schéma ci-dessous montre comment la protection sociale réduit la
pauvreté́ de manière directe, grâce à la redistribution des ressources, et
de manière indirecte, avec une réduction de l’incidence de pauvreté.
Source : Ortiz et al (2019) à partir de données du BIT (2016) / DR
L’argent des migrants ne remplace pas la protection sociale
L’investissement dans la protection sociale est donc essentiel, mais il doit
être accompagné par un engagement politique fort sur le long terme.
Malheureusement, le sous-investissement que l’on constate dans de
nombreux pays en développement, avec pourtant un taux de croissance
très élevé (6 à 7% en moyenne par an selon le BIT), se traduit bien
souvent par la stagnation du secteur formel, et l’absence de hausse du
salaire moyen. C’est hélas la preuve que cette croissance économique
forte ne touche qu’une toute petite partie de la population.
D’autres pays décident d’emprunter une autre voie comptant notamment
sur les envois de fonds de la migration ouvrière. Les sommes envoyées
par les migrants dans leur pays d’origine atteint trois fois le montant total
de l’investissement des États pour le développement, soit près de 529
milliards en 2018.  Au Tonga, au Kirghizistan, au Tadjikistan, à Haïti et au
Népal, ces transferts d’argent représentent, voire dépassent actuellement
25 % du PIB (d’après les estimations de la Banque mondiale).
Source : KNOMAD – Global Knowledge Partnership on Migration and
Development 
L’argent envoyé joue le rôle social que devrait jouer celui de la protection
sociale et sert à investir dans l’éducation, la santé. Aujourd’hui, les
ressources humaines sont devenues la principale marchandise
d’exportation. Cette migration ouvrière, elle a un visage : celui de femmes
et d’hommes.
Aussi, ne détournons pas le regard et ensemble, grâce à l’investissement,
la coopération internationale, continuons à financer, à construire des
systèmes de protections sociales efficaces et pérennes afin d’offrir un
socle de droits sociaux communs à tous.
En effet, le Maroc, depuis son indépendance, s’est engagé dans le
processus de l’édification d’un Etat moderne fondé sur la démocratie et la
primauté de la loi. Il a connu une évolution dans le domaine des droits de
l’homme, depuis la promulgation de sa première constitution de 1962, en
s’inspirant de la charte internationale des droits de l’homme de 1946, qui
stipule dans son article 55, « le respect universel et effectif des droits de
l'homme et des libertés fondamentales ».
Dans ce contexte, le Maroc a adopté le pluralisme politique, il a ratifié dès
1979 les deux pactes relatifs aux droits civils et politiques et aux droits
économiques, sociaux et culturels. Il a également ratifié plusieurs
conventions relatives aux droits de l’homme, comme la convention
internationale contre la torture, la convention internationale de lutte contre
toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la convention
internationale des droits de l’enfant, la convention internationale pour la
protection des travailleurs migrants et des membres de leur famille, et la
convention relative aux personnes souffrant d’un handicap.
Mais malgré ce processus positif en matière de promotion et de défense
des droits de l’homme, pendant les années 60,70 et 80, le Maroc est
passé par des périodes sombres qui se sont caractérisées par des
violations flagrantes des droits de l'homme. En ce sens, on peut citer les
disparitions forcées, les détentions arbitraires, les assassinats, et la torture
entraînant la mort ou des séquelles physiques et psychologiques
permanentes, les exécutions hors la loi et l'exil forcé, qui ont eu lieu lors
d'événements politiques marquant cette période.
Dès le début des années 90, le Maroc a été influencé par des
changements de la politique internationale suite au nouvel ordre mondial
et les pressions de l'environnement international sur le pays en vue de
protéger les droits et les libertés, et des revendications internes des
militants des droits de l’homme, d’où l’importance accrue accordée aux
droits de l’homme.
Alors, notre pays, en ce temps, a connu une série de réformes politiques,
administratives et juridiques en la matière : la révision constitutionnelle
dont le préambule de la constitution portant sur l'attachement du Royaume
aux principes universellement reconnus, la ratification de plusieurs traités
et conventions internationaux, l'aménagement de la procédure pénale en
matière de détention et de garde à vue, l’enlèvement de plusieurs réserves
émises à propos de certaines conventions internationales, la libération et
l’indemnisation des anciens prisonniers politiques.
Aussi, le Maroc, durant la période des années 90, a réalisé d’importantes
avancées axées sur la consolidation et la promotion des droits et libertés,
à travers l’amélioration de l’arsenal juridique national et la création des
institutions œuvrant dans le domaine de la promotion et la protection des
droits de l’homme. Nous citons par exemple, le Conseil consultatif des
droits de l’homme en 1990, le ministère des Droits de l’homme en 1993.
Parallèlement à ces instances, le Maroc a connu également la création
des tribunaux administratifs, en 1994.
A la lumière de cette évolution marquée par les avancées réalisées en
matière des droits de l’homme durant les années 90, on pourrait affirmer
que le Maroc a connu une dynamique particulière dans la protection et la
promotion des droits de l’homme, qui a été consolidée sous l’ère du Roi
Mohamed VI depuis son accession au trône en 1999, par son engagement
solennel en faveur de la consolidation des bases de la démocratie et des
droits de l’homme.
Nous pouvons citer certains événements qui ont caractérisé la volonté de
l’Etat marocain de consolider le respect des principes des droits de
l’homme :
En septembre 1999, Le roi avait autorisé Abraham Serfaty à revenir d'exil.
L'opposant indépendantiste a passé 17 ans dans les geôles de Hassan II
et a été déchu de sa nationalité marocaine en 1991. Elle lui est rendue
sans conditions. La famille Ben Barka regagne le Maroc deux mois plus
tard, après trente-six ans d’absence. En novembre 1999, il y avait eu la
révocation de Driss Basri, ministre de l’Intérieur depuis 1979, et dernier
homme de main du régime de Hassan II.

Ces actes courageux du Roi Mohamed VI, en matière des droits de


l’homme ont été perturbés, par les événements terroristes du 16 mai 2003,
ce qui a poussé l’Etat marocain d’adopter une loi antiterroriste, voté au
parlement à l’unanimité. Durant cette période, après les attentats de
Casablanca, nous avons constaté des abus de pouvoir des autorités, au
cours des arrestations des suspects et des investigations de la police
judiciaire dans les dossiers anti-terroristes, et des jugements ont été
prononcés à l’urgence sans respect des principes de la justice équitable.
Le Roi avait annoncé la « fin de l’ère du laxisme ». Dix peines de mort sont
prononcées le 11 juillet contre des membres de la Salafia Jihadia,
impliquée dans les attentats. Une centaine d’autres sont condamnés en
août et en septembre 2003.

Malgré cette régression temporaire dans les avancées des droits de


l’homme, le Maroc a connu, en 2004, des événements remarquables: la
grâce accordée à 33 prisonniers politiques; la création de l’Instance Equité
et Réconciliation pour enquêter sur des violations graves des droits de
l’homme passées entre les années 1956 et 1999 et réaliser la
réconciliation afin d’envisager l’avenir à la lumière des recommandations
de cette de cette instance; et, parallèlement, sept audiences publiques
télévisées des victimes des « années de plomb ». Ces émissions sont
organisées par l’Instance équité et réconciliation pour faire la lumière sur
les atteintes aux droits de l’homme des années passées.

Le Maroc a vraiment connu des progrès majeurs sur le dossier des droits
des femmes. C’est ainsi que la Moudawana – ou code du statut personnel
– a été révisée en janvier 2004, l'une des réformes emblématiques du
règne de Mohammed VI. Le statut juridique de la femme marocaine est
amélioré. Cette réforme a été appuyée par l’élaboration de la loi sur la
nationalité et l'instauration d’un quota de femmes au Parlement.

On peut affirmer que la période s’étalant de la fin de l’année 1999, jusqu’à


aujourd'hui a été caractérisée par un arsenal juridique très riche. En plus
des initiatives prises par l’Etat marocain que nous avons citées, on pourrait
aussi évoquer le nouveau code de procédure pénale, le code du travail et
les lois des libertés publiques, qui ont été modifiés. Ces initiatives ont été
favorablement accueillies et saluées par les différentes composantes de la
société politique et civile, et même la société internationale.
En 2011, le Maroc a connu une réforme constitutionnelle très approfondie.
La nouvelle Constitution a réduit certains de ses pouvoirs au profit du
parlement et du gouvernement. Le poste du Chef du gouvernement a été
institué, au lieu du Premier ministre, avec renforcement de ses attributions.
Cela a suscité un débat public inédit. Ce débat s’est généralisé aux
relations entre différents pouvoirs.
En même temps, l’égalité entre hommes et femmes a été
constitutionnalisée, sans oublier la liberté de conscience et la suprématie
des conventions et traités internationaux.
De même, les citoyens pourront également avoir la possibilité de saisir la
Cour constitutionnelle nouvellement créée. La Justice est devenue un
pouvoir autonome, indépendant des pouvoirs exécutif et législatif. le
ministre de la Justice n’est plus président délégué du Conseil supérieur du
la magistrature, appelé actuellement Conseil supérieur du pouvoir
judiciaire dans la nouvelle Constitution, et le Parquet général est devenu
une institution indépendante de ce ministre suite aux dispositions de la loi
organique relative.
Le débat public a donc évolué avec la mise en œuvre progressive de ces
dispositions constitutionnelles qui ont d’ailleurs été saluées par les partis
politiques, la société civile, ainsi que les partenaires du Maroc et la
communauté internationale.
La constitutionnalisation des droits de l’homme au Maroc a été une
décision courageuse et généreuse du Souverain Mohamed VI. Ce faisant,
le Maroc a, par ailleurs, pu répondre aux allégations, pour ne pas dire aux
accusations, de torture, de détention arbitraire, des disparitions forcées
des opposants politiques soulevées par des organisations, notamment
internationales des droits de l’homme.
Il ressort des progrès enregistrés par le Maroc au cours des dernières
années que le respect de l’exercice des droits et libertés a continué à
progresser tandis que les violations et les abus n'ont cessé de diminuer
grâce à l’élargissement du champ de l’exercice des droits, malgré des cas
de violations isolés qui ont été soulevés.
II- Complémentarité entre la protection de l’investissement et la
protection des droits de l’Homme
Les droits humains en droit international
Parallèlement à toute l’architecture de traités visant à protéger
l’investissement étranger, il existe une autre série de traités
internationaux conclus, ceux-là, pour réaliser le mandat énoncé
dans la Charte des Nations unies36. Celle-ci a habilité l’ONU à
favoriser « le relèvement des niveaux de vie, le plein emploi et les
conditions de progrès et de développement dans l’ordre
économique et social », ainsi que « le respect universel et effectif
des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous,
sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion ». La
Charte oblige donc les États membres à agir, « tant conjointement
que séparément », en coopération avec l’ONU dans le but de
promouvoir les droits humains. À l’instar du droit encadrant
l’investissement étranger, toutes ces obligations légales ne
prennent pas leur source dans des traités. Certaines la trouvent
dans le droit international coutumier, qui se fonde sur une longue
pratique des États et qui lie tous les États sans exception, qu’ils y
consentent ou non. Comme le font remarquer Robert Howse et
Makau Mutua : La portée et le contenu du droit coutumier
international des droits humains, comme le droit coutumier en
général, sont en perpétuelle évolution. La liste des droits humains
qui jouissent déjà d’un statut coutumier généralement accepté peut
encore s’allonger. Mais il est clair qu’en vertu du droit international
existant, « un État viole le droit international si, dans le cadre des
politiques gouvernementales, il pratique, encourage ou tolère les
actes suivants : le génocide, l’esclavage ou la traite d’esclaves; le
meurtre ou la disparition d’individus ; la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants ; la détention
arbitraire prolongée ; la discrimination raciale systématique comme
la politique d’apartheid, et la perpétration systématique de
violations flagrantes des droits humains internationalement
reconnus37 ». Vient compléter ces obligations coutumières toute
une gamme de traités relatifs aux droits humains, dont un grand
nombre ont été négociés sous l’égide de l’ONU, comme les pactes
internationaux relatifs aux droits civils et politiques, et aux droits
économiques, sociaux et culturels, tandis que d’autres sont des
conventions strictement régionales comme celles qui ont été
adoptées en Europe, en Amérique et en Afrique. Ce catalogue
impressionnant (et qui continue de s’élargir) de traités conclus par
les États se superpose aux obligations coutumières mentionnées
précédemment pour imposer aux États des obligations majeures
en matière de droits humains. Vu que les États sont liés à la fois
par ces obligations contraignantes en matière de droits humains et
par leurs obligations envers les investisseurs étrangers, peut-il
arriver que ces deux catégories d’obligations interagissent? Nous
allons aborder cette question dans la section qui suit en examinant
plusieurs litiges connus opposant des investisseurs étrangers à
des États hôtes en vertu de traités d’investissement.

Les droits humains sont-ils invoqués dans les arbitrages


relatifs aux traités d’investissement ?
De manière générale, les arbitres des différends relatifs à des
traités d’investissement ne sont pas habilités à déterminer s’il y a
eu manquement aux obligations des États en matière de droits
humains. En tant qu’instances de compétence limitée, les tribunaux
d’arbitrage doivent se limiter à déterminer si telle clause de tel
traité d’investissement a été respectée ou non.
Toutefois, cela ne signifie pas pour autant que le droit relatif aux
droits humains ne puisse pas faire partie de la toile de fond à partir
de laquelle sont interprétées et appliquées les dispositions des
traités d’investissement. Il est depuis longtemps admis que le droit
applicable aux arbitrages en matière d’investissement comprend le
droit international (et pas uniquement le traité d’investissement en
cause), et que celui-ci ne se cantonne pas au seul droit
économique ou commercial38. De fait, déjà dans les années 1980,
un tribunal d’arbitrage avait reconnu que les obligations imposées
par d’autres traités internationaux ratifiés par un État hôte
pouvaient justifier le traitement réservé par cet État à un
investisseur étranger. Dans cette affaire, SPP c. Égypte, les
arbitres du CIRDI ont accepté l’argument selon lequel un État hôte
pouvait être lié par certaines obligations découlant de la
Convention de l’UNESCO (Organisation des Nations unies pour
l’éducation, la science et la culture) concernant la protection du
patrimoine mondial, culturel et naturel39. Au vu des faits en
l’espèce, l’adhésion de l’Égypte à la convention de l’UNESCO
n’excusait en rien le fait qu’elle ait annulé un contrat
d’investissement conclu antérieurement et concernant la
construction d’un complexe touristique adjacent à un site
patrimonial. Toutefois, les arbitres ont estimé que la Convention de
l’UNESCO pouvait s’appliquer et ils ont en particulier refusé
d’accorder aux investisseurs compensation pour la perte de futurs
profits au motif qu’ils ne pouvaient pas ordonner une indemnisation
pour des activités qui contreviendraient au droit international une
fois la Convention de l’UNESCO entrée en vigueur et par
conséquent applicable à ce moment-là au site du projet
d’investissement en cause40. Plus récemment, on a vu à plusieurs
reprises des tribunaux d’arbitrage admettre l’applicabilité d’autres
instruments du droit international étrangers au droit des
investissements (qu’ils portent sur l’environnement ou la culture)
dans le règlement de différends relatifs à des manquements
allégués d’États aux obligations contractées en vertu de traités
d’investissement41. De plus, en vertu des règles internationales
gouvernant l’interprétation des traités, les arbitres peuvent
interpréter les obligations d’un traité à la lumière « de toute règle
pertinente de droit international applicable dans les relations entre
les parties », comme l’énonce l’article 31.3(c) de la Convention de
Vienne sur le droit des traités. Même si les arbitres n’ont guère eu
tendance à invoquer cet article, il est bien clair qu’ils pourraient le
faire42. Bien entendu, il s’agira de déterminer quelles règles de
droit international s’appliquent à une situation donnée. Si les
normes impératives de jus cogens contre l’esclavage ou la
discrimination raciale ou les autres obligations en matière de droits
humains prescrites dans la Charte de l’ONU prêteront relativement
peu à controverse, les avis divergent quant à l’applicabilité d’autres
normes du droit international, comme celles contenues dans les
traités relatifs aux droits humains. Quoi qu’il en soit, cela donne
aux arbitres une grande latitude pour prendre en compte les droits
humains et d’autres obligations incombant aux États en vertu du
droit international quand ils interprètent les obligations relevant des
traités d’investissement. Quand on passe en revue les différends
soumis à l’arbitrage en vertu de TBI, on constate que le droit relatif
aux droits humains a de fait été invoqué dans plusieurs affaires.
Toutefois, cette intervention des droits humains peut suivre deux
scénarios différents. Il y a tout d’abord les cas où les obligations de
protection des droits humains d’acteurs économiques (droit à la
propriété ou à des procédures légales régulières) servent à définir
les protections dues aux investisseurs en vertu d’un TBI. En
deuxième lieu, il y a cette nouvelle tendance où l’on voit entrer en
scène les obligations de protection des droits humains de l’État
hôte envers des personnes ou groupes sous sa juridiction qui ne
sont pas parties à l’arbitrage. On a vu dernièrement des États (et
parfois des organisations non gouvernementales) invoquer ces
obligations de protection des droits humains pour justifier ou
défendre certaines actions ou mesures gouvernementales
susceptibles d’avoir nui aux intérêts d’investisseurs étrangers .

Analogies avec les droits humains dans la définition des


protections dues aux investisseurs

Si la plupart des traités d’investissement restent muets sur la


question des droits humains, cela ne signifie pas que celle-ci n’a
pas sa place dans les litiges opposant investisseurs étrangers et
États hôtes. D’ailleurs, cette intervention des droits humains peut
emprunter plusieurs avenues dans les différends relatifs aux traités
d’investissement conclus par des États. En passant en revue les
affaires connues, nous avons constaté que les droits humains ont
été invoqués dans un petit nombre d’arbitrages relatifs à des traités
d’investissement, du moins si l’on se fie à ce qui a été rendu public.
Il s’agit la plupart du temps des sentences arbitrales finales, et non
des plaidoiries qui sont, elles, rarement rendues publiques. Nous
allons en donner quelques exemples dans la section qui suit. Le
plus souvent, du moins jusqu’à présent, les arbitrages de
différends touchant l’investissement où il est fait mention du droit
relatif aux droits humains sont ceux où ces obligations sont
invoquées au nom de l’investisseur ou encore utilisées par les
arbitres pour définir les obligations contractées en vertu du TBI. Si
la chose peut surprendre certains observateurs, il reste que les
sociétés et les gens d’affaires peuvent se prévaloir de certaines
protections en matière de droits humains43. Si les particuliers
peuvent jouir des protections énoncées dans tout le dispositif de
traités régionaux et internationaux relatifs aux droits humains, les
entreprises bénéficient elles aussi de certaines protections à ce
chapitre, du moins en vertu de la Convention européenne des
droits de l’homme. C’est pourquoi il arrive que des investisseurs
(sociétés ou gens d’affaires à titre individuel) entament des
procédures pour violation de droits humains (devant la Cour
européenne relatif aux droits de l’homme) plutôt qu’une poursuite
en arbitrage au titre d’un traité d’investissement contre un État
hôte, ou encore qu’ils utilisent ces deux recours en parallèle44. Il
n’est par conséquent pas vraiment surprenant de voir, dans
plusieurs arbitrages de différends entre investisseurs et États
hôtes, les arbitres (ou les avocats représentant les investisseurs)
faire référence à la jurisprudence du droit relatif aux droits humains
lorsqu’ils interprètent et appliquent les protections dues aux
investisseurs en vertu de traités d’investissement. En général, ils
l’ont fait sans en expliquer en profondeur les fondements
théoriques. Ils semblent plutôt, comme dans l’affaire Mondev c.
États-Unis, avoir estimé que la jurisprudence en matière de droits
humains pouvait les aider à interpréter, par voie d’analogie,
certaines dispositions de traités d’investissement45. Dans l’affaire
Mondev c. États-Unis arbitrée par un tribunal constitué en vertu de
l’ALENA, un promoteur immobilier canadien contestait le traitement
que lui avaient réservé les tribunaux américains. Face à l’argument
présenté par Mondev voulant qu’il n’ait pas été traité conformément
au droit international, le tribunal a examiné la jurisprudence de la
Cour européenne des droits de l’homme au titre de l’article 6, qui
garantit entre autres choses le droit pour chacun de faire entendre
sa cause par un tribunal46. Dans d’autres procédures d’arbitrage,
notamment l’affaire Tecmed c. Mexique, les arbitres ont invoqué la
jurisprudence du droit relatif aux droits humains pour interpréter les
obligations contractées par l’État hôte en vertu d’un TBI en cas
d’expropriation47. C’est ainsi, par exemple, que les arbitres se sont
référés à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de
l’homme concernant le « respect des biens » pour interpréter les
protections du traité d’investissement relatives à l’expropriation ou
à la nationalisation. Dans l’affaire Azurix c. Argentine, un tribunal
du CIRDI a repris le raisonnement utilisé dans l’affaire Tecmed c.
Mexique en estimant qu’un arrêt de la Cour européenne des droits
de l’homme offrait un guide utile pour interpréter la clause du TBI
USA/Argentine portant sur l’expropriation48. On trouve un autre
exemple de renvoi à la jurisprudence des droits humains pour
interpréter les protections dues aux investisseurs dans une affaire
opposant une société pétrolière enregistrée aux Pays-Bas au
gouvernement de la Roumanie49. Même si la Roumanie a
demandé au tribunal de décliner toute compétence au motif que le
groupe néerlandais était, en fait, contrôlé par des ressortissants
roumains, le tribunal s’est refusé à le faire. Les arbitres ont plutôt
fait observer que les conditions du TBI Pays-Bas/Roumanie était
suffisamment larges pour permettre à des citoyens roumains de
constituer des sociétés aux Pays-Bas et de s’en servir pour investir
en Roumanie. Ce faisant, ils bénéficiaient indirectement des
protections que la Roumanie est tenue d’offrir aux entreprises
néerlandaises en vertu du traité international qu’elle a signé. Pour
justifier cette interprétation du traité d’investissement
Pays-Bas/Roumanie, les arbitres ont jugé que le fait pour les États
de négocier des traités internationaux s’appliquant à leurs propres
citoyens ne prêtait pas à contestation : L’exemple classique, et
bien de notre époque, ce sont les droits de l’homme, mais rien ne
s’oppose à ce que les États soient animés par des considérations
identiques dans d’autres domaines comme le commerce ou
l’environnement ; et comme l’expérience nous l’a appris, on
retrouve d’importants éléments associés à la propriété, aux actifs
et à l’activité économique au cœur même des régimes des droits
humains .
Autrement dit, ces exemples, notamment les traités relatifs aux
droits humains, ont aidé le tribunal à statuer que la Roumanie avait
de son plein gré négocié un traité international qui protégeait ses
propres citoyens, à la condition qu’ils aient constitué une société
sur le territoire d’un autre État et qu’ils aient ensuite invoqué le
traité à titre d’investisseurs étrangers. Dans une affaire d’arbitrage
récente opposant également des investisseurs à la Roumanie,
celle-ci demandait aux arbitres d’accueillir avec scepticisme la
plainte de deux ressortissants suédois, tous deux nés en
Roumanie et qui conservaient des liens étroits avec leur pays
d’origine. Pour justifier son rejet de certaines objections d’ordre
juridictionnel émises par la Roumanie, le tribunal a voulu savoir si
les deux requérants étaient effectivement des citoyens suédois de
droit, et par conséquent autorisés à poursuivre la Roumanie en
invoquant le TBI conclu entre la Suède et la Roumanie. Pour ce
faire, le tribunal a indiqué qu’il tiendrait compte de l’article 15 de la
Déclaration universelle des droits de l’homme, en vertu duquel tout
individu a droit à une nationalité, et que « nul ne peut être
arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de
nationalité51 ». Le tribunal n’a pas évoqué ce droit plus avant, mais
cette référence semble avoir teinté son approche face aux
objections de la Roumanie qui plaidait que les requérants n’avaient
pas qualité pour agir. Le tribunal a d’ailleurs relevé que c’est à
l’État qui conteste l’octroi de la nationalité à une personne par un
autre État qu’échoit le fardeau de la preuve52. Dans le règlement
d’un différend opposant une société de distribution de gaz basée
aux États-Unis à l’Argentine, les arbitres ont là encore invoqué le
droit relatif aux droits humains en faveur d’investisseurs étrangers.
Dans une sentence rendue en 2005, le tribunal a rejeté les
objections émises par l’Argentine selon lesquelles les
conséquences sociales et économiques de sa récente crise
financière compromettaient l’exercice des droits humains et
soulevaient de ce fait des questions sur l’applicabilité des traités
d’investissement et des protections dues aux étrangers
investissant dans les services publics argentins. Les arbitres ont
jugé, sans élaborer davantage, que les droits humains
fondamentaux n’avaient pas été touchés par la crise ; plus encore,
ils ont ajouté que la constitution de l’Argentine et les traités
internationaux relatifs aux droits humains protégeaient les droits de
propriété et qu’il était donc peu probable qu’il y ait incompatibilité
entre les dispositions de ces instruments et celles du traité
d’investissement protégeant le droit à la propriété53. L’affaire Trinh
Vinh Binh c. Vietnam est un autre cas notable où on a vu invoquer
les obligations relevant des droits humains dans l’arbitrage d’un
différend investisseur/État, cette fois dans le cadre du TBI conclu
entre les Pays-Bas et le Vietnam. Comme on l’a noté plus haut, les
conclusions de cet arbitrage régi par le règlement procédural de la
CNUDCI n’ont pas été rendues publiques. De plus, les plaidoiries
sont demeurées confidentielles. Toutefois, une enquête menée
pour Droits et Démocratie a révélé que la partie requérante, un
homme d’affaires ayant la double nationalité vietnamo-
néerlandaise, a invoqué les obligations découlant du droit relatif
aux droits humains. Il a été allégué que M. Trinh, qui avait investi
des millions de dollars au Vietnam, avait été détenu par les
autorités vietnamiennes pendant une période d’une durée
excessive (18 mois) avant son procès, et qu’il avait été soumis à la
« torture » et à des « traitements inhumains » aux mains de ces
mêmes autorités. M. Trinh a plaidé que la conduite de la police et
des forces de sécurité vietnamiennes, manifestement illégale,
corrompue et contraire aux normes internationales du droit à des
procédures légales régulières et du droit relatif aux droits humains,
constituait une violation des dispositions du TBI conclu entre le
Vietnam et les Pays-Bas et garantissant « une protection et une
sécurité pleine et entière » ainsi qu’un « traitement juste et
équitable ». Enfin, dans une affaire dans laquelle les arbitres n’ont
toujours pas rendu leur sentence, un groupe de personnes des
Premières Nations canadiennes poursuivent le gouvernement des
États-Unis en alléguant qu’il a compromis les activités de leur
entreprise de transformation et de vente de produits du tabac. Il
conteste en particulier une entente intervenue entre l’État
américain et quatre grands producteurs de tabac et invoquent les
répercussions de cette entente sur leurs propres affaires aux États-
Unis. Il allègue que les États-Unis ont contrevenu à une disposition
de l’ALENA qui oblige les États à accorder aux investisseurs « un
traitement conforme au droit international, notamment un
traitement juste et équitable, ainsi qu’une protection et une sécurité
intégrales54 ». Ce qu’il faut noter, c’est qu’elles plaident que
l’interprétation de cette obligation au titre de l’ALENA doit se faire
en conformité avec le droit international en général et, avec le droit
international relatif aux droits humains en particulier, notamment
les obligations envers les peuples autochtones. Parmi ces
obligations figurent, aux dires des investisseurs, celle de respecter
le droit des peuples autochtones d’occuper et de disposer de leurs
territoires traditionnels, y compris aux fins de poursuivre des
activités commerciales traditionnelles, ainsi que l’obligation « d’agir
de façon proactive en engageant de bonne foi des consultations
auprès des peuples autochtones avant d’imposer des mesures qui
compromettent les droits de propriété de particuliers ou de groupes
ou des activités économiques autochtones55 ». Essentiellement,
les requérants demandent aux arbitres de tenir compte des
obligations relatives aux droits humains des peuples autochtones
quand ils interprètent le sens de ce qui constitue un traitement «
juste et équitable » des investisseurs. Il faudra attendre 2009 ou
peut-être 2010 pour qu’une décision soit rendue dans cette affaire.
On peut donc voir, à la lumière de ces exemples, qu’il arrive aux
arbitres — et à certains investisseurs — d’invoquer la
jurisprudence du droit relatif aux droits humains pour étayer ou
orienter certaines interprétations des protections dues aux
investisseurs. Rappelons ici que les arbitres des différends relatifs
aux traités d’investissement n’ont pas compétence pour tenir les
États responsables de manquement à leurs obligations relatives
aux droits humains. Aux termes des traités d’investissement, leur
tâche se borne à déterminer s’il y a eu non-respect des protections
prévues dans ces traités. Dans le cadre de cet exercice
d’interprétation, les arbitres peuvent se tourner (ce qu’ils font
parfois) vers le droit relatif aux droits humains pour y trouver des
analogies ou faciliter leur interprétation du sens à donner aux
obligations découlant du traité d’investissement concerné. Les
traités d’investissement peuvent donc s’avérer utiles aux
investisseurs étrangers (particuliers et sociétés) qui souhaitent
promouvoir certaines catégories étroites de droits humains. S’ils
peuvent invoquer les TBI pour contester la confiscation de leurs
biens, les investisseurs étrangers victimes de mauvais traitements
(détention avant-procès, traitements inhumains ou autres violations
plus graves) peuvent aussi obliger les États à en répondre en
recourant aux procédures d’arbitrage prévues par les traités
d’investissement56. Qui plus est, les médias ou les éditeurs
étrangers peuvent engager des actions contre des gouvernements
qui cherchent à censurer la presse ou à la réduire au silence.
Mentionnons à ce chapitre qu’un tribunal d’arbitrage du CIRDI a
déclaré un État responsable d’infraction aux règles d’un traité
d’investissement pour avoir sanctionné une maison d’édition
étrangère qui avait publié du matériel de campagne pour un parti
d’opposition57. Même si la notification en arbitrage ne semble pas
avoir été rédigée dans des termes faisant expressément référence
aux droits humains, l’investisseur a plaidé que des représailles
politiques contre la société ayant publié du matériel pour
l’opposition devaient être considérées comme un traitement injuste
et inéquitable et donc contraire à un traité d’investissement58. À
noter que ce différend aurait pu donner lieu à une plainte pour
violation des dispositions relatives à la liberté d’expression de la
Convention européenne des droits de l’homme plutôt qu’à une
procédure en arbitrage en vertu d’un TBI. On constate donc que,
dans une certaine mesure, les traités régionaux relatifs aux droits
humains et les traités d’investissement confèrent des formes de
protection qui peuvent se recouper ; il revient aux parties
plaignantes de décider quelle avenue emprunter pour obtenir
réparation. S’il ne faut pas sous-estimer la portée des traités
d’investissement pour ce qui est de promouvoir certains objectifs
associés aux droits humains, on ne doit pas la surestimer pour
autant. Il est effectivement indispensable, pour quiconque désire se
prévaloir des dispositions d’un traité de ce type, de pouvoir
démontrer l’existence d’un investissement. Comme on l’a déjà
noté, ces traités d’investissement protègent une catégorie
beaucoup plus étroite de ressortissants étrangers que ce que
faisait la génération de traités internationaux antérieurs, qui pour
leur part protégeaient tous les ressortissants étrangers (qu’ils
soient ou non engagés dans des activités d’investissement à
l’étranger). Outre les affaires où des investisseurs étrangers
recourent aux traités d’investissement pour faire valoir certains
droits humains, un autre scénario peut se produire dans le cadre
du régime de protection de l’investissement étranger : il s’agit des
litiges entre investisseurs et États dont l’issue peut affecter les
droits humains d’autres personnes résidant sur le territoire du pays
hôte. Ce sont ces répercussions sur l’exercice des droits humains,
sur lesquelles portaient les études d’impact entreprises
antérieurement par Droits et Démocratie, que nous allons à présent
aborder .

Applicabilité des obligations des États relatives aux droits


humains de non-investisseurs
Quand un litige opposant un investisseur et un État hôte est
soumis à l’arbitrage international, l’une des questions centrales qui
se pose est de savoir si les droits humains de ceux qui ne sont pas
partie à l’arbitrage (par exemple les communautés ou personnes
sous la juridiction de l’État hôte) peuvent entrer en ligne de compte
dans le règlement du différend. Il peut arriver qu’un État prenne
des mesures pour s’acquitter de ses obligations relatives aux droits
humains des membres d’une collectivité locale, et que ces
mesures nuisent aux intérêts d’un investisseur étranger (en lui
imposant des charges ou des coûts supplémentaires, par
exemple). Si l’investisseur poursuit l’État pour non-respect d’un
traité d’investissement, les arbitres vont-ils tenir compte de la
dimension plus large des droits humains? En théorie, les États ont
toute latitude pour invoquer en défense leurs obligations en matière
de droits humains. Mais le font-ils réellement dans le cadre de ces
arbitrages? Nous allons voir, dans la section qui suit, que les États
commencent effectivement à soumettre des arguments fondés sur
le droit relatif aux droits humains, obligeant de ce fait les arbitres à
se prononcer sur leur admissibilité et leur bien-fondé .

Le droit humain à l’eau


C’est dans les arbitrages associés à des investissements étrangers
dans le secteur de la distribution de l’eau et des services sanitaires
qu’on voit le plus souvent les États invoquer leurs obligations
relatives aux droits humains des personnes vivant sur leur
territoire. Depuis une dizaine d’années, on compte au moins une
douzaine de procédures d’arbitrage engagées contre des États par
des sociétés étrangères ayant investi dans ce secteur59. Dix de
ces poursuites ont été intentées contre l’Argentine, les deux autres
contre la Bolivie et la Tanzanie, respectivement. D’autres actions
ont pu être engagées sans qu’on le sache, vu qu’il n’existe aucune
règle universelle exigeant la divulgation d’informations sur ces
procédures d’arbitrage. Les organes des Nations unies insistent de
plus en plus pour que le droit à l’eau soit considéré comme sous-
entendu dans plusieurs des droits énoncés par le Pacte
international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels
(PIDESC), à savoir le droit au meilleur état de santé susceptible
d’être atteint et le droit à une nourriture et à un logement suffisants.
Qui plus est, le droit à l’eau et les obligations qui en découlent
figurent en toutes lettres dans plusieurs autres instruments
internationaux, comme la Convention des Nations unies relative
aux droits de l’enfant et la Convention sur l’élimination de toutes les
formes de discrimination à l’égard des femmes61. À tout le moins,
les États sont tenus d’agir au maximum de leurs ressources
disponibles en vue d’assurer progressivement le plein exercice des
droits reconnus dans le Pacte. Dans son Observation générale nº
15, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, qui
procède à des interprétations du PIDESC non contraignantes mais
qui font cependant autorité, énonce une série de mesures que les
États doivent prendre, y compris veiller à ce que des tiers qui
gèrent ou contrôlent les services d’eau ne compromettent pas «
l’accès physique, à un coût abordable et sans discrimination, à une
eau salubre et de qualité acceptable, en quantité suffisante62 ».
On a depuis longtemps formulé l’hypothèse que les droits humains
pouvaient entrer en jeu dans certains des litiges ayant conduit à
des procédures d’arbitrage investisseur/État dans le secteur de
l’eau63. Les nouvelles recherches menées par Droits et
Démocratie révèlent que des arguments de cette nature ont été
invoqués par l’État hôte dans au moins une de ces procédures
d’arbitrage international, à savoir celle concernant la concession
accordée à Aguas Argentinas64. Comme nous le verrons plus en
détail ci-après, le fait que l’Argentine invoque ses obligations en
matière de droits humains dans l’affaire Aguas Argentinas oblige le
tribunal d’arbitrage à prendre ces arguments en considération et à
déterminer s’ils sont admissibles. De fait, le tribunal chargé
d’arbitrer le différend a reconnu au tout début des procédures que
« la cause pouvait soulever toute une gamme de questions
complexes de droit public et de droit international, y compris des
considérations relatives aux droits humains65 ». La sentence
d’arbitrage pourrait être rendue en 2009. Ce différend prend sa
source dans un investissement majeur effectué par un consortium
de sociétés étrangères réunissant Suez, Vivendi, Anglian Water
Group et Aguas Barcelona, dans les services d’approvisionnement
en eau de la ville de Buenos Aires. Avec des investisseurs
argentins, les firmes étrangères ont constitué une société locale,
Aguas Argentinas S.A., qui a conclu un contrat de 30 ans pour le
contrôle et la gestion des services d’eau et d’égouts. Les
investisseurs ont par la suite eu toutes sortes de démêlés avec les
autorités argentines. Plus tard, avec l’aggravation de la crise
financière du pays, ils ont contesté le gel des tarifs appliqués aux
consommateurs. Ils soutenaient qu’ils étaient autorisés, selon les
termes du contrat, à modifier leurs tarifs en cas d’inflation ou de
dévaluation de la monnaie, de manière à pouvoir maintenir l’ «
équilibre économique du projet » jusqu’à son terme. Le
gouvernement argentin a répliqué qu’Aguas Argentinas (une
société locale) était partie aux contrats de concession et que les
investisseurs étrangers — qui n’étaient pas eux-mêmes signataires
desdits contrats — ne devraient donc pas être autorisés à
soumettre une notification en arbitrage en alléguant le non-respect
de ces engagements contractuels. Il revenait plutôt à la société
locale d’entamer des poursuites devant les tribunaux internes. De
plus, le gouvernement a plaidé qu’Aguas Argentinas n’avait pas
respecté ses obligations contractuelles, notamment en ce qui
touche à la qualité de l’eau et à son approvisionnement. En mars
2006, le gouvernement argentin a résilié le contrat de concession
en invoquant des défaillances techniques de la part d’Aguas
Argentinas. À ce moment-là, les investisseurs étrangers s’étaient
depuis longtemps tournés vers l’arbitrage international en alléguant
que les actions de l’Argentine portaient atteinte aux protections
prévues dans les TBI que cet État avait signés avec les pays
d’origine des investisseurs, soit la France, l’Espagne et le
Royaume-Uni. En août 2006, un tribunal d’arbitrage s’est déclaré
compétent pour entendre les arguments des investisseurs et juger
de leur bien-fondé66. L’argument central plaidé par les
investisseurs était que l’Argentine n’avait pas respecté ses
engagements contractuels, ce qui l’avait menée à manquer à ses
obligations de protéger les investissements étrangers aux termes
des TBI qu’elle avait signés. Il faut noter que, dans les documents
déposés dans cette procédure d’arbitrage du CIRDI, l’Argentine a
fait des droits humains un des piliers de sa défense.
Étude et analyse du traitement de questions similaires par les
deux régimes
Il est nécessaire d’étudier en quoi le régime de protection de
l’investissement étranger et le système des droits humains offrent
des formes de protection communes à certains acteurs. Par
exemple, tant les traités d’investissement que les traités des droits
humains prévoient des protections en cas d’expropriation.
Pourtant, comme on l’a noté plus haut, les mécanismes
juridictionnels des droits humains et les tribunaux d’arbitrage des
différends liés aux investissements peuvent en arriver à des
conclusions radicalement différentes quand il s’agit de statuer si tel
geste posé par un gouvernement entraîne pour lui l’obligation
d’indemniser le propriétaire touché, et de déterminer le montant de
l’indemnité (équivalente ou inférieure à la valeur marchande) à
accorder. L’autre différence entre les deux systèmes réside dans la
question de l’indemnisation des dommages moraux (plutôt que des
pertes financières). Il est courant, dans les mécanismes du
système des droits humains, d’accorder une forme de
compensation pour les dommages moraux subis par les victimes
de violations des droits humains (par exemple, pour les
souffrances endurées, l’atteinte à la dignité, la peur, la détresse
psychologique, etc.)144. Si on examine la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l’homme, dans le nombre
impressionnant de cas où le tribunal a ordonné un
dédommagement, il s’agit d’indemnisation pour dommages moraux
et non pour pertes financières145. Il faut noter que cette pratique a
commencé à faire école du côté de l’arbitrage des différends liés à
l’investissement. Au début de l’année 2008, des arbitres ont
accordé des dommages moraux à une société dont les dirigeants
avaient « souffert de stress et d’anxiété après avoir été harcelés,
menacés et détenus » par des agents de l’État et intimidés par des
individus armés146. Au premier coup d’œil, le montant accordé —
un million de dollars américains — semble de beaucoup excéder
les indemnités accordées dans la plupart des affaires traitées par
les mécanismes juridictionnels du système des droits humains,
même celles impliquant les violations les plus graves comme la
torture, les disparitions ou les exécutions extrajudiciaires. Il est
donc prioritaire pour les chercheurs et les preneurs de décisions
d’évaluer comment ces deux régimes de droit international traitent
des questions similaires, y compris l’octroi d’indemnités pour
dommages moraux. À ce jour, nombreux sont les défenseurs des
droits humains qui ignorent encore que les particuliers ou les
entreprises peuvent choisir de déposer des griefs d’apparence
similaire soit en recourant aux mécanismes des droits humains
(comme la Cour interaméricaine des droits de l’homme), soit en
soumettant une requête en arbitrage devant les mécanismes
prévus par les traités bilatéraux d’investissement. Pour les États et
les personnes sous leur juridiction, les décisions de ces différents
mécanismes juridictionnels internationaux peuvent avoir des
conséquences radicalement différentes sur les plans juridique,
politique et financier .
Étude et analyse de l’interprétation et de l’application du
droit relatif aux droits humains par les arbitres
d’investissement

Il est clair que les intérêts des investisseurs étrangers peuvent


entrer en collision avec les droits fondamentaux des personnes qui
vivent dans le pays d’accueil. Comme on l’a évoqué plus haut, des
investisseurs ont récemment engagé des actions en arbitrage qui
pourraient avoir des répercussions sur l’exercice du droit à l’eau,
compromettre l’adoption par un État de mesures d’action positive
en faveur de personnes désavantagées ou sa capacité de
composer entre l’obligation d’assurer la sécurité des investisseurs
et celle de respecter les droits humains des personnes qui
protestent contre un projet d’IED. Dans ces affaires, les États (ou
des tierces parties) demandent aux arbitres de tenir compte des
obligations de l’État hôte en matière de droits humains et de
déterminer si ces obligations peuvent excuser ou justifier certaines
mesures gouvernementales qui nuisent aux intérêts d’investisseurs
étrangers. Parce que la plupart des traités d’investissement ne font
jamais référence au droit relatif aux droits humains, les États
pourraient choisir, à l’avenir, d’introduire dans les traités qu’ils
négocient le discours des droits humains147. Ce faisant, ils
obligeraient les arbitres à évaluer l’applicabilité du droit relatif aux
droits humains aux questions en litige. Toutefois, cela soulève
inévitablement la question plus large de la capacité des arbitres
d’interpréter les dimensions du droit relatif aux droits humains
entrant en jeu dans ces affaires. Comme l’a noté Anne van Aaken,
il ne faut pas sous-estimer ce pouvoir d’interprétation des arbitres,
en particulier dans un contexte où l’on compte chaque année des
douzaines de procédures d’arbitrage investisseur/État intentées en
vertu de traités d’investissement148. Comme le fait observer Van
Aaken, la question de savoir qui arbitre ces différends devient
cruciale149. Certes, il y a là un dilemme inextricable pour ceux qui
préconisent que les arbitres se réfèrent à un champ plus large du
droit international, y compris le droit relatif aux droits humains.
Dans l’éventualité où les arbitres acceptent de le faire, il leur faudra
tirer des conclusions sur la façon dont il faut interpréter et
comprendre les obligations des États en matière de droits humains.
Il peut arriver, en de rares occasions, que les arbitres possèdent
une solide expertise en droit relatif aux droits humains. En effet,
certaines des personnes qui siègent dans des tribunaux d’arbitrage
possèdent de l’expérience et des compétences dans ce champ du
droit150. Mais dans bien des cas, les arbitres risquent de n’avoir
qu’une expertise limitée à ce chapitre On peut concevoir diverses
stratégies pour combler ces lacunes. Par exemple, on pourrait
choisir des arbitres possédant une expertise en droit relatif aux
droits humains. Toutefois, en l’absence de règles contraignantes, il
appartient à chacune des parties de choisir son propre arbitre. Par
ailleurs, les arbitres pourraient consulter des experts ou des
agences spécialisées (notamment les organes de surveillance de
l’application des traités de l’ONU) pour obtenir des
éclaircissements sur les questions de droits humains entrant en jeu
dans une affaire. Cependant, faute de mandats à cet effet, les
arbitres ont toute latitude pour déterminer dans quelle mesure ils
examineront les obligations relevant des droits humains et sur
quelle base. Par exemple, les arbitres d’un différend relatif à un
traité d’investissement ont récemment rejeté la requête d’un État
qui voulait obtenir une opinion de la Cour ou de la Commission
européenne des droits de l’homme sur des questions de droit
européen151. Les États doivent évaluer s’il est nécessaire que les
traités d’investissement prévoient des procédures de renvoi
obligatoire autorisant la consultation d’agences spécialisées ou de
mécanismes juridictionnels du système des droits humains sur des
questions relatives au droit relatif aux droits humains. Le régime
international de protection de l’investissement étranger est un
système de droit international solide et de large portée, qui compte
plusieurs milliers de traités ouvrant la voie à des litiges
susceptibles d’avoir des conséquences considérables. Dans un
certain nombre de cas, les arbitres chargés de régler ces
différends doivent traiter de questions relevant des droits humains,
et il appartient aux acteurs qui militent pour la protection et la
promotion des droits humains d’étudier cette nouvelle tendance et
d’en analyser les implications plus larges .

Conclusion
Tous ces acquis témoignent de l'existence au Maroc d'une forte volonté de
consolider un Etat de droit qui garantit le respect des droits de l'homme,
mais cela exige davantage d’efforts et de progrès au niveau des réformes
législatives, de la mise en application des lois et des droits, ainsi que de la
diffusion de la culture des droits de l’homme.
La voie du respect et de la promotion des droits de l’homme est longue ;
elle exige plus de combat et de mobilisation et également la contribution
de la société civile dans le développement des mécanismes de protection
et dans le règlement du dossier des violations graves perpétrées dans le
passé.
Il reste encore à traiter des problématiques nouvellement surgies qui
réclament un réel courage politique et un consensus entre les différentes
composantes de la société marocaine, notamment celles à caractère
religieux : la question du viol, l’égalité en matière d’héritage, le droit à
l’avortement. Il faudrait aussi mener des réformes touchant les libertés
collectives, les droits de la femme et la justice sociale.
Depuis l’avènement du PAS, dans le cadre de sa stratégie d’ouverture et
d’intégration dans le jeu économique mondial, le Maroc a entamé un
processus de réformes touchant les domaines économique, juridique et
institutionnel. Au sein de ces réformes, un intérêt particulier a été
consacré à l’amélioration du climat d’investissement et à l’attractivité de
l’économie marocaine pour l’IDE. Les réformes introduites ont donné
leurs fruits. Très peu attractif et n’intéressant pas les investisseurs
internationaux jusqu’à la fin des années 1980, le Maroc est devenu
attractif pour l’IDE. De grandes multinationales, issues des quatre coins
du globe, développement leurs investissements aujourd’hui dans le
pays. Cependant, le climat d’investissement du Maroc continue de
présenter des faiblesses et le grand potentiel d'investissements
étrangers dont dispose le pays est loin d’être pleinement exploité. Dans
la perspective de dépasser les insuffisances du climat d’investissement
et d’accroître l’attractivité de l’économie marocaine, des efforts restent
ainsi à accomplir par les pouvoirs publics. A ce sujet, nous pouvons
proposer les pistes de réformes suivantes : - poursuivre la modernisation
du cadre réglementaire et renforcer le cadre institutionnel de
l’investissement étranger ;
- transformer les Conseils régionaux d’investissement en délégations
régionales de l’Agence Marocaine de Développement des
Investissements, afin de mettre fin à l’intervention du ministère de
l’intérieur dans l’acte d’investissement ; -mener une réforme en
profondeur du système de l’enseignement afin d’arrêter l’hémorragie de
la chute flagrante du niveau des apprenants ; -faire aboutir le projet de
réforme du code de travail, en réglementant le droit de grève ; -mener,
de façon urgente, une réforme en profondeur du système judicaire et
assainir ledit système de ceux qui nuisent à sa crédibilité et son image ; -
intensifier les efforts d’investissements dans les infrastructures en ciblant
les régions pauvres et déshéritées, afin de lutter contre les inégalités
régionales ; -élaborer une stratégie d'investissement proactive pour
améliorer la perception que les opérateurs privés internationaux ont du
climat d'investissement du pays.

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