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Année Scolaire 2009/2010

Master Spécialisé Finances

FINANCE
ISLAMIQUE
Jamal El Bakouchi

Directeur de mémoire :

Professeur Younes LAHRICHI

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PLAN

INTRODUCTION

PARTIE 1 : FINANCE ISLAMIQUE ; ENJEUX et PROBLEMATIQUE

SECTION 1 : PRINCIPES TRADITIONNELS DE LA FINANCE ISLAMIQUE

SECTION 2 : LES INSTRUMENTS DE BASE DE LA FINANCE ISLAMIQUE

SECTION 3 : LA TITRISATION ISLAMIQUE ; LES SUKUK

SECTION 4 : EVOLUTION DE LA FINANCE ISLAMIQUE

SECTION 5 : LA FINANCE ISLAMIQUE EN OCCIDENT

SECTION 6 : LES DIFFICULTES DE LA FINANCE ISLAMIQUE

PARTIE 2 : FINANCE ISLAMIQUE AU MAROC ; PRODUIT ALTERNATIF

SECTION 1 : HISTORIQUE

SECTION 2 : LIMITES ET BILAN DE L’EXPERIENCE DE 2007

SECTION 3 : PREMIERE BANQUE ISLAMIQUE MAROCAINE ; « DAR ASSAFA »

CONCLUSION.

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Introduction :
Depuis le début de la Finance Islamique moderne en 1975, le nombre
d’institutions financières islamiques et leurs chiffres a connu une croissance
fulgurante. Peut être en raison de l’expansion des avoirs des Financiers
Islamiques, mais aussi parce que, musulmans et non musulmans, s’accordent
pour voir dans la Finance Islamique un choix éthique qui permet d’éviter les
dérives de la spéculation à outrance tout en réinstaurant certaines valeurs
négligées par la finance conventionnelle… comme la confiance et la solidarité.

Les chiffres confirment qu’il y a plus qu’un engouement pour les produits de la
Finance Islamique qui pourraient devenir des produits courants. Ce secteur
pourrait représenter 4.000 milliards de dollars US d’ici cinq ans.
Par ailleurs grâce à ces principes fondamentaux (partie 1) : des produits licites
dont le profil de rentabilité est adossé à des actifs tangibles, un fort de gré de
transparence et l’interdiction de spéculer et de payer des intérêts, ont permis
d’atténuer le choc la dernière crise économique. En effet tous les cours boursiers
mondiaux ont chuté, mais grâce à une exposition moindre à la crise des crédits, le
repli des indices conformes à la ‘Chariâ’ a été moins prononcé que celui des
indices traditionnels.

Relativement parlant, la Finance Islamique n'en est qu'à ses débuts, et ce mode
de financement qui était destiné au départ à être une solution alternative pour les
musulmans, est peu à peu apparu comme un phénomène qui intéresse le monde
entier et s’intègre de plus en plus à l’économie globale. Ce phénomène peut
paraître paradoxal dans un contexte ou l’Islam réprouve la pratique de l’usure et
de l’intérêt, piliers du système financier international.
Pourtant l’absence de recul, de taille critique, de standardisation et d’expérience
constituent ses principaux handicaps. Les spécialistes admettent la nécessité de
développer des méthodes spécifiques de gestion des risques et de controle, qui
viendraient compléter les outils de gestion utilisés en finance classique. En plus il
y a nécessité d’harmonisation les différentes cultures, normes, pratiques,
interprétations de la charia et des principes de supervision est une autre
condition à la poursuite de la croissance :

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Figure 1 : Evolution des fonds de la Finance Islamique en milliard $

Source : Banque NEGARA

Le financement islamique est donc un financement en plein essor aussi bien en


orient qu’en occident dans cette ère de mondialisation financière.

Ceci nous amène à nous demander si le financement islamique est un


financement voué à se généraliser et à s’imposer face aux financements
classiques surtout dans des économies émergentes comme le Maroc (deuxième
partie) où les institutions financières conventionnelles étaient, elles même,
chargées de mettre en place et de développer un offre de produits islamiques.

Cette démarche s’est heurtée à pas mal de contradictions et a eu des


conséquences décevantes quant au bilan de cette expérience qui n’a duré
qu’une année et demi avant que Banque Al Maghrib ne réagisse finalement en
accordant un agrément de Banque Islamique sur la place financière marocaine.

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1ère PARTIE

FINANCE ISLAMIQUE ;
ENJEUX ET PROBLEMATIQUES

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Section 1 : Principes Généraux
de la Finance Islamique

La Finance Islamique se veut être un moyen éthique et équitable de faire la


finance qui s’appuie sur les principes de la ‘Chariâ’; la loi coranique.

La ‘Chariâ’ comprend la ‘Sunna’ au sein de laquelle figurent les principes du


Coran et les Hadiths qui sont les dirent et actes attribués au prophète Mohamed

La ‘Chariâ’ régit tous les aspects personnels et collectifs des musulmans en


indiquant ce qui est acceptable ou pas en terme de comportement dans la vie
musulmane. Cela inclut les activités économique et commerciale.

Les principes édictés par la ‘Chariâ’ en matière de la Finance Islamique peuvent


se résumer comme suit: l’argent ne peut créer à lui seul de l’argent sans l’action
du capital physique et du travail.

La ‘Chariâ’ encadre les techniques financières selon les principes suivants :

1- La prohibition de l’intérêt : (riba)


La loi islamique assimile le taux d’intérêt à l’usure et prohibent la mise en place
d’un intérêt quelque soit sa nature. La prohibition du ‘riba’ prend sa source
dans les versets 275 de la Sourate II du Coran « AlBaqara » :
‘’Allah a rendu licite le commerce et illicite l’intérêt’’

et 276 de la Sourate « AlBaqara » :


‘’Allah anéantit l’intérêt usuraire et fait fructifier les aumônes’’

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L’argent n’est donc pas reconnu comme un bien susceptible de générer par
lui-même des revenus. Le seul prêt d’argent ne peut donc pas être rémunéré
entant que tel.

Cependant la loi musulmane n’interdit ni le prêt ni la possibilité d’effectuer des


profits. Le profit est encouragé à partir du moment où il est déterminé ex post.
Il exprime alors la performance de l’investissement.

A l’inverse, la rémunération d’un investissement par un intérêt est prohibée


car elle est déterminée ex ante et sans référence à sa performance. Le prêteur
peut obtenir une rémunération indirecte de son prêt à travers les revenus
générés par l’activité qu’il a financée.

Le fait générateur de cette rémunération doit être les revenus par le bien et
non pas l’écoulement du temps car le passage du temps n’appartient qu’à
Allah. En d’autres termes le prêteur obtiendra une rémunération uniquement
si il y a réellement un revenu.

Ainsi la prohibition du ‘riba’ a pour conséquences pratiques le fait que la


notion de prêts tels que pratiquée par les banques classiques n’est pas
retenue par les banques islamiques. De ce fait l’ouverture de comptes bloqués
et de livrets d’épargne est prohibée et les instruments financiers doivent
toujours être adossés à un actif.

La pratique de l’intérêt a néanmoins été réhabilitée dans certaines


hypothèses. Il s’agit notamment des intérêts sur prêts à des non musulmans si
les intérêts gagnés bénéficient à des œuvres de bienfaisance.

2- Principe de partage des pertes et des profits :


Selon les règles de la ‘‘Chariâ’ ’ nul ne peut prétendre à une quelconque
rémunération sans supporter une partie du risque afférent à l’investissement.
La loi islamique incite donc toutes les parties d’une transaction à partager le
risque et le bénéfice ou la perte. Les opérations des banques islamiques se
conforment à une règle de partage des pertes et des profits suivant une clé de
répartition prédéterminée entre l’investisseur et la banque.

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3- Prohibition de l’aléa (al gharar)
Le ‘Gharar’ consiste en la vente d’articles dont l’existence ou les
caractéristiques ne sont pas certaines. Dans un échange commercial, le
‘Gharar’ se réfère à une tromperie ou à une ignorance de l’objet du contrat. Le
‘Fiqh’ donne des exemples du ‘Gharar’ telle que la vente d’un poisson en mer,
d’un œuf non encore pondu, ou plus généralement la vente d’une chose qui
n’est pas suffisamment identifiée.

Contrairement à la prohibition du ‘riba’, celle du ‘Gharar’ n’est pas absolue. Le


‘Gharar’ peut être toléré s’il n’est pas excessif et si son impact sur l’économie
ou la société est minimal.

Cette prohibition a pour conséquences, en principe, l’interdiction des contrats


d’assurances traditionnels, des ventes de dérivés de crédits tels que les
Futurs ou les Options, les systèmes de ventes à découvert et les swaps.

Il existe toutefois en pratique une forme d’assurance propre au droit


islamique ; la ‘Takafoul’, qui consiste en une sorte de fond destiné à assurer
un support financier à ceux des partenaires du fond qui seraient dans le
besoin, ainsi que des contrats d’option d’achat et de vente, dénommé
‘Arboun’.

Le mécanisme du contrat d’’Arboun’ consiste dans l’achat partiel et non


remboursable d’une chose avec possibilité de confirmation ou d’annulation. Si
l’option d’achat est levée, le prix initialement payé est déduit du prix total
d’acquisition.

4- Prohibition de la spéculation (al maysir):


La prohibition du ‘mayssir’ découle immédiatement de celle du ‘gharar’. La
spéculation est interdite car elle divertit les individus d’activités productives et
favorise l’accumulation des richesses sans effort.

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5- Prohibition de la prise de participation dans des entreprises dont l’activité
n’est pas jugée éthique par l’Islam (haram) :
Les techniques de financement islamique ne peuvent pas servir de support à
des investissements réalisés dans des entreprises de commerce d’alcool,
d’élevage de porc, les casinos, l’armement ou les discothèques.
Toutefois quelques hôtels dans les pays du Golfe ont eu recours à des
financements islamiques bien que de l’alcool y soit servi et vendu ce qui
prouve une certaine flexibilité du raisonnement en matière commerciale.

6- Libre fixation des prix et interdiction de la manipulation des marchés :


Le modèle islamique peut être considéré comme un modèle libérale où les prix
doivent être déterminés par l’équilibre entre l’offre et la demande uniquement.
Il ne doit donc y avoir aucune intervention dans la fixation des prix. Des
interventions peuvent être tolérées dans le cas où elles ont pour objet de
corriger les anomalies du marché.
Le marché ne doit faire l’objet d’aucune manipulation: il est formellement
interdit de créer une hausse artificielle de la demande afin de gonfler les prix
ou, à l’inverse, une baisse artificielle de l’offre (al Ihtikar).

Conclusion de la Section 1:
Il est vrai qu’à bien des égards la Finance Islamique apparaît comme éthique:
l’intérêt des différentes parties est pris en compte, le système s’appuie sur un
principe de solidarité et d’entraide et il est interdit d’investir dans des activités
considérées dans le monde entier comme nuisibles.
Néanmoins il subsiste de nombreuses zones d’ombres en ce qui concerne
l’application des principes énoncés ci-dessus. En effet, il n’est pas clairement
défini ce qu’est un partage équitable du profit et de quel profit cela peut s’agir. Il
est également difficile d’évaluer le degré de ‘gharar’ acceptable.
Par ailleurs malgré l’interdiction d’investir dans du ‘haram’, certains fonds
« islamiques » servent à financer des structures s’appuyant sur des activités
prohibées pour générer des profits. Il semble donc que le manque de clarté et de
précision dans les définitions des principes fondamentaux de la Finance
Islamique peut mener à des dérives où la logique commerciale l’emporte sur la
dimension éthique.

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Section 2 : Les instruments de base
de la Finance Islamique

Des principes énoncés ci avant découle un certain nombre d’instruments et de


produits islamiques que nous détaillerons dans cette section.

1- Modes de financement impliquant un partage des profits et des pertes :

Parmi ces modes de financement on dénombre la Moucharaka, la Moudaraba, la


Mouzara et la Mousaka. Seules les deux premières seront développées ici dans la
mesure où elles sont les deux plus pratiquées par les banques islamiques.

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1-1 La Moucharaka :
Il s’agit de l’équivalent d’un capital investissement ou, une joint-venture et l’un
des outils de financement les plus couramment utilisés par les banques
islamiques, notamment dans le cadre de financement de projet. C’est un
partenariat sur la base duquel l’institution financière comme l’entreprise
investissent dans le projet. L’institution financière et son partenaire partagent
les profits et les pertes selon des propositions prédéfinies.
Alors que les profits sont répartis selon une clé de répartition fixée à l’avance,
les pertes sont obligatoirement réparties au prorata des apports.

Figure 2 : Schéma d’une opération de ‘Moucharaka’

i. Le client et la banque discutent du Business Plan et contribuent conjointement


au capital de la joint-venture
ii. Le client et la banque définissent la politique opérationnelle à suivre, gèrent la
joint-venture selon les prérogatives qu’ils auront prédéfinies. La joint-venture
dégage alors des profits ou des pertes
iii. Les profits sont obligatoirement répartis selon une clé de répartition fixée à
l’avance
iv. Si pertes : elles sont réparties au prorata des apports entre client et banque

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1-2 La Moudaraba :
Il s’agit de l’équivalent d’une société en commandite. Le capital est
entièrement fourni par la banque (commanditaire) à l’entrepreneur
(commandité) pour le financement du projet. La banque choisit
l’entrepreneur, appelé ‘Moudarèb’, qui sera chargé de gérer les fonds investis.

La banque se réserve alors le droit de superviser la gestion du portefeuille.


Le partage des profits entre la banque et l’entrepreneur s’effectue selon un
ratio prédéterminé. En revanche les pertes sont intégralement supportées par
la banque sauf en cas de négligence ou de faute lourde de l’agent-
entrepreneur.

Figure 3 : Schéma d’une opération de ‘Moudaraba’

i. Le client et la banque discutent du Business Plan. La banque fournit les


capitaux nécessaires à l’investissement
ii. Le client gère l’affaire en y apportant son savoir faire
iii. La banque se réserve le droit de supervision
iv. L’investissement dégage des bénéfices ou des pertes
v. Les profits sont obligatoirement répartis selon une clé de répartition fixée à
l’avance
vi. Si il y a perte elle est obligatoirement supportée par la banque

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2- Financements en l’absence de partage des profits et des pertes :

Parmi ces modes de financement, figurent notamment la ‘Mourabaha’, l’’Ijara’,


l’’Istisna’ et le ‘Salam’. Les deux derniers ayant la particularité de permettre le
financement d’achat à terme.

2-1) La ‘Mourabaha’ :
La ‘Mourabaha’ est le produit le plus utilisé dans la Finance Islamique et
représente 60% des contrats de financements émis.
Il s’agit d’un mode de financement d’actifs par achat/revente. La banque
islamique achète un bien à un tiers à la demande du client puis le lui revend
moyennant un paiement différé et une marge forfaitaire. Cette marge
forfaitaire couvre le risque pris par la banque en jouant le rôle de
l’intermédiaire.
Le prix de revente, fixé par la banque, doit être approuvé par le client à
l’avance et celui-ci doit connaître le prix d’achat initial.

La ‘Mourabaha’ fait l’objet de critique notamment par l’adjonction de la marge


de profit qui rappelle le caractère prédéterminé du taux d’intérêt.

Figure 4 : Schéma d’une opération de ‘Mourabaha’

i. Le client contacte la banque et se renseigne sur le bien qu’il


compte acquérir, et sur son prix, et s’accordent sur la
majoration à appliquer
ii. La banque vend le bien au client au prix de revient majoré de
la marge bénéficiaire
iii. Le paiement peut se faire en une seule fois ou selon un
échéancier prédéterminé

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2-2) L’Ijara :
C’est un moyen de financement à long terme. Il s’agit de la location, d’actifs
acquis par la banque, au client.
Au terme du contrat, trois cas de figure peuvent se présenter :
- Le client est obligé d’acheter le bien, soit
- Il a le choix d’acheter ou de restituer le bien, soit
- Il opte pour une seconde location de ce bien

Il apparaît qu’à la différence de la ‘Mourabaha’ la banque peut acquérir le bien


du client et le lui louer en vertu d’un contrat d’Ijara’, et le loyer n’a pas à être
déterminé à l’avance. Les parties peuvent en effet convenir que le loyer sera
périodiquement révisé. La part de l’institution financière dans le bien loué
diminue avec les paiements du capital que le client effectue en sus du
paiement des loyers. L’objectif est, à terme, le transfert de la propriété du bien
au client. Pendant la durée de la location, la banque propriétaire du bien, en
supporte les risques liés à la propriété.

Figure 5 : Schéma d’une opération de ‘Ijara’

i. Le client identifie l’actif à acheter et collecte les


informations utiles
ii. La banque loue l’actif au client
iii. Le client paie les loyers à la banque selon un
échéancier prédéterminé
iv. A la fin de la période de location, le client rachète le
bien ou le restitue à la banque

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2-3) Le ‘Salam’ :
Il s’agit d’un achat de biens à terme et d’un accord à court terme. L’acquéreur
achète le bien en payant le prix en totalité et le vendeur s’engage à le lui
transférer à une date ultérieure fixée à l’avance.
Le ‘Salam’ présente l’avantage de permettre à la banque d’avancer
directement des fonds à son client, en se positionnant en tant qu’acquéreur
vis-à-vis de lui et en lui concédant un délai pour la livraison des marchandises
achetées. C’est un instrument semblable à un forward.

Figure 6 : Schéma d’une opération de ‘Salam’

i. La banque passe une commande à son client à une


quantité donnée et le paie comptant
ii. La délivrance du bien intervient postérieurement

2-3) L’Istisna :
Cette technique de financement est similaire à un contrat EPC (Engineering
Procurement Construction). En effet, comme dans les contrats EPC, une partie
demande à une autre de lui fabriquer ou construire un ouvrage moyennant une
rémunération payable d’avance. Concrètement la banque islamique finance le
fabriquant pendant la phase de construction du bien, en acquiert la propriété à
l’achèvement, puis le transfert à l’entrepreneur du projet moyennant un
paiement différé, ou le lui loue.

L’Istisna fournit donc un financement à moyen long terme pour couvrir les
besoins de financement pour la fabrication, la construction ou la fourniture des
produits finis.

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Conclusion de la Section 2:
A l’exception de la ‘Moudaraba’ et de la ‘Moucharaka’, les autres modes de
financement n’impliquant aucun mode de partage se rapproche davantage des
techniques de financement conventionnelles : vente à paiement différé, vente à
livraison différé, location avec possibilité d’achat… par conséquent, seules les
deux premières techniques sont réellement considérées, par les orthodoxes,
comme strictement conformes à la ‘‘Chariâ’ ’.
Néanmoins, celles-ci ne représentent que 17% de l’activité de la Finance
Islamique (figure 7), les 83% restant sont des produits qui ne font pas l’unanimité
au vu de leur conformité par rapport aux règles de la ‘‘Chariâ’ ’.
Par ailleurs, dans l’ensemble de ces techniques, il apparaît qu’il existe bel et bien
un substitut qui est un moyen détourné de percevoir des intérêts.
Ainsi, dans la pratique, dans un contrat d’’Ijara’ par exemple, les loyers perçus
par la banque sont calculés de la même manière qu’un taux d’intérêt classique
s’appuyant sur la révision périodique du loyer permettant de s’aligner sur les prix
du marché des taux plus que celui de la location immobilière. Le montant de cette
révision annuelle n’est pas prédéterminé d’une manière certaine, il semble donc
bien exister un élément d’incertitude quant au fait si le loyer sera augmenté ou
non et de combien.
Il semble que dans une finance qui se définit et se distingue par l’application
stricte de certaines règles religieuses, il existe des zones d’ombre et des moyens
qui permettent de détourner habilement ces règles afin de toucher un large public
et d’obéir à une logique de bénéfices et de gains semblables à celle de la finance
dite conventionnelle.

Figure 7 : Répartition des modes de financement islamiques

Istinsaa
2% Moudaraba/
Divers Moucharaka
13% 17%

Ijara
9%

Mourabaha
59%

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Section 3 : La Titrisation Islamique ;
Les Sukuk

Afin de répondre à la problématique de surliquidité, le développement des Sukuk


a permis l’essor d’un marché islamique de type obligataire conforme aux
principes de la ‘Chariâ’ et permettant tant au secteur public que privé de lever
des fonds.

Ainsi, si au départ les Sukuk étaient émis exclusivement par les Etats (tels que les
gouvernements de Malaisie, Qatar, Pakistan, Bahrayn, Dubaï), des compagnies
privées y ont récemment eu recours.

1- Principes :

1-1) Définition :
Le terme Sukuk (pluriel de Sak) signifie certificat de créance ou obligation.
L’Organisation des Comptables et des Vérifications des Institutions
Financières Islamiques AAOFI les définissent comme : des certificats de valeur
représentant une part de copropriété d’actifs tangibles, de service ou
d’usufruits résultant d’un projet ou d’une activité d’investissement.

1-2) Comparaison avec les instruments de la Finance Conventionnelle :


A la différence d’une obligation représentant un droit de créance de détenteur
sur l’émetteur, les Sukuk représentent un droit de créance du détenteur sur
l’émetteur, les Sukuk représentent un droit de propriété sur l’actif sous-jacent.

Le détenteur de Sukuk apparaît donc comme un des propriétaires indivis de


l’actif, et supporte les risques inhérents à la propriété du sous-jacent. Ainsi un
détenteur de Sukuk émises par une centrale électrique devient propriétaire
d’une partie d’une turbine par exemple.

Les Sukuk se rapprochent des ‘Asset Backed Securities’ ou ‘Securities Bond’


américaines et sont souvent qualifiés de Trust Certificates par leur nécessaire
adossement à un actif.

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1-3) Conformité à la loi islamique :
L’adossement à un actif admis par la ‘Chariâ’ et dont seule la performance
permet de rémunérer le placement, est conforme aux interdictions de riba
(intérêt) et du haram, fait des Sukuk des instruments conformes à la loi
islamique.

Par ailleurs les détenteurs de Sukuk courent un risque de crédit et reçoivent


une part des profits, conformément à la règle du partage des profits et des
pertes.

2- Classification :
Les Sukuk reposent sur les techniques de base de la Finance Islamique tels que
les contrats de location Ijara, les contrats de partenariat (Moucharaka et
Mourabaha), les contrats de financement classique ‘Mourabaha’ ou à terme
‘Salam’. En vertu de la définition retenue, les Sukuk peuvent être adossés à des
actifs tangibles, des services ou des usufruits, et également sur des contrats de
partenariat ‘Moucharaka’ et ‘Moudaraba’. L’ AAOIFI reconnaît 14 types de Sukuk
selon la nature de leurs sous-jacents.

Les plus émis sur le marché sont ceux qui posent le moins de difficultés quant à
leur conformité à la ‘Chariâ’ sont détaillés ci-après :

2-1) Sukuk Al Ijara :


Le plus souvent, la structure de l’émission de Sukuk Al Ijara est fondée sur le
mécanisme du lease-back et passe par la constitution d’un ‘Special Purpose
Vehicule’. Dans cette hypothèse, la rémunération des détenteurs prend la
forme de loyers qui peuvent être fixes ou variables.

Par exemple l’Etat du Pakistan a émis un emprunt sous forme d’un Sukuk afin
de financer la construction d’une autoroute ; les recettes des péages ont servi
à garantir le remboursement du prêt.

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Figure 8 : Schéma d’une opération de Sukuk Al Ijara

i. L’entreprise demande l’avis d’une banque


d’affaires en ce qui concerne l’émission de Sukuk.
Une SPV (Société de Gestion) est crée pour
l’occasion
ii. La SPV achète les actifs auprès du vendeur
iii. La SPV procède à l’émission de Sukuk auprès des
investisseurs
iv. L’entreprise entant qu’agent de la SPV selon un
contrat d’Ijara et lui paie un loyer selon les
termes du contrat d’Ijara
v. La SPV transfert les loyers aux investisseurs après
avoir perçu des frais de gestion et d’émission

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2-2) Sukuk adossé à un portefeuille d’actif :
Afin de mobiliser davantage de fonds, les Sukuk peuvent être adossés à un
pool d’actifs comprenant des contrats d’Istisna, de Mourabaha et d’Ijara.

2-3) Sukuk A’Ssalam :


L’utilisation des Sukuk A’Ssalam est idéalement indiquée pour des opérations
à court terme dont la maturité n’excède pas trois mois. Néanmoins au vu de
leur structure détaillée dans la figure 9, les Sukuk A’Ssalam présentent un
risque de marché : la valeur de l’actif prépayé risque de diminuer dans le futur.
Les investisseurs participent donc à une opération où il existe un aléa ce qui
est à la limite de l’acceptable dans les règles édictées par la ‘Chariâ’.

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Figure 9 : Schéma d’une opération Sukuk A’Ssalam

i. L’emprunteur consulte une banque d’affaires en


ce qui concerne l’émission de Sukuk. Une SPV est
crée pour l’occasion
ii. La SPV procède à l’émission de Sukuk auprès des
investisseurs
iii. La SPV collecte les fonds auprès des investisseurs
iv. La SPV paie en avance à l’emprunteur le bien
qu’elle souhaite acquérir
v. La livraison du bien effectuée par l’emprunteur
est affectée à la maturité du prêt
vi. Revente du bien cédé par la SPV à une partie
tierce
vii. Paiement du prix du bien à la SPV à la livraison
viii. Le bénéfice perçu par les investisseurs est égale à
la différence entre le prix d’acaht du bien et son
prix de revente

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3- Conditions de cotation :

3-1) Nature des Sukuk :


Les Sukuk adossés à des contrats d’Ijara peuvent être échangés valorisés
(pricés) librement sur le marché secondaire étant donné que le contrat d’Ijara
permet de détenir une partie de l’actif sous ce contrat.
En ce qui concerne les Sukuk adossés à des portefeuilles d’actifs, ils peuvent
être cotés si au moins 51% du portefeuille est composé d’Ijara, c'est-à-dire
d’actifs tangibles, et de 49% au maximum de créances islamiques.

3-2) L’existence d’actifs :


L’existence préalable d’actifs détermine la possibilité pour les Sukuk d’être
côtés ou non. Ainsi la conclusion de contrats d’Istisna permet l’acquisition
ultérieure d’actifs n’autorise pas d’émettre des Sukuk. Il en va de même pour
les Sukuk adossés à des contrats de Salam dans la mesure où ceux-ci
financent l’acquisition à terme d’un actif.

3-3) Le marché de cotation :


La taille (estimée) du marché des Sukuk à la fin de l’année 2006 était de l’ordre
de 60 à 70 milliards $ globalement. Les Sukuk cotés représentent 20 à 25% de
ce total, soit $10 à 15 milliards $. Doubaï est la place financière où l’on trouve
le plus gros volume de Sukuk cotés. Londres se place en seconde position, où
le marché secondaire est plus actif, avec environ 2 milliards $ de volume
d’échange sur les Sukuk en janvier 2006.
Le marché obligataire Malaisien établit des règles particulières permettant à
certains Sukuk d’y être cotés alors qu’ils ne pourraient pas l’être sur les
autres marchés islamiques. Par exemple des Sukuk adossés à des contrats
d’Istisna peuvent y être côtés.

En définitive, les Sukuk Al Ijara semblent offrir la meilleure flexibilité en terme


de structure, de négociabilité et de contraintes. Par conséquent ces Sukuk
semblent être ceux qui sont amenés à jouer un rôle significatif dans le
développement du marché des Sukuk.

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Les émissions de Sukuk sont appelées à augmenter rapidement. Les
estimations les plus conservatrices les placent à environ 20 milliards $ au
cours des 5 prochaines années. La dernière en date fut celle de Nakheel
Group (à Doubaï) pour un montant de 3,52 milliards $ (cotée à Doubaï et
Londres).

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Section 4 : Evolution
de la Finance Islamique

On peut se demander vu le nombre des interdictions et des lourdes contraintes


sur lesquelles la Finance Islamique repose et les spécificités des produits qu’elle
propose comment elle a pu être adoptée par la majorité des institutions et places
financières internationales. Il est évident de nos jours que c’est là un sujet
fortement médiatisé connaît une croissance fulgurante.

1- Historique :

Source: Making the transition from niche to mainstream KPMG report 2006

Bien que la première banque à suivre les principes islamiques a été crée en
Egypte dans la ville de Mit Ghamr en 1963 sous forme de caisse d’épargne rurale,
les banques islamiques ont réellement vu le jour en 1974, lorsque l’Organisation
de la Conférence Islamique décida, lors du sommet de Lahore, de créer la
Banque Islamique de Développement BID.

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La première banque privée islamique fut crée un an plus tard en 1975 à Dubaï,
suivie en 1978 par l’ouverture de la Bahreïn Islamique Banque. Dès lors le nombre
d’institutions islamiques n’a cessé de croître à travers le monde.
En 1979 le Pakistan devint le premier pays à décréter l’islamisation de son
secteur bancaire et fut suivi en 1983 par le Soudan et l’Iran.
Au milieu des années 1990’s les banques occidentales ont commencé à établir
leur propres filiales islamiques dans la région du Golf. Ainsi en 1996 Citibank a
installé sa filiale à Bahreïn suivie très rapidement par la création de ‘HSBC
Amanah’ par HSBC. L’Etat du Bahreïn devenu le centre de la Finance Islamique
dans la région du Golf, a vu les actifs consolidés des banques islamiques doubler
en moins de trois ans en raison de l’installation de ces filiales occidentales.

Depuis le début des années 2000 les institutions financières islamiques ont
également fait leur apparution dans des pays occidentaux où vivent des minorités
musulmanes (Etats-Unis, Danemark, Canada, Royaume Uni).
Sheikh Hussein Hamid Hassan, qui siège au comité ‘Chariâ’ de plusieurs
institutions financières (comité qui se charge de vérifier la conformité des
produits proposés avec les lois islamiques) a déclaré au ‘Financial Times’ que :
« nous recevons des délégations de Chine, de Russie, du Japon et du monde
entier qui viennent nous demander comment mettre en place des banques
islamiques. Nous sommes très très occupés ».

La situation est bien loin d’avant 1973 pour la Finance Islamique où il existait
quelques cas isolés de caisses d’épargnes rurales islamiques. De nos jours les
institutions financières islamiques sont présentent dans le monde entier et ont
réellement diversifié leurs activités. Elles offres un large panel de produits et
services couvrant l’essentiel des domaines de la finance que l’on retrouve dans le
circuit « conventionnel » : banque commerciale, banque d’investissement,
activités de marché, fonds islamiques…

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2- La croissance en chiffres:
Le secteur de la Finance Islamique connaît une croissance importante
et exceptionnelle :
 La croissance s’appuie sur 1,3 milliard de musulmans à travers le monde
 L’actif total géré par les institutions financières islamiques à travers le
monde est évalué à 360 milliards $ en 2006, soit quarante fois que durant
les années 1980’s
 200 milliards $ sont également gérés par des filiales dites islamiques de
banques conventionnelles
 Il existe actuellement plus de 270 institutions financières islamiques dans le
monde réparties dans plus de soixante quinze pays
 La croissance de ces institutions est supérieures dans les pays arabo-
musulmans, berceau de la Finance Islamique, à celle des institutions
conventionnelles : figure 10. Cette tendance n’est pas uniquement le fait
des pays arabo-musulmans mais de l’ensemble des institutions concernées
dans le monde entier

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Figure 10 : Répartition institutions financières islamiques dans le monde

 Dans certains pays musulmans les parts de marché des institutions


financières islamiques a atteint 30%
 La Dubaï Islamique Banque a vu ses bénéfices augmenter de 97% en 2004
 Les émissions de Sukuk ont connu une croissance exceptionnelle passant
de 1,9 milliards $ en 2003 à 10-15 milliards $ à la fin du premier trimestre
2006. Ainsi comme le montre la figure 11 en bas, dans la seule région du
Golfe les émissions de Sukuk sont passées de 122 millions en 2003 à
environ 5 milliards $ en 2006. Cette croissance exceptionnelle reflète bel et
bien l’expansion de la Finance Islamique et le fait qu’elle jouit actuellement
d’une visibilité permettant à ces produits d’être commercialisés dans le
monde entier.

Figure 11 : Evolution des émissions de Sukuk en milliards $

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3- Croissance soutenue par d’importantes transactions :
Depuis le début du 21ème siècle, d’importantes transactions ont été financées,
entièrement ou en partie, par une tranche islamique, les banques recherchant de
plus en plus d’opportunités pour investir l’afflux de liquidités résultant
essentiellement de l’expansion des recettes des produits énergétiques.

En 2001 l’agence monétaire de Bahreïn a été l’une des premières banques


centrales à émettre des Sukuk, avec des échéances de trois et cinq ans, qui ont
été pour la plupart sursouscrites. En 2004 a eu lieu la plus importante émission
souveraine de Sukuk pour un montant de 1 milliard $ par le département de
l’aviation civil de Dubaï afin de financer l’aéroport international de Dubaï. Ceci
montre bien qu’il est possible de structurer des opérations de tailles à l’aide
d’instruments « islamiques » mais également qu’il existe un réel potentiel
d’investisseurs prêts à engager des sommes importantes dans des opérations
islamiques.

Le rachat en 2006 par l’opérateur portuaire de Dubaï DP World de l’opérateur


britannique P&O est également le symbole de l’abondance des liquidités sur le
marché des pays du Golfe Arabe, et du développement d’un mode de financement
de moins en moins marginal, le tiers de l’opération ayant été financé par une
émission de Sukuk d’un montant de 3,5 milliards $.

En juillet 2005 une tranche du financement du projet Dolphin, projet comportant


de l’extraction de gaz au Qatar et la construction d’un pipeline aux Emirats
Arabes Unis, a pris la forme d’un contrat Ijara d’un montant de 1 milliard $. Ce
financement comportait également 2,45 milliards $ de dettes conventionnelles.
Les banques ayant participé au financement de la tranche islamique sont ABN
AMRO, BNP Paribas, Citibank, Dubaï Islamic Bank et la Banque International du
Golf, au coté des banques classiques. Cette opération reflète bien le fait que les
banques occidentales sont prêtes à prendre d’importants tickets dans le
financement islamiques afin d’être présentes sur cette niche devenue un
phénomène à la ’’mode’’.
Le financement de l’acquisition en 2004 de la licence GSM saoudienne par
Emirates Télécommunications Corporations a été l’objet d’une Mourabaha de
2,35 millions $.

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Ce financement a été réalisé entièrement de manière « islamique ». Cela
démontre que les offres issues de la Finance Islamique sont capables de
s’imposer dans des deals de télécommunication, deals nécessitant de la rapidité
et de concision, et ce malgré la complexité et la documentation supplémentaire
nécessaire pour les financements islamiques.

4- Les facteurs de la croissance :


La première raison du récent essor de la Finance Islamique est la forte demande
du grand nombre de musulmans qui recherchent des services financiers
conformes à la ‘Chariâ’ (figure 12) :

Figure 12 : Populations musulmanes

Source : A. Hassoune & M. Damak, Les habits neufs de la finance islamique,


conférence Standard & Poor’s mai 2007

En effet on assiste à une radicalisation d’une grande partie de la communauté


musulmane qui cherche de plus en plus à suivre les préceptes religieux. Par
exemple au Maroc la commercialisation des produits islamiques a été autorisée
par les autorités en 2007. Les études sur le sujet ont démontré que le taux de
bancarisation est de 24% uniquement (40% après la création de Barid Bank).
La faiblesse de ce taux est due au refus d’un bon nombre de marocains de passer
par le système bancaire traditionnel utilisant le principe de l’usure.

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Afin d’attirer ces épargnants et de donner un nouvel élément de croissance au
secteur bancaire, les autorités ont finalement autorisé le lancement de produits
islamiques en 2007. Ce qui se passe au Maroc est loin d’être une exception. Dans
la région du Golfe les experts s’accordent à dire que 50% de la population est en
faveur de l’option Finance Islamique et on estime qu’en moyenne 20% de la
clientèle du Golfe et de l’Asie musulmane choisiraient spontanément un produit
financier islamique plutôt qu’un produit conventionnel offrant les mêmes
caractéristiques de rendement et de risque.
Une autre raison de l’essor de la Finance Islamique est l’augmentation de la
manne pétrolière qui a fait exploser la demande d’investissements acceptables
dans la région du Golfe. Il est en conséquent essentiel de convaincre ces
populations, attachées à leur religion, d’investir leurs fonds. Ainsi il y aurait
1 500 milliards $ de capitaux au Moyen Orient pouvant alimenter les réseaux de
financement islamique.

Figure 13 : Evolution du prix de pétrole et de la production prévisionnelle

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Les perspectives de profit très attractif qu’offrent les institutions islamiques sont
également une raison de taille. Ainsi selon les analystes de ‘Standard and Poors’,
« les institutions islamiques bénéficient d’une part de produits plus chers que le
marché, d’un marché de ‘retail’ bien maîtrisé et d’un levier du crédit activement
exploité ; ce qui permet de dégager des rendements élevés et profitent, d’autre
part, d’un accès à de vastes gisements de dépôts bon marché et stables, ce qui a
comme conséquence des coûts de refinancement faibles ».

Ces deux facteurs conjugués permettent de dégager des marges épaisses et


rendent l’industrie de la Finance Islamique très attractive.

Malgré cette croissance fulgurante et cet essor, certains pays « musulmans »


résistent à l’assaut de la finance Islamique. Ainsi le Sultanat de Oman l’a tout
bonnement interdite, le Maroc ne s’y mis qu’en 2007 et l’Indonésie se montre
assez frileuse…

Au contraire la communauté financière occidentale l’accepte et l’adopte avec


beaucoup d’enthousiasme et est sans doute parmi les plus fervents supporteurs
de cette industrie telle qu’elle tend à émerger. Ceci doit être dû au fait qu’en
occident les produits islamiques sont des produits qui viennent élargir l’offre
financière et n’impliquent aucunement des débats théologiques quant à leur
légalité et leur place dans la vie des occidentaux.

En effet si au Maroc la Finance Islamique a mis autant de temps à être autorisée


c’était pour éviter une remise en cause dans ce pays du système bancaire non
« islamisé ». Les pays occidentaux jouissent donc d’une situation privilégiée car
ils peuvent adopter cette nouvelle tendance sans pour autant craindre une
islamisation de l’ensemble de leur économie.

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Section 5 : La Finance Islamique
en Occident

1- Importantes transactions :
Comme évoqué précédemment, le développement de la Finance Islamique ne se
limite pas aux pays musulmans. Ainsi de nombreuses compagnies occidentales
sont également impliquées entant qu’actionnaires dans les gros financements de
projets ayant lieu dans la région du Golfe et comportant une tranche islamique
(Dolphin Gas, Qatargas II, Qatargas III…). Les produits de la Finance Islamique
peuvent être une solution alternative qui permet de lever les sommes
complémentaires et d’attirer des investisseurs et épargnants aux profils variés.

C’est dans cette logique que l’emprunteur allemand du Saxe-Anhalt a été le


premier emprunteur non musulman à solliciter le marché international de la dette
islamique levant 100 millions € en juillet 2004 par une émission de Sukuk et qui
voyait dans cette émission un moyen d’attirer les capitaux des pays du Moyen
Orient. Ces Sukuk ont été cotés au ‘Luxembourg Stock Exchange’ et notés AA-
par ‘Standard & Poors’ et AAA par ‘Fitch’, ce qui montre la capacité du marché de
capitaux européen à accepter des instruments basés sur la ‘Chariâ’.

Aux Etats-Unis une compagnie d’exploitation de gaz texane ‘The East Cameron
Gas Company’ a été la première entreprise américaine à émettre en 2006, des
Sukuk pour un montant de 165 millions $ et ceci également afin d’attirer les
demandes d’investissements prevenant du monde arabe.

Dans la même optique d’attirer des riches investisseurs du Moyen Orient, le


Japon a annoncé qu’il envisage de devenir le premier grand pays industrialisé où
un gouvernement central émettrait des Sukuk. En effet la ‘Banque Japonaise de
Coopération Internationale’ JBIC a annoncé le 18 août 2006 qu’elle projetait de
lancer ses premiers Sukuk en coopération avec la Malaisie courant 2007.

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L’engouement pour la Fiance Islamique semble gagner de plus en plus l’Occident
qui cherche ainsi à attirer les pétrodollars en provenance des pays Arabo-
musulmans ; un enthousiasme intimement lié à l’abondance des capitaux dans
cette région et à la volonté des institutions occidentales de canaliser l’épargne
provenant des populations musulmanes installées dans les pays occidentaux et
représentant une part importante de leur clientèle.

Figure 14 : Population musulmane vivante en occident

Par ailleurs l’adoption de Finance Islamique par ces institutions peut également
être perçue comme un moyen de diversifier l’offre et de proposer une gamme
toujours plus étendue et plus élaborée de produits dans une époque où il est de
bon augure de toujours chercher de nouvelles sources de profits.

2- Quelques exemples de l’évolution de la Finance Islamique


dans l’occident:

2-1 L’Angleterre :
L’Angleterre a vu naître la première forme du banking islamique dans les
années 1990’s sous forme de produits financiers de détail. Durant les cinq
dernières années le secteur islamique du marché de blocs et de détail a
connu une forte croissance. Avec plus de 18 milliards $ dans les actifs
‘Chariâ Compliant’.

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Cinq facteurs principaux expliquent la croissance de la finance islamique au
Royaume Uni:

- Le développement mondial de la Finance Islamique,


- Marchés et base de compétences : Londres a une longue histoire en
innovation financière. C’est une plateforme mondiale de cotation et
de commercialisation des instruments financiers mondiaux. En plus
de cela le Royaume Uni détient un large set de compétences dans de
domaine comptable et de l’ingénierie financière qui a joué un rôle
important dans l’expansion de la finance islamique dans le monde,
- Des fenêtres islamiques : plusieurs grandes multinationales ont eu
une présence régionale pendant des décennies dans le marché du
Moyen Orient et du sud de l’Asie leur permettant de développer une
connaissance et une expertise des marchés locaux. Pour répondre à
la demande croissante des services financiers islamiques durant les
dix dernières années le Royaume Uni a créé des fenêtre islamiques,
des sections ‘Chariâ Compliant’, qui ont contribué au développement
de la Finance Islamique à travers leur connaissance institutionnelle
du développement produit,
- Excès de liquidité au Moyen Orient : durant les dernières années les
pays du Golfe ont connu un excès de liquidité lié a la flambée des prix
du pétrole. En face de cela une demande florissante pour les actifs
musulmans et non musulmans. Les marchés financiers locaux n’ont
pas réussi à satisfaire cette demande. Londres a su attirer ces flux
financiers grâce à son expérience historique et son ouverture
financière,
- Solidité et Unicité du régulateur financier : Né de la fusion de 11
régulateurs différents en 1997 le FSA a permit la standardisation du
système financier anglais.

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2-2) La France :
La commission des finances a organisé le 14 mai 2008 deux tables rondes sur
la Finance Islamique afin d’étudier les opportunités qu’offre un tel système
financier. Ces tables rondes ont abouties aux constatations suivantes :
- Une inertie relative dans le domaine de la Finance Islamique : malgré
une attention des pouvoir publique sur le sujet, le secteur bancaire
français ne montre pas une forte pro-activité en dépit du fait que
certaines institutions françaises telles que la BNP PARIBAS et la
SOCIETE GENERALE qui ont ouvert des fenêtres islamiques.
La première avait ouvert sa filiale ‘Najmah’ dans le Royaume de
Bahreïn en 2003 avec la mission de fournir des solutions islamiques
dans le monde entier. Son rôle est de couvrir les banques islamiques
et accompagner les autres lignes de métiers bancaires en proposant
des produits islamiques à leurs clients. Cette inertie parait
paradoxale car la France possède une place financière compétitive et
d’autre part la présence d’une communauté musulmane importante.
- La législation française ne pose pas d’obstacle au développement de
la Finance Islamique : le droit permet la création et la distribution des
produits ‘‘Chariâ’ Compliant’ d’autre part, que certains dispositifs
juridiques et fiscaux français existants étaient, dans leur mécanisme,
proches des principes requis par la Finance Islamique.

2-3) Allemagne :
La banque ‘Kuveyt Türk’ filiale du groupe Koweitien ‘Kuwait Finance House’
KFH, a entamé en association avec des actionnaires turcs, des démarches
auprès du gouvernement fédéral allemand pour développer des services
islamiques via sa filiale allemande.

2-4) Le Japon :
Le Japon envisage de devenir le premier grand pays industrialisé à émettre
des obligations publiques respectant à la lettre les préceptes de l'Islam.
La Banque Japonaise de Coopération Internationale (JBIC), un organisme
d'Etat, avait lancé les premiers "Sukuk", ou obligations coraniques sans taux
d'intérêt, en coopération avec la Malaisie en 2004.

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La JBIC a levé entre 300 millions et 500 millions $. Le souscripteur perçoit un
revenu tiré du bien dans lequel son argent a été investi (puits de pétrole,
mines, loyers immobiliers, etc.) et récupère sa mise à l'échéance de
l'obligation, généralement cinq ans, sans aucune majoration.

2-5) Luxembourg:
En avril 2008, Le Gouvernement a chargé un groupe de travail d’identifier les
obstacles potentiels au développement de la Finance Islamique au
Luxembourg ainsi que les pistes de développement. Le Gouvernement a
demandé également aux autorités fiscales d’examiner les caractéristiques des
transactions de la Finance Islamique et de proposer des solutions pour que
ces transactions bénéficient d'un traitement fiscal équivalent à celui appliqué
aux transactions bancaires et financières traditionnelles.
Le Gouvernement de Luxembourg soutient la candidature de la Banque
Centrale du Luxembourg pour devenir le premier membre associé « non
régional » de L’Islamic Financial Services Board, le régulateur des marchés
Financiers Islamiques.

3- Création des Indices Halal sur les marchés occidentaux :

Symbole de l’intérêt porté par l’occident au marché islamique, la bourse de new


York a lancé en 1999 le ‘Dow Jones Islamic Market Index’ DJIMI, composé
uniquement d’actions de sociétés socialement responsables de toutes
nationalités qui doivent être modérément endettées et ne pas se livrer aux
activités interdites par la ‘Chariâ’. Cet indice est destiné à servir de repère et de
Benchmark aux investissements des institutions islamiques.

Plus récemment et toujours dans la même logique de Benchmarking en ce qui


concerne la Finance Islamique, le premier indice boursier dédié à l’évaluation de
la performance des Sukuk a été créé en avril 2006 conjointement par le Dow
Jones et Citigroup : il s’agit du ‘Dow Jones Citigroup Sukuk Index’ DJCSI.
Cet indice est composé de Sukuk émis en Dollar et certifiés conformes aux lois
islamiques par un comité suivant les standards définis par l’AAOIF.

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Il est destiné à suivre la performance de ces certificats dans la mesure où ils
présentent une taille supérieure à 250 millions $, une maturité supérieure ou
égale à une année et un rating d’au moins BBB- / Baa3 (investment grade). A fin
mai 2006, le DJCSI mesure la performance de 7 émissions de Sukuk pour une
valeur de 4 milliards $.

De plus, et bien que ces indices soient actuellement publiés dans le monde entier,
ils ne pèsent pas lourdement dans le système financier puisque ils n’en sont qu’à
leurs débuts et jouent un rôle limité sur les marchés financiers islamiques.

4- La création de la ‘European Islamic Investment Bank’ EIIB à Londres :

Un signe de la volonté des marchés occidentaux d’adopter la Finance Islamique


est la création de l’EIIB à Londres. Cette banque a été établie afin de devenir la
première banque d’affaires conformes aux principes de la ‘Chariâ’ autorisée et
régulée par l’autorité financière du Royaume-Uni, la FSA.

Elle est née de la volonté du gouvernement Britannique de faire de Londres le


centre mondial de la Finance Islamique. Elle compte parmi son tour de table 178
actionnaires institutionnels et particuliers en prevenance de la région du Golfe et
de l’Europe. Elle bénéficie donc d’un actionnariat diversifié ce qui prouve qu’il
existe un réel intérêt pour le domaine de la finance islamique et ce à l’échelle
internationale.

Conclusion de la Section 5:
La création des indices DJIM et DJCSI ainsi que celle de la banque EIIB montrent
la volonté qu’ont les marchés occidentaux de s’impliquer de plus en plus dans la
Finance Islamique ainsi que leur désir de reconnaître ses produits comme des
produits uniques requerrant leurs propres standards et indices tout en intégrant
ces produits à l’économie mondiale.
Toutefois la Finance Islamique demeure un marché limité dont la taille est peu
importante proportionnellement à celui de la Finance Conventionnelle dans ces
pays, étant donné que les actifs de banques islamiques ne représentent que 1,7%
des actifs bancaires globaux.

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Figure 15 : Surface financière des principales banques islamiques

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Section 6 : Les difficultés
de la Finance Islamique

1- Liquidité et marché monétaire:

Ce sujet est sans doute le point de faiblesse le plus important des banques
islamiques. Les instruments de gestion de la liquidité sont souvent des
instruments de taux (les politiques d’intervention des Banques Centrales sont
toutes basées sur les taux directeurs), interdits par la Charia.

En effet les ‘Chariâ Board’ définissent les ressources financières des banques
islamiques, outre le capital et leurs fonds propres, dans les opérations ci-après:

1-1) Les dépôts: à ce niveau, les banques islamiques assument tous les
risques et les détendeurs de ces comptes ne perçoivent ni bénéfice ni
revenus, quel qu'en soit le solde du compte
1-2) Les comptes d'épargne
1-3) Les comptes d'investissements: Les dépôts à des fins d'investissements
constituent la principale source de fonds pour les banques et ils
ressemblent bien plus à des actions d'une entreprise qu'à des dépôts à
terme ou d'épargne
1-4) Le Zakat : ou compte de service social qui sont des fonds collectés et
dépensés conformément à la loi islamique et ils ont pour fonction réelle
de permettre aux pauvres de se suffire à lui-même par ses propres
moyens de telle sorte qu'ils aient une source de revenu fixe qui les
dispense de recourir à l'aide d'autrui
1-5) Les autres services bancaires rémunérés offerts par la banque
islamique sont identiques à ceux proposés par les banques classiques.

Cette limitation interdit l’accès aux liquidités offertes par les marchés monétaires
classiques, d’où la genèse de substituts ad hoc comme en Arabie saoudite qui a
développé un marché interbancaire local très personnalisé qualifié mais qui reste
en général en phase de développement.

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L’innovation financière est extrêmement cruciale dans ce domaine et c’est à quoi
le ‘Liquidity Management Center’ (à Bahreïn) s’emploie. Les experts de ce centre
ont adapté les doctrines des théoriciens fondateurs pour en sortir un mécanisme
conforme aux exigences actuelles. Celui-ci se base sur une monnaie ayant une
valeur intrinsèque indexée à un sous-jacent comme l’Or. Les banques bâtissent
sur cette base un marché monétaire où elles échangent leurs liquidités. Cela leur
permet de financer l’économie par les biais des formules prescrites par la Charia.
En retour, les entreprises remboursent leurs dettes et versent aussi la Zakat.

Toutefois, ce système se heurte à une problématique de taille. Comment pallier la


rareté, voire l’extinction du sous-jacent de la monnaie, à savoir l’étalon Or? Les
théoriciens de la finance islamique n’ont pas encore de réponse. Ils
recommandent juste un contrôle renforcé de la banque centrale sur les
fluctuations de la monnaie.
Pour la petite histoire, avant l’accord de Bretton Woods, le système financier
international était entièrement fondé sur le sous-jacent Or. L’ensemble des
monnaies était indexé sur le dollar, qui lui-même avait une valeur fixe en Or. Ce
système s’est rapidement effondré suite à l’utilisation de la planche à billets pour
financer la guerre du Vietnam.

2- Le manque d’harmonisation dans les ‘fitwa’:


Les écoles d’interprétation de la jurisprudence montrent bien qu’il n’y a pas de
pensée unique concernant l’Islam en général. Effectivement certaines écoles sont
plus flexibles que d’autres. Nous pouvons également citer comme exemple de
divergences de points de vues le cas de l’intérêt : en Egypte, l’université d’Al
Azhar (une référence dans le monde musulman) a édicté une fatwa (règle)
disposant que l’intérêt était parfaitement licite en Islam tandis que l’Afrique du
Nord et l’Indonésie font preuves de réserves.

3- La réglementation et le contrôle:
Le deuxième problème consiste à créer un cadre pour la gestion, le contrôle et la
réglementation des banques islamiques. Tout d’abord, les pays où il existe des
banques islamiques n’ont pas tous la même approche.

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Selon l’une des deux principales démarches — appliquée par les autorités de
Malaisie et du Yémen, par exemple — les banques islamiques doivent être
soumises à un régime de contrôle et de réglementation par la banque centrale
entièrement différent de celui qui est appliqué aux banques classiques.

La seconde reconnaît le caractère particulier des activités bancaires islamiques,


mais préfère les placer sous le même régime de contrôle et de réglementation par
la Banque Centrale que pour les banques classiques, avec de légères
modifications et des lignes directrices spéciales qui sont généralement
officialisées par des circulaires de la Banque Centrale. Le royaume de Bahreïn et
le Qatar, et bien récemment le Maroc, sont des exemples de pays qui appliquent
cette dernière forme de contrôle et de réglementation.

Toutefois, depuis la fin des années 1990’s, le monde bancaire islamique a


intensifié ses efforts de normalisation de la réglementation et du contrôle. A titre
d’attestation, la Banque Islamique de Développement BID joue un rôle clé dans
l’élaboration de normes et de procédures internationalement acceptables et le
renforcement de l’architecture du secteur dans divers pays. Plusieurs autres
institutions internationales travaillent à la définition de normes conformes à la
‘Chariâ’ et à leur harmonisation entre les pays.

Ces institutions sont l’Organisation des Comptables et Vérificateurs des


Institutions Financières Islamiques AAOIFI, le Conseil des Services Financiers
Islamiques IFSB, le Marché Financier Islamique International, le Centre de
Gestion des Liquidités et l’Agence de Notation Islamique Internationale.

Plusieurs pays et institutions ont adopté les normes comptables élaborées par
l’AAOIFI, qui complètent celles des normes internationales d’information
financière. L’IFSB vise à faciliter le développement d’un secteur islamique des
services financiers prudent et transparent et donne des conseils sur le contrôle et
la réglementation des institutions qui offrent des produits financiers islamiques.
L’IFSB a élaboré des normes sur le niveau de fonds propres requis et la gestion
des risques et il avance dans la conception de normes sur la gouvernance des
établissements.

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Quand ces normes internationales seront élaborées et acceptées, elles aideront
les contrôleurs à vérifier la solidité, la stabilité et l’intégrité des établissements
financiers islamiques.

Contrôle des institutions financières islamiques :


On discute beaucoup sur le fait que les banques islamiques ne séparent pas les
activités de gestion et d’investissement de celles de banque commerciale. Pour le
contrôle, on leur applique souvent les mêmes critères qu’aux banques
universelles et aux fonds de placement, ce qui peut poser des problèmes
techniques aux autorités de réglementation et de contrôle.

Par exemple, une Banque Islamique qui agit en tant que ‘Moudarib’ (agent dans le
cadre d’un contrat ‘Moudaraba’, instrument de partage des bénéfices et des
pertes (PBP)) pourrait être considérée davantage comme un gestionnaire de
fonds que comme une banque. Dans ces cas, certains contrôleurs appliquent
donc la même méthode qu’aux gestionnaires de fonds classiques (ratios
prudentiels, encadrement du risque…).

Parfois, les divers risques sont regroupés dans un seul instrument islamique
offert par une seule institution (par exemple un Salam) et, dans ce cas, le principe
de la mise en commun de l’épargne et du partage des risques s’applique.
Toutefois, pour que le contrôle soit vraiment efficace, il faut examiner de plus
près la nature de la transaction sous-jacente.

À cause des risques liés aux activités de ces institutions et aux contrats qui
régissent la mobilisation de leurs capitaux, certains prétendent que leur contrôle
et leur réglementation doivent porter sur un domaine beaucoup plus large que
celui du seul secteur bancaire.

En outre, le caractère de partage du risque qui s’attache aux contrats


d’engagements soulève des problèmes de définition du capital et du ratio de
fonds propres.

Certains analystes soutiennent aussi que le cadre réglementaire de la Banque


Islamique doit insister davantage sur la gestion du risque opérationnel et la
divulgation des informations, comme c’est le cas des établissements classiques.

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Cet argument se fonde sur le caractère particulier du profil de risque dans
l’intermédiation financière islamique.

En effet, si les financements déplacent le risque direct vers les déposants, ils
peuvent aussi exposer les banques islamiques à des risques qui sont
normalement supportés par les investisseurs en actions et non par les détenteurs
de titres de dette.

Les financements islamiques impliquent les établissements dans des activités qui
vont au-delà de la banque traditionnelle, comme la détermination des ratios de
partage des bénéfices et des pertes pour les projets d’investissement.
Si un projet, financé par un contrat ‘Moudaraba’, par exemple, accuse une perte,
la banque sera dans l’incapacité de recouvrer son prêt puisqu’elle supportera
toutes les pertes.

Cette situation ne constitue pas un défaut de la part de l’entrepreneur dont la


responsabilité se borne au temps et au travail qu’il a consacrés au projet. En
outre, il n’existe pas de moyens juridiques permettant aux banques de surveiller
l’action de l’agent-entrepreneur qui gère l’entreprise financée par le contrat
‘Moudaraba’, et elles ne peuvent pas non plus, réduire leur risque en exigeant un
nantissement ou une autre garantie.

4- Les autres obstacles :


Outre la mise en place des marchés monétaires, l’organisation de la
réglementation et du contrôle, les décideurs doivent aussi surmonter deux autres
obstacles majeurs.

4-1) Remplois :
Un enjeu important pour les banques islamiques réside dans la nécessité de
diversifier davantage les emplois, en dehors du seul marché ‘retail’.
Les remplois sont rares, notamment au sein des secteurs Corporates alors
que les PME peuvent constituer une alternative intéressante. Les crédits
hypothécaires, quand le cadre législatif le permet, sont aussi explorés.
En matière de portefeuille d’investissement, les classes d’actifs éligibles sont
peu nombreuses et intrinsèquement risquées: portefeuilles actions, et
investissement direct en capital ou dans des projets immobiliers.

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4-2) La collecte des données :
Le manque de données agrégées rend pratiquement impossible la
comparaison des Banques Islamiques d’un pays à l’autre, difficulté qui,
conjuguée à l’absence de normes communes de déclaration et de
comptabilité, complique la tâche des contrôleurs.
On ne dispose pas de données sur les activités des Banques Islamiques, le
montant des transactions islamiques ou les investissements immobiliers
fondés sur les principes de l’Islam dans les pays développés.

Certaines Banques Centrales, dont celles de Bahreïn, de Malaisie et de


Turquie, ont commencé à inclure dans leur rapport annuel un chapitre sur les
Banques Islamiques, en les plaçant dans un groupe distinct, avec des données
agrégées qui fournissent des informations sur l’ampleur et la croissance de
ces institutions au niveau du pays. Néanmoins, il faut un effort de coopération
multilatérale pour collecter et regrouper les données.

4-3) Les marchés de capitaux :


Les marchés des instruments et effets publics islamiques restent peu
développés et le marché financier islamique international en est à ses débuts.
Le secteur doit élargir et affiner les catégories d’avoirs et d’engagements et
inventer de nouveaux instruments et techniques qui permettraient aux
Banques Islamiques de diversifier leurs bilans.

Il faudra, par exemple, résoudre plusieurs problèmes relatifs à la spéculation


et à l’utilisation des dérivés pour qu’un véritable marché boursier islamique
puisse fonctionner. Si l’arbitrage et la vente à découvert ne sont pas
acceptables en vertu de la ‘Chariâ’, d’autres transactions sont dans la
pratique sujettes à interprétations diverses. Par exemple, les transactions qui
comportent l’achat et la vente de contrats de dette sur le marché secondaire
ne sont autorisées qu’en Malaisie.

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Conclusion de la Section 6:
Un système financier islamique sain et efficient peut ouvrir la voie à une
intégration financière régionale des pays concernés.
Il peut aussi contribuer à leur développement économique et social en finançant
l’infrastructure économique et en créant des emplois.

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2ème PARTIE

FINANCE ISLAMIQUE
AU MAROC ;
PRODUIT ALTERNATIF

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Section 1 : Historique

1- La tentative avortée de Wafabank en 1985 :


Le premier projet de création d’une banque islamique marocaine remonte à 1985
quand l’Association Marocaine d’Etudes et de Recherches en Economie
Islamique ASMECI avait approché feu Moulay Ali Kettani son président de
Wafabank, qui était sensible à la question. M. Kettani ouvrira les bras aux
initiateurs de ce projet et accueillera favorablement l’idée. Une équipe projet fut
constituée et l’ancien président donnera ses instructions pour que ses troupes
suivent une formation dédiée aux produits islamiques.
Feu Sami Mahmoud, palestinien d’origine et spécialiste de la banque islamique,
fut sollicité pour superviser la formation des cadres de Wafabank, appuyé dans sa
mission par plusieurs chercheurs marocains. Selon un ancien membre de
l’équipe dirigeante de la banque, «les équipes de Wafa avaient étudié tous les
contours du dossier. Les études juridique et de marché étaient ficelées. Azzedine
Laraqui, alors Premier ministre, avait donné son accord de principe. Bank Al
Maghrib fut aussi saisie par écrit. Tout était prêt. Le premier jour de la campagne
de communication, M’hammed Sekkat, alors gouverneur de Bank Al Maghrib,
nous surprend en demandant le report de l’opération sine die».

Message décodé : on ne veut pas de banques islamiques car cela risque de


déséquilibrer le système bancaire en causant une ruée vers les agences de
Wafabank. Depuis, le projet est resté dans les placards.

2- Lancement des Produits Alternatifs en 2007 :


Après plusieurs décennies de résistance au système financier islamique,
Bank Al-Maghrib BAM a finalement cédé aux différentes pressions, et a donné son
feu vert pour la commercialisation des instruments de financement islamiques au
Maroc en juillet 2007.

Lors d’une intervention au centre Links, le gouverneur de la Banque Centrale,


Abdellatif Jouahri aurait laissé entendre que l’Institut d’émission recevait une
pluie de demandes d’agréments émanant de plusieurs pays du Golfe, mais :

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«Accorder à Untel et non à Untel aurait pu créer des problèmes politiques. C’est
pour cela que nous avons jugé bon d’ouvrir plutôt des fenêtres consacrées aux
produits alternatifs dans les différents guichets des banques classiques», avait-il
souligné.

Autre que ces aspects politiques, le Comité des Etablissements de Crédit de la


Banque Centrale veille surtout à éviter la grande confusion de faire apparaître la
réglementation de la Finance Islamique au niveau national, comme une
reconnaissance que les autres banques sont «illicites ».

En effet parmi les déterminantes recommandations du comité s’était que les


campagnes de communication relatives à ces produits ne peuvent en aucun cas
contenir des messages à connotation religieuse.

A signaler aussi que ce comité regroupe, outre les représentants de BAM, ceux
du Groupement Professionnel des Banques du Maroc GPBM, du Ministère des
Finances et de l’Association Professionnelle des Sociétés de Financement APSF.
Ce comité lui-même qui a été chargé de valider le schéma comptable proposé par
BAM pour le traitement de ces nouveaux produits.

Produits alternatifs proposés en 2007:


Le lancement relativement tardif de la Finance Islamique au Maroc n’a concerné
que le cadre réglementaire pour la commercialisation de trois instruments
financiers islamiques désignés obligatoirement comme «Produits Alternatifs»,
distribués dans les réseaux bancaires de trois banques Attijariwafa Bank,
Banques Populaires du Maroc et BMCE Bank. Il s’agit notamment de ‘Ijara’,
‘Mourabaha’ et ‘Moucharaka’ :

2-1) Ijara:
L'objet principal de ce contrat n'est autre que l'usufruit généré par
l'exploitation du matériel acquis dans le cadre du contrat de leasing. Ce profit
est vendu à la société de leasing à un prix prédéterminé «Le bailleur garde la
propriété du bien avec tous les droits et les responsabilités qui en découlent».

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2-2) Ijara wa Iqtinaa :
Similaire à l’Ijara, à cette différence près que le client a la possibilité d’acheter
le bien à la fin du contrat.

2-3) Murabaha :
La banque achète un bien pour le compte d’un client puis le lui revend avec
une marge de bénéfice définie à l’avance.
Dans ce contrat, le client donne l'ordre à la banque d'acheter pour son compte
une marchandise au comptant. Il s'engage ensuite à reprendre ce bien par le
biais d'un paiement différé moyennant une marge bénéficiaire versée à la
banque. Ce paiement peut faire l'objet d'un seul versement ou être réparti sur
plusieurs échéances.
La banque est amenée à signer deux contrats dans cette formule. Le premier
avec le fournisseur de la marchandise et le second avec le client qui doit
auparavant donner un ordre d'achat. A noter que le premier contrat doit
indiquer le nom du donneur d'ordre d'achat. Cette dernière clause génère pas
mal de coûts supplémentaires.

2-4) Moucharaka ou le partenariat actif :


C’est une forme de capital investissement. Les deux partenaires, la banque et
son client, participent à l'apport du capital et à la gestion de l'affaire. Les
bénéfices sont répartis selon des ratios prédéterminés alors que les pertes
sont supportées en fonction de l'apport initial de chacun. Le volume des
financement dans ce mode est rester dérisoire : « Dans l’état actuel des
choses, il est très difficile, voire impossible, de lancer le produit
Moucharaka, qui demande beaucoup de transparence et de savoir- faire.
Dans le monde, ce produit ne représente d’ailleurs que 10% des
transactions » Nourddine Charkani, Président du Directoire de Dar Assafaa
(le temps, 14 janvier 2011).

’’La première offre de produits alternatifs en 2007, a été conçue sur la base des
règles édictées par The Accounting and Auditing Organization for Islamic
Financial Institutions, organisme basé à Bahreïn qui compte 115 membres
représentant 27 pays et chargé d’édicter les standards conformes aux préceptes
de la ‘Shariâ’, applicables aux produits et aux institutions financières islamiques’’.

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Objectif : attirer des milliers de Marocains qui évitent la banque classique
Le lancement des produits islamiques au Maroc vient en réponse aux différentes
demandes et exigences des partenaires locaux et étrangers, mais aussi dans un
objectif stratégique à moyen et long terme d’attirer davantage d’épargne (surtout
de long terme, dont le Maroc a grandement besoin pour financer ses différents
plans sectoriels).

Une autre conséquence prometteuse c’est d’améliorer l’accès de la population


aux produits bancaires dans une société où le taux de bancarisation ne dépasse
guère les 40% (après le lancement de Barid Bank. Le taux auparavant ne
dépassait pas 24%).

En effet des milliers de personnes repoussent les offres classiques proposées par
les banques et ne traitent avec ces dernières qu’en cas de besoin extrême, les
jugeant non conformes aux préceptes de l’islam. Du coup, elles se retrouvent en
dehors des circuits formels. Ces personnes trouvent parfois réponse à leurs
besoins dans des circuits parallèles avec tous les dangers que cela représente.
La prise de conscience chez les responsables du secteur bancaire, quoique
tardive, est louable telle que cité sur une note interne de BAM «L’introduction des
modes de financement alternatifs devrait permettre de répondre aux vœux de
certaines catégories de la population et de contribuer à une meilleure
bancarisation de l’économie».

Réseau de distribution :
Parmi les trois banques marocaines qui ont investi le créneau, Attijariwafa Bank
disposait d’une longueur d’avance puisqu’elle a hérité de l’expérience de
Wafabank, et a travaillé déjà depuis 2006 sur le développement de produits
islamiques.

Pour leur part, les responsables de la BMCE affirment que la gamme de produits
alternatifs avait nécessité des procédures et des montages spécifiques «Nous
avions travaillé sur plusieurs scénarios et nous offrons un panel de produits
diversifiés».

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A la Banque Populaire les responsables sont moins bavards et adoptent une
attitude réservée. Ce qui est certain c’est que les équipes de la banque travaillent
sur plusieurs montages dans l’objectif d’élargir la gamme de produits.

Exemple de produits alternatifs : le package halal d’Attijariwafa Bank

Il s’agit, d’une part, de la formule ‘Mourabaha’ : «Miftah Al Kheïr». Un contrat par


lequel la banque acquiert, à la demande du client, un bien immobilier à usage
d’habitation ou professionnel en vue de le lui revendre moyennant une marge
bénéficiaire convenue d’avance. Le règlement se fait par mensualité constante
sur une durée choisie par le client. Ce dernier a ainsi la «conscience tranquille»
étant donné qu’il paye une marge bénéficiaire et non pas des intérêts. Ce qui
revient au même, puisqu’il y a, dans les deux cas, le payement d’une majoration.
Sauf que celle des produits «islamiques» revient plus cher.

Pour Ijara wa Iqtinâa : «Miftah Al Fath», il s’agit d’un contrat selon lequel la
banque met à la disposition du client, à titre locatif, un bien immobilier (logement
ou local professionnel), assorti de l’engagement ferme du client (locataire)
d’acquérir le bien au terme du contrat. Un mode de financement qui s’apparente
au traditionnel Leasing. Aucun changement donc par rapport au crédit-bail
classique.

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Section 2 : Limites et bilan de
l’expérience de 2007

La principale difficulté à laquelle se heurte la Finance Islamique au Maroc est


celle du principe capital : alors qu’elle cherche à être éthique, le Groupement
Professionnel des Banques au Maroc GPBM, est certain d’avoir la même mission.
On peut regrouper les principaux éléments de faiblesses de la première version
des produits alternatifs de 2007 autours des éléments suivants :

1- Conformité à la ‘Chariâ’ :
Les organismes de la ‘Chariâ Board’ s’accordent sur les différentes ressources
‘halal’ pour le financement des instruments de financement islamique qui sont :
• Les dépôts non rémunérés
• Les comptes d'épargne
• Les comptes d'investissements
• Le Zakat
• Les recettes des autres services rémunérés

Les ressources utilisées dans la première version de 2007 sont des ressources
puisées des banques commercialisations qui sont en bonne partie des dépôts à
terme rémunérés par des intérêts ou des pensions de la Bank Al Maghrib,
également contracté sur la base de rémunération par taux fixe.
Ce caractère de non-conformité des ressources à la ‘Chariâ’ a significativement
pénalisé ces produits.

2- Régime fiscal :
Sur le plan fiscal, le double paiement des droits d’enregistrement sur les
acquisitions de biens immeubles financés par ‘Mourabaha’ n’a été supprimé
qu’en 2009 (2 ans après).
La TVA sur la ‘Mourabaha’ était calculée sur la base de la totalité de la redevance
jusqu’à janvier 2010 où elle sera appliquée uniquement sur la marge de la banque
– et non sur la totalité de l’échéance – et au taux de 10% seulement contre 20%
auparavant. La même chose pour la question de la déductibilité de la marge
payée à la banque par le client, de son impôt sur revenu IR dans le cas du
financement du logement principal.

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Toutefois la double imposition de la plus value est toujours en vigueur alors
qu’elle pourra être fiscalement assimilée à des intérêts versés à la société pour
ne pas supporter la taxe sur la plus value.

3- Politique des prix :


Les frais de transactions et le coût fiscal supplémentaire pèsent lourdement sur le
coût des produits et les pénalisent sur le plan concurrentiel en matière de prix,
sans compter les frais supplémentaires de la rémunération du risque que
supporte la banque.
Ainsi le taux de rentabilité exigé par la banque est au maximum car le prix fixé est
définitif et ne peut donner lieu à aucune révision par opposition au taux d’intérêt
variable. Ceci génère des marges supplémentaires à supporter par le client et qui
sont plus importantes que les intérêts supportés dans le cadre d’un financement
conventionnel.

Il faut en effet savoir que les établissements bancaires calculent en interne leur
marge commerciale pour les produits alternatifs sur la base d’un taux d’intérêt,
exactement comme s’il s’agissait d’un prêt classique.

Etant donné que le client supportera une marge fixe et qu’il payera une
mensualité invariable dans le temps, les banques appliquent un taux fixe pour le
calcul de leur gain, majoré d’une prime fiscale et ce, pour se prémunir contre le
risque de renchérissement du coût des ressources (hausse des taux d’intérêt) et
la hausse du taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les produits financiers.

Exemple :
Pour bien montrer cette différence de coût et son impacte sur les prix, nous
présentons cette étude comparative entre un crédit logement classique
d’Attijariwafa Bank qui est Miftah Classique, avec les deux formules alternatifs
commercialisés par la même banque: Miftah Al Kheir, basée sur le principe de la
‘Mourabaha’ et Miftah Al Ftah sur le principe ‘Ijar wa Iqtina’.

Une personne qui souhaite acquérir un appartement d’une valeur 200 000 DH
sans aucun apport personnel, sur une durée de 20 ans.

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Dans le cas de Miftah Al kheir, la marge commerciale de la banque sera de l’ordre
de 253 165 DH. Son calcul a été fait sur la base d’un taux d’intérêt fixe de 7,19%
(Barème ‘Mourabaha’ 15 à 20 ans) qui comprend un taux de 5,07% (taux variable
minimum), et une majoration de 1,35% pour rendre le taux fixe ainsi qu’une prime
de 0,7% pour le risque fiscal.

Dans un crédit immobilier classique, la rémunération du financement se fera sur


la base du taux de 5,07% seulement, soit une économie de 2,12 % en taux d’intérêt
et de 81 948,12 DH en montant.

La mensualité que le client supportera, est de 1888,19 DH dans le cas de


‘Moucharaka’ alors qu’il aurait à payer 1237,39 DH seulement avec un crédit
classique à taux variable, soit un différentiel de près de 650 DH par mois.

Pour continuer sur le même exemple, supposant le cas d’acquisition d’un


appartement d’une valeur de 700 000 DH, la mensualité de ‘Ijar Wa Iqtina’ (Miftah
Al Fath) ressort à 1662,36 DH. Soit le coût global à payer est de 418 966,4 DH dont
la valeur résiduelle est de 20 000 DH. Donc il est plus cher que le crédit classique
de 47 749,4 DH.

Ensuite, les clients auront à supporter la TVA sur toute la mensualité et non sur la
partie marge commerciale seulement et ce, sans bénéficier d’aucun avantage
fiscal, ce qui augmente considérablement la traite mensuelle.

Pour conclure, les produits alternatifs reviennent plus chers par rapport à un
crédit classique. Et cela a dissuadé de nombreux particuliers de souscrire à ces
derniers malgré que les clients manifestent de l’intérêt raconte un chargé de
clientèle d’une agence située en plein centre de Casablanca et ajoute-il en
commentant la différence de prix que c’est de « l’arnaque pur et simple ».

4- Manque de Compétences :
En raison du démarrage assez récent de la finance alternative au Maroc, Les
établissements de crédit rencontrent en général des difficultés pour trouver les
compétences nécessaires aux postes qu’elles offrent.

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L’une des solutions adoptée est la sélection des candidats non plus sur les
compétences acquises mais sur le potentiel d’apprentissage.
Avec une politique de formation et de certification associée à des missions
longues et motivantes, ces établissements pourraient attirer de nouveaux
candidats. Néanmoins, l’un des freins identifiés est la difficulté d’anticiper la
demande et l’environnement où évolue la Finance Islamique locale.

5- Communication :
Dites «alternatifs» pas islamiques ! Banque Al Maghrib est catégorique.
L’appellation adoptée pour les produits islamiques et les campagnes marketing
organisées par les établissements de crédit ne devront pas faire de mentions
ayant une connotation ou un caractère religieux. «Les établissements de crédit
procéderont à la commercialisation de ces produits via leurs réseaux ou filiales.
Chacun conduira sa propre communication sur ces produits dans le cadre du
respect des principes directeurs». Selon une note de Bank Al-Maghrib.

Conclusion de la Section 2:
En raison de ces différentes difficultés, les produits alternatifs ont été condamnés
à un échec assuré. En effet depuis leur commercialisation en 2007, le volume
global des produits contractés n’a pas dépassé les 700 millions de dirhams.

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Section 3 : Première Banque Islamique Marocaine ;
DAR ASSAFA

1- Présentation :
Après seulement 18 mois du lancement des produits alternatifs, Bank Al Maghrib
donna son aval le 13 mai 2010 pour la création de «Dar Assafaa»; société de
financement spécialisée dans les produits alternatifs au Maroc.

Dotée de 9 agences éparpillées sur 8 villes marocaines (Casablanca, Marrakech,


Rabat, Tanger, Agadir, Meknès, Fès et Oujda), La nouvelle entité indépendante,
première société de financement alternatif au Maroc, est filiale à 100% du groupe
Attijariwafa bank et a démarré son activité en juillet 2010. La filiale dispose d'un
capital de 50 millions de dirhams et repose, pour son financement, dans un
premier temps, sur des fonds propres institutionnels ainsi que des instruments
alternatifs de dettes.

« Le potentiel du marché et sa maturité, les nouvelles dispositions fiscales et les


expériences réussies à l'international sont autant de facteurs qui ont appuyé cette
initiative. Seulement, la tarification ne sera pas le seul déterminant de l'acte
d'achat. Il y'aura d'autres éléments à prendre en compte tels l'accueil et l'écoute
du client », Précise Nour Eddine Cherkani El Hassani, président du directoire de
Wafa Immobilier, qui chapeaute désormais cette nouvelle filiale du groupe.

La probabilité d'ouvrir le capital à des institutions financières spécialisées n'est,


d'ailleurs, pas exclue. Une fois atteindre la vitesse de croisière de ce nouveau
concept censé réinventer le crédit, le renflouement des caisses de cet
établissement de crédit devrait s'imposer.

Dans son démarrage, «Dar Assafa », dotée d'un savoir-faire spécifique dans les
services financiers alternatifs, cible les particuliers et les professionnels désireux
de financer leurs projets immobiliers et l'acquisition de leurs biens de
consommation par le biais de produits alternatifs.

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2- Produits :

Dar Assafa : Société de financement alternatif


« Pas moins de 100 millions de DH -12M$, c’est le montant des crédits distribués
par Dar Assafaa en seulement 3 mois d’activité (de juin à août 2010)», affirme,
d’emblée, Nour Eddine Charkani El Hassani, président du directoire de Dar
Assafaa.

Selon lui, la distribution de ces crédits a principalement porté sur le financement


d’habitations, de commerces, ou même de terrains. Par contre, Charkani El
Hassani constate qu’une faible proportion de la clientèle de Dar Assafaa a
recours au crédit à la consommation.

Dar Assafa met ainsi de nouvelles formules de financement à la disposition de ses


clients: Safaa Immo, Safaa Auto, Safaa Conso et Safaa Tajhiz. Une palette qui
serait appelée à s'enrichir dans le futur.

Pour ce qui est de la compétitivité de ces produits, comparativement avec les


produits classiques, Charkani a souligné qu'ils restent pénaliser sur le plan fiscal :
ils sont 7% plus cher. Même si la TVA a été ramenée au même niveau qu'un
produit classique, il faut dire que le produit, Dar Assafa reste moins compétitif
mais intéressant pour une certaine catégorie de clientèle.
En tout cas, le management semblerait confiant quant au développement du
marché des produits alternatifs. « Ce qu'a fait le marché dans deux mois est le
double de ce qu'il a fait dans deux ans, ce qui est rassurant pour nous », a
rétorqué Nour Eddine Cherkani El Hassani.

Dar Assafa : Banque Islamique


Cet optimisme a été confirmé le 27 décembre 2010 Dar Assafa reçoit alors
l’agrément de Banque Al Maghrib de pouvoir collecter des dépôts ce qui lui
confère le statut de première Banque Islamique au Maroc. Les premiers dépôts
sont parvenus des bénéfices des filiales ‘halal’ du groupe ONA ainsi que des
apports d’un fonds islamique bahreïni et considéré comme des comptes
d’investissement.

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Toutefois, Charkani El Hassani confirme que les fonds qui seront déposés par les
clients n’appartiennent pas à Dar Assafaa mais à Attijariwafa Bank : «Nous avons
créé une fenêtre entre les deux établissements de manière à ce que ce soit Dar
Assafaa qui dispose et gère ces dépôts, à l’image des pratiques à l’international».
Pour ce faire, la fille et la mère ont signé un contrat ‘Moudaraba’ par lequel
Attijariwafa Bank apporte les fonds, et Dar Assafaa, l’expertise métier. «Par ce
contrat, Attijariwafa Bank accepte le gain comme la perte», souligne le président.

Hissab Assafaa :

Grâce à son nouveau statut Dar Assafa a élargit son offre dans le domaine de la
Finance Islamique, en proposant un compte «Hissab Assafaa» associé à une
carte Assafaa. «Au-delà du financement, les clients demandeurs, qui ont été
nombreux, nous ont interpellés sur la possibilité d’élargir notre gamme de
produits à l’ouverture de comptes et la collecte de dépôts», explique le président.
A ce titre, «il assure que ces mêmes clients sont en demande d’une nouvelle
manière d’épargne et de financement sans plus ni moins qui soit conforme à leurs
convictions».

Par ailleurs, pour pouvoir distribuer des crédits, Dar Assafaa a besoin de
refinancement. Celui-ci se fait premièrement par le biais du capital social qui est
détenu à 100% par Attijariwafa Bank. «Ce capital qui a totalement été consommé
provient des dividendes relatifs aux participations d’ Attijariwafa Bank dans
Sonasid et dans des filiales financières spécialisées du groupe, notamment
Attijari Finances Corp. et Attijari intermédiation», explique Charkani.

Dans ces conditions, «Hissab Assafaa», à l’instar des comptes bancaires


classiques, propose une carte de paiement et de retrait, ainsi qu’un carnet de
chèques. «Le client peut ainsi déposer et retirer son argent à sa convenance»,
affirme le président. Il peut également effectuer des transferts d’argent ou des
opérations de virement.

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Pour mettre en place cette nouvelle offre, la filiale d’ Attijariwafa Bank s’est dotée
d’un système d’informations conforme aux produits islamiques. Ainsi, ce système
ne prend pas en compte les dates de valeur, le calcul de taux d’intérêt et la notion
de découvert qui n’existe pas dans ce type d’établissement.

3- Limites :
Pourtant la société est toujours pénalisée par le caractère de non-conformité à la
Shariâ en raison de l’origine des ressources utilisées pour les opérations de
financement et essentiellement les fonds propres en prevenance à 100%
d’Attijariwafa Bank et qui ouvre un long débat entre les acteurs de la finance
marocaine.

Conclusion de la Section 3 :
Peut-on affirmer pour autant que le Maroc a définitivement opté pour une
ouverture tous azimuts au profit de la Finance Islamique ? Rien n’est moins sûr
puisque les Banques Islamiques étrangères ne sont pas encore autorisées à
opérer directement sur le territoire national. Pourtant, le gouvernement marocain
a été à plusieurs reprises approché ces dernières années par des fonds
islamiques qui ont émis le souhait d’opérer sur le marché marocain.

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CONCLUSION

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Depuis l’événement du 11 septembre, des milliards de pétrodollars ont migré
depuis les Etats-Unis et les places européennes. A en ajouter les revenus du
surenchérissement du baril depuis plusieurs années. Toutes ces fortunes sont en
quête d’opportunités d’investissements. Des financiers arabes et orientaux, à
travers beaucoup d’institutions et différentes natures de fonds, sont toujours à la
recherche d’occasions en adéquation avec leur «éthique islamique» et
essentiellement dans les économies émergentes arabo-musulmanes.
Au courant du mois d’avril 2010 Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu
L'assiste, a inauguré l’ambitieux projet financier de la grande Place financière de
Casablanca qui sera réalisée sur une superficie de 100 ha. Sa Majesté le Roi, a
donné Ses Hautes orientations pour que cette future place financière soit dotée
des infrastructures indispensables à la promotion et à la pérennisation de ce
projet dont l'envergure internationale nécessite des mesures propres afin de lui
assurer l'attractivité souhaitée à l'égard des investisseurs étrangers.
Ce projet s'appuie sur les potentialités du Royaume qui constitue, de l'avis des
organisations internationales, que ce soit le Fonds monétaire international ou la
Banque Mondiale, une référence dans la région Mena, a souligné M. Jouahri dans
une déclaration à la presse « Nous allons capitaliser tous les acquis engrangés
par le Maroc depuis plus d'une décennie », a-t-il ajouté, notant que «le Royaume
est aujourd'hui en mesure de faire de Casablanca, dans un premier temps, un
centre financier régional pour devenir ensuite un centre financier international»,
confirme toujours M. Jouahri.
Toutefois la première réaction enregistrée par rapport à son déroulement, était la
réserve émise par le GPBM qui exige et insiste que les opérateurs financiers
internationaux qui souhaiteraient s’installer à Casablanca sont les bienvenus,
mais ne doivent pas avoir le droit d’approcher la clientèle des marocains
résidents. Aussi naturellement qu’automatique, le GPBM a eu l’accord de BAM
pour cette réserve qui, à notre avis, abuse:
- des droits des consommateurs marocains en leur primant d’offres
financières peut être plus adaptées, comme les produits islamiques, ou
structurés…

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- des opportunités de développement de l’économie nationale en terme de
promotion d’investissement et de création de valeur et d’emploi et
- de l’image de notre pays, en assimilant un pseudo verrouillage de notre
système financier contre les messages d’ouverture et de libéralisme que le
Maroc persiste à confirmer.

Bibliographie :
- ‘’La Finance Islamique’’ Michel Ruimy 2008
- ‘’Sukuk Guidebook’’ Dubai International Financial Guide
- ‘’Dossier documentaire sur la Finance Islamique’’ BCP mars 2007
- ‘’Guide de la Finance Islamique’’ Herbert Smith 2009
- ‘’La finance islamique : une alternative au service de l’économie réelle ?’’
Jihane FASSI & Nadia LERICOLAIS
- Annexe au procès-verbal de la séance du 14 mai 2008 du SÉNAT français sur la
Finance Islamique. - www.senat.fr/bulletin/20080513/fin.html#toc4
- Dossier spécial consacré à la finance islamique dans la Revue Banque : La
finance islamique, l’ouverture européenne - novembre 2007
- Numéro spécial de la revue « Techniques Financières et Développement »
(publiée par l’association Epargne Sans Frontière) : La mondialisation financière
islamique est-elle au service du développement ? - mars 2008
- ‘Les habits neufs de la Finance Islamique’ Anouar Hassoune & Mohamed Damak
mai 2007
- ‘La finance islamique : valeur d’ajustement pour consolider les marchés et la
croissance de l’économie réelle’ par Mokdadi Hamadi, Tunisie

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