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« Pour les Nuls » est une marque déposée de Wiley Publishing,

Inc.
« For Dummies » est une marque déposée de Wiley Publishing,
Inc.
© Éditions First, un département d’Édi8, 2015. Publié en accord
avec Wiley Publishing, Inc.
12, avenue d’Italie
75013 Paris
Tél. : 01 44 16 09 00
Fax : 01 44 16 09 01
Courriel : firstinfo@efirst. com
Internet : www.editionsfirst.fr

ISBN : 978-2-7540-6051-6
ISBN numérique : 9782754073202
Dépôt légal : janvier 2015

Ouvrage dirigé par Laurent Boudin


Édition : Capucine Panissal
Correction : Marion Bello
Couverture et mise en pages : Romain Poiré
Dessins : Marc Chalvin
Fabrication : Antoine Paolucci
Production : Emmanuelle Clément

Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement


réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou
diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou
partie de cette œuvre est strictement interdite et constitue une
contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code
de la propriété intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de
poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle
devant les juridictions civiles ou pénales..
À propos de l’auteur
Nicolas Guerrero est avocat au barreau de Paris.
Diplômé de l’Essec et de Sciences Po, il enseigne à
l’université Panthéon-Sorbonne Paris I et à
Sciences Po. Chroniqueur juridique dans plusieurs
revues, mais aussi éditeur, il a publié plusieurs
ouvrages de droit.
Dédicace

Pour Adrien, Agathe, Alexandre, Alexia, Alexis, Alix,


Amandine, Ambre, Anna, Anne, Anne-Claire, Anne-
Lise, Anne-Sophie, Antoine, Apolline, Armand, Arnaud,
Arthur, Astrid, Aubert, Audrey, Augustin, Axel,
Benjamin, Benoît, Blandine, Boris, Brune, Camille,
Caroline, Cécile, Céline, Charlotte, Chloé, Christophe,
Claire, Claire-Amélie, Claire-Marie, Clara, Clément,
Clémentine, Clothilde, Constance, Coralie, Corentin,
Cyril, Damien, Daniel, David, Diane, Édouard,
Éléonore, Élise, Élodie, Émilie, Emma, Emmanuel,
Enguerrand, Estelle, Esther, Eva, Fabien, Fabrice, Félix,
Flore, Florence, Floriane, François, Grégoire,
Guillaume, Hugo, Inès, Isabelle, Isis, Jean, Jeanne,
Jérémy, Jérôme, Julia, Julie, Julien, Juliette, Justine,
Karim, Karine, Kévin, Laura, Laure, Laurent, Léa, Louis,
Louise, Lucas, Lucie, Lucile, Madeleine, Maeva, Manon,
Marc, Margaux, Marie, Marie-Pierre, Marion, Mathilde,
Maxence, Maxime, Maximilien, Maud, Mélanie,
Mohamed, Nicolas, Pauline, Perrine, Pierre, Pierre-
Alexandre, Pierre-Antoine, Priscille, Quentin, Rachel,
Raphaël, Rémi, Renaud, Romain, Séverine, Solène,
Sophie, Sylvain, Thibaut, Thierry, Thomas, Tiphaine,
Valentin, Valentine, Valérie, Victoire, Victor, Virginie,
Yacine, Yasmine, Youssef, Zoé et tous les autres qui
ont été, sont ou seront mes étudiants.
Sommaire
Page de titre
Page de copyright
À propos de l’auteur
Dédicace
Introduction
À propos de ce livre
Les conventions utilisées dans ce livre
Comment ce livre est organisé
Première partie : Pourquoi s’intéresser au droit
aujourd’hui ?
Deuxième partie : Mais au fond, qu’est-ce que le droit ?
Troisième partie : Les branches du droit
Quatrième partie : Les sources du droit en France et leur
hiérarchie
Cinquième partie : La partie des Dix
Sixième partie : Annexes
Les icônes utilisées dans ce livre
Par où commencer

Première partie - Pourquoi s’intéresser


au droit aujourd’hui ?
Chapitre 1 - Une place essentielle hier et aujourd’hui
Un rôle capital dans l’histoire
L’Antiquité (de la naissance de l’écriture à 476 apr. J.-C.)
Le Moyen Âge (476-1492)
Depuis l’époque moderne (de 1492 à nos jours)
Une place croissante dans notre société
Pourquoi un tel phénomène ?
L’influence des États-Unis
Chapitre 2 - Les métiers du droit
Où et comment s’enseigne le droit en France ?
À l’université ou hors de l’université
Les exercices juridiques classiques
Une palette de métiers variés
Administrateur judiciaire/Mandataire judiciaire
Agent général d’assurances
Avocat
Commissaire-priseur
Greffier
Huissier de justice
Juriste ou responsable juridique
Magistrat
Notaire
Officier de gendarmerie/Officier de police/Commissaire
de police
Ou professeur de droit…

Deuxième partie - Mais au fond, qu’est-


ce que le droit ?
Chapitre 3 - Le droit objectif
Une première approche
Ce que le droit n’est pas
Ce que le droit est
Les caractères de la règle de droit
La force du droit
La forme du droit
L’application du droit
L’application du droit dans le temps
L’application du droit dans l’espace
Chapitre 4 - Les droits subjectifs
La personnalité juridique
Personnes physiques : vous !
Qu’est-ce qu’une personne morale ?
Droits patrimoniaux et droits extrapatrimoniaux
Le patrimoine : du plus… mais aussi du moins !
Les droits extérieurs au patrimoine

Troisième partie - Les branches du droit


Chapitre 5 - Le droit privé
Les composantes du droit privé
Le « tronc » : le droit civil
Le droit commercial et des affaires
Le droit social
Les autres branches du droit privé
Les juridictions associées
Les juridictions judiciaires du premier degré
Les cours d’appel
La Cour de cassation
Chapitre 6 - Le droit public
Les acteurs du droit public
Les composantes du droit public
Le droit constitutionnel
Le droit administratif
Trois branches mixtes rattachées au droit administratif :
le droit des finances publiques, le droit fiscal, le droit de
la construction
Le cas du droit international public
La justice administrative
La dualité des ordres de juridiction : l’ordre judiciaire et
l’ordre administratif
Les juridictions compétentes
Les recours contentieux
Chapitre 7 - Le droit pénal
Une première approche
Le droit qui punit
Un principe fondamental : le principe de légalité des
délits et des peines
Les infractions
La classification ternaire des infractions
Les éléments constitutifs d’une infraction
Les causes d’irresponsabilité pénale ou d’atténuation de
la responsabilité pénale
Les sanctions
Peines principales et peines complémentaires
Cinq catégories de peines
Les juridictions compétentes
Une juridiction pour chaque catégorie d’infractions
Ordre judiciaire ou ordre administratif ?

Quatrième partie - Les sources du droit


en France et leur hiérarchie
Chapitre 8 - Les normes de valeur constitutionnelle : le
« bloc de constitutionnalité »
Les normes constitutionnelles
Les articles de la Constitution de 1958
Le préambule de la Constitution de 1958
Et les objectifs de valeur constitutionnelle ?
La place de la Constitution dans la hiérarchie des normes
Pour les juridictions suprêmes françaises
Pour les juridictions de l’Union européenne
Chapitre 9 - Les traités et accords internationaux
L’introduction du droit international en droit interne
La place des engagements internationaux dans la
hiérarchie des normes
La supériorité des traités sur les lois
La « rivalité » entre la Constitution et les engagements
internationaux
Le cas particulier de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme et de la Cour
européenne des droits de l’homme
La Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales
La Cour européenne des droits de l’homme
Chapitre 10 - Le droit de l’Union européenne
L’organisation institutionnelle de l’Union européenne
Organes principaux et organes complémentaires
Trois catégories de compétences
Le système juridique et judiciaire de l’Union européenne
Quels textes ?
Quelles caractéristiques ?
Quels domaines ?
Quelles sanctions ?
Que se passe-t-il en cas de contradiction entre une
norme française et une norme du droit de l’Union
européenne dérivé ?
Le cas d’une contradiction entre une norme
constitutionnelle française et une norme du droit de
l’Union européenne dérivé
Le cas d’une contradiction entre une loi française et une
norme du droit de l’Union européenne dérivé
Chapitre 11 - Les lois
Les différents types de loi
Les lois constitutionnelles et référendaires
Les lois parlementaires
Le « domaine » de la loi
La loi parlementaire : oui, mais pour quelles matières ?
Deux exceptions au domaine de la loi
Inflation législative et dégradation de la qualité de la loi
Le constat : trop de lois tue la loi !
Les principes consacrés
Les mesures prises
Chapitre 12 - Les actes administratifs unilatéraux
De quoi s’agit-il ?
Règlements et décisions individuelles
Et les actes non décisoires ?
Que se passe-t-il si les administrés ne respectent pas les
décisions de l’administration ?
Les sanctions pénales
Les sanctions administratives
Chapitre 13 - Les sources non écrites ou indirectes
La coutume
La jurisprudence
Quelle est la valeur des décisions de jurisprudence ?
De quoi s’agit-il ?
Qu’appelle-t-on les « principes généraux du droit »
(PGD) ?
La doctrine
Qui en sont les acteurs ?
Quels en sont les outils ?
Quelles sont les missions de la doctrine ?

Cinquième partie - La partie des Dix


Chapitre 14 - Dix grands juristes
Charles Dumoulin (1500-1566)
Jacques Cujas (1522-1590)
Jean Domat (1625-1696)
Robert-Joseph Pothier (1699-1772)
Jean-Étienne-Marie Portalis (1746-1807)
Rudolf von Jhering (1818-1892)
Édouard Laferrière (1841-1901)
Hans Kelsen (1881-1973)
Jean Carbonnier (1908-2003)
Georges Vedel (1910-2002)
Chapitre 15 - Dix droits fondamentaux
Le respect de la dignité humaine
La liberté personnelle et le respect de la vie privée
La liberté de conscience et de culte
La liberté d’expression et de communication
La liberté de réunion et la liberté d’association
Le droit de propriété
La liberté d’entreprendre
La liberté du travail
Les libertés collectives : le droit de grève et la liberté
syndicale
Le droit de grève
La liberté syndicale
Le droit à un procès équitable
Chapitre 16 - Dix grandes lois
La loi Le Chapelier (14 juin 1791)
La loi Ollivier instaurant le droit de grève (25 mai 1864)
Les lois Jules Ferry rendant l’enseignement primaire
public gratuit (16 juin 1881) et obligatoire (28 mars
1882)
La loi sur la liberté de la presse (29 juillet 1881)
La loi Waldeck-Rousseau légalisant les syndicats
professionnels (21 mars 1884)
La loi reconnaissant la liberté d’association (1er juillet
1901)
La loi de séparation des Églises et de l’État (9 décembre
1905)
La loi portant abolition de la peine de mort (9 octobre
1981)
La loi relative aux droits et libertés des communes, des
départements et des régions (2 mars 1982)
Chapitre 17 - Dix traités internationaux majeurs
La Charte des Nations unies (26 juin 1945)
Le traité de l’Atlantique nord (4 avril 1949)
Les conventions de Genève sur le droit de la guerre
(12 août 1949)
La Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales (4 novembre
1950)
Le traité sur l’Antarctique (1er décembre 1959)
Le Pacte international relatif aux droits civils et
politiques (16 décembre 1966)
Le Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels (16 décembre 1966)
Le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires
(1er juillet 1968)
La convention de Vienne sur le droit des traités (23 mai
1969)
La convention de Vienne sur la vente internationale de
marchandises (11 avril 1980)
Chapitre 18 - Dix locutions latines juridiques
Affectio societatis
Fraus omnia corrumpit
In solidum
Nemo auditur propiam turpitudinem allegans
Nullem crimen nulla poena sine lege
Pacta sunt servanda
Prorata temporis
Ratione loci, ratione materiae, ratione personae
Res mobilis, res vilis
Sui generis

Sixième partie - Annexes


Annexe A - Ouvrages
Lexiques juridiques
Histoire du droit
Droit privé
Introduction générale au droit – Ouvrages généraux de
droit civil
Les personnes, la famille, les régimes matrimoniaux, les
successions et libéralités
Les obligations
Droit des biens
Droit des sûretés
Contrats spéciaux
Droit des affaires et droit des sociétés
Procédures civiles d’exécution
Entreprises en difficulté et procédures collectives
Droit bancaire, droit financier, instruments de crédit et
de paiement
Droit du travail
Droit de la consommation
Droit de la propriété intellectuelle
Droit international privé
Procédure civile
Droit pénal et procédure pénale
Droit pénal général
Droit pénal des affaires
Procédure pénale
Droit public
Ouvrages généraux
Droit constitutionnel
Droit administratif
Droit public économique
Droit de l’urbanisme
Droit fiscal
Droit de la fonction publique
Droit international public
Procédure administrative contentieuse
Droit de l’Union européenne
Droit conventionnel
La technique de cassation
Annexe B - Liens utiles
Institutions professionnelles
Juridictions
Ressources gouvernementales, législatives,
réglementaires et européennes
Ressources académiques relatives au droit
Éditeurs juridiques
Associations
Annuaires de cabinets d’avocats internationaux
Index
Introduction

Dans la littérature, au théâtre ou au cinéma, l’image


du juriste – et donc du droit – est propice à la
caricature : le magistrat corrompu, le notaire de
province matois, l’avocat défendant les pires criminels
en sollicitant les derniers ressorts de la mauvaise foi…

De surcroît, selon une idée communément répandue,


l’apprentissage du droit consisterait seulement à
« apprendre par cœur », indépendamment de tout
raisonnement.

La matière semble aride, austère, rébarbative, voire


soporifique.

Au contraire, elle est passionnante !

Bien sûr, le droit peut faire l’objet d’une connaissance


théorique. Mais il est, surtout, partout autour de
nous : il irrigue l’ensemble des aspects de notre vie
sans même que nous y prêtions attention. Ses
déclinaisons pratiques sont infinies. Si le serveur d’un
restaurant vous renverse du café brûlant dessus, sa
responsabilité est susceptible d’être engagée en
raison de sa négligence. Dès que vous montez dans
une voiture, vous êtes régi par une loi de 1985 qui
précise le régime d’indemnisation qui s’appliquera si
un accident survient. Dans la vie de l’entreprise
également, chaque jour, des questions juridiques se
posent : contrats commerciaux, contrats de travail,
obligations fiscales sont autant de manifestations de
l’omniprésence du droit au quotidien, dans nos vies.

On découvre souvent le droit trop tard… lorsque l’on


est embourbé dans un problème juridique !

Quelle est la différence entre le droit civil et le droit


pénal ? Qu’est-ce que la jurisprudence ? Quelle est la
différence entre un décret et un arrêté ? À quoi sert le
juge administratif ?

Vous vous sentez perdu ? Le droit vous semble une


nébuleuse obscure et vous aimeriez y voir plus clair ?

Ce livre est fait pour vous. Nous allons déchiffrer le


droit pour vous. Bienvenue dans le monde merveilleux
du droit !
À propos de ce livre
Vous êtes probablement à la fois conjoint, parent,
entrepreneur individuel, dirigeant de société,
associé/actionnaire d’une société, salarié, agent
public, membre voire responsable d’un syndicat,
membre voire responsable d’une association,
contribuable, administré, consommateur, client d’un
établissement bancaire, client d’une compagnie
d’assurances, client d’une mutuelle, conducteur d’un
ou de plusieurs véhicules, voisin, copropriétaire,
bailleur, locataire, titulaire d’un abonnement de
téléphonie mobile, titulaire d’un abonnement auprès
d’un fournisseur d’accès à internet (FAI)… Nous
sommes liés par des dizaines de contrats… que, pour
la plupart, nous n’avons pas lus ! Dans notre monde
complexe, nous sommes pris dans un ensemble de
relations qui toutes sont encadrées par des règles.

Ce livre a pour objet de vous donner une boussole


pour vous guider dans le dédale du droit et des droits.
En présentant les différentes branches du droit et la
hiérarchie des normes, il vous donnera du recul sur ce
monde qui, vu de l’extérieur, ressemble parfois à un
entrelacs de textes confus – quand ils ne se
contredisent pas… – et de procédures interminables !

Loin d’être un traité théorique, ce livre entend


montrer en quoi le droit se manifeste chaque jour
autour de nous. De nombreux exemples et anecdotes
tirés de la pratique illustrent les grands principes.
Les conventions utilisées dans ce livre
Le monde du droit a son langage, ses termes
spécifiques. Il nous a paru important que le livre soit
d’abord clair, compréhensible à un non-juriste. Les
termes essentiels sont expliqués. Lorsque cela
apparaît nécessaire, l’ouvrage précise également la
différence de sens d’un terme dans le langage courant
et dans le langage juridique.

Nous avons aussi fait le choix de ne pas alourdir


l’ouvrage par de nombreuses références de décisions
en notes de bas de page comme le font beaucoup
d’ouvrages de droit, mais de ne mentionner que les
plus importantes, dans le corps du texte.

En fin d’ouvrage, une liste de sites internet


d’institutions spécialisées vous permettra de trouver
de nombreuses informations utiles complémentaires.
Comment ce livre est organisé
Première partie : Pourquoi
s’intéresser au droit
aujourd’hui ?
Dans cette partie, nous verrons pourquoi il est utile de
s’intéresser au droit aujourd’hui. Le droit, qui a joué
un rôle essentiel dans l’histoire en général et dans
l’histoire de France en particulier, occupe une place
sans cesse croissante dans notre société. La
connaissance du droit mène également à une palette
de métiers variés : magistrat ou avocat, bien sûr, mais
aussi d’autres, parfois moins connus et tout aussi
passionnants !
Deuxième partie : Mais au fond,
qu’est-ce que le droit ?
Le droit ou les droits ? Le droit se conjugue au
singulier et au pluriel. Dans cette partie, nous partons
à la découverte de cette distinction fondamentale : le
droit objectif désigne un ensemble de règles, tandis
que les droits subjectifs sont les prérogatives, les
libertés, les pouvoirs que le droit garantit, protège, au
profit des sujets de droit. Nous verrons comment ces
deux notions s’articulent.
Troisième partie : Les branches
du droit
Comme en médecine, il existe des branches en droit.
Cette partie présente les différentes branches et sous-
branches du droit, en partant de la distinction
classique entre le droit privé et le droit public et sans
omettre d’examiner la place singulière occupée par le
droit pénal. Elle présente également les différentes
juridictions – les tribunaux et les cours – chargées de
résoudre les conflits qui leur sont soumis en
appliquant les règles de droit correspondantes.
Quatrième partie : Les sources
du droit en France et leur
hiérarchie
Notre monde est peuplé de nombreux types de
norme, mais toutes ces règles de droit n’ont pas la
même autorité juridique. Cette partie présente ce que
l’on appelle la « hiérarchie des normes » de notre
système juridique.

Nous y rencontrerons notamment la Constitution, les


traités internationaux, les règlements et directives de
l’Union européenne, les lois, les décrets, les arrêtés et
les circulaires. Nous verrons également comment sont
gérés les conflits qui peuvent survenir entre deux
types de norme.
Cinquième partie : La partie des
Dix
Comme dans chaque ouvrage de la collection « Pour
les Nuls », vous trouverez dans celui-ci une « partie
des Dix » dans laquelle vous découvrirez ou
redécouvrirez dix grands juristes dont lacontribution
au droit a été particulièrement remarquable, dix droits
fondamentaux reconnus en droit français, dix grandes
lois, dix traités internationaux majeurs et, parce que
le droit en raffole, dix locutions latines juridiques
célèbres.
Sixième partie : Annexes
Pour approfondir le sujet, des références d’ouvrages
et des liens internet viennent compléter et clore cet
ouvrage.
Les icônes utilisées dans ce livre
Tout au long du texte, des icônes, ou
« pictogrammes », placées dans la marge vous
permettront de repérer en un clin d’œil le type
d’information proposé.

Le droit est riche de mille subtilités. Cette icône les


signale. Elles vous permettront de briller en société !

Cette icône vous signale les grands principes et les


notions clés à retenir pour devenir un juriste averti.

Certains points font l’objet d’un développement plus


approfondi ou plus technique. Ils sont signalés par
cette icône. Pour impressionner vos amis… ou les
endormir ! Ils peuvent être laissés de côté, dans un
premier temps, par les personnes qui sont
entièrement novices en droit.
Par où commencer
Par où vous voulez ! Chacune des parties est
relativement indépendante et peut être lue de
manière autonome. L’ouvrage suit une progression
logique, ce qui plaide pour une lecture linéaire, mais
vous pouvez tout à fait piocher au hasard et lire en
premier les passages qui vous attirent le plus, par
exemple le chapitre sur la notion de patrimoine
(chapitre 4), sur le droit du travail (chapitre 5) ou sur
la place des traités internationaux par rapport aux
autres normes dans notre système juridique
(chapitre 9). Un sommaire détaillé et un index vous
aideront à trouver votre chemin.
Première partie

Pourquoi s’intéresser au
droit aujourd’hui ?

Dans cette partie…

Nous verrons que le droit a joué un rôle essentiel dans


l’histoire et que la place qu’il occupe aujourd’hui dans
notre société est immense et en expansion… Il est
utile de s’intéresser au droit ! Nous verrons également
où et comment s’enseigne le droit en France ainsi que
quelques-uns des nombreux métiers auxquels des
études de droit peuvent mener. C’est parti !
Chapitre 1

Une place essentielle hier et


aujourd’hui

Dans ce chapitre :
Un rôle capital dans l’histoire
Une place croissante dans notre société

« Je ne vois rien de plus bête que le droit, si ce n’est


l’étude du droit ! » Cette phrase, attribuée à Gustave
Flaubert, pourrait donner envie de se sauver en
courant… Pourtant, s’intéresser au droit, c’est
s’intéresser à un univers qui, hier, a joué un rôle
essentiel dans l’histoire en général, et dans l’histoire
de France en particulier, et qui, aujourd’hui, occupe
une place croissante dans notre société. Nul doute
que la connaissance du droit est un atout pour être
mieux armé afin de faire valoir et de défendre ses
droits dans le monde de demain.
Un rôle capital dans l’histoire
L’histoire du droit est passionnante et essentielle pour
tout juriste. L’étudiant en droit la découvre dès la
première année de licence à l’université. Elle couvre
un champ immense… à tel point qu’elle fait l’objet
d’un concours spécifique d’agrégation. De très
nombreux ouvrages ont été consacrés à l’histoire du
droit (voir Annexes). N’hésitez pas à les consulter si le
sujet vous intéresse.

Le droit, comme nous le verrons, est indissociable de


la vie des hommes. L’histoire du droit commence à la
naissance de l’écriture, en Mésopotamie à la fin du
IVe millénaire av. J.-C. Sans doute, avant cette
époque, des règles, des usages, des traditions
existaient-ils, mais nous n’avons pas la possibilité de
les connaître.

Le droit est le dénominateur commun de plusieurs


composantes essentielles de l’histoire de France
depuis l’époque moderne : la construction de l’État,
fondement du droit public, la conquête des droits de
la défense en matière pénale, et le rayonnement du
Code civil napoléonien, base du droit privé.

Voyons comment tout cela a commencé…


L’Antiquité (de la naissance de
l’écriture à 476 apr. J.-C.)
L’Égypte

Dans l’Égypte antique, la déesse Maât est la divinité


de la Vérité et de la Justice, mais également de l’ordre
universel voulu par le démiurge lors de la Création,
l’harmonie du monde. Elle est représentée comme
une femme à la tête surmontée d’une plume
d’autruche. L’ensemble des conceptions
philosophiques et religieuses de l’Égypte antique
reposent sur Maât. Ne pas obéir à Maât, c’était mettre
en danger le cycle naturel du monde. Pour que celui-ci
soit préservé, les hommes, Pharaon compris, devaient
veiller au respect de l’ordre conçu par les dieux, de la
justice sociale et de la vérité morale.

La Mésopotamie

« Lorsque le sublime An, le roi des grands dieux, et


Enlil, maître des cieux et de la terre, qui fixe les
destins du pays eurent assigné à Marduk, le fils aîné
d’Ea, la toute-puissance sur tous les peuples, l’eurent
magnifié, eurent prononcé le nom illustre de Babylone
en la rendant célèbre aux quatre coins du monde et
eurent établi pour lui, au milieu d’elle, une éternelle
royauté aux fondements aussi fermes que ceux des
cieux et de la terre, alors les dieux An et Enlil, pour
apporter le bien-être au peuple, prononcèrent mon
nom à moi, Hammurabi, prince pieux, qui vénère les
dieux, afin de faire surgir la justice dans le pays,
d’éliminer le mauvais et le pervers, d’empêcher le
puissant d’opprimer le faible, de m’élever au-dessus
des hommes comme le dieu Šamaš et d’illuminer le
pays. »

Ainsi commence le prologue du célèbre Code de


Hammurabi, texte gravé sur une stèle érigée sous le
règne du roi de Babylone au XVIIIe siècle, découverte
à Suse (en Iran actuel) en 1901 et conservée
aujourd’hui au département des Antiquités orientales
du musée du Louvre. Traduit par le révérend père
dominicain Jean-Vincent Scheil, le Code de
Hammurabi n’est pas le plus ancien des « codes »
retrouvés par des archéologues (code d’Urukagina,
2350 av. J.-C. ; code d’Ur-Nammu, 2100 av. J.-C. ; code
d’Eshnunna, 1800 av. J.-C.), mais il constitue le
document le plus complet de la production juridique
des cités-royaumes de Mésopotamie. Le texte, que le
roi Hammurabi fit graver dans plusieurs villes et qui
avait vocation à être appliqué par les magistrats,
notifiait à la population une série de cas juridiques
concernant divers types de contrat, comme les
contrats de travail, de vente ou de location, ainsi que
divers types de faute, dont la sanction variait selon
que son auteur était un homme libre, une femme ou
un esclave. Le Code de Hammurabi consacre
également la responsabilité pour faute des
architectes, des médecins et des bateliers. La clarté
du texte en fit un modèle pendant plusieurs siècles.

La Grèce

L’Antiquité grecque est également une période très


riche sur le plan du droit, qui occupait une place
importante dans la cité. Il apparaît sous plusieurs
formes dans les poèmes d’Homère, L’Iliade et
L’Odyssée (VIIIe siècle av. J.-C.). Un concept y est
essentiel : thémis, qui désigne une prescription très
forte puisque inspirée des dieux. À Athènes, plusieurs
législateurs célèbres se sont distingués :

Dracon, dont les lois, rédigées en 621 av. J.-


C., affichées sur des panneaux de bois dans la
cité, sont les premières lois écrites d’Athènes :
leur grande sévérité (le vol était puni de la
peine de mort !) a conféré à l’adjectif
« draconien » le sens qu’il a encore
aujourd’hui…
Solon, l’un des Sept Sages de la Grèce, dont
les lois, rédigées en 594 av. J.-C., se substituent
aux lois de Dracon : plus douces que ces
dernières, elles traitent de droit pénal mais
également de procédure. Elles auraient été
placées au Portique royal.
Clisthène, artisan avec Solon de la
démocratie athénienne, évoqué par Hérodote et
Aristote, mais dont les lois ne nous sont pas
parvenues.
Pisistrate, qui a notamment institué des
tribunaux mobiles.

Sous le règne de Périclès (Ve siècle av. J.-C.), Sophocle


écrit sa tragédie la plus célèbre, Antigone (441 av. J.-
C.). Dans la mythologie, Créon, roi de Thèbes, a
ordonné que les honneurs soient rendus au cadavre
d’Étéocle, mort en défendant sa patrie, mais qu’ils
soient refusés à Polynice, fils d’Œdipe, qui l’a
combattue. Antigone, sœur de Polynice, soulève la
question de la hiérarchie des devoirs : « Il n’appartient
pas au Roi de m’écarter de ce qui est mien.
J’ensevelirai mon frère… et si c’est un crime, je serai
sainte dans mon crime. » Antigone recouvre alors le
corps de Polynice de poussière sèche, conformément
aux antiques rites funéraires. Elle est arrêtée par les
soldats de Thèbes. Lors de son procès, privée
d’avocat, Antigone se défend seule. Elle reconnaît son
acte mais oppose à la loi de Créon celle de Zeus :
Créon est un mortel, sa loi est celle d’un mortel, elle
est donc inférieure à la loi des dieux, qui vivent dans
l’éternité. Cette « défense de rupture » a inspiré
l’avocat Jacques Vergès.

La Grèce antique se caractérise également par les


orateurs attiques (de la région d’Athènes), tels que
Démosthène, Isocrate ou Lysias, qui étaient
logographes (de logos, « discours », et graphein,
« écrire ») : ils rédigeaient pour leurs « clients »
accusations ou plaidoiries.

Rome

Le droit occupe également une place essentielle dans


la Rome antique. Le jus désignait l’ensemble des
règles qui régissaient les rapports des hommes entre
eux, par opposition au fas, qui réglait les rapports
entre les dieux et les hommes. Le jus civile
comprenait l’ensemble des règles en usage à Rome,
et qui s’appliquaient au citoyen romain. Le jus
gentium, ou « droit des gens », désignait les règles
qui régissaient les rapports entre les citoyens romains
et les peuples étrangers reconnus soit en vertu d’un
traité, soit sur le fondement de la fides, par référence
à la déesse de la Bonne Foi et de l’Honneur. Plusieurs
orateurs romains sont demeurés célèbres, tels que
Cicéron, auteur de De Oratore (55 av. J.-C.), ou
Quintilien, auteur de De institutione oratoria (« De
l’institution oratoire ») (95 apr. J.-C.).
Le Moyen Âge (476-1492)
En Occident, l’Empire romain s’effondre au cours du
Ve siècle. Divers peuples germaniques viennent
s’établir dans l’ancien empire. De nouvelles structures
politiques apparaissent : les royaumes dits
« barbares », où cohabitent des autochtones,
également appelés « Romains », et les « Barbares ».
Chaque peuple possède alors son propre droit. La
législation a ainsi un caractère ethnique. C’est à partir
du IXe siècle que l’attache territoriale finit par
l’emporter sur l’appartenance ethnique et que le droit
se construit selon un critère territorial. À partir du
XIe siècle, le droit en Europe occidentale s’organise en
une série de coutumes territoriales et de droits
locaux. Le XIIe siècle voit la renaissance du droit
romain, c’est-à-dire le droit édicté dans l’Empire
romain (27 av. J.-C.-476 apr. J.-C.), et l’essor du droit
canon, ou « droit canonique », c’est-à-dire l’ensemble
des règles adoptées par les autorités catholiques pour
le gouvernement de l’Église et ses relations avec les
fidèles. Ces deux recueils de règles forment
aujourd’hui encore le socle d’un grand nombre de
droits nationaux de l’Europe continentale.

En France, le droit présente, dès le Moyen Âge


classique, des caractéristiques spécifiques. Cela
s’explique par le fait que le royaume de France est
distinct du Saint Empire romain germanique (962-
1806) et politiquement indépendant de l’Église.
Progressivement s’élabore un droit national où se
mêlent le droit coutumier, c’est-à-dire le droit qui
repose sur les coutumes (voir chapitre 13), et la
législation royale. Ce pluralisme n’est pas seulement
juridique : chaque province a ses dialectes, ses
usages agraires, ses poids et ses mesures, ses
traditions, ses spécialités.

Le Moyen Âge se caractérise également, en France,


par la construction de l’État et l’unification de la
justice royale.

La construction de l’État

C’est au XIIIe siècle que se manifestent, en France, les


premiers signes de la constitution d’un État. Sous le
règne de Saint Louis (1217-1270), puis surtout sous
celui de Philippe le Bel (1268-1314), petit-fils de Saint-
Louis, commence la reconquête d’un pouvoir éclaté
entre seigneurs, municipalités et corporations. Peu à
peu, le pouvoir devient unitaire : le pouvoir normatif,
c’est-à-dire celui d’édicter des règles, est exercé par
le souverain sous la forme d’ordonnances et de
règlements, qui constituent des décisions unilatérales
applicables sur l’ensemble du territoire du royaume.
Saint Louis prend 25 ordonnances et 8 règlements sur
des sujets relatifs à la guerre, à la paix, à la monnaie,
à la régence pendant le temps des croisades. Philippe
le Bel généralise le prélèvement autoritaire de l’impôt.
Progressivement, la loi royale l’emporte sur le droit
romain et sur les coutumes particulières. Le roi détient
le pouvoir législatif, il n’est tenu par aucune règle
antérieure.

C’est également au XIIIe siècle que s’impose le


principe de l’inaliénabilité du domaine royal. Ce
principe, consacré par l’édit de Moulins en février
1566, conduisait à opérer une distinction entre le
domaine fixe, inaliénable, et le domaine dit « casuel »,
dont le roi pouvait disposer. Le principe de
l’inaliénabilité du domaine public est aujourd’hui un
principe fondamental de notre droit public : tant qu’ils
sont affectés à l’usage public ou au service public, les
biens ne peuvent pas être vendus, cédés, échangés
ou saisis – peu importe que l’acquéreur ait été de
bonne foi. L’administration dispose toujours d’un droit
à restitution.

Concomitamment s’impose le principe de la continuité


de la Couronne et de l’État, qui a pris aujourd’hui la
forme du principe de continuité du service public, qui
traduit l’exigence de la permanence de l’État. Ce
principe a été reconnu par le Conseil constitutionnel
en 1979 comme un principe de valeur
constitutionnelle.

L’unification de la justice royale

Le morcellement des pouvoirs locaux au début du


Moyen Âge favorise le développement des justices
privées, familiales. Peu à peu, le pouvoir monarchique
impose, parallèlement aux justices privées des grands
propriétaires locaux, une justice royale émergente,
organisée autour du « tribunal du palais » (Ve siècle-
VIIIe siècle). Au VIIIe siècle, Charlemagne met en
place un corps de contrôleurs, les missi dominici,
chargés de surveiller les pouvoirs locaux dans
l’exercice de la justice. À partir du XIIe siècle, il est
permis au roi de modifier les décisions des officiers de
justice locaux. Ainsi s’affirme progressivement l’idée
selon laquelle « toute justice émane du roi ».

Elle s’incarne particulièrement dans la personne de


Saint Louis (1214-1270), qui selon la légende rendait
la justice sous un chêne – tandis que d’autres,
ajoutent les esprits facétieux, la rendent comme des
glands… Sous les premiers Capétiens (Xe siècle-
XIIe siècle), la Curia regis (en français, la « Cour du
roi »), assemblée composée de laïcs et
d’ecclésiastiques chargée d’assister le roi, prend son
essor. Philippe Auguste (1165-1223) institue des
officiers royaux destinés à rendre et à contrôler la
justice en infirmant les jugements par le
développement de l’appel : les baillis et les
sénéchaux. Cependant, le pouvoir royal ne peut
contrôler l’ensemble des décisions de justice rendues
en première instance par les juges féodaux, qui
exercent dans le cadre de la seigneurie.
Depuis l’époque moderne (de
1492 à nos jours)
Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, l’Europe se caractérise
par une grande diversité des sources de droit. Au droit
romain et à une série de principes canoniques
s’ajoutent de nombreux droits particuliers applicables
localement.

En France, le droit est le dénominateur commun de la


centralisation de l’État, de la conquête des droits de la
défense en matière pénale et du rayonnement du
Code civil napoléonien.

Sous l’Ancien Régime se constitue aussi


progressivement un droit de l’administration, distinct
du droit qui s’applique aux particuliers, le droit
commun. En effet, il apparaît nécessaire de créer un
ensemble de règles spécifiques, qui concernent le
fonctionnement de l’administration. Celle-ci doit
disposer de prérogatives dont ne disposent pas les
particuliers – on parle de « prérogatives exorbitantes
du droit commun » – afin de remplir ses missions
d’intérêt public, ce dernier étant considéré comme
supérieur aux intérêts des particuliers. En
contrepartie, l’administration est soumise au droit : tel
est le principe de légalité (voir chapitre 6).
Aujourd’hui, la soumission de l’administration au droit
est un principe fondamental du droit administratif. Le
droit administratif est à la fois le droit qui donne à
l’administration la puissance dont elle a besoin pour
mener ses missions d’intérêt général et en même
temps le droit qui vient apporter des limites à cette
puissance.
Sur le plan judiciaire, de nombreuses mutations
caractérisent, en France, l’époque moderne. À la fin
du Moyen Âge, la justice devient un attribut essentiel
du pouvoir royal : la « main de justice », symbole de
l’autorité judiciaire, est remise au roi au moment du
sacre. À la tête de l’administration judiciaire se trouve
un chancelier, nommé à vie : il est habilité à
remplacer le roi dans son conseil ou à présider toutes
les cours de justice du pays, et il est chargé de
l’authentification des documents officiels.

Au XVIIIe siècle, Montesquieu vient poser les bases du


droit constitutionnel moderne. Dans son célèbre
ouvrage De l’esprit des lois (1748), il expose sa
théorie de la séparation des pouvoirs, selon laquelle le
pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir
judiciaire ne doivent pas se trouver dans les mêmes
mains :

Le pouvoir exécutif désigne le pouvoir


chargé d’exécuter les lois, de définir les règles
nécessaires à leur application et de gérer les
affaires courantes de l’État.
Le pouvoir législatif désigne le pouvoir de
discuter et de voter les lois ; il a pour mission
de voter le budget de l’État, et il contrôle
l’action du pouvoir exécutif.
Le pouvoir judiciaire, organisé en
juridictions où siègent des magistrats, a pour
mission de trancher les litiges en faisant
application des règles de droit applicables,
d’interpréter la loi et de sanctionner les cas de
violation de la loi.
Cette théorie est un des piliers de la Constitution de la
Ve République.

Avec la Révolution s’impose l’idée d’un État centralisé


et d’une justice étatisée. Napoléon voyait dans la
justice l’une des « masses de granit » qu’il souhaitait
édifier dans le sol de France. Il rétablit les titres et les
costumes d’Ancien Régime. La nomination des
magistrats devient la règle. En matière civile,
l’arbitrage et la conciliation sont facilités ; en matière
criminelle, le principe du jury est institué. La volonté
d’unification judiciaire se heurte cependant à des
résistances locales, de sorte que, selon une
expression célèbre, la justice concrète « se décline
parfois plutôt au pluriel qu’au singulier »…
Que signifie la locution
« État de droit » ?
Cette locution signifie communément que
l’État respecte et s’applique à lui-même les
normes qu’il édicte. Mais la pertinence de
cette expression est remise en question par
certains auteurs, comme Hans Kelsen (voir la
partie des Dix).

La conquête des droits de la défense en matière


pénale

Le droit, c’est également la conquête des droits de la


défense dans tout procès, et en particulier dans une
procédure pénale.
C’est au Royaume-Uni que sont reconnus pour la
première fois les droits de la défense avec la Magna
Carta, ou « Grande Charte » (1215), l’Habeas Corpus
Act (1679) et le Bill of Rights (1689) (voir la partie des
Dix).

En France, sous l’Ancien Régime, l’ordonnance de


Villers-Cotterêts (1539) interdit toute défense pénale.
Les droits de la défense sont intimement liés à la
pensée des Lumières au XVIIIe siècle. La Déclaration
des droits de l’homme et du citoyen de 1789 proclame
en son article 7 « Nul homme ne peut être accusé,
arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la
loi, et selon les formes qu’elle a prescrites » et, en son
article 9, « Tout homme étant présumé innocent
jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé
indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait
pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être
sévèrement réprimée par la loi ».

Mais, sous la Terreur, les principes de 1789 ont été un


peu oubliés !

Dans Histoire des avocats en France des origines à


nos jours, Bernard Sur raconte comment, pendant la
Terreur, des défenseurs officieux – la profession fut
supprimée en 1790 –, les avocats du Marais,
maintiennent la flamme de la défense : « Au petit
matin, quelques gardes venaient cogner à la porte de
l’un d’eux, lui annonçant que tel avait été arrêté la
veille et qu’il serait jugé vers midi. Se lever, courir au
tribunal criminel pour parcourir les liasses de
l’accusation, plaider dans une ambiance surchauffée,
la salle ouverte à une foule de gens, vociférant et en
larmes, entendre le verdict de mort, embrasser le
condamné avant que la charrette grinçant sur le pavé
des rues ne l’emporte à la guillotine du quartier. »

En 1794, Malesherbes paie de sa vie la défense de


Louis XVI deux ans plus tôt. Les autres défenseurs du
roi, Tronchet et de Sèze, sont accusés. Une loi du
22 prairial an II (10 juin 1794) supprime même pour
les accusés le recours à un avocat.

Par droits de la défense, on entend aujourd’hui,


notamment, les garanties pour toute personne que sa
cause soit entendue par un tribunal indépendant et
impartial dans un délai raisonnable, qu’elle dispose du
temps et des facilités nécessaires à la préparation de
sa défense, personnellement ou assistée par un
avocat, que dans toute procédure soit respecté le
principe du contradictoire, ou « principe de la
contradiction », selon lequel chaque partie doit avoir
été mise en mesure de discuter l’énoncé des faits et
les moyens juridiques que ses adversaires lui ont
opposés, et qu’elle ne puisse pas être poursuivie ou
punie en raison d’une infraction pour laquelle elle a
déjà été acquittée ou condamnée.

La Constitution du 4 octobre 1958, actuellement en


vigueur, énonce en son article 66 : « Nul ne peut être
arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne
de la liberté individuelle, assure le respect de ce
principe dans les conditions prévues par la loi. »

Le rayonnement du Code civil napoléonien

Bien sûr, il existait des lois civiles avant Napoléon !


Mais on sait à quel point l’Empereur était attaché à
l’idée de regrouper en un seul document l’ensemble
des règles qui concernent les personnes privées, leurs
biens et les relations qu’elles tissent. « Mon seul code,
par sa simplicité, écrivait-il en toute humilité, a fait
plus de bien en France que la masse des lois qui l’ont
précédé ! »

Promulgué le 21 mars 1804, le Code Napoléon, ou


Code civil des Français, reprend une partie des articles
de la coutume de Paris et du droit écrit du sud de la
France. Il a naturellement été considérablement
modifié depuis l’époque de Napoléon. Cependant, de
nombreux articles, notamment parmi les plus
importants, demeurent inchangés depuis 1804. Tel
est, par exemple, le cas :

de l’article 2, qui pose le principe de la non-


rétroactivité de la loi : « La loi ne dispose que
pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif » ;
des articles 4 et 5, qui définissent l’office du
juge : « Le juge qui refusera de juger, sous
prétexte du silence, de l’obscurité ou de
l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi
comme coupable de déni de justice » et « Il est
défendu aux juges de prononcer par voie de
disposition générale et réglementaire sur les
causes qui leur sont soumises » ;
de l’article 6 sur les lois qui intéressent
l’ordre public ou les bonnes mœurs : « On ne
peut déroger, par des conventions particulières,
aux lois qui intéressent l’ordre public et les
bonnes mœurs » ;
de l’article 544, qui définit le droit de
propriété : « La propriété est le droit de jouir et
disposer des choses de la manière la plus
absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage
prohibé par les lois ou par les règlements » ;
de l’article 1134, qui pose le principe de la
force obligatoire du contrat : « Les conventions
légalement formées tiennent lieu de loi à ceux
qui les ont faites. Elles ne peuvent être
révoquées que de leur consentement mutuel,
ou pour les causes que la loi autorise. Elles
doivent être exécutées de bonne foi » ;
des articles 1382 et 1383, qui posent le
principe de la responsabilité civile
extracontractuelle : « Tout fait quelconque de
l’homme, qui cause à autrui un dommage,
oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le
réparer » et « Chacun est responsable du
dommage qu’il a causé non seulement par son
fait, mais encore par sa négligence ou par son
imprudence ».

L’œuvre de codification voulue et mise en œuvre par


Napoléon à l’aube du XIXe siècle, qui réalise une
synthèse des droits existants, constitue un temps
majeur du développement du droit français. Elle
s’inscrit dans un mouvement de synthèse du droit
romain et des droits coutumiers locaux initié dès le
XVIIe siècle avec Jean Domat (Les Lois civiles dans
leur ordre naturel). En Allemagne, il prendra la forme
du Bürgerliches Gesetzbuch.

Le Code civil napoléonien, qui a fait beaucoup


d’émules, a participé à la construction du système
juridique dit « de droit civiliste », « de droit
romaniste », « de droit romano-civiliste », « de droit
romano-germanique » ou encore « de droit
continental ». Ce système a essaimé dans le monde
entier : Europe continentale, Russie, Extrême-Orient,
Afrique, Amérique du Sud. Il est aujourd’hui le
système juridique le plus utilisé dans le monde.

Le système civiliste se distingue profondément du


système de la Common Law (de l’anglo-normand
commune ley, littéralement « loi commune »). Celui-ci
repose en grande partie sur la jurisprudence, c’est-à-
dire les décisions rendues par les juridictions sur les
cas qui leur ont été soumis. La loi n’y constitue qu’un
cadre, et la codification ne se pratique pas de façon
systématique. Ce système est notamment en vigueur
au Royaume-Uni (à l’exception de l’Écosse), en
Irlande, au Canada (à l’exception du Québec), aux
États-Unis (à l’exception de la Louisiane), en Inde, en
Australie et en Nouvelle-Zélande, ainsi que dans la
plupart des autres pays du Commonwealth. Le
système de la Common Law a élaboré un ensemble de
concepts et de procédures qui ne font pas l’objet
d’une codification.
À l’heure de la mondialisation, la rivalité économique
entre les pays se déplace parfois sur le terrain de
l’application du droit dans les relations privées
internationales. Les mérites respectifs de chaque
système sur le « marché du droit » font aujourd’hui
l’objet de nombreux débats.

Aujourd’hui, le droit français demeure un système de


droit écrit, fondé sur la référence systématique à
l’écrit et caractérisé par la codification systématique
des lois.
Un codificateur
infatigable !
Le Code civil des Français (1804) n’est pas le
seul code élaboré sous Napoléon. C’est
également sous son autorité que sont nés :
le Code de procédure civile, entré en
vigueur en 1807 ;
le Code de commerce, entré en vigueur
en 1808 ;
le Code pénal, entré en vigueur en 1811 ;
le Code d’instruction criminelle, entré en
vigueur en 1811, qui est l’ancêtre de
l’actuel Code de procédure pénale.
Une place croissante dans notre société
« Le droit, écrivait l’avocat Olivier Debouzy, est en
train de devenir le principe immanent de régulation de
la société, la nouvelle grammaire sociale. »

Depuis les années 1980, la place du droit dans nos


sociétés se développe de manière spectaculaire. Le
droit irrigue de plus en plus l’ensemble des aspects de
nos vies, au point que certains ont pu parler d’une
« juridicisation » ou d’une « judiciarisation » de la
société.

Pourquoi un tel phénomène ? Dans quelle mesure


l’Europe suit-elle une influence américaine ? Que
montre le cas français en particulier ? Faut-il avoir
peur de cette évolution ?
Pourquoi un tel phénomène ?
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette évolution,
agissant à la fois au niveau de la société et au niveau
des acteurs privés.

Au niveau de la société

D’abord, le développement du droit suit le


développement de la vie des hommes et celui de
l’étendue des connaissances humaines. En effet,
lorsque les hommes entreprennent une action
nouvelle, il apparaît nécessaire d’édicter des règles
afin de l’encadrer ou de la réguler. Ainsi, lorsque
l’homme a commencé à envoyer des fusées dans
l’espace, il est apparu nécessaire de créer un droit de
l’espace, qui n’existait pas jusqu’alors. Lorsque
l’homme a créé Internet, il est apparu nécessaire de
créer un droit de l’Internet. Lorsque l’homme a créé le
crowdfunding – le « financement participatif », en
français –, il est apparu nécessaire de créer un droit
du crowdfunding, etc. La création de voitures et de
routes a rendu nécessaire l’élaboration d’un Code de
la route. Et demain, lorsque des voitures se conduiront
toutes seules, il faudra adapter à nouveau le droit !

La « troisième révolution industrielle » – une


expression popularisée par l’essayiste américain
Jeremy Rifkin – désigne l’ensemble des innovations
survenues à partir des années 1970 dans les secteurs
d’activité suivants : technologies de l’information et
de la communication (TIC), microprocesseur, Internet,
multimédia, biotechnologies, nouveaux matériaux.
L’essor des nouvelles technologies a conduit à
l’apparition de nouvelles activités économiques, qu’il
a fallu encadrer. La troisième révolution industrielle a
donc conduit à l’éclosion de nouveaux domaines du
droit, comme le droit de l’Internet. Dans bien des
secteurs d’activité, le progrès technique a également
posé la question de l’application des règles
traditionnelles, par exemple le droit de la propriété
intellectuelle, à ces situations inédites. Comme il n’y a
pas de limite à la créativité humaine, il y aura
toujours, à un rythme plus ou moins rapide, des
innovations technologiques, donc un besoin de droit.
Le droit évolue en permanence : il suit, toujours avec
un peu de retard, les avancées technologiques, qui le
contraignent à s’adapter.

L’internationalisation des économies puis le


phénomène de mondialisation ont conduit à une
intensification des liens entre les différents systèmes
juridiques afin de favoriser les circulations, les
échanges. Cette « globalisation » du droit est animée
par une tension entre harmonisation – permise par
des traités internationaux tels que la Convention de
Vienne de 1980 sur la vente internationale de
marchandises – et concurrence – notamment entre le
système de la Common Law et le système de droit
civiliste. L’intégration croissante du droit est
particulièrement forte en Europe, avec le droit de
l’Union européenne et les conventions adoptées dans
le cadre du Conseil de l’Europe. Par exemple,
constatant que certaines différences entre les règles
nationales en matière de compétence judiciaire et de
reconnaissance des décisions rendaient plus difficile le
bon fonctionnement du marché intérieur, l’Union
européenne a adopté des dispositions permettant
d’unifier les règles de conflits de juridictions en
matière civile et commerciale, et de simplifier les
formalités en vue de la reconnaissance et de
l’exécution rapides et simples des décisions émanant
des différents États membres.

Enfin, l’inflation normative est également un facteur


d’explication de la place croissante du droit dans
notre société (voir chapitre 11).

Au niveau des particuliers et des entreprises

Chacun éprouve, pour lui-même comme pour ses


proches, un besoin de sécurité et de protection. Il
s’agit d’un besoin fondamental dans la célèbre
pyramide de Maslow, qui représente la hiérarchie des
besoins de l’homme.

Les instruments qu’offre le droit permettent de se


protéger dans un monde qui est aujourd’hui plus
complexe et plus libre qu’il ne l’était hier, où le champ
des possibles paraît plus étendu que jamais.

Nous vivons tout d’abord dans un monde plus


complexe. Nous sommes pris dans un ensemble de
relations qui toutes sont encadrées par des règles.
Dans la vie économique, le phénomène de
globalisation a profondément modifié la nature des
relations. Alors qu’il y a trente ou quarante ans les
relations d’affaires, par exemple entre un client et un
fournisseur, étaient très souvent bilatérales et
physiques, elles sont devenues multilatérales et
dématérialisées. Chaque acteur économique est pris
dans un réseau complexe de relations.

Nos économies se sont massivement tertiarisées :


près de 70 % du PIB correspondent non à des biens
mais à des prestations de services. Les organisations
elles-mêmes sont devenues plus complexes, au point
que certains éprouvent le sentiment que l’individu
n’est plus au cœur du système. Le besoin de
protection est d’autant plus fort. Le développement
des associations de consommateurs, qui ont
beaucoup œuvré pour que les clauses abusives soient
prohibées dans les contrats de consommation, le
montre bien.

Nous vivons aussi dans un monde plus libre.


L’économie de marché et la démocratie sont fondées
sur des principes de liberté. Chacun est attaché à sa
liberté mais en même temps a besoin de prévisibilité
dans ses relations avec autrui, de sécurité, de
protection.

Les lois et les règlements ont notamment pour objet


d’apporter de la sécurité dans les échanges, de
protéger le consommateur dans sa relation avec le
professionnel commerçant, de protéger les entreprises
contre la concurrence déloyale de leurs concurrents,
de protéger les titulaires de droits de propriété
intellectuelle (droits d’auteur, brevets, dessins,
modèles, marques) contre les utilisations impropres
qui pourraient en être faites.

En dehors d’un litige, les instruments juridiques


permettent aux acteurs sociaux – individus,
entreprises, associations, etc. – de régler leurs
relations. Le contrat apparaît ainsi comme un outil
fondamental des relations humaines, notamment
économiques, puisqu’il détermine les engagements
respectifs de chaque partie.

Lorsqu’un litige survient, il doit être réglé. Le droit et


la justice ont remplacé la force pour régler les litiges.
Le rôle des avocats apparaît ici essentiel : l’avocat
permet, en dehors du droit pénal, de conduire une
négociation visant à parvenir à un accord destiné à
solder le litige entre les parties. Si la négociation
échoue, l’avocat représente et défend les intérêts de
son client dans le cadre de la procédure contentieuse.

Le recours à l’avocat se développe également au


stade du conseil juridique, c’est-à-dire en dehors de
tout litige. Le nombre d’avocats en France est passé
de 39 454 en 2002 à 56 176 en 2012, soit une
augmentation de 42 %. Pour les particuliers, il peut
apporter des réponses à des questions telles que
« Comment puis-je sortir de mon contrat de
téléphonie mobile ? », « Quels sont mes droits comme
consommateur de ce service ? », « Puis-je prêter de
l’argent sans intérêt à un proche et que faut-il
rédiger ? ». Pour les chefs d’entreprise, l’avocat
apporte une aide à la décision : il contribue à l’analyse
des risques, il conseille dans les relations avec les
clients, il intervient pour obtenir le recouvrement de
créances impayées.

Enfin, les citoyens sont aujourd’hui plus enclins à


former des recours contre leur État lorsqu’ils estiment
que leurs droits fondamentaux ont été méconnus.
Ainsi, la Cour européenne des droits de l’homme,
chargée de veiller au respect de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et
des libertés fondamentales par les États signataires
(on dit aussi « États parties »), a vu le nombre de
requêtes enregistrées croître de manière très rapide
au fur et à mesure des adhésions : 5 200 requêtes en
1990, 10 300 requêtes en 1994, 18 164 requêtes en
1998, 35 000 requêtes en 2002, 51 300 requêtes en
2006, 61 300 requêtes en 2010, 65 900 requêtes en
2013.
L’influence des États-Unis
« La Mecque des avocats », « le pays où le client est
roi… après le droit »… Les expressions ne manquent
pas pour souligner quelle place centrale le droit
occupe dans la société américaine. Chaque année, les
law schools des universités américaines reçoivent des
milliers de candidatures.

Vue d’Europe, la justice américaine est parfois


moquée. Il est vrai que certaines actions voire
certaines décisions peuvent paraître insolites de ce
côté-ci de l’Atlantique. Ainsi, le cas de cet ancien juge,
Roy Pearson, qui a réclamé 54 millions de dollars aux
propriétaires d’une teinturerie qui avaient perdu son
pantalon gris. Ou le cas de cette citoyenne
américaine, Stella Liebeck, qui, voulant mettre du
sucre dans son café chez McDonald’s, renverse le
gobelet, se brûle sévèrement, doit subir plusieurs
greffes de la peau et obtient en première instance
640 000 dollars à titre de dédommagement.

On ne compte plus les séries et les films américains


où le droit apparaît, au point que les étudiants
français en première année à l’université connaissent
parfois mieux les règles de la procédure américaine
que celles de la procédure française et pensent qu’il
faut appeler le président d’une formation de jugement
« Votre honneur ». Sans compter leur étonnement
lorsqu’ils apprennent que le concept de l’« objection »
est totalement inconnu du droit français !

Certaines séries et certains films font même du droit


un aspect central de l’intrigue. Ils montrent ainsi que,
derrière la théorie, il y a surtout la pratique…

Le droit du divorce vous intéresse ? Voyez


Intolérable cruauté (2003), de Joel et Ethan
Coen, où le beau George Clooney joue le rôle
d’un avocat qui parvient à dispenser son client,
pourtant pris en flagrant délit d’adultère, du
moindre dédommagement au bénéfice de son
épouse, la séduisante Catherine Zeta-Jones,
laquelle entend naturellement se venger…
Les délibérations d’un jury en matière
criminelle vous intéressent ? Voyez Douze
hommes en colère (1957), de Sidney Lumet, où
un jury composé de 12 hommes délibère à
l’issue du procès d’un accusé : 11 d’entre eux
votent « coupable », un seul vote « non
coupable », mais la décision doit être prise à
l’unanimité…
Vous voulez suivre les aventures d’un avocat
tiraillé entre vanité, appât du gain, mensonge
et morale ? Voyez L’Associé du diable (1997), où
le jeune et prometteur Keanu Reeves se voit
recruté par le cabinet du mystérieux John
Milton, joué par Al Pacino…
Vous souhaitez suivre le combat d’une
personne déterminée face à une puissante
entreprise ? Voyez Erin Brockovich, seule contre
tous (2000), de Steven Soderbergh, où Julia
Roberts se bat pour obtenir une indemnisation
collective dans le cadre d’une class action
(action de groupe) pour les résidents d’une
petite ville de Californie qui souffrent de
problèmes de santé causés par une société de
distribution d’énergie…
Vous voulez voir un avocat dépourvu de toute
expérience et multipliant les gaffes chargé de
défendre deux étudiants accusés de meurtre ?
Voyez Mon cousin Vinny (1992), de Jonathan
Lynn, avec l’inimitable Joe Pesci…

Les amateurs de séries le savent : celles-ci ne sont


pas en reste ! Matlock, New York, police judiciaire, Ally
McBeal, The Practice : Bobby Donnell et Associés,
Boston Justice, Suits, Damages, The Good Wife… Le
droit a conquis le petit écran tout autant que le grand.
Chapitre 2

Les métiers du droit

Dans ce chapitre…
Où et comment s’enseigne le droit en
France ?
Une palette de métiers variés

Le droit : quelles formations pour quels métiers ?

Discipline très large, le droit est enseigné en France,


historiquement à l’université, seule habilitée à délivrer
les diplômes de droit de l’enseignement supérieur
(licence, master, doctorat), mais aussi dans d’autres
établissements d’enseignement supérieur.

L’étude du droit mène à des métiers très variés. Ce


chapitre a également pour objet de vous permettre de
découvrir en quoi ils consistent et quelles sont les
voies pour y accéder.
Où et comment s’enseigne le droit en
France ?
Voyons quelles formes prend l’enseignement du droit
en France aujourd’hui. Le droit s’enseigne
traditionnellement à l’université, mais des cours de
droit sont également dispensés dans d’autres
établissements d’enseignement supérieur. Les
exercices auxquels les étudiants en droit sont
préparés comprennent notamment le cas pratique, la
fiche d’arrêt, le commentaire d’arrêt, le commentaire
de texte juridique et la dissertation juridique.
À l’université ou hors de
l’université
À l’université

Historiquement, c’est d’abord à l’université que s’est


enseigné le droit. L’enseignement du droit à
l’université remonte à des temps très anciens. À
l’université de Paris, reconnue en janvier 1200 par le
roi Philippe Auguste, l’enseignement est, dès le
XIIIe siècle, organisé en quatre facultés : le droit
canon, la médecine, la théologie et les arts libéraux,
qui depuis l’Antiquité désignaient les sept arts
suivants relatifs aux lettres et aux nombres :
grammaire, dialectique, rhétorique, arithmétique,
musique, géométrie, astronomie.

Aujourd’hui, dans le cadre de l’harmonisation des


cursus d’enseignement supérieur européens lancée
par le processus dit « de Bologne » (1999), le cursus
universitaire français s’organise autour de trois
diplômes, licence, master et doctorat :

La licence (L), qui se prépare en six


semestres, c’est-à-dire trois ans (L1, L2, L3) : la
licence correspond à un diplôme bac
+ 3 années d’études. Elle se substitue à
l’ancien Deug (diplôme d’études universitaires
générales), qui durait deux ans, et à l’ancienne
année de la licence, qui durait un an.
Le master (M), qui se prépare en quatre
semestres, c’est-à-dire deux ans (M1, M2) : le
master correspond à un diplôme bac
+ 5 années d’études. Il approfondit les
enseignements vus en licence et offre deux
possibilités :
•permettre aux étudiants d’acquérir une
qualification professionnelle de haut niveau
(M2 professionnel), qui correspond à l’ancien
DESS (diplôme d’études supérieures
spécialisées) ;
•ou préparer les étudiants à des études
doctorales et à une activité d’enseignement et
de recherche (M2 recherche), qui correspond à
l’ancien DEA (diplôme d’études approfondies).
Le doctorat (D), qui consiste en la rédaction
d’une thèse : la durée de préparation du
doctorat est en règle générale de trois ans. Il
correspond à un diplôme bac + 8 années
d’études. Tous les étudiants titulaires d’un
master peuvent se porter candidats à une
inscription en thèse de doctorat.

Dans cette nouvelle organisation, abrégée « LMD »,


l’unité est le semestre. L’année universitaire en
France se décompose en deux semestres : le premier
semestre a lieu de début octobre à fin janvier, le
second semestre de début février à fin mai. Les
étudiants passent leurs examens à la fin de chaque
semestre. Au mois de septembre a lieu la session de
rattrapage.

Chaque semestre d’études est affecté de 30 crédits,


ou « ECTS » (European Credit Transfert System :
Système européen de transfert et d’accumulation de
crédits).

Chaque enseignement du semestre reçoit un nombre


de crédits proportionnel au temps que l’étudiant doit y
consacrer. Ce système, commun à de nombreux pays
européens, permet aux étudiants de bénéficier le cas
échéant des crédits obtenus dans un autre pays
européen sans avoir à refaire la ou les années déjà
accomplies. Les crédits sont également transférables
d’un parcours à l’autre, sous réserve d’acceptation de
l’équipe pédagogique.

Depuis le Moyen Âge, l’intérêt pour le droit n’a pas


décliné, bien au contraire ! Selon le ministère de
l’Enseignement supérieur et de la Recherche, à la
rentrée 2012, il y avait en France, pour la discipline
droit-sciences politiques :

120 671 étudiants inscrits dans le cursus de la


licence ;
75 796 étudiants inscrits dans le cursus du
master ;
7 704 étudiants inscrits dans le cursus du
doctorat.

Cela représente un total de 204 171 étudiants qui se


répartissent en 35,8 % d’hommes et 64,2 % de
femmes.

L’enseignement du droit à l’université en licence et en


master suit une progression logique : il va du général
au particulier. En licence, l’étudiant découvre une
série de matières qui correspondent à des branches
ou des sous-branches du droit (voir troisième partie).
Il peut ainsi acquérir une connaissance
pluridisciplinaire au sein de la matière juridique et
préciser la nature de son projet académique et
professionnel. En master, l’étudiant se spécialise dans
un domaine du droit qui l’intéresse.
Au sein des universités, les étudiants peuvent, à partir
du master, s’inscrire auprès d’un institut d’études
judiciaires (IEJ), qui organise :

l’examen d’accès au centre régional de


formation professionnelle d’avocats (CRFPA) et
la préparation à cet examen ;
la préparation au concours d’accès à l’École
nationale de la magistrature (ENM) ;
fréquemment, la préparation à d’autres
concours tels que le concours de commissaire
de police à l’École nationale supérieure de la
police (ENSP), le concours d’accès à l’École des
officiers de la Gendarmerie nationale (EOGN), le
concours de greffier en chef des services
judiciaires.

Traditionnellement, les instituts d’études judiciaires


assurent également des cycles de conférences
d’actualité à l’intention des étudiants.

En 2014, il y a en France 73 universités et 44 instituts


d’études judiciaires.

Hors de l’université

Si l’université est le lieu historique où est enseigné le


droit en France, des cours de droit sont également
dispensés dans le cadre d’autres formations : écoles
d’ingénieurs post-baccalauréat ou post-classes
préparatoires, écoles de commerce post-baccalauréat
ou post-classes préparatoires, instituts d’études
politiques (IEP), section de technicien supérieur (STS),
instituts universitaires de technologie (IUT), autres
formations spécialisées.

On rencontre principalement deux types de cours de


droit dispensés au sein de ces établissements :

des enseignements d’introduction au droit,


qui ont vocation à présenter les principaux
concepts juridiques, les grands principes du
droit en général et du droit civil en particulier,
les notions fondamentales de droit des contrats,
l’organisation judiciaire ;
des enseignements plus spécialisés, liés au
domaine d’étude de la formation, par exemple
un enseignement en droit des affaires dans le
cadre d’une formation à l’entrepreneuriat, un
enseignement en droit du travail dans le cadre
d’une formation à la gestion des ressources
humaines, un enseignement en droit bancaire
et en droit boursier dans le cadre d’une
formation en finance, un enseignement en droit
de la consommation dans le cadre d’une
formation en marketing, un enseignement en
droit du commerce international dans le cadre
d’une formation commerciale, etc.

N’hésitez pas à vous renseigner sur les documents de


présentation des contenus pédagogiques des
établissements.
Les exercices juridiques
classiques
L’enseignement du droit repose, d’une part, sur
l’apprentissage d’un cours dispensé en amphithéâtre
lors des cours magistraux et, d’autre part, sur la mise
en application des connaissances par des exercices,
dans le cadre des travaux dirigés, ou « TD ».
L’étudiant en droit à l’université découvre parfois un
peu inquiet ces exercices juridiques qui ne lui sont pas
familiers… Il les apprivoise rapidement, car ils
deviennent son quotidien pendant toutes ses études
de droit !

Quels sont ces exercices ? Les principaux exercices


sont le cas pratique, la fiche d’arrêt, le commentaire
d’arrêt, le commentaire de texte juridique et la
dissertation juridique. Examinons-les successivement.

Le cas pratique

Le cas pratique, ou « consultation », est un exercice


qui présente une grande parenté avec le travail du
juge ou de l’avocat.

Un cas pratique consiste en la résolution d’un


problème posé par une situation de fait qui est
soumise à l’étudiant ; mais, comme en
mathématiques, l’essentiel est moins la solution, que
l’étudiant doit déterminer de manière impartiale, que
la justification de celle-ci, c’est-à-dire le cheminement
intellectuel pour y parvenir. La solution non justifiée,
même exacte, ne vaut rien ! C’est le raisonnement qui
est noté bien davantage que la solution…
Le cas pratique repose sur un mécanisme : le
syllogisme juridique, c’est-à-dire l’adaptation au droit
du syllogisme utilisé en logique mathématique.

Un syllogisme repose sur deux propositions, ou


« prémisses », supposées vraies, une « majeure » et
une « mineure », qui conduisent à une conclusion.
L’exemple le plus célèbre est le suivant :

Tous les hommes sont mortels (majeure).


Or, Socrate est un homme (mineure).
Donc, Socrate est mortel (conclusion).

Dans un cas pratique, la solution, ou « conclusion », à


laquelle il faut parvenir s’obtient par l’application aux
faits qui auront été qualifiés juridiquement (voir la
qualification juridique, chapitre 3) – qui constituent la
mineure – de la règle ou des règles de droit
opportunes – qui constituent la majeure. Dans ce
cadre, il conviendra d’envisager plusieurs hypothèses
en raison des incertitudes (voulues !) de l’énoncé…

La méthode à suivre lors de la rédaction d’un cas


pratique est toujours la suivante :

L’analyse de la situation de fait : qualifier


juridiquement les faits.
La délimitation du ou des problèmes
juridiques posés : chaque problème peut se
subdiviser en plusieurs questions.
L’identification de la ou des règles de
droit applicables à l’espèce ou
susceptibles de l’être : au vu des éléments
de fait et du ou des problèmes juridiques posés,
quelle est la ou quelles sont les règles de droit
dont on peut envisager l’application ? Il n’y a
pas ici à envisager de règles qui ne
concerneraient pas précisément le ou les
problèmes juridiques posés.
La conclusion : c’est l’application de la ou
des règles de droit aux faits juridiquement
qualifiés, en envisageant, le cas échéant,
plusieurs hypothèses possibles pour « combler
les blancs » de l’énoncé. Envisager l’application
d’une règle de droit suppose de vérifier avec
soin que les conditions d’application, ou « sous-
critères de validité », sont réunies. Si une
condition suppose un élément de fait qui n’est
pas indiqué, il faut envisager les deux
possibilités : celle où il existe et celle où il
n’existe pas. Cette application débouche sur
l’énoncé des effets de la règle de droit
applicable. La solution du cas pratique n’est
que l’aboutissement de tout un raisonnement
et doit être formulée en dernier.

La fiche d’arrêt

Une fiche d’arrêt est une courte présentation d’une


décision de justice, généralement un arrêt de la Cour
de cassation, d’une cour d’appel ou du Conseil d’État.
Sa longueur est d’environ une page. Elle constituera
l’introduction d’un exercice plus approfondi, le
commentaire d’arrêt (voir plus bas).

Une fiche d’arrêt a pour objet de reconstituer la


chronologie de l’affaire, de formuler le ou les
problèmes juridiques posés et de synthétiser la
solution rendue par la juridiction saisie.

Quelle est la structure d’une fiche d’arrêt ? Une fiche


d’arrêt comporte traditionnellement six rubriques,
d’environ cinq lignes chacune :

Présentation générale du sujet, ou


« accroche ».
Description des faits.
Description de la procédure et arguments des
parties.
Problèmes de droit, questions juridiques.
Solution rendue par la juridiction.
Fondement de la solution rendue par la
juridiction.

Le commentaire d’arrêt

Le commentaire d’arrêt a pour objet d’analyser une


décision de justice, en étudiant la ou les questions de
droit posées et en appréciant la solution dégagée par
le juge.

Le commentaire d’arrêt doit à la fois :

présenter la solution, c’est-à-dire analyser son


contenu, expliquer le raisonnement du juge ;
apprécier la signification de la solution au
regard du droit positif et de la jurisprudence :
comment cette solution s’agence-t-elle avec les
solutions jurisprudentielles existantes ?
apprécier la valeur de cette décision : est-ce
une décision de principe ou une décision
d’espèce qui a vocation à demeurer isolée ?
préciser les conséquences de cette solution,
c’est-à-dire sa portée, en se demandant
notamment : quelle est l’opportunité
économique et sociale de cette décision ? Et
sous l’angle de la sécurité juridique ? Sous
l’angle de l’efficience économique ? Sous
l’angle de la sécurité contractuelle ?

L’appréciation critique de la décision suppose de


présenter les aspects positifs (« En quoi cette position
peut-elle être regardée comme saine ? ») et les
aspects négatifs éventuels (« En quoi cet arrêt peut-il
être vu comme la porte ouverte à des abus, être non
exempt de critiques, être sujet à caution ? »).

L’étudiant doit veiller à présenter ces éléments de


manière structurée. Le commentaire d’arrêt comprend
traditionnellement une introduction suivie du
commentaire lui-même, ou « corps du devoir »,
composé de deux parties construites selon une
progression logique.

Le commentaire de texte

Plusieurs types de texte peuvent être proposés à


l’étude : un article de loi figurant dans un code, une
disposition législative non codifiée, un article de
doctrine, un projet de loi ou une réponse ministérielle.

Un commentaire de texte juridique a pour objet de


conduire l’étudiant à :

présenter le document : nature, origine,


auteur, date, contexte ;
dégager le sens du texte : examen de la
structure du texte, analyse des termes, étude
des concepts évoqués ;
commenter, à proprement parler, le texte à la
lumière de sa culture juridique, c’est-à-dire
mobiliser des connaissances afin d’éclairer le
texte, bâtir des ponts avec d’autres pans de la
matière juridique avec lesquels il entretient des
correspondances, expliquer les raisons qui ont
incité par exemple le législateur à intervenir ou
conduit tel auteur à émettre telle opinion,
s’intéresser au destin du texte (comment a-t-il
influencé le droit postérieur ? Comment a-t-il
été perçu lors de sa publication ?).

L’étudiant doit naturellement veiller à présenter ces


développements de manière structurée. Le
commentaire de texte juridique comprend
généralement une introduction suivie de deux ou trois
parties qui, traditionnellement, suivent la structure
formelle du texte ou l’organisation des idées qui s’y
trouvent.

La dissertation juridique

Une dissertation n’est pas un cours, mais une réponse


argumentée et structurée sur un sujet théorique. La
dissertation juridique comprend traditionnellement
une introduction, un développement en deux voire
trois parties, et une conclusion.

Le sujet doit être respecté : il dicte sa loi ! La


dissertation doit répondre au sujet qui est donné, et
pas à un autre…

Quelques conseils du prof ! Il est important d’abord de


bien délimiter le sujet, afin d’éviter le hors-sujet, et de
vous interroger sur l’intérêt du sujet. Si elle n’est pas
apparente, vous devez dégager la problématique,
c’est-à-dire la question à laquelle votre devoir va
apporter une réponse argumentée, la question qui
« fait débat » et à laquelle on ne peut pas apporter de
réponse de manière directe, simple.
Ensuite, il convient de rassembler ses connaissances.
Classez vos idées, organisez-les de façon logique.
Puis, construisez votre plan. Celui-ci doit être logique
et cohérent. Si un plan robuste avec un contenu
indigent est passable, un tas d’idées dépourvu de
structure est sévèrement noté ! Assurez-vous que
chacune de vos parties et sous-parties colle au sujet.
Vous devez ensuite rédiger avec clarté et rigueur.
Utilisez des termes précis. Ne faites pas de phrases
trop longues. Écrivez avec soin et aérez votre texte.
Enfin, relisez-vous attentivement. La relecture vous
permettra de corriger les fautes éventuelles et
d’ajouter les mots oubliés.
Une palette de métiers variés
C’est bien connu, le droit mène à tout, à condition
d’en sortir !

Le professeur Terré disait : « Le législateur impose,


l’avocat propose, le juge dispose, le professeur expose
et l’étudiant compose… »

Les études de droit peuvent conduire à des métiers


très variés. Cette rubrique a pour objet de présenter
les principaux.

Quel que soit le métier que vous choisirez, les trois


qualités de forme les plus importantes caractérisant
l’expression d’un juriste sont la clarté, la précision et
la concision. La rigueur est également une qualité
essentielle, car le droit est une matière soumise à des
délais très stricts. Le dépassement des délais a des
conséquences qui peuvent être considérables. Enfin,
le juriste doit s’informer sans relâche de l’évolution de
la législation et de la jurisprudence : le droit évolue en
permanence !

Les développements qui suivent concernent la France.


N’hésitez pas à vous renseigner pour connaître les
voies d’accès à ces professions dans d’autres pays qui
vous intéresseraient.
Administrateur
judiciaire/Mandataire judiciaire
L’administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire
sont des mandataires de justice. Il s’agit de deux
professions réglementées par le Code de commerce.
Leur représentation auprès des pouvoirs publics est
assurée par le Conseil national des administrateurs
judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ).

Les administrateurs judiciaires et les mandataires


judiciaires jouent un rôle essentiel lorsque les
entreprises rencontrent des difficultés, dans le cadre
de ce que l’on appelle les « procédures collectives »
(voir chapitre 5). Dans ce cadre, l’administrateur
judiciaire participe à la gestion de l’entreprise au
cours de la « période d’observation », et il est le
maître d’œuvre du plan de redressement ou du plan
de cession lorsqu’il y en a un. Le mandataire
judiciaire, quant à lui, est chargé de défendre l’intérêt
collectif des créanciers de l’entreprise en difficulté : il
participe à la vérification des créances et à la décision
sur le sort de l’entreprise, et il a qualité pour former
toute action judiciaire dans l’intérêt collectif des
créanciers (ex. : poursuite contre les dirigeants).

Comment devenir administrateur judiciaire ou


mandataire judiciaire ?

Pour devenir mandataire de justice, il faut être


titulaire d’un diplôme d’un niveau minimum égal à
bac + 4 en droit, sciences économiques ou gestion, ou
un diplôme d’études supérieures comptables et
financières (DESCF), ou un diplôme d’expertise
comptable (DEC).

Il faut ensuite réussir l’examen d’accès au stage


professionnel, qui comporte des épreuves écrites en
droit et comptabilité et une épreuve orale de
discussion avec le jury.

Le candidat doit ensuite accomplir un stage


professionnel, d’une durée de trois ans au moins et de
six ans au plus, obligatoirement rémunéré, au sein
d’une étude auprès d’un maître de stage exerçant la
profession.

À l’issue du stage, le candidat doit enfin réussir


l’examen professionnel d’aptitude aux fonctions
d’administrateur judiciaire ou de mandataire
judiciaire.

Les administrateurs judiciaires et les mandataires


judiciaires sont inscrits, pour chaque profession, sur
une liste établie par la Commission nationale
d’inscription et de discipline. La liste nationale est
divisée en « sections » correspondant au ressort de
chaque cour d’appel, mais les personnes inscrites sur
la liste ont vocation à exercer leurs fonctions sur
l’ensemble du territoire.

En 2014, la France compte 433 professionnels en


France, 118 administrateurs judiciaires et
315 mandataires judiciaires, employant près de
3 000 salariés.

Pour plus d’informations sur les administrateurs


judiciaires et les mandataires judiciaires :
www.cnajmj.fr.
Agent général d’assurances
Le droit occupe un aspect important du métier de
l’assurance. D’abord, une série d’obligations légales
et réglementaires d’assurance pèsent sur les
entreprises et les particuliers, par exemple l’obligation
de souscrire à une assurance pour la conduite de son
véhicule automobile. Ensuite, l’activité d’assurance
repose largement sur le recours aux contrats, de sorte
que l’agent général d’assurances doit avoir une bonne
connaissance en droit des contrats.

Pour plusieurs auteurs, le secteur de l’assurance est


appelé à connaître une croissance continue dans les
années qui viennent. Dans une émission diffusée en
juin 2009 sur la chaîne Arte, Le Monde vu par Jacques
Attali – Une brève histoire de l’avenir, Jacques Attali
indiquait : « Le marché et la démocratie sont tous les
deux fondés sur une idée simple : chacun doit pouvoir
choisir librement, chacun doit pouvoir changer d’avis.
Chacun étant libre, tout est réversible et donc tout est
précaire : la façon de vivre, le lieu où l’on vit, les
relations que l’on a avec les autres, le travail, le
contrat social, le contrat familial. Dans cet univers de
précarité, il n’y a qu’une réponse rationnelle : je ne
peux survivre dans un monde précaire que si je suis
assuré contre les risques de la précarité. Et
progressivement les compagnies d’assurances qui
fixeront les normes […] remplaceront les États dans la
détermination des comportements légaux ou
illégaux. »

L’agent général d’assurances est à la fois chef


d’entreprise et mandataire de la société d’assurances
dont il commercialise les produits. La société
d’assurances met à sa disposition un soutien
commercial et technique.

L’agent général d’assurances conseille ses clients et


identifie leurs besoins afin de leur proposer les
solutions adaptées. Il est également responsable de la
gestion de son agence.

Comment devenir agent général d’assurances ?

Des études de droit constituent, avec des études de


type banque-assurance ou commercial, une voie
traditionnelle d’accès au métier d’agent général
d’assurances. Cependant, il n’y a pas de diplôme
obligatoire.

L’agent général d’assurances est nommé par la


compagnie avec laquelle il s’engage pour la gestion
d’une agence déterminée. Il signe un mandat, appelé
« traité de nomination », avec l’entreprise mandante à
l’issue de l’obtention d’un examen validant un stage
de formation initiale, qui donne à l’agent général la
capacité professionnelle pour exercer la profession.

Pour plus d’informations : Fédération française des


sociétés d’assurances (FFSA) – www.ffsa.fr.
Avocat
« Si le métier commence avec la défense de
l’infortune, il se poursuit avec le conseil de la
fortune… », disait l’avocat Georges Izard.

L’avocat en France aujourd’hui exerce principalement


deux types d’activité : le conseil juridique et la
négociation, d’une part, et la défense contentieuse,
d’autre part.

L’avocat conseille. Il rédige des consultations


répondant aux questions juridiques que lui adressent
ses clients, entreprises ou particuliers, dans des
opérations courantes : divorce, acquisition d’un
appartement, reprise d’une société. Il établit des
actes : statuts de société, contrats commerciaux,
contrats de travail, conditions générales de vente. Par
l’acte d’avocat, il peut contresigner certains actes
sous seing privé tels que des reconnaissances de
dette, des baux d’habitation ou commercial ou des
pactes d’associés. Dans l’hypothèse d’un litige, il peut
négocier la solution la plus favorable aux intérêts de
son client. Il peut également assurer une mission de
médiation et rédiger un accord amiable – on appelle
cela une « transaction » –, car, comme le dit un
proverbe, « Le bon procès est celui qui n’arrive
jamais »…

L’avocat défend. Telle est la racine latine du mot :


« au secours » ou « parler pour… ». Dans l’hypothèse
d’une procédure devant une juridiction civile,
commerciale, pénale ou administrative, l’avocat
représente et défend les intérêts de ses clients, en
demande ou en défense. Il élabore la stratégie
contentieuse avec son client, prépare ses écritures et
plaide à l’audience… en veillant à ce que sa plaidoirie
soit, comme on le dit avec beaucoup de délicatesse,
« semblable à une robe de femme » : suffisamment
longue pour couvrir l’essentiel, suffisamment courte
pour être suivie !

Depuis une réforme récente, l’avocat peut également


exercer les missions de mandataire en transactions
immobilières et d’agent sportif.

Quelles doivent être les qualités d’un avocat ? Si, pour


Coluche, « Il y a deux sortes d’avocats : ceux qui
connaissent bien la loi et ceux qui connaissent bien le
juge… », il est d’abord conseillé à l’avocat de
connaître… le droit !

Outre les qualités traditionnelles du juriste, quelles


doivent être les qualités de l’avocat ? Il doit d’abord
s’intéresser à l’humanité… S’adressant à des avocats,
d’Aguesseau disait : « Vous qui avez l’avantage
d’exercer une profession si glorieuse, d’être placé
entre le tumulte des passions humaines et le trône de
la Justice ! » Ensuite, il doit être capable de rendre
simple – et clair pour le non-juriste – ce qui est
compliqué. Il doit également, surtout en matière
contentieuse, être capable, comme le dit Fitzgerald,
« de se fixer sur deux idées contradictoires sans pour
autant perdre la possibilité de fonctionner »…

L’avocat est un messager, et il l’est doublement : il


est le messager du justiciable auprès de la justice, et
le message de la justice auprès du justiciable. Il l’est
lorsqu’il est la parole de son client, lorsqu’il lui
« prête » des mots pour donner au juge les éléments
permettant de comprendre les faits, et il l’est dans
l’hypothèse où, n’étant pas parvenu à emporter la
conviction du juge, il rend intelligibles, pour les
justiciables, les oracles de la justice. Il est alors
l’intercesseur entre le juge et celui qui est jugé.

Il est vrai que les prestations d’un avocat sont assez


onéreuses, mais, comme le disait Démosthène,
« Regardez comme quelque chose d’onéreux, non ce
qu’il vous en coûte pour vous défendre, mais ce qu’il
vous en coûtera pour ne pas vous être défendus… ».

Comment devenir avocat ?

Pour devenir avocat, il faut passer avec succès un


examen d’accès dans un centre régional de formation
professionnelle d’avocats (CRFPA) organisé par les
instituts d’études judiciaires des universités. Cet
examen se compose d’épreuves écrites d’admissibilité
et d’épreuves orales d’admission. Il y a aujourd’hui
15 CRFPA, ou « écoles d’avocats », en France.

Un master 1 ou une maîtrise de droit est nécessaire


pour être admis dans un CRFPA.

À l’issue de la scolarité au sein du centre régional de


formation, d’une durée de dix-huit mois, qui comprend
des périodes de cours et des périodes de stage,
l’élève-avocat doit se soumettre à des épreuves
professionnelles : déontologie, rédaction d’actes,
plaidoirie, structures d’exercice, anglais, notamment.
S’il les passe avec succès, il obtient le certificat
d’aptitude à la profession d’avocat (Capa). Il peut
ensuite demander son inscription au sein de l’un des
161 barreaux de France, prêter serment et exercer la
profession d’avocat. Il existe un barreau auprès de
chaque tribunal de grande instance (TGI). Dans
chaque barreau, le Conseil de l’ordre est l’organe
délibérant, législatif et disciplinaire. Il est présidé par
le bâtonnier.

La France comptait environ 56 000 avocats en 2013.

Pour plus d’informations sur le métier d’avocat :


Conseil national des barreaux (CNB) – cnb.avocat.fr.
Edgar Faure se trompe de
client…
Ayant pris connaissance, dans la perspective
d’une audience, d’un dossier préparé par un
collaborateur avec un peu trop de hâte,
l’avocat Edgar Faure commençait à plaider la
position de la partie adverse… jusqu’à ce que
son collaborateur lui fasse passer une note
pour l’en informer. « Je vous aurais dit tout
cela, tonna Edgar Faure, si j’avais été la partie
adverse ! »
Commissaire-priseur
Adjugé… vendu !

Avant de conduire la vente aux enchères publiques, le


commissaire-priseur a plusieurs missions à remplir.

Le commissaire-priseur est chargé d’inventorier


l’ensemble des biens qui lui sont soumis pour être
vendus :

soit par décision de justice (liquidation,


succession…) ;
soit par un particulier : mobilier, tableaux,
objets d’art, argenterie…

Il consigne leur provenance, date l’époque de leur


fabrication puis estime la valeur de ces objets pour
fixer leur prix de départ lors de la vente.

Le commissaire-priseur organise ensuite la vente :


pour cela, il réalise un catalogue, qui présente les
références artistiques et physiques des objets mis à la
vente, leur époque et leurs dimensions. Le
commissaire-priseur recherche ensuite des acheteurs
potentiels, par exemple en faisant de la publicité dans
la presse spécialisée. Enfin seulement se tiennent les
enchères.

Outre une connaissance indispensable du domaine de


l’art, le commissaire-priseur doit connaître la
réglementation applicable à cette profession. Il doit
également avoir des connaissances en droit civil, en
droit commercial, en droit notarial et en droits
étrangers.

Une loi du 10 juillet 2000 a opéré une distinction entre


l’activité judiciaire et l’activité de vente volontaire.
L’activité judiciaire est effectuée par les
commissaires-priseurs judiciaires, groupés en neuf
compagnies régionales et représentés par une
chambre nationale, la CNCPJ. Ce sont des
professionnels libéraux, placés sous la tutelle du
ministère de la Justice. L’activité volontaire s’exerce
pour le compte d’un client.

Comment devenir commissaire-priseur ?

Pour devenir commissaire-priseur, il faut être titulaire


d’un diplôme en droit et d’un diplôme en histoire de
l’art, l’un devant être, au minimum, d’un niveau
bac + 2 et l’autre une licence. Le candidat passe
ensuite un examen d’accès au stage, suivi d’un stage
de deux ans dont six mois au moins doivent être
effectués dans un office judiciaire. Ce stage est
sanctionné par un certificat de bon accomplissement
pour la partie volontaire puis par un examen
d’aptitude à la profession de commissaire-priseur
judiciaire si le candidat souhaite également exercer
l’activité judiciaire.

Pour exercer la profession de commissaire-priseur


judiciaire, il faut être titulaire d’un office ou posséder
des parts dans une société civile professionnelle
(SCP). Le commissaire-priseur volontaire peut être
salarié, associé ou dirigeant d’une société de ventes
volontaires (SVV).

Pour plus d’informations sur le métier de commissaire-


priseur judiciaire (CPJ) : www.commissaires-
priseurs.com.
Greffier
Agent public rattaché au ministère de la Justice,
présent au sein des juridictions de l’ordre judiciaire, le
greffier joue un rôle essentiel dans le fonctionnement
du service public de la justice en France. Sa fonction ?
Assister le juge et authentifier les actes rendus par la
juridiction à laquelle il est rattaché.

Le greffier est un spécialiste de la procédure judiciaire.


Il enregistre les affaires, prévient les parties des dates
d’audience et de clôture, prépare les dossiers pour les
magistrats, suit le déroulement des débats, rédige les
procès-verbaux, met en forme les décisions.
L’absence du greffier peut entraîner la nullité d’un
acte ! Il a également un rôle de pédagogie : il explique
par exemple aux plaignants la manière de constituer
un dossier.

Comment devenir greffier ?

Pour devenir greffier, il faut passer avec succès un


concours de la fonction publique (ou « concours
administratif »). Deux voies d’accès sont possibles :

un concours externe, ouvert aux personnes


diplômées au niveau bac + 2 minimum ;
un concours interne, ouvert aux agents
publics ayant au minimum quatre années de
service.

Les personnes retenues à l’issue du concours suivent


une formation rémunérée, à la fois théorique et
pratique, de dix-huit mois à l’École nationale des
greffes (ENG), située à Dijon. Les enseignements sont
assurés par des greffiers ou greffiers en chef, des
magistrats ou des responsables d’organismes et
d’entreprises privés ou publics.

Un greffier peut être amené à changer de juridiction


au sein de l’ordre judiciaire. Après quatre années au
minimum d’expérience, il peut se présenter au
concours interne de recrutement des greffiers en chef.
Huissier de justice
Il est vrai que l’huissier de justice ne jouit pas d’une
très bonne image auprès des citoyens… Pourtant, il
joue un rôle majeur !

En effet, ses missions couvrent un champ très large.


D’abord, l’huissier informe. Il informe les personnes
qu’une action de justice est engagée contre elles en
leur remettant une convocation : une assignation en
matière civile (divorce, par exemple) ou une citation
en matière pénale. Lorsque le jugement a été rendu,
l’huissier porte à la connaissance des intéressés la
décision de justice. Ensuite, l’huissier veille à
l’exécution des décisions de justice, à l’exception des
peines d’emprisonnement. Il intervient par exemple
pour le recouvrement de créances impayées telles
que loyers ou pensions alimentaires. Il aide également
à la recherche de solutions en proposant au débiteur
un plan de remboursement. L’huissier peut être
amené à procéder au recouvrement forcé des dettes :
saisies de biens, expulsions avec le concours de la
force publique.

L’huissier peut également établir des constats (dégâts


des eaux, malfaçons, pages d’un site internet), qui
pourront servir de preuves devant les juridictions et
permettre aux victimes d’obtenir réparation du
préjudice subi. Enfin, il peut intervenir dans le cadre
de l’organisation d’une vente aux enchères ou la
validation du règlement d’un jeu-concours.

L’huissier de justice est un officier public, ou « officier


ministériel ». Cela signifie qu’il est d’un office attribué
par l’État et qu’il dispose d’un monopole pour exercer
son activité. À ce titre, il est détenteur d’une parcelle
de l’autorité publique. Titulaire d’une charge, il exerce
ses missions dans un cadre libéral.

La profession est encadrée au niveau départemental


par les chambres départementales des huissiers de
justice, au niveau régional par les chambres
régionales des huissiers de justice et au niveau
national par la Chambre nationale des huissiers de
justice, créée en 1942.

Comment devenir huissier de justice ?

La première condition pour devenir huissier de justice


est d’être titulaire d’une maîtrise ou d’un master 1 de
droit. Il est ensuite nécessaire d’effectuer un stage de
deux ans dans une étude d’huissier de justice. Vous
devez alors vous inscrire sur le registre de stage tenu
par la chambre départementale concernée.
Parallèlement au stage, vous devez suivre une
formation au Département formation des stagiaires
(DFS), qui a pour objet de vous préparer à l’examen
professionnel d’huissier de justice. La formation se
déroule dans l’un des sept centres régionaux : Aix-en-
Provence, Bordeaux, Lille, Lyon, Paris, Rennes,
Strasbourg. Vous pouvez également suivre une
formation complémentaire au sein de l’École nationale
de procédure établissement paritaire privé (ENPEPP).
Le passage de l’examen professionnel d’huissier de
justice clôt ce cycle de formation. Il se compose
d’épreuves écrites d’admissibilité et d’épreuves orales
d’admission.

Lorsque vous êtes reçu à l’examen professionnel, vous


devez attendre votre nomination, prononcée par
arrêté du garde des Sceaux. Dans le mois de votre
nomination, vous prêtez serment devant le tribunal de
grande instance du ressort.

En 2013, 3 180 huissiers exerçaient en France, dans


1 778 études.

Pour plus d’informations sur le métier d’huissier de


justice : http://www.huissier-justice.fr.
Juriste ou responsable juridique
En raison du développement de la place du droit, les
acteurs de la société ont un besoin croissant de
compétences juridiques : entreprises bien sûr, mais
également associations loi 1901, syndicats
professionnels, fondations, etc.

Le conseil juridique peut être externe – tel est le cas


des avocats ; il peut être également interne, intégré à
un service juridique.

Si vous avez une formation juridique, que vous soyez


titulaire ou non du certificat d’aptitude à la profession
d’avocat (Capa), vous pouvez candidater à des postes
de juristes ou de responsables juridiques.

Vous serez amené à traiter des questions juridiques


variées qui peuvent concerner le droit commercial, le
droit du travail, le droit de la propriété intellectuelle, le
droit administratif dans le cadre d’un marché public.
Cette fonction nécessite, outre une formation
généraliste, une capacité à embrasser des
problématiques de natures diverses.

Lorsque la structure dispose également d’un conseil


juridique externe, vous serez également en lien avec
le cabinet ou l’un des cabinets d’avocats qui
travaillent avec votre organisme.
Magistrat
« Il faut avoir un certain amour des hommes, disait
André Braunschweig, qui fut président de la chambre
criminelle de la Cour de cassation, pour être un bon
magistrat. »

Mais, au fait, entre magistrat et juge, quelle est la


différence ?

Qu’est-ce qu’un magistrat ? Les agents publics sont


des agents rémunérés par l’État. Il existe deux
catégories de magistrats de l’ordre judiciaire : les
magistrats du siège et les magistrats du parquet
(comme celui que vous avez peut-être dans votre
salon, mais l’origine du mot ici n’est pas certaine : le
mot viendrait plutôt de l’ancien français, où il signifiait
« petit parc » ou « enclos »). Les magistrats du siège,
qui représentent près de 75 % des magistrats de
l’ordre judiciaire, sont indépendants et inamovibles ;
ils sont chargés de juger les litiges qui leur sont
soumis en appliquant le droit en vigueur. Les
magistrats du parquet, qui représentent près de 25 %
des magistrats de l’ordre judiciaire, sont soumis au
pouvoir hiérarchique du garde des Sceaux ; ils
exercent des fonctions de procureurs, substituts du
procureur ou avocats généraux. Ils défendent les
intérêts de la société dans son ensemble, l’« ordre
public » ; ils sont chargés de décider de l’ouverture
des enquêtes ou de l’engagement des poursuites
judiciaires, ils suivent l’ensemble de la procédure
judiciaire depuis l’enquête jusqu’à la détention et
représentent l’État au procès.
Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) se
compose de deux formations, l’une compétente à
l’égard des magistrats du siège, l’autre compétente à
l’égard des magistrats du parquet (voir chapitre 4
pour apprendre à faire la différence entre « siège » et
« parquet »).

Concernant les magistrats du siège, le


Conseil supérieur de la magistrature propose
les candidats à la nomination du garde des
Sceaux pour les postes les plus élevés dans la
hiérarchie judiciaire. Pour les autres magistrats
du siège, c’est le garde des Sceaux qui a
l’initiative de leur nomination, mais le Conseil
supérieur de la magistrature donne son avis sur
leur nomination, que le gouvernement est tenu
de suivre (on dit « sur avis conforme »). Le
Conseil supérieur de la magistrature exerce le
pouvoir disciplinaire à l’égard des magistrats du
siège.
Concernant les magistrats du parquet, le
Conseil supérieur de la magistrature donne un
avis simple sur l’ensemble des nominations qui
concernent les magistrats du parquet, qui sont
décidées par le garde des Sceaux. En matière
disciplinaire, le Conseil supérieur de la
magistrature est également consulté, ce
pouvoir étant exercé par le garde des Sceaux.

Qu’est-ce qu’un juge ? Qu’il siège à juge unique ou en


formation collégiale, le juge désigne la fonction de
juger, c’est-à-dire le rôle que remplissent les
juridictions de l’ordre judiciaire et de l’ordre
administratif.

Au sein de l’ordre judiciaire, la fonction de juger est :


parfois assurée par des magistrats : tel
est le cas notamment à la Cour de cassation
(conseillers), dans les cours d’appel
(conseillers), dans les tribunaux de grande
instance, dans les tribunaux d’instance, dans
les tribunaux correctionnels, dans les tribunaux
de police. Il existe un grande variété de types
de fonction : juge d’instance, juge d’instruction
(on dit aussi « magistrat instructeur »), juge
aux affaires familiales (JAF), juge des enfants,
juge des libertés et de la détention (JLD), juge
de l’application des peines (JAP), juge de
l’exécution (JEX), juge des tutelles…
parfois assurée par des non-magistrats :
tel est le cas dans les tribunaux de commerce,
où siègent des commerçants ou d’anciens
commerçants, et dans les conseils de
prud’hommes, où siègent des représentants
des salariés et des représentants des
employeurs ;
parfois assurée concomitamment par des
magistrats et des non-magistrats : tel est
le cas dans les cours d’assises, où siègent trois
juges professionnels (un président et deux
assesseurs) et un jury composé de citoyens
tirés au sort (six citoyens en première instance
et neuf en appel) ; dans les tribunaux des
affaires de Sécurité sociale (Tass), où siège un
magistrat assisté par deux assesseurs non
professionnels (l’un représentant les travailleurs
salariés et l’autre les employeurs et travailleurs
indépendants) ; ou dans les tribunaux paritaires
des baux ruraux, où siègent le juge d’instance,
qui préside les audiences, et quatre juges non
professionnels élus (deux représentants des
propriétaires – « bailleurs » – et deux
représentants des exploitants – « preneurs »).
Au sein de l’ordre administratif, les magistrats sont
recrutés à l’issue de concours administratifs interne
ou externe (École nationale d’administration, concours
de recrutement direct de membres du corps des
tribunaux administratifs et des cours administratives
d’appel).

Comment devenir magistrat ?

Pour devenir magistrat, il faut réussir l’un des trois


concours d’accès à l’École nationale de la
magistrature (ENM), créée en 1959 et située à
Bordeaux.

Les conditions de diplôme ou d’expérience pour


présenter les épreuves des concours d’accès sont les
suivantes :

Premier concours : être titulaire d’un diplôme


de niveau bac + 4, d’un diplôme d’un institut
d’études politiques (IEP) ou d’un certificat
attestant la qualité d’ancien élève d’une école
normale supérieure.
Deuxième concours : justifier de quatre
années de service public.
Troisième concours : justifier de huit années
d’activité professionnelle dans le domaine
privé, d’un mandat d’élu local, ou de l’exercice
de fonctions juridictionnelles à titre non
professionnel.

Les concours comprennent des épreuves


d’admissibilité et des épreuves d’admission.

Si vous êtes admis à l’École nationale de la


magistrature, vous devenez « auditeur de justice ».
Vous suivez une scolarité d’une durée de trente et un
mois. La formation alterne des périodes
d’enseignement et des périodes de stage.

La France comptait environ 8 300 magistrats en 2012.

Pour plus d’informations sur le métier de magistrat :


www.enm-justice.fr ou www.conseil-superieur-
magistrature.fr.
Notaire
Nous sommes amenés à voir un notaire dans plusieurs
moments importants de notre vie !

Comme l’huissier de justice, le notaire est un officier


public : il est investi d’une mission d’autorité publique.
Il agit pour le compte de l’État et est nommé par le
ministre de la Justice. Titulaire d’une charge, le notaire
exerce ses missions dans un cadre libéral.

Quelles sont les missions du notaire ? Le notaire a le


pouvoir d’authentifier les actes. Il prépare des
contrats sous une forme que l’on dit « authentique ».
Les actes notariés sont dotés d’une grande force au
plan de la preuve. Ainsi, les notaires contribuent de
manière essentielle à la sécurité juridique des
relations.

Le notaire intervient dans l’ensemble des domaines


du droit : actes de la famille (contrats de mariage,
donations entre époux, testaments, successions),
immobilier (négociation de vente, signature d’avant-
contrat, signature de la vente), vie des entreprises,
droit rural et environnement (création d’un fonds
agricole ou d’un bail cessible).

Chaque année, les notaires en France reçoivent près


de 20 millions de personnes, traitent de capitaux d’un
montant de 600 milliards d’euros et établissent plus
de 4 millions d’actes authentiques.

La profession est encadrée au niveau départemental


par les 80 chambres départementales, au niveau
régional par les 24 conseils régionaux et au niveau
national par le Conseil supérieur du notariat (CSN).

Comment devenir notaire ?

Trois voies sont ouvertes pour devenir notaire : la voie


professionnelle, la voie universitaire et la voie interne.

La voie professionnelle est accessible après


l’obtention d’un master 2 de droit. La formation est
dispensée au sein de l’un des centres de formation
professionnelle de notaire (CFPN). La voie universitaire
est accessible après l’obtention d’un master 2 en droit
mention ou spécialité « droit notarial », anciennement
le DESS de droit notarial. Un stage, d’une durée
minimale de un mois, est inclus dans la préparation
du master. La voie interne est accessible après
l’obtention du diplôme de premier clerc ou du diplôme
de l’Institut des métiers du notariat (IMN), le diplôme
supérieur du notariat.

Cette voie d’accès à l’exercice du métier de notaire


est ouverte aux personnes ayant exercé des activités
professionnelles auprès d’un notaire ou d’un
organisme notarial depuis au moins neuf ans, dont six
depuis l’obtention du diplôme de premier clerc ou du
diplôme de l’Institut des métiers du notariat.

La France comptait 9 541 notaires et 4 564 offices au


1er janvier 2014.

Pour plus d’informations sur le métier de notaire :


www.notaires.fr.
Officier de gendarmerie/Officier
de police/Commissaire de police
Nul besoin de dire quel rôle essentiel les hommes et
les femmes qui servent dans la Gendarmerie
nationale et dans la Police nationale jouent dans notre
société.

L’application du droit est un aspect majeur de


l’activité de la Gendarmerie nationale (à statut
militaire) comme de la Police nationale (à statut civil),
instituées pour veiller à l’exécution des lois. De
bonnes connaissances en droit constituent donc un
élément indispensable pour un officier de
gendarmerie, un officier de police ou un commissaire
de police dans l’exercice de ses missions.

Comment devenir officier de gendarmerie,


officier de police ou commissaire de police ?

Il existe plusieurs concours de recrutement d’officiers


de gendarmerie. Les concours comprennent des
épreuves d’admissibilité et des épreuves d’admission.
Si vous passez avec succès l’un de ces concours, vous
suivez une formation à l’École des officiers de la
Gendarmerie nationale (EOGN), située à Melun (Seine-
et-Marne).

La France comptait 6 734 officiers de gendarmerie en


2011.

Pour plus d’informations sur le métier d’officier de


gendarmerie :
www.lagendarmerierecrute.frCarrieresCarriere-
operationnelle/Officier-de-gendarmerie.

Pour devenir officier de police ou commissaire de


police, il existe un concours externe et un concours
interne. Le concours externe d’officier de police exige
d’être titulaire d’une licence, le concours externe de
commissaire de police exige d’être titulaire d’un
master. Les concours comprennent également des
épreuves d’admissibilité et des épreuves d’admission.

La formation initiale et continue des officiers de police


et des commissaires de police est assurée par l’École
nationale supérieure de la police (ENSP), qui dispose
de deux sites : l’un à Saint-Cyr-au-Mont-d’Or (Rhône),
l’autre à Cannes-Écluse (Seine-et-Marne).

La France comptait près de 9 900 officiers de police et


1 800 commissaires de police en 2012.

Pour plus d’informations sur le métier d’officier de


police :
http://www.lapolicenationalerecrute.frConcours-et-
selectionsOfficier-de-police.

Pour plus d’informations sur le métier de commissaire


de police :
http://www.lapolicenationalerecrute.frConcours-et-
selectionsCommissaire-de-police.

Voir également : www.ensp.interieur.gouv.fr.


Ou professeur de droit…
Comme disent avec ironie les Anglais, Those who can,
do ; those who can’t, teach… (« Ceux qui peuvent
font ; ceux qui ne peuvent pas, enseignent… »).
Le droit vous plaît ? Vous aimez parler, expliquer ?
Devenez professeur de droit !

À l’université ou hors de l’université (voir plus


bas), de bons professeurs de droit sont
nécessaires pour présenter les grands principes
dont la connaissance sera utile aux futurs
acteurs de la vie économique et sociale : chefs
d’entreprise, consultants, banquiers, artisans,
informaticiens, etc.
Hors de l’université, dans des formations à
dominante non juridique mais où des
enseignements de droit sont dispensés, il
dépend des enseignants en droit que les
étudiants conservent de la matière, ou non, un
bon souvenir. Leur responsabilité est donc
grande !

Comment devenir professeur de droit ?

Il convient de distinguer ici le recrutement à


l’université et le recrutement en dehors de
l’université.

À l’université, la première étape est la rédaction et la


soutenance d’une thèse de doctorat en droit, sous le
contrôle d’un directeur de thèse. Attention, avant de
choisir un sujet de thèse, consultez le site de
référencement des thèses : www.theses.fr. Vous
pouvez demander à bénéficier d’un contrat doctoral,
c’est-à-dire un contrat de droit public, d’une durée de
trois ans ; on parle alors de « doctorant contractuel ».
Pendant la préparation de sa thèse, le doctorant – on
dit aussi « thésard » – peut assurer des
enseignements appelés « travaux dirigés », ou TD. Il
est alors « chargé de TD ».

Le Conseil national des universités (CNU) joue un rôle


essentiel : il se prononce sur les mesures individuelles
relatives à la qualification, au recrutement et à la
carrière des professeurs des universités et des maîtres
de conférences. Il est composé de 11 groupes, eux-
mêmes divisés en 52 sections, dont chacune
correspond à une discipline.

Pour devenir maître de conférences, l’étudiant doit,


dès l’obtention du doctorat, être d’abord qualifié aux
fonctions de maître de conférences par une section du
Conseil national des universités. Puis, il peut se
présenter aux concours de recrutement ouverts par
emploi dans chaque établissement public
d’enseignement supérieur et de recherche.

Pour devenir professeur des universités, il est


nécessaire de passer avec succès le concours national
d’agrégation sur épreuves. On en distingue deux :

un premier concours est destiné aux


candidats titulaires d’un doctorat ou d’un
diplôme équivalent : c’est l’agrégation
externe ;
un second concours est réservé aux maîtres
de conférences et aux maîtres-assistants âgés
d’au moins 40 ans qui comptent dix années de
service dans l’enseignement supérieur. Ils
doivent par ailleurs être titulaires d’un doctorat
ou d’un diplôme équivalent : c’est l’agrégation
interne.

Trois voies sont distinguées : droit privé et sciences


criminelles ; droit public ; histoire du droit, des
institutions et des faits économiques et sociaux. Ce
concours national d’agrégation est un concours post-
doctorat : il est obligatoire d’avoir soutenu sa thèse de
doctorat pour se présenter. Il existe également la voie
des concours sur emplois.

Un autre statut important à l’université est le statut


d’Ater (attaché temporaire d’enseignement et de
recherche). Il permet de préparer une thèse ou, si l’on
est déjà titulaire d’un doctorat ou d’une habilitation à
diriger des recherches, de se présenter aux concours
de recrutement de l’enseignement supérieur tout en
enseignant, en qualité d’agent contractuel. Un
enseignement de 128 heures de cours ou de
192 heures de travaux dirigés ou de 288 heures de
travaux pratiques par an doit être assuré.

En dehors de l’université, le recrutement ne fait pas


l’objet de critères légalement définis… mais nul
besoin de préciser qu’une formation en droit est
indispensable !

Dernier élément important : l’activité d’enseignement


est indissociable de l’activité de recherche, qui
implique lecture, réflexion et surtout publication.
Comme disent les Américains, Publish… or perish !
(« Publier… ou disparaître ! »). L’activité de
publication occupe traditionnellement une place
importante dans le travail des universitaires. Elle
prend principalement la forme d’articles dans des
revues juridiques ou des manuels de droit.
Pour plus d’informations sur le Conseil national des
universités (CNU) : www.cpcnu.fr.

Pour plus d’informations sur les concours nationaux


d’agrégation : www.enseignementsup-
recherche.gouv.fr/cid22721/les-concours-nationaux-d-
agregation.html.

Pour plus d’informations sur les éditeurs juridiques en


France : http://www.legifrance.gouv.frSitesEditeurs.
Deuxième partie

Mais au fond, qu’est-ce que


le droit ?

Dans cette partie…

Entrons dans le vif du sujet : qu’est-ce que le droit ?


Derrière ce mot se cache en réalité une distinction
fondamentale : le droit se conjugue au singulier et au
pluriel.
Au singulier, le droit, c’est d’abord un ensemble de
règles, de droits et d’obligations, la source des
prérogatives des hommes. Au pluriel, les droits, ce
sont ces prérogatives elles-mêmes, qu’elles soient
individuelles (comme le droit au respect de sa vie
privée) ou collectives (comme l’indivision ou la
communauté de biens entre époux) ; ce sont les
libertés, les pouvoirs que les sujets de droit tirent du
droit, de la loi.

Telle est la distinction entre le droit, dit « objectif » –


parfois écrit avec une capitale : le Droit – (law en
anglais), et les droits, dits « subjectifs » (rights en
anglais). Partons à la découverte de ces deux mondes
passionnants !
Chapitre 3

Le droit objectif

Dans ce chapitre…
Une première approche
Les caractères de la règle de droit
L’application du droit

Explorons le droit objectif : ce qu’il est comme ce qu’il


n’est pas, mais également un peu d’histoire, les
caractères du droit et son application dans le temps et
dans l’espace.
Une première approche
Au cœur de la notion de droit se trouve la notion de
règle, de norme, ce qui le distingue du fait. Mais
l’existence de règles n’est pas le propre du droit, et
toutes les relations entre les hommes ne sont pas
soumises au droit. La morale, la religion, l’honneur, la
politesse, la charité connaissent leurs règles, qui ne
sont pas des règles de droit – mais qui peuvent
coïncider avec des règles de droit. C’est ce qui fait
dire au doyen Carbonnier que « Le droit est plus petit
que l’ensemble des relations entre les hommes ».

Voyons ce que le droit n’est pas… avant de découvrir


ce qu’il est !
Ce que le droit n’est pas

D’abord, le droit se distingue classiquement du fait.


L’expression « en fait » signifie « dans les faits ». Elle
exprime ce qui est, ce qui existe, ce qui est effectif, ce
qui constitue la réalité. L’expression « en droit »
signifie « en vertu du droit », « en vertu de la loi
applicable ». Elle désigne ce qui légal, licite, ce qui
doit être, indépendamment de toute considération
d’existence. Le philosophe Kant oppose ainsi deux
questions : Quid juris ? (« Qu’en est-il en droit ? ») et
Quid facti ? (« Qu’en est-il en fait ? »). Cette
distinction est au cœur du mécanisme du syllogisme
(voir chapitre 2). C’est la confrontation de la règle de
droit à l’énonciation des faits, que le juriste aura pris
le soin de qualifier juridiquement, qui permet
d’aboutir à la solution juridique.

Ensuite, toutes les règles ne sont pas des règles


juridiques ! Les règles juridiques se distinguent
d’autres types de règle, de natures variées, qui
peuvent encadrer, régir, organiser la vie des hommes
en société, leur conduite, par exemple la morale, les
règles religieuses, les codes d’honneur, la courtoisie.

La morale

La règle de droit se distingue d’abord de la règle


morale. Le but de la première est de permettre la vie
en société ; elle a une finalité sociale. Le but de la
seconde est de rendre l’homme vertueux ; elle est
tournée vers l’individu. Le droit se rattache au for
extérieur (ou externe), c’est-à-dire à l’autorité de la
justice des hommes, alors que la morale se rattache
au for intérieur (ou interne), c’est-à-dire au
« tribunal » de la conscience de chacun. Enfin, droit et
morale diffèrent profondément par la sanction qui
s’attache aux règles : la morale, en principe, se situe
en dehors de la structure sociale. Le droit et la morale
constituent, selon une formule éprouvée, « deux
mondes parallèles ».

Ainsi, la règle de droit et la règle morale se


contredisent parfois. Un exemple classique est celui
de la prescription extinctive, c’est-à-dire le
mécanisme juridique selon lequel l’écoulement d’un
certain temps a pour effet d’éteindre la possibilité
d’une condamnation ou d’une action. De ce fait,
l’auteur d’une infraction ne pourra plus être poursuivi,
le débiteur qui ne s’est pas acquitté de sa dette
pourra refuser tout paiement à l’expiration de ce
délai. Ce principe peut heurter la morale ; il apparaît
pourtant nécessaire sous l’angle de la sécurité
juridique. Il faut donc agir, et agir vite ! Toutefois, un
débiteur qui acquitterait une dette prescrite ne peut
pas en réclamer le remboursement (article 1235 du
Code civil) : le droit et la morale ne sont donc pas
entièrement étrangers l’un à l’autre…

Malgré tout, le droit et la morale se rencontrent


fréquemment !

D’abord, il peut y avoir une ressemblance entre la


règle de droit et la règle morale. Par exemple, le
mensonge et la tromperie, comportements contraires
à la morale, sont sanctionnés en droit civil par le dol
(voir chapitre 5), qui vicie le consentement d’une
partie à un contrat et qui entraîne la nullité du contrat
(article 1116 du Code civil). Autre exemple : lorsqu’un
sujet de droit a été le bénéficiaire d’un enrichissement
qui ne lui était pas destiné, c’est-à-dire indu, le droit
français a consacré, sous l’influence de la
jurisprudence, l’obligation de restituer le fruit de cet
enrichissement par le dispositif de l’action dite de in
rem verso, qui sanctionne l’enrichissement sans
cause, lequel appartient à la catégorie des quasi-
contrats.

Ensuite, à côté de la morale individuelle se trouve la


morale dite « sociale », également désignée par les
expressions de « moralité publique » ou de « bonnes
mœurs », qui vise le bien non dans une perspective
individuelle mais dans celle d’un groupe. Cet aspect
de la morale, qui se rapproche de l’idée de justice, est
un élément pris en compte dans la conception de
l’ordre public, notamment en droit administratif. Ainsi,
l’exhibition sur la voie publique est prohibée dans la
mesure où ce comportement pourrait être de nature à
choquer de jeunes mineurs. La morale sociale peut
ainsi constituer un « guide » pour la règle de droit.

Les règles religieuses

Les règles juridiques se distinguent également des


règles religieuses. Alors que le droit vise à organiser la
société et les relations qui se nouent entre les
individus, la religion concerne essentiellement
l’individu et veille au salut de l’être humain dans une
rencontre avec Dieu.

Les règles religieuses et les règles de droit peuvent


parfois coïncider, parfois différer, voire se contredire :

Coïncider, d’abord : en effet, ce n’est pas


parce que ces deux groupes de règles visent
des buts différents qu’une règle religieuse ne
serait pas propre à gouverner le comportement
des hommes vivant en société. Ainsi, le célèbre
commandement du Décalogue « Tu ne tueras
point » prend, en droit, la forme de
l’incrimination pénale d’homicide. L’article 221-
1 du Code pénal énonce : « Le fait de donner
volontairement la mort à autrui constitue un
meurtre. Il est puni de trente ans de réclusion
criminelle. » D’autres exemples sont bien
connus, comme la condamnation du vol et du
faux témoignage.
Différer, ensuite : par exemple, l’Église
catholique enseigne que « Si quelqu’un te
frappe sur la joue droite, présente-lui aussi
l’autre » (Matthieu 5, 39), alors que le droit
français ne fait mention d’aucune prescription
de cette nature dans pareille situation…
Se contredire, enfin : par exemple, l’Église
catholique considère que le mariage devant
Dieu constitue un sacrement incompatible avec
le divorce (« Ce que Dieu a uni, que l’homme ne
le sépare pas »). Le droit de la famille français a
été influencé par les règles de l’Église
catholique : alors qu’il avait été admis par le
Code civil de 1804, le divorce a été supprimé
sous la Restauration et est demeuré prohibé
jusqu’à une loi du 27 juillet 1884, qui ne
l’admettait que dans les cas où une faute avait
été commise par un époux envers l’autre. C’est
par une loi du 10 juillet 1975 que le droit
français de la famille adopte une législation du
divorce marquée par une conception très
éloignée de la morale traditionnelle de l’Église
catholique. Ainsi, le droit français s’oppose
directement aux prescriptions de l’Église
catholique parce que le législateur considère
qu’une indissolubilité juridique du mariage
pourrait entraîner des troubles à la fois dans la
psychologie des individus et dans la régulation
de la vie sociale.

À la différence d’autres droits, comme le droit


musulman, le droit français est institutionnellement
laïque depuis le Code civil napoléonien : il a été
élaboré en dehors de toute Église.

Les codes d’honneur

Les règles juridiques se distinguent également des


codes d’honneur, ces règles orales ou écrites que
doivent respecter les membres d’un groupe ou d’une
communauté donnée : chevalerie au Moyen Âge,
samouraïs au Japon (bushidō, littéralement « la voie
du guerrier »), Légion étrangère, ou encore
organisations criminelles telles que les mafias.
Certaines professions ont conservé des règles propres
– code d’éthique professionnelle ou code de
déontologie – et des traditions : médecins, policiers,
gendarmes, pompiers, avocats…

La courtoisie

Les règles juridiques se distinguent enfin des règles


de courtoisie, de politesse, de savoir-vivre, de
bienséance. La vie en société implique
perpétuellement des conflits de libertés. Ainsi
viennent par exemple se heurter la liberté du fumeur
et celle du non-fumeur, ou la liberté du groupe
d’étudiants organisant une fête dans un appartement
et la liberté des voisins désireux de pouvoir
s’endormir. Il existe plusieurs manières d’arbitrer ces
conflits. La loi est bien sûr une manière radicale de le
faire, mais il y a d’autres manières de médiation
possibles : les « bons usages », le savoir-vivre, les
bonnes manières, les égards, la civilité, voire la
charité…

Le droit, la sociologie, la science politique : des


matières cousines mais distinctes

Si le droit désigne un ensemble de règles, il désigne


également une discipline académique qui consiste en
l’étude de ces règles et des droits et obligations
qu’elles font naître. Comme discipline, le droit
entretient des liens étroits avec plusieurs matières
cousines :

La sociologie, d’abord : en effet, l’étude de la


sociologie apporte un éclairage précieux pour la
compréhension du droit. « Un peu de sociologie
nous éloigne du droit, disait le doyen Hauriou,
mais beaucoup de sociologie nous y ramène. »
Auteur d’un célèbre ouvrage, plusieurs fois
réédité, intitulé Sociologie juridique, le doyen
Carbonnier considérait que ces deux disciplines,
le droit et la sociologie, étaient intimement
liées. « À un moment, disait-il, le sociologue
doit prendre la place du juriste pour épuiser la
réalité juridique. » Dans le domaine du droit
pénal, la sociologie criminelle consiste à
comprendre le sens, le pourquoi du phénomène
criminel et les fondements sur lesquels la
société s’arroge le droit de punir le crime.
La science politique et la philosophie
politique, ensuite : la première est la science
du gouvernement, de l’État, la seconde se
donne pour objet d’analyser les rapports entre
société et citoyens, les formes du pouvoir, les
formes et les forces des lois. Or, le droit a pour
objet des règles dont la « production » est
l’œuvre d’institutions politiques.
Ce que le droit est
Le droit : quoi et pourquoi ?

Au singulier, le droit désigne l’ensemble des règles de


conduite que les hommes se donnent à eux-mêmes
pour vivre en communauté. Peu d’hommes vivent
comme Robinson Crusoé, isolés des autres : la plupart
vivent en société. Le droit désigne alors les règles qui,
dans une société donnée, régissent le comportement
des hommes et les rapports sociaux – c’est-à-dire les
rapports entre les hommes. Ces règles assurent
l’organisation de la vie sociale. Sans droit, une société
n’est qu’anarchie ! Ces règles s’imposent à l’ensemble
des membres de la société. Parce qu’il indique ce qui
doit être, le droit est toujours « normatif ».

Le droit, écrivait Gérard Cornu, est « un facteur


d’ordre, un régulateur de la vie sociale ». Le droit est
un phénomène social. Pas de droit sans société et pas
de société sans droit. Parce qu’il est cet ensemble,
plus ou moins fourni, de règles que les hommes en
communauté décident de se donner pour régler leurs
relations, le droit est le fruit nécessaire, logique, de
l’existence des sociétés humaines, c’est-à-dire des
relations entre les hommes. Dès qu’ils vivent en
communauté, et non isolés, les hommes créent des
règles. L’individu isolé peut avoir une morale, mais il
n’a pas de droits, car il n’entretient pas de relations
juridiques avec les autres hommes.

S’il reconnaît des droits (voir chapitre 4), le droit


apparaît aussi comme une coercition, une contrainte.
Selon une formule célèbre, « Le droit fait le lien entre
l’être et le devoir-être ». Toute règle est une forme de
violence faite à la liberté, toute loi est une manière
radicale d’arbitrer des libertés qui s’opposent. Le
droit, c’est l’ensemble des règles jugées nécessaires
pour permettre à une société de fonctionner. Un
élément important de la définition du droit est
l’existence d’une sanction en cas de méconnaissance,
ou de violation, des règles posées, des obligations
imposées. Cette sanction est prononcée par le pouvoir
judiciaire, c’est-à-dire les juridictions (voir plus bas),
qui sont une manifestation de la puissance publique.
Ainsi, le droit est un instrument de contrôle social
fondé sur la pression par menace de sanction.

Dans une société, le droit n’est pas figé : il évolue, il


est ajusté au fil du temps. Selon quels critères ?
Plusieurs critères sont pris en compte pour guider
l’autorité chargée d’édicter des règles, tels que : cela
apparaît-il juste ?

Cela apparaît-il économiquement opportun ? Cela


apparaît-il acceptable socialement ?

Un peu d’étymologie ! Le terme « droit » vient de


l’adjectif latin directus, qui signifie « sans courbure »,
« qui est conforme à une règle » – une regula, laquelle
est de la même famille que regere, « régir », et
dirigere, « mettre en ligne droite ». Mais la
signification du mot « droit » correspond davantage
au latin jus, qui a donné « justice ». Quant au terme
« norme », il vient du latin norma, qui signifiait à la
fois « équerre », « règle » et « loi ». Du grec nous
vient nomos, qui signifiait « portion », « part », le
partage impliquant l’idée d’ordre, puis de loi. Le terme
nomos a donné « anomie », notion élaborée par le
sociologue Émile Durkheim et qui désigne une
désorganisation de la société résultant de l’absence
de normes communes.

Droit objectif ou droit positif ?

L’ensemble des règles juridiques qu’une collectivité se


donne, et dont la coordination forme l’ordre juridique,
ou « ordre normatif », est désigné par l’expression de
« droit objectif ».

Pourquoi parle-t-on parfois de droit positif ? Par « droit


positif », on entend l’ensemble des règles de droit en
vigueur, qui s’appliquent effectivement, en d’autres
termes les lois réelles prescrites, « posées », en un
temps donné à un endroit donné, sur un territoire
donné, par une autorité habilitée à le faire, à
l’intérieur d’une organisation politique donnée. Il
résulte du pouvoir de ces autorités d’édicter des
règles. Une règle de droit positif est une règle de droit
qui s’applique à un espace délimité par la compétence
de l’autorité qui la pose.

Le territoire peut être un État (par exemple la


République française), un regroupement d’États (par
exemple l’Union européenne) ou une subdivision
administrative d’un État (par exemple une région, un
département ou une commune pour la France).

Qu’appelle-t-on le droit substantiel ? Le droit


substantiel, ou « droit matériel », ou encore « droit de
fond », désigne l’ensemble des règles de fond qui
définissent les droits (subjectifs) et les obligations des
sujets de droit dans un domaine particulier du droit. Il
s’oppose au droit procédural, ou « droit de forme »,
qui concerne les règles de procédure, c’est-à-dire les
règles qui précisent la manière dont les personnes
peuvent faire valoir leurs droits. Le droit substantiel
est donc le « contenu » du droit ; on parle aussi de
« droits substantiels ». Le droit substantiel est parfois
nommé « droit substantif », mais cette expression est
impropre : il s’agit d’un anglicisme tiré de l’expression
anglais substantive law, qui signifie « droit
substantiel » en anglais.

Et le droit naturel ? Le droit naturel, parfois désigné


par l’expression « droit idéal » ou « droit rationnel »,
désigne les règles qui résultent – ou résulteraient – de
la nature même de l’homme, de ses caractéristiques,
indépendamment des conceptions juridiques déjà en
vigueur dans les sociétés humaines. La doctrine du
droit naturel suppose l’existence d’un ordre naturel de
l’univers et apprécie le caractère juste d’une relation
selon sa conformité à la nature des choses en relation.
Le droit naturel serait alors supérieur à toute
convention ou législation positive : il serait
inaliénable. Le droit naturel entretient des liens forts
avec la morale. Ainsi, au XVIIe siècle, Grotius écrivait :
« Le droit naturel […] consiste dans certains principes
de la Droite Raison, qui nous font connaître qu’une
Action est moralement honnête ou déshonnête, selon
la convenance ou disconvenance nécessaire qu’elle a
avec une Nature Raisonnable et Sociable. »

Pour les juristes de la doctrine du droit naturel, à la


question « Qu’est-ce que le droit ? », seule la raison
peut répondre, car elle est l’unique fondement de
toute législation possible : le droit naturel ne peut
donc être déterminé que par la raison. Au contraire,
d’autres penseurs rejettent le droit naturel et
considèrent que le droit est d’abord un fait de société,
un fait de l’homme-être social. Cette idée a
notamment donné naissance à la théorie du
positivisme juridique (Jhering, Kelsen). Le droit naturel
se distingue ainsi du droit positif.

Qu’est-ce qui est juste ?

Question immense ! Les notions de droit et de justice


ne coïncident pas toujours. Aristote, déjà, le
soulignait : si l’État entend faire régner l’ordre et la
paix sociale et réaliser la justice, il n’existe aucune
concordance fatale et totale entre la justice et l’État.
Pour Aristote, seul l’État « bon » fait régner la justice.
Il y a désaccord possible entre l’État et l’État « bon ».
Les règles qui instituent l’État et que l’État institue ne
sont pas nécessairement justes : un grand nombre de
règles normatives édictées par l’État peuvent ne pas
apparaître justes au regard de beaucoup de
conceptions répandues de la justice.

C’est à Kant que la pensée contemporaine doit d’avoir


contribué à définir le droit et la notion de justice. Pour
Kant (Métaphysique des mœurs, « Doctrine du
droit »), le critère de définition du droit ne se trouve
pas dans la nature mais doit reposer sur l’expression
rationnelle de la liberté. Pour Kant, une action est
juste lorsqu’elle permet à la liberté de chacun de
s’accorder avec la liberté de tous. Au contraire, une
action qu’on ne peut concilier avec la liberté générale
est injuste. Kant formule cette idée dans une
définition célèbre : pour lui, le droit est « l’ensemble
des conditions sous lesquelles la libre faculté d’agir de
chacun peut s’accorder avec la libre faculté d’agir des
autres, conformément à la loi universelle de liberté ».

Au XIXe siècle se développe au sein de l’idée de


justice l’idée du respect de la dignité de la personne
humaine. Pour Proudhon, l’idée de justice peut se
définir comme « le respect spontanément éprouvé et
réciproquement garanti de la dignité humaine, en
quelque personne et dans quelque circonstance
qu’elle se trouve comprise, et à quelque risque que
nous impose sa défense ».
Juridique ou judiciaire ?
Quelle est la différence ?
C’est très simple ! L’adjectif juridique désigne
ce qui est relatif au droit ou à la législation au
sens large, alors que l’adjectif judiciaire
désigne ce qui se rapporte à la justice ou à
l’administration de la justice.

Un monde spécifique

Le droit est un monde qui a son langage, son procédé


de raisonnement, sa technique.

Un langage spécifique

« De même qu’il faut d’abord apprendre sa langue


pour connaître un peuple étranger, disait Henri
Capitant, pour comprendre ses mœurs et pénétrer son
génie, de même la langue juridique est la première
enveloppe du droit, qu’il faut nécessairement
traverser pour aborder l’étude de son contenu. »

Comme d’autres disciplines, telles que la philosophie,


le droit a son langage, son vocabulaire propre :
certains mots qui n’appartiennent qu’à lui, et d’autres,
plus nombreux, qu’il emprunte au langage ordinaire,
mais auxquels il donne un sens différent.

Les premiers sont spécifiques à la matière juridique.


On ne les rencontre que dans le monde du droit :
« bail emphytéotique » (attention : le pluriel de
« bail » est « baux »), « contrat synallagmatique »,
« créanciers chirographaires », « usucapion » en sont
quelques exemples. Ces termes ou ces expressions, le
juriste doit les apprendre, les apprivoiser.
Naturellement, il utilise en permanence des
dictionnaires juridiques, ou lexiques juridiques, afin de
vérifier la définition exacte de ces concepts (voir
Annexes).
Qu’appelle-t-on le
législateur ?
C’est un mot très important en droit. Le
législateur désigne les autorités ou institutions
qui ont le pouvoir de légiférer, c’est-à-dire
d’établir des lois. C’est un synonyme du
pouvoir législatif dans la théorie de la
séparation des pouvoirs de Montesquieu. En
France, sous la Ve République, c’est le
Parlement qui adopte, ou vote, la loi. Il se
compose de deux chambres : l’Assemblée
nationale (au palais Bourbon) et le Sénat (au
palais du Luxembourg). Fréquemment, « le
législateur » est donc synonyme de « la loi ».
Ex. : « Le législateur a choisi de punir tel
agissement » équivaut à « La loi punit tel
agissement ».

D’autres termes sont utilisés à la fois dans le langage


courant et dans le langage juridique, mais avec des
sens différents. Deux cas de figure se rencontrent
fréquemment :

Soit le terme a, dans le langage courant, une


signification générale, vague, aux contours
imprécis, alors qu’il a, en droit, une signification
précise (ex. : « commerçant », voir plus bas).
Soit le terme a, dans le langage courant, une
signification précise, mais il a, en droit, une
signification dont le périmètre est différent (ex.,
pour un périmètre plus étendu : « personne »,
voir plus bas).

Ces termes communs sont très nombreux ! En voici


quelques exemples…

« Commerçant » : dans le langage courant, le terme


« commerçant » désigne généralement un individu qui
tient un commerce. Dans le langage juridique, il
désigne, selon le Code de commerce, l’ensemble des
personnes qui « exercent des actes de commerce et
en font leur profession habituelle » (article L. 121-1 du
Code de commerce). Un commerçant peut donc être
une personne physique ou une personne morale (voir
chapitre 4).

« Conclusion » : dans le langage courant, la


« conclusion », c’est généralement la fin d’une
rédaction, d’une séquence. En droit des contrats, c’est
l’inverse ! La conclusion d’un contrat signifie la
naissance du contrat, sa formation conformément à la
loi. Il peut alors être « exécuté » : la vie du contrat
commence…

« Contrat » : dans le langage courant, on a tendance à


associer l’idée de contrat à l’idée d’écrit signé. Dans
le langage juridique, un contrat désigne un accord de
volontés réel qui crée des droits et des obligations,
indépendamment de la forme que prend cet accord.
En d’autres termes, l’existence d’un écrit n’est pas
une condition de validité du contrat : ce qui
détermine, en droit, l’existence d’un contrat, ce n’est
donc pas l’existence d’un écrit, mais l’existence d’un
accord de volontés. Tel est le principe du
consensualisme. Il est vrai, cependant, qu’en pratique
un contrat prend souvent la forme d’un écrit signé.
Mais il peut y avoir écrit signé sans contrat (il peut y
avoir eu malentendu ou tromperie sur la prestation,
voir la formation du contrat), et inversement un
accord peut être conclu oralement ou en l’absence de
tout écrit (ex. : achat d’un café à une machine
automatique – pourtant il y a bien vente). Pour
signifier que l’accord est noué, on dira donc
« s’engager dans un contrat » et non pas « signer un
contrat ». L’accord se noue lorsqu’une offre (on dit
aussi « pollicitation ») est formulée par A, et que cette
offre est acceptée par B. Si l’acceptation de B est
assortie de conditions qui ne figuraient pas dans la
proposition initiale, il s’agit d’une contre-offre, qui
peut être acceptée ou refusée par A !

« Débiteur/créancier » : dans le langage courant, une


créance désigne généralement une somme d’argent
due par un débiteur à un créancier.

En droit civil, la notion d’obligation est une notion


essentielle. Le Code civil distingue trois types
d’obligation pouvant figurer dans un contrat :

L’obligation de donner, ou de livrer, quelque


chose, par exemple la remise d’un bien par le
vendeur.
L’obligation de faire quelque chose, par
exemple l’exécution d’une coupe de cheveux
par un coiffeur ou d’une course par un taxi.
L’obligation de ne pas faire quelque chose,
par exemple une obligation de non-concurrence
(c’est-à-dire une obligation de ne pas faire
concurrence à une entreprise).

Quant à l’obligation de payer, ou obligation de


paiement, elle était traditionnellement considérée
comme une obligation de donner ; elle est désormais
davantage considérée comme un type d’obligation
spécifique – une obligation pécuniaire, par opposition
à une obligation en nature.

Dans un rapport d’obligation, il y a toujours un


débiteur et un créancier. Le débiteur de l’obligation
est celui qui doit exécuter l’obligation au profit du
créancier ; le créancier de l’obligation est celui au
profit duquel le débiteur doit exécuter l’obligation. On
dit également que le créancier « a une créance » sur
son débiteur. Si Pierre achète une horloge ancienne
pour un prix de 5 000 euros à la société Au Vieux
Temps, il y a deux obligations : une obligation de
payer et une obligation de remise du bien. Pierre est
débiteur de l’obligation de payer le prix de
5 000 euros à la société Au Vieux Temps, qui est
créancière de cette obligation sur Pierre. La société Au
Vieux Temps est débitrice de l’obligation de livrer
l’horloge à Pierre, qui est créancier de cette obligation
sur la société Au Vieux Temps.

« Meuble/immeuble » : un immeuble, en droit, c’est la


fraction du sol et tout ce qui s’y incorpore, alors qu’un
meuble désigne une chose qui peut être déplacée,
qu’elle ait une matérialité, une corporalité (un livre),
ou non (un brevet d’invention, un site internet).

« Personne » : dans le langage courant, le terme


« personne » désigne tout individu. En droit, la notion
de personne, ou « personne au sens juridique »,
désigne un sujet de droit, c’est-à-dire quelqu’un ou
quelque chose reconnu par la loi comme sujet de droit
(voir chapitre 4). La catégorie « personnes » désigne
donc des sujets soumis à des règles de droit, « saisis »
par le droit.

« Respect » : dans le langage courant, le terme


« respect » désigne un sentiment de considération
envers quelqu’un ou quelque chose, voire de
vénération. En droit, « respecter » une règle signifie
s’y conformer, ne pas l’enfreindre, la méconnaître, la
violer. Respecter une règle, c’est respecter la
prescription qu’elle pose.

« Violer » : le verbe « violer » renvoie à la fois à la


notion de « viol » et à la notion de « violation ». Un
viol est une infraction pénale classée dans la
catégorie des crimes. C’est un acte de violence par
lequel une personne non consentante est contrainte à
des relations sexuelles. Une violation est le fait
d’enfreindre, de méconnaître une loi, un règlement,
de ne pas respecter un engagement.

En procédure, une minute désigne non pas l’unité de


temps équivalant à soixante secondes, mais l’original
d’un acte notarié ou d’un jugement, qui doit être
conservé par le notaire ou le greffier du tribunal, qui
en délivrent des copies (« grosses » ou
« expéditions »). La « grosse » est le nom donné à la
copie d’une décision de justice ou d’un acte notarié.
Elle comporte la formule exécutoire apposée par le
greffier de la juridiction qui a rendu la décision ou par
le notaire qui a dressé l’acte – on l’appelle donc une
« copie exécutoire ». Elle est ordinairement écrite en
plus gros caractères que la minute. On n’ose imaginer
l’avocat qui, entrant dans une salle d’audience
accompagné de sa cliente et voulant faire référence à
un acte, s’adresserait au juge en disant : « Je suis
venu avec la grosse ! »…

Un réflexe que doit acquérir le juriste : pour


comprendre et étudier le droit, il vous faut désormais
penser non pas au sens que les mots prennent dans le
langage courant, mais au sens qu’ils prennent dans le
langage juridique.

Pour souligner l’importance du langage en droit, on dit


parfois avec ironie que « Les mots y valent plus cher
que des diamants ». Une anecdote le prouve : il y a
quelques années, un État non anglophone devait livrer
une centrale nucléaire à un autre État. Le contrat,
rédigé en anglais, faisait mention de l’obligation de
delivery. Il avait entraîné une incompréhension de
taille : l’État vendeur considérait que l’État acquéreur
venait prendre possession de la centrale nucléaire et
se chargeait de l’installation, alors que l’État
acquéreur considérait que l’État vendeur se chargeait
de la livraison, c’est-à-dire de l’installation. L’enjeu
représentait plusieurs dizaines de millions de dollars…
Il n’y a pas beaucoup de diamants de ce prix-là !
Disposer ou stipuler ?
Soyons précis ! La loi, au sens large – c’est-à-
dire toute norme écrite édictée par une
autorité habilitée : loi, règlement, arrêté,
règlement de l’Union européenne, directive de
l’Union européenne –, « dispose », « édicte »,
« énonce », « prescrit », « prévoit » ou encore
« proclame ». Elle ne « stipule » pas. Seuls les
contrats, clauses contractuelles et conventions
« stipulent ». On parlera donc de « dispositions
légales » ou de « dispositions législatives »
(contenues dans une loi) ou de « dispositions
réglementaires » (contenues dans un
règlement), mais de « stipulations
conventionnelles » (contenues dans une
convention) ou de « stipulations
contractuelles » (contenues dans un contrat).
Saisie ou saisine ?
On parle de la « saisie » d’un bien, mais de la
« saisine » d’une juridiction (ou d’un juge). En
effet, une saisie désigne l’action de saisir un
bien entre les mains qui détiennent ce bien et
de contraindre un débiteur à l’exécution des
obligations qu’il a contractées à l’égard de son
ou de ses créanciers. Une saisine désigne le
fait de saisir une juridiction d’un différend,
d’un litige, d’une requête.

Un procédé de raisonnement spécifique

Le droit repose sur un mécanisme qui a déjà été


présenté (voir chapitre 2) : le syllogisme juridique,
c’est-à-dire l’adaptation au droit du syllogisme utilisé
en logique mathématique.

Le magistrat se fonde ainsi sur deux propositions (la


mineure et la majeure), puis il procède par syllogisme
pour arriver à la conclusion. La mineure consiste dans
les faits auxquels doit s’appliquer une règle de droit.
La majeure est la règle de droit applicable à la
situation définie par la mineure.

Un exemple :

Vincent a 15 ans et a vendu un meuble à


François (mineure).
Un acte fait seul par un mineur non émancipé
est nul, car un mineur non émancipé est un
incapable en droit (majeure).
Par syllogisme, on en déduit que la vente du
meuble entre Vincent et François est nulle
(conclusion).

Une technique spécifique

Le droit a également sa technique, sa méthodologie :


la qualification juridique du réel pour déterminer la
nature juridique applicable.

L’opération de qualification juridique désigne


l’opération intellectuelle qui consiste à rattacher une
réalité donnée, un fait donné (par exemple, un enfant
de 7 ans) à une catégorie juridique abstraite
préexistante (dans l’exemple : un mineur) à laquelle
est associé un régime juridique spécifique, c’est-à-dire
l’ensemble des règles de droit qui la gouvernent. En
d’autres termes, qualifier juridiquement le réel, c’est
mettre des « étiquettes » sur des éléments du réel –
des faits, des réalités – et les faire ainsi entrer dans
des catégories juridiquement reconnues qui
permettent de savoir quelles sont les règles qui
s’appliquent. Qualifier juridiquement le réel, c’est
traduire en langage juridique les termes utilisés dans
le langage courant pour désigner le réel.

Cette opération est fondamentale pour le juriste.


Pourquoi ? Parce que le juriste utilise des codes et des
manuels dans lesquels sont présentées les règles qui
s’appliquent aux mineurs, alors que l’on n’y trouve
pas spécifiquement les règles qui s’appliquent aux
enfants âgés de 7 ans. Il faut donc « juridiciser » le
réel pour pouvoir ensuite apporter les réponses aux
questions qui se posent sur les règles applicables.
Un autre élément très important est la notion de
catégorie. Comme dans les poupées russes, les
concepts contiennent souvent plusieurs catégories. À
chaque catégorie correspond un régime juridique.
Ainsi, par exemple, à l’intérieur du concept
d’infraction on trouve trois catégories, classées en
fonction de leur gravité : les contraventions, les délits
et les crimes. À l’intérieur du concept de personne
physique (voir chapitre 4), on trouve deux catégories,
classées selon leur âge : les majeurs et les mineurs. À
l’intérieur du concept de bien, on trouve deux
catégories : les biens meubles, que l’on peut déplacer,
et les biens immeubles, que l’on ne peut pas déplacer.
Les biens meubles eux-mêmes se décomposent en
biens corporels et en biens incorporels… Selon que tel
bien sera meuble ou immeuble, les règles régissant sa
cession, son appropriation, sa fiscalité ne seront pas
les mêmes.
Les caractères de la règle de droit
La règle de droit est une règle de conduite humaine, à
l’observation de laquelle la société peut nous
contraindre par une pression extérieure plus ou moins
intense. Mais quels sont les caractères de la règle de
droit ?
La force du droit

Ce qui caractérise la règle de droit, c’est qu’elle est


obligatoire et contraignante. En effet, la
méconnaissance, ou « violation », de la loi fait
encourir une sanction. Cette sanction est une
condition du respect de la règle – elle a pour objet de
dissuader de méconnaître la règle (on dit que la loi a
un « effet prophylactique ») – et de son existence
même. C’est l’État, c’est-à-dire la puissance publique,
qui est le garant de la sanction : la coercition étatique
est un caractère spécifique de la règle de droit. On dit
également que l’État a le « monopole de la violence
physique légitime » (Monopol legitimer physischer
Gewaltsamkeit), selon la formule utilisée par le
sociologue allemand Max Weber dans Le Savant et le
politique (Politik als Beruf) : il peut recourir à la force
publique pour faire exécuter une décision de justice,
par exemple une décision d’expulsion d’occupants
sans droit ni titre d’un immeuble.

Attention : il n’y a pas que le droit pénal ! La notoriété


(médiatique !) du droit pénal conduit spontanément à
associer la notion de sanction à la notion de
condamnation pénale, c’est-à-dire une condamnation
à une peine d’emprisonnement ou à une peine
d’amende. Or, la notion de sanction doit être
entendue de manière large. On distingue
traditionnellement trois grands types de sanctions
possibles dans l’hypothèse de la méconnaissance
d’une règle de droit :
L’exécution forcée : elle consiste, par
exemple, à contraindre un débiteur à exécuter
son obligation de payer en faisant procéder à la
saisie de certains de ses biens. On parle alors
de « procédures civiles d’exécution ».
La réparation, ou « sanction
réparative » : elle consiste à corriger la
méconnaissance de la règle. Les deux
principaux modes de réparation sont la nullité
d’un acte juridique, par exemple l’annulation de
l’acte juridique fait en violation des
prescriptions légales, comme un mariage
conclu avant 18 ans, et l’allocation de
dommages-intérêts (ou « dommages et
intérêts »), c’est-à-dire une indemnisation qui
correspond à la réparation du préjudice subi,
qu’il soit corporel (bras cassé), matériel
(véhicule détruit) ou moral (chagrin causé par
la perte d’un être cher) (voir la responsabilité
civile, chapitre 5).
La punition : les sanctions punitives relèvent
principalement du droit pénal. Il s’agit des
sanctions associées aux infractions prévues par
le Code pénal : contraventions, délits et crimes,
dont les auteurs doivent répondre devant les
juridictions pénales (on dit aussi les
« juridictions répressives »). Les deux
principaux types de peine sont les peines
d’emprisonnement et les peines d’amende,
mais il existe d’autres catégories de peines,
telles que l’interdiction d’émettre des chèques,
l’interdiction de gérer une société, le retrait de
points sur le permis de conduire, voire la
privation du permis de conduire. La sévérité de
la sanction est proportionnelle à la gravité de
l’infraction telle que définie par le législateur. Il
existe également des peines civiles, et non
pénales, telles que le recel successoral, qui
désigne le cas où un héritier se serait
approprié, sans en avoir le droit, un élément
appartenant à une succession ; il devra alors le
restituer et sera privé de tout droit sur les biens
détournés ou recelés (article 778 du Code civil).

Mais le caractère obligatoire de la règle de droit


provient surtout de l’opinion de la majorité des
membres du corps social qui se conforment à la règle.
La contrainte qui s’exerce sur le sujet de droit provient
à la fois des autres et de lui-même.

Lorsque la règle de droit demeure – au moins


relativement – stable (voir l’inflation législative,
chapitre 11), elle est prévisible. Les sujets de droit
peuvent alors organiser leur comportement en
conséquence.
Qu’est-ce qu’un acte
juridique ? Qu’est-ce
qu’un fait juridique ?
Un acte juridique est une manifestation de
volonté, qu’elle émane d’une personne privée
ou d’une personne publique, destinée à créer
des effets de droit, des droits et des
obligations. Par exemple, un testament ou un
contrat de vente entraîne des obligations à la
charge de l’acheteur (paiement du prix) et du
vendeur (livraison du bien, garantie de
l’absence de vice). Un fait juridique est un
événement qui produit également des effets
de droit, mais par l’effet de la loi, en dehors de
toute volonté des protagonistes ou quelle que
ce soit cette volonté. Cela signifie que ces
effets de droit n’ont pas nécessairement été
recherchés, ou voulus, par les protagonistes. Il
peut s’agit d’un événement involontaire ou
volontaire. Involontaire, tel qu’un décès ou
l’hypothèse dans laquelle quelqu’un ouvre une
porte vers l’avant de manière vive, sans
s’assurer que personne n’arrive de l’autre côté
à ce moment-là, et blesse une autre
personne ; la loi l’oblige à réparer les
dommages qu’il a occasionnés (articles 1382
et 1383 du Code civil), alors qu’il n’avait pas
l’intention de se créer cette obligation légale.
Volontaire, tel que le fait de blesser
intentionnellement quelqu’un. Enfin, les
circonstances qui entourent la conclusion d’un
acte juridique, par exemple les vices du
consentement dans un contrat, sont des faits
juridiques.

Cependant, le caractère obligatoire de la règle de


droit peut avoir une intensité variable. On distingue en
effet, parmi les règles de droit, des règles dites
impératives et des règles dites supplétives de volonté.
Alors que les premières s’imposent aux sujets de
droit, qui ne peuvent en aucune façon s’y soustraire,
les secondes peuvent être écartées par la volonté
contraire des personnes qui y sont soumises. Les
sujets de droit peuvent déroger, par convention
contraire, aux règles supplétives, qui ne s’appliquent
que dans les cas où les sujets de droit n’ont pas
exprimé de volonté particulière. Ces règles viennent
donc « suppléer » l’absence de volonté exprimée.

Par exemple, les règles relatives au divorce sont


impératives : des époux peuvent se séparer de fait,
mais ils ne rompront les liens juridiques qui les
unissent, avec les conséquences qui s’y attachent,
sans s’être conformés aux règles qui régissent le
divorce. Au contraire, les règles relatives au régime
matrimonial sont supplétives : si les époux n’optent
pas pour un régime spécifique en vertu d’un contrat
de mariage, la loi applique le régime légal, ou
« régime de droit commun », à savoir le régime de la
communauté de biens réduite aux acquêts, c’est-à-
dire aux biens acquis pendant le mariage.

De même, les règles relatives à la compétence de


certains tribunaux sont supplétives. En effet, en
certaines matières, par exemple en droit commercial,
des sujets de droit peuvent choisir de soumettre leurs
litiges non au juge étatique déclaré compétent par la
loi, mais à un arbitre, une personne privée
indépendante spécialisée dans la matière concernée –
souvent un professeur de droit ou ancien professeur
de droit – et rémunérée par les parties.

Le critère de distinction entre les règles impératives et


les règles supplétives est l’ordre public : les règles
« d’ordre public » sont impératives, les règles qui ne
sont pas « d’ordre public » sont supplétives. Notion
complexe que celle d’ordre public, qui a alimenté de
nombreux débats parmi les juristes ! L’ordre public
désigne l’ensemble des principes et des règles,
d’ordre social et moral, que le législateur estime
essentiels pour le « bon ordre » de la société et qui,
par conséquent, s’imposent à tous. Ainsi, la notion
d’ordre public est proche de l’idée d’intérêt général.

Enfin, la règle de droit est toujours de portée relative :


elle ne concerne jamais qu’un type de situation plus
ou moins largement défini, par exemple la situation
dans laquelle un contrat a été conclu ou la situation
dans laquelle une personne subit un dommage au
cours d’un accident de la circulation ou en raison d’un
produit défectueux… Tout sujet de droit se trouvant
dans la situation déterminée pourra se voir appliquer
la règle de droit. Une règle qui ne viserait pas un type
de situation déterminé n’aurait évidemment pas de
sens ! Souvent, la règle de droit vise une catégorie
spécifique de personnes. Elle s’applique alors
exclusivement à cette catégorie : associés, dirigeants,
conducteurs, assurés, salariés, bailleurs, locataires…
La forme du droit

La règle de droit est extérieure, générale, abstraite et


permanente.

Extérieure à quoi ? À la volonté individuelle


des personnes qui y sont soumises. La règle de
droit est un ordre adressé, par une autorité
habilitée à le faire, à chacun des sujets qui
composent le corps social. Elle n’est pas une
contrainte que chacun s’impose de sa seule
volonté. La règle de droit encadre l’exercice de
la volonté individuelle. Par exemple, en droit
des contrats, le principe fondamental de la
liberté contractuelle ne saurait être absolu : il
connaît des limites, comme l’« indisponibilité du
corps humain », qui interdit de conclure une
vente portant sur un élément du corps humain
(les dons d’organe et greffes ne sont pas des
ventes). Par son caractère extérieur, la règle de
droit présente une analogie avec la règle
religieuse, qu’elle soit le commandement de
Dieu ou l’œuvre de l’Église ; en revanche, elle
se distingue très nettement de la règle morale,
qui par principe est essentiellement interne à la
personne.
Générale, car la loi s’applique sur l’ensemble
du territoire de la République de la même
manière et à l’ensemble des individus qui y
habitent.
Abstraite, car la loi est impersonnelle : elle
n’est pas faite pour un individu en particulier.
Elle vaut pour tous ceux qui sont dans la
situation qu’elle définit : on dit qu’elle est erga
omnes, littéralement « à l’égard de tous ».
C’est une garantie contre l’arbitraire.
Permanente, car la loi est constante dans le
temps : elle est durable, mais pas perpétuelle.
Une loi est applicable tant qu’elle n’a pas été
abrogée par une autre loi, et même si elle n’a
pas été exécutée pendant plusieurs années. Par
exemple, depuis 1969, l’article R. 4-2, devenu
l’article R. 415-2, du Code de la route ne
permet à un conducteur de « s’engager dans
une intersection que si son véhicule ne risque
pas d’y être immobilisé et d’empêcher le
passage des autres véhicules » – désormais « le
passage des véhicules circulant sur les autres
voies ». À supposer qu’aucun automobiliste
n’ait jamais été sanctionné par un agent de la
circulation sur le fondement de cette règle de
droit depuis que celle-ci existe, un
automobiliste aujourd’hui verbalisé ne pourrait
tirer de ce défaut d’application un motif de
contestation du procès-verbal qui lui serait
dressé. En effet, la loi ne tombe pas en
désuétude, elle ne devient pas caduque, elle ne
perd pas son effet par son défaut d’application.
Nul n’est censé ignorer la
loi ?
Ou, pour faire plus chic, Nemo censetur legem
ignorare…

Voilà l’un des adages les plus connus ! Signifie-


t-il que nous devons tous connaître l’ensemble
des textes de loi en vigueur en France ? Nous
ne passons pourtant pas nos journées à lire le
Journal officiel !

Cette explication est naturellement irréaliste :


cela serait pour le moins difficile, alors que la
France compte plusieurs milliers de lois et
plusieurs dizaines de milliers de décrets…
Même les professeurs de droit ne peuvent
matériellement pas connaître l’ensemble du
droit applicable dans leur spécialité ; même les
agents du ministère des Finances ne peuvent
connaître en permanence l’ensemble du droit
fiscal en vigueur. Surtout, l’effectivité de la loi
serait fort compromise si chacun pouvait, en
ce qui le concerne, priver la loi d’effet en
établissant qu’il n’en avait pas eu
connaissance !

Mais alors, que signifie véritablement ce


proverbe ? L’explication sérieuse est la
suivante : cela signifie qu’il n’est pas possible
de s’exonérer de sa responsabilité et d’éviter
la sanction associée à la violation d’une règle
de droit en invoquant son ignorance du texte.
Par exemple, il n’est pas possible de demander
à l’agent de police de ne pas nous verbaliser
pour ne pas nous être arrêté au feu rouge au
motif que nous ignorions que la loi impose de
s’arrêter lorsque le feu de signalisation est
rouge.

Des exceptions existent. Ainsi, l’erreur de droit


est reconnue au titre de l’erreur viciant le
consentement nécessaire à la validité du
contrat : celui qui a commis une erreur de droit
peut demander la nullité du contrat pour
lequel son consentement n’a pas été donné de
manière éclairée. En outre, le droit français fait
peser une obligation de renseignement et de
conseil sur le vendeur professionnel au
bénéfice du consommateur, dont la
méconnaissance est juridiquement
sanctionnée.

La contrepartie de cette règle, c’est la


nécessité de la sécurité juridique, que
l’inflation législative et la complexité
croissante des textes fragilisent, ce qui a
conduit l’ancien vice-président du Conseil
d’État, Renaud Denoix de Saint Marc, à relever,
en 2001 : « La loi devrait être solennelle, brève
et permanente. Elle est aujourd’hui bavarde,
précaire et banalisée. »

Le principe pose une présomption de


connaissance de la loi qui est naturellement
une fiction. En revanche, la compréhension et
la pratique du droit, c’est-à-dire non la
connaissance exhaustive des textes mais la
capacité à trouver des éléments de réponse à
des questionnements, est le métier de
professionnels (notaires, avocats) qui, chacun
dans son domaine de spécialité, permettent
aux sujets de droit d’obtenir une information
suffisante sur la législation en vigueur.
L’application du droit
L’application du droit dans le
temps

« La loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point


d’effet rétroactif. » Tel est l’article 2 du Code civil,
inchangé depuis 1803, qui pose le principe de
l’absence de rétroactivité de la loi. Pour Portalis, la loi
règle l’avenir, et « le passé n’est plus dans son
pouvoir ». Ce principe interdit de revenir sur les
conditions de la naissance comme sur les effets
passés d’une situation juridique, légale ou
contractuelle, née avant l’entrée en vigueur d’une
nouvelle loi.

Lorsqu’une nouvelle loi entre en vigueur, elle


s’applique à l’ensemble des sujets de droit pour le
présent comme pour l’avenir. Que se passe-t-il alors
pour les effets survenant postérieurement à l’entrée
en vigueur de la loi nouvelle, mais qui sont la
conséquence d’une situation juridique née
antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi
nouvelle ?

Pour répondre à cette question délicate, il convient de


distinguer les situations juridiques d’origine légale et
les situations d’origine contractuelle.

En ce qui concerne les situations juridiques


d’origine légale, les impératifs d’égalité,
d’opportunité et de sécurité juridique rendent
nécessaire qu’elles soient soumises à la loi
nouvelle. Par exemple, si une loi nouvelle
modifie la limite d’âge d’une catégorie de
fonctionnaires, cette règle doit s’appliquer à
l’ensemble des fonctionnaires en activité, sans
que soit opérée une distinction entre les
fonctionnaires recrutés avant l’entrée en
vigueur de la loi nouvelle et les fonctionnaires
recrutés après l’entrée en vigueur de la loi
nouvelle.
En ce qui concerne les situations juridiques
d’origine contractuelle, les choses sont
différentes. Le contrat est la chose des parties,
conformément au principe de liberté
contractuelle (voir chapitre 5) ; par conséquent,
le législateur ne saurait modifier l’équation,
sinon l’équilibre, du contrat tel qu’il a été voulu
par les cocontractants. En outre, un contrat a
précisément pour objet de fixer une situation
pour l’avenir, de créer de la certitude, de la
prévisibilité, pour les parties. Le contrat est un
acte de prévision par excellence. Il en résulte
que, en vertu de la théorie du doyen Roubier, le
principe est celui de la survie de la loi ancienne
pour l’ensemble des situations contractuelles
en cours au moment de l’entrée en vigueur
d’une loi nouvelle : le contrat demeurera
toujours soumis à la loi en vigueur au moment
de la conclusion dudit contrat.

Quelles sont les exceptions à ces principes ?

D’abord, certaines lois sont rétroactives. Tel


est le cas des lois pénales dites « plus douces »
(également appelées « lois pénales in
mitius ») : le principe de non-rétroactivité de la
loi pénale ayant pour objet de protéger les
libertés, il doit être limité aux lois pénales plus
sévères. Tel est également le cas des
dispositions que le législateur a expressément
déclarées rétroactives, comme il en a la
possibilité. Tel est le cas enfin des lois dites
« interprétatives », c’est-à-dire des lois qui ont
pour objet de préciser le sens d’une loi
antérieure : la loi interprétative s’incorporant,
par définition, à la loi antérieure, elle est
nécessairement rétroactive.
Ensuite, le législateur peut expressément
prévoir (ou le juge peut, dans le silence de la
loi, décider) l’application immédiate de la loi
nouvelle aux effets futurs (et à ceux-là
seulement) des situations juridiques
contractuelles nées antérieurement à l’entrée
en vigueur de la loi nouvelle. L’ensemble des
effets produits antérieurement à l’entrée en
vigueur de la loi nouvelle ne sont pas touchés.
Par exemple, supposons une loi nouvelle qui
fixe un taux d’intérêt maximal et un contrat de
prêt, conclu antérieurement à l’entrée en
vigueur de la loi nouvelle, qui prévoyait un taux
d’intérêt supérieur. La loi nouvelle peut prévoir
la réduction de la dette d’intérêts pour les
échéances postérieures (et postérieures
seulement : les échéances antérieurement
réglées ne seront pas remises en question) à
l’entrée en vigueur de la loi. L’objectif poursuivi
par le législateur est de garantir un régime
uniforme à l’ensemble des situations
contractuelles identiques, en raison de motifs
d’intérêt général.
L’application du droit dans
l’espace
En principe, les lois et les règlements s’appliquent sur
l’ensemble du territoire qui constitue le territoire
national à un instant donné. Ainsi, les deux
départements de la région Alsace – Bas-Rhin (67) et
Haut-Rhin (68) – et le département de la Moselle (57),
qui étaient territoires allemands entre 1871 et 1918,
ont un droit local qui gouverne certaines matières en
dérogation aux lois applicables sur le reste du
territoire, par exemple la loi du 1er juillet 1901
relative au contrat d’association et la loi du
9 décembre 1905 concernant la séparation des
Églises et de l’État.

De nombreuses questions se posent en ce qui


concerne l’application du droit français dans l’espace.
Il convient de distinguer, d’une part, les règles de
droit public et de droit pénal et, d’autre part, les
règles de droit privé.

Expressions de la puissance publique par


excellence, les règles de droit public et de
droit pénal ont vocation à saisir l’ensemble
des situations qu’elles visent dès lors que
celles-ci se produisent sur le territoire national,
qu’elles soient le fait d’un citoyen français ou
non. Tel est le principe posé par l’article 3,
alinéa 1er, du Code civil, qui proclame : « Les
lois de police et de sûreté obligent tous ceux
qui habitent le territoire. »
Les règles de droit privé, en revanche, ne
concernent que des intérêts particuliers.
Lorsque apparaît un élément dit
d’« extranéité », c’est-à-dire un élément qui se
rattache à un système juridique étranger, il est
nécessaire de déterminer la législation
nationale applicable. Tel est l’objet des règles
dites « de conflit », qui se rattachent au droit
international privé. Ces règles sont complexes ;
elles dépendent notamment de la nature des
éléments en cause : personnes ou biens ? Actes
juridiques ou faits juridiques (voir chapitre 5) ?
Le juge français peut alors être amené à
étendre la loi française à une situation qui s’est
produite sur un territoire autre que le territoire
national (par exemple l’incapacité du Français
mineur) ou, au contraire, faire application d’une
loi étrangère, par exemple pour déterminer si
un étranger dispose ou non de la capacité civile
pour conclure un contrat sur le territoire
français.
Et les navires en mer ? Et
les avions ?
C’est très compliqué ! La réponse dépend
notamment des conventions internationales
ratifiées et du domaine du droit en question.
Généralement, c’est la loi du pays
d’immatriculation du navire ou de l’aéronef qui
est retenue. En droit des transports aériens, la
convention de Montréal, signée le 28 mai 1999
et applicable en France depuis le 28 juin 2004,
s’applique à tout transport aérien international
entre deux États qui l’ont ratifiée et au sein de
l’Union européenne, qui y a adhéré par un
règlement du 13 mai 2002. Elle prend
notamment partie sur le tribunal compétent,
qui est au choix de la victime : lieu du siège du
transporteur, lieu du siège principal
d’exploitation, lieu du décollage/atterrissage,
domicile de la victime. En droit maritime, il
convient pour chaque cas de vérifier la
convention internationale que les deux États
concernés auraient pu ratifier. À défaut, une loi
du 18 juin 1966 relative à l’affrètement et au
transport maritime prévoit que, si le navire est
au départ ou à l’arrivée d’un port français,
c’est la loi française qui s’applique.

Et l’application du droit en outre-mer ? La question de


l’application du droit dans l’outre-mer français est
complexe. Le cadre juridique relatif à l’outre-mer a été
notamment refondu par la révision constitutionnelle
du 28 mars 2003.

Aujourd’hui, la Constitution distingue :

les collectivités d’outre-mer régies par son


article 73 : Guadeloupe, Guyane, Martinique,
La Réunion et Mayotte ;
les collectivités d’outre-mer régies par son
article 74 : Polynésie française, Saint-Pierre-et-
Miquelon, îles Wallis et Futuna, Saint-
Barthélemy et Saint-Martin ;
les Terres australes et antarctiques françaises
(TAAF) (terre Adélie, îles Kerguelen, Crozet,
Saint-Paul et Nouvelle-Amsterdam, îles Éparses)
et l’île de Clipperton, dépourvues de population
humaine permanente et soumises à un régime
législatif particulier ;
la Nouvelle- Calédonie, qui relève du titre XIII
de la Constitution (articles 76 et 77).

Les collectivités d’outre-mer régies par


l’article 73 de la Constitution

Le régime législatif et réglementaire applicable dans


ces collectivités est celui de l’« identité législative » :
les lois et règlements y sont applicables
automatiquement (on dit « de plein droit »).

Les lois et règlements peuvent cependant faire l’objet


d’adaptations en raison des caractéristiques et
contraintes particulières de ces collectivités. Ces
adaptations peuvent être :
soit le fait de l’État, qui doit alors consulter au
préalable ces collectivités ;
soit le fait de ces collectivités lorsqu’elles y
ont été préalablement habilitées par la loi ou
par le règlement.

Les collectivités régies par l’article 74 de la


Constitution (Polynésie française, Saint-
Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-
Miquelon, îles Wallis et Futuna) et la Nouvelle-
Calédonie

L’article 74 de la Constitution prévoit que le statut des


collectivités qu’il régit détermine « les conditions dans
lesquelles les lois et règlements y sont applicables ».
Ces collectivités sont soumises au principe dit de
« spécialité législative », ce qui signifie que, sauf
exception, les lois et règlements n’y sont applicables
que sur mention expresse du texte ou s’ils y ont été
rendus applicables par un texte spécial.

Les statuts de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de


Saint-Pierre-et-Miquelon prévoient toutefois que la
plupart des lois et règlements y sont applicables de
plein droit. Il n’y a donc pas lieu, pour les textes
concernés, de prévoir une mention particulière
d’applicabilité pour ces collectivités.

En vertu d’une loi organique du 19 mars 1999, la


Nouvelle-Calédonie est également régie par le
principe de spécialité législative.

Ne requièrent pas toutefois de mention expresse


d’applicabilité :

les dispositions législatives et réglementaires


qui, en raison de leur objet, sont
nécessairement destinées à régir l’ensemble du
territoire de la République, encore appelées
« lois de souveraineté » : il s’agit notamment
des lois constitutionnelles, des lois organiques
qui portent sur des matières non spécifiques à
une collectivité ou à une catégorie de
collectivités, des textes relatifs à la nationalité,
des textes portant statut des fonctionnaires de
l’État et des militaires ;
les lois et décrets approuvant ou ratifiant des
traités et accords internationaux ;
les lois ratifiant des ordonnances ;
les textes fixant des règles destinées à ne
s’appliquer que dans une ou plusieurs de ces
collectivités.

Enfin, l’article 74 de la Constitution prévoit que


doivent être soumis pour avis (on parle de
« consultation ») aux collectivités qu’il régit, outre les
dispositions statutaires les concernant :

les projets de loi, les propositions de loi, les


projets d’ordonnance ou de décret qui
comportent des dispositions particulières à ces
collectivités ;
la ratification ou l’approbation des
engagements internationaux conclus dans les
matières relevant de la compétence de ces
collectivités.
Chapitre 4

Les droits subjectifs

Dans ce chapitre :
La personnalité juridique
Droits patrimoniaux et droits
extrapatrimoniaux

Qu’ont en commun le droit au respect de la vie privée,


le droit à une réduction d’impôt, le droit de se réunir
et de manifester sur la voie publique, le droit d’utiliser
ou de ne pas utiliser son véhicule automobile, le droit
de s’établir à son compte pour exercer une activité
professionnelle, le droit de se mettre en grève
lorsqu’on est salarié, le droit d’adhérer à un syndicat,
pour ne prendre que quelques exemples ?

Ce sont des droits subjectifs, c’est-à-dire des facultés,


des prérogatives, des possibilités reconnues par le
droit – la loi au sens large – aux sujets de droit. En
d’autres termes, les droits subjectifs sont des pouvoirs
reconnus à un sujet de droit qui se trouve
judiciairement protégé en vertus des règles du droit
objectif. Les droits subjectifs peuvent s’exercer contre
une personne – on parle alors de « droit personnel » –
ou contre une chose – on parle alors de « droit réel ».
Ces droits subjectifs, il est possible de les faire valoir
en justice, de demander au juge d’en reconnaître
l’existence et d’en assurer le respect lorsqu’ils ont été
méconnus, voire de réclamer une réparation du
préjudice subi, par exemple dans l’hypothèse d’une
atteinte au droit au respect de sa vie privée, protégé
par l’article 9 du Code civil.

Au cœur des droits subjectifs se trouve une notion


fondamentale : la notion de personne, au sens où le
droit l’entend bien sûr ! Une fois les personnes
juridiques définies, il conviendra d’étudier les droits
qui entrent dans le patrimoine et ceux qui y
demeurent extérieurs.
La personnalité juridique

La notion de personne, en droit, désigne un sujet de


droit, c’est-à-dire quelqu’un ou quelque chose que la
loi décide de reconnaître comme sujet de droit et à
qui, ou auquel, la loi accorde des droits (on parle de
« droits subjectifs ») mais également impose des
obligations (on précise souvent « des obligations
juridiques », par opposition à d’autres types
d’obligation). Des obligations peuvent également
naître des contrats que la personne décide de nouer
avec d’autres sujets de droit. Ainsi, on distingue les
obligations légales (ex. : obligation de payer des
impôts) des obligations contractuelles (ex. : obligation
pour un commerçant de livrer un bien, obligation pour
un consommateur d’en payer le prix).

Être un sujet de droit, c’est avoir la personnalité


juridique. La personnalité juridique (on dit aussi
parfois la « personnalité civile »), c’est l’aptitude, ou
la capacité, à être sujet de droit, c’est-à-dire à être à
la fois titulaire de droits et soumis à des obligations
qui proviennent de la loi au sens large (légales ou
réglementaires), d’une convention, d’un contrat
(obligations conventionnelles, contractuelles). On
distingue la capacité de jouissance, qui est la capacité
à acquérir un droit, de la capacité d’exercice, qui est
la capacité d’exercer un droit qui a été acquis.

Il nous faut maintenant examiner une distinction


fondamentale en droit : la distinction entre les
personnes physiques et les personnes morales. De
quoi s’agit-il ?
Personnes physiques : vous !
C’est facile ! Une personne physique, c’est vous, c’est
chacun de nous, c’est tout être humain, tout individu
fait de chair et d’os. Rappelons qu’étymologiquement
« individu » signifie « indivisible, ce qui ne peut pas
être divisé ». Certes, Hannibal Lecter vous dira que
« Si, si, on peut tout à fait diviser un individu »…

Quand naît et quand s’éteint la personnalité


juridique de la personne physique ?

En ce qui concerne la naissance de la personnalité


juridique de la personne physique, on pourrait
spontanément penser qu’elle apparaît au moment de
la naissance physique. Le droit français pose
cependant une règle différente. En effet, l’article 906
du Code civil, inchangé depuis 1803, énonce que
« Pour être capable de recevoir entre vifs, il suffit
d’être conçu au moment de la donation. Pour être
capable de recevoir par testament, il suffit d’être
conçu à l’époque du décès du testateur. Néanmoins,
la donation ou le testament n’auront leur effet
qu’autant que l’enfant sera né viable ». Si le fœtus
n’est pas véritablement, en droit, une personne, la
personnalité juridique de l’enfant né vivant et viable
rétroagit parfois au moment de sa conception. Telle
est la règle dite infans conceptus.

En ce qui concerne l’extinction de la personnalité


juridique de la personne physique, la mort est
naturellement le terme normal de la personnalité
juridique. Cependant, il existe des hypothèses dans
lesquelles il n’est pas possible de savoir avec
certitude si un individu est vivant ou décédé, car ses
proches sont sans nouvelles de lui. C’est l’expérience
du chat de Schrödinger appliquée au droit civil ! En
pratique, des individus disparus ne peuvent plus
exercer leurs droits, gérer leurs biens, passer les actes
nécessaires de la vie civile. À partir de quel moment
faut-il faire éteindre leur personnalité juridique ?
Plutôt que de les considérer immédiatement comme
décédés, le droit pose deux régimes : celui de
l’absence et celui de la disparition.

L’absence

L’absence peut être déclarée par un juge. La


procédure se déroule en deux temps.

Premier temps : le juge constate qu’il y a


une « présomption d’absence ». L’article 112 du
Code civil énonce : « Lorsqu’une personne a
cessé de paraître au lieu de son domicile ou de
sa résidence sans que l’on en ait eu de
nouvelles, le juge des tutelles peut, à la
demande des parties intéressées ou du
ministère public, constater qu’il y a
présomption d’absence. »
Second temps : le juge déclare l’absence.
L’article 122 du Code civil énonce : « Lorsqu’il
se sera écoulé dix ans depuis le jugement qui a
constaté la présomption d’absence […]
l’absence pourra être déclarée par le tribunal
de grande instance à la requête de toute partie
intéressée ou du ministère public. »

L’absence pourra également être déclarée par le juge


lorsque, sans qu’il y ait eu constatation de la
présomption d’absence, « la personne aura cessé de
paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence,
sans que l’on en ait eu de nouvelles depuis plus de
vingt ans ». On parle alors de « jugement déclarant
l’absence ».

La déclaration d’absence produit les mêmes effets


que la constatation d’un décès : la succession est
ouverte, les biens de l’absent sont attribués aux
héritiers (on dit « ayants droit »), le mariage éventuel
est dissous… Que se passe-t-il si l’absent réapparaît ?
Dans cette hypothèse, l’absent (désormais présent)
peut demander au juge l’annulation du jugement qui a
déclaré l’absence. Il reprendra ses biens dans l’état où
ils se trouvent à cette date. En revanche, le mariage
dissous le demeure…

La disparition

Lorsqu’une personne physique a disparu dans des


conditions telles qu’elles font présumer que l’individu
est décédé (accident d’avion en pleine mer, naufrage,
séisme, explosion atomique) mais que le corps n’a pas
été retrouvé, il est possible, sans attendre les dix ans
prévus par la procédure de l’absence, de faire déclarer
immédiatement la disparition de l’individu. Tel est le
principe posé par l’article 88 du Code civil : « Peut
être judiciairement déclaré, à la requête du procureur
de la République ou des parties intéressées, le décès
de tout Français disparu en France ou hors de France,
dans des circonstances de nature à mettre sa vie en
danger, lorsque son corps n’a pu être retrouvé. […] La
procédure de déclaration judiciaire de décès est
également applicable lorsque le décès est certain
mais que le corps n’a pu être retrouvé. »

Y a-t-il des personnes physiques


« incapables »… en droit ?
Oui ! Certaines personnes physiques ne se voient pas
reconnaître par le droit une personnalité juridique
pleine et entière, mais seulement une personnalité
juridique réduite, limitée. Deux catégories de
personnes sont concernées :

Les mineurs (la majorité est fixée en France à


18 ans depuis une loi du 5 juillet 1974 ; elle
était précédemment de 21 ans).
Les majeurs faisant l’objet d’un régime
de protection (tutelle, curatelle) parce que
leurs facultés personnelles (facultés physiques
ou faculté de discernement) sont altérées.

Il convient de distinguer les incapacités de jouissance


et les incapacités d’exercice. L’incapacité de
jouissance a pour objet d’interdire à un individu
d’accomplir un acte : l’individu ne peut acquérir un
certain droit, donc en jouir. L’incapacité d’exercice
s’en distingue en ce qu’elle n’a pas pour objet
d’interdire à un individu d’acquérir un droit, mais
seulement de l’empêcher d’exercer un droit qu’il a pu
acquérir. Les incapacités de jouissance portent donc
une atteinte plus importante à la personnalité
juridique que les incapacités d’exercice. Les premières
ne peuvent concerner que certains droits
spécifiquement (on dit qu’elles sont « spéciales »), les
secondes peuvent concerner certains droits ou bien
l’ensemble des actes de la vie juridique (on dit alors
qu’elles sont « générales »).

Une autre distinction essentielle entre les incapacités


de jouissance et les incapacités d’exercice est que les
premières ne connaissent pas de remède (l’acte
interdit ne peut être accompli ni par l’incapable ni par
son représentant : par exemple, la loi interdit au
mineur non émancipé âgé de moins de 16 ans de
conclure un contrat de donation ou de faire un
testament), alors que les secondes supposent qu’un
remède y soit apporté, c’est-à-dire que le droit pourra
être exercé autrement, le plus souvent par un
système de représentation que nous allons examiner.
Qu’appelle-t-on le
ministère public ?
Pourquoi l’avocat général
n’est-il pas… un avocat ?
Le ministère public, ou « parquet », ou encore
la « magistrature debout » (car les magistrats
du parquet se lèvent pour prendre la parole à
l’audience alors que les magistrats du siège
demeurent assis), joue un rôle essentiel dans
la justice pénale en particulier, mais il n’est
pas absent de la justice civile.

Le ministère public représente, auprès des


différentes juridictions de l’ordre judiciaire,
l’intérêt de la société, l’ordre public, l’intérêt
public, par opposition aux parties qui
représentent des intérêts privés. Il est une
partie au procès, il n’est pas un juge.

En matière pénale, le ministère public est


chargé de poursuivre les auteurs d’infraction.
On dit qu’il « déclenche l’action publique »
lorsqu’une infraction est commise, puisqu’elle
cause un trouble à l’ordre public (voir
chapitre 7). Le réquisitoire, ou les
« réquisitions », désigne la plaidoirie du
magistrat du parquet, par laquelle celui-ci
requiert l’application ou non de la loi pénale
envers le prévenu (tribunal correctionnel) ou
l’accusé (cour d’assises). En matière civile, il
agit, en demande ou en défense, dans un
certain nombre de cas, par exemple en
matière d’état des personnes, c’est-à-dire le
domaine des règles qui définissent la
personnalité juridique d’une personne
physique (prénoms et nom de famille, lieu et
date de naissance, filiation, capacité civile,
domicile, situation matrimoniale, notamment).

Les différents grades des magistrats affectés


dans un parquet sont les suivants :

– dans les juridictions de première instance :


procureur de la République, vice-procureur de
la République, substitut du procureur de la
République ;

– dans les cours d’appel : procureur général,


avocat général, substitut général ;

– à la Cour de cassation : procureur général,


premier avocat général, avocat général.

Contrairement à ce que son nom laisse penser,


l’avocat général n’est donc pas un avocat,
mais un magistrat. Ou plutôt, il est l’avocat de
la société !

Les incapacités de jouissance

L’incapacité de jouissance peut être une peine pénale


ou une mesure de protection de l’individu :

Une peine, d’abord, telle que l’interdiction, la


déchéance, l’incapacité ou le retrait d’un droit,
l’injonction de soins, ou l’obligation de faire,
l’immobilisation ou la confiscation d’un objet, la
confiscation d’un animal, la fermeture d’un
établissement (article 131-10 du Code pénal)
ou l’interdiction d’émettre des chèques
(article 131-19 du Code pénal).
Une mesure de protection de l’individu,
ensuite : afin de protéger l’individu et ses
héritiers contre des actes qui pourraient avoir
pour effet la dilapidation de leur patrimoine par
des donations (appelées en droit « actes de
disposition à titre gratuit ») excessives, le droit
permet d’interdire à certaines personnes de
conclure une donation et, dans certains cas, de
rédiger un testament. Qui est concerné ? Les
mineurs non émancipés, en vertu de la loi, et
les majeurs placés sous un régime de
protection par une décision du juge des tutelles.
Qu’est-ce qu’un mineur
émancipé ?
Par principe, le mineur n’est pas émancipé. Un
mineur peut être émancipé lorsqu’il atteint
l’âge de 16 ans révolus. La décision
d’émancipation est prononcée, « s’il y a de
justes motifs » (article 413-2 du Code civil),
par le juge des tutelles à la demande des père
et mère ou de l’un d’eux ou, si le mineur est
resté sans père ni mère, à la demande du
conseil de famille. « Le mineur émancipé est
capable, comme un majeur, de tous les actes
de la vie civile », dispose l’article 413-6 du
Code civil. Le mineur émancipé peut être
dirigeant de société. Il peut également devenir
commerçant, soit au moment de la décision
d’émancipation, sur autorisation du juge des
tutelles, soit postérieurement à son
émancipation, sur autorisation du président du
tribunal de grande instance. En revanche, le
mineur émancipé ne peut pas voter ni passer
son permis de conduire avant l’âge de 18 ans.
Il ne peut pas non plus entrer dans un casino !

Les incapacités d’exercice

Les incapacités d’exercice sont essentiellement des


mesures de protection, destinées à protéger
l’incapable lui-même, mais également sa famille, ses
héritiers et ses créanciers. Pour le mineur non
émancipé, l’incapacité d’exercice est le principe ; pour
le majeur, elle est l’exception : ce sont les régimes de
protection. Examinons successivement le mineur non
émancipé, puis le majeur protégé.

Le mineur non émancipé

Le mineur non émancipé est protégé par une


incapacité d’exercice : les actes que le mineur
passerait sont, par principe, frappés de nullité. Le juge
déclarera que l’acte accompli ne peut lier le mineur et
se trouve dépourvu d’effet. Comme cette incapacité a
pour objet de protéger le mineur, seuls le mineur lui-
même – après sa majorité – ou son représentant
peuvent demander la nullité de l’acte (on dit que la
nullité est « relative » et non « absolue »). Mais tous
les actes passés par le mineur ne sont pas concernés.
Le droit distingue les actes d’administration et les
actes de disposition : la nullité des premiers ne sera
prononcée que si l’accomplissement de l’acte a
entraîné un préjudice pour le mineur, alors que les
seconds seront automatiquement frappés de nullité,
quelles que soient les conséquences pour le mineur.
Ainsi, un mineur peut valablement participer à la
formation d’un contrat d’association (acte
d’administration qui ne lui est pas préjudiciable) à la
condition qu’il ne fasse pas d’apport en numéraire
(somme d’argent) ou en nature, ce qui serait un acte
de disposition. La jurisprudence admet du reste que le
mineur qui adhère à une association est présumé
avoir reçu une autorisation de ses parents.
Actes d’administration,
actes de disposition
Il s’agit d’une distinction traditionnelle en droit.
Les actes d’administration sont les actes
qui relèvent de la gestion d’un patrimoine
en vue d’en conserver la valeur ou de le
faire fructifier. Ex. : mise en location d’un
immeuble, vente ou achat de meubles
d’usage courant, réparation d’un immeuble,
conclusion d’un contrat d’assurance.
Les actes de disposition sont les actes qui
modifient la consistance du patrimoine. Ils
entraînent une transmission de droits ou de
biens. Ex. : souscription d’un emprunt,
vente d’un immeuble.

Pourtant, un mineur peut bien acheter des biens


d’usage courant, tels qu’un livre, une bouteille de lait
ou une place de cinéma ? Oui. Si les mineurs sont
incapables de « contracter » (article 1124 du Code
civil), la loi ne précise pas ni la durée de l’incapacité
d’exercice totale – qui frappe les enfants en bas âge
et les tout jeunes enfants – ni l’évolution de l’intensité
de cette incapacité dans le temps. Pourtant, la faculté
de discernement n’est pas comparable entre un
mineur de 7 ans et un mineur de 17 ans ! Pour le
doyen Carbonnier, la durée de cette période
d’incapacité d’exercice totale est une question de fait
laissée à l’appréciation du juge, qui statuera « compte
tenu du développement psychologique de l’enfant,
mais aussi de la gravité de l’action au regard de
laquelle le problème de capacité est soulevé ».

Quel est le remède à l’incapacité d’exercice qui frappe


les mineurs ? Il s’agit de la représentation. Le mineur
n’étant pas frappé par une incapacité de jouissance
générale, il peut acquérir des droits patrimoniaux. Afin
de ne pas paralyser la gestion du patrimoine du
mineur – qui comprend l’ensemble de ses droits
patrimoniaux –, le législateur a organisé un système
de représentation qui consiste en la désignation d’une
personne chargée d’accomplir les actes de la vie
juridique au nom et pour le compte du mineur, c’est-
à-dire comme si le mineur agissait lui-même. Deux
institutions permettent la représentation du mineur :
l’administration légale, pure et simple ou sous
contrôle judiciaire, et la tutelle.

Le majeur protégé

Les majeurs peuvent faire l’objet de mesures de


protection qui ont pour effet de frapper l’individu
d’une incapacité d’exercice comparable à celle qui
frappe le mineur. Ainsi, l’article 425 du Code civil
énonce : « Toute personne dans l’impossibilité de
pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une
altération, médicalement constatée, soit de ses
facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de
nature à empêcher l’expression de sa volonté peut
bénéficier d’une mesure de protection juridique. »
Cette mesure est destinée à la protection tant de la
personne que de ses intérêts patrimoniaux.

Plusieurs mesures sont possibles (la sauvegarde de


justice, relativement légère, la curatelle et la tutelle,
plus contraignantes) :

De courte durée, la mise sous sauvegarde


de justice permet à un majeur d’être
représenté pour accomplir certains actes. Il
conserve l’exercice de ses droits, sauf en cas de
divorce ou d’actes spéciaux pour lesquels un
mandataire spécial a été désigné par le juge. La
mise sous sauvegarde de justice peut être faite
soit sur décision du juge des tutelles, soit par
déclaration médicale faite au procureur de la
République.
Plus lourde, la curatelle est destinée à
protéger un majeur qui, « sans être hors d’état
d’agir lui-même, a besoin d’être assisté ou
contrôlé d’une manière continue dans les actes
importants de la vie civile » (article 440 du
Code civil). Elle est prononcée par le juge des
tutelles, qui désigne un ou plusieurs curateurs,
lorsque la mise sous sauvegarde de justice ne
permet pas d’assurer une protection suffisante
du majeur.
Plus contraignante encore, la tutelle est
destinée à protéger un majeur qui a besoin
d’être « représenté d’une manière continue
dans les actes de la vie civile » et n’est plus en
état de veiller sur ses propres intérêts. Un
tuteur représente le majeur dans les actes de la
vie civile. Il gère tout ou partie de son
patrimoine. La tutelle est prononcée par le juge
des tutelles lorsque la curatelle ne permet pas
d’assurer une protection suffisante du majeur.
Le juge des tutelles peut préciser, au cas par
cas, les actes que la personne concernée peut
faire seule ou non.

Les personnes physiques : des personnes


privées ou publiques ?

Toutes les personnes physiques sont considérées par


le droit comme des personnes privées. Il n’existe pas
de personne physique publique. Même le président de
la République – bien qu’il soit une personnalité
publique, c’est-à-dire connue du grand public – n’est
pas une personne publique au sens où le droit
l’entend : il est une personne physique, donc une
personne privée, mais exerçant un mandat public.
Qu’est-ce qu’une personne
morale ?
Voici une notion certainement plus complexe que la
notion de personne physique…

D’abord, ne soyons pas trompés par l’adjectif : il n’y a


rien de moral là-dedans !

La notion de personne morale est une création des


juristes ; c’est une fiction intellectuelle. Pour faciliter
les échanges économiques et sociaux, il est apparu
nécessaire de reconnaître comme sujets de droit des
groupements de personnes physiques (et/ou de
personnes morales : une société A peut être associée
d’une société B ; on parlera de « filiale » ou de « prise
de participation », voir chapitre 5) ayant des intérêts
ou des projets communs, et de reconnaître ces
groupements, ces structures, comme des êtres
juridiques propres, c’est-à-dire autonomes,
indépendants, distincts des êtres juridiques qui les
composent. En effet, la personne morale dispose
d’une personnalité juridique propre, distincte de la
personnalité juridique des personnes physiques ou
morales qui en sont membres ou associées. De
même, elle dispose d’un patrimoine propre distinct
des patrimoines des personnes physiques ou morales
qui en sont membres. Naturellement, si le
groupement se donne un objet contraire à la loi, il
peut être dissous par une décision judiciaire à la
demande du parquet, ou ministère public (voir
chapitre 7).
La notion de personne morale est le mécanisme que
le droit utilise pour permettre à ces groupements
d’avoir une vie juridique : nouer des contrats, acheter
des immeubles, recruter des salariés…

Par contraction, les juristes emploient fréquemment


l’expression « personnalité morale » pour désigner la
personnalité juridique d’une personne morale.

Comme une personne physique, la personne morale,


dès lors qu’elle est reconnue par la loi comme sujet de
droit, a des droits et des obligations qui lui viennent
soit de la loi, soit des contrats qu’elle noue avec
d’autres sujets de droit.

Alors que les personnes physiques sont concrètes,


palpables, les personnes morales sont abstraites,
incorporelles : en effet, il est possible de toucher des
biens qui appartiennent à une personne morale –
c’est-à-dire qui se trouvent dans son patrimoine (par
exemple un immeuble, des machines, des
ordinateurs) – ou de serrer la main des dirigeants (on
dit aussi « mandataires ») de la personne morale,
mais il n’est pas possible de toucher la personne
morale elle-même.

Le dirigeant, ou « dirigeant de droit », par opposition


au dirigeant de fait (voir chapitre 5), reçoit des
membres du groupement un mandat :

Il peut engager juridiquement la


personne morale dans le cadre de contrats :
lorsqu’il agit en qualité de dirigeant (on dit « ès
qualités ») – c’est-à-dire en dehors des actes de
sa vie de particulier, de consommateur, de
voisin, etc. –, on dit qu’il agit « au nom et pour
le compte » de la personne morale qu’il dirige.
Il représente la personne morale dans ses
relations avec les tiers, notamment en justice :
car la personne morale doit être représentée.
En effet, si une personne morale intente un
procès ou est elle-même assignée, il faudra
bien que quelqu’un vienne dans le prétoire. Il
ne sera pas possible d’y traîner la plaque en
plexiglas où figure le nom de l’entité qui orne
son hall d’entrée !
Qu’est-ce qu’un mandat ?
Un mandat (du latin mandatum, « mission de
remplacer quelqu’un dans une affaire »)
désigne l’opération par laquelle une ou
plusieurs personnes, appelées des
« mandants », confient à une ou plusieurs
autres, celles qui reçoivent le mandat,
appelées des « mandataires », le pouvoir de
passer, en son nom ou en leur nom, un ou
plusieurs actes juridiques. Par exemple, les
associés d’une société confient un mandat, ou
mandatent, le dirigeant, appelé « mandataire
social » (car mandataire « de la société »),
pour agir au nom et pour le compte de la
société et la représenter vis-à-vis des tiers.

Attention : ce mandat ne doit pas être


confondu avec les différents mandats existant
en droit pénal, où « mandat » a le sens
d’« ordre, injonction », et que l’on retrouve
dans l’anglais mandate : « Le juge
d’instruction peut, selon les cas, décerner
mandat de recherche, de comparution,
d’amener ou d’arrêt. Le juge des libertés et de
la détention peut décerner mandat de dépôt »
(article 122 du Code de procédure pénale).

Ainsi apparaît une définition possible de la notion de


personne morale. Il s’agit :
d’une entité abstraite ;
regroupant des sujets de droit, personnes
physiques ou morales, ayant des intérêts ou
des projets communs ;
à laquelle le droit reconnaît la personnalité
juridique, c’est-à-dire que la loi décide de la
reconnaître comme sujet de droit ;
qui a, en elle -même, comme une personne
physique, des droits et des obligations :
•soit provenant de la loi (la loi lui accorde des
droits et lui impose des obligations),
•soit provenant des contrats qu’elle peut nouer,
comme les personnes physiques, avec d’autres
sujets de droit ;
qui a une existence juridique autonome,
distincte de l’existence juridique de ses
membres ou associés, par conséquent :
•ses droits et obligations sont distincts des
droits et obligations de ses membres ou
associés (mais ils peuvent parfois être liés),
•le droit lui reconnaît un patrimoine propre,
•le droit lui reconnaît une volonté propre
exprimée par l’intermédiaire de ses
représentants ;
et qui est représentée dans ses relations avec
les tiers par une ou plusieurs personnes
physiques, que l’on appelle son ou ses
« dirigeants ».

Comme la vie économique et sociale serait


compliquée si les personnes morales n’existaient pas,
n’étaient pas juridiquement reconnues ! À titre
d’exemple, il ne pourrait pas y avoir d’établissements
d’enseignement privé. Chaque enseignant devrait
nouer des contrats individuels avec chaque élève puis
devrait louer une salle en son nom propre…
Créer une personne morale, c’est donc donner
naissance à un être juridique nouveau, autonome,
distinct des personnes physiques ou morales qui le
composent et lui ont donné naissance. Comme une
personne physique, une personne morale naît, vit et
meurt. La personne morale disparaîtra avec sa
dissolution.

Dire que la personnalité juridique de la personne


morale est distincte de celles des personnes
physiques qui en font partie signifie également que, si
une personne physique membre du groupement, par
exemple le dirigeant-associé d’une société, vient à
décéder, la vie du groupement n’est pas mise en
cause : le groupement ne disparaît pas (les parts de
l’associé défunt dans le capital social entreront dans
sa succession aux bénéfices de ses ayants droit). Au
contraire, l’activité de l’entrepreneur individuel cesse
avec le décès de l’exploitant (voir chapitre 5).
Réciproquement, des associés bel et bien vivants
peuvent décider de dissoudre – donc de faire mourir –
une société.

Quels sont les différents types de personnes morales ?

Il existe des personnes morales de droit privé et des


personnes morales de droit public (on dit aussi parfois
« personnes morales privées » et « personnes morales
publiques »).

Les principaux types de personnes morales de droit


privé sont les suivants :

les sociétés, qu’elles soient civiles (société


civile immobilière, société civile
professionnelle…) ou commerciales (société en
nom collectif, société en commandite, société à
responsabilité limitée, société anonyme, société
par actions simplifiée…) ;
les associations déclarées par application de
la loi du 1er juillet 1901 ;
les syndicats professionnels : syndicats
d’employeurs ou syndicats de salariés, qui
disposent d’un statut propre en vertu d’une loi
du 21 mars 1884 (ce ne sont pas des
associations loi 1901) ;
les syndicats de copropriétaires ;
les fondations – fondations ordinaires ou
fondations d’entreprise ;
les groupements d’intérêt économique (GIE),
par exemple Infogreffe, qui rassemble les
informations des registres des commerces et
des sociétés (RCS) tenus par les greffes des
tribunaux de commerce ;
les comités d’entreprise ;
les comités d’établissement et les comités
centraux d’entreprise (CCE) dans les
entreprises comportant des établissements
distincts ;
les comités d’hygiène, de sécurité et des
conditions de travail (CHSCT).
Société et association
Qu’est-ce qui distingue fondamentalement une
société et une association ?

La loi définit ainsi la société : elle est


« instituée par deux ou plusieurs personnes
qui conviennent par un contrat d’affecter à
une entreprise commune des biens ou leur
industrie en vue de partager le bénéfice ou de
profiter de l’économie qui pourra en résulter »
(article 1832 du Code civil). Une société existe
lorsque quatre conditions sont réunies : deux
ou plusieurs associés, un contrat (les statuts),
des apports matériels ou humains, un but
lucratif associé à une volonté de partage.

Quant à l’association, la loi du 1er juillet 1901


la définit comme « la convention par laquelle
deux ou plusieurs personnes mettent en
commun, d’une façon permanente, leurs
connaissances ou leur activité dans un but
autre que de partager des bénéfices »
(article 1er). Une association suppose donc
quatre éléments : deux membres ou plus, une
convention (les statuts), des apports physiques
ou intellectuels, un but autre que de partager
des bénéfices. C’est pourquoi on dit
communément que les associations lois 1901
sont des associations « à but non lucratif » (ou
« associations lucratives sans but » selon la
formule ironique…).
Les sociétés et les associations ont donc des
analogies et des différences. Il est inexact de
dire qu’une association ne peut pas faire de
profit. Un profit est un excédent enregistré à
l’issue d’un exercice comptable. En revanche,
ce qu’une association ne peut pas faire, c’est
de répartir son bénéfice entre ses membres ou
ses dirigeants. Cependant, une association
peut tout à fait employer des salariés qui
perçoivent un salaire en exécution de leur
contrat de travail.

Lors de la dissolution d’une association, les


apports sont restitués ou non à leurs
propriétaires selon ce que les statuts
prévoient. Une fois les dettes réglées, s’il reste
des éléments, un actif, il est confié, selon ce
qu’ont prévu les statuts et selon ce qu’ont
décidé le liquidateur et l’assemblée générale,
soit à une ou plusieurs autres associations, soit
à un groupement d’intérêt public ou à une
société coopérative, soit à une collectivité
territoriale ou à un établissement public.

Enfin, le fait pour un dirigeant d’utiliser, de


mauvaise foi, des biens appartenant à la
personne morale, dans un but qu’il sait
contraire à l’intérêt de la personne morale, est
sanctionné, qu’il s’agisse d’une société ou
d’une association.

Les principaux types de personnes morales de droit


public sont les suivants :

l’État ;
les collectivités territoriales, ou collectivités
locales : régions, départements, communes,
collectivités en outre-mer ;
les groupements d’intérêt public (GIP), par
exemple les maisons départementales des
personnes handicapées (MDPH) ;
les établissements publics, qui couvrent un
champ très large et qui se répartissent,
traditionnellement, en deux catégories :
• les établissements publics à caractère
administratif (EPA), qui disposent d’une certaine
autonomie administrative et financière afin de
remplir une mission d’intérêt général autre
qu’industrielle et commerciale : on y trouve
notamment les chambres consulaires
(chambres de commerce et d’industrie – CCI –,
chambres de métiers et de l’artisanat – CMA –,
chambres d’agriculture), Pôle emploi, les
hôpitaux, les collèges, les lycées, les
universités, le Collège de France, des
établissements d’enseignement ou de
recherche (École nationale d’administration,
École nationale de la magistrature), la
Bibliothèque nationale de France, des musées
(musée du Louvre, Centre national d’art et de
culture Georges-Pompidou), l’établissement
public du château, du musée et du domaine
national de Versailles,
• les établissements publics à caractère
industriel et commercial (EPIC), qui soit ont
pour objet de répondre à un besoin qui pourrait
être rempli par une entreprise industrielle ou
commerciale mais qui ne pourrait être
correctement satisfait par une entreprise privée
soumise à la concurrence, soit sont relatifs au
contrôle de secteurs sensibles : on y trouve
notamment la SNCF (Société nationale des
chemins de fer français), la RATP (Régie
autonome des transports parisiens), l’Opéra de
Paris, la Comédie-Française, la Réunion des
musées nationaux et du Grand Palais des
Champs-Élysées, le Domaine national de
Chambord, le Centre national d’études spatiales
(Cnes), le Commissariat à l’énergie atomique
(CEA), l’Agence française de développement
(AFD), l’Institut national de l’audiovisuel (INA).
Un ensemble hétérogène
Il existe d’autres catégories d’établissements
publics, comme :
les établissements publics à caractère
scientifique, culturel et professionnel
(EPSCP), qui regroupent notamment les
universités, les écoles normales supérieures
(ENS), le Conservatoire national des arts et
métiers (Cnam) ou encore le Collège de
France ;
les établissements publics à caractère
scientifique et technologique (EPST),
comme le Centre national de la recherche
scientifique (CNRS).
On distingue également les établissements
publics nationaux, les établissements publics
locaux et les établissements publics de
coopération intercommunale. Chaque
établissement public est rattaché à une
administration qui le contrôle : l’État ou une
collectivité territoriale.

Sont aujourd’hui devenus des sociétés anonymes


(SA) : Renault (depuis 1990), Air France (depuis 1995),
France Telecom (depuis 1996), EDF (depuis 2004), Gaz
de France (depuis 2004 ; aujourd’hui GDF Suez),
Aéroports de Paris (depuis 2005), La Poste (depuis
2010).

Les deux distinctions personnes physiques/personnes


morales et personnes privées/personnes publiques
forment chacune ce que, en mathématiques, on
nomme un « système complet d’événements » : toute
personne, au sens juridique, est soit une personne
physique, soit une personne morale. Elle ne peut pas
être l’un et l’autre. Et si l’on n’est ni l’un ni l’autre,
alors on n’est pas une personne au sens juridique ! De
même, toute personne est soit une personne privée,
soit une personne publique.

Les deux distinctions se croisent : si l’on se place du


point de vue de la distinction personnes
privées/personnes publiques, il est donc possible de
dire que :

les personnes privées sont soit des personnes


physiques, soit des personnes morales ;
toutes les personnes publiques sont des
personnes morales.
« Je n’ai jamais dîné avec
une personne morale. En
revanche, c’est souvent
elle qui a payé
l’addition… »
Le professeur Gaston Jèze est l’auteur de cette
formule passée à la postérité. Est-il légal de
faire prendre en charge un repas par une
personne morale ?

Cela dépend ! Les dirigeants d’une personne


morale ont naturellement la possibilité
d’utiliser le patrimoine de la société ou de
l’association qu’ils dirigent (dans les limites
statutaires individuelles). Sinon, comment
payer les fournisseurs ou rémunérer les
salariés… ? En revanche, ils ne peuvent pas
l’utiliser dans un but autre que celui de l’objet
social, c’est-à-dire de l’activité de la société
telle que prévue par les statuts. En effet, si un
dirigeant utilise les ressources financières de la
société dans un but autre que celui qui est
prévu par les statuts, par exemple en offrant
un bijou à son conjoint ou en partant en
vacances en famille en payant les nuits d’hôtel
avec la carte de crédit de la société, il se rend
coupable d’abus de biens sociaux (ABS), qui
est un délit pénal. Il n’est pas interdit, en soi,
qu’une personne morale, par exemple une
société, prenne en charge l’addition d’un
repas, à condition que cette dépense entre
dans le cadre de l’objet social – par exemple, si
au cours de ce déjeuner les associés font le
point sur les affaires courantes ou les projets
de développement de la société.
Dirigeants de droit,
dirigeants de fait : de
quoi s’agit-il ?
Dans une société ou une association, le
dirigeant de droit est le dirigeant qui a été
désigné par les associés conformément aux
règles prévues dans les statuts de la société. Il
a reçu mandat des associés : le mandataire
social, c’est lui. En principe, il n’y a que des
dirigeants de droit. Mais on peut se retrouver
en présence de dirigeants de fait.

Un dirigeant de fait est une personne qui se


comporte comme un dirigeant de droit alors
qu’elle n’en a pas reçu mandat. Le dirigeant de
fait est une personne qui s’est immiscée dans
la gestion des affaires de la personne morale :
il remplit des fonctions normalement dévolues
aux dirigeants de droit, exerce de manière
indépendante un contrôle effectif et constant
sur la structure, définit les orientations, décide
des embauches et des licenciements. On parle
également de « gestion de fait ».

Comment cela peut-il se produire ? Plusieurs


raisons sont possibles, qui peuvent se
combiner : manipulation, négligence du
dirigeant de droit, diminution des facultés
personnelles du dirigeant de droit. Il peut
s’agir d’un associé de la société, d’un salarié,
ou, plus rarement, d’un fournisseur ou d’un
client.

En décidant de se comporter en dirigeant alors


qu’il n’en a pas le droit, le dirigeant de fait
s’expose aux mêmes contraintes que les
dirigeants de droit sans pour autant que
puissent lui être reconnus les pouvoirs du
dirigeant de droit. Dans le cas d’une société, la
responsabilité civile, pénale ou fiscale du
dirigeant de fait pourra être engagée à l’égard
des associés, de la société ou des tiers,
notamment l’administration. Dans le cas d’une
association, le dirigeant de fait peut
notamment être déclaré solidairement
responsable des dettes de l’association en cas
de redressement judiciaire ou de liquidation
judiciaire de l’association ou de manœuvres
frauduleuses et inobservations graves et
répétées des obligations fiscales.
Droits patrimoniaux et droits
extrapatrimoniaux
Certains droits subjectifs sont considérés par le droit
comme susceptibles d’une évaluation pécuniaire ; ils
peuvent entrer dans le patrimoine. On qualifie ces
droits de « patrimoniaux ». D’autres ne peuvent pas
faire l’objet, aux yeux de la loi, d’une évaluation
économique ; ils ne peuvent pas entrer dans le
patrimoine. On qualifie ces droits
d’« extrapatrimoniaux ».
Le patrimoine : du plus… mais
aussi du moins !

Selon l’opinion courante, le patrimoine est un


ensemble de biens. Cela n’est pas tout à fait exact : le
patrimoine est un ensemble non pas de biens mais de
droits et d’obligations ayant une valeur monétaire. Le
patrimoine est un ensemble abstrait où est
comptabilisée la totalité des biens, des créances et
des dettes d’une personne juridique. On dit également
que le patrimoine comprend donc un actif (les droits
subjectifs) et un passif (les obligations, les dettes).
Même lorsqu’il y a plus de dettes que d’éléments
d’actif, il y a toujours un patrimoine !

Les droits patrimoniaux ont une valeur pécuniaire,


c’est-à-dire qu’ils ont pour objet d’assurer la
protection d’un intérêt pécuniaire. Il existe différentes
sortes de droits patrimoniaux :

Les droits réels (du latin res, « chose ») sont


les droits qui portent sur des choses
corporelles. En d’autres termes, les droits réels
sont les pouvoirs juridiquement directs et
juridiquement protégés d’un sujet de droit sur
une chose corporelle, par exemple le droit de
propriété.
Le droit personnel est, dans un rapport
d’obligation, le droit d’exiger d’une personne
qu’elle exécute une obligation, positive ou
négative, par exemple l’obligation de payer une
somme d’argent.
Les propriétés sur les choses incorporelles
comprennent principalement les monopoles
d’exploitation portant sur une œuvre de l’esprit ou
une invention (droits de propriété littéraire et
artistique, droits de propriété industrielle) et les
monopoles d’exploitation portant sur l’exercice d’une
activité professionnelle (droits de clientèles civiles et
commerciales).

Naturellement, la composition du patrimoine d’un


sujet de droit évolue : des éléments du patrimoine
naissent, d’autres disparaissent, d’autres enfin voient
leur valeur changer, croître ou diminuer.

Le patrimoine désigne surtout, en droit, l’aptitude à


acquérir et à exercer des droits et des obligations
ayant une valeur monétaire. La notion de patrimoine
est étroitement liée à la notion de personnalité
juridique : en effet, il ne peut pas y avoir de droits et
d’obligations sans personnalité juridique. Le
patrimoine est l’émanation de la personnalité
juridique. Par conséquent, comme la personnalité
juridique est unique et indivisible, chaque personne,
au sens juridique, a en principe un patrimoine et un
seul. Telle est la théorie de l’unicité du patrimoine,
formulée au milieu du XIXe siècle par Charles Aubry et
Charles Rau.
Deux dérogations ont été
apportées au principe de
l’unicité du patrimoine :
la fiducie et
l’entrepreneur individuel
à responsabilité limitée
(EIRL)
La fiducie

Introduite en droit français en 2007, la fiducie


(du latin fiducia, « confiance ») est une
opération juridique établie par la loi ou par un
contrat par laquelle une personne, dénommée
« constituant », transfère la propriété de biens
ou de droits à une ou plusieurs autres
personnes, dénommées « fiduciaires », qui
s’engagent à agir « dans un but déterminé au
profit d’un ou plusieurs bénéficiaires »,
pendant une durée limitée. La durée maximale
de la fiducie est portée à quatre-vingt-dix-neuf
ans. Il s’agit donc d’un transfert de propriété
limité dans son usage et dans le temps. Le
constituant peut être toute personne physique
ou morale. Les fiduciaires peuvent être des
établissements de crédit, des entreprises
d’investissement, des entreprises d’assurances
ou des avocats. La fiducie peut être utilisée
soit à des fins de gestion, soit à des fins de
garantie. Le constituant pouvant se désigner
lui-même comme bénéficiaire, la fiducie peut
présenter un intérêt majeur en présence d’une
personne vulnérable en raison de son âge,
d’un handicap ou d’une maladie, et qui
souhaiterait faire gérer ses biens par un tiers
de confiance. Toutefois, le fiduciaire est
responsable, sur son patrimoine propre, des
fautes qu’il commet dans l’exercice de sa
mission.

L’entrepreneur individuel à responsabilité


limitée

L’entrepreneur individuel à responsabilité


limitée (EIRL) est un type d’entrepreneur
individuel, c’est-à-dire une personne physique
qui s’établit à son compte et exerce de
manière indépendante une activité
professionnelle qui peut être de nature
commerciale, artisanale, libérale ou agricole
(voir chapitre 5). L’entrepreneur individuel ne
crée pas de société et est responsable de ses
dettes professionnelles sur l’ensemble de son
patrimoine. Afin de limiter le risque
professionnel des entrepreneurs individuels, le
législateur a introduit en 2010 le dispositif de
l’EIRL. Celui-ci repose sur la technique du
patrimoine d’affectation : l’entrepreneur
affecte à son activité professionnelle une
partie des éléments de son patrimoine, un
« sous-ensemble » de son patrimoine séparé
du reste, et nommé « patrimoine
d’affectation ». Ce mécanisme crée une cloison
étanche entre le patrimoine professionnel dit
« d’affectation » et le patrimoine personnel.
Les créanciers professionnels peuvent engager
des mesures d’exécution telles que des saisies
sur le seul patrimoine d’affectation, tandis que
les créanciers personnels (par exemple le
bailleur si l’entrepreneur individuel est
locataire) peuvent agir sur le seul patrimoine
personnel.

Essentiel est le principe selon lequel « l’actif répond


du passif ». En d’autres termes, les créanciers
disposent d’un droit de gage général sur le patrimoine
de leur débiteur. Ce principe est affirmé à
l’article 2284 du Code civil (« Quiconque s’est obligé
personnellement, est tenu de remplir son engagement
sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents
et à venir ») et à l’article 2285 (« Les biens du
débiteur sont le gage commun de ses créanciers »). Il
signifie que tout créancier peut, à l’expiration de sa
créance, saisir n’importe quel élément d’actif se
trouvant dans le patrimoine de son débiteur pour se
payer. On dit aussi que le patrimoine est une
« universalité de droit », ou « universalité juridique » :
le paiement de l’ensemble des dettes est assuré aux
créanciers du débiteur par l’ensemble de ses biens et
créances.

Si plusieurs créanciers se présentent en même temps


et que l’actif du débiteur ne permet pas de faire face
à la totalité du passif, chaque créancier recevra une
somme proportionnelle au montant de sa créance (on
dit que les créanciers sont payés « au marc le franc »,
même si le franc n’est plus utilisé…).

L’inconvénient de ce mécanisme est qu’il peut


dissuader des agents économiques qui disposent de
ressources financières, par exemple des
établissements bancaires, de consentir des prêts : le
prêteur n’a pas la certitude d’être remboursé
intégralement ! Le législateur a donc créé ce que l’on
appelle des « sûretés réelles » (voir chapitre 5).

La responsabilité pesant sur le patrimoine est-elle


limitée ? En principe, non. En raison du principe de
l’unicité du patrimoine et de son universalité, il n’est
pas possible de scinder le patrimoine et de « sortir »
certains éléments d’actif. Ce principe connaît
cependant une série d’exceptions. D’abord, le
législateur a recouru à la technique du patrimoine
d’affectation sans le dispositif de l’entrepreneur
individuel à responsabilité limitée (EIRL), introduit en
droit français par une loi du 15 juin 2010 (voir
l’encadré).

Ensuite, le législateur a mis en place la possibilité


pour les entrepreneurs individuels de protéger des
poursuites de ses créanciers professionnels son
habitation principale dès lors qu’il en est propriétaire
et, le cas échéant, tout bien immobilier bâti ou non
bâti dont il serait propriétaire et qu’il n’aurait pas
affecté à son usage professionnel. Cette possibilité
prend la forme d’une déclaration d’insaisissabilité
établie devant un notaire (on dit aussi « déclaration
d’insaisissabilité notariée »). Elle est ensuite publiée
au bureau des hypothèques. Tous les entrepreneurs
individuels peuvent faire cette demande. En revanche,
cette déclaration n’est pas possible si l’entrepreneur a
déjà créé une société civile immobilière (SCI) pour
isoler ses biens immobiliers. Elle n’est pas possible
non plus pour les gérants de sociétés à responsabilité
limitée (SARL), qu’ils soient majoritaires ou
minoritaires au capital de la société.

La classification des choses et des biens

La terminologie juridique emploie souvent


indifféremment le mot « chose » ou le mot « bien »
pour désigner ce qui est l’objet d’un droit patrimonial.

Quels sont les différents types de bien en droit ? Biens


meubles ou immeubles, biens corporels ou incorporels
sont les deux distinctions traditionnelles.

Biens meubles ou immeubles

Le droit français, qui s’inspire ici du droit romain,


opère d’abord une distinction essentielle entre, d’une
part, les biens meubles et, d’autre part, les biens
immeubles : « Tous les biens sont meubles ou
immeubles » (article 516 du Code civil, inchangé
depuis 1804). Quel est critère de la distinction ? Les
immeubles ne peuvent être déplacés, alors que les
meubles peuvent l’être.

Parmi les biens immeubles, on trouve :

les immeubles dits « par nature » : les


biens qui se caractérisent par leur immobilité,
c’est-à-dire tout ce qui est incorporé au sol et
en dépend (la terre, les constructions, les
canalisations de gaz et d’électricité, ainsi que
les biens meubles incorporés à un bien
immeuble) ;
les immeubles dits « par destination » :
les meubles qui sont l’accessoire d’un
immeuble et que, par utilité pratique, le droit
soumet au même régime juridique que les
immeubles – en vertu de la règle selon laquelle
l’accessoire suit le principal –, à condition qu’ils
appartiennent au même propriétaire que
l’immeuble (par exemple les meubles qui sont
physiquement attachés à un immeuble, comme
des bancs et des chaises dans un
amphithéâtre) ;
les droits réels qui portent sur des
immeubles (usufruit, servitudes) et les actions
en justice qui les sanctionnent (article 526 du
Code civil).

Certaines choses ont une matérialité, une corporalité,


d’autres non. Il est donc possible d’opérer une
distinction à l’intérieur de la catégorie des biens
meubles selon ce critère. Ainsi, parmi les biens
meubles, on trouve :

les biens meubles corporels. Ce sont à la


fois :
• les biens meubles par nature, ainsi définis par
le Code civil : « Sont meubles par leur nature
les animaux et les corps qui peuvent se
transporter d’un lieu à un autre, soit qu’ils se
meuvent par eux-mêmes, soit qu’ils ne puissent
changer de place que par l’effet d’une force
étrangère » (article 528 du Code civil). Par
exemple une commode est un bien meuble (et
un meuble, c’est bien commode !),
• les biens meubles dits « par anticipation » : ce
sont les biens immeubles destinés à devenir
meubles en raison de la séparation d’un
immeuble principal d’où ils proviennent, par
exemple les fruits d’une récolte ;
les biens meubles incorporels : ce sont les
parts sociales dans les sociétés (on parle
d’« actions » dans les sociétés par actions),
encore appelées « titres » ou « valeurs
mobilières », qui sont la contrepartie de l’apport
d’un associé à une société, les rentes
(article 529 du Code civil) et la plupart des
créances (on dit également de ces biens qu’ils
sont des « droits incorporels »).

Les navires, les bateaux de navigation intérieure et les


avions sont considérés par le droit français comme
des biens meubles. Les trains sont également
considérés comme des biens meubles ; en revanche,
les rails sont considérés comme des biens immeubles
en ce qu’ils ne reposent pas simplement sur le sol
mais y sont incorporés.

Biens corporels ou incorporels

Certains biens, nous l’avons vu, ont une matérialité,


une visibilité et un volume : ils sont concrets,
palpables. D’autres ne peuvent être touchés.

On opère classiquement deux distinctions pour classer


les choses corporelles :

Les choses consomptibles et les choses


non consomptibles : les premières sont celles
qui se consomment, ou disparaissent, lorsqu’on
les utilise selon leur usage normal, comme des
denrées alimentaires ; les secondes peuvent
faire l’objet d’un usage prolongé, même si leur
utilisation peut contribuer à les dégrader, à en
diminuer la valeur, comme une maison ou un
véhicule automobile.
Les choses fongibles, ou « choses de
genre », et les choses non fongibles, ou
« corps certains » : les premières, quoique
n’étant pas parfaitement identiques, peuvent
être employées indifféremment les unes pour
les autres pour un paiement ; elles sont
déterminées par leur nombre, leur poids ou leur
mesure, comme des billets de banque ou des
tonnes de pommes de même espèce. Les
secondes, en revanche, ont une singularité et
ne peuvent être remplacées exactement,
comme un tableau de maître.

Le développement de l’incorporel est un des signes de


notre époque… et du droit. Les biens incorporels ne
doivent pas être confondus avec une prestation de
services, comme une coupe de cheveux par un
coiffeur ou une course de taxi, ou encore une
prestation de conseil. En droit, un bien se distingue
d’un service en ce que le premier peut faire l’objet
d’un transfert de propriété, à la différence du second.
À l’issue d’un rendez-vous chez le coiffeur ou d’une
course de taxi, le client a bénéficié de l’exécution
d’une prestation de services, mais aucun élément
n’est entré dans son patrimoine : il n’est devenu
propriétaire de rien.

Aux éléments incorporels déjà évoqués, il convient


d’ajouter les biens incorporels suivants :

l’électricité ;
le fonds de commerce (qui désigne
l’ensemble des éléments corporels et
incorporels placés au service de l’activité d’un
commerçant), considéré par le droit comme un
bien incorporel distinct de ses éléments
constitutifs ; de même, le fonds artisanal
appartenant à l’artisan et le fonds libéral
appartenant au professionnel libéral ;
les offices ministériels dont sont propriétaires
les notaires, les avocats au Conseil d’État et à
la Cour de cassation, les huissiers de justice ou
les commissaires-priseurs ;
l’information, qui peut revêtir des formes
variées (savoir-faire, logiciel) ;
le secret ;
les droits intellectuels : droits de propriété
littéraire et artistique (droits d’auteur), droits de
propriété industrielle protégés auprès de
l’Institut national de la propriété industrielle
(INPI) (brevets d’invention, dessins et modèles,
marques de fabrique, de commerce et de
service, appellations d’origine, obtentions
végétales, logiciels) ;
les sites internet.

Les noms de domaines internet, ou « adresses URL »,


peuvent être protégés en tant que marques. Si les
logiciels sont protégés au titre des droits de propriété
industrielle, les bases de données entrent dans le
champ du droit d’auteur.
Les droits extérieurs au
patrimoine

Les droits extérieurs au patrimoine, ou « droits


extrapatrimoniaux », sont les droits subjectifs qui ne
sont pas susceptibles d’une évaluation pécuniaire.
Leur nature n’est pas monétaire. Les droits
extrapatrimoniaux sont intrinsèquement attachés à la
personne à laquelle ils sont liés ; ils sont
consubstantiels à la personne, ils en sont
indissociables. Certains d’entre eux sont marqués par
le principe du respect de la dignité de la personne
humaine.

Les droits extrapatrimoniaux présentent plusieurs


caractéristiques :

D’abord, le lien indissociable qui les unit à la


personne fait que leur existence suit l’existence
de la personne : ils naissent au moment de
l’acquisition de la personnalité juridique et
s’éteignent lorsque la personnalité juridique
disparaît. On dit qu’ils sont « imprescriptibles ».
Ensuite, les droits extrapatrimoniaux sont
« indisponibles » : ils ne peuvent être cédés à
autrui en vertu d’un contrat, transmis par
succession ou saisis par des créanciers. Seuls
les éléments du patrimoine sont transmissibles.
En revanche, le droit français admet qu’on
consente à autrui la possibilité de porter
atteinte à un droit extrapatrimonial, par
exemple le respect de l’intégrité physique
(incinération, don d’organe). Le droit reconnaît
également la possibilité pour des héritiers de
faire cesser l’atteinte à la personnalité d’un
parent défunt.
Enfin, la loi a consacré la transmissibilité du
droit moral d’un auteur sur son œuvre (qui est
le droit à la protection de l’intégrité de l’œuvre)
aux héritiers de l’auteur de l’œuvre. Ceux-ci
peuvent ainsi, par exemple, empêcher
l’utilisation ou la reproduction de l’œuvre dans
des conditions irrespectueuses.

Si les droits extrapatrimoniaux ne sont pas


susceptibles d’une évaluation pécuniaire, la réparation
de leur méconnaissance, en revanche, donne lieu à
l’allocation de dommages-intérêts, c’est-à-dire une
indemnisation financière destinée à réparer le
préjudice subi.

Quels sont-ils ?

Dans la catégorie des droits extrapatrimoniaux, on


trouve d’abord les droits fondamentaux de la
personne ainsi que les droits politiques, publics, civils
et civiques, reconnus à la fois par le droit français
(Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de
1789, Code civil) et par le droit international
(Déclaration universelle des droits de l’homme de
1948, Convention européenne de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales de
1950, Pacte international relatif aux droits civils et
politiques des Nations unies de 1966), notamment :

le droit sur son propre corps. L’article 16


du Code civil énonce : « La loi assure la
primauté de la personne, interdit toute atteinte
à la dignité de celle-ci et garantit le respect de
l’être humain dès le commencement de sa
vie. » L’article 16-1 précise : « Chacun a droit
au respect de son corps. Le corps humain est
inviolable. Le corps humain, ses éléments et
ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit
patrimonial » ;
le droit au respect de la vie privée (on
parle parfois de « droit à l’intimité »), posé par
l’article 9, alinéa 1er, du Code civil : « Chacun a
droit au respect de sa vie privée. » Le droit à
l’image est également protégé. Il permet à
toute personne de s’opposer à la reproduction
et à la diffusion, sans son autorisation expresse,
de son image, quelle que soit la nature du
support utilisé ;
le droit au secret des correspondances ;
le droit à l’inviolabilité de son domicile ;
les droits civils et politiques. L’article 7 du
Code civil énonce : « L’exercice des droits civils
est indépendant de l’exercice des droits
politiques, lesquels s’acquièrent et se
conservent conformément aux lois
constitutionnelles et électorales. » Et l’article 8
proclame : « Tout Français jouira des droits
civils » ;
le droit à la vie ;
le droit aux libertés fondamentales ;
le droit à l’honneur ;
le droit moral du créateur d’une œuvre
littéraire ou artistique sur son œuvre, c’est-à-
dire la paternité de l’auteur sur son œuvre.
Puis-je m’opposer à la
diffusion des images me
concernant ?
Pour être conforme à la loi, la reproduction ou
la diffusion, par exemple par Internet, de
l’image d’une personne doit faire l’objet d’une
autorisation expresse de la personne
concernée. Cette autorisation doit préciser les
modalités d’utilisation de l’image : finalité et
durée de l’utilisation. Dans le cas d’images
prises dans les lieux publics, seule
l’autorisation des personnes qui sont isolées et
reconnaissables est nécessaire. L’article 226-1
du Code pénal punit d’emprisonnement et
d’amende la violation de cette obligation.
Toutefois, lorsque la capture de l’image d’une
personne a été accomplie « au vu et au su »
de la personne concernée sans qu’elle s’y soit
opposée alors qu’elle était en mesure de le
faire, le consentement de celle-ci est présumé.

Le cas des personnalités publiques est


différent. Dans le cadre de leurs activités
publiques ou professionnelles, l’autorisation de
publication de leur image est présumée, en
vertu du droit à l’information, sous la condition
que l’image soit utilisée à des fins
d’information. Néanmoins, lorsqu’une
personnalité publique se trouve dans un lieu
public indépendamment de sa vie publique ou
professionnelle, elle se trouve dans la même
situation juridique que les autres citoyens.

À côté des droits fondamentaux de la personne, on


trouve dans les droits extrapatrimoniaux des droits qui
portent sur l’état des personnes, c’est-à-dire
l’ensemble des éléments qui permettent d’identifier
une personne. Ces droits expriment l’individualité du
sujet : ils dérivent de son état civil. On y trouve les
droits de famille : droits qu’une personne tire de sa
filiation, droit au mariage, droits de chacun des époux,
droit d’autorité parentale. On y trouve également le
droit à la nationalité ainsi que le droit au nom.
Est-il possible de
demander à changer son
nom ?
Les articles 61 à 61-4 du Code civil donnent la
possibilité de changer de nom à toute
personne de nationalité française qui justifie
d’un « intérêt légitime ».
Qui peut en faire la demande ? Tout Français
majeur peut en faire la demande. Le
changement de nom s’étend aux enfants du
bénéficiaire lorsqu’ils ont moins de 13 ans.
Lorsqu’il a plus de 13 ans, le mineur doit
consentir personnellement et par écrit à son
changement de nom. Chacun des époux
conserve légalement son nom en se mariant,
mais il demeure possible de prendre le nom de
son conjoint à titre d’usage.

Pour quels motifs ? L’intérêt légitime exigé


peut résider dans :
le caractère difficile à porter un nom en
raison de sa consonance ridicule ou
péjorative, de sa complexité ou en raison
d’une condamnation pénale
particulièrement grave ;
l’apparence, l’origine ou la consonance
étrangère du nom, dans un souci de
meilleure intégration dans la communauté
nationale ;
l’usage constant et continu d’un nom
s’étendant sur une période suffisamment
longue et sur au moins trois générations ;
le « relèvement » d’un nom, porté par un
ascendant ou un collatéral du demandeur
jusqu’au quatrième degré, éteint ou
menacé d’extinction ;
l’unité du nom familial.

On utilise fréquemment l’expression de « droits de la


personnalité » pour désigner l’ensemble des droits
portant sur des intérêts moraux, tels que l’identité, la
vie privée ou l’honneur, et sur le corps humain, ainsi
que les moyens de leur réalisation : correspondances,
domicile, image.
Troisième partie

Les branches du droit

Dans cette partie…

Le droit est un univers où cohabitent plusieurs


mondes, peuplés de créatures singulières et de règles
propres…

Le droit peut se représenter en arborescence. Cette


partie présente les différentes branches et sous-
branches du droit, encore appelées « divisions du
droit », qui correspondent à différents thèmes – ici,
« droit » renvoie naturellement à la notion de « droit
objectif » (voir chapitre 3) –, et, pour chacune d’elles,
les juridictions compétentes (du latin jus, juris, « le
droit », et dictio, « action de dire »). Les juridictions
désignent les enceintes où la justice est rendue, les
organes chargés de juger ; la « compétence » d’une
juridiction désigne l’étendue des attributions que la loi
lui a confiées. Ainsi, dire qu’une juridiction est
« compétente » pour trancher tel litige signifie que
cette juridiction a qualité pour se prononcer sur le
litige en question. On dit également que les
juridictions « connaissent » des litiges qui surviennent
dans la branche du droit qui les concerne, et qu’elles
« tranchent » les litiges qui leur sont soumis.

En ce qui concerne les branches du droit, deux grands


ensembles de règles dominent le paysage : le droit
privé et le droit public. Cette distinction est ancienne,
et certains auteurs ont pu la qualifier de summa
divisio du droit, la « division suprême ». La distinction
entre droit privé et droit public est certes imparfaite et
insuffisante en raison de la porosité entre les deux
blocs, comme nous le verrons ; toutefois, elle
conserve une grande pertinence. Enfin, le droit pénal
occupe une place singulière.

Sur cette summa divisio vient se « poser » une


organisation juridictionnelle. En effet, en France, les
juridictions s’organisent en deux ordres : l’ordre
judiciaire, chargé de trancher les litiges de droit privé,
et l’ordre administratif, chargé de trancher les litiges
de droit public. Cette dualité des ordres de juridiction
est l’héritage d’une longue tradition historique qui, à
partir de la Révolution, a souhaité placer les litiges
découlant de l’action de l’administration en dehors du
champ de compétence des juges judiciaires.
On ne peut étudier les branches du droit sans étudier
les juridictions associées. Car, sans la justice, la loi n’a
pas de force. L’adoption d’une norme se distingue de
son application : les normes ne s’autoexécutent pas !
Lorsqu’une règle est enfreinte, le bras d’une justice
immanente ne se lève pas, dans l’instant, pour venir
frapper l’auteur et le complice… Au XIXe siècle, le
juriste allemand Jhering écrivait : « Une règle de droit
sans contrainte, c’est un feu qui ne brûle pas, c’est un
flambeau qui n’éclaire pas. » La sanction de la règle
n’est possible que si la collectivité consacre des
moyens à la possibilité de la sanction : juges pour
trancher les litiges qui leur sont soumis, forces de
police pour interpeller les contrevenants aux lois,
construction de lieux de privation de liberté. Une loi
dépourvue de force n’est pas seulement dépourvue
d’effet : elle est nuisible, car seule la conscience de
l’application de la règle par l’autorité judiciaire incite à
respecter la règle. En matière pénale, la sanction ne
dissuade de commettre l’infraction qu’à la condition
que chacun sache que la sanction sera appliquée avec
certitude. Pour Richelieu, « Faire une loi et ne pas la
faire exécuter, c’est autoriser la chose qu’on veut
défendre ». Bref, comme le dit un proverbe, « La
justice, c’est comme la Sainte-Vierge : si on ne la voit
pas de temps en temps, le doute s’installe ! ».
Chapitre 5

Le droit privé

Dans ce chapitre…
Les composantes du droit privé
Les juridictions associées

Dehors l’État ! On reste entre personnes privées…

Le droit privé désigne l’ensemble des règles qui


régissent, ou gouvernent, les rapports, économiques
ou non, qui s’établissent entre les personnes privées,
qu’il s’agisse de personnes physiques, c’est-à-dire des
individus, ou de personnes morales de droit privé. En
d’autres termes, l’ensemble des relations entre
personnes privées sont encadrées par des règles,
qu’on appelle le « droit privé ». Les règles de droit
privé assurent essentiellement la sauvegarde
d’intérêts privés.

Si le droit privé est un arbre, son tronc est le droit


civil. C’est le droit commun à tous. À côté du droit civil
existent, au sein du droit privé, des droits dits
« spéciaux », dont les principaux sont le droit
commercial et le droit social. Ces droits sont dits
« spéciaux » car ils s’appliquent spécifiquement à une
catégorie de sujets de droit (les commerçants, les
employeurs et les salariés). Cela signifie que seuls ces
sujets de droit sont concernés, les autres en étant
exclus : par exemple, n’étant pas salarié, un
professionnel libéral n’est pas soumis au Code du
travail ; seules peuvent éventuellement lui être
applicables les règles du Code du travail s’il
embauche des salariés. En revanche, ces règles
s’appliquent obligatoirement aux sujets de droit
concernés : ceux-ci ne peuvent pas refuser d’y être
soumis.

L’ordre de juridiction chargé de résoudre les conflits


de droit privé s’appelle l’« ordre judiciaire ». Les
juridictions de l’ordre judiciaire du premier degré et
d’appel sont placées sous l’autorité de la Cour de
cassation.

Ne vous inquiétez pas, nous allons voir tout cela plus


concrètement !
Les composantes du droit privé
Le « tronc » : le droit civil
« Il est d’usage qu’une introduction à l’étude
particulière du droit civil puisse valoir, de surcroît,
comme introduction à l’étude générale du droit. C’est
que le droit civil a dans sa vocation traditionnelle
d’offrir des modèles aux autres disciplines juridiques.
Non pas nécessairement qu’il ait le domaine
d’application le plus considérable, s’il l’avait il y a un
siècle, il ne l’a sans doute plus aujourd’hui… Mais ce
qui reste vrai, c’est qu’il présente le plus haut degré
d’achèvement et, si l’on veut, de perfection. » Ces
lignes du doyen Carbonnier montrent la place
essentielle qu’occupe le droit civil dans le droit privé
et, plus généralement, dans le droit tout court !

Est-il possible, dans une succession, de favoriser un


enfant par rapport à un autre ? Qui exerce l’autorité
parentale en cas de divorce ? Quelles sont les
obligations du bailleur et celles du locataire ? Quelles
sont les conditions de validité d’un contrat ? Comment
peut-on engager la responsabilité de l’auteur d’un
dommage ? Voilà quelques-unes des questions
auxquelles le droit civil apporte des réponses.

Où se trouvent les règles de droit civil ?


Principalement, bien sûr, dans le Code civil, mais
également dans d’autres sources.

Le Code civil

Nous avons vu combien l’œuvre de codification voulue


par Napoléon avait essaimé dans le monde et
contribué à fonder le système dit « de droit civiliste ».
De nombreux articles demeurent en vigueur
aujourd’hui sous leur forme originale.

Le droit civil règle les activités les plus communes à


tous les citoyens et le statut personnel de chacun. On
a coutume de dire que le droit civil constitue le « droit
commun », c’est-à-dire le droit général, applicable à
tous, par opposition aux droits spéciaux, tels que le
droit commercial ou le droit du travail, qui
s’appliquent spécifiquement à une catégorie de sujets
de droit (les commerçants pour le premier, les
employeurs et les salariés pour le second).

Quels sont les principaux types de règle que l’on


rencontre dans le Code civil ? Quatre grands
ensembles se dégagent : le droit des personnes et de
la famille, le droit des biens, le droit des obligations, le
droit patrimonial de la famille.

Le droit des personnes et de la famille

Le droit des personnes et de la famille couvre un


champ vaste de règles. Quelles sont-elles ?

D’abord, les droits de la personnalité, que nous avons


vus (voir chapitre 4).

Les règles relatives à la nationalité


française : la nationalité française peut être
détenue dès l’origine ; elle peut également être
acquise. Un sujet de droit peut perdre
volontairement la nationalité française ; il peut
être réintégré dans la nationalité française ; il
peut être déchu de la nationalité française.
Les actes de l’état civil, établis par un officier
d’état civil, énoncent une série de mentions
parmi lesquelles l’année, le jour et l’heure où ils
sont reçus, les prénoms et nom de l’officier de
l’état civil et, lorsqu’ils sont connus, les dates et
lieux de naissance des parents dans les actes
de naissance et de reconnaissance, de l’enfant
dans les actes de reconnaissance, des époux
dans les actes de mariage, du décédé dans les
actes de décès.
Le domicile de tout citoyen français est établi
au lieu où il a son principal établissement. Le
Code civil prévoit une série de règles relatives
aux droits qui s’y attachent ainsi qu’au
changement de domicile.
Le Code civil organise également le cadre
juridique relatif à l’absence et à la disparition
des personnes physiques (voir chapitre 4).
Le mariage peut être contracté par deux
personnes de sexes différents ou, depuis une loi
du 17 mai 2013, de même sexe. Il ne peut être
contracté avant 18 ans révolus, pour chacun
des deux époux, et il n’est pas possible de
contracter un second mariage avant la
dissolution du premier. La loi prescrit les
formalités nécessaires à la célébration du
mariage. Celui-ci est célébré publiquement par
l’officier de l’état civil de la commune dans
laquelle l’un des époux, ou l’un de leurs
parents, aura un domicile. Le mariage contracté
en pays étranger entre Français, ou entre un
Français et un étranger, est valable au regard
du droit français s’il a été célébré dans les
formes en vigueur dans le pays de célébration
et s’il respecte les qualités et conditions
requises pour pouvoir contracter mariage. Il
peut être fait opposition à la célébration du
mariage par chacun des époux, leur père ou
mère, à défaut les aïeuls et aïeules et, sous
certaines conditions, le frère ou la sœur, l’oncle
ou la tante, le cousin ou la cousine germains,
pourvu qu’ils soient majeurs. Le mariage qui a
été contracté sous la contrainte ou en l’absence
du consentement libre des deux époux, ou de
l’un d’eux, peut être annulé dans un délai de
cinq ans, à compter de la célébration du
mariage, à l’initiative des époux ou de l’un
d’eux, ou par le ministère public. De même, s’il
y a eu erreur sur la personne, ou sur des
« qualités essentielles » de la personne, l’autre
époux peut demander la nullité du mariage
(article 180 du Code civil). Le Code civil pose
les obligations qui naissent du mariage,
notamment, pour les époux, « l’obligation de
nourrir, entretenir et élever leurs enfants »
(article 203 du Code civil) et, pour les enfants,
celle de pourvoir en aliments « leurs père et
mère ou autres ascendants qui sont dans le
besoin » (article 205 du Code civil). Les époux
« se doivent mutuellement respect, fidélité,
secours, assistance » (article 212 du Code civil).
Ils « assurent ensemble la direction morale et
matérielle de la famille », ils « pourvoient à
l’éducation des enfants et préparent leur
avenir » (article 213 du Code civil). Ils
« s’obligent mutuellement à une communauté
de vie » (article 215 du Code civil).
Le divorce peut être prononcé en cas « soit
de consentement mutuel, soit d’acceptation du
principe de la rupture du mariage, soit
d’altération définitive du lien conjugal, soit de
faute » (article 229 du Code civil). La décision
qui prononce le divorce dissout le mariage « à
la date à laquelle elle prend force de chose
jugée » (article 260 du Code civil). À la
différence du divorce, la séparation de corps
n’aboutit pas à la dissolution du mariage mais
produit seulement un relâchement du lien
conjugal. Les époux sont autorisés à vivre
séparément, mais certaines des obligations du
mariage demeurent. La séparation de corps
« peut être prononcée à la demande de l’un des
époux dans les mêmes cas et aux mêmes
conditions que le divorce » (article 296 du Code
civil).
L’établissement de la filiation peut se faire
par l’effet de la loi : la filiation est établie, « à
l’égard de la mère, par la désignation de celle-ci
dans l’acte de naissance de l’enfant »
(article 311-25 du Code civil). L’enfant « conçu
ou né pendant le mariage a pour père le mari »
(article 312 du Code civil). La filiation peut
également être établie par « une
reconnaissance de paternité ou de maternité,
faite avant ou après la naissance » (article 316
du Code civil). Des actions en établissement de
filiation comme en contestation de filiation sont
possibles.
Le droit civil français permet également
l’adoption, ou « filiation adoptive ». Si la
personne adoptée est le plus souvent mineure,
elle peut également être majeure. Le Code civil
organise deux procédures : l’adoption plénière
et l’adoption simple. L’adoption plénière
confère à l’adopté « une filiation qui se
substitue à sa filiation d’origine » (article 356
du Code civil). En d’autres termes, l’adopté
cesse d’appartenir à sa famille par le sang.
Dans l’adoption simple, en revanche, l’accueil
de l’adopté au foyer de l’adoptant n’est pas
nécessaire. L’adopté conserve l’ensemble de
ses droits attachés à sa famille d’origine,
notamment ses droits héréditaires. En
revanche, l’adoptant est investi à l’égard de
l’adopté de tous les droits d’autorité parentale.
Les adoptions internationales sont régies par
une Convention du 29 mai 1993 sur la
protection des enfants et la coopération en
matière d’adoption internationale, dite
« convention de La Haye », qui a pour objet de
garantir la protection de l’intérêt de l’enfant,
d’instaurer un mécanisme de coopération entre
les États pour empêcher l’enlèvement, la vente
ou la traite d’enfants et d’assurer la
reconnaissance dans les États des adoptions
internationales.
L’autorité parentale est définie par
l’article 371-1 du Code civil comme « un
ensemble de droits et de devoirs ayant pour
finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux
parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation
de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa
santé et sa moralité, pour assurer son
éducation et permettre son développement,
dans le respect dû à sa personne. Les parents
associent l’enfant aux décisions qui le
concernent, selon son âge et son degré de
maturité. » L’expression « droit de garde » et
l’adjectif « légitime », pour caractériser l’enfant
né d’un couple marié, ont désormais disparu du
langage juridique français. Chacun des parents
contribue à l’entretien et à l’éducation des
enfants à proportion de ses ressources, de
celles de l’autre parent et des besoins de
l’enfant. Cette obligation ne cesse pas de plein
droit, c’est-à-dire de manière automatique,
lorsque l’enfant est majeur. L’enfant ne peut,
sans permission des père et mère, quitter la
maison familiale. Chacun des parents est
présumé agir avec l’accord de l’autre lorsqu’il
accomplit seul un acte usuel de l’autorité
parentale. Le père ou la mère qui est hors
d’état de manifester sa volonté, notamment en
raison de son incapacité ou de son absence,
peut être privé de l’exercice de l’autorité
parentale. Dans l’hypothèse où l’un des père et
mère décède ou se trouve privé de l’exercice de
l’autorité parentale, l’autre exerce seul cette
autorité. Cependant, le juge peut toujours, dans
l’intérêt de l’enfant, confier l’exercice de
l’autorité parentale à l’un des deux parents. En
cas de séparation entre les parents, ou entre
ceux-ci et l’enfant, la contribution à son
entretien et à son éducation prend la forme
d’une pension alimentaire versée, selon le cas,
par l’un des parents à l’autre, ou à la personne
à laquelle l’enfant a été confié. Et dans
l’hypothèse où il ne demeurerait plus ni père ni
mère en état d’exercer l’autorité parentale, le
juge des tutelles procéderait à l’ouverture d’une
tutelle.
Enfin, on trouve dans le droit des personnes
et de la famille les règles relatives à la
capacité, à la tutelle et à la curatelle, que
nous avons vues (voir chapitre 4).

Le droit des biens

Le deuxième grand ensemble de règles que l’on


trouve dans le Code civil est le droit des biens.

« Tant qu’on n’est pas propriétaire, on ne peut


s’imaginer combien il est ignoble de porter atteinte à
la propriété ! » écrit Tristan Bernard dans Le Fardeau
de la liberté (1897).
La loi consacre le droit de propriété. Ce droit n’a pas
seulement une valeur légale, mais également une
valeur constitutionnelle, puisqu’il est reconnu dans la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de
1789, à la fois :

par l’article 2 : « Le but de toute association


politique est la conservation des droits naturels
et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont
la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance
à l’oppression » ;
et par l’article 17 : « La propriété étant un
droit inviolable et sacré, nul ne peut en être
privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique,
légalement constatée, l’exige évidemment, et
sous la condition d’une juste et préalable
indemnité. »

Le droit de propriété est également protégé par


plusieurs textes de droit international (voir la partie
des Dix).

C’est l’article 544 du Code civil qui précise la


signification du droit de propriété : « La propriété est
le droit de jouir et disposer des choses de la manière
la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage
prohibé par les lois ou par les règlements. » On
distingue traditionnellement trois aspects dans le droit
de propriété : le droit d’user de la chose (usus), le
droit de jouir de la chose ou de ne pas en jouir
(fructus), qui comprend le droit de percevoir les fruits
que produit la chose – qu’il s’agisse de fruits naturels
(pommes), des fruits de la chose et du travail de
l’homme (récoltes des champs) ou des fruits civils
(loyers, intérêts) –, et le droit de disposer de la chose
(abusus), c’est-à-dire notamment de la vendre.

La propriété se distingue de la possession, qui est une


notion plus délicate à appréhender. La possession est
définie par le Code civil comme « la détention ou la
jouissance d’une chose ou d’un droit que nous tenons
ou que nous exerçons par nous-mêmes, ou par un
autre qui la tient ou qui l’exerce en notre nom »
(article 2255). La possession est l’état dans lequel se
trouve une personne (on parle de « possesseur ») qui
se croit propriétaire d’un bien meuble ou immeuble et
se conduit comme tel. En matière de biens meubles,
la possession vaut titre (article 2276 du Code civil). En
revanche, en matière de biens immeubles, en
l’absence de titre de propriété, une longue possession
(trente ans ou, sous certaines conditions, dix ans ou
vingt ans) permet de devenir le propriétaire du bien
(on parle de « prescription acquisitive » ou
« usucapion »).

Quelle est l’étendue du droit de propriété ? D’abord, la


propriété du sol, nous dit l’article 552, alinéa 1er, du
Code civil, « emporte la propriété du dessus et du
dessous ». Et l’eau ? En ce qui concerne les eaux
pluviales, tout propriétaire d’un terrain (on dit aussi
« un fonds ») a le droit d’en user et d’en disposer,
c’est-à-dire par exemple de les donner… ou de les
vendre dès lors qu’elles « tombent sur son fonds »
(article 641, alinéa 1er, du Code civil). Quant aux
sources d’eau, y compris souterraines, elles
appartiennent au propriétaire du fonds sur lesquelles
elles jaillissent.

Ensuite, la propriété d’une chose, qu’elle soit


mobilière ou immobilière, « donne droit sur tout ce
qu’elle produit, et sur ce qui s’y unit accessoirement
soit naturellement, soit artificiellement » (article 546
du Code civil). Ce droit s’appelle « droit d’accession ».
Tout ce qu’elle produit ? Bien sûr, car le propriétaire a
le fructus. Tout ce qui s’y unit ? Oui, c’est ce que l’on
appelle l’« accession par incorporation ». Il peut s’agir
de l’incorporation à un bien meuble – le cas est assez
rare – ou de l’incorporation à un bien immeuble,
qu’elle soit naturelle (pigeons des colombiers, lapins
des garennes, poissons de certains plans d’eau) ou
artificielle (constructions ou plantations).

Puisque, comme disait Sartre, « L’enfer, c’est les


autres », le Code civil cherche à faciliter la
coexistence entre personnes privées et les rapports
de voisinage, qui peuvent être source de heurts et de
nuisances. Le principal mécanisme est celui des
servitudes légales. De quoi s’agit-il ? Les servitudes
légales sont des restrictions, ou charges, imposées
par la loi à un fonds dit « fonds servant » au profit
d’un fonds dit « fonds dominant ». « Services
fonciers » est parfois employé dans le même sens que
« servitudes ». En particulier, le propriétaire d’un
fonds enclavé, c’est-à-dire n’ayant aucun accès ou un
accès insuffisant à une voie publique, peut « réclamer
sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour
assurer la desserte complète de ses fonds, à charge
d’une indemnité proportionnée au dommage qu’il
peut occasionner » (article 682 du Code civil). Sous
cette réserve, nous dit l’article 647 du Code civil,
« tout propriétaire peut clore » son terrain.

La propriété peut s’acquérir soit par l’effet d’une


convention, ou « contrat » (voir plus bas, les
obligations contractuelles), soit par la possession. De
quelles manières ?
Soit par l’occupation d’une chose
dépourvue de maître (produits de la chasse
ou de la pêche, choses abandonnées) ou ayant
peut-être un propriétaire, mais inconnu, et peu
susceptible d’être jamais connu, de sorte que
nul ne peut justifier d’un droit de propriété sur
la chose (trésors, épaves).
Soit par la possession de bonne foi d’un bien
meuble en vertu de l’article 2276, alinéa 1er,
du Code civil : « En fait de meubles, la
possession vaut titre. »
Soit par la prescription acquisitive, encore
appelée « usucapion », c’est-à-dire l’effet de la
possession pendant une certaine durée.
La propriété peut-elle se
perdre par l’absence
d’usage ?
Non. En droit français, la propriété a un
caractère perpétuel. Le propriétaire (on dit
aussi le « maître ») a le droit de ne pas se
servir de la chose qui lui appartient pendant
un temps très long, aucun des éléments de
son droit de propriété n’en sera affecté. En
revanche, il est possible qu’en raison de la
détérioration de certains objets par l’« injure
du temps », selon la formule de Voltaire, ou de
l’effet des mites ou des termites l’usage ne
puisse plus en être tout à fait le même…

Le plus fréquemment, le droit de propriété s’exerce de


manière individuelle. Cela signifie que l’usus, le
fructus et l’abusus appartiennent tous les trois au
même sujet de droit, qu’il s’agisse d’une personne
physique ou d’une personne morale. On parle alors de
« propriété individuelle ». Mais la loi envisage des
hypothèses dans lesquelles le droit de propriété est
détenu et exercé de manière collective, c’est-à-dire
que les sujets de droit sont liés. On parle alors de
« propriété collective » ou de « propriété commune ».
Tel est le cas :

de l’indivision (on parle de « biens


indivis ») : c’est la situation dans laquelle se
trouvent des biens sur lesquels s’exercent des
droits de même nature appartenant à des
sujets de droit distincts. Elle est prévue dans
certains cas par la loi (ouverture d’une
succession, dissolution d’une communauté
entre époux), ou elle peut être décidée par des
parties dans le cadre d’une convention ;
de la copropriété des immeubles bâtis,
qui repose sur la distinction entre parties
privatives et parties communes. Un règlement
de propriété détermine les droits et obligations
des copropriétaires, lesquels forment un
groupement juridiquement reconnu : le syndicat
de copropriétaires, doté de la personnalité
juridique ;
des copropriétés de voisinage, telles que
clôtures, voies d’accès, puits ou lavoirs ;
des communautés de biens entre époux :
tout (communauté universelle) ou partie
(communauté réduite aux acquêts) des biens
des époux forme une masse commune qui
constitue une copropriété indivise.

Si les trois éléments qui composent le droit de


propriété sont généralement regroupés sur un seul
sujet de droit, la propriété peut également être
démembrée. Dans cette hypothèse, une séparation
est opérée entre l’usus, le fructus et l’abusus. Le
principal cas de démembrement est l’usufruit et la
nue-propriété. À l’usufruitier revient le pouvoir d’user
et de jouir de la chose, c’est-à-dire l’usus et le
fructus ; au nu-propriétaire demeure le pouvoir de
disposer de la chose, l’abusus. Ainsi, l’usufruitier n’est
pas en droit de vendre, de donner ou de détruire le
bien.

L’usufruit ne doit pas être confondu avec l’indivision.


Dans l’indivision, les droits des indivisaires sont de
même nature. Au contraire, dans l’usufruit, les droits
des nus-propriétaires et ceux des usufruitiers
diffèrent.

Le droit des obligations

« Lorsque l’on a compris le droit des obligations, on a


acquis la maturité juridique nécessaire pour
comprendre n’importe quel droit. » Ainsi s’exprimait
Félix Bigot de Préameneu, qui fut l’un des rédacteurs
du Code civil napoléonien.

On distingue deux grands types d’obligation : les


obligations contractuelles, qui naissent d’un contrat,
et les obligations extracontractuelles, qui naissent de
la loi. Ces deux types d’obligation fondent ce que l’on
nomme communément les « deux responsabilités
civiles » : la responsabilité civile contractuelle et la
responsabilité civile extracontractuelle, également
appelée « responsabilité civile délictuelle ».

Une convention est ce par quoi on convient de


quelque chose. Une convention, ou « contrat », est
nouée lorsque deux volontés se rencontrent,
s’accordent. C’est pourquoi on dit qu’une convention
est un accord de volontés réel destiné à créer des
effets de droit, ou des effets juridiquement reconnus,
c’est-à-dire des droits (subjectifs) et des obligations,
des engagements. Le Code civil, en son article 1101,
distingue trois types d’obligations : l’obligation de
donner, l’obligation de faire, l’obligation de ne pas
faire.

On distingue également les obligations de moyens des


obligations de résultat. Celui qui contracte une
obligation de moyens s’engage à déployer ses
meilleurs efforts pour atteindre l’objectif visé (ex. : le
médecin s’engage à mettre en œuvre tous les moyens
dont il dispose pour soigner son patient), alors que
celui qui contracte une obligation de résultat a
l’obligation d’atteindre l’objectif précisément donné
(ex. : la livraison de 1 tonne d’oranges à une date
convenue).

Attention : « volonté » ne signifie pas « obligation ».


Le contrat est un acte bilatéral : deux (au moins)
volontés réciproques s’expriment et s’accordent. La
plupart des contrats font naître des obligations
réciproques à la charge des parties ; on parle alors de
« contrat synallagmatique », ou « contrat bilatéral ».
Mais il existe des contrats qui ne font naître des
obligations que pour une seule partie ; on les appelle
des contrats unilatéraux (ex. : la promesse unilatérale
de vente). En revanche, un acte unilatéral est la
manifestation d’une seule volonté et d’un seul
engagement ; on parle aussi d’« engagement
unilatéral » (ex. : le testament, la reconnaissance d’un
enfant).

En droit, les personnes qui s’engagent dans un contrat


s’appellent des parties (par exemple, un vendeur et
un acquéreur). Attention, le terme est féminin : à ne
pas confondre avec un parti politique ! Si un grand
nombre de contrats comptent deux parties, il est tout
à fait possible de rencontrer des contrats faisant
intervenir davantage de parties !

Il existe plusieurs classifications possibles des


contrats :
Contrats nommés et contrats
innommés : les contrats nommés sont prévus
et encadrés par la loi (ex. : le Code civil prévoit
expressément un grand nombre de types de
contrat, tels que le contrat de mariage
[article 1387], le contrat de vente
[article 1582], l’échange [article 1702], le
contrat de louage, de choses ou d’ouvrage
[également appelé « contrat de bail »]
[article 1708], le contrat de promotion
immobilière [article 1831-1], le contrat de
société [article 1832], le contrat de prêt
[article 1874]), alors que les contrats innommés
ne le sont pas (ex. : le contrat de
déménagement).
Contrats principaux et contrats
accessoires : si certains contrats sont
autonomes, d’autres fonctionnent en
« binôme ». Un contrat dit « accessoire » se
rattache à un contrat dit « principal », le contrat
accessoire n’ayant pas d’existence
indépendante (ex. : le contrat de prêt destiné à
financer l’achat d’un appartement, le contrat de
sous-location).
Contrats négociés et contrats
d’adhésion : le contenu des contrats négociés
fait l’objet d’une libre négociation entre les
parties (ex. : le contrat de vente de gré à gré),
alors que celui des contrats d’adhésion est en
tout ou en partie imposé par l’une des parties à
l’autre (ex. : un contrat d’assurance, un contrat
de transport avec une compagnie aérienne, un
contrat d’ouverture de compte bancaire, des
conditions générales de vente).
Contrats à titre onéreux et contrats à
titre gratuit : le contrat à titre onéreux peut
être synallagmatique (ex. : une vente) ou
unilatéral (ex. : un prêt à intérêts). Le contrat à
titre gratuit peut être synallagmatique (ex. :
une donation avec charges) ou unilatéral (ex :
une donation sans charges).
Contrats commutatifs et contrats
aléatoires : dans un contrat commutatif,
chaque partie connaît au jour de son
consentement le montant des prestations
auxquelles elle s’engage (ex. : le contrat de
vente en général), alors que dans un contrat
aléatoire l’existence ou l’étendue de la
prestation d’une des parties dépend d’un
événement incertain (ex. : le contrat
d’assurance, le contrat de vente moyennant le
versement d’une rente viagère).
Contrats à exécution instantanée et
contrats à exécution successive : alors que
les contrats à exécution instantanée créent des
obligations pouvant être exécutées en une
seule fois (ex. : le contrat de vente en général),
les contrats à exécution successive, ou
échelonnée, créent des obligations dont
l’exécution s’inscrit dans la durée (ex. : le
contrat de travail, le contrat d’abonnement
auprès d’un opérateur de téléphonie mobile ou
d’un fournisseur d’accès à Internet).
Contrats consensuels, contrats solennels
et contrats réels : un contrat consensuel est
un contrat formé solo consensu, c’est-à-dire par
le simple accord de volontés des parties sans
aucune condition de forme (ex. : le contrat de
vente d’un bien meuble, en général). Un contrat
réel est un contrat dont la formation nécessite
la remise de la chose objet du contrat (ex. : le
contrat de dépôt, le contrat de prêt). Un contrat
solennel est un contrat dont la formation
nécessite l’accomplissement de certaines
formalités (ex. : le contrat de mariage nécessite
un acte notarié, le contrat de vente à domicile
nécessite un acte sous seing privé).
Contrats conclus intuitu personae et
contrats impersonnels : un contrat conclu
intuitu personae est un contrat conclu en
considération de la personne du cocontractant,
de ses qualités propres. C’est un contrat que
nous ne passerions pas avec un autre (ex. : le
contrat de mariage, le contrat de travail).
Comme le disait Montaigne de l’amitié qui le
liait à La Boétie, et qu’il ne pouvait expliquer
autrement qu’ainsi : « Parce que c’était lui,
parce que c’était moi » (Les Essais,
chapitre 28 : « De l’amitié »). Un contrat
impersonnel est un contrat conclu en l’absence
de considération de la personne du
cocontractant (ex. : le contrat de vente).
Contrats entre professionnels (B to B) et
contrats de consommation (B to C) : dans
les premiers n’intervient aucun consommateur,
c’est-à-dire un non-professionnel, alors que les
seconds lient un professionnel à un
consommateur.

Il y a deux temps, deux moments dans la vie d’un


contrat : le temps de sa formation, c’est-à-dire sa
naissance, et le temps de son exécution. Un contrat
ne peut être exécuté s’il n’a pas été valablement
formé. Au stade de la formation du contrat, la
question qui se pose est la suivante : le contrat a-t-il
été valablement formé, c’est-à-dire conformément à
la loi ? Au stade de l’exécution du contrat, la question
est différente : si l’une des parties, A, n’exécute pas
ses obligations, ou les exécute en partie seulement,
ou les exécute mal, ou les exécute avec retard,
comment la partie au bénéfice de laquelle les
obligations devaient être exécutées, B, peut-elle
engager la responsabilité de A ?

Au temps de la formation du contrat, le Code civil


pose quatre conditions pour la validité d’un contrat
(article 1108) :

Le consentement de la partie qui s’oblige


doit être donné de manière libre, éclairée : on
dit en droit qu’il ne doit pas être « entaché de
vices ». La notion de consentement est au cœur
du contrat. « Le contrat est essentiellement un
acte libre de la volonté des individus ; où la
liberté n’est pas, ni la volonté, ni le
consentement ne sauraient être, ni, par
conséquent, le contrat », écrivait Émile Accolas
en 1885. Le Code civil envisage trois types de
vices du consentement :
• l’erreur, dès lors qu’elle a été déterminante et
qu’elle est excusable ;
• le dol, c’est-à-dire des mensonges ou des
manœuvres destinés à tromper le
cocontractant, dès lors qu’il a été déterminant
dans la conclusion du contrat et qu’il procède
d’une intention malhonnête ;
• la violence, qu’elle soit physique ou
psychologique, dès lors qu’elle inspire « la
crainte d’exposer sa personne ou sa fortune à
un mal considérable et présent ».
Si le consentement de l’une (ou plusieurs) des
parties est vicié, les volontés ne se sont pas
rencontrées.
La capacité de contracter est exigée des
contractants, car elle est la capacité à agir en
justice pour exercer ses droits en cas
d’inexécution du cocontractant et,
réciproquement, à être responsable en cas
d’inexécution, c’est-à-dire à répondre
juridiquement des conséquences de ses propres
défaillances à exécuter. Cette capacité est
restreinte dans les cas que nous avons vus
(mineurs non émancipés, majeurs faisant l’objet
de mesures de protection).
Un objet (ce qui répond à la question
« Quoi ? »), c’est-à-dire ce qui forme la matière
de l’engagement, certain et déterminé. Le prix
doit être déterminé ou, à tout le moins
déterminable : il peut être défini par référence à
des éléments objectifs, c’est-à-dire des
éléments ne dépendant plus de la volonté des
parties, et le rendant déterminable le jour où il
devra être payé, et licite. Un contrat dépourvu
d’objet n’est pas valablement formé, de même
qu’un contrat qui porterait sur une action
pénalement sanctionnée (ex. : homicide par un
tueur à gages) ou qui prévoirait la
commercialisation de produits que la loi ne
permet pas – on parle également d’éléments
« hors du commerce » (organes du corps
humain, substances stupéfiantes). Ainsi a été
annulée comme illicite, immorale et contraire à
l’ordre public une convention entre le
producteur d’un film et une mineure tendant à
obtenir qu’elle pose nue dans un film et se
soumette à un tatouage sur une fesse, tatouage
dont le commentateur du film annonce au
public qu’il sera prélevé et vendu à des tiers
(TGI de Paris, 3 juin 1969).
Une cause (ce qui répond à la question
« Pourquoi le contrat ? ») doit exister et être
licite : un contrat dépourvu de cause ou
caractérisé par une cause illicite n’est pas
valable. Par exemple, le contrat d’une société
créée dans le seul but d’organiser sa propre
insolvabilité n’est pas juridiquement valable.

Si la formation du contrat n’a pas respecté ces


conditions, le contrat n’est pas valablement formé ; il
sera déclaré nul par le juge, c’est-à-dire « mort-né ». Il
ne peut produire aucun effet juridique.

Sous ces seules restrictions, le principe de la liberté


contractuelle permet aux parties de rédiger le contrat
comme bon leur semble !

Après avoir vu le temps de la formation, voyons le


temps de l’exécution du contrat.

« Les conventions légalement formées tiennent lieu


de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être
révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour
les causes que la loi autorise. » Article fondamental du
Code civil, l’article 1134 pose le principe de la force
obligatoire des contrats. Si la loi s’applique à tous
sans distinction, le contrat est le résultat d’un choix :
les parties sont libres de nouer ou non tel ou tel
contrat. Mais si les parties ont décidé d’être liées par
un contrat, alors ce contrat aura pour les parties la
même force juridique que celle d’une loi. On dit que le
contrat est la « loi des parties ». Une locution latine
résume ce principe : Pacta sunt servanda
(littéralement « Les conventions doivent être
respectées »). Par conséquent, les contrats n’ont, en
principe, d’effet qu’entre les parties contractantes,
c’est-à-dire les parties qui ont voulu le contrat : elles
ne nuisent point aux tiers. Tel est le principe de
l’« effet relatif des contrats » (article 1165 du Code
civil).
Le contrat ayant été noué par consentement mutuel,
c’est-à-dire par la volonté commune des différentes
parties contractantes, par effet de symétrie, il peut
être rompu par consentement mutuel. Dans ce cas,
les parties sont d’accord pour ne plus être liées par le
contrat : tel est le mutuus disensus. Ce que les parties
ont fait, elles seules peuvent, en principe, le défaire.
Dans certains cas, toutefois, le contrat peut être
rompu par la volonté de l’une des deux parties, soit en
dehors de toute faute, moyennant le versement d’une
indemnité par la partie qui souhaite se désengager,
soit en cas d’inexécution contractuelle (voir plus bas).

L’article 1134 précise également, en son alinéa 3, que


les conventions « doivent être exécutées de bonne
foi ». Qu’est-ce que la bonne foi contractuelle ? On la
définit généralement comme la sincérité, l’honnêteté,
le respect du cocontractant, l’esprit de coopération.
Ainsi, le fait pour un cocontractant, qui n’avait pas
réclamé le paiement d’une rente viagère pendant près
de dix ans au cocontractant qui se trouvait être un
ami, exécutait de bonne foi ses obligations en
décidant, à la suite d’une brouille avec son ami, de
réclamer le versement immédiat de la totalité des
arrérages dus.

La bonne foi n’est pas non plus totalement absente de


la période précontractuelle, puisqu’une rupture jugée
trop brutale des pourparlers pourra être considérée
comme un comportement de mauvaise foi, alors que
les pourparlers avaient laissé présager à l’autre partie
la possibilité de la conclusion du contrat, et pourra
donner lieu à l’allocation de dommages-intérêts.
Attention : la bonne foi se présume, la mauvaise foi se
prouve. Il ne suffit pas de dire au juge que votre
adversaire est de mauvaise foi, encore faut-il le
prouver !

Que se passe-t-il en cas d’inexécution contractuelle,


c’est-à-dire dans l’hypothèse où les obligations n’ont
pas été correctement exécutées par l’une des
parties ? On parle également de « violation du lien
contractuel ». Plusieurs cas d’inexécution
contractuelle sont possibles. Supposons un contrat de
vente qui prévoit la livraison par un grossiste de
10 tonnes de pommes de variété reinette à un
détaillant le 10 septembre. Il peut y avoir :

inexécution totale de l’obligation de


résultat : le grossiste ne livre rien ;
inexécution partielle de l’obligation de
résultat (ou exécution partielle : cela dépend si
vous préférez voir le verre à moitié vide ou à
moitié plein !). Le grossiste a livré :
• 5 tonnes de pommes de variété reinette le
10 septembre : bonne variété, bonne date,
mais mauvaise quantité ;
• 10 tonnes de pommes de variété golden le
10 septembre : bonne quantité, bonne date,
mais mauvaise variété ;
• 10 tonnes de pommes de variété golden le
12 septembre : bonne quantité, bonne variété
mais mauvaise date.

Nous sommes ici sur le terrain de la responsabilité


contractuelle. Les règles varient selon la nature de
l’obligation inexécutée.

Lorsque l’obligation contractuelle peut encore être


exécutée, le créancier de l’obligation peut demander
au juge que le débiteur soit forcé à exécuter
l’obligation, ou qu’un tiers exécute l’obligation aux
frais du demandeur. Telle est l’« exécution forcée ».

Lorsque l’obligation contractuelle ne peut plus être


exécutée, il y a réparation par équivalent sous la
forme de dommages-intérêts, ordonnée par le juge.
On parle ici de « dommages-intérêts
compensatoires ».

Le Code civil prévoit toutefois une cause


d’exonération possible pour le débiteur qui n’a pas
exécuté : « Il n’y a lieu à aucuns dommages et
intérêts lorsque, par suite d’une force majeure ou d’un
cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de
faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était
interdit » (article 1148 du Code civil). On dit
classiquement que l’on est en présence d’un « cas de
force majeure » lorsqu’il s’agit d’un événement
extérieur, irrésistible et imprévisible (ex. : une
catastrophe naturelle).

Le créancier de l’obligation inexécutée peut


également demander la rupture du contrat. On
distingue ici la résiliation et la résolution : la résiliation
rompt le contrat pour l’avenir mais ne remet pas en
cause les effets qu’il a produits, c’est-à-dire les
obligations qui ont été exécutées dans le passé. Elle
s’applique pour les contrats à exécution successive.
La résolution fait disparaître entièrement le contrat et
replace les parties dans l’état dans lequel elles se
trouvaient avant d’avoir contracté : elle s’applique
pour les contrats à exécution instantanée (il serait
compliqué de l’appliquer dans un contrat à exécution
successive, par exemple un contrat d’abonnement
auprès d’un opérateur de téléphonie mobile :
comment le consommateur pourrait-il restituer à
l’opérateur les heures de mise à disposition des
infrastructures du réseau ?). La résolution a pour effet
de faire comme si rien ne s’était passé. Par exemple,
le juge peut ordonner la destruction d’une maison.

Le créancier d’une obligation contractuelle inexécutée


peut demander, selon le cas, la résiliation ou la
résolution du contrat. Cette possibilité, dénommée
« condition résolutoire », est posée par l’article 1184
du Code civil : « La condition résolutoire est toujours
sous-entendue dans les contrats synallagmatiques,
pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera
point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n’est
point résolu de plein droit. La partie envers laquelle
l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de
forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle
est possible, ou d’en demander la résolution avec
dommages et intérêts. »

Il existe des règles qui concernent spécifiquement les


obligations de payer une somme d’argent ; ces
obligations sont toujours susceptibles d’exécution
forcée si le créancier est solvable, si besoin par des
saisies sur des éléments du patrimoine du débiteur.
L’inexécution d’une obligation de payer une somme
d’argent est réparée, de manière forfaitaire, par
l’allocation d’intérêts de retard, appelés « dommages-
intérêts moratoires » (du latin mora, « délai »,
« retard »). Ces intérêts courent à partir de
l’interpellation du créancier, manifestant au débiteur
sa volonté d’être payé, telle qu’une sommation. Dans
l’hypothèse où l’inexécution du débiteur cause un
préjudice supplémentaire au créancier, celui-ci peut
réclamer, en sus des intérêts moratoires, des
dommages-intérêts compensatoires destinés à
compenser, c’est-à-dire à réparer, le préjudice subi.
Bailleurs, locataires :
attention aux obligations
respectives
Dans le cadre d’un contrat de bail, ou « contrat
de location », d’un bien immobilier, des
obligations incombent au bailleur, d’autres au
locataire.

Le bailleur doit notamment :


remettre au locataire un logement décent,
ne laissant pas apparaître de risques
manifestes pouvant porter atteinte à la
sécurité physique ou à la santé et doté des
éléments de confort le rendant conforme à
l’usage d’habitation ;
assurer au locataire un usage paisible du
logement et le garantir des vices ou défauts
de nature à y faire obstacle ;
entretenir les locaux en état de servir à
l’usage prévu par le contrat, et y faire
toutes les réparations, autres que les
réparations locatives, nécessaires au
maintien en état et à l’entretien normal des
locaux loués ;
ne pas s’opposer aux aménagements
réalisés par le locataire dès lors qu’ils ne
constituent pas une transformation de la
chose louée.
Le locataire doit notamment :
user paisiblement des locaux loués
suivant la destination qui leur a été donnée
dans le contrat de location ;
s’assurer contre les risques locatifs (dégât
des eaux, incendie) ;
réparer les dégradations et pertes qui
surviennent pendant la durée du bail dans
les locaux dont il a la jouissance exclusive,
à moins de démontrer que ces dégradations
sont dues à la force majeure, à la faute du
bailleur ou d’une personne qu’il n’a pas
introduite dans le logement ;
prendre en charge l’entretien courant du
logement, des équipements mentionnés au
contrat, les menues réparations ;
ne pas s’opposer aux travaux
d’amélioration ou d’entretien du logement
loué ou des parties communes.

Après avoir vu les obligations contractuelles, voyons


maintenant les obligations extracontractuelles.

Le terme « responsabilité » vient du latin respondere,


qui signifie « répondre ». De quelle réponse s’agit-il ?
D’abord, être responsable, c’est répondre de ses
actes. Comment en répondre ? Selon les prescriptions
de la loi. Mais la réponse, c’est également la réponse,
ou la réaction, du droit au fait qui a provoqué l’appel.
Un type de fait exige une réponse du droit, et cette
réponse est adressée à un sujet de droit qui a
participé à ce fait. Quels sont ces faits ? Ce sont les
faits qui créent un désordre, une injustice, un trouble,
une perturbation de l’ordre social qui appelle une
certaine réprobation.
Quelle est la finalité de la responsabilité civile ? La
responsabilité civile a pour objet la réparation du
dommage, ou du préjudice, causé. Au contraire, la
responsabilité pénale a pour objet la punition de
l’auteur d’une infraction prévue dans le Code pénal.
Au cœur du droit de la responsabilité se trouve donc
le droit subjectif à réparation. On dit également que le
droit civil a un « but indemnitaire ». La faute civile
n’est pas punissable sur le terrain pénal.

Alors que, dans le système civiliste, la cause première


du droit à réparation est le fait générateur, c’est-à-dire
la faute, le comportement humain illicite, dans le
système de Common Law, la cause première du droit
à réparation est le dommage (en anglais, torts), le
comportement du sujet étant secondaire.

Le Code civil pose trois régimes généraux de


responsabilité civile extracontractuelle : la
responsabilité du fait personnel, la responsabilité du
fait d’autrui et la responsabilité du fait des choses. Il
pose également trois régimes spéciaux de
responsabilité : l’indemnisation des victimes
d’accidents du travail, l’indemnisation des victimes
d’accidents de la circulation et la responsabilité du fait
des produits défectueux.
Responsabilité
extracontractuelle ou
responsabilité délictuelle
La responsabilité extracontractuelle est encore
appelée « responsabilité délictuelle ». Mais
attention : il ne s’agit pas ici du « délit » du
droit pénal (voir chapitre 7) mais d’un délit
civil, c’est-à-dire d’une faute, d’une violation
des règles de la vie sociale.

Dans les régimes généraux de responsabilité, pour


pouvoir engager la responsabilité civile d’un sujet de
droit, trois conditions sont exigées : un fait générateur
de responsabilité, un dommage et un lien de causalité
entre le fait générateur de responsabilité et le
dommage.

Le fait générateur de responsabilité peut être le


fait d’une personne, le fait des personnes dont on doit
répondre ou le fait des choses que l’on a sous sa
garde.

Le fait d’une personne d’abord. « Il n’y a rien, disait


un professeur de droit, au-dessus de l’article 1382. »
Parfois qualifié de « monument », cet article, inchangé
depuis 1804, a une autorité immense. Elle tient à la
fois à la nature de la règle qu’elle pose, qui est en
harmonie avec la morale individuelle, et au fait que
les termes généraux employés donnent à cet article
une portée immense : le dommage étant indissociable
de la vie des hommes, le nombre de situations
concernées est considérable… En réalité,
l’article 1382 est indissociable de l’article 1383.

Que disent-ils ? L’article 1382 dispose : « Tout fait


quelconque de l’homme, qui cause à autrui un
dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé
à le réparer. » L’article 1383 dispose : « Chacun est
responsable du dommage qu’il a causé non seulement
par son fait, mais encore par sa négligence ou par son
imprudence. » Un serveur vous renverse par
maladresse une tasse de café brûlant sur la jambe et
vous brûle ? Une personne ouvre trop violemment une
porte et vous la met en pleine tête ? Vous pouvez
engager leur responsabilité sur le fondement des
articles 1382 et 1383 du Code civil. Un défaut
d’entretien, par exemple une rampe mal vissée, peut
même constituer une faute d’imprudence. Ce qui est
essentiel, c’est que le fait, pour l’auteur du dommage,
de ne pas avoir eu l’intention de causer le dommage
n’est pas une cause d’exonération de responsabilité.

Le fait générateur de responsabilité peut ensuite être


le fait de personnes dont on doit répondre ou de
choses que l’on a sous sa garde. L’article 1384,
alinéa 1er, dispose : « On est responsable non
seulement du dommage que l’on cause par son propre
fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des
personnes dont on doit répondre, ou des choses que
l’on a sous sa garde. » En ce qui concerne le fait des
personnes dont on doit répondre, la loi prévoit que le
père et la mère, « en tant qu’ils exercent l’autorité
parentale, sont solidairement responsables du
dommage causé par leurs enfants mineurs habitant
avec eux » et que les maîtres et les commettants sont
responsables « du dommage causé par leurs
domestiques et préposés dans les fonctions
auxquelles ils les ont employés ». La Cour de
cassation a jugé que la cohabitation, au sens
juridique, n’était pas rompue, et que la responsabilité
des parents était maintenue, dans l’hypothèse d’une
cessation provisoire de la cohabitation physique, par
exemple si les enfants sont confiés pour quelques
jours à leurs grands-parents.

En ce qui concerne le fait des choses que l’on a sous


sa garde, la règle ne distingue pas suivant que la
chose a été ou non mise en mouvement par la main
de l’homme. En outre, il est indifférent qu’il y ait eu,
ou non, contact physique entre la chose et la victime
ou le bien endommagé. Comment définir la garde
d’une chose ? Selon la Cour de cassation, la garde
d’une chose s’entend de l’usage, de la direction et du
contrôle de la chose. Ainsi, si votre véhicule vous est
dérobé et que le voleur cause un accident avec votre
véhicule, blessant des passants, votre responsabilité
ne pourra pas être engagée, car vous n’aviez pas
l’usage, la direction et le contrôle du véhicule au
moment de l’accident. Mais il faudra prouver le vol !

La garde peut être très éphémère : si un enfant décide


de donner un coup de pied dans une bouteille vide se
trouvant sur le sol, laquelle bouteille blesse un
passant, l’enfant, au moment où il a pris la décision
de donner le coup de pied, a décidé de devenir le
gardien éphémère – et plus ou moins adroit – de la
chose. En revanche, la Cour de cassation a jugé que
des alpinistes ne peuvent être considérés comme les
gardiens des pierres qui tombent sur leur passage.
Enfin, le propriétaire d’un animal, ou celui qui en a la
garde temporaire, « est responsable du dommage que
l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde,
soit qu’il fût égaré ou échappé » (article 1385 du Code
civil).
Responsabilité
contractuelle ou
délictuelle : il faut
choisir !
Par principe, il n’est pas possible de cumuler
une action en responsabilité civile
contractuelle et une action en responsabilité
civile délictuelle. En d’autres termes,
l’article 1382 est inapplicable à la réparation
d’un dommage se rattachant à l’exécution
d’un engagement contractuel. Le créancier
d’une obligation contractuelle ne peut se
prévaloir contre le débiteur de cette obligation
des règles de la responsabilité délictuelle.

Le dommage doit être certain et direct. Il peut


prendre plusieurs formes : dommage corporel,
dommage matériel, dommage moral.
Peut-on obtenir une
indemnisation en cas
d’atteinte à notre
honneur ? Et pour la
peine que nous cause la
perte d’un être cher dont
un autre est
responsable ?
Oui. Le dommage dit « moral » est réparable.
À la différence du dommage matériel, qui
constitue une atteinte à un intérêt matériel, le
dommage moral constitue une atteinte à un
intérêt moral. Ainsi, l’atteinte à l’honneur ou à
la considération, mais également la douleur
éprouvée en raison de la mort d’un être cher
ou même des seules souffrances physiques
subies par un être cher peut donner lieu à
l’allocation de dommages-intérêts par le juge.

Naturellement, cette indemnisation ne


compense pas l’irréparable. Comme le disait
l’avocat Jean-Marc Fédida, « Les coupures de
presse ne cicatrisent jamais ». Le « prix de la
douleur » (pretium doloris) a fait l’objet de
débats nourris parmi les juristes. « Battre
monnaie de ses larmes est une étrange
alchimie et paraît odieux et méprisable, disait
le professeur Geneviève Viney, mais l’argent
distrait de bien des malheurs et assèche bien
des larmes. »

Enfin, un lien de causalité existant entre le fait


générateur de responsabilité et le dommage doit être
prouvé. Il faut démontrer que c’est bien ce fait-ci qui a
provoqué ce dommage-là. Si le fait examiné a
provoqué d’autres dommages, ou si le dommage
examiné a été causé par d’autres faits, l’action ne
sera admise.

Comment réparer ? S’il est parfois possible de rétablir


la situation antérieure au dommage (véhicule
endommagé), cela n’est, hélas, pas toujours possible
(bras arraché, brûlures). Réparer est moins rétablir la
situation que compenser le dommage. On dit que la
réparation a un « caractère compensatoire ». La
compensation peut être en nature (nouveau véhicule)
ou en équivalent (allocation d’une somme que le juge
estime être un équivalent du dommage subi). Ensuite,
la réparation doit être intégrale. La victime a droit à
une réparation intégrale de son préjudice : « Tout le
dommage, rien que le dommage. » Parfois,
l’évaluation en est délicate, parce que le dommage
portait sur un bien déjà usagé dont la valeur
antérieure au dommage devra être déterminée en
tenant compte d’un « coefficient d’usure ».
Football : un risque
accepté !
Un enfant âgé de 14 ans s’est inscrit dans un
club de football. Lors d’une compétition
organisée un week-end opposant son club au
club de la commune voisine, il est violemment
taclé par un joueur de l’équipe adverse,
également mineur. Son tibia et son péroné
sont cassés. Peut-il engager la responsabilité
du joueur adverse ? Des parents du joueur ?
Du club de football organisant la rencontre ?

Le droit considère que la participation à un


sport implique l’acceptation du risque. Ce
risque accepté est plus ou moins grand en
fonction du type de sport pratiqué et n’est pas
le même entre la pêche et le sport automobile.
Par conséquent, la jurisprudence retient que
seule la réalisation d’un risque anormalement
élevé peut donner lieu à réparation. Le jeune
joueur blessé ne pourra, par l’intermédiaire de
ses représentants légaux, agir en
responsabilité que s’il démontre que le tacle
présentait une violence particulièrement
grande et était la manifestation d’une volonté
de blesser.

Si le joueur adverse est mineur, ce qui est


probable, ce sont ses parents qui seront tenus
de réparer les dommages causés. C’est
pourquoi la souscription à une assurance est
généralement réclamée au moment de
l’inscription. En ce qui concerne la
responsabilité éventuelle du club, la Cour de
cassation a jugé, en 2007, que les associations
sportives ayant pour mission d’organiser, de
diriger et de contrôler l’activité de leurs
membres sont responsables des dommages
qu’ils causent à cette occasion, dès lors qu’une
faute caractérisée par une violation des règles
du jeu est imputable à un ou plusieurs de leurs
membres, même non identifiés. Il faudra
examiner s’il y a eu, ou non, une faute
caractérisée par une violation des règles du
jeu.

Aux côtés des régimes généraux de responsabilité, la


loi consacre trois régimes spéciaux de responsabilité :
l’indemnisation des victimes d’accidents du travail,
l’indemnisation des victimes d’accidents de la
circulation et la responsabilité du fait des produits
défectueux.

Le régime d’indemnisation des victimes d’accidents


du travail concerne à la fois les accidents du travail et
les accidents de trajet entre le domicile du travailleur
et son lieu de travail. Dans ce régime, le législateur a
évacué l’exigence d’une faute de l’employeur et
consacré ce qu’on appelle la « théorie du risque ».
L’indemnisation du dommage corporel subi par le
travailleur se fait de manière forfaitaire : des
indemnités viennent compenser son incapacité
temporaire ou permanente. Des rentes sont
également prévues au profit des survivants en cas de
décès du travailleur. Dans l’hypothèse où l’accident
serait dû à la faute intentionnelle de l’employeur, « la
victime ou ses ayants droit conserve contre l’auteur
de l’accident le droit de demander la réparation du
préjudice causé », conformément aux règles des
régimes généraux.

Une loi du 5 juillet 1985 crée un régime spécial


d’indemnisation des victimes d’un accident de la
circulation dans lequel est impliqué un véhicule
terrestre à moteur, à l’exception des chemins de fer et
des tramways – à condition qu’ils demeurent sur les
voies qui leur sont propres ! Selon ce régime, les
victimes autres que les conducteurs sont
particulièrement protégées : elles sont indemnisées
des dommages résultant des atteintes à leur
personne, sans que puisse leur être opposée leur
propre faute, à l’exception de leur faute inexcusable si
elle a été la cause exclusive de l’accident ou si la
personne a volontairement recherché le dommage
qu’elle a subi. Tel avait été le cas d’un homme qui
s’était allongé, de nuit, sur une autoroute, et que le
conducteur n’avait pu éviter… Quant à la faute
commise par le conducteur du véhicule terrestre à
moteur, elle a pour effet de limiter ou d’exclure
l’indemnisation des dommages qu’il a subis.

Le régime de responsabilité du fait des produits


défectueux est prévu aux articles 1386-1 et suivants
du Code civil. Le principe est que le producteur ou, à
défaut, le distributeur est automatiquement (on dit
« de plein droit ») responsable du dommage causé par
un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un
contrat avec la victime. Par « produit défectueux », la
loi entend un produit qui n’offre pas la sécurité à
laquelle on peut légitimement s’attendre, compte
tenu de l’usage « qui peut en être raisonnablement
attendu et du moment de sa mise en circulation »
(article 1386-4 du Code civil). En revanche, le
producteur pourra s’exonérer de sa responsabilité s’il
démontre que, compte tenu des circonstances, le
défaut ayant causé le dommage n’existait pas au
moment où le produit a été mis en circulation, ou que
ce défaut est né postérieurement, ou encore que
l’état des connaissances scientifiques et techniques,
au moment où il a mis le produit en circulation, n’a
pas permis de déceler l’existence du défaut.
Peut-on engager la
responsabilité civile de
l’État ?
Oui. S’il n’est pas possible d’engager la
responsabilité pénale de l’État, il est possible
d’engager la responsabilité civile de l’État.
Cela est notamment envisageable dans les
hypothèses suivantes :
dysfonctionnement du service public de la
justice (erreurs judiciaires) ou des
hôpitaux ;
dommages liés à l’exécution de travaux
publics ;
personne blessée par une voiture de
police qui poursuivait à vive allure un
délinquant et n’a pas pu l’éviter.
Quelle est la nature
juridique de l’animal ?
S’il est acquis qu’un animal ne peut pas être
considéré comme une personne juridique, son
statut est délicat. L’animal est un bien meuble
– il peut faire l’objet de droits réels, comme le
droit de propriété –, mais le droit ne le traite
pas toujours comme une chose inanimée eu
égard à sa nature d’être sensible. En effet,
l’animal peut ressentir la douleur, à la
différence des choses inanimées : il est admis
qu’une fourchette n’éprouve pas de souffrance
si on la heurte contre un mur. Cela justifie, par
exemple, l’obligation légale d’étourdissement
de l’animal avant la mise à mort dans les
abattoirs.

Le 15 avril 2014, l’Assemblée nationale a


adopté un amendement proposant d’insérer
dans le Code civil l’article suivant : « Les
animaux sont des êtres vivants doués de
sensibilité. Sous réserve des lois qui les
protègent, les animaux sont soumis au régime
des biens corporels. »
Et le caquètement des
poules ?
Un arrêt insolite de la cour d’appel de Riom
illustre la responsabilité… des choses dont on
a la garde !

« Attendu que la poule est un animal anodin et


stupide, au point que nul n’est encore parvenu
à le dresser, pas même un cirque chinois ; que
son voisinage comporte beaucoup de silence,
quelques tendres gloussements et des
caquètements qui vont du joyeux (ponte d’un
œuf) au serein (dégustation d’un ver de terre)
en passant par l’affolé (vue d’un renard) ; que
ce paisible voisinage n’a jamais incommodé
que ceux qui, pour d’autres motifs, nourrissent
du courroux à l’égard des propriétaires de ces
gallinacés ; que la cour ne jugera pas que le
bateau importune le marin, la farine le
boulanger, le violon le chef d’orchestre, et la
poule un habitant du lieu-dit la Rochette,
village de Salledes (402 âmes) dans le
département du Puy-de-Dôme.

» Par ces motifs : statuant publiquement et


contradictoirement, infirme le jugement,
déboute le sieur R… de son action et le
condamne aux dépens… »

(Cour d’appel de Riom, 1re chambre civile,


Époux R… c/R…, 7 septembre 1995)
Le droit des sûretés

Sûreté est, en droit, un synonyme de « garantie ».


Une sûreté rend plus probable la satisfaction à terme
du créancier et, par conséquent, facilite le crédit,
l’investissement, l’activité économique. On distingue,
traditionnellement, les sûretés personnelles, d’une
part, et les sûretés réelles, d’autre part.

Si vous êtes ou avez été locataire, vous savez sans


doute ce qu’est une caution. Vous connaissez alors
déjà une sûreté personnelle !

Qu’est-ce qu’une sûreté personnelle ? Elle consiste en


l’adjonction à une obligation, dite « principale », d’un
nouvel engagement, pris par une personne
dénommée « garant », lequel engagement autorise le
créancier de l’obligation principale à agir contre le
garant. En d’autres termes, le garant s’oblige pour le
débiteur de l’obligation principale, mais il dispose d’un
recours contre le débiteur.

Les deux grands types de sûretés personnelles sont le


cautionnement et la garantie autonome :

Le cautionnement est un contrat unilatéral


par lequel une personne, que l’on nomme
« caution », s’engage envers un créancier à
exécuter une obligation au cas où le débiteur
ne le ferait pas. Attention à ne pas confondre le
« cautionnement », qui est un acte, avec la
« caution », qui est une personne. Le
cautionnement est qualifié d’« accessoire », car
la dette de la caution est placée sous la
dépendance de l’obligation principale.
Introduite dans le Code civil par une réforme
de 2006, la garantie autonome, encore
appelée « garantie à première demande », se
distingue du cautionnement en ce que le garant
ne peut opposer au créancier aucune exception
tenant à l’obligation garantie. En quoi le
cautionnement et la garantie autonome se
distinguent-ils ? C’est un peu technique : alors
que l’objet du cautionnement est la dette de
l’obligation principale, ce qui permet à la
caution d’opposer toutes les exceptions
inhérentes à cette dette, comme le paiement,
la prescription ou la compensation, l’objet de la
garantie autonome est déterminé par l’accord
entre le garant et le bénéficiaire ; donc, il est
indépendant de l’objet de l’obligation
principale.

Si vous avez déjà joué au Monopoly, vous connaissez


au moins une sûreté réelle : l’hypothèque !

Qu’est-ce qu’une sûreté réelle ? Une sûreté réelle est


un mécanisme par lequel un créancier obtient par
avance :

soit un droit de préférence sur le prix de la


vente forcée d’un élément déterminé du
patrimoine faisant l’objet d’un droit réel : le
créancier titulaire d’une sûreté réelle, dit
« créancier privilégié », sera payé par
préférence aux autres créanciers, les créanciers
« chirographaires » (de kheír, « main », et
graphein, « écrire » – prononcer
« kirographaires »). Ceux-ci sont des créanciers
« simples », en vertu d’un acte sous seing
privé ; ils ne disposent d’aucune sûreté
particulière et sont soumis à la loi de l’égalité ;
soit un droit exclusif, c’est-à-dire la
propriété, sur un bien qui devra être transféré
au débiteur en cas de paiement.

Afin de protéger le créancier, la sûreté réelle est


souvent assortie d’un « droit de suite », qui permet au
créancier de saisir le bien et d’exercer son droit de
préférence en quelques mains qu’il se trouve.

Les principaux types de sûretés réelles conférant un


droit de préférence sont les suivants :

Les sûretés portant sur des meubles :


• le gage, qui porte sur un bien meuble corporel
et qui est rendu opposable aux tiers, soit par
une inscription sur un registre spécial, soit par
la remise du bien au créancier ou à un tiers
convenu ;
• le nantissement, qui consiste à affecter en
garantie une obligation, un bien meuble
incorporel ou un ensemble de biens meubles
incorporels, présents ou futurs (créances,
comptes-titres, fonds de commerce) ;
• les privilèges mobiliers, qui peuvent porter
sur l’ensemble des meubles (on parle alors de
« privilèges mobiliers généraux ») – tel est le
cas des créances du Trésor et de la Sécurité
sociale – ou sur certains meubles déterminés
(on parle alors de « privilèges mobiliers
spéciaux »).
Les sûretés portant sur des immeubles : la
principale est l’hypothèque, qui, sans
déposséder le propriétaire du bien sur lequel
porte l’hypothèque, permet au créancier, s’il
n’est pas payé à l’échéance, de le saisir en
quelques mains qu’il se trouve, afin de se faire
payer sur le prix de vente, par préférence aux
autres créanciers.

Le droit patrimonial de la famille

Le droit patrimonial de la famille traite des


successions, des régimes matrimoniaux et des
aspects patrimoniaux du pacte civil de solidarité
(Pacs).

Lorsqu’une personne physique décède ou, dans les


conditions que nous avons vues, est déclarée absente
ou disparue (voir chapitre 4), son patrimoine est
transmis à ses proches selon des règles prévues par la
loi : les règles relatives aux successions, également
appelées « règles successorales ». Le droit a cherché
ici un équilibre entre des règles impératives, qui
s’imposent à l’ensemble des successions – telle est la
succession légale – et une liberté laissée à chacun
d’organiser selon son souhait la transmission de ses
biens par voie testamentaire.

La succession légale établit différents ordres


d’héritiers appelés à recueillir une partie de la
succession. La hiérarchie est la suivante :

Les descendants du défunt : enfants, petits-


enfants, etc.
Les collatéraux privilégiés (frères, sœurs et
leurs descendants) et les ascendants privilégiés
(père et mère).
Les autres ascendants : grands-parents, etc.
Le conjoint survivant éventuel.
Les collatéraux ordinaires : oncles, tantes,
cousins, etc. jusqu’au sixième degré de
parenté.

La loi accorde ainsi une préférence aux plus proches


parents du défunt. En outre, une fraction de la
succession, appelée réserve héréditaire, est réservée
par la loi à certains proches et ne peut faire l’objet de
libéralités (c’est-à-dire d’un don) :

Les descendants : « Les libéralités, soit par


actes entre vifs, soit par testament, ne pourront
excéder la moitié des biens du disposant, s’il ne
laisse à son décès qu’un enfant ; le tiers, s’il
laisse deux enfants ; le quart, s’il en laisse trois
ou un plus grand nombre » (article 913 du Code
civil).
Le conjoint survivant non divorcé : « Les
libéralités, par actes entre vifs ou par
testament, ne pourront excéder les trois quarts
des biens si, à défaut de descendant, le défunt
laisse un conjoint survivant, non divorcé »
(article 914-1 du Code civil).

Ces héritiers sont qualifiés d’« héritiers


réservataires ». Il s’agit d’une règle d’ordre public,
c’est-à-dire une règle à laquelle il n’est pas possible
de déroger par voie testamentaire. Ainsi, lorsqu’il
existe de tels héritiers, le défunt ne peut prévoir la
transmission de son patrimoine comme il l’entend que
dans la limite de ce que l’on appelle la « quotité
disponible », c’est-à-dire la moitié du patrimoine s’il y
a un enfant, le tiers s’il y en a deux, le quart s’il y en a
trois ou plus.

Des libéralités faites en violation des règles de la


réserve héréditaire donneraient lieu à une réduction
afin que soit reconstituée la réserve héréditaire selon
les prescriptions légales. Ces règles s’appliquent de
manière identique que le défunt ait été marié (filiation
anciennement dite « légitime ») ou non (filiation
anciennement dite « naturelle »). La distinction entre
filiation naturelle et légitime a été abolie par une loi
du 16 janvier 2009.

À défaut de descendant et de conjoint survivant non


divorcé, les libéralités par actes entre vifs ou
testamentaires « pourront épuiser la totalité des
biens » (article 916 du Code civil).

Et les ascendants ? Ils ne sont pas des héritiers


réservataires aux yeux de la loi. Mais ils peuvent
demander à récupérer les biens qu’ils ont donnés à un
enfant dans l’hypothèse où celui-ci décède avant eux
sans laisser de descendant. Ce « droit de retour » est
limité à un quart de la valeur de la succession pour
chaque parent (article 738-2 du Code civil).

Peut-on refuser un héritage lorsqu’un parent laisse


davantage de dettes que de biens ? Oui. La loi prévoit
que, lorsqu’un héritier recueille une part de
succession, il se trouve également tenu de payer les
dettes du défunt, car les deux aspects du patrimoine,
l’actif et le passif, sont transmis. On dit que l’héritier
est tenu ultra vires, c’est-à-dire au-delà de ce qu’il
recueille dans l’actif correspondant. La loi admet
toutefois la possibilité pour l’héritier d’échapper au
risque d’être tenu de régler des dettes considérables
contractées par un parent, par exemple des dettes de
jeu, en renonçant à la succession si celle-ci est
déficitaire. En revanche, les héritiers ne peuvent pas
refuser les dettes mais accepter les biens : s’ils
acceptent la succession, ils l’acceptent entièrement.
C’est tout ou rien !

Les dettes fiscales – dette principale et majorations


éventuelles – et les dettes de cotisations sociales
entrent également dans le champ de la possible
renonciation : il n’y a pas d’exception pour le passif
fiscal. Dans ce cas, la personne est privée de la
qualité d’héritier et de tout droit dans l’actif du défunt.
Lorsqu’il n’est pas possible de connaître, au moment
du décès, l’état précis des biens et des dettes du
défunt et qu’un temps d’analyse est nécessaire pour
déterminer la situation exacte de la succession, les
héritiers peuvent accepter la succession « sous
bénéfice d’inventaire ». Dans ce cas, ils ne sont tenus
de payer les dettes de la succession que dans la
mesure de l’actif de la succession et ne pourront pas
être poursuivis sur l’actif de leur patrimoine qui ne
provient pas de la succession. Dans l’hypothèse où le
passif excéderait l’actif, les héritiers rendraient aux
créanciers… tout ce qu’ils auraient gagné !

Après avoir vu les successions, voyons maintenant les


régimes matrimoniaux et les aspects patrimoniaux du
pacte civil de solidarité (Pacs).

Le régime matrimonial est défini comme l’ensemble


des règles légales et conventionnelles destinées à
organiser les rapports des époux entre eux et avec les
tiers sur le plan… patrimonial ! Ces règles concernent
la gestion des biens des époux, les pouvoirs des
époux sur ces biens et le sort des biens en cas de
dissolution du mariage.

Tous les époux sont soumis à un régime matrimonial…


Oui, mais lequel ?
La loi a prévu un régime de droit commun, également
appelé « régime légal », qui s’applique par défaut.
Cependant, les époux ont la possibilité de faire le
choix d’un régime différent. Pour cela, il suffit de
conclure un contrat de mariage devant un notaire,
antérieurement à la célébration du mariage.

La communauté de biens réduite aux acquêts


constitue le régime légal, qui s’applique aux époux
mariés sans contrat. Dans ce régime, on distingue
deux types de bien : les biens propres de chacun des
époux et les biens communs. Les biens propres de
chacun des époux (et les dettes contractées !) sont
les biens dont chaque époux était propriétaire à la
date du mariage, auxquels s’ajoutent les biens reçus
par héritage durant le mariage. Les biens communs
sont les biens nés ou acquis pendant le mariage (ce
sont les « acquêts »). On dit également que ces biens
sont « entrés dans la communauté ».

Chaque époux dispose d’un pouvoir exclusif sur ses


biens propres. Les biens communs, en principe, sont
gérés par les deux époux. Chacun des époux a le
pouvoir d’administrer seul l’ensemble des biens de la
communauté (c’est ce que l’on appelle la « gestion
concurrente »), mais les actes de gestion les plus
importants, tels que l’aliénation d’un immeuble ou
d’un fonds de commerce commun, requièrent pour
être valables l’accord des deux époux (c’est ce que
l’on appelle la « cogestion »).

Que se passe-t-il en cas de dissolution du mariage ?

D’abord, chaque époux reprend ses biens propres dès


lors qu’ils ne sont pas entrés dans la communauté. Ce
sont les « reprises ». Ensuite, des « récompenses »
peuvent être dues : elles ont pour objet de rectifier un
mouvement de valeur intervenu pendant la
communauté entre le patrimoine commun et l’un des
patrimoines propres. Lorsque l’un des époux a tiré un
profit propre des biens de la communauté, il « doit
récompense » à la communauté en proportion.
Lorsque, au contraire, la communauté s’est enrichie à
partir d’un bien propre de l’un des époux sans que
celui ait reçu compensation, la communauté « doit
récompense » à l’époux concerné.

Enfin est partagé de manière égale l’« actif


commun », c’est-à-dire les biens communs, auxquels
s’ajoutent les récompenses dues par les époux à la
communauté, et desquels se retirent les récompenses
dues par la communauté à chaque époux. Chaque
époux reçoit un lot correspondant à la moitié de l’actif
commun. Dans l’hypothèse où le patrimoine contient
un bien de grande valeur, tel qu’un bien immobilier, et
qui ne peut être partagé, le bien est vendu et les
époux se partagent le prix de la vente.

Brève de prétoire : Dans une audience de


contentieux conjugal, le juge : « Vous exercez sur
votre époux une véritable surveillance policière. C’est
la communauté réduite aux aguets ! »

Aux côtés du régime légal, il existe des régimes


matrimoniaux conventionnels.

S’ils le souhaitent, les époux peuvent opter, par un


contrat de mariage fait devant notaire, pour un
régime matrimonial différent.

En pratique, le régime le plus important est le régime


de la séparation de biens, également appelé « régime
séparatiste ». À la différence du régime légal, il n’y a
pas, dans le régime de la séparation de biens, de
biens communs, de masse commune. Chaque époux
demeure propriétaire et décide seul de
l’administration, de la jouissance et de la libre
disposition des biens suivants :

Les biens que le régime légal qualifie de


« biens propres ».
Les biens qu’il acquiert à titre onéreux
pendant le mariage, en particulier ses revenus
professionnels. En outre, un fonds de commerce
ou le fonds artisanal créé pendant le mariage
par l’un des époux est un bien propre de celui-
ci.

Que se passe-t-il en cas de dissolution du mariage ? À


la dissolution (on dit également la « liquidation ») du
régime séparatiste, chacun des époux reprend ses
biens. En pratique, des difficultés peuvent surgir pour
déterminer qui est le propriétaire d’un bien. Ce qui
détermine la propriété d’un bien à l’un ou à l’autre
époux, c’est le titre de propriété, indépendamment de
l’origine du financement du bien. Il peut ainsi arriver
qu’un seul des conjoints soit mentionné dans l’acte de
propriété alors que l’autre a participé financièrement
à son acquisition. Dans cette hypothèse, lors de la
liquidation du régime de la séparation de biens, le
conjoint lésé peut demander à la justice le versement
d’une compensation à condition qu’il démontre non
seulement qu’il a financé en partie l’achat du bien,
mais encore que ce financement ne pouvait pas être
assimilé à une donation de sa part au bénéfice de
l’autre époux. Les biens indivis, dépourvus de titres de
propriété, sont partagés de manière égale entre les
époux.
Un autre régime possible est le régime de la
communauté universelle. Dans ce régime, l’ensemble
des biens, présents et à venir, dont les époux sont
propriétaires est mis en commun, quels que soient :

la date d’acquisition du bien (antérieurement


comme postérieurement au mariage) ;
l’origine du bien (achat, donation, etc.) ;
le mode de financement du bien.

Ce régime se distingue donc du régime légal en ce


qu’il ne reconnaît pas de biens propres. Il en résulte
que les époux sont responsables de leurs dettes
personnelles sur l’ensemble de ces biens communs,
que ces dettes aient été contractées antérieurement
ou postérieurement au mariage.

Que se passe-t-il en cas de dissolution du mariage ?


En cas de divorce, les biens communs sont partagés à
parts égales entre les deux conjoints. En cas de décès
de l’un des conjoints, la part du défunt revient à ses
héritiers, conformément aux règles du droit des
successions.

Qu’en est-il des aspects patrimoniaux du pacte civil


de solidarité (Pacs) ?

Lors de la conclusion d’un Pacs, le régime légal, c’est-


à-dire le régime appliqué par défaut, est le régime de
la séparation de biens. Les partenaires pacsés
peuvent, s’ils le souhaitent, opter pour un régime
conventionnel : le régime de l’indivision. Le choix du
régime de l’indivision peut se faire dans la convention
de Pacs initiale ou dans une convention modificative
ultérieure si les partenaires pacsés ont retenu en
premier lieu le régime légal. Dans le régime de
l’indivision, les biens acquis par les partenaires
antérieurement à la conclusion du Pacs demeurent
propres à chacun et les biens acquis pendant le Pacs
sont indivis par moitié, même si la contribution
financière des partenaires à l’acquisition du bien est
inégale ou exclusive. Cependant, demeurent la
propriété exclusive de l’acquéreur malgré le régime
de l’indivision certains biens acquis pendant le Pacs :

les revenus perçus et non investis ;


les biens créés par un partenaire tels qu’un
fonds de commerce ou un fonds artisanal ;
les biens à caractère personnel tels que des
bijoux de famille ;
les biens acquis avec des fonds perçus par un
partenaire antérieurement à la conclusion du
Pacs, à condition que cette provenance soit
mentionnée dans l’acte d’acquisition du bien ;
les biens acquis avec des fonds reçus par
donation ou par succession à tout moment, à
condition que cette provenance soit
mentionnée dans l’acte d’acquisition du bien.

Que se passe-t-il en cas de dissolution du Pacs ? Pour


les partenaires pacsés sous le régime de la séparation
de biens, la répartition des biens se fait selon les
règles relatives à ce régime (voir plus haut). Pour les
partenaires pacsés en régime d’indivision, les biens
acquis pendant le Pacs appartiennent aux deux par
moitié. Concernant les biens indivis qui ne peuvent
être partagés, si un partenaire conserve le bien, il paie
à l’autre la moitié de sa valeur. Si les partenaires ne
souhaitent pas ou ne peuvent financièrement pas
opter pour cette solution, ils procèdent à la vente du
bien et s’en partagent le prix. À défaut d’accord entre
les partenaires, le juge aux affaires familiales statue
sur le partage des biens.
Les autres sources de règles de droit civil

On trouve des règles de droit civil dans d’autres


sources que le Code civil : ce serait trop simple,
sinon…

Plusieurs branches du droit, qui relevaient auparavant


du droit civil ou du droit commercial, sont devenues
aujourd’hui autonomes et sont des branches mixtes
mêlant des éléments de droit privé et des éléments
de droit public, mais avec une « dominante de droit
privé ». Elles incluent :

le droit de la propriété intellectuelle,


codifié dans le Code de la propriété
intellectuelle, qui regroupe les règles relatives à
la propriété littéraire et artistique (le droit
d’auteur, les droits voisins, les droits des
producteurs de bases de données) et à la
propriété industrielle (brevets d’invention,
dessins et modèles, marques de fabrique, de
commerce ou de service et autres signes
distinctifs) ;
le droit des assurances, codifié dans le
Code des assurances, qui regroupe les règles
concernant le contrat d’assurance, les
assurances obligatoires, les entreprises
d’assurances, les organisations et régimes
particuliers d’assurance, les intermédiaires
d’assurance ;
le droit rural, codifié dans le Code rural et de
la pêche maritime, qui regroupe les règles
relatives à l’aménagement et à l’équipement de
l’espace rural, à l’alimentation, à la santé
publique vétérinaire et à la protection des
végétaux, aux exploitations agricoles, aux baux
ruraux, aux organismes professionnels
agricoles, à l’enseignement, à la formation
professionnelle et au développement agricoles,
à la recherche agronomique, à la pêche
maritime et à l’aquaculture marine.
Le droit commercial et des
affaires

Le droit commercial et des affaires concerne la vie des


entreprises. Il encadre l’activité des commerçants
dans l’exercice de leur activité professionnelle. Le
droit commercial constitue un ensemble de règles
propres, distinct des règles de droit civil. Il est né,
historiquement, de la volonté des commerçants, selon
lesquels le droit civil n’était pas adapté aux
caractéristiques de la vie commerciale. En effet, celle-
ci nécessite que les opérations puissent être réalisées
de manière rapide et sécurisée. Elle nécessite
également l’allocation de crédits et des structures
juridiques adaptées à ses spécificités.

Si les règles de droit des affaires sont pour l’essentiel


des règles de droit commercial, certaines règles de
droit des affaires sont les règles du droit civil (on parle
de « droit civil des affaires »), car tous les
professionnels ne sont pas des commerçants (voir
plus bas). Les règles de droit de la concurrence, par
exemple, concernent tout à la fois les professionnels
commerçants et les professionnels non commerçants.

Le commerçant n’est plus l’acteur majeur de la vie


des affaires. Les textes visent désormais, le plus
souvent, les entreprises ou les professionnels. C’est
pourquoi l’appellation « droit commercial » tend
aujourd’hui à s’effacer devant des expressions plus
larges telles que « droit des affaires », « droit
économique » ou « droit de l’entreprise ». Cet
ensemble inclut le droit des sociétés commerciales, le
droit bancaire, le droit boursier, le droit comptable, le
droit financier (réglementation des marchés de
valeurs mobilières), ou encore le droit des effets de
commerce (chèque, billet à ordre, lettre de change ou
traite, warrant).

Mais qu’est-ce qu’un commerçant, en droit ? Et qu’est-


ce qu’une entreprise ?

Le Code de commerce définit les commerçants


comme « ceux qui exercent des actes de commerce et
en font leur profession habituelle » (article L. 121-1),
qu’il s’agisse d’une personne physique ou d’une
personne morale. Qu’est-ce qu’un acte de
commerce ? C’est le Code de commerce qui nous
donne la liste des actes concernés :

« La loi répute actes de commerce :

1° Tout achat de biens meubles pour les


revendre, soit en nature, soit après les avoir
travaillés et mis en œuvre ;

2° Tout achat de biens immeubles aux fins de


les revendre, à moins que l’acquéreur n’ait agi
en vue d’édifier un ou plusieurs bâtiments et
de les vendre en bloc ou par locaux ;

3° Toutes opérations d’intermédiaire pour


l’achat, la souscription ou la vente
d’immeubles, de fonds de commerce, d’actions
ou parts de sociétés immobilières ;

4° Toute entreprise de location de meubles ;


5° Toute entreprise de manufactures, de
commission, de transport par terre ou par eau ;

6° Toute entreprise de fournitures, d’agence,


bureaux d’affaires, établissements de ventes à
l’encan, de spectacles publics ;

7° Toute opération de change, banque,


courtage, activité d’émission et de gestion de
monnaie électronique et tout service de
paiement ;

8° Toutes les opérations de banques


publiques ;

9° Toutes obligations entre négociants,


marchands et banquiers ;

10° Entre toutes personnes, les lettres de


change. »

Qu’est-ce qu’une entreprise, en droit ? On pourrait


être tenté de répondre : rien ! L’entreprise est une
notion économique, elle n’est pas une notion
juridique, c’est-à-dire une notion juridiquement
reconnue, ou juridiquement définie, en droit français.
Si vous parlez d’« entreprise » à un juriste, il est
possible qu’il vous réponde : « De quoi parle-t-on ?
Parle-t-on d’une SA, d’une SARL, d’une SAS… ? Une
entreprise, en droit, je ne sais pas ce que c’est. » Le
terme générique « entreprise », lorsqu’il est utilisé par
les juristes, désigne l’ensemble des formes juridiques
existant en droit français qui permettent de porter une
entreprise, c’est-à-dire une structure ayant une
activité économique (on parle également de
« véhicules juridiques »). Les deux formes principales
sont, en droit français, l’entrepreneur individuel et la
société, encore appelée « entreprise en forme
sociétaire ».

Des institutions administratives et professionnelles


encadrent la vie des entreprises. Les principales
institutions administratives sont :

l’Autorité des marchés financiers, qui a


pour mission de veiller à la protection de
l’épargne investie dans des instruments
financiers, contrôle le bon fonctionnement du
marché boursier et la bonne information des
investisseurs ;
l’Autorité de la concurrence, qui a pour
rôle d’assurer le respect du principe de la libre
concurrence, sanctionne les pratiques
anticoncurrentielles et assure le contrôle
préalable des opérations de concentration ;
l’Institut national de la propriété
industrielle (INPI), qui enregistre les droits de
propriété industrielle, c’est-à-dire les droits sur
les marques, brevets, dessins et modèles
moyennant le paiement de taxes.

Les principales institutions professionnelles sont :

les chambres de commerce et d’industrie


(CCI), chargées de représenter les activités
commerciales et industrielles de leur
circonscription ;
les chambres des métiers et de
l’artisanat (CMA), chargées de représenter les
intérêts généraux de l’artisanat.

En France – mais on trouve chez nos voisins des


dispositifs très comparables –, on recourt à deux
principaux outils pour lancer une activité
professionnelle : l’entrepreneur individuel (ou
« entreprise individuelle ») et la société.

L’entrepreneur individuel

Un entrepreneur individuel est une personne physique


qui décide de s’établir à son compte et qui exerce, de
manière indépendante, avec pas ou peu de personnel,
une activité professionnelle qui peut être de quatre
sortes : commerciale, artisanale, libérale ou agricole.

L’activité commerciale : on parle alors de


« commerçant » (voir plus haut).
L’activité artisanale : on parle d’« artisan ».
Trois traits caractérisent l’artisan : il est un
professionnel juridiquement indépendant, son
activité est principalement manuelle, il emploie
un nombre réduit de personnes. S’il est
employeur, la question de son statut de
commerçant se pose : si l’activité de l’artisan
est exercée à titre principal, avec une aide
accessoire de ses salariés, il demeurera
considéré comme artisan ; s’il spécule sur le
travail de son personnel, il sera considéré
comme commerçant. Il y a une relative
« porosité » entre le statut de commerçant et
celui d’artisan.
L’activité libérale : on parle de
« professionnel libéral ». L’activité libérale est
principalement intellectuelle. La catégorie des
professionnels libéraux présente une grande
hétérogénéité. En effet, on y trouve les
professions juridiques, qui comprennent
notamment les avocats, les officiers
ministériels, les auxiliaires de justice et les
commissaires aux comptes ; les conseils et
experts en matière technique, comme les
architectes, les géomètres, les experts-
comptables ; les professions médicales,
notamment les médecins, les chirurgiens-
dentistes, les vétérinaires ; les établissements
d’enseignement tels qu’écoles privées,
pensionnats, auto-écoles. L’activité libérale est
de nature civile, et non commerciale.
L’activité agricole : elle se rapporte aux
activités d’exploitation, de production, de
transformation liées à la « maîtrise d’un cycle
biologique végétal ou animal ». On y trouve
l’élevage, la pêche, l’exploitation des forêts,
ainsi que les activités qui en découlent, telles
que la fabrication de vin ou de farine. Les
achats qu’effectue un agriculteur ne font pas de
ce dernier un commerçant tant qu’ils
conservent un caractère annexe par rapport à
sa profession. L’activité agricole est de nature
civile, et non commerciale.

À la différence de l’activité commerciale, les activités


artisanale, libérale et agricole nécessitent un savoir-
faire, une expertise, une technicité qui a fait l’objet
d’un apprentissage, ce qui fait dire à certains esprits
moqueurs que le commerçant est le seul… qui ne sait
rien faire !

L’entreprise individuelle est donc une forme juridique


qui n’implique pas la création d’une personne morale :
l’entrepreneur individuel ne crée pas une société qui
serait dotée d’une personnalité juridique distincte.
L’entreprise individuelle est seulement une institution
juridiquement reconnue créée par une personne
physique, mais il n’y a pas d’autre sujet de droit que
la personne physique de l’entrepreneur. L’entreprise
individuelle fait corps avec la personne de
l’entrepreneur personne physique. C’est pourquoi
l’infraction d’abus de biens sociaux n’a pas de sens
pour un entrepreneur individuel : il n’y a pas de
société !

Un entrepreneur individuel n’a pas d’associé, puisqu’il


n’y a pas de société ; en revanche, il peut recruter
salariés, apprentis, stagiaires. Attention : la
rémunération de ces derniers constituera une dette
professionnelle pour l’entrepreneur individuel, qui
pourra donner lieu à des saisies sur le patrimoine de
l’entrepreneur en cas de défaut de paiement.

Deux idées répandues… mais fausses !

Les entrepreneurs individuels constituent une


réalité économique marginale. Faux ! Sur les
3 millions d’entreprises que compte aujourd’hui
la France, près de 1,5 million sont des
entreprises individuelles.
La grande majorité des entrepreneurs
individuels sont des commerçants. Faux ! Sur le
million et demi d’entrepreneurs individuels, on
dénombre près de 400 000 commerçants. Les
professionnels non-commerçants ne sont pas,
par principe, soumis aux dispositions du Code
de commerce.
Attention : ce n’est pas parce que les artisans, les
professionnels libéraux et les agriculteurs ne sont pas
des commerçants qu’ils ne vendent pas des biens ou
des services, qu’ils ne facturent pas des prestations.
Le cordonnier, le plombier, le médecin, l’architecte,
l’avocat ne travaillent pas gratuitement !

Les différents statuts

Le droit de l’entreprise individuelle a été


considérablement modernisé ces dernières années,
d’abord par la création de l’autoentrepreneuriat en
janvier 2009, puis avec l’apparition de l’entreprise
individuelle à responsabilité limitée (EIRL) en janvier
2011. Au début des années 2000 encore, le régime
juridique des entrepreneurs individuels était
extrêmement simple : il existait un seul statut, le
statut d’entrepreneur individuel (aujourd’hui dit
« classique »), et la déclaration d’insaisissabilité
notariée n’existait pas (voir plus bas).

Aujourd’hui, quatre statuts existent :

L’entrepreneur individuel « classique ».


L’autoentrepreneur (AE).
L’entrepreneur individuel à responsabilité
limitée (EIRL).
L’autoentrepreneur individuel à responsabilité
limitée (AEIRL).

La responsabilité de l’entrepreneur individuel

Par principe, l’entrepreneur est responsable de ses


dettes professionnelles sur la totalité de son
patrimoine. Cependant, deux dispositifs ont été
institués permettant à l’entrepreneur individuel de
limiter sa responsabilité au titre de ses dettes
professionnelles :

La déclaration d’insaisissabilité notariée,


mise en place par une loi du 1er août 2003,
permet à l’entrepreneur individuel de protéger
des poursuites de ses créanciers professionnels
son habitation principale, qu’elle soit en pleine
propriété, en usufruit ou en nue-propriété, et
tout bien foncier bâti ou non bâti qu’il n’a pas
affecté à son usage professionnel. Il peut s’agir
de biens immobiliers propres à l’entrepreneur,
communs aux époux ou indivis.
Le statut de l’entrepreneur individuel à
responsabilité limitée (EIRL) (voir plus haut).

Les formalités d’installation

Pour s’établir comme entrepreneur individuel, la


personne physique dépose une demande
d’immatriculation dans un centre de formalités des
entreprises (CFE). Pour les commerçants, le centre de
formalités des entreprises compétent se situe à la
chambre de commerce et d’industrie du ressort. Pour
les artisans, le centre de formalités des entreprises
est tenu par la chambre des métiers et de l’artisanat
(CMA) du ressort. Pour les professions libérales, c’est
l’Urssaf qui tient le rôle de centre de formalités des
entreprises. Cette demande prend la forme d’une
déclaration de création d’une entreprise personne
physique (formulaire « P0 »).

Si le dossier d’immatriculation est complet, il est


transmis au registre d’immatriculation (Registre du
commerce et des sociétés – RCS – tenu par le greffe
du tribunal du commerce pour les commerçants,
Répertoire des métiers pour les artisans, Registre de
l’agriculture pour les agriculteurs) ainsi qu’aux
organismes sociaux et fiscaux.

Une fois l’immatriculation effectuée, l’entrepreneur


reçoit un numéro d’identification attribué par l’Insee :
le numéro Siren, qui comprend neuf chiffres. Le
numéro Siret, quant à lui, identifie les établissements
de l’entreprise : il y a un numéro Siret par
établissement. Il se compose de 14 chiffres (les neuf
chiffres du Siren suivis de cinq autres chiffres). Les
entrepreneurs individuels reçoivent également un
code APE (activité principale exercée), ou « NAF »
(nomenclature d’activités française), correspondant à
leur secteur d’activité – au secteur d’activité principal
si l’activité de l’entrepreneur concerne plusieurs
secteurs. Il se compose de quatre chiffres et une lettre
(ex. : 69.10Z pour les « activités juridiques »).

Le régime fiscal

Les bénéfices de l’entreprise sont imposés au titre de


l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP)
(déclaration fiscale n° 2042) dans la catégorie
correspondant à l’activité concernée :

Bénéfices industriels et commerciaux


(BIC) : commerçants et artisans assimilés
commerçants.
Bénéfices non commerciaux (BNC) :
professionnels libéraux et artisans non
assimilés commerçants.
Bénéfices agricoles (BA) : agriculteurs.

Les particularités de l’autoentrepreneur

Si le statut d’entrepreneur individuel se caractérise


par sa simplicité, par rapport à la société, le statut
d’autoentrepreneur est un statut ultrasimplifié, au
stade de l’installation comme au stade du
fonctionnement. Ce dispositif, entré en vigueur le
1er janvier 2009, est réservé aux entrepreneurs dont
le chiffre d’affaires est inférieur à certains seuils
correspondant à leur activité.

Attention : certaines activités ne peuvent pas être


exercées dans le cadre d’une autoentreprise, telles
que les activités de marchand de biens, l’activité de
location de matériels, la vente de véhicules neufs, les
professions juridiques et judiciaires ou encore les
professions de la santé.

La création est simplifiée : le créateur doit remplir un


formulaire simplifié, le « P0 autoentrepreneur ». Les
commerçants sont dispensés d’immatriculation au
Registre du commerce et des sociétés (RCS), mais il
est possible de renoncer à cette dispense
d’immatriculation. Les artisans doivent être
immatriculés au Répertoire des métiers, sauf s’il s’agit
d’une activité artisanale accessoire, mais ils sont
dispensés du stage de préparation à l’installation. Au
plan fiscal, le régime de la microentreprise s’applique
(voir plus haut).

Le statut du conjoint ou du partenaire pacsé

Lorsque l’entrepreneur individuel est marié ou a


conclu un Pacs, il est fréquent, en pratique, que le
conjoint ou le partenaire de l’entrepreneur individuel
aide celui-ci dans son activité professionnelle.

On distingue traditionnellement la participation


administrative et la participation financière :
La participation administrative désigne la
participation effective à des opérations de
comptabilité, la réalisation de commandes ou
encore le règlement de factures.
La participation financière recouvre des
opérations telles que l’achat en commun d’un
fonds de commerce ou d’un fonds artisanal, la
souscription commune d’un contrat d’assurance
pour l’activité ou encore l’établissement d’une
procuration sur le compte bancaire
professionnel.

Dans l’hypothèse où la participation administrative et


financière du conjoint ou du partenaire pacsé de
l’exploitant est occasionnelle – quelques factures,
quelques commandes de façon ponctuelle, etc. –,
aucune formalité n’est requise.

En revanche, dans l’hypothèse où la participation


administrative et financière du conjoint de l’exploitant
est régulière, la loi impose à l’ensemble des conjoints
qui participent régulièrement à l’activité de
l’entreprise de choisir un statut social. Cette obligation
s’impose également aux personnes liées à
l’entrepreneur individuel par un pacte civil de
solidarité (Pacs) depuis une loi de 2008.

En cas de participation régulière avérée, un choix doit


être opéré par le conjoint ou le partenaire pacsé entre
les statuts suivants : conjoint ou partenaire pacsé
collaborateur, conjoint ou partenaire pacsé salarié.
Ces règles concernent également les conjoints ou
partenaires pacsés des associés uniques d’EURL d’au
plus 20 salariés et les conjoints ou partenaires pacsés
des gérants majoritaires de SARL d’au plus 20 salariés
(voir plus bas, les sociétés). Un troisième statut leur
est ouvert : celui de conjoint ou partenaire pacsé
associé.

Le conjoint ou partenaire pacsé


collaborateur a mandat de l’exploitant pour
accomplir en son nom tous les actes de gestion
courante, sauf en cas de renonciation à ce
mandat, et peut réaliser des actes de
disposition relatifs aux biens communs ou
indivis avec l’accord de l’exploitant. Le
collaborateur est le « double » de l’exploitant :
il agit au nom et pour le compte de ce dernier.
Cette collaboration ne fait l’objet d’aucune
rémunération.
Le conjoint ou partenaire pacsé salarié
est lié à l’exploitant par un contrat de travail
salarié, ce qui lui permet notamment de
bénéficier des dispositions du Code du travail et
de l’affiliation au régime général de la Sécurité
sociale. Dans ce statut, les pouvoirs du conjoint
ou du partenaire pacsé dans l’entreprise se
limitent à ceux qui sont prévus par les
stipulations du contrat de travail.

Que se passe-t-il si le conjoint ou le partenaire pacsé


de l’entrepreneur qui participe régulièrement à
l’activité ne manifeste pas un choix ? Dans ce cas, il
s’expose à un risque de requalification en
commerçant de fait par le juge en cas de litige. En cas
de procédure collective, la totalité de ses biens
personnels pourra être saisie par les créanciers, et ce
malgré un régime de séparation de biens, car il sera
dès lors considéré comme un commerçant, d’où la
confusion des patrimoines.

Hormis l’hypothèse de requalification du conjoint en


commerçant de fait, la responsabilité du conjoint est
liée à la nature du régime matrimonial pour lequel les
époux ont opté :

Dans le régime de la communauté de biens


réduite aux acquêts, en cas de difficultés
financières liées à l’exploitation, les dettes
seront payées non seulement sur les biens
propres de l’exploitant, mais aussi sur les biens
communs du couple, sauf hypothèse d’une
déclaration notariée d’insaisissabilité préalable
ou d’une déclaration d’affectation dans le cadre
d’une EIRL.
Dans le régime de la séparation de biens,
en cas de difficultés financières liées à
l’exploitation, seuls les biens propres de
l’entrepreneur peuvent être saisis par les
créanciers, tandis que ceux du conjoint ou du
partenaire pacsé sont protégés.
Dans le régime de la communauté
universelle, en cas de difficultés financières
liées à l’exploitation, l’ensemble du patrimoine
du couple est engagé auprès des créanciers de
l’exploitant.

Concernant le Pacs, un régime de séparation des


patrimoines s’applique de plein droit entre les
partenaires, régime comparable à celui de la
séparation de biens entre deux époux. Les partenaires
peuvent toutefois formuler une option pour le régime
de l’indivision. En cas d’option pour ce régime, la
masse des biens est alors constituée des biens
propres de chaque partenaire et des biens indivis,
c’est-à-dire les biens acquis après l’option pour
l’indivision ou acquis avec des deniers indivis. En cas
de difficultés économiques liées à l’activité
commerciale de l’un des partenaires, les biens propres
de ce dernier seront engagés, de même que les biens
indivis.
Qu’est-ce qu’un « bail
commercial » ?
Un bail commercial est soumis à un régime
juridique spécifique en vertu d’un décret du
30 septembre 1953 : il offre aux locataires
commerçants une protection particulière, au
motif que la garantie de pérennité de
l’emplacement d’un local commercial est un
élément essentiel pour un commerçant. La
durée minimale est de neuf ans. Cette durée
peut cependant être réduite à deux ans ou
moins pour le premier bail lors de l’entrée du
preneur dans les lieux. Le bail de neuf ans ne
peut pas être interrompu, mais le preneur a la
faculté de donner congé à l’expiration de
chaque période triennale. En contrepartie de
cette sécurité, le locataire commerçant ne doit
pas interrompre l’exploitation, ni
« déspécialiser » le local, c’est-à-dire modifier
sans l’accord du bailleur la destination des
locaux telle qu’elle est fixée dans le bail. À
défaut, il s’expose à une résiliation anticipée
du bail. Les sous-locations de locaux doivent
être autorisées par le bailleur, qui est appelé à
concourir à l’acte et qui peut exiger une
augmentation de loyer correspondant au loyer
de la sous-location.

À l’expiration du bail, le locataire commerçant


ainsi que ses ayants droit bénéficient, par
principe, d’un droit au renouvellement, à
condition d’avoir exploité le fonds de façon
effective pendant trois ans au moins
consécutivement, sauf motif légitime ayant
entraîné l’interruption de l’exploitation
indépendamment de sa volonté (ex. :
hospitalisation). Si le bailleur souhaite refuser
le renouvellement et n’oppose pas de motif
légitime de refus, le locataire n’en doit pas
moins quitter les lieux, mais il percevra une
indemnité d’éviction représentant le préjudice
que lui cause l’obligation de transférer son
fonds dans d’autres locaux. En revanche, le
bailleur n’a pas à payer l’indemnité d’éviction
s’il peut invoquer une cause légitime de refus
de renouvellement, résultant généralement
d’une faute du locataire dans l’exécution du
bail (ex. : occupation non paisible, retards de
paiement des loyers). Le bailleur dispose
également d’un droit de reprise pour son
habitation personnelle ou celle de ses proches
parents « à condition que le bénéficiaire de la
reprise ne dispose pas d’une habitation
correspondant à ses besoins normaux et à
ceux des membres de sa famille vivant
habituellement ou domiciliés avec lui »
(article L. 145-22 du Code de commerce).

La société, ou l’entreprise en forme sociétaire

La société, nous l’avons vu, est un type de personne


morale de droit privé. Elle est instituée, nous dit le
Code civil, « par deux ou plusieurs personnes qui
conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise
commune des biens ou leur industrie en vue de
partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui
pourra en résulter » (article 1832, alinéa 1er, du Code
civil). Une société existe lorsque quatre conditions
sont réunies :

deux ou plusieurs « associés » (tel est le


nom des parties à un contrat de société) ;
un contrat, ou contrat de société : les
statuts ;
des apports matériels ou humains ;
un but lucratif associé à une volonté de
partage du bénéfice ou de l’économie.

Le capital d’une société est divisé en parts sociales,


réparties entre les associés. Dans les sociétés par
actions, qu’elles soient cotées en bourse ou non, les
parts sociales s’appellent des « actions » et les
associés portent le nom d’« actionnaires ».

Sociétés civiles et sociétés commerciales

Toutes les sociétés ne sont pas des sociétés


commerciales : certaines sont des sociétés civiles.
Qu’est-ce qui distingue les sociétés civiles des
sociétés commerciales ? C’est la nature de leur objet.
Si l’objet de la société est de nature civile, la société
est civile ; s’il est de nature commerciale, elle est
commerciale. Les sociétés civiles exercent donc des
activités agricoles, intellectuelles, libérales,
immobilières.

Parmi les sociétés civiles, on trouve notamment :

les sociétés civiles de gestion, qui ont pour


objet la propriété et la gestion de portefeuilles
de titres ou de valeurs mobilières ;
les sociétés civiles immobilières (SCI),
destinées à faciliter la gestion d’un patrimoine,
à permettre sa répartition et à optimiser sa
transmission – la matière immobilière est
traditionnellement une matière civile ;
les sociétés civiles du secteur
professionnel, telles que les sociétés civiles
de moyens (SCM), qui ont pour objet la mise en
commun de prestations de services ou la
fourniture de moyens matériels à ses membres
afin de faciliter l’exercice de leur activité
professionnelle, ou les sociétés civiles
professionnelles (SCP), qui ont pour but de
permettre à des personnes physiques de se
regrouper et d’exercer en commun une
profession libérale soumise à un statut législatif
ou réglementaire, ou dont l’exercice est protégé
(notaires, avocats, médecins).

Les principales formes de sociétés commerciales sont


les suivantes :

les sociétés en nom collectif (SNC) ;


les sociétés en commandite simple (SCS) ;
les sociétés à responsabilité limitée
(SARL) et la formule unipersonnelle, l’EURL
(entreprise unipersonnelle à responsabilité
limitée) ;
les sociétés par actions : sociétés
anonymes (SA), sociétés par actions simplifiées
(SAS), sociétés européennes, ou societas
europeas (SE), sociétés en commandite par
actions (SCA), sociétés coopératives.
Pourquoi les sociétés
anonymes sont-elles
qualifiées
d’« anonymes » ?
Parce que vous pouvez entrer au capital d’une
société anonyme sans connaître l’ensemble
des autres actionnaires de la société, ni avoir
été agréé par eux. Et si vous vous rendez à
l’assemblée annuelle d’une société anonyme
du Cac 40, qui se tiendra peut-être au Palais
des Congrès à Paris, vous ne connaîtrez
personne, vous serez tous… des anonymes !
Qu’est-ce qu’une société
en commandite ?
Une société en commandite est composée de
deux catégories d’associés : des
commanditaires et des commandités. Le
mécanisme de la commandite présente des
analogies avec celui du mandat. Alors que les
commanditaires sont des bailleurs de fonds qui
ne participent pas à la gestion, les
commandités gèrent les fonds apportés par les
commanditaires. La responsabilité des
premiers est limitée à leur apport, tandis que
celle des seconds est illimitée.

Sociétés pluripersonnelles et sociétés


unipersonnelles

Les sociétés pluripersonnelles sont des sociétés qui


comptent plusieurs associés (ou actionnaires s’il s’agit
d’une société par actions), ce qui est le principe posé
par l’article 1832, alinéa 1er, du Code civil. Parmi les
sociétés pluripersonnelles, on distingue les sociétés
de personnes et les sociétés de capitaux.

Dans les sociétés de personnes, les associés se


réunissent en considération de la personnalité de
chacun des associés. L’intuitu personae est à la base
de la société. Les associés des sociétés de personnes
sont solidairement et indéfiniment responsables des
dettes de la société. La société en nom collectif (SNC)
est l’exemple parfait d’une société de personnes.

Au contraire, les sociétés de capitaux se constituent


en considération du capital social, c’est-à-dire de la
somme d’argent qui est mise à la disposition de la
société. La personnalité des associés joue un rôle
secondaire. La société anonyme (SA) est un exemple
de société de capitaux.

Et la SARL ? Ce n’est pas une société par actions – son


capital est constitué de parts sociales –, et les statuts
peuvent prévoir des conditions d’agrément des
nouveaux entrants, mais le risque des associés est
limité au montant de leur apport. On dit
traditionnellement que la SARL se situe « à mi-
chemin » entre une société de personnes et une
société de capitaux.

L’article 1832, alinéa 2, du Code civil précise que la


société « peut être instituée, dans les cas prévus par
la loi, par l’acte de volonté d’une seule personne ».

Les sociétés unipersonnelles, de création plus récente


(la première, l’EURL, a été créée par le législateur en
1985), comportent la particularité d’être créées par
une seule personne. Celle-ci est alors l’associé unique.
La société unipersonnelle a sa source dans un acte de
volonté unilatérale. La loi admet la société
unipersonnelle dans deux cas :

La société à responsabilité limitée :


l’entreprise unipersonnelle à responsabilité
limitée (EURL) est une SARL unipersonnelle.
La société par actions simplifiée : la
société par actions simplifiée unipersonnelle
(SASU).
Attention à ne pas confondre les sociétés
unipersonnelles avec des entrepreneurs individuels,
qui ne créent pas de société !
Filiale ou prise de
participation ?
Une société B est qualifiée de filiale de la
société A lorsque la société A possède plus de
la moitié du capital de la société B (article
L. 233-1 du Code de commerce).

Une société A est considérée comme ayant


une participation dans la société B lorsqu’elle
possède une fraction du capital de la société B
comprise entre 10 % et 50 % (article L. 233-2
du Code de commerce).

Le destin des sociétés

Intéressons-nous maintenant au destin des sociétés :


comment elles naissent, comment elles vivent,
comment elles meurent.

La naissance des sociétés, d’abord.

La société, dans sa création comme dans son


fonctionnement, présente une plus grande complexité
que l’entreprise individuelle.

Pour qu’une société soit valablement constituée, il est


nécessaire, en plus des conditions habituelles
relatives à tout contrat (voir plus haut, les obligations
contractuelles), que plusieurs éléments soient réunis :
des apports en argent, en nature, en travail, et la
volonté de s’associer, communément appelée
l’affectio societatis (voir la partie des Dix).

Il convient de rédiger des statuts, qui représentent le


contrat liant les associés. Ils doivent être établis par
écrit. Doivent y figurer la dénomination de la société,
sa forme, le montant du capital, son adresse, son
objet social, sa durée, les apports, les noms des
associés tenus indéfiniment, les noms des gérants, le
greffe d’immatriculation de la société. Les statuts
doivent être enregistrés.

Il convient ensuite de procéder à l’immatriculation de


la société au Registre du commerce et des sociétés.
C’est à cette date que la société naît véritablement,
c’est-à-dire qu’elle acquiert la personnalité juridique.
Une fois l’immatriculation effectuée, le greffe délivre
un extrait dit « K bis », qui récapitule les principales
informations concernant la société. C’est la « carte
grise » de la société. Comme l’entrepreneur
individuel, la société se voit attribuer par l’Insee un
numéro Siren, un numéro Siret et un code APE ou NAF
(voir plus haut).
Est-il possible de signer
des contrats pour le
compte d’une société qui
n’est pas encore
immatriculée ?
En principe, il faudrait répondre « non » :
aucune opération n’est possible, puisque la
société n’acquiert la personnalité juridique
qu’au moment de son immatriculation au
Registre du commerce et des sociétés. Or, il
peut se révéler utile de préparer l’exploitation
avant l’immatriculation : déposer une marque
à l’INPI, trouver un local, embaucher des
salariés, ouvrir des comptes bancaires, régler
les honoraires de l’avocat qui a rédigé les
statuts de la société, etc. Pour faciliter la
création d’entreprise, le droit a créé cette
possibilité grâce au mécanisme du statut de la
société dite « en formation ». De quoi s’agit-il ?
Une société en formation est une société à
l’état de projet, une société dont le processus
de création est en cours mais qui n’est pas
encore immatriculée : soit parce que les
statuts sont en cours de rédaction et les
apports en cours de réunion, soit parce que les
statuts ont été déposés mais que
l’immatriculation au Registre du commerce et
des sociétés est en attente.

Les futurs associés peuvent conclure des actes


au nom de la société en formation, mais ceux-
ci engagent alors leur responsabilité
personnelle dans le but de protéger les tiers
contre un défaut de reprise. La société, une
fois immatriculée, pourra décider de reprendre
ces actes à sa charge.

Quelles sont les conditions pour que les actes


puissent être repris par la société ? Elles sont
au nombre de trois :
la société doit être effectivement
immatriculée ;
l’acte doit avoir été conclu dans l’intérêt
de la société ;
l’acte doit avoir été passé au nom de la
société en formation : cette mention doit
figurer sur l’acte. Conservez bien
l’ensemble des pièces !
Comment faire reprendre les actes ? Les actes
conclus antérieurement à la signature des
statuts peuvent être annexés aux statuts et
seront automatiquement repris s’ils
remplissent les conditions. Les actes conclus
entre les statuts et l’immatriculation sont soit
repris en vertu d’un mandat spécial accordé à
l’un des associés, soit repris par une
ratification en assemblée générale.

Les engagements souscrits sont réputés avoir


été dès l’origine contractés par la société.
Cette rétroactivité est surtout intéressante
d’un point de vue fiscal, car elle évite d’avoir à
payer deux fois les droits d’enregistrement !
Parallèlement, la personne qui a agi au nom de
la société en formation se trouve libérée. En
revanche, en l’absence de reprise, les
personnes qui ont agi au nom de la société en
formation demeurent personnellement tenues
d’exécuter les actes non repris.
Est-il possible de
domicilier une société
commerciale au domicile
de son dirigeant ?
Oui. La domiciliation ne peut se faire qu’au
domicile du dirigeant, et non à celui d’un
associé, c’est-à-dire le directeur général ou le
président du directoire pour une SA, le
président pour une SAS, le gérant pour une
SARL, une EURL ou une SNC. La domiciliation
peut être permanente ou provisoire. Lorsqu’il
existe des dispositions législatives ou des
stipulations contractuelles (bail d’habitation,
règlement de copropriété, cahier des charges)
qui font obstacle à une domiciliation
permanente, le représentant légal peut
installer le siège à son domicile pour une
période qui ne peut ni excéder cinq ans à
compter de la création de la personne morale
ni dépasser le terme légal, contractuel ou
judiciaire, de l’occupation des locaux.

La vie des sociétés, ensuite.

En droit des sociétés, deux catégories d’acteurs sont


importantes : les dirigeants, qu’ils soient associés ou
non de la société qu’ils dirigent (en pratique, ils le
sont souvent), et les associés non-dirigeants.
Examinons d’abord les dirigeants.

Quel que soit le type de société, les dirigeants de


société sont toujours désignés par les associés
conformément aux règles prévues par les statuts de la
société, afin de diriger et de représenter la société, en
son nom et pour son compte.

Leur fonction varie selon le type de société : gérant


dans les SNC, SCS, SARL, président ou directeur
général ou président-directeur général dans les SA
(SA à conseil d’administration ou SA à conseil de
surveillance et directoire) et les SAS.

Le dirigeant peut être une personne physique ou


morale, sauf dans la SARL, où il est nécessairement
une personne physique.

Plusieurs causes de cessation des fonctions sont


possibles : l’arrivée du terme de leur mandat, la
survenance d’un événement personnel (décès,
incapacité, atteinte de l’âge limite ou interdiction de
gérer une entreprise, déchéance), la démission, la
révocation par une majorité des associés, moyennant
le plus souvent une indemnité de révocation, pour
« justes motifs » (ex. : lors d’une faute ou d’une perte
de confiance), dans le cas des gérants (SARL ou SNC),
directeurs généraux et membres du directoire (SA), ou
ad natum, c’est-à-dire sans justification (ex. : lors d’un
changement de majorité dans la société) dans le cas
des administrateurs, du président-directeur général,
des membres du conseil de surveillance (SA) et des
dirigeants de SAS.

Quels sont les pouvoirs des dirigeants ? Par principe,


le dirigeant dispose des pouvoirs les plus étendus
pour agir en toutes circonstances au nom et pour le
compte de la société qu’il dirige, dans l’intérêt de la
société, et pour la représenter à l’égard des tiers
(administration ou autres tiers), notamment en
justice. On dit qu’il est le « représentant légal » de la
société.

Ce principe de plénitude des pouvoirs des dirigeants


comporte certaines limites. En effet, les dirigeants ne
sauraient :

excéder les prérogatives qui leur ont été


confiées par les associés, par exemple modifier
les statuts, qui est une prérogative exclusive
des associés dans le cadre d’une assemblée
générale extraordinaire (AGE) ;
dépasser le périmètre de l’objet social, par
exemple impliquer la société dans une activité
illicite ;
méconnaître les clauses limitatives de leurs
pouvoirs contenues dans les statuts, par
exemple l’obligation de consulter les associés
pour la signature de tout contrat dont le
montant excède une certaine somme ou dont
l’objet est la vente d’un actif stratégique.
Si un dirigeant sort du
périmètre de son mandat,
la société est-elle
engagée ?
Cela dépend ! Il faut distinguer plusieurs cas :
si le dirigeant n’a pas respecté le champ
des prérogatives qui reviennent aux
associés, la société n’est pas engagée ;
si le dirigeant est sorti de l’objet social
figurant dans les statuts :
• s’il s’agit d’une société à risque limité (SA,
SARL, SAS), la société est engagée vis-à-vis
des tiers, sauf connaissance du
dépassement des pouvoirs ou complicité de
ce dernier. La seule publication des statuts
de la société ne suffit pas à établir cette
connaissance,
• s’il s’agit d’une société à risque illimité
(SNC, SCS), la société n’est pas engagée,
même si le tiers est de bonne foi. Dans ce
cas, le tiers doit impérativement consulter
les statuts de ces sociétés !
si le dirigeant n’a pas respecté une clause
limitative de ses pouvoirs :
• s’il s’agit d’une société à risque limité, les
éventuelles limites statutaires aux pouvoirs
des dirigeants sont inopposables aux tiers,
la société est engagée à l’égard des tiers,
• s’il s’agit d’une société à risque illimité,
les éventuelles limites statutaires aux
pouvoirs des dirigeants sont uniquement
opposables aux tiers de mauvaise foi, la
société demeure engagée à l’égard des
tiers de bonne foi ;
si le dirigeant a empiété sur les pouvoirs
d’un autre dirigeant, l’opposition formée par
un dirigeant contre les actes d’un autre
dirigeant est sans effet à l’égard des tiers, à
moins qu’il soit démontré qu’ils en aient eu
connaissance.

Il n’y a pas de pouvoirs sans responsabilité ! Et les


amateurs de Spider-Man savent qu’« un grand pouvoir
implique de grandes responsabilités »…

Les dirigeants peuvent voir leur responsabilité civile,


pénale ou fiscale engagée sur le fondement de leurs
actions dans l’exercice de leurs fonctions (on dit
également « lorsqu’ils agissent ès qualités »).

Au plan civil, les dirigeants sont responsables,


individuellement ou solidairement, envers la société
ou envers les tiers :

des infractions aux dispositions législatives ou


réglementaires applicables à l’activité
économique de la société ;
des violations des statuts ;
des fautes commises dans leur gestion :
négligence, imprudence, manœuvres
frauduleuses.

Envers la société et les associés, la responsabilité


civile du dirigeant pourra être retenue pour autant
qu’une faute aura été prouvée, notamment lorsque
ses agissements sont contraires à l’intérêt de la
société, et que ce manquement a causé un préjudice
à la société et/ou à ses associés. Par exemple, des
commandes excessives alors que la société est
déficitaire, des assurances insuffisantes ou un
comportement ayant entraîné la condamnation de la
société à des dommages-intérêts pour concurrence
déloyale.

Envers les tiers, le dirigeant agit en général au nom et


pour le compte de la société. À ce titre, il engage et
représente la société envers les tiers en vertu de ses
pouvoirs légaux et statutaires. En cas de dommage
causé dans le cadre de l’activité de la société, les tiers
doivent donc se retourner contre la société, et c’est à
elle seule qu’ils pourront demander des dommages-
intérêts en cas de préjudice causé. La responsabilité
personnelle du dirigeant ne pourra être engagée que
s’il a commis une faute grave intentionnelle
détachable de ses fonctions, comme la participation
active et personnelle à des actes de contrefaçon.

Au plan pénal, la responsabilité du dirigeant peut être


engagée dans des cas d’infractions de droit commun
telles que l’escroquerie, l’abus de confiance, le vol, le
recel, le blanchiment de capitaux, la prise illégale
d’intérêts, l’association de malfaiteurs, le faux en
écriture et usage de faux, etc. Il existe également des
infractions spécifiques à la vie des affaires, telles que
la revente à perte, la présentation de comptes faux ou
erronés définie par le droit comptable, les délits et
manquements boursiers définis par le droit monétaire
et financier, l’abus de biens sociaux ou encore
l’organisation de l’insolvabilité et de la mise en faillite
de la société définie par le droit des procédures
collectives.
Au plan fiscal, le dirigeant de droit ou de fait peut être
déclaré solidairement responsable du paiement des
impositions et pénalités dues par la société, quels que
soient sa forme et son objet social, lorsqu’il « est
responsable des manœuvres frauduleuses ou de
l’inobservation grave et répétée des obligations
fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des
impositions et des pénalités dues par la société »
(article L. 267 du Livre des procédures fiscales).

Examinons ensuite les associés.

En contrepartie de leurs apports, les associés des


sociétés reçoivent, selon la forme de la société, des
parts sociales ou des actions. La détention de ces
actions ou de ces parts sociales confère aux associés
des droits, individuels ou collectifs, exercés lors des
assemblées générales, mais les astreint également à
diverses obligations.

Quels sont les droits des associés ? Les principaux


droits des associés sont le droit à l’information et à la
communication, les droits pécuniaires et
patrimoniaux, et les droits extrapécuniaires et de
contrôle de la gestion des dirigeants.

Le droit à l’information et à la
communication s’entend du droit de
communication et d’information sur les
comptes annuels préalablement à la tenue des
assemblées générales, du droit d’interroger les
dirigeants, qui sont tenus de répondre, sur la
politique générale de la société et sur les
documents fournis durant les assemblées, du
droit de se rendre, au moins une fois par an et
assisté d’un expert au choix, au siège de la
société afin d’obtenir communication et copie
de l’ensemble des documents sociaux.
Propriétaire de parts sociales ou d’actions de
la société, l’associé détient également des
droits pécuniaires et patrimoniaux. Il peut
demeurer associé dans la société aussi
longtemps qu’il le souhaite, une fois qu’il y est
entré librement, sachant qu’aucune décision
majoritaire ne peut l’en exclure, sauf stipulation
statutaire contraire. Il est libre de quitter la
société à sa convenance et peut donc, s’il le
souhaite, céder ses actions ou ses parts
sociales, sauf dans les SNC, où la cession
requiert l’agrément unanime des associés, ou
dans l’hypothèse de clauses statutaires
d’agrément relatives au choix du cessionnaire.
Il a également le droit de percevoir un
dividende en cours de vie sociale si la société a
réalisé un bénéfice distribuable, sous réserve
d’une décision de distribution en totalité ou en
partie par l’assemblée générale, ainsi qu’un
boni de liquidation en cas de faillite de la
société, s’il reste quelque chose, après
remboursement des créanciers. Il dispose aussi
d’un droit préférentiel de souscription à de
nouvelles actions ou parts sociales lors
d’augmentations de capital.
Enfin, les associés disposent de droits de
vote liés à la détention de parts sociales ou
d’actions de la société, qu’ils peuvent exercer
lors des décisions collectives qui relèvent de la
compétence des associés. Le droit de vote de
chaque associé est, en principe, proportionnel
au montant de sa participation au capital social.
Qu’est-ce qu’un pacte
d’associés, ou pacte
d’actionnaires ?
Ce sont des conventions conclues entre
associés ou entre actionnaires, selon la forme
de la société, qui figurent dans les statuts (on
parle alors de « pacte statutaire ») ou non (on
parle alors de « pacte extrastatutaire »).
Certains pactes portent sur la répartition du
capital et les droits pécuniaires des associés,
d’autres ont pour objet d’organiser le pouvoir
au sein de la société. Ils contiennent
fréquemment des clauses d’interdiction de
cession des parts sociales, des clauses
d’agrément, des clauses de préférence ou de
préemption, ou des clauses d’exclusion.

Quelles sont les obligations des associés ? Les


principales obligations des associés sont la libération
de leur apport, la contribution aux pertes de la société
et l’obligation à la dette.

Pour devenir associé d’une société, il est nécessaire


de réaliser un apport qui peut être de trois formes :
apport en numéraire (somme d’argent), apport en
nature (tout bien autre qu’une somme d’argent) ou
apport en industrie (ses compétences, son savoir-
faire, son expertise). Les associés doivent « libérer »
ces apports, c’est-à-dire les mettre effectivement à la
disposition de la société :

soit lors de la constitution de la société ;


soit, s’ils ont décidé d’effectuer une libération
seulement partielle des apports lors de la
constitution de la société, dans les cinq ans qui
suivent celle-ci (mais la loi prévoit des seuils
minimaux de libération partielle au moment de
la constitution de la société).

L’article 1832, alinéa 3, du Code civil énonce que


« Les associés s’engagent à contribuer aux pertes ».
La responsabilité des associés varie selon le type de
société :

Dans les sociétés à risque illimité, telles


qu’une société en nom collectif (SNC), les
associés sont solidairement et indéfiniment
responsables des dettes de la société.
L’obligation à la dette s’impose aux associés
sur leur patrimoine personnel au-delà du
montant de leur apport dès lors que la société
n’est pas en capacité d’y répondre elle-même.
Dans les sociétés à risque limité, la
responsabilité des associés est limitée au
montant de leur apport, sous réserve des
actions en réparation des dommages causés à
la société par leur faute (ex. : action en
comblement de passif). Cependant, les
créanciers peuvent naturellement se protéger
du risque de défaut de paiement en demandant
aux associés des sûretés personnelles
(cautionnement, garantie autonome) ou réelles
(gage, nantissement, hypothèque).
Assemblées générales
ordinaires (AGO),
assemblées générales
extraordinaires (AGE),
assemblées générales
mixtes
L’assemblée ordinaire (également appelée
« assemblée annuelle »), qui se tient chaque
année, est compétente pour :
nommer et révoquer les administrateurs
conformément aux statuts ;
approuver les comptes et décider la
distribution des dividendes ;
nommer les commissaires aux comptes ;
ratifier les conventions intéressant les
dirigeants ou toute autre personne
concernée (voir plus bas, les conventions
conclues entre certaines personnes
physiques et la société) ;
prendre toute autre décision dès lors
qu’elle n’a pas pour effet de modifier les
statuts.
L’assemblée extraordinaire est compétente
pour prendre toute décision qui modifie les
statuts de la société : nom, objet social, durée,
forme juridique, composition du capital. Toute
décision d’augmentation ou de réduction du
capital doit être prise par l’assemblée générale
extraordinaire.

Pour chaque type d’assemblée et chaque type


de société, il existe un quorum, c’est-à-dire un
nombre minimal d’associés présents ou
représentés nécessaire pour que l’assemblée
puisse valablement se tenir et délibérer.

Une assemblée mixte est une assemblée au


cours de laquelle se tiennent à la fois une
assemblée ordinaire et une assemblée
extraordinaire.
Un dirigeant de société
peut-il conclure un
contrat de travail salarié
avec la société qu’il
dirige ?
Cela dépend.

En principe, la réponse devrait être « non ». En


effet, un contrat de travail salarié se
caractérise par l’existence d’un lien de
subordination entre l’employeur et le salarié
(voir plus bas, le droit du travail), incompatible
avec le statut de dirigeant. Le dirigeant, qui a
reçu un mandat de la part des associés (on dit
également qu’il est « mandataire social »), a,
en principe, le statut de travailleur non salarié
(TNS).

Le droit l’a tout même admis, mais dans


certaines hypothèses précises afin d’éviter la
conclusion d’un contrat de travail fictif destiné
à faire bénéficier le mandataire du statut
protecteur des salariés. Le dirigeant peut
cumuler son mandat social avec un contrat de
travail sous les conditions suivantes : le
contrat de travail doit correspondre à un
travail effectif et faire l’objet d’une
rémunération distincte ; il doit exister une
distinction nette entre les fonctions de
direction et les fonctions techniques du contrat
de travail ; un lien de subordination doit
exister entre le dirigeant salarié et une autre
autorité ; le dirigeant ne doit pas être associé
majoritaire ou actionnaire majoritaire de la
société concernée.

Lorsque les conditions de cumul sont remplies,


le dirigeant bénéficie d’un double statut :
d’une part, mandataire social dont le mandat
est librement révocable, et, d’autre part,
salarié bénéficiant de l’ensemble des règles du
droit du travail. Lorsque les conditions du
cumul ne sont pas remplies, le contrat de
travail peut être soit suspendu pendant
l’exercice du mandat, soit rompu, soit annulé.
Comment est fixée la
rémunération d’un
dirigeant de société ? Par
lui seul ?
En général, les statuts prévoient que la
rémunération des gérants est fixée par
décision collective à la majorité ordinaire des
associés. Les modifications ultérieures de cette
rémunération nécessiteront également une
simple décision prise aux mêmes conditions de
majorité. Si la convention est considérée
comme réglementée, le vote du dirigeant ne
sera pas pris en compte. Si la convention est
qualifiée de « libre », le dirigeant pourra alors
participer au vote.

La mort des sociétés, enfin.

Les sociétés peuvent disparaître de diverses


manières.

Première hypothèse : l’objet social est


réalisé. Par exemple, une société dont l’objet
consistait en la participation à une
manifestation ponctuelle n’a plus d’objet une
fois la manifestation passée. Dans ce cas, la
société est automatiquement dissoute.
Deuxième hypothèse : la durée de la
société prévue dans les statuts est atteinte, et
la société n’a pas été prorogée avant
l’expiration du terme. Par défaut, les sociétés
ont une durée de quatre-vingt-dix-neuf ans. De
nombreuses sociétés sont plus que
centenaires : elles ont dû proroger leur terme.
Troisième hypothèse : les associés décident
à l’unanimité de dissoudre la société. Il s’agit
alors d’une dissolution dite « amiable ». Les
éléments d’actif sont liquidés, les dettes sont
réglées, le reste éventuel est partagé entre les
associés.
Quatrième hypothèse : la société est
dissoute à l’issue d’une liquidation judiciaire,
qui est une procédure dite « collective ». De
quoi s’agit-il ? En droit français, l’expression
« procédures collectives » désigne aujourd’hui
trois procédures : la procédure de sauvegarde,
la procédure de redressement judiciaire et la
procédure de liquidation judiciaire.

Pourquoi appelle-t-on cela « procédures collectives » ?


Parce que ces procédures font intervenir, pour traiter
les difficultés des entreprises en cause, une pluralité
d’acteurs, à la différence des procédures individuelles
de recouvrement de créances.

La notion de cessation de paiements est essentielle.


Une entreprise (entrepreneur individuel ou société)
est en cessation de paiements lorsqu’elle est, selon le
Code de commerce, dans l’impossibilité de faire face à
son « passif exigible » (c’est-à-dire ses dettes liquides
et exigibles) avec son « actif disponible » (c’est-à-dire
la trésorerie immédiatement disponible ainsi que les
valeurs immédiatement réalisables, telles que des
effets de commerce échus ou susceptibles d’être
escomptés). Le débiteur a l’obligation de déclarer la
cessation de paiements au tribunal de commerce
dans les quarante-cinq jours qui suivent la date à
laquelle l’entreprise est en cessation de paiements.
Dans le jugement d’ouverture, le tribunal détermine la
date à laquelle il estime que le débiteur s’est trouvé
en cessation de paiements. En revanche, pour
bénéficier d’une procédure de sauvegarde, laquelle
est destinée à prévenir les difficultés, le débiteur doit,
sans être en cessation de paiements, justifier de
difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter.

Le tribunal nomme :

un juge-commissaire, chargé de veiller au


déroulement rapide de la procédure et à la
protection des intérêts en présence ;
un mandataire judiciaire, chargé de
défendre l’intérêt collectif des créanciers de
l’entreprise ;
un administrateur judiciaire, chargé de
participer à la gestion de l’entreprise au cours
de la période d’observation et de coordonner, le
cas échéant, le plan de redressement ou le plan
de cession (voir plus bas).

Si le tribunal ouvre une procédure de liquidation


judiciaire, il nomme un liquidateur judiciaire, chargé
de procéder aux opérations de liquidation – cession
des actifs et répartition entre les créanciers du produit
de ces réalisations.

Une sous-branche du droit des affaires : le droit de la


concurrence

Derrière l’expression de droit de la concurrence se


cachent en réalité deux droits de la concurrence.

La première branche du droit de la concurrence


concerne les règles qui aménagent les rapports
concurrentiels entre deux entreprises concurrentes.
On parle alors de « relations individuelles de
concurrence ». Cette branche du droit de la
concurrence entend limiter les excès de la
concurrence. Elle se manifeste notamment par :

les conventions de non-concurrence : par


exemple, dans le cadre de la cession d’un fonds
de commerce, l’acquéreur oblige le vendeur à
ne pas lui faire concurrence pendant un temps
donné ou dans une zone donnée ;
l’interdiction de la concurrence déloyale,
qui permet de protéger une entreprise contre
les agissements déloyaux de ses concurrents :
dénigrement, confusion, désorganisation de
l’entreprise d’un concurrent ;
les droits de propriété industrielle, qui
permettent à une entreprise de protéger ses
créations (brevets d’invention, dessins et
modèles) ou ses signes (marques de fabrique,
de commerce ou de service).

La seconde branche du droit de la concurrence entend


protéger les conditions de la concurrence sur les
marchés pour garantir le bon fonctionnement de ceux-
ci. On parle alors de « relations collectives de
concurrence ». Ces règles se manifestent par :

l’interdiction des pratiques dites


« anticoncurrentielles » : ententes, abus de
puissance économique (abus de position
dominante, abus de dépendance économique,
prix abusivement bas) ;
le contrôle des concentrations d’entreprises ;
une réglementation relative aux aides d’État :
certaines sont interdites, d’autres peuvent être
autorisées sous conditions.
Le droit social
Le droit social regroupe deux ensembles :

le droit du travail salarié, communément


appelé « droit du travail » ;
le droit de la Sécurité sociale.

Si le droit social est une branche du droit à dominante


de droit privé (le contrat de travail était à l’origine régi
par le Code civil), il se caractérise également par la
présence de nombreux éléments de droit public, tels
que l’inspection du travail ou l’organisation
administrative de la Sécurité sociale. Il s’agit donc
d’une branche mixte.

Le droit du travail

Le droit du travail salarié désigne les règles relatives


aux relations de travail, qu’elles soient individuelles,
entre un employeur et un salarié (conclusion,
modification et rupture d’un contrat de travail,
formation), ou collectives (droit syndical, droit de
grève, représentation des salariés).

Il pourrait y avoir quelque chose de choquant dans


l’idée de vendre son travail contre rémunération. N’a-
t-on pas vu que les éléments du corps humain étaient
hors du commerce ? Certains auteurs, comme le
doyen Ripert, l’ont affirmé : « Le travail c’est l’homme
même, dans son corps et dans son esprit, et il n’y a
pas là l’objet possible d’un contrat. »

Mais, comme le dit le professeur Supiot, « aucun être


ne peut se suffire à lui-même », et, pour pourvoir aux
besoins variés dont la nature l’a doté, l’homme doit
travailler, contre rétribution. La collaboration que
suppose la production des biens et des services
propres à satisfaire les besoins des hommes est une
question aussi ancienne que l’humanité.
Salarié ou employé ?
Un salarié est une personne physique qui est
engagée dans un contrat de travail salarié
avec un employeur (on disait jadis
« salarieur », c’est-à-dire celui qui « salarie »
quelqu’un) et qui est rétribué par un salaire.

Un employé désigne l’une des sept catégories


de la nomenclature des catégories socio-
professionnelles (CSP) établie par l’Insee (il
s’agit de la catégorie n° 5). Un employé est
généralement défini comme une personne qui
occupe un emploi sous les ordres de
quelqu’un, souvent dans le domaine
administratif ou commercial, et dont le travail
est d’ordre plutôt intellectuel que manuel. Le
groupe des employés rassemble des
professions très variées. On y trouve les
secrétaires et les agents de bureau, les agents
hospitaliers, les vendeurs, les pompiers, les
gens de maison.

En français, une confusion – fréquente – entre


salarié et employé vient de ce que,
instinctivement, on pourrait penser que le
contraire d’« employeur » est « employé »,
d’autant que, en anglais, si « employeur » se
dit employer, « salarié » se dit… employee !
Qu’est-ce qu’un contrat de travail ? La loi est
silencieuse sur la définition du contrat de travail, le
juge lui a donc prêté sa voix. Un contrat de travail est
une convention par laquelle une personne s’engage,
moyennant une rémunération, appelée « salaire », à
exercer une certaine activité au profit d’un employeur,
sous la subordination de celui-ci, dans la mesure
nécessaire. Ce qui caractérise un contrat de travail
salarié, c’est l’existence d’une subordination
hiérarchique juridiquement reconnue. La relation
employeur-salarié est souvent qualifiée de « relation
individuelle » de travail.

Pourquoi le droit du travail ? En raison de la spécificité


de son objet (la relation individuelle de travail), le
droit du travail présente des singularités par rapport
au droit commun qu’est le droit civil. Cette législation
particulière est regroupée dans un code : le Code du
travail.

Les premières règles de droit du travail sont apparues,


en France, au milieu du XIXe siècle. Le docteur
Villermé, chirurgien de la Grande Armée jusqu’en
1814 puis médecin civil, fait paraître un ouvrage, en
1840, devenu célèbre, Tableau de l’état physique et
moral des ouvriers employés dans les manufactures
de coton, de laine et de soie, couramment appelé
Rapport Villermé. Il y décrit la difficulté des conditions
de travail des ouvriers qu’il côtoie dans son cabinet.
La publication de ce rapport permet à une partie de la
classe politique de l’époque de prendre conscience
d’une réalité mal connue.
Certains parlementaires sont favorables à une
législation encadrant la liberté de l’employeur.
D’autres s’y opposent, comme Gay-Lussac, qui, au
cours des débats, déclare : « Le patron est maître
dans sa manufacture. Son établissement n’est qu’un
asile de travail, c’est un sanctuaire aussi sacré que la
maison paternelle et qui ne peut être violé que dans
des circonstances extraordinaires… Violer à chaque
instant le domicile d’un fabricant, le soumettre à une
surveillance continuelle inquisitoriale, c’est aller bien
trop loin. » Le 22 mars 1841, une loi est adoptée qui
réduit à huit heures par jour la durée du travail des
enfants de moins de 8 ans. L’examen du texte donne
lieu à des débats vifs. D’autres textes viendront
ensuite compléter cette législation dans le sens d’une
plus grande protection pour le salarié, en particulier à
partir du gouvernement de Front populaire, en 1936.

Le droit du travail est, par nature, un droit protecteur


des salariés : il garantit un certain nombre de
prérogatives individuelles essentielles. Pourquoi ?
Parce que le rapport de force entre l’employeur et le
salarié est, dans la plupart des cas, déséquilibré au
bénéfice du premier. Si le contrat de travail se
caractérise par un lien de subordination, il est marqué
également, du moins dans le cas d’un contrat à temps
plein, par une dépendance économique du salarié à
l’égard de son employeur. Le salarié a davantage
besoin de l’employeur que l’employeur n’a besoin du
salarié : si le contrat est rompu, le salarié perd tout
revenu, alors que l’employeur embauche un nouveau
salarié. Il est donc apparu nécessaire de protéger le
salarié, par exemple en soumettant le licenciement à
des conditions strictes et en garantissant une
indemnisation des chômeurs (voir plus bas, le droit de
la Sécurité sociale).
Attention : dire que le droit du travail est un droit
« protecteur des salariés » ne signifie pas pour autant
que l’employeur est dépourvu de droits, mais que le
droit du travail reconnaît et protège des droits et des
libertés du salarié. Ainsi, l’employeur peut licencier un
salarié pour motif personnel, mais il devra démontrer
une faute d’une gravité telle qu’elle justifie le
licenciement.

Ainsi, les débats relatifs à la législation du travail


portent sur le degré de protection qu’il convient de
garantir pour le salarié : tel dispositif est-il trop
protecteur ou pas assez protecteur ?

Les sources du droit du travail

À côté des sources traditionnelles (voir la quatrième


partie), le droit du travail se singularise par l’existence
de sources dites « professionnelles ».

De nombreuses règles de droit du travail se trouvent


dans les sources traditionnelles. La Constitution
reconnaît le droit d’obtenir un emploi, la liberté
syndicale, le droit de grève et le droit du travailleur de
participer, par l’intermédiaire de ses délégués, à la
détermination collective des conditions de travail ainsi
qu’à la gestion des entreprises (points 5, 6, 7 et 8 du
préambule de la Constitution du 27 octobre 1946). Au
plan international, l’Organisation internationale du
travail (OIT), en anglais International Labour
Organization (ILO), dont le siège est à Genève, est une
agence de l’Organisation des Nations unies chargée
de rassembler gouvernements, employeurs et
travailleurs de ses États membres en vue de
promouvoir les droits au travail, d’encourager la
création d’emplois décents, de développer la
protection sociale et de renforcer le dialogue social.
Les dispositions législatives – par exemple l’existence
d’un salaire minimum légal – et réglementaires sont
codifiées dans le Code du travail, qui comprend deux
ensembles : une partie législative (articles
commençant par la lettre « L ») et une partie
réglementaire (articles commençant par la lettre « R »
ou la lettre « D »).

Mais une des spécificités du droit du travail est


l’importance d’autres sources, dites
« professionnelles ». De quoi s’agit-il ? Le travail
salarié, naturellement, prend des formes
immensément diverses. Quel point commun y a-t-il
entre les conditions de travail du salarié d’une banque
travaillant dans une tour dans le quartier de la
Défense et celles du salarié d’une entreprise
pétrolière travaillant sur une plate-forme en mer,
sinon qu’ils sont tous deux salariés ? Pour tenir
compte de cette très grande diversité de réalités, il
est apparu opportun de faire en sorte qu’une partie
des règles qui s’appliquent aux salariés soient
élaborées dans le cadre de la négociation collective,
c’est-à-dire la négociation entre les « partenaires
sociaux », qui sont les représentants des employeurs
et les représentants des salariés. En d’autres termes,
l’État ne détient pas le monopole de la production de
normes sociales !

Les principales sources professionnelles du droit du


travail sont les suivantes :

Les usages d’entreprise.


Les règlements intérieurs d’entreprise, ou
« règlements d’atelier ».
Les conventions collectives et accords
collectifs : alors que la convention collective a
vocation à régler les conditions d’emploi, la
formation professionnelle et les garanties
sociales pour l’ensemble des catégories
professionnelles intéressées, un accord collectif
porte uniquement sur quelques-uns de ces
sujets. On distingue, au niveau national, les
accords nationaux interprofessionnels (ANI) ; au
niveau de la branche d’activité, les accords de
branche ; au niveau de l’entreprise, les accords
d’entreprise ; au niveau de l’établissement, les
accords d’établissement.
Le contrat de travail.

Naissance, vie et mort du contrat de travail

Il existe plusieurs types de contrats de travail :

Le contrat de travail à durée


indéterminée (CDI) : il est le contrat de droit
commun. La loi n’impose aucune forme
particulière pour le conclure, mais l’écrit est
fortement conseillé afin de constituer une
preuve de l’existence du contrat.
Le contrat de travail à durée déterminée
(CDD), pour lequel la loi exige un écrit ; il ne
peut pourvoir durablement un emploi lié à
l’activité normale et permanente de
l’entreprise.
Le contrat de travail temporaire, ou
« intérimaire », conclu entre une entreprise de
travail temporaire et le travailleur : ce contrat
de mission est suivi d’un contrat de mise à
disposition entre l’utilisateur de la force de
travail et l’entreprise de travail temporaire.
Le contrat de travail à temps partiel, qui
prévoit une durée du travail inférieure à la
durée légale, ce qui n’empêche pas le salarié
de bénéficier des mêmes droits que le salarié à
temps plein.
Le contrat d’apprentissage, qui a pour but
de former des jeunes travailleurs en vue de
l’obtention d’une qualification professionnelle et
d’un diplôme.
Qu’est-ce qu’une période
d’essai ?
La période d’essai permet à l’employeur
d’évaluer l’aptitude au travail du salarié
embauché, mais également au salarié
d’apprécier si les fonctions occupées lui
conviennent. Elle n’est pas obligatoire : elle
doit être expressément prévue dans le contrat
de travail. Sa durée varie en fonction du type
de contrat et de la catégorie professionnelle du
salarié. Elle peut être renouvelée, sous
conditions, et rompue dans le respect des
règles spécifiques prévues par la loi.
L’embauche du salarié ne devient définitive
qu’à l’expiration de cette période. L’embauche
est alors rétroactive et réputée avoir
commencé au début de la période d’essai.

Le Code du travail pose notamment un principe de


non-discrimination au stade de l’embauche « en
raison de son origine, de son sexe, de ses mœurs, de
son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation
de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques
génétiques, de son appartenance ou de sa non-
appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une
nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses
activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions
religieuses, de son apparence physique, de son nom
de famille ou en raison de son état de santé ou de son
handicap » (article L. 1132-1 du Code du travail).
Cependant, une différence de traitement peut, dans
certains cas, justifier le refus d’une embauche, à
condition qu’elle réponde à une exigence
professionnelle essentielle et déterminante : artistes
devant interpréter un rôle masculin ou féminin,
mannequins chargés de présenter des vêtements et
accessoires, modèles masculins et féminins. L’accès
interdit à certains emplois à des jeunes ou à des
travailleurs âgés peut être admis s’il repose sur des
motifs justifiés par le souci de préserver la santé ou la
sécurité des travailleurs. L’emploi de personnel
féminin est également interdit pour certains travaux
dangereux (travaux souterrains des mines et carrières
par exemple).

Attention à la déloyauté ! Un contrat de travail est un


contrat ; à ce titre, il est soumis aux dispositions de
l’article 1134 du Code civil, qui dispose, en son
alinéa 3, que « les conventions doivent être exécutées
de bonne foi ». Il en résulte notamment une obligation
de loyauté du salarié envers son employeur, même
lorsqu’elle ne figure pas expressément dans le contrat
de travail, qui permet au juge de sanctionner des
comportements déloyaux d’un salarié.
Dans quelle mesure un
employeur peut-il
modifier les conditions de
travail d’un salarié sans
l’accord de celui-ci ?
Certaines modifications peuvent être imposées
au salarié en vertu du pouvoir de direction de
l’employeur. Tel est le cas de changements
simples des conditions de travail : changement
de bureau, modification de la tâche du salarié
dès lors qu’elle correspond toujours à sa
qualification, faible variation des horaires ou
du lieu de travail sans incidence sur la
rémunération.

D’autres impliquent l’accord du salarié et une


modification du contrat de travail, telles
qu’une modification de la rémunération, une
modification de la durée du travail ou une
modification importante du lieu de travail alors
que le contrat ne prévoit pas de clause de
mobilité.

Quelles sont les causes pour lesquelles un contrat de


travail peut se terminer ? Elles sont nombreuses !
Pour tous les contrats de travail :

Le décès du salarié.
La force majeure (cataclysme naturel, état
de guerre).
La liquidation judiciaire de l’entreprise.
Le départ en retraite du salarié.

Pour les contrats de travail à durée indéterminée :

La démission du salarié.
Le licenciement du salarié par l’employeur :
soit un licenciement pour motif personnel, en
raison d’une faute suffisamment importante
(elle peut être simple, grave voire lourde, mais
ne peut être légère) ou d’une insuffisance
professionnelle, soit un licenciement pour motif
économique, c’est-à-dire effectué pour un ou
plusieurs motifs non inhérents à la personne du
salarié, résultant d’une suppression ou d’une
transformation d’emploi, ou d’une modification,
refusée par le salarié, d’un élément essentiel du
contrat de travail, consécutives à des
« difficultés économiques » ou à des
« mutations technologiques » (article L. 1233-3
du Code du travail).
La rupture conventionnelle, possible
également avec un salarié protégé (délégué du
personnel, délégué syndical, membre élu du
comité d’entreprise, notamment) : cette
procédure, d’un commun accord, exige un
entretien entre l’employeur et le salarié, suivi
de la rédaction d’une convention fixant
notamment le montant de l’indemnité pour le
salarié et la date de rupture du contrat. La
convention doit ensuite être homologuée par la
direction régionale des entreprises, de la
concurrence, de la consommation, du travail et
de l’emploi (Direccte) dont dépend l’entreprise.

Si le salarié commet une faute qui ne justifie pas un


licenciement, il peut être sanctionné
disciplinairement. Les sanctions les plus fréquentes
sont l’avertissement, le blâme, la mise à pied, la
mutation, le blocage de la rémunération ou de
l’avancement, la rétrogradation ou le changement
d’horaires de travail. En revanche, les amendes ou
autres sanctions pécuniaires sont interdites.
À quelles conditions une
clause de non-
concurrence figurant
dans un contrat de travail
est-elle valable ?
Une clause de non-concurrence figurant dans
un contrat de travail n’est licite, selon la Cour
de cassation, que si :
elle est indispensable à la protection des
intérêts légitimes de l’entreprise ;
elle est limitée dans le temps et dans
l’espace ;
elle tient compte des spécificités de
l’emploi du salarié ;
elle comporte l’obligation pour
l’employeur de verser au salarié une
contrepartie financière.
Ces conditions sont cumulatives, ce qui signifie
que l’absence de l’une de ces conditions
frappe la clause de nullité. Même écrite, la
clause ne produit pas d’effet.

Les relations collectives de travail

Les relations collectives désignent traditionnellement


trois éléments :
La représentation collective : les salariés
ont la liberté de se syndiquer (voir la partie des
Dix), et ils participent, par l’intermédiaire de
leurs représentants, à la détermination
collective des conditions de travail. Les
principales institutions (ou instances)
représentatives du personnel sont les délégués
du personnel (DP), le comité d’entreprise (CE),
la délégation unique du personnel (DUP) si
l’entreprise a opté pour ce dispositif, le comité
d’hygiène, de sécurité et des conditions de
travail (CHSCT) et les délégués syndicaux (DS).
Les conflits collectifs : les salariés disposent
du droit de grève (voir la partie des Dix).
La négociation collective, par
l’intermédiaire de leurs représentants
syndicaux (voir plus haut, les sources
professionnelles du droit du travail).

Le droit de la Sécurité sociale

La Sécurité sociale s’inscrit dans le cadre, plus large,


de la protection sociale. La protection sociale, qui
repose sur l’idée de solidarité nationale, désigne
l’ensemble des institutions et des mécanismes qui
garantissent des ressources financières de
remplacement aux individus qui, au cours de leur vie,
se retrouvent placés dans des situations particulières,
qui leur occasionnent des pertes de revenus :
maladie, accident du travail ou maladie
professionnelle, vieillesse, chômage, maternité. La
protection sociale repose donc sur la notion de risque.
Fondées sur l’idée d’une solidarité nationale, les
assurances sociales calculent les cotisations en
fonction des ressources des individus (et non d’après
le coût du risque) et versent les prestations en
fonction du coût du risque (et non en fonction des
cotisations payées).

Les règles relatives à la Sécurité sociale se trouvent


notamment dans le Code de la Sécurité sociale et le
Code des pensions civiles et militaires de retraite.
Un salarié en prison peut-
il être licencié à cause de
sa détention ?
Oui, mais les conditions diffèrent selon la
nature des faits qui ont conduit le salarié en
détention :
si le salarié est incarcéré pour des faits
qui relèvent de sa vie privée et ne
présentent pas de lien avec l’activité
professionnelle (par exemple, un crime
passionnel), le licenciement ne sera
possible que si l’employeur démontre que
l’absence du salarié désorganise ou
perturbe le fonctionnement de l’entreprise ;
si le salarié est incarcéré pour des faits
qui ont été commis dans le cadre de
l’exécution du contrat de travail (par
exemple, une escroquerie ou du
blanchiment de capitaux), un licenciement
pour faute, grave ou lourde uniquement, est
possible dès lors que les faits sont tels qu’ils
justifient une qualification de faute grave ou
lourde.
En dehors des cas justifiant un licenciement, la
détention d’un salarié entraîne uniquement la
suspension de son contrat de travail, qui
reprendra son cours à la fin de la détention.
Les autres branches du droit
privé
Parmi les autres branches du droit privé, on trouve
principalement le droit de la consommation, le droit
du sport, le droit du transport et le droit de
l’informatique.

Le droit de la consommation

Cette branche du droit s’est considérablement


développée, en France et en Europe, depuis les
années 1980. Le droit de la consommation est un droit
protecteur du consommateur : de même que le droit
du travail entend protéger le salarié – en lui
reconnaissant des droits et en encadrant des
procédures telles que le licenciement –, placé dans un
rapport de force déséquilibré avec l’employeur, le
droit de la consommation entend protéger le
consommateur dans sa relation avec le professionnel.
Pourquoi ? Parce que le consommateur ne dispose
généralement pas des moyens économiques dont
dispose le professionnel, et parce que le
professionnel, qui souhaite vendre, peut être tenté
d’utiliser des stratégies destinées à emporter le
consentement du consommateur par la ruse.

Au plan de l’offre de consommation, adressée par le


professionnel, certaines stratégies de distribution sont
réglementées pour protéger le consommateur. Tel est
le cas du démarchage à domicile et des contrats
conclus à distance, notamment par voie électronique.
D’autres stratégies de distribution sont illicites, telles
que les ventes sans commande préalable, les ventes
« à la boule de neige » (ou vente par parrainage : le
mécanisme consiste à proposer un produit à un
acheteur en lui faisant espérer qu’il obtienne cette
marchandise gratuitement ou à prix réduit à condition
qu’il trouve un certain nombre de nouveaux
acheteurs) et les pratiques agressives.

La loi protège également le consommateur contre des


comportements déloyaux. Les publicités fausses ou de
nature à induire en erreur, donc trompeuses, sont
prohibées. La publicité comparative, elle, est
autorisée à condition qu’elle ne soit pas trompeuse ou
de nature à induire en erreur, qu’elle porte sur des
biens ou services répondant aux mêmes besoins ou
ayant le même objectif et qu’elle compare
objectivement les biens ou les services (article L. 121-
8 du Code de la consommation).

Enfin, les offres incitatives sont encadrées. La revente


à perte et la pratique de prix abusivement bas sont
interdites. Les ventes en liquidation, au déballage ou
en solde sont réglementées. La loi interdit les primes
en nature constituées d’un bien ou d’un service non
identique à celui faisant l’objet du contrat. Les loteries
sont interdites si elles supposent une contrepartie
financière. Les documents publicitaires émis par les
organisateurs de loteries doivent mettre en évidence
de façon suffisamment nette l’existence d’un aléa
dans le gain, à défaut de quoi l’organisateur sera tenu
de délivrer le gain !

Le contrat de consommation, c’est-à-dire le contrat


entre un professionnel et un consommateur, fait
également l’objet d’un encadrement spécifique.
Plusieurs mécanismes protègent le consommateur : le
professionnel est soumis à une obligation
précontractuelle d’information ; plusieurs contrats ne
sont formés qu’après l’écoulement d’un délai de
rétractation. Un écrit est souvent exigé. L’abus de
faiblesse, l’exploitation de la vulnérabilité du
consommateur sont sanctionnés pénalement. En
outre, la loi frappe de nullité les clauses dites
« abusives », définies comme les clauses « qui ont
pour objet ou pour effet de créer, au détriment du
non-professionnel ou du consommateur, un
déséquilibre significatif entre les droits et obligations
des parties au contrat » (article L. 132-1 du Code de la
consommation). Le professionnel est également
soumis à une obligation de sécurité concernant les
biens et services qu’il commercialise, ainsi qu’à une
obligation de conformité aux règlements et aux
normes en vigueur.

Au stade du financement de l’opération de


consommation, le droit français a mis en place une
série de mécanismes de protection du consommateur,
par exemple en cas de refus d’ouverture de compte
par un ou plusieurs établissements de crédit. Le
consommateur peut s’adresser à la Banque de France,
qui pourra ordonner l’ouverture d’un compte, doté des
services de base, dans un établissement de crédit. Le
crédit à la consommation et le crédit immobilier font
également l’objet d’une réglementation spécifique.
Enfin, le surendettement fait l’objet de règles
propres :

des mesures de prévention, en protégeant


le consommateur contre la séduction exercée
par le professionnel et contre le poids de la
dette ;
et des mesures de correction, telles que les
procédures devant les commissions d’examen
des situations de surendettement.
Le droit du sport

Le droit du sport s’est également très sensiblement


développé au cours des dernières années. Plusieurs
institutions participent à l’élaboration de normes
intéressant le sport, aux plans international
(Organisation des Nations unies, Unesco, Mouvement
olympique international, Mouvement fédéral
international, institutions de régulation) et national
(État, collectivités locales, Mouvement olympique
national, Mouvement fédéral national).

À côté de la justice publique, des modes privés de


résolution des litiges existent : la justice fédérale, la
conciliation devant le Comité national olympique
sportif français (CNOSF), l’arbitrage juridictionnel. Les
acteurs du sport sont variés : groupements
(associations sportives, sociétés sportives), sportifs
(sportifs amateurs, sportifs professionnels, sportifs de
haut niveau), arbitres, éducateurs, entraîneurs,
exploitants des établissements d’activités physiques
et sportives, agents sportifs, médecins, syndicats, etc.
Le droit du sport pose notamment des règles qui
encadrent l’activité sportive : l’environnement de
l’activité sportive (équipements sportifs, lieux de
l’activité sportive de plein air), les compétitions et
manifestations, les responsabilités et les assurances.

Le droit du transport (ou droit des transports)

Les transports peuvent prendre des formes variées :


transports terrestres, maritimes ou aériens. Le droit
du transport régit les relations entre les transporteurs
et les clients utilisateurs de ces moyens de transport
(autres que nos pieds !), ainsi qu’aux intermédiaires
(commissionnaires de transport, voyagistes,
revendeurs de billets).
Les transporteurs sont variés : aériens (compagnies
aériennes), routiers/autocaristes, ferroviaires (sociétés
de chemins de fer), maritimes (compagnies de
navigation). Le droit des transports est une mosaïque.
Il se caractérise par l’existence d’un grand nombre de
types d’activité : nature du transporteur, transport de
voyageurs ou transport de marchandises (ou « fret »),
transport intranational ou international, transport
public ou transport privé, transport léger ou transport
lourd. Les transports sont encadrés par un contrat dit
« de transport » et, parfois, par des conventions dites
« périphériques ».

L’une des spécificités du droit du transport est, en


raison de son objet, l’importance des règles
internationales du transport. Plusieurs conventions
internationales ont eu pour but d’unifier les règles
applicables en la matière. Parmi les conventions les
plus importantes figurent :

la convention de Berne de 1890, qui a


abouti à l’adoption de la Convention relative
aux transports internationaux ferroviaires (Cotif
– 1980) ;
la Convention relative à l’aviation civile
internationale, dite convention de Chicago
(1944) ;
la Convention relative au contrat de transport
international de marchandises par route, dite
convention de Genève ou « Convention
CMR » (1956) ;
la Convention pour l’unification de certaines
règles relatives au transport aérien
international, dite convention de Varsovie
(1929), et la Convention pour l’unification de
certaines règles relatives au transport aérien
international, dite convention de Montréal
(1999).

Le droit de l’informatique

Le droit de l’informatique englobe une série


d’éléments divers. D’abord, le droit du e-commerce :
les conditions de formation spécifiques du contrat
électronique, les modes de paiement, les obligations
relatives aux conditions générales de vente (CGV) et
aux conditions générales d’utilisation (CGU) sur un
site de e-commerce, les monnaies virtuelles, les
« market places », les sites de ventes aux enchères en
ligne, etc.

Le droit de l’informatique comprend également des


règles relatives à la protection des données
personnelles et à la protection de la vie privée. Il
inclut aussi des règles relatives à la propriété
intellectuelle, qu’il s’agisse du droit d’auteur
(téléchargement illégal) ou du droit des marques. La
publicité et la prospection par courrier électronique
font l’objet d’une réglementation spécifique. Enfin, le
droit de l’informatique vise également les jeux en
ligne (jeux d’argent, jeux de hasard), dont certains
sont autorisés sous conditions, d’autres interdits. Le
droit de l’informatique prévoit un régime de
responsabilité pour les intermédiaires techniques, les
hébergeurs de sites et les créateurs de contenu.

Le cas du droit international privé

Le régime français de la responsabilité civile peut-il


s’appliquer à un accident de la circulation causé par
un citoyen français en Allemagne ? Et à un accident
de la circulation causé par un citoyen allemand en
France ? Un contrat conclu entre une société française
et une société britannique est-il régi par le droit
français des contrats ? Telles sont quelques-unes des
questions auxquelles le droit international privé a pour
objet de répondre.

Le droit international privé désigne l’ensemble des


règles qui régissent les relations qui s’établissent
entre personnes privées – physiques ou morales –
lorsqu’elles sont les sujets de législations nationales
différentes, et règle les différends qui peuvent
survenir.

Quant au droit international privé français, il a pour


objet de déterminer, pour les relations entre
personnes privées, l’étendue d’application du droit
français. En d’autres termes, le droit international
privé français désigne les règles de délimitation de
l’empire du droit matériel français au plan
international.

Le droit international privé concerne spécifiquement


les situations de droit privé. S’il s’agit de relations
entre États, le droit international public s’applique
(voir chapitre 6).

Une question de droit international privé survient


lorsque apparaît un élément extérieur, dit « élément
d’extranéité », c’est-à-dire un élément (une partie au
contrat, le lieu d’exécution du contrat, le lieu d’un
accident, etc.) qui ne se rattache pas à la législation
nationale.

Le droit international privé couvre deux séries de


questions :

De quel État est la juridiction compétente ? Ce


sont les conflits de juridictions.
Quelle législation le juge doit-il appliquer ? Ce
sont les conflits de lois.

Ces deux questions sont autonomes : la juridiction du


pays A peut être amenée à appliquer la législation du
pays B.

Le droit international privé organise également la


reconnaissance puis l’exécution (par exemple, en
France) des décisions judiciaires rendues par un autre
État. Ainsi, l’exequatur est une procédure permettant
de rendre exécutoire en France soit une décision de
justice étrangère, soit une sentence arbitrale, qu’elles
aient été rendues en France ou qu’elles aient été
rendues à l’étranger. Par exemple, en l’absence
d’exequatur, une décision de mise en liquidation
judiciaire d’une société (qui fait cesser, en principe,
les poursuites individuelles) prononcée aux États-Unis
ne produira pas d’effet en France, où les poursuites
individuelles se poursuivront.
Les juridictions associées
Quelles sont les juridictions chargées de trancher les
litiges relevant du droit privé ? Elles se trouvent au
sein de l’ordre judiciaire, qui abrite également les
juridictions pénales (voir chapitre 7).

La justice est en principe rendue par l’État : elle est


qualifiée de « justice étatique », par opposition à la
« justice privée », rendue par les citoyens eux-mêmes
(vengeance familiale, lynchage sur la place
publique…). Cependant, il existe en droit privé des
modes alternatifs de règlement des conflits, non
juridictionnels, comme la conciliation, la médiation, la
transaction ou l’arbitrage.

Deux courtes remarques terminologiques avant de


commencer :

Dans un litige de droit privé, la demande


assigne la défense, un ou plusieurs demandeurs
affrontent un ou plusieurs défendeurs. Pas
d’« accusé », pas de « prévenu » ! Attention
aux féminins : « demandeur » donne au féminin
« demanderesse » (et non « demandeuse »), et
« défendeur » donne au féminin
« défenderesse » (et non « défendeuse »).
Enfin, « bailleur » donne au féminin
« bailleresse » (un seul « r » – et non
« bailleuse »… à moins que la procédure soit
particulièrement ennuyeuse !).
Les tribunaux rendent des « jugements », les
cours rendent des « arrêts » (à ne pas
confondre avec des « arrêtés », qui sont des
actes administratifs, voir chapitre 12), les
conseils de prud’hommes rendent des
« jugements », le Conseil constitutionnel rend
des « décisions ». Le terme « décision » peut
s’utiliser de manière générale, tout comme le
terme « juridiction » peut s’utiliser pour
désigner toute institution chargée de juger. Une
cour d’appel « confirme » ou « infirme » le
jugement qui lui est déféré. La Cour de
cassation « casse » la décision qui fait l’objet du
pourvoi en cassation ou rejette le pourvoi.

Deux principes fondamentaux gouvernent


l’organisation de l’ordre judiciaire en France.

D’une part, le principe du double degré de juridiction.


Si une partie est mécontente de la décision rendue
par le premier juge (on dit également « la décision
rendue en première instance »), elle peut, à condition
que le montant du litige ne soit pas inférieur à
certains seuils légaux, « interjeter appel » (attention :
on dit « interjeter appel » ou « relever appel » d’une
décision, et non « faire appel ») de la décision.
L’affaire sera alors jugée une seconde fois par une
autre juridiction. On dit que l’appel a un effet
« dévolutif » : « L’appel remet la chose jugée en
question devant la juridiction d’appel pour qu’il soit à
nouveau statué en fait et en droit » (article 561 du
Code de procédure civile). Cela signifie que les
plaideurs peuvent soumettre à la juridiction d’appel,
ou « juridiction du second degré », l’ensemble des
questions de droit et de fait de l’affaire. Il s’agit d’une
garantie de bonne justice, le second degré de
juridiction pouvant corriger les erreurs éventuelles du
premier degré. Attention, réfléchissez bien avant de
décider d’interjeter appel : une nouvelle procédure
prend du temps, de l’argent et de l’énergie, et le
résultat est incertain, car le juge d’appel peut tout à
fait confirmer la décision du premier juge…

Le fait d’interjeter appel suspend-il l’exécution du


premier jugement ? Dans la plupart des domaines,
oui. Ce principe connaît toutefois des limites. En effet,
certaines décisions sont rendues « en premier et
dernier ressort », c’est-à-dire sans possibilité d’appel,
lorsque le montant du litige est inférieur à un seuil
légal. L’appel est qualifié de « recours ordinaire » ; il
se distingue du pourvoi en cassation, qui est un
recours dit extraordinaire (voir plus bas).
Si je gagne, puis-je
obtenir le
remboursement par la
partie adverse des frais
engagés ?
Cela dépend. Il faut distinguer les dépens et
les frais qui ne sont pas compris dans les
dépens.
Les dépens : en vertu de l’article 696 du
Code de procédure civile, « la partie
perdante est condamnée aux dépens, à
moins que le juge, par décision motivée,
n’en mette la totalité ou une fraction à la
charge d’une autre partie ». Que
comprennent les dépens ? Les droits, taxes,
redevances ou émoluments perçus par les
secrétariats des juridictions ou
l’administration des impôts, les frais de
traduction des actes et les frais
d’interprétariat, les indemnités des témoins,
la rémunération des techniciens, les
enquêtes sociales, notamment.
Les frais qui ne sont pas compris dans les
dépens, ou frais « irrépétibles »,
comprennent notamment les frais d’avocat,
les constats d’huissier de justice, les frais
d’expertise non judiciaire et les frais de
déplacement et d’hébergement, pour se
rendre sur les lieux d’une expertise. En
vertu de l’article 700 du Code de procédure
civile, le juge peut, dans toute instance,
condamner une partie à « payer à l’autre
partie la somme qu’il détermine, au titre
des frais exposés et non compris dans les
dépens ». L’appréciation du juge est libre : il
tient compte « de l’équité ou de la situation
économique de la partie condamnée ». Il
peut également « dire qu’il n’y a pas lieu à
ces condamnations ».

Deuxième principe essentiel : un principe de


spécialisation. Certaines juridictions sont spécialisées
dans le règlement de certains types de litiges. Alors
que les juridictions de droit commun ont une
compétence générale, les autres juridictions ont une
compétence spéciale que la loi leur attribue.

En cas d’urgence, une procédure spécifique est


prévue. Le juge des référés, qui siège à juge unique,
peut rendre une décision dans un court délai : il peut
autoriser des mesures conservatoires, c’est-à-dire des
mesures destinées à « préserver l’avenir » (par
exemple, empêcher l’aggravation d’une situation
dommageable), ou ordonner des remises en état afin
de prévenir un dommage imminent ou de faire cesser
un trouble manifestement contraire à la loi.
Les juridictions judiciaires du
premier degré
Les principales juridictions judiciaires du premier
degré sont les suivantes :

En matière civile :
• le tribunal d’instance (TI) tranche toutes les
affaires civiles pour lesquelles la demande
porte sur des sommes inférieures à
10 000 euros. En outre, le tribunal d’instance a
une compétence exclusive pour certains litiges
quel que soit le montant de la demande, tels
que les litiges entre propriétaires et locataires
relatifs au logement d’habitation, les
contestations en matière de funérailles ou
relatives aux frais de scolarité ou d’internat, les
litiges relatifs à l’élagage des arbres et des
haies et les actions en bornage pour fixer les
limites de deux propriétés ou les contestations
en matière d’élections politiques (établissement
des listes électorales) et d’élections
professionnelles au sein des entreprises. Il
traite également les litiges relatifs aux crédits à
la consommation d’un montant inférieur ou
égal à 75 000 euros. Les affaires sont toujours
jugées par un seul juge d’instance qui préside
les audiences et prend seul sa décision, assisté
d’un greffier ;
• le tribunal de grande instance (TGI)
tranche les litiges civils opposant des
personnes privées qui ne sont pas spécialement
attribués par la loi à une autre juridiction, telle
que le tribunal d’instance, le tribunal de
commerce ou le conseil de prud’hommes, ainsi
que les litiges civils qui concernent des
demandes supérieures à 10 000 euros. En
outre, le tribunal de grande instance a une
compétence exclusive pour de nombreuses
affaires quel que soit le montant de la
demande : état des personnes, famille, droit
immobilier, brevets d’invention et droit des
marques, actions dites « possessoires » visant à
faire respecter la possession ou la détention
d’un bien comme le respect d’une servitude de
passage. En principe, le tribunal de grande
instance statue en formation collégiale,
composée de trois magistrats du siège (juges
professionnels), assistés d’un greffier. Pour
certaines affaires, le tribunal statue à juge
unique : tel est le cas du juge des affaires
familiales, du juge des enfants, du juge de la
mise en état et du juge de l’exécution.
Dans des matières spécialisées :
• le tribunal de commerce tranche les litiges
entre commerçants ou qui portent sur les actes
de commerce. Parmi les litiges dont le tribunal
de commerce a à connaître (pour employer une
tournure toute judiciaire !), on peut évoquer les
litiges entre les sociétés commerciales en droit
commercial, boursier ou financier, les litiges
relatifs à une lettre de change, les contestations
entre les associés d’une société commerciale,
les procédures dites « collectives », qui
concernent le traitement des difficultés des
entreprises : procédure de sauvegarde,
procédure de redressement judiciaire,
procédure de liquidation judiciaire ;
• le conseil de prud’hommes règle les litiges
d’ordre individuel qui naissent entre les salariés
ou apprentis et leurs employeurs à l’occasion
du contrat de travail, qu’il s’agisse d’un contrat
à durée indéterminée (CDI), d’un contrat à
durée déterminée (CDD) ou d’un contrat
d’apprentissage. Il est compétent pour
reconnaître l’existence ou la validité d’un
contrat de travail, pendant l’exécution du
contrat et lors de la rupture du contrat
(licenciement, clause de non-concurrence,
durée légale du préavis de départ, notamment).
Le conseil de prud’hommes est composé de
quatre juges non professionnels : deux
conseillers élus par les employeurs et deux
autres par les salariés. Un président et un vice-
président sont élus tous les ans pour gérer
chacune des sections, qui correspondent à
différents secteurs d’activité. Ces fonctions sont
occupées alternativement par un conseiller
salarié puis par un conseiller employeur. Le
contentieux en matière sociale est éclaté : le
tribunal d’instance est compétent pour trancher
les litiges qui surviennent dans le cadre de
l’élection des représentants du personnel. Les
juridictions pénales sanctionnent les infractions
au droit pénal du travail (travail dissimulé, délit
d’entrave). Les juridictions administratives
traitent des conflits avec l’inspecteur du travail.
Enfin, le tribunal des affaires de Sécurité sociale
est compétent pour tous les litiges relatifs à la
Sécurité sociale (voir plus bas) ;
• le tribunal des affaires de Sécurité
sociale (Tass) connaît des litiges qui opposent
les assurés sociaux et les caisses de Sécurité
sociale. Il est compétent en cas de contestation
portant sur l’assujettissement, le calcul et le
recouvrement des cotisations et des prestations
sociales, le remboursement des frais médicaux,
par exemple ;
• le tribunal paritaire des baux ruraux juge
les litiges opposant un propriétaire et
l’exploitant de terres ou de bâtiments agricoles,
par exemple un litige portant sur l’existence
d’un bail rural ou sur le montant du loyer du
fermage. Le tribunal paritaire des baux ruraux
est composé du juge d’instance, qui préside les
audiences, et de quatre juges non
professionnels élus : deux représentants des
propriétaires (bailleurs) et deux représentants
des exploitants (preneurs).
Les cours d’appel
Les cours d’appel, composées de chambres
spécialisées, connaissent des appels interjetés contre
les décisions rendues en première instance.
La Cour de cassation
La Cour de cassation est la juridiction suprême de
l’ordre judiciaire.

Depuis une loi du 3 juillet 1967 complétée par un


décret du 22 décembre 1967, la Cour de cassation
comprend, outre la chambre criminelle, demeurée
unique :

trois chambres civiles, dont deux ont été


instituées par une loi du 21 juillet 1952 ;
la chambre commerciale, financière et
économique, instituée par une loi du 22 juillet
1947 ;
la chambre sociale, instituée par un décret-
loi du 12 novembre 1938.

Elle comprend donc six chambres en tout. À l’origine,


la Cour de cassation était divisée en trois sections,
appelées « chambres » : la chambre criminelle, la
chambre des requêtes et la chambre civile.

Quel est le rôle de la Cour de cassation ? La Cour de


cassation n’est pas un troisième degré de juridiction.
Elle ne va pas juger l’affaire une troisième fois. Alors
que les juridictions du premier degré et les juridictions
d’appel, également appelées « juridictions
inférieures » ou « juridictions du fond », examinent le
droit et le fait, la Cour de cassation a pour mission
d’harmoniser, d’unifier l’interprétation du droit, et,
pour ce faire, elle contrôle l’application du droit par les
juridictions inférieures. La Cour de cassation est la
gardienne de l’unité du droit privé et du droit pénal en
France. Dans l’hypothèse d’un litige sur
l’interprétation qu’il convient de donner à telle règle
de droit positif, c’est elle qui est chargée de dire, en
dernière instance, quelle est la bonne interprétation.

« Le pourvoi en cassation tend à faire censurer par la


Cour de cassation la non-conformité du jugement qu’il
attaque aux règles de droit », énonce l’article 604 du
Code de procédure civile. Les recours qui sont
adressés à la Cour de cassation portent le nom de
« pourvois en cassation ». Ils visent une décision,
rendue par une juridiction du fond (souvent une cour
d’appel) et généralement appelée « décision
attaquée », « décision contestée » ou encore
« décision déférée ». Une partie à la décision, appelée
le « demandeur au pourvoi » ou l’« auteur du
pourvoi », estime que les juges du fond ont fait une
application erronée de la règle de droit. Si la Cour de
cassation considère que les juges du fond ont fait une
application erronée de la règle de droit, elle casse la
décision déférée (elle accueille donc les arguments de
l’auteur du pourvoi) ; si, en revanche, elle considère
que les juges du fond ont fait une correcte application
de la règle de droit, elle rejette le pourvoi.

La Cour de cassation peut également décider d’une


cassation partielle : dans ce cas, la cassation porte sur
une partie seulement de la décision déférée, l’autre
partie n’encourant pas la critique. En raison de son
rôle unificateur de la jurisprudence des juridictions
françaises, on appelle souvent la Cour de cassation la
« Cour régulatrice ».

Quelle est plus précisément l’étendue du contrôle


qu’opère la Cour de cassation ? Trois idées sont
essentielles ici.
D’abord, la Cour de cassation contrôle
toujours l’interprétation de certaines normes de
droit positif : la loi, les textes réglementaires,
les conventions internationales, les conventions
collectives de travail et les règles d’origine
jurisprudentielle. Elle ne contrôle pas, en
revanche, l’interprétation des lois étrangères,
des contrats ou des usages.
Ensuite, la Cour de cassation n’exerce aucun
contrôle sur la matérialité des faits. En d’autres
termes, si une cour d’appel a relevé que la
marque de freinage d’un pneumatique
automobile sur la chaussée était, par exemple,
de 6,78 m, la Cour de cassation ne contrôlera
pas la véracité de cet élément.
Enfin, la Cour de cassation exerce parfois un
contrôle sur la qualification juridique des faits.
Quels sont les principaux critères qui
déterminent le contrôle de la qualification
juridique des faits ? Si la qualification procède
d’appréciations d’ordre essentiellement factuel,
la Cour de cassation n’opérera pas de contrôle ;
si en revanche la qualification met en œuvre
des éléments abstraits ou objectifs qui peuvent
faire l’objet d’une approche plus juridique, elle
l’opérera. La possibilité et la nécessité
d’unification des solutions jurisprudentielles
pourront également justifier le contrôle de la
qualification des faits. L’importance des
conséquences juridiques de la solution, objet de
la qualification, sera également prise en
compte.

En 2013, la France comptait, au sein de l’ordre


judiciaire, c’est-à-dire placés sous l’autorité de la Cour
de cassation, et à l’exception des juridictions pénales
(voir chapitre 7) :
1 tribunal supérieur d’appel ;
36 cours d’appel ;
161 tribunaux de grande instance ;
4 tribunaux de première instance ;
155 tribunaux pour enfants ;
115 tribunaux des affaires de Sécurité
sociale ;
307 tribunaux d’instance et tribunaux de
police ;
210 conseils de prud’hommes ;
6 tribunaux du travail ;
134 tribunaux de commerce.
Devant quelles
juridictions judiciaires la
représentation par un
avocat est-elle
obligatoire ?
Devant le tribunal de grande instance et le
tribunal de première instance, l’assistance
d’un avocat est obligatoire dans la plupart des
affaires.

Devant le tribunal d’instance, le tribunal de


commerce, le conseil de prud’hommes, le
tribunal des affaires de Sécurité sociale, le
tribunal pour enfants, l’assistance d’un avocat
n’est pas obligatoire.

Devant la cour d’appel, l’assistance d’un


avocat est obligatoire, sauf en cas d’appel d’un
jugement du conseil de prud’hommes : vous
pouvez être assisté dans les mêmes conditions
que devant le conseil de prud’hommes.

Devant la Cour de cassation, l’assistance d’un


avocat au Conseil d’État et à la Cour de
cassation est obligatoire.
Chapitre 6

Le droit public

Dans ce chapitre :
Les acteurs du droit public
Les composantes du droit public
La justice administrative

Bienvenue dans le monde du droit public ! Un monde


que les étudiants en droit redoutent parfois, à tort :
comme l’écrit André Gide dans Les Nouvelles
Nourritures (1935), « Il est bien peu de monstres qui
méritent la peur que nous en avons »… Une seule
règle doit vous guider ici : luttez contre la tentation de
vouloir, en droit public, appliquer les concepts, les
mécanismes, les raisonnements du droit privé.
Empêchez votre cerveau de faire appel aux réflexes
que vous avez acquis en droit privé. Pourquoi ? Parce
que le droit public est un ensemble de règles et
d’institutions qui a sa logique propre. Cette logique
est tout à fait différente de celle du droit privé.

Quelle est cette logique ? Alors que le droit privé a


pour objet les relations entre des sujets de droit privé,
c’est-à-dire des sujets de droit qui défendent des
intérêts privés, de « puissance » juridique équivalente
(mais pas nécessairement de puissance économique
équivalente, c’est pourquoi le droit protège parfois
une catégorie de sujets de droit ; par exemple, le droit
de la consommation protège le consentement du
consommateur dans sa relation avec le professionnel),
le droit public organise les relations, soit au sein des
personnes publiques ou entre les personnes publiques
(on parle de « relations internes de l’administration »),
soit entre les personnes publiques et les personnes
privées (on parle de « relations externes de
l’administration »).

Or, les personnes publiques, parce qu’elles se


rattachent à la puissance publique (ou aux « pouvoirs
publics »), disposent de prérogatives qu’aucune
personne privée ne possède, par exemple la
possibilité d’exproprier des individus pour cause
d’utilité publique afin de construire un ouvrage public
(ex. : une autoroute). Ces prérogatives propres,
communément appelées « prérogatives de puissance
publique » ou « prérogatives exorbitantes du droit
commun », sont au cœur du droit public. C’est la
nature de la relation entre une personne publique et
une personne privée qui est singulière : elle se
distingue de la nature de la relation entre deux
personnes privées et justifie la différence entre ces
deux grands ensembles de règles : le droit public et le
droit privé. C’est parce que la puissance publique
dispose de cette puissance que l’on ne peut appliquer
aux relations dans lesquelles elle intervient les règles
que l’on applique dans les relations où elle est
absente.

Alors, que trouve-t-on dans le droit public ? Le droit


public précise d’abord l’organisation et le
fonctionnement des pouvoirs publics : tel est l’objet
du droit constitutionnel. Il prévoit ensuite l’étendue de
la puissance d’action de l’administration – on dit aussi
le « pouvoir régalien », du latin rex, le « roi » – et les
limites que le droit apporte à cette puissance : tel est
le droit administratif. Le droit administratif nous
renseigne sur ce que l’administration peut faire et sur
ce qu’elle ne peut pas faire. Il est à la fois le droit de
l’étendue de la puissance publique et le droit des
limites de cette puissance. Par exemple, c’est le droit
public qui nous dit dans quelle mesure une autorité
administrative peut, pour des raisons de santé
publique, limiter, voire interdire, la vente d’alcool : si
une interdiction générale et absolue (tout type
d’alcool, sur tout le territoire d’une commune, à toute
heure du jour et de la nuit) est interdite, une
interdiction limitée, justifiée par un intérêt général et
proportionnée au but poursuivi (les alcools forts
uniquement, dans les stations-service d’autoroute
uniquement, entre 22 heures et 6 heures du matin car
les effets de l’alcool sont décuplés avec la fatigue) est
possible.

Car les pouvoirs de l’administration ne sont pas


absolus, sans limite. L’administration est, elle aussi,
soumise au droit : tel est le principe de légalité, ou
« principe de juridicité ». Quelles sont les normes que
l’administration est tenue de respecter dans l’édiction
des actes administratifs ? Elles sont nombreuses ! Ce
sont les normes de valeur constitutionnelle, les
normes internationales (traités, accords, normes de
droit de l’Union européenne), les lois, les décisions de
justice et les normes administratives : règlements,
décisions individuelles ou particulières, contrats
administratifs.
Les acteurs du droit public
Quels sont les acteurs du droit public ?

Il est possible de les organiser en deux camps.

Dans le premier camp, bien sûr, on trouve les acteurs


de la puissance publique, c’est-à-dire l’ensemble des
personnes publiques ou, plus précisément, des
personnes morales de droit public. Nous avons vu au
chapitre 4 que les principaux types de personnes
morales de droit public sont :

l’État ;
les collectivités territoriales, ou collectivités
locales : régions, départements, communes,
collectivités en outre-mer ;
les établissements publics ;
les groupements d’intérêt public (GIP).

Aucune personne physique dans le premier camp !

Que serait le pouvoir s’il n’avait personne contre qui


s’exercer ? Dans l’autre camp, ce sont les administrés,
c’est-à-dire l’ensemble des personnes privées
(personnes physiques et personnes morales de droit
privé), qui, dans leur vie juridique, sont amenées à
être en relation avec la puissance publique.
Les composantes du droit public
Les deux principales sous-branches du droit public
sont le droit constitutionnel et le droit administratif.
D’autres sous-branches, liées au droit administratif,
sont également rangées dans le droit public, même si
des éléments de droit privé s’y mêlent à une
dominante de droit public : tel est le cas du droit des
finances publiques, du droit fiscal et du droit de la
construction. Enfin, le droit international public occupe
une place singulière au sein du droit public.
Le droit constitutionnel
Comment est organisé l’État ? Comment sont répartis
les différents pouvoirs au sein de l’État (pouvoir
législatif, pouvoir exécutif, pouvoir judiciaire) ? Quelles
sont les institutions, quels sont les organes qui
composent l’État, qui le constituent, et quelle est la
nature des relations qui les lient ? Quels sont les droits
fondamentaux que l’État reconnaît et protège ? Voilà
quelques-unes des questions auxquelles le droit
constitutionnel a pour objet d’apporter des réponses.

Le droit constitutionnel désigne l’ensemble des règles


qui concernent l’organisation et le fonctionnement de
l’État, c’est-à-dire la répartition des pouvoirs au sein
de l’État, les modes d’exercice du pouvoir au sein de
l’État. Pour chaque organe constitutif de l’État, le droit
constitutionnel prévoit les modalités de sa
désignation, ses compétences et ses fonctions. Le
droit constitutionnel comprend également les droits
fondamentaux, ou « libertés fondamentales »,
garantis par les textes de valeur constitutionnelle
(voir la partie des Dix).

Où trouve-t-on les règles du droit


constitutionnel ?

Dans la Constitution et dans les textes qui s’y


rattachent. En France, c’est la Constitution du
4 octobre 1958, texte fondateur de la Ve République,
qui est aujourd’hui en vigueur. Mais d’autres normes
ont également une valeur constitutionnelle (voir
chapitre 8).
D’autres textes, enfin, se rattachent au droit
constitutionnel. Ce sont les lois constitutionnelles et
les lois organiques :

Les lois constitutionnelles, prévues par


l’article 89 de la Constitution de 1958,
modifient la Constitution. Elles sont adoptées, à
l’issue d’une procédure législative spécifique,
soit par le Congrès du Parlement, qui réunit
l’ensemble des députés (577) et des sénateurs
(348), soit par référendum. Par exemple, la loi
constitutionnelle du 23 juillet 2008 de
modernisation des institutions de la
Ve République (dernière révision de la
Constitution).
Les lois organiques, prévues par l’article 46
de la Constitution de 1958, sont des lois qui ont
pour objet de préciser les modalités
d’application d’une disposition de nature
constitutionnelle. Elles sont des
« prolongements » de la Constitution. Comme
les lois constitutionnelles, les lois organiques
sont adoptées à l’issue d’une procédure
législative spécifique, différente de la procédure
applicable pour l’adoption des lois ordinaires.
Par exemple, la loi organique du 10 décembre
2009 relative à l’application de l’article 61-1 de
la Constitution (concernant la question
prioritaire de constitutionnalité, voir plus bas).

Quels sont les grands principes du droit


constitutionnel français ?

La Constitution s’ouvre sur quatre articles qui posent


les fondements de la République :
L’article 1er consacre la France comme
« République indivisible, laïque, démocratique
et sociale », qui « assure l’égalité devant la loi
de tous les citoyens sans distinction d’origine,
de race ou de religion », qui « respecte toutes
les croyances », et dont l’organisation est
« décentralisée ». Il ajoute que la « loi favorise
l’égal accès des femmes et des hommes aux
mandats électoraux et fonctions électives, ainsi
qu’aux responsabilités professionnelles et
sociales ».
L’article 2 dispose : « La langue de la
République est le français. L’emblème national
est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge.
L’hymne national est La Marseillaise. La devise
de la République est “Liberté, Égalité,
Fraternité”. Son principe est : gouvernement du
peuple, par le peuple et pour le peuple. »
L’article 3 proclame : « La souveraineté
nationale appartient au peuple qui l’exerce par
ses représentants et par la voie du référendum.
Aucune section du peuple ni aucun individu ne
peut s’en attribuer l’exercice. Le suffrage peut
être direct ou indirect dans les conditions
prévues par la Constitution. Il est toujours
universel, égal et secret. Sont électeurs, dans
les conditions déterminées par la loi, tous les
nationaux français majeurs des deux sexes,
jouissant de leurs droits civils et politiques. »
L’article 4 énonce notamment que « les
partis et groupements politiques concourent à
l’expression du suffrage ». Ils « se forment et
exercent leur activité librement » mais
« doivent respecter les principes de la
souveraineté nationale et de la démocratie ».
Puis est présentée l’organisation des différents
pouvoirs publics :

Le pouvoir exécutif

La Constitution organise un pouvoir exécutif


« bicéphale », c’est-à-dire composé de deux
« têtes » : le président de la République et le
gouvernement.

Sous la Ve République, le président de la République


dispose de pouvoirs étendus. Il est le gardien des
institutions et de la continuité de l’État (article 5). Il
est élu pour cinq ans au suffrage universel direct
(article 6, alinéa 1er). Depuis la révision
constitutionnelle du 23 juillet 2008, la Constitution
prévoit que « Nul ne peut exercer plus de deux
mandats consécutifs » (article 6, alinéa 2). Dans
l’hypothèse où le président de la République ne serait
pas en mesure d’exercer ses fonctions, c’est le
président du Sénat qui exercerait temporairement les
missions présidentielles, à l’exception des pouvoirs de
référendum et de dissolution de l’Assemblée
nationale.

Pour assurer les missions qui lui sont confiées par la


Constitution, le président de la République est doté
d’une série de pouvoirs, traditionnellement classés en
deux catégories :

Les pouvoirs qui, pour être exercés,


nécessitent le contreseing de certains membres
du gouvernement : ces pouvoirs sont dits
pouvoirs partagés. Ils correspondent aux
missions de représentation de l’État, de
garantie de la continuité de l’État et du respect
de la Constitution, de fonctionnement des
institutions et des pouvoirs publics.
Les pouvoirs que le président de la
République peut exercer sans contreseing : ces
pouvoirs sont dits pouvoirs propres. Ces
pouvoirs sont :
• article 8, alinéa 1er : nomination du Premier
ministre ;
• article 11 : référendum législatif ;
• article 12 : dissolution de l’Assemblée
nationale ;
• article 16 : pouvoirs exceptionnels ;
• article 18 : droit de message au Parlement ;
• article 54 : saisine du Conseil constitutionnel
concernant la constitutionnalité d’un traité ;
• article 56 : nomination de trois membres du
Conseil constitutionnel, dont son président ;
• article 61 : saisine du Conseil constitutionnel
concernant la constitutionnalité d’une loi.
Existe-t-il un « domaine
réservé » au chef de
l’État dans la
Constitution ?
Oui et non… Ce point fait débat aujourd’hui
encore. La Constitution ne fait pas
expressément mention d’un « domaine
réservé » du chef de l’État. Cependant, elle en
dessinerait, selon certains auteurs, les
contours : il recouvrirait la diplomatie, la
défense, la sécurité, éventuellement les
affaires européennes et la garantie des acquis
en matière sociale. En effet, malgré les
dispositions constitutionnelles relatives au
partage de ces attributions entre les différents
pouvoirs publics, la pratique politique a
conduit à une hégémonie assez nette du chef
de l’État dans ces domaines.

Dirigé par le Premier ministre, le gouvernement


constitue la seconde tête du pouvoir exécutif défini
par la Constitution. Quel est le rôle du
gouvernement ? Il « détermine et conduit la politique
de la nation » (article 20, alinéa 1er).

Le président de la République nomme le Premier


ministre puis, sur la proposition de celui-ci, nomme les
autres membres du gouvernement (article 8).
Le Premier ministre « dirige l’action du gouvernement.
Il est responsable de la défense nationale. Il assure
l’exécution des lois. » Sous réserve des attributions du
président de la République, il « exerce le pouvoir
réglementaire et nomme aux emplois civils et
militaires » (article 21).

Les relations entre le président de la République et le


gouvernement diffèrent selon que l’on est en période
dite « de concordance », c’est-à-dire lorsque le
président de la République et le Premier ministre
appartiennent à la même formation politique ou à des
formations politiques proches, ou en période dite « de
cohabitation », c’est-à-dire lorsque le président de la
République et le Premier ministre appartiennent à des
formations politiques rivales. En France, la
cohabitation s’est produite à trois reprises sous la
Ve République, en 1986-1988, 1993-1995 et 1997-
2002.

Si la fonction présidentielle est plus affirmée en


période de concordance, elle se caractérise par un
repli du président de la République sur sa fonction
d’arbitre, voire de chef de l’opposition, dans les
périodes de cohabitation. Cependant, en période de
cohabitation, le président de la République conserve
l’exercice de ses pouvoirs non contresignés.

À la suite de la réduction à cinq ans de la durée du


mandat présidentiel (loi constitutionnelle du 2 octobre
2000) et de l’« inversion du calendrier » des élections
présidentielle et législatives intervenue par une loi du
15 mai 2001, l’élection présidentielle précède
désormais les élections législatives lors d’une année
électorale. L’hypothèse d’une cohabitation apparaît
désormais moins probable, le président de la
République élu ayant vocation à obtenir une majorité
parlementaire à l’issue des élections législatives qui
se déroulent quelques semaines après l’élection
présidentielle, comme cela a pu se vérifier en 2002,
2007 et 2012.

En période de concordance, le régime est souvent


qualifié de « dualiste ». En effet, il se caractérise par
une double relation de confiance, puisque le
gouvernement doit avoir :

la confiance du président de la République,


dont dépendent sa nomination et son maintien
en fonction ;
la confiance du Parlement, devant lequel le
gouvernement est responsable.

Le pouvoir législatif

En France, le pouvoir législatif est exercé par le


Parlement. Le Parlement est constitué des
représentants de la Nation élus par le peuple. Sous la
Ve République, le Parlement est « bicaméral » (du
latin camera, « chambre »). Il se compose de deux
chambres :

L’Assemblée nationale, dite « Chambre


basse », où siègent 577 députés. Ils sont élus
au suffrage universel direct au scrutin
uninominal majoritaire à deux tours pour un
mandat de cinq ans renouvelable.
Le Sénat, dit « Chambre haute » ou « Haute
Assemblée », où siègent 348 sénateurs. Ils sont
élus pour une durée de six ans au suffrage
universel indirect par un collège électoral de
près de 150 000 membres composé des
députés, des conseillers régionaux, des
conseillers généraux et des délégués des
conseillers municipaux, qui représentent près
de 95 % du collège.

Bien qu’elle soit qualifiée de « Chambre basse »,


l’Assemblée nationale dispose d’une prééminence,
reconnue par la Constitution, sur le Sénat dans le
cadre de la procédure législative.

Le Parlement exerce une double fonction :

Une fonction d’élaboration des lois.


Une fonction de contrôle de l’activité du
gouvernement.

L’article 24, alinéa 1er, de la Constitution dispose :


« Le Parlement vote la loi. »

Sous la Ve République, l’initiative des lois appartient :

au gouvernement (le texte est alors appelé


« projet de loi ») ;
et aux membres du Parlement (le texte est
alors appelé « proposition de loi »).

Le texte est ensuite examiné par les deux


assemblées. Pour devenir une loi, un texte doit être
adopté par les deux chambres, en termes identiques.
L’adoption d’un texte par l’une des deux assemblées
entraîne l’envoi à l’autre assemblée en vue de son
examen. Les parlementaires peuvent y proposer des
modifications ou l’ajout de nouveaux articles (droit
d’amendement). Ce processus est désigné par
l’expression de « navette parlementaire ».

Dans l’hypothèse où les deux assemblées ne seraient


pas parvenues à un accord au terme de la seconde
lecture, le Premier ministre ou, pour les propositions
de loi, les présidents des deux assemblées ensemble
peuvent convoquer une « commission mixte
paritaire » (CMP), qui sera chargée de dégager un
compromis sur les dispositions encore litigieuses. Si la
commission mixte paritaire ne parvient pas à un texte
définitif, le gouvernement peut demander à
l’Assemblée nationale, et à elle seule, de statuer
définitivement.

Le texte est promulgué dans un délai de quinze jours


par le président de la République et entre en vigueur
postérieurement à sa publication au Journal officiel.
Jusqu’à la promulgation de la loi, le Conseil
constitutionnel peut être saisi pour examiner la
conformité du texte aux normes constitutionnelles
(voir plus bas).

La fonction de contrôle de l’activité du


gouvernement est la seconde grande fonction du
Parlement. Le Parlement remplit ainsi un rôle de
contre-pouvoir par rapport au pouvoir exécutif. En
effet, dans les institutions de la Ve République,les
assemblées peuvent mettre en cause la responsabilité
du gouvernement :

Le Premier ministre peut engager devant


l’Assemblée nationale la responsabilité du
gouvernement « sur son programme ou
éventuellement sur une déclaration de politique
générale » (article 49, alinéa 1er).
L’Assemblée nationale peut censurer le
gouvernement si la majorité parlementaire de
l’Assemblée nationale n’accorde plus sa
confiance au gouvernement : c’est ce que l’on
appelle une « motion de censure » (article 49,
alinéa 2). Sous la Ve République, à ce jour,
seule une motion de censure a été adoptée, le
5 octobre 1962, renversant le premier
gouvernement de Georges Pompidou à la suite
de la décision du général de Gaulle d’instituer
par la voie du référendum l’élection du
président de la République au suffrage
universel direct.
Le Premier ministre peut engager la
responsabilité du gouvernement devant
l’Assemblée nationale sur le vote d’un texte
législatif, qu’il s’agisse d’un projet de loi ou
d’une proposition de loi (article 49, alinéa 3). Un
texte législatif peut ainsi être adopté sans qu’il
ait été véritablement discuté et voté par
l’Assemblée nationale. Conçu comme une
procédure exceptionnelle, l’article « 49-3 » a
pour objet de permettre l’adoption de textes
essentiels dans l’hypothèse de majorités
parlementaires fragiles.
Enfin, le Premier ministre a la faculté de
demander au Sénat « l’approbation d’une
déclaration de politique générale » (article 49,
alinéa 4). Un défaut d’approbation n’entraîne
pas de censure du gouvernement, pouvoir dont
dispose seule l’Assemblée nationale.

Dans le cadre de sa fonction de contrôle, le Parlement


dispose également d’une série de dispositifs
d’information, d’enquête et d’évaluation : les
questions parlementaires, les commissions d’enquête,
les auditions, les missions d’information, les
délégations et offices parlementaires, le recours à
l’audit et à l’expertise.

Le pouvoir judiciaire

Le juge judiciaire, nous l’avons vu, connaît des litiges


relevant du droit privé et du droit pénal (voir
chapitre 5).

La Constitution du 4 octobre 1958 lui consacre


plusieurs articles (articles 64 à 66-1) qui portent sur le
statut de la magistrature, le Conseil supérieur de la
magistrature et la garantie de la liberté individuelle.

Article fondamental, l’article 66 énonce « Nul ne peut


être arbitrairement détenu » puis fait de l’autorité
judiciaire la « gardienne de la liberté individuelle ». Au
sens large, la liberté individuelle désigne, notamment,
la légalité des délits et des peines, la proportionnalité
des peines, la non-rétroactivité de la loi pénale, la
présomption d’innocence, la liberté d’aller et de venir,
le droit au respect de la vie privée, la dignité de la
personne humaine, le droit de propriété, l’inviolabilité
du domicile.

Le Conseil constitutionnel exerce notamment le


contrôle de conformité des normes législatives et des
traités et accords internationaux aux normes
constitutionnelles. Ce contrôle est également dit
contrôle de constitutionnalité.

Comment est composé le Conseil constitutionnel ? Il


comprend :
d’une part, neuf membres dont le mandat
dure neuf ans et n’est pas renouvelable ; un
tiers du Conseil constitutionnel est renouvelé
tous les trois ans, trois des membres sont
nommés par le président de la République, trois
sont nommés par le président de l’Assemblée
nationale, trois sont nommés par le président
du Sénat ; le président du Conseil
constitutionnel est nommé par le président de
la République ;
d’autre part, les anciens présidents de la
République, membres de droit à vie.

« La loi est l’expression de la volonté générale, écrit


Georges Vedel, mais dans le respect de la
Constitution. » Pour veiller à la conformité de la loi à la
Constitution, le Conseil constitutionnel exerce deux
types de contrôles de constitutionnalité : un contrôle
de constitutionnalité a priori et un contrôle de
constitutionnalité a posteriori.

Plusieurs types de normes (on les appelle aussi


« actes normatifs ») peuvent faire l’objet d’un contrôle
de constitutionnalité par le Conseil constitutionnel
antérieurement à leur adoption définitive, c’est-à-dire
leur entrée dans l’ordre juridique (d’où l’expression de
« contrôle a priori »). Quelles sont ces normes ?

Sont soumis à un contrôle obligatoire, c’est-à-dire


automatique, du Conseil constitutionnel :

les lois organiques ;


les règlements des assemblées (Assemblée
nationale et Sénat) ;
les propositions de loi soumises au
référendum d’initiative partagée.
Sont soumis à un contrôle facultatif du Conseil
constitutionnel, à l’initiative de l’une des « autorités
saisissantes » – à savoir le président de la République,
le Premier ministre, le président de l’Assemblée
nationale, le président du Sénat et, depuis 1974,
60 députés ou 60 sénateurs (cette procédure n’est
pas automatique, et le Conseil constitutionnel ne peut
pas s’autosaisir) :

les lois ordinaires ;


les traités et accords internationaux soumis à
ratification ou approbation ;
les « lois du pays », actes adoptés dans le
domaine de la loi par les assemblées
délibérantes de la Nouvelle-Calédonie et de la
Polynésie française.

En revanche, sont toujours exclues du contrôle de


constitutionnalité :

les lois adoptées par référendum, ou « lois


référendaires » ;
les lois constitutionnelles.

Mais quelles sont les normes à l’aune desquelles le


Conseil constitutionnel opère son contrôle de
constitutionnalité, que l’on appelle les « normes de
référence » ? Ce sont les normes de valeur
constitutionnelle, qui composent le « bloc de
constitutionnalité » (voir chapitre 8). En revanche, les
traités et accords internationaux ne font pas partie
des normes de référence : le Conseil constitutionnel
l’a jugé dans une décision du 15 janvier 1975.

Dans l’hypothèse où le Conseil constitutionnel


estimerait qu’il existe une contrariété entre un traité
ou accord international et une ou plusieurs normes de
référence, la ratification ou l’approbation de
l’engagement international devra être précédée d’une
révision constitutionnelle supprimant cette
contrariété.

Problème : certaines dispositions législatives en


vigueur ont pu apparaître contraires à la Constitution.
Elles n’avaient pas fait l’objet d’un contrôle par le
Conseil constitutionnel, soit parce qu’elles avaient été
adoptées antérieurement à 1958, soit parce qu’elles
avaient été adoptées postérieurement à 1958 mais
sans que les autorités saisissantes ne transmettent le
texte, au stade de son examen, au Conseil
constitutionnel.

Le juge ne pouvait alors écarter l’application d’une


disposition législative en vigueur, même
anticonstitutionnelle… alors qu’il pouvait écarter
l’application d’une disposition législative en vigueur
mais contraire à un traité international en opérant un
contrôle de conventionnalité, puisque le traité
international a valeur supérieure aux lois ! Alors que
les normes constitutionnelles ont valeur supérieure
aux traités internationaux dans l’ordre interne…

La mise en place d’un contrôle de constitutionnalité a


posteriori est une réponse à cette situation. Ce
contrôle a été instauré par la révision constitutionnelle
du 23 juillet 2008, sous la forme de ce que l’on
appelle la question prioritaire de constitutionnalité
(QPC). À la différence du contrôle de constitutionnalité
a priori, qui s’exerce avant l’entrée en vigueur d’une
norme, le contrôle de constitutionnalité a posteriori
est un contrôle qui ne s’opère que dans le cadre d’une
situation concrète de litige, dont la résolution
nécessite de clarifier le droit en vigueur.
La question prioritaire de constitutionnalité permet à
tout justiciable, à l’occasion d’une instance en cours
devant une juridiction de l’ordre judiciaire ou de
l’ordre administratif, quelle que soit la nature du litige,
de soutenir « qu’une disposition législative porte
atteinte aux droits et libertés que la Constitution
garantit » (article 61-1 de la Constitution). Le Conseil
constitutionnel peut être saisi de cette question sur
renvoi de la Cour de cassation (si le litige se déroule
devant une juridiction de l’ordre judiciaire) ou du
Conseil d’État (si le litige se déroule devant une
juridiction de l’ordre administratif). Ainsi, les
juridictions suprêmes de l’ordre judiciaire et de l’ordre
administratif opèrent un « filtre ». La question peut
être posée en première instance, en appel, ou même
en cassation. Toutefois, elle ne peut être posée devant
une cour d’assises : en matière criminelle, la question
de constitutionnalité peut être posée soit avant le
procès devant le juge d’instruction, soit
postérieurement au procès, en appel ou en cassation.

Une question prioritaire de constitutionnalité ne peut


être posée par le juge lui-même. En revanche, le
ministère public, lorsqu’il est partie à un procès, par
exemple dans le procès pénal, peut soulever une
question prioritaire de constitutionnalité.

Lorsqu’une question prioritaire de constitutionnalité


est transmise par une juridiction inférieure à la
juridiction suprême dont elle dépend, la procédure en
cours est suspendue dans l’attente de la décision de
la juridiction suprême concernée puis, s’il a été saisi,
de la décision du Conseil constitutionnel.

À quelles conditions le Conseil constitutionnel est-il


saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité ?
Trois conditions doivent être cumulativement
remplies :

La disposition législative critiquée doit être


applicable au litige ou à la procédure, ou
constituer le fondement des poursuites.
La disposition législative critiquée ne doit pas
avoir déjà été déclarée conforme à la
Constitution par le Conseil constitutionnel.
La question doit être nouvelle ou présenter un
caractère sérieux.

Lorsqu’il est saisi, le Conseil constitutionnel dispose


d’un délai de trois mois, à compter du jour où il a été
saisi, pour rendre sa décision. Deux cas de figure sont
alors possibles :

Soit le Conseil constitutionnel déclare la


disposition législative contestée conforme aux
droits et libertés que la Constitution garantit :
dans ce cas, la juridiction au sein de laquelle se
déroule l’instance doit l’appliquer, à moins
qu’elle ne la juge incompatible avec une
disposition du droit de l’Union européenne ou
d’un traité, dans le cadre du contrôle de
conventionnalité.
Soit le Conseil constitutionnel juge que la
disposition législative contestée porte atteinte
aux droits et libertés que la Constitution
garantit : dans ce cas, l’application de la
disposition législative contestée est écartée
dans l’instance concernée et la disposition
législative contestée est abrogée, c’est-à-dire
retirée de l’ordre juridique, soit immédiatement,
soit à compter d’une date ultérieure fixée par le
Conseil constitutionnel lui-même.

Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont


susceptibles d’aucun recours.
La Constitution peut-elle
être modifiée ?
Oui. On parle de « révision constitutionnelle ».
La procédure de révision de la Constitution est
une procédure spécifique et solennelle, prévue
à l’article 89 de la Constitution.

L’initiative de la révision revient soit au


président de la République (on parle alors de
« projet de révision » ou de « projet de loi
constitutionnelle »), soit aux membres du
Parlement (on parle alors de « proposition de
révision » ou de « proposition de loi
constitutionnelle »).

Le texte de la révision doit être voté en termes


identiques par l’Assemblée nationale et par le
Sénat, puis, pour devenir définitive, la révision
doit être approuvée :
par référendum ou par la majorité des
trois cinquièmes des suffrages exprimés
des deux chambres du Parlement réunies
en Congrès, s’il s’agit d’une révision initiée
par le président de la République ;
par référendum s’il s’agit d’une révision
initiée par les membres du Parlement.

La Constitution a été modifiée à 24 reprises depuis


1958. Le phénomène de révision s’est sensiblement
accentué à partir des années 1990 : en effet, la
Constitution a été révisée à 10 reprises entre 1958 et
1998 et à 14 reprises entre 1998 et 2008. La dernière
révision (23 juillet 2008), adoptée à la suite des
travaux du « comité Balladur », est la plus importante
depuis 1958 : elle a conduit à la création de 9 articles
et à la modification de 39 articles.
Le droit administratif

Nous arrivons ici à la seconde branche fondamentale


du droit public. Le droit administratif, parfois mal
connu, s’inscrit dans le prolongement du droit
constitutionnel : en effet, il concerne la mise en œuvre
du pouvoir exécutif, également nommé « pouvoir
réglementaire ». Le droit administratif désigne les
règles relatives aux prérogatives mais également aux
obligations de l’administration dans l’exercice de ses
attributions. Il organise les administrations et les
services publics, précise leurs modes de
fonctionnement et leurs moyens d’action (personnels
et biens) et régit les rapports entre l’administration et
les personnes privées, qu’il s’agisse des personnes
physiques ou des personnes morales.

Cependant, le droit administratif ne coïncide pas avec


l’ensemble des règles qui s’appliquent à
l’administration et aux services publics. En effet, le
domaine privé de l’État, tel que les forêts domaniales,
ou les services publics dits « industriels et
commerciaux » (SPIC) sont soumis à des règles de
droit privé.

Historiquement, la jurisprudence du juge administratif


en général, et du Conseil d’État en particulier, occupe
une place essentielle dans la construction du droit
administratif ; c’est pourquoi on dit fréquemment que
le droit administratif est, selon la formule du
professeur René Chapus, un « droit
fondamentalement jurisprudentiel ».
Deux grands ensembles peuvent être distingués :
d’une part, les règles relatives à l’organisation et aux
moyens de l’administration et, d’autre part, les règles
relatives à l’action de l’administration.

L’organisation et les moyens de l’administration

L’administration se définit comme l’appareil organisé


dont dispose le pouvoir exécutif pour assurer ses
missions. Traditionnellement, l’organisation
administrative française désigne :

l’administration d’État ;
les collectivités territoriales, qui constituent
l’administration publique décentralisée ;
les établissements publics ;
d’autres institutions spécialisées telles que les
ordres professionnels (ex. : ordres d’avocats,
ordres de médecins) ou les administrations de
Sécurité sociale, organismes de droit privé
chargés d’une mission de service public.

L’administration d’État

L’administration d’État se compose des


administrations centrales et des services dits
« déconcentrés » :

Les administrations centrales sont


essentiellement constituées par les ministères,
que coiffent la présidence de la République et
les services du Premier ministre. Le
gouvernement et l’administration sont
conseillés par des organismes consultatifs dont
les plus importants sont le Conseil d’État et le
Conseil économique, social et environnemental.
Enfin, depuis la fin des années 1970 se sont
développées des institutions d’un nouveau
type : les autorités administratives
indépendantes (AAI), qui agissent au nom de
l’État mais ne sont pas subordonnées au
gouvernement, parfois dotées de la
personnalité juridique, sont des autorités de
régulation qui exercent un pouvoir de
proposition, de contrôle voire de décision, dans
un domaine déterminé – la régulation de
l’économie de marché (ex. : Autorité de la
concurrence), la protection des droits des
administrés (ex. : Défenseur des droits), la
communication et les télécommunications (ex. :
Conseil supérieur de l’audiovisuel). Leur
composition est généralement mixte, associant
professionnels et agents de l’État. On en
dénombre près d’une quarantaine aujourd’hui.
Les services déconcentrés de l’État sont
formés des autorités et des agents qui
dépendent d’un ministère et sont répartis sur le
territoire national. Soumis au pouvoir
hiérarchique de l’administration centrale, les
services déconcentrés sont chargés d’appliquer
la politique arrêtée au niveau national dans le
cadre d’une circonscription administrative. On
peut distinguer deux sortes de services
déconcentrés : les services départementaux,
placés sous l’autorité du préfet, et les services
régionaux.

Les collectivités territoriales

Qu’appelle-t-on la décentralisation ? La
décentralisation s’entend du processus par lequel
l’État central transfère aux collectivités territoriales,
ou « collectivités décentralisées », par la loi, des
compétences précédemment dévolues aux autorités
étatiques, qu’il s’agisse des administrations centrales
ou des services déconcentrés, dont il considère
qu’elles seront plus efficacement exercées par des
élus locaux.

Quelles sont les collectivités territoriales en France ?


La Constitution en distingue cinq types :

Les communes : le statut général des


communes est essentiellement fondé par une
loi du 5 avril 1884. Le conseil municipal,
assemblée délibérante de la commune,
administre les biens de la commune, gère le
domaine communal, peut créer des services
publics et accorder des aides en matière
économique et sociale, approuve le plan local
d’urbanisme, a la charge des écoles
maternelles et primaires.
Les départements : création de la
Révolution française, les départements sont des
collectivités territoriales mais également
l’échelon administratif essentiel des services
déconcentrés de l’État. Les attributions du
conseil départemental (anciennement « conseil
général ») sont variées ; elles s’exercent en
matière budgétaire, économique, sociale,
sanitaire, culturelle et d’aménagement du
territoire.
Les régions : initialement instituées en
circonscriptions administratives de l’État en
1964, devenues des établissements publics en
1972, les régions sont devenues des
collectivités territoriales en 1982. Les
attributions du conseil régional, assemblée
délibérante de la région, sont d’ordre
essentiellement économique : développement
économique, transports, environnement et
patrimoine culturel.
Les collectivités à statut particulier :
Paris, Marseille, Lyon, la Corse.
Les collectivités d’outre-mer.

La Constitution pose un principe fondamental de libre


administration des collectivités territoriales : « Dans
les conditions prévues par la loi, ces collectivités
s’administrent librement par des conseils élus et
disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice
de leurs compétences » (article 72, alinéa 3). Aucune
contrainte de quelque nature que ce soit ne peut être
imposée par la voie réglementaire aux collectivités
territoriales.

Toutefois, pour les actes les plus importants, les


collectivités territoriales sont soumises au contrôle du
préfet, qui est le représentant de l’État dans le
département. En effet, certains actes (notamment les
délibérations des assemblées, les mesures de police
émanant du maire ou du président du conseil
départemental, les conventions relatives aux marchés
des services publics, les sanctions des personnels) ne
deviennent exécutoires que postérieurement à leur
transmission au préfet. Dans les deux mois suivant
cette transmission, le préfet peut « déférer », c’est-à-
dire transmettre, au tribunal administratif l’acte qu’il
estime irrégulier, afin que le tribunal se prononce. Ce
mécanisme porte le nom de « déféré préfectoral ».
Qu’appelle-t-on
l’intercommunalité ?
L’intercommunalité, ou « coopération
intercommunale », désigne le processus par
lequel des communes exercent leur volonté
d’élaborer des projets communs de
développement au sein de périmètres de
solidarité. Il s’agit essentiellement de la
gestion commune de certains services publics
locaux, la réalisation d’équipements locaux ou
la conduite collective de projets de
développement local. Ces regroupements ne
forment pas une nouvelle catégorie de
collectivités territoriales, mais une catégorie
d’établissements publics : les établissements
publics de coopération intercommunale (EPCI),
à savoir les syndicats de communes, les
communautés de communes, les
communautés urbaines, les communautés
d’agglomération, les syndicats
d’agglomération nouvelle et les métropoles.
L’établissement public de coopération
intercommunale est administré par un organe
délibérant composé de délégués élus par les
conseils municipaux des communes membres.

Les établissements publics

Un établissement public est, comme nous l’avons vu,


une personne morale de droit public, autre que l’État
et les collectivités territoriales, spécialement chargée
d’exercer une ou plusieurs missions de service public
(voir chapitre 4).

La Sécurité sociale, qui couvre en France quatre


branches (maladie, accidents du travail et maladies
professionnelles, vieillesse et retraite, famille), est
gérée à la fois par des organismes privés et par des
organismes publics. En 1938, le Conseil d’État a jugé
que des personnes morales de droit privé peuvent
gérer des missions de service public. Tel est le cas des
caisses locales d’assurance sociale. En revanche, les
caisses nationales de la Sécurité sociale – Caisse
nationale de l’assurance maladie des travailleurs
salariés (Cnamts), Caisse nationale de l’assurance
vieillesse des travailleurs salariés (Cnavts), Caisse
nationale des allocations familiales – sont des
établissements publics. Les Unions de recouvrement
des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations
familiales (Urssaf), qui ont pour mission principale de
collecter les cotisations salariales et patronales
destinées à financer le régime général de la Sécurité
sociale, sont des organismes privés à qui est confiée
une mission de service public. En revanche, l’Agence
centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss),
qui coordonne l’ensemble des organismes participant
au recouvrement du régime général de Sécurité
sociale, est également un établissement public.

Le « secteur des administrations publiques », au sens


où l’entend l’Insee, comprend :

les administrations publiques centrales


(État) ;
les administrations publiques locales
(collectivités territoriales) ;
les administrations de Sécurité sociale (ou
« organismes de Sécurité sociale »).

La fonction publique

Il convient de distinguer :

les agents régis par le droit public, qui ont


pour principaux employeurs l’État, les
collectivités territoriales et les hôpitaux publics.
Certains sont des agents statutaires, ou
« fonctionnaires » stricto sensu, d’autres sont
des agents contractuels de droit public ;
les agents régis par le droit privé, qui
relèvent des services publics industriels et
commerciaux (SPIC) ou ont pour employeurs
des organismes privés chargés d’une mission
de service public tels que les caisses locales de
Sécurité sociale.

En réalité, il n’y a pas une fonction publique… mais


trois ! En effet, le Code de la fonction publique
distingue trois régimes :

La fonction publique de l’État.


La fonction publique territoriale.
La fonction publique hospitalière.

En 2008, l’Insee dénombrait 5,41 millions d’agents


des trois fonctions publiques en France, ce qui
représentait 19,32 % de la population active, évaluée
à 28 millions de personnes. La répartition était la
suivante :
2 437,1 millions d’agents dans la fonction
publique de l’État.
1 928,2 millions d’agents dans la fonction
publique territoriale.
1 045,0 millions d’agents dans la fonction
publique hospitalière.

Dans la fonction publique de l’État, les fonctionnaires


appartiennent à des corps qui comprennent un ou
plusieurs grades et sont classés, selon leur niveau de
recrutement, en catégories. Dans la fonction publique
territoriale, l’agent territorial appartient non à un
corps mais à un cadre d’emploi, lequel comprend
également des grades.

Comment rejoindre la fonction publique ? Le


recrutement dans la fonction publique se fait
essentiellement par la voie d’un concours. Coexistent
des concours externes ouverts aux candidats qui ne
font pas partie de la fonction publique, des concours
internes ouverts aux agents en place et des concours
fondés sur l’expérience acquise.

Quels sont les droits et obligations des


fonctionnaires ? Comme tout citoyen, le fonctionnaire
a droit au respect d’une série de droits fondamentaux,
mais, en raison de la nature de ses fonctions, il est
soumis à des obligations spécifiques :

Outre le droit à rémunération, le fonctionnaire


dispose du droit syndical et, sous réserve du
respect du principe de continuité des services
publics, du droit de grève. En 1950, le Conseil
d’État a jugé qu’« il appartient au
gouvernement, responsable du bon
fonctionnement des services publics, de fixer
lui-même, sous le contrôle du juge, en ce qui
concerne ces services, la nature et l’étendue »
des limitations qui « doivent être apportées à
ce droit, comme à tout autre, en vue d’en éviter
un usage abusif ou contraire aux nécessités de
l’ordre public ».
Outre l’obligation de se consacrer à sa
fonction et l’obligation d’obéissance
hiérarchique, le fonctionnaire doit se conformer
à une obligation de discrétion professionnelle et
de secret, une obligation de neutralité
religieuse et une obligation de réserve en ce qui
concerne l’expression de ses opinions.

Les biens de l’administration

En plus de personnels, les administrations publiques


ont besoin, pour assurer leurs missions, de biens. Les
règles qui régissent la propriété des personnes
publiques, regroupées pour l’essentiel dans le Code
général de la propriété des personnes publiques, sont
parfois désignées par les expressions de « droit
administratif des biens » ou « droit des biens
publics ». Le mode principal d’acquisition de la
propriété des personnes publiques est l’expropriation
pour cause d’utilité publique. D’autres procédures
existent : l’alignement, qui permet à l’administration
d’empiéter sur les propriétés privées riveraines, les
réquisitions et l’exercice du droit de préemption.

En ce qui concerne la gestion et la cession de la


propriété des personnes publiques, la loi distingue
deux régimes de domanialité : celui qui s’applique aux
biens relevant du domaine public et celui qui
s’applique aux biens relevant du domaine privé. Les
biens relevant du domaine public sont les biens
mobiliers et immobiliers qui sont la propriété d’une
personne publique et « qui sont soit affectés à l’usage
direct du public, soit affectés à un service public
pourvu qu’en ce cas ils fassent l’objet d’un
aménagement indispensable à l’exécution des
missions de ce service public » (article L. 2111-1 du
Code général de la propriété des personnes
publiques). Seuls les biens relevant du domaine public
sont insaisissables.

Les contrats de l’administration

Bien que le contrat soit traditionnellement l’outil du


droit civil, conclu entre deux personnes privées,
l’administration utilise également, à côté des actes
administratifs unilatéraux, cet instrument. Au sein de
ces contrats, on distingue deux catégories : les
contrats soumis au droit privé et les « contrats
administratifs ». Contrats administratifs ou non, les
contrats passés par l’administration présentent,
naturellement, des spécificités par rapport aux autres
contrats (on parle parfois de l’« autonomie des
contrats de l’administration »).

Comment reconnaît-on un contrat administratif ?


D’abord, au moins l’une des parties doit, en principe,
être une personne publique. Ensuite, l’objet du contrat
doit avoir pour objet l’exécution du service public, ou
alors ses clauses ou son régime doivent être
dérogatoires au droit privé (on dit aussi « exorbitants
du droit commun »). Les deux principales catégories
de contrats administratifs sont les marchés publics et
les conventions de délégation de service public.

Quelles sont les règles spécifiques qui s’appliquent


aux contrats passés par l’administration ? D’abord, le
contrat est conclu, au nom d’une personne publique,
par une autorité dont la compétence est prévue par
un texte (ministre ou préfet pour l’État, président du
conseil régional pour la région, président du conseil
départemental pour le département, maire pour la
commune, président ou directeur pour un
établissement public). Parfois, une autorisation
préalable est nécessaire (par exemple, le conseil
municipal autorise le maire à passer un contrat) ;
parfois également, une approbation du contrat
antérieurement à son entrée en vigueur est
nécessaire (par exemple, les contrats passés par les
établissements publics soumis au contrôle d’une
autorité de tutelle). Ensuite, le partenaire de
l’administration est choisi selon une procédure, dite
« procédure de passation », qui doit respecter les
principes de non-discrimination, de libre circulation au
sein de l’Union européenne et de mise en
concurrence. Enfin, la liberté des parties est
généralement plus réduite que pour les contrats
soumis au droit privé : l’administration s’appuie
fréquemment sur des contrats types et des cahiers
des charges.

Les contrats administratifs présentent des spécificités


par rapport aux autres contrats passés par
l’administration. L’administration dispose de pouvoirs
particuliers : elle peut exercer un droit de direction et
de contrôle, elle peut édicter des sanctions en cas de
faute du cocontractant, elle peut résilier (c’est-à-dire
rompre) le contrat de manière unilatérale en cas de
faute du cocontractant ou dans l’intérêt du service en
l’absence de faute du cocontractant, elle peut
modifier de manière unilatérale les clauses du contrat
qui concernent le fonctionnement du service (et non
les clauses financières), lorsque les circonstances le
justifient, ce qui oblige le cocontractant à s’adapter.

Réciproquement, le contractant se voit reconnaître le


droit d’obtenir, en plus du paiement de sa créance
principale, des indemnités supplémentaires dans deux
hypothèses : lorsqu’une mesure prise par l’autorité
contractante a conduit à des difficultés d’exécution,
par exemple la modification unilatérale du contrat
(jurisprudence dite « du fait du prince ») et lorsque
des faits indépendants de la volonté des contractants
ont rendu l’exécution du contrat impossible ou ont
abouti à un véritable bouleversement de l’économie
du contrat, par exemple une entreprise
concessionnaire devenue déficitaire pendant plusieurs
années (jurisprudence dite « de l’imprévision »).

Police administrative et services publics

Parmi les fonctions que remplit l’administration pour


satisfaire l’intérêt général, on distingue
traditionnellement deux grands ensembles : la police
administrative et les services publics. La première
tend au maintien de l’ordre public, la seconde à la
prestation de biens et de services. Le XXe siècle s’est
caractérisé par une extension considérable de la
notion d’ordre public qui s’est traduite par un
développement de la réglementation et de
l’encadrement des activités des personnes privées.

La police administrative

La police administrative a pour finalité le maintien de


l’ordre public, qui correspond traditionnellement à la
tranquillité, à la sécurité et à la salubrité. Les autorités
administratives titulaires du pouvoir de police ont
pour mission de faire cesser les troubles ou les
atteintes à l’ordre public, par exemple le tapage
nocturne, l’accès à des bâtiments insalubres, des
événements graves touchant à la santé publique. À
ces composantes traditionnelles s’ajoute
fréquemment la moralité, ou les bonnes mœurs (ainsi
pourra être interpellé un individu qui se livrerait sur la
voie publique à de l’exhibitionnisme pouvant être de
nature à choquer de jeunes mineurs). Le Conseil
d’État a également reconnu, en 1995, que le respect
de la dignité de la personne humaine était l’une des
composantes de l’ordre public. La protection des
mineurs a également pu justifier que le maire fasse
usage de ses pouvoirs de police générale.

À la différence de la police judiciaire, qui a la charge


de réprimer les atteintes à l’ordre public et dont le
contentieux relève du juge judiciaire, la police
administrative a un rôle fondamentalement préventif,
et son contentieux relève du juge administratif (voir
plus bas). La police administrative a pour mission
d’agir à l’avance pour éviter les troubles à l’ordre
public, par exemple en interdisant des manifestations
ou en édictant une réglementation relative à la
circulation. Quelles sont les autorités du pouvoir de
police administrative ? Il convient de distinguer les
autorités titulaires du pouvoir de police générale et les
autorités chargées de polices spéciales :

La police générale est exercée soit au nom


de l’État par le Premier ministre (sous réserve
des pouvoirs attribués au président de la
République) et, au niveau du département, par
le préfet, soit au nom de la commune par le
maire.
Les polices spéciales, qui s’appliquent à
certaines activités (ex. : affichage), à certains
bâtiments (ex. : installations classées), à
certains lieux (ex. : gares), sont exercées soit
par le préfet ou le maire, soit par les ministres,
soit par d’autres autorités, comme les
présidents d’université.
Comment agissent les autorités de police
administrative ? Elles agissent de deux manières :

Par voie d’actes réglementaires, en prenant


des mesures à portée générale.
Par voie de décisions individuelles ou
particulières, telles que des autorisations ou
des interdictions (par exemple de pêche), des
injonctions (par exemple, d’évacuer un
bâtiment menaçant ruine), l’expulsion d’un
étranger, la suspension d’un permis de
conduire.

Pour exécuter les mesures de police administrative,


les autorités de police disposent de prérogatives
importantes : elles peuvent procéder à des
réquisitions ou faire exécuter des mesures de police
avec le concours de la force publique en cas de
nécessité, sous le contrôle du juge administratif.

Le service public ou les services publics ?

« Le service public, écrit le professeur Jacques


Chevallier, apparaît en France comme un véritable
mythe, c’est-à-dire une de ces images fondatrices,
polarisant les croyances et condensant les affects, sur
lesquelles prend appui l’identité collective. » À
l’origine de tout service public, il y a, en principe, un
besoin reconnu par la collectivité que le secteur privé
ne parvient pas à satisfaire. Il revient aux pouvoirs
publics de veiller à la satisfaction de ces besoins, en
respectant les grands principes qui s’appliquent à la
fourniture du service public : continuité, égalité,
adaptabilité (ou mutabilité), neutralité. Le service
public est donc une fonction clé de l’administration.
Au cours du XXe siècle, l’État et les collectivités
territoriales ont directement pris en charge un nombre
croissant d’activités industrielles et commerciales.

Comment classer les services publics ? On distingue


traditionnellement quatre grandes catégories de
services publics :

Ceux qui visent le maintien de l’ordre


public et la régulation d’activités (ex. :
défense nationale, justice, police,
administration pénitentiaire, lutte contre
l’incendie).
Ceux qui visent la protection sociale et
sanitaire de la population (ex. : Sécurité
sociale, aides aux personnes âgées ou
handicapées, hôpitaux).
Ceux qui ont une visée éducative ou
culturelle (ex. : enseignement, recherche,
loisirs).
Ceux qui ont une visée économique, en cas
d’insuffisance de l’initiative privée et dans le
cadre d’une politique industrielle (ex. :
transports, énergie, distribution et
assainissement de l’eau, élimination des
déchets).

Une distinction très importante, quoique complexe, a


progressivement été élaborée par le droit
administratif à partir d’un arrêt important du Conseil
d’État rendu en 1921, « Société commerciale de
l’Ouest africain » (dite « affaire du Bac d’Eloka ») : la
distinction entre, d’une part, les services publics
administratifs (SPA), soumis à un régime juridique à
dominante de droit public, et, d’autre part, les
services publics industriels et commerciaux (SPIC),
soumis à un régime juridique à dominante de droit
privé. Comment savoir si un service public est un
service public administratif ou un service public
industriel et commercial ? Question délicate ! Depuis
1956, le juge administratif considère qu’un service
public est un service public administratif sauf si trois
conditions sont réunies :

L’objet du service est une activité de


production et de vente de biens ou de
prestation de services.
Les ressources proviennent du paiement
direct de redevances par les usagers.
Les modalités d’organisation et de
fonctionnement du service sont similaires à
celles des entreprises privées.

Comment est géré un service public ? Plusieurs


procédés sont possibles :

La régie, c’est-à-dire l’exploitation d’un


service public directement par l’administration
(ex. : défense nationale, fisc).
L’établissement public, placé sous la tutelle
d’une collectivité publique dite « de
rattachement » (voir chapitre 4).
Un organisme privé, soit dans le cadre
d’une convention de délégation de service
public (ex. : la concession ou l’affermage), soit
dans le cadre d’une mission de service public
qui lui est dévolue de manière unilatérale (ex. :
la Sécurité sociale).

Qui peut créer ou supprimer un service public ? Il


convient de distinguer le cas des services publics
nationaux de celui des services publics locaux :
En ce qui concerne les services publics
nationaux, lorsque le service met en cause les
garanties fondamentales accordées aux
citoyens pour l’exercice des libertés publiques,
aboutit à l’apparition d’une nouvelle catégorie
d’établissements publics ou implique une
nationalisation, c’est le législateur qui est
compétent. Cependant, certains services
publics dits « à fondement constitutionnel », qui
recouvrent les attributions régaliennes de l’État
(défense, police, justice, monnaie, impôt), ne
peuvent être supprimés que par le pouvoir
constituant.
En ce qui concerne les services publics
locaux, les assemblées locales prennent les
décisions relatives aux activités destinées à
répondre à un intérêt public local : certains
services sont obligatoires (ex. : police,
enseignement, lutte contre l’incendie, voirie,
enlèvement des ordures ménagères,
distribution d’eau potable, assainissement),
d’autres sont facultatifs (aide sociale,
transports urbains, gaz, électricité, chauffage
urbain, réseau câblé, entretien et
fonctionnement d’équipements culturels et
sportifs, logement, culture, loisirs). Dans ce cas,
les personnes publiques doivent veiller au
respect tant de la liberté du commerce et de
l’industrie que du droit de la concurrence.

La responsabilité administrative

Lorsque, dans l’exercice de ses missions,


l’administration cause un dommage, la victime peut-
elle réclamer réparation comme elle ferait auprès
d’une personne privée en application des règles du
droit privé (voir chapitre 5) ? Longtemps, l’État, parce
qu’il était chargé de l’intérêt général, jouissait d’une
irresponsabilité civile, de même que les fonctionnaires
qui agissaient en son nom. Progressivement,
cependant, un principe de responsabilité de la
puissance publique s’est imposé, même s’il présente
des spécificités par rapport à la responsabilité de droit
privé.

D’abord, la jurisprudence administrative a opéré une


distinction entre la responsabilité des personnes
morales de droit public et celle des personnes
physiques qui agissent en leur nom, en déterminant
les critères de la faute de service et de la faute
personnelle :

La faute de service, qu’elle soit commise


par un ou plusieurs agents, se rattache à
l’exercice de leurs fonctions (ex. : violation d’un
texte, erreur manifeste d’appréciation). Dans ce
cas, la responsabilité incombe à l’administration
et non à l’agent ou aux agents
personnellement, le contentieux relève du juge
administratif, la décision litigieuse peut être
annulée et une indemnisation versée par
l’administration. Pour certaines activités, une
faute simple de l’administration suffit pour que
sa responsabilité puisse être engagée (activités
de police en temps normal, administration
pénitentiaire, services hospitaliers et, depuis
peu, activités de secours et de sauvetage) ;
pour d’autres, en revanche, en raison de leur
difficulté, le juge exigera une faute lourde pour
engager la responsabilité de l’administration
(activités de police dans des conditions
difficiles, fonction juridictionnelle).
La faute personnelle de l’agent public est la
faute commise par un agent public en dehors
du service ou la faute commise par un agent
public dans l’exercice de ses fonctions mais
détachable de ses fonctions en raison de son
caractère intentionnel ou particulièrement
grave, ou encore la faute commise par un agent
public en dehors de ses fonctions mais ayant un
lien avec son service (ex. : accident provoqué à
son domicile par une arme détenue par un
agent de police). Dans ce cas, la responsabilité
incombe à l’agent personnellement, le
contentieux relève du juge judiciaire, le litige
est résolu en application des règles du droit
privé ou pénal.

Dans un souci de protection des victimes, le Conseil


d’État a admis la possibilité d’un cumul des fautes
(lorsqu’il y a deux fautes distinctes, une faute de
service et une faute personnelle de l’agent public)
voire d’un cumul des responsabilités lorsque, en
présence d’un seul fait, « la faute se détache peut-
être du service, mais le service ne se détache pas de
la faute », selon une formule de Léon Blum demeurée
célèbre. Grâce à ce cumul, la victime a la possibilité
d’obtenir une indemnité de l’administration dans
l’hypothèse où la solvabilité de l’agent public ne serait
pas assurée, l’administration et l’agent public étant
alors solidaires de l’indemnisation. Dans cette
hypothèse, l’administration peut se retourner contre
l’agent public ayant causé le préjudice que
l’administration a dû indemniser, pour un partage de
l’indemnisation (on dit que l’administration intente
une « action récursoire » contre l’agent public).
Symétriquement, un agent public qui a été condamné
à payer l’intégralité de l’indemnisation d’un dommage
qui résultait d’une faute personnelle et d’une faute de
service peut agir contre l’administration.

Pour engager la responsabilité de l’administration, il


est nécessaire de rapporter la preuve d’un préjudice
indemnisable, c’est-à-dire certain et réel, direct et
appréciable en argent. Ce préjudice doit être
imputable, par un lien de causalité, aux personnes
placées sous l’autorité de l’administration ou aux
choses dont l’administration est la propriétaire ou la
gardienne. L’administration peut-elle s’exonérer de sa
responsabilité ? Oui, la responsabilité de
l’administration pourra être atténuée, voire écartée,
dans trois hypothèses :

Un cas fortuit, c’est-à-dire un fait


imprévisible mais rattaché au fonctionnement
du service (par exemple, le défaut de
fonctionnement d’un matériel de lutte contre
l’incendie).
Une faute de la victime, qui a concouru à la
réalisation du dommage.
La faute d’un tiers, auquel cas la victime
doit agir contre l’administration et contre le
tiers.

À côté de la responsabilité pour faute, la


responsabilité de l’administration peut également être
engagée, dans certains cas, en dehors de toute faute.
On parle alors d’une « responsabilité sans faute ».
Quelles sont ces hypothèses ? On en distingue
traditionnellement deux :

Une responsabilité sans faute liée au risque


que présentent certaines activités : travaux
publics, choses ou activités dangereuses (dépôt
de munitions, rééducation de délinquants,
utilisation d’armes à feu), interventions de
collaborateurs occasionnels de l’administration,
attroupements et rassemblements.
Une responsabilité sans faute fondée sur la
rupture de l’égalité devant les charges
publiques, en présence d’un préjudice anormal,
c’est-à-dire spécial et grave : décisions de
l’administration de ne pas faire intervenir la
force publique lorsque l’exécution d’un
jugement entraînerait une menace grave pour
l’ordre public, défaut d’application d’une
réglementation pour des motifs d’intérêt
général, responsabilité du fait des
conséquences dommageables d’une loi.

Seule la faute de la victime peut permettre à


l’administration d’obtenir une atténuation voire une
suppression de sa responsabilité dans ce cas.
Trois branches mixtes rattachées
au droit administratif : le droit
des finances publiques, le droit
fiscal, le droit de la construction
Le droit des finances publiques et le droit fiscal

Le droit des finances publiques et le droit fiscal


entretiennent des liens étroits. En effet, ils désignent
les règles qui concernent les recettes et les dépenses
de l’ensemble des collectivités publiques (État,
collectivités territoriales, administrations de Sécurité
sociale) et la mise en œuvre des diverses impositions
destinées à les alimenter, c’est-à-dire les conditions et
le montant de la participation des personnes
physiques et morales. Pour ce faire, le Code général
des impôts organise une classification fiscale des
produits dans laquelle, quelquefois, les boissons
alcooliques peuvent rejoindre les produits
énergétiques…

Les finances des collectivités territoriales sont


désignées par l’expression de « finances locales », les
finances des administrations de Sécurité sociale sont
nommées « finances sociales ».

Le monde du droit fiscal est un monde plein


d’exotisme : les îles Caïmans, les Bermudes, les
Antilles néerlandaises mais aussi la Belgique (il paraît
que, dans certains quartiers de Bruxelles, on parle
français sans accent belge). Attention, en fiscalité
internationale, la « situation triangulaire », ce n’est
pas le mari, la femme et l’amant, c’est quand il y a
trois États en cause : pas d’erreur ! Un conseil : si
vous souhaitez faire du droit fiscal, il va falloir
apprendre le latin, car notre Code général des impôts
utilise une numérotation que le monde entier nous
envie (bis, ter, quater, quinquies, sexies, septies,
octies, nonies, decies, undecies, etc.) !

Pourquoi le droit des finances publiques et le droit


fiscal sont-ils considérés comme des droits mixtes ?
Parce que le droit public et le droit privé s’y mêlent :
en effet, ces matières sont profondément marquées
par la présence de la puissance publique. Le fait
générateur de l’imposition réside le plus souvent dans
une activité de nature privée (impôt sur le revenu des
personnes physiques, impôt sur les bénéfices des
sociétés, impôt de solidarité sur la fortune, taxe sur la
valeur ajoutée, taxe intérieure de consommation sur
les produits énergétiques).
Loi de finances : oui,
mais… laquelle ?
On distingue trois types de lois de finances,
concernant le budget de l’État :
la loi de finances initiale (LFI), votée avant
le 31 décembre pour l’année civile suivante,
est une loi qui détermine, pour une année
civile, la nature, le montant et l’affectation
des ressources et des charges de l’État,
ainsi que l’équilibre budgétaire et financier
qui en résulte ;
la loi de finances rectificative (LFR –
appelée aussi « collectif budgétaire ») est
une loi qui permet de modifier, en cours
d’année, les dispositions de la loi de
finances initiale, notamment le plafond des
dépenses du budget de l’État ;
la loi de règlement (LR) retrace les
recettes et les dépenses telles qu’elles ont
effectivement eu lieu ;
les administrations de Sécurité sociale
étant distinctes de l’État, leur budget fait
l’objet d’un type de loi spécifique : les lois
de financement de la Sécurité sociale.

Le droit de la construction

Le droit de la construction désigne le droit de


l’urbanisme ainsi que les règles relatives aux
techniques juridiques qui « portent » les opérations de
construction, telles que le lotissement, les sociétés de
construction ou la vente d’immeubles à construire. Le
domaine de la construction fait intervenir à la fois des
acteurs publics et des acteurs privés et se caractérise
par la coexistence de règles de droit public et de
règles de droit privé. La présence de plans locaux
d’urbanisme (PLU), de programmes locaux de l’habitat
(PLH), de secteurs sauvegardés, de zones de
protection du patrimoine architectural, urbain et
paysager (ZPPAUP), de certificats d’urbanisme, de
permis de construire ou encore d’autorisations
spécifiques d’utilisation du sol témoigne de la volonté
de la puissance publique de conserver la maîtrise de
l’aménagement et de l’occupation de l’espace
conformément aux exigences de l’intérêt général.
Qu’appelle-t-on le droit
public économique ?
L’expression droit public économique désigne
les règles qui concernent les structures
institutionnelles qui encadrent l’économie
(Parlement, administrations publiques, organes
spécialisés, entreprises publiques) et les règles
qui concernent les politiques et les procédés
d’intervention de la puissance publique dans la
sphère économique : planification,
aménagement du territoire, régulation des prix
et de la concurrence, politique monétaire,
aides publiques en matière économique,
conventions de délégation de service public et
conventions d’occupation du domaine public.
Le cas du droit international
public

À côté du droit public interne, qui couvre le droit


constitutionnel et le droit administratif, qui organise
l’État et s’applique sur le territoire national, le droit
international public, également appelé jus gentium,
« droit des gens », c’est-à-dire « droit des nations »,
désigne l’ensemble des règles qui :

définissent l’organisation, le fonctionnement


et les pouvoirs des organisations
internationales, dont l’Organisation des
Nations unies est la plus éminente
(l’Organisation mondiale du commerce – OMC–
n’en fait pas partie) ;
régissent les rapports interétatiques, c’est-
à-dire les relations qu’entretiennent les sujets
de droit international, à savoir les États et les
organisations internationales : tel est l’objet des
conventions et traités internationaux.

Une particularité du droit international public tient à la


difficulté de l’effectivité de la règle, par l’existence
d’une véritable sanction en cas de méconnaissance.
Cependant, il existe un contentieux international
public, qui s’est développé dans le cadre de la Cour
internationale de justice (CIJ), organe judiciaire
principal de l’Organisation des Nations unies. Instituée
en juin 1945 par la Charte des Nations unies, elle a
commencé son activité en avril 1946. La Cour a son
siège à La Haye (Pays-Bas). Elle se compose de
15 juges élus pour un mandat de neuf ans par
l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité des
Nations unies.

Créé en 1965, le Centre international pour le


règlement des différends relatifs aux investissements
(Cirdi), ou International Centre for Settlement of
Investment Disputes (ICSID), fournit des moyens de
conciliation et d’arbitrage pour régler les différends
relatifs aux investissements opposant des États
parties à des ressortissants d’autres États parties.
La justice administrative
La dualité des ordres de
juridiction : l’ordre judiciaire et
l’ordre administratif

En France, la dualité des ordres de juridiction est


l’héritage d’une longue tradition historique qui a eu
pour effet de placer les litiges découlant de l’action de
l’administration en dehors du champ de compétence
du juge judiciaire.

Une loi des 16 et 24 août 1790, qui est toujours en


vigueur, pose clairement ce principe : « Les fonctions
judiciaires sont distinctes et demeureront toujours
séparées des fonctions administratives. Les juges ne
pourront, à peine de forfaiture, troubler de quelque
manière que ce soit les opérations des corps
administratifs, ni citer devant eux les administrateurs
pour raison de leurs fonctions. »

Face aux résistances constatées chez certains juges


judiciaires désireux de s’immiscer dans le contentieux
administratif, un décret du 16 fructidor an III
(2 septembre 1795) énonce : « Défenses itératives
sont faites aux tribunaux de connaître des actes
d’administration, de quelque espèce qu’ils soient, aux
peines de droit. » Cette distinction a été réaffirmée de
manière solennelle par le Conseil constitutionnel dans
une décision du 23 janvier 1987.

Il en résulte que la puissance publique est le critère


constitutionnel de compétence du juge administratif.
Autre principe fondamental : l’indépendance de la
juridiction administrative revêt une valeur
constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel l’a
affirmé, en 1980 : « L’indépendance des juridictions
[administratives] est garantie ainsi que le caractère
spécifique de leurs fonctions sur lesquelles ne
peuvent empiéter ni le législateur ni le
gouvernement. »
Les juridictions compétentes
Quand le juge administratif est-il compétent ? Quelle
est l’étendue de sa compétence ?

La Constitution consulaire du 22 frimaire an VIII


(13 décembre 1799) crée, selon la volonté de
Napoléon, le Conseil d’État, qui est chargé « de
rédiger les projets de loi et de règlements
d’administration publique et de résoudre les difficultés
qui s’élèvent en matière administrative ». Le Conseil
d’État est donc, dès l’origine, davantage qu’une
juridiction. Il détient deux séries d’attributions :

Des attributions consultatives : cinq


sections consultatives (section de l’intérieur,
section des finances, section sociale, section de
l’administration, section des travaux publics)
rendent des avis au gouvernement sur des
projets de loi et de décret (voir chapitre 12) qui
leur sont soumis. Le gouvernement a
l’obligation de recueillir son avis sur un projet
de loi avant sa discussion en Conseil des
ministres.
Des attributions contentieuses : la section
du contentieux est composée de dix sous-
sections. Ce n’est qu’en 1889 que, par l’arrêt
« Cadot », le Conseil d’État devient juge en
premier et dernier ressorts des recours en
annulation des actes administratifs et des
recours en indemnité formés contre les
collectivités publiques.

Depuis 1953, le Conseil d’État a cessé d’être juge de


droit commun du contentieux administratif au profit
des tribunaux administratifs.

Aujourd’hui, l’organisation de la justice administrative


se présente comme le « miroir » de l’ordre judiciaire.
On retrouve le principe du double degré de juridiction
– ce sont, en première instance, les tribunaux
administratifs et, au niveau de l’appel, les cours
administratives d’appel – et l’existence d’une
juridiction suprême statuant en juge de cassation.

Les tribunaux administratifs (TA)

En 1953, les tribunaux administratifs ont succédé aux


conseils de préfecture. En 2014, la France compte
42 tribunaux administratifs (31 en métropole et 11 en
outre-mer). Ils sont organisés en chambres de trois
juges et constituent les juridictions de droit commun
du contentieux administratif.

En outre, comme le Conseil d’État, les tribunaux


administratifs ont une mission de conseil juridique. En
effet, ils peuvent être consultés par les préfets de leur
ressort.

Les cours administratives d’appel (CAA)

Afin de remédier à l’encombrement du Conseil d’État,


le législateur a institué en 1987 les cours
administratives d’appel. En 2014, la France compte
huit cours administratives d’appel. Elles connaissent
des jugements rendus en premier ressort par les
tribunaux administratifs, sous réserve de certaines
compétences attribuées au Conseil d’État en qualité
de juge d’appel.

Le délai d’appel de droit commun est de deux mois.


Le corps des membres des tribunaux administratifs et
des cours administratives d’appel est géré par le
Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des
cours administratives d’appel, placé sous la
présidence du vice-président du Conseil d’État.

Le Conseil d’État, juge de cassation

Le Conseil d’État est la juridiction suprême de l’ordre


administratif.

Le Conseil d’État statue :

sur les recours dont il est saisi en qualité de


juge de premier et dernier ressorts, à savoir :
• les litiges dont le champ d’application
dépasse le ressort d’un seul tribunal
administratif,
• les litiges administratifs nés hors de France,
• le contentieux né des élections régionales et
des élections au Parlement européen,
• les recours pour excès de pouvoir dirigés
contre les décrets et les actes réglementaires
des ministres,
• les litiges individuels concernant des
fonctionnaires nommés par décret du président
de la République,
• les décisions des organismes collégiaux à
compétence nationale ;
sur les recours dont il est saisi en qualité de
juge d’appel, à savoir :
• les jugements des tribunaux administratifs
pour le contentieux des élections municipales
et cantonales,
• les recours en appréciation de la légalité ;
sur les recours en cassation dirigés contre les
décisions rendues en dernier ressort par les
diverses juridictions administratives : tribunaux
administratifs, cours administratives d’appel,
juridictions spécialisées (voir plus bas).
Qu’appelle-t-on les
juridictions
administratives
spécialisées ?
À côté des juridictions administratives à
compétence générale que sont les tribunaux
administratifs et les cours administratives
d’appel, il existe des juridictions
administratives à compétence spéciale. La
plupart relèvent du Conseil d’État par la voie
de la cassation. Elles incluent :
la Cour des comptes et les chambres
régionales des comptes ;
la Cour de discipline budgétaire et
financière ;
les conseils des ordres professionnels ;
le Conseil supérieur de la magistrature
lorsqu’il statue en matière disciplinaire ;
les sections disciplinaires des conseils
d’université ;
le Conseil national de l’enseignement
supérieur et de la recherche (Cneser) ;
la Commission des recours des réfugiés.

Mais existe-t-il des cas où le juge judiciaire est


compétent pour juger un litige qui concerne
l’administration ? Oui. Le juge judiciaire est compétent
dans différentes hypothèses où la responsabilité de
l’administration peut être engagée :

La responsabilité d’un service public exploité


dans les mêmes conditions que les activités des
particuliers, en l’absence de texte attribuant
compétence à la juridiction administrative.
La responsabilité des organismes privés
gérant un service public à caractère
administratif ou chargés d’une mission d’intérêt
général, par exemple les caisses locales de
Sécurité sociale.
La responsabilité de l’administration au titre
de la gestion du domaine privé (voir plus haut).
La responsabilité personnelle des agents de
l’administration.
La responsabilité de l’administration en cas
d’emprise irrégulière, c’est-à-dire une atteinte à
la propriété immobilière (par exemple, une
délimitation irrégulière du domaine public) ou
de voie de fait, c’est-à-dire l’hypothèse dans
laquelle l’administration a procédé à l’exécution
forcée, dans des conditions irrégulières, d’une
décision (même régulière), portant une atteinte
grave au droit de propriété ou à une liberté
fondamentale, ou a pris une décision
manifestement insusceptible d’être rattachée à
un pouvoir appartenant à l’administration, et
ayant porté une atteinte grave au droit de
propriété ou à une liberté fondamentale.

Le droit douanier est également porté – ce qui peut


paraître contre-intuitif –devant le juge judiciaire.
Qu’est-ce que le Tribunal
des conflits ?
En cas de conflit de compétences entre l’ordre
judiciaire et l’ordre administratif, le droit
français prévoit une procédure devant le
Tribunal des conflits qui permet de le résoudre,
en attribuant le litige à l’un ou à l’autre des
deux ordres de juridiction.

Créé par une loi du 24 août 1872, le Tribunal


des conflits est composé de neuf membres
titulaires que sont le ministre de la Justice,
quatre conseillers d’État et quatre conseillers
de la Cour de cassation, ainsi que de deux
commissaires du gouvernement nommés par
décret pour un an.
Les recours contentieux
D’abord, lorsque l’administration prend une décision
défavorable à un administré, celui-ci peut lui
demander de revoir sa décision. Ce recours s’appelle
un recours administratif non contentieux. Il peut être :

gracieux, s’il s’adresse directement à la


personne qui a pris la décision ;
hiérarchique, s’il s’adresse au supérieur
hiérarchique de la personne qui a pris la
décision.

Ce recours non contentieux peut être suivi, ou non,


d’un recours contentieux.

Le recours contentieux est l’acte par lequel un


administré, personne physique ou personne morale,
appelé « requérant », saisit une juridiction
administrative d’une demande (ou requête) dont elle
entend faire reconnaître le bien-fondé.

Les deux principaux types de recours administratifs


contentieux sont les suivants :

Le recours pour excès de pouvoir est un


recours en annulation : il vise à obtenir
l’annulation (donc la suppression de
l’ordonnancement juridique) d’un acte
administratif unilatéral que le requérant juge
irrégulier. Les conditions de régularité externe
et interne de l’acte (voir plus haut) ne seraient
pas remplies. Pour pouvoir être attaqué devant
le juge administratif, l’acte doit « faire grief »,
ce qui exclut les mesures simplement
indicatives ou les mesures dites « d’ordre
intérieur » destinées à régir la vie interne des
services. Le recours pour excès de pouvoir est
donc, selon la formule d’Édouard Laferrière, un
« procès fait à un acte ». Toutefois, les actes de
gouvernement ne peuvent pas faire l’objet de
recours pour excès de pouvoir. En revanche,
depuis 1996, les dispositions réglementaires
des contrats administratifs (et non leurs
stipulations contractuelles) ainsi que, depuis
1998, les contrats de recrutement d’agents
publics peuvent faire l’objet d’un recours pour
excès de pouvoir.
Le recours de plein contentieux, encore
appelé « recours de pleine juridiction », vise à
obtenir l’annulation mais également la
modification d’une décision administrative
voire, en matière de responsabilité
administrative, la condamnation de
l’administration au versement de sommes au
titre de la réparation de dommages causés par
l’action de l’administration.

Il existe deux autres types de recours contentieux,


moins fréquents :

Le recours en interprétation ou en
appréciation de légalité : le juge
administratif peut, à la demande du juge
judiciaire ou d’un particulier, préciser le sens et
la portée d’un acte administratif, en apprécier
la légalité.
Le recours en répression permet au juge
administratif de réprimer les infractions
commises à l’encontre des lois et règlements
qui protègent le domaine public : ce sont les
« contraventions de voirie » sur le domaine
public.
Devant quelles
juridictions
administratives la
représentation par un
avocat est-elle
obligatoire ?
Quelle que soit la juridiction, le recours pour
excès de pouvoir est dispensé du ministère
d’avocat.

Pour les recours de plein contentieux, le


ministère d’un avocat est :
obligatoire, devant les tribunaux
administratifs, notamment pour les actions
en responsabilité contractuelle et
extracontractuelle, mais il n’est pas
obligatoire pour les recours qui concernent
les travaux publics, les contributions
directes, les litiges d’ordre individuel
concernant les agents publics, les litiges en
matière d’aide sociale et de pensions ;
obligatoire devant les cours
administratives d’appel.
Devant le Conseil d’État, l’assistance d’un
avocat au Conseil d’État et à la Cour de
cassation est obligatoire dans certains cas :
lorsque le Conseil d’État juge en appel,
elle est obligatoire à l’exception des recours
pour excès de pouvoir, des recours en
appréciation de légalité, des litiges en
matière électorale et des litiges concernant
la concession ou le refus de pension ;
lorsque le Conseil d’État juge en
cassation, sont seulement dispensés du
ministère d’avocat les recours en cassation
dirigés contre les décisions de la
Commission centrale d’aide sociale et des
juridictions des pensions.
En cas de méconnaissance des règles de
représentation devant les juridictions
administratives, la requête est déclarée
irrecevable. Le juge saisi invite le requérant à
régulariser sa requête.
Chapitre 7

Le droit pénal

Dans ce chapitre :
Une première approche
Les infractions
Les sanctions
Les juridictions compétentes

Infraction, peine, accusé, prévenu, parquet, action


publique, partie civile, plainte, détention provisoire,
juge d’application des peines, chef d’inculpation,
mandat d’arrêt, libération conditionnelle : bienvenue
dans le monde du droit pénal !

Le droit pénal est un monde à part : s’il entretient des


liens nombreux avec les autres branches et sous-
branches du droit, il ne peut être rangé ni tout à fait
dans le droit privé, ni tout à fait dans le droit public.

Qu’est-ce que le droit pénal ? Quelles sont les


juridictions chargées d’appliquer les règles de droit
pénal ? Quelle est la procédure suivie devant ses
juridictions ?

En route !
Une première approche
Le droit qui punit

L’adjectif « pénal » vient du latin poena, qui signifie


« la peine ». Le droit pénal a pour objet de punir,
principalement par deux types de peine : des peines
d’amende et des peines d’emprisonnement, qui ont
pour effet de retirer pour un temps plus ou moins long
du corps social l’élément délinquant. Que punit-il ?
Des infractions, c’est-à-dire des comportements dont
le législateur a considéré qu’ils doivent être
sanctionnés car ils portent atteinte à l’ordre public, à
l’intérêt de la société dans son ensemble – par
exemple le meurtre, le viol, le vol, la contrefaçon ou
les excès de vitesse.

En d’autres termes, dans une société donnée, le


législateur établit une liste des comportements
prohibés pour la vie en communauté (on dit que la loi
« réprime » des infractions). Cette « liste », c’est, en
France, le Code pénal, qui définit chaque infraction et
indique la peine encourue, c’est-à-dire la sanction
qu’un individu encourt s’il la commet. Par exemple, le
vol est « la soustraction frauduleuse de la chose
d’autrui » (article 311-1 du Code pénal) ; il « est puni
de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros
d’amende » (article 311-3 du Code pénal). Ainsi, le
droit pénal repose en permanence sur le couple
indissociable infraction/sanction : à chaque infraction
correspond une sanction, prévue dans le Code pénal.

Au Code pénal de 1791 et au Code des délits et des


peines de 1795 succéda, sous Napoléon, le Code
pénal de 1810, qui est demeuré en vigueur – mais les
dispositions pénales qu’il contenait ont connu des
modifications – jusqu’en 1994, date de l’entrée en
vigueur du Code pénal actuel. Les textes pénaux ne
figurant pas dans le Code pénal sont très limités (ex. :
une loi du 18 mars 1918 réglementant la fabrication
et la vente des sceaux, timbres et cachets officiels).
Peine encourue, peine
prononcée, peine
effectuée
La peine encourue est la peine prévue par la
loi, c’est-à-dire mentionnée dans le Code
pénal. La peine prononcée est la peine
prononcée par le tribunal, en fonction des
circonstances de l’espèce. La peine effectuée
est la peine effectivement subie par le
condamné, compte tenu des éventuels
aménagements ou réductions de peine décidés
par le juge d’application des peines.

Une place singulière parmi les branches du droit

Le droit pénal est à la fois à mi-chemin entre le droit


privé et le droit public, partout et ailleurs.

À mi-chemin entre le droit privé et le droit public,


d’abord.

« Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant/D’une


femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime,/Et qui
n’est, chaque fois, ni tout à fait la même/Ni tout à fait
une autre, et m’aime et me comprend. » Cette
femme, « ni tout à fait la même, ni tout à fait une
autre », à laquelle songe Verlaine dans son poème
Mon rêve familier, est une belle incarnation du droit
pénal, qui n’est ni tout à fait une branche du droit
privé, ni tout à fait une branche du droit public ! Mais
il est en même temps un peu des deux… Même si
certains manuels le classent dans l’un ou dans l’autre
des blocs de la summa divisio que nous avons vue, le
droit pénal est aujourd’hui traditionnellement
considéré comme un droit « mixte ».

Le droit pénal se rattache au droit public, car :

déterminer les limites des libertés


individuelles constitue l’une des prérogatives de
la puissance publique ;
les règles de droit pénal protègent l’ordre
public ;
l’État protège l’intérêt général, la paix sociale,
l’ordre public. C’est l’État qui punit, qui
sanctionne les atteintes à l’ordre public. L’État
exerce le monopole de l’action répressive, de la
justice pénale (il n’est pas possible de recourir à
un arbitrage privé comme en droit civil ou en
droit commercial), qui, par l’intermédiaire des
juridictions pénales (ou « juridictions
répressives »), frappe l’individu qui transgresse
les règles de droit pénal.

Cependant, le droit pénal n’est pas totalement


dépourvu de lien avec le droit privé, car :

le plus souvent, ce sont des personnes


privées qui sont auteurs, complices et victimes
des infractions commises ;
fréquemment, lorsqu’une infraction est
commise, elle cause un préjudice, qu’il soit
corporel, matériel ou moral, à d’autres sujets de
droit, qui nécessite une réparation sur le
fondement des règles de la responsabilité civile,
qui font partie du droit civil.

À mi-chemin entre le droit public et le droit privé, le


droit pénal est aussi partout et ailleurs.

« Partout », car, outre les infractions du droit pénal


général, ou « ordinaire » (vol, meurtre, etc.), il irrigue
l’ensemble des branches du droit privé et du droit
public. Dans chaque domaine du droit, on trouve des
infractions spécifiques. On le rencontre à tous les
étages ! Par exemple :

en droit économique (droit pénal économique,


parfois appelé « droit pénal des affaires ») :
en droit des sociétés : l’abus de biens sociaux,
la majoration des apports en nature ;
en droit de la concurrence : l’entente, l’abus
de position dominante ;
en droit boursier : le délit d’initié ;
en droit de la consommation : la publicité
trompeuse, l’exploitation de la vulnérabilité du
consommateur ;
en droit du travail : le travail dissimulé, le
délit d’entrave ;
en droit administratif : la concussion, la prise
illégale d’intérêt (droit pénal administratif).

« Ailleurs », parce que, nous le voyons, le droit pénal


est un droit à part, à l’écart de la distinction
traditionnelle. Il a sa logique propre, son vocabulaire
propre, ses concepts propres, tout à fait distincts de
ceux du droit public et du droit privé.

Comment s’articulent responsabilité civile et


responsabilité pénale ?
La responsabilité civile, nous l’avons vu, consiste à
réparer le dommage causé par la méconnaissance
d’une obligation prévue par la loi ou par un contrat, à
indemniser une victime.

La responsabilité pénale consiste à répondre en


justice devant l’État et, par son intermédiaire, devant
la société dans son ensemble, de la violation d’une
norme légale ayant pour objet de protéger l’ordre
public.

Il peut y avoir :

responsabilité civile sans responsabilité


pénale : un serveur vous renverse du café
brûlant sur la jambe (ce n’est pas une infraction
figurant dans le Code pénal, mais le restaurant
doit vous indemniser) ;
responsabilité pénale sans responsabilité
civile : un excès de vitesse qui n’a pas
provoqué d’accident ;
responsabilité civile et responsabilité pénale :
un homicide ou une tentative d’homicide, des
coups et blessures volontaires, un accident
causé par une violation du Code de la route (on
appellera alors le responsable « l’auteur de
l’accident »). Dans ce cas, les victimes se
constitueront parties civiles : elles demanderont
à la personne poursuivie une indemnisation à
titre de réparation du préjudice subi du fait de
la commission de l’infraction.
Qu’appelle-t-on l’action
publique ? Et l’action
civile ?
L’action publique est l’action engagée par le
parquet (ou « ministère public ») en vue de
sanctionner l’auteur, le coauteur ou le
complice d’une infraction, en application des
dispositions pénales. L’action publique vise à
réprimer un trouble à l’ordre public et non à
réparer un préjudice personnel.

L’action civile en réparation du dommage


causé par un crime, un délit ou une
contravention est l’action qui peut être
engagée par « tous ceux qui ont
personnellement souffert du dommage
directement causé » par une infraction
(article 2 du Code de procédure pénale).

Attention au vocabulaire !

En droit en général, et en droit pénal en particulier,


chaque terme a un sens précis et ne doit pas être
confondu avec un terme voisin :

Accusé et prévenu : un accusé est un


individu renvoyé devant une cour d’assises,
alors qu’un prévenu est un individu renvoyé
devant un tribunal correctionnel.
Meurtre et assassinat : la préméditation
est le critère de distinction. Le meurtre est un
homicide commis sans préméditation,
l’assassinat est un homicide commis avec
préméditation.
Mise en examen et placement sous
contrôle judiciaire : la mise en examen est la
décision d’un juge d’instruction de faire porter
ses investigations sur « les personnes à
l’encontre desquelles il existe des indices
graves ou concordants rendant vraisemblable
qu’elles aient pu participer, comme auteur ou
comme complice, à la commission des
infractions dont il est saisi » (article 80-1 du
Code de procédure pénale). Lorsqu’il décide de
la mise en examen d’une personne, le juge
d’instruction peut prononcer, ou non, une
mesure de contrôle judiciaire, qui est une
mesure restrictive de liberté.
Non-lieu, relaxe et acquittement : un non-
lieu désigne l’abandon d’une action judiciaire
en cours de procédure, par le juge d’instruction,
qui survient lorsque les éléments rassemblés
par l’enquête ne justifient pas une action plus
avant. Une relaxe désigne une décision
prononcée par un tribunal correctionnel lorsque
la preuve de la culpabilité d’un prévenu n’est
pas établie au cours du procès. Un
acquittement désigne une décision de justice, à
l’issue d’un procès criminel, prononçant la mise
hors de cause de l’accusé par rapport aux faits
qui lui étaient reprochés et qui motivaient le
procès devant la cour d’assises.
Un principe fondamental : le
principe de légalité des délits et
des peines

Ce principe est essentiel dans un État de droit.


Formulé par l’Italien Cesare Beccaria dans son
ouvrage Des délits et des peines (Dei delitti e delle
pene, 1764), il peut se résumer ainsi : pas d’infraction
et de sanction sans texte, c’est-à-dire sans loi. Il est
souvent cité dans sa forme latine : Nullem crimen
nulla poena sine lege (littéralement : « Pas de crime,
pas de peine sans loi »).

Ce principe constitue une garantie contre l’arbitraire


judiciaire. Reconnu par les articles 7 de la Déclaration
des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et 7, § 1,
de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales (voir
la partie des Dix), il est également protégé :

par l’article 111-2 du Code pénal : « La loi


détermine les crimes et délits et fixe les peines
applicables à leurs auteurs. Le règlement
détermine les contraventions et fixe, dans les
limites et selon les distinctions établies par la
loi, les peines applicables aux contrevenants » ;
par l’article 111-3 du Code pénal : « Nul ne
peut être puni pour un crime ou pour un délit
dont les éléments ne sont pas définis par la loi,
ou pour une contravention dont les éléments ne
sont pas définis par le règlement. Nul ne peut
être puni d’une peine qui n’est pas prévue par
la loi, si l’infraction est un crime ou un délit, ou
par le règlement, si l’infraction est une
contravention. »
Infraction ou
incrimination ?
Si les significations de ces mots sont proches,
elles ne sont pas identiques. L’infraction, c’est
la violation d’une loi pénale entraînant une
peine fixée par cette même loi pénale.
L’incrimination, c’est le texte pénal qui qualifie
un agissement d’infraction, en précisant les
éléments constitutifs de l’infraction, et la peine
encourue.
Les infractions
La classification ternaire des
infractions

Le Code pénal classe les infractions en trois catégories


selon leur gravité, donc la peine correspondante :
« Les infractions pénales sont classées, suivant leur
gravité, en crimes, délits et contraventions »
(article 111-1 du Code pénal).

Quelques exemples de crimes : le meurtre,


l’assassinat, l’empoisonnement, la torture, le viol,
l’enlèvement, la séquestration, l’émission de fausse
monnaie, la production ou la fabrication illicite de
stupéfiants.

Quelques exemples de délits : le vol, le recel, l’abus


de confiance, l’abus de biens sociaux, l’escroquerie,
l’extorsion, le blanchiment de capitaux, l’association
de malfaiteurs, la contrefaçon, le faux et l’usage de
faux, l’agression sexuelle, le braconnage, la mise en
danger délibérée de la personne d’autrui.

Quelques exemples de contraventions : le défaut de


port du permis de chasse, les violences volontaires
avec incapacité de travail inférieure à huit jours, le
tapage nocturne, l’épanchement d’urine sur la voie
publique, un grand nombre d’infractions au Code de la
route. Elles sont punies de peines d’amende
uniquement. Elles sont classées en cinq classes qui
déterminent le montant de l’amende encourue.

Certaines infractions font l’objet d’un régime


spécifique, distinct de celui des infractions de droit
commun : les infractions politiques (ex. : atteinte à la
sûreté de l’État), les infractions militaires (ex. : la
désertion, l’insoumission, le refus d’obéissance), les
infractions de terrorisme.

Brève de prétoire : « Port d’arme prohibé ? J’ai sur


moi de quoi commettre un attentat à la pudeur, mais
je n’y songe nullement… »
Les éléments constitutifs d’une
infraction

On dit traditionnellement que l’infraction est


constituée lorsque trois éléments sont réunis :
l’élément légal, l’élément matériel et l’élément moral.

L’élément légal : l’infraction doit être prévue


par un texte qui définit l’agissement prohibé
(voir plus haut, le principe de légalité des délits
et des peines).
L’élément matériel : l’auteur doit avoir
commis le fait ou l’acte extérieur par lequel la
violation de la loi pénale se révèle. Ex. : un
coup de feu tiré en direction d’autrui, un coup
de couteau, la soustraction de la chose d’autrui.
L’infraction tentée ou manquée est punissable
au même titre que l’infraction réalisée.
L’élément moral : l’infraction n’est
constituée – donc punissable – que si l’auteur a
eu la volonté ou, du moins, la conscience de
l’acte. Un acte d’imprudence a bien été voulu…
mais pas ses conséquences ! Lorsque l’auteur a
voulu l’acte et ses conséquences, on dit qu’il y
a « intention criminelle ». Lorsque l’auteur a
voulu l’acte mais non ses conséquences, on dit
qu’il y a « faute pénale ».
Le complice encourt-il les
mêmes peines que
l’auteur ?
Oui. Le Code pénal énonce : « Sera puni
comme auteur le complice de l’infraction »
(article 121-6).

La loi définit ainsi le complice : « Est complice


d’un crime ou d’un délit la personne qui
sciemment, par aide ou assistance, en a
facilité la préparation ou la consommation. Est
également complice la personne qui par don,
promesse, menace, ordre, abus d’autorité ou
de pouvoir aura provoqué à une infraction ou
donné des instructions pour la commettre »
(article 121-7).
Les causes d’irresponsabilité
pénale ou d’atténuation de la
responsabilité pénale

Dans certains cas, la responsabilité pénale d’un sujet


de droit pourra être exclue ou atténuée. Quels sont
ces cas ? On distingue traditionnellement des causes
extérieures à l’auteur de l’acte (on les appelle
« causes objectives », ou « faits justificatifs ») et des
causes qui tiennent à la personne de l’auteur de l’acte
(on les appelle « causes subjectives »).

Les principales causes objectives sont les suivantes :

L’ordre de la loi : ainsi, les médecins,


soumis au secret professionnel, sont parfois
obligés par la loi de révéler des informations en
principe couvertes par le secret professionnel,
par exemple des violences à enfants.
La légitime défense : le Code pénal énonce
que « n’est pas pénalement responsable la
personne qui, devant une atteinte injustifiée
envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le
même temps, un acte commandé par la
nécessité de la légitime défense d’elle-même
ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les
moyens de défense employés et la gravité de
l’atteinte » (article 122-5 du Code pénal). Dans
ce cas, la loi permet la commission d’un acte
délictueux proportionné, et la responsabilité de
son auteur ne sera pas engagée. La légitime
défense est en principe prouvée par l’auteur de
l’acte, mais le ministère public et le juge
d’instruction peuvent en démontrer l’existence
s’ils estiment qu’elle est constituée.
L’état de nécessité : la jurisprudence a
admis, dans quelques cas, que l’état de
nécessité pouvait constituer un fait justificatif
de l’infraction. Ainsi, dans une affaire demeurée
célèbre, l’affaire Ménard, la cour d’appel
d’Amiens a refusé de condamner une mère de
famille qui, dans le dénuement, avait dérobé un
pain dans une boulangerie.

En revanche, le consentement de la victime ne


constitue pas, au regard du droit français, un fait
justificatif. L’infraction ne disparaît pas lorsque la
victime y a consenti. Ex. : si Pierre demande à Paul de
le tuer pour agréger ses souffrances et que Paul…
s’exécute – c’est le cas de le dire ! –, Paul pourra être
pénalement poursuivi.

Les principales causes subjectives sont les suivantes :

Un trouble psychique ou neuropsychique


ayant aboli le discernement ou le contrôle des
actes (article 122-1 du Code pénal).
Une force ou une contrainte à laquelle le
sujet de droit n’a pu résister (article 122-2 du
Code pénal). La contrainte peut être physique
(ex. : cas du faux commis par un individu à qui
un autre tenait la main) ou morale. Elle peut
provenir d’un tiers ou être le fruit des émotions
de l’auteur lui-même.
L’erreur sur le droit, notamment
l’interprétation inexacte de la loi, dès lors que
le sujet de droit n’était pas en mesure de
pouvoir s’y soustraire : « N’est pas pénalement
responsable la personne qui justifie avoir cru,
par une erreur sur le droit qu’elle n’était pas en
mesure d’éviter, pouvoir légitimement
accomplir l’acte » (article 122-3 du Code pénal).
Par exemple, a été écartée la responsabilité
pénale du dirigeant de société qui s’était
conformé aux instructions erronées d’un
inspecteur du travail.

Et les mineurs ? Contrairement à ce qui est parfois


écrit, l’ordonnance du 2 février 1945 relative à
l’enfance délinquante a été réformée un très grand
nombre de fois : plus de trente ! Les mineurs
« capables de discernement » sont pénalement
responsables des crimes, délits ou contraventions
dont ils ont été reconnus coupables sans limite d’âge ;
en revanche, les mineurs âgés de moins de 10 ans
sont considérés comme irresponsables (article 122-8
du Code pénal). Le Code pénal précise également
que :

des « sanctions éducatives » peuvent être


prononcées à l’encontre des mineurs âgés de
10 à 18 ans ;
les juges tiennent compte d’une « atténuation
de responsabilité » pour les peines auxquelles
sont condamnés les mineurs âgés de 13 à
18 ans.
Et les personnes
morales ? Peuvent-elles
voir leur responsabilité
pénale engagée ?
D’abord, si une personne physique commet
une infraction dans l’exercice de ses fonctions
de représentant d’une personne morale (ex. :
escroquerie, abus de biens sociaux), sa
responsabilité pénale personnelle pourra être
engagée.

La question de la responsabilité pénale de la


personne morale elle-même est plus délicate.
A priori, on serait tenté de répondre « non » :
si une personne morale a une personnalité
juridique et un patrimoine propres, distincts de
ceux de ses membres, elle ne peut pas avoir
de volonté propre. Une personne morale n’a
pas d’autres bras que ceux de ses dirigeants,
associés, salariés, membres… Cependant,
depuis 1994, le législateur a admis la
possibilité d’engager la responsabilité pénale
des personnes morales en plus de la
responsabilité pénale des personnes
physiques : « Les personnes morales, à
l’exclusion de l’État, sont responsables
pénalement […] des infractions commises,
pour leur compte, par leurs organes ou
représentants. » Pourquoi ? Parce que le
groupement a été l’outil de la commission des
infractions.

Naturellement, il n’est pas possible de placer


une personne morale en détention ! En
revanche, les amendes auxquelles elle peut
être condamnée sont élevées (le quintuple des
amendes encourues par une personne
physique pour les mêmes infractions). Il est
vrai que les personnes morales sont souvent
plus solvables que les personnes physiques…
Enfin, le juge peut interdire à la personne
morale l’exercice de telle ou telle activité,
voire prononcer la dissolution de la personne
morale, sorte de « peine de mort » du
groupement – par exemple lorsque l’essentiel
de son chiffre d’affaires provenait d’activités
illégales (ex. : blanchiment de capitaux, trafic
de stupéfiants ou d’organes humains).
Les sanctions
En droit pénal, la sanction remplit plusieurs fonctions :

Une fonction de dissuasion et de


prévention par l’intimidation.
Une fonction de rétribution : le condamné
doit « payer sa dette à la société ».
Une fonction de réadaptation du délinquant
à la vie en société.
Peines principales et peines
complémentaires

Outre les peines principales – peine


d’emprisonnement, peine d’amende –, le Code pénal
prévoit des peines complémentaires. Parfois, la loi
impose au juge de les prononcer : ce sont des
« peines complémentaires obligatoires ». Les
principales sont :

la confiscation d’un objet ayant servi à la


réalisation de l’infraction ;
l’interdiction de certains droits civils, civiques,
de famille ;
l’interdiction d’exercer une fonction publique
ou l’activité professionnelle ou sociale dans
l’exercice de laquelle l’infraction a été
commise, ou une activité médicale.

D’autres peines complémentaires sont facultatives : la


loi offre simplement au juge la possibilité de les
prononcer. Les principales sont :

l’interdiction de séjour ;
l’interdiction du territoire français ;
la suspension, le retrait ou l’annulation du
permis de conduire ;
la publication ou la diffusion de la décision,
voire l’affichage de la décision ;
l’interdiction d’émettre des chèques.
Qu’est-ce que le sursis ?
Le sursis dispense une personne qui a été
condamnée à exécuter tout ou partie de la
peine qui a été prononcée contre lui. Il existe
différentes formes de sursis :
le sursis simple dispense la personne
condamnée d’exécuter tout ou partie de la
peine prononcée ;
le sursis avec mise à l’épreuve dispense le
condamné d’exécuter tout ou partie de la
peine prononcée tout en le soumettant à
certaines obligations (ex. : se rendre à ses
convocations, justifier d’une contribution
aux charges familiales, ne pas exercer une
activité impliquant un contact habituel avec
des mineurs, ne pas entrer en relation avec
certaines personnes, ne pas se rendre dans
certains lieux, suivre une cure de
désintoxication, ne pas conduire un
véhicule, ne pas engager de pari).
Le sursis peut être assorti de l’obligation
d’accomplir un travail d’intérêt général (TIG).
Cinq catégories de peines
Quels sont les types de peine que le juge pénal peut
prononcer ?

On classe traditionnellement les sanctions pénales en


cinq catégories, en fonction de leur objet :

Les peines portant sur la liberté d’aller


et de venir du condamné : ce sont les peines
« privatives de liberté » (détention, réclusion)
ou les peines seulement « restrictives de
liberté » (interdiction de séjour).
Les peines portant sur le patrimoine du
condamné : ce sont les amendes et les
confiscations.
Les peines portant sur l’exercice d’une
activité professionnelle par le condamné :
on y trouve l’interdiction d’exercer une fonction,
un art, une profession, la fermeture d’un fonds
de commerce, le retrait de la licence de débit
de boissons, l’incapacité d’exercer la profession
de banquier, d’assureur, d’administrateur de
société, de commissaire aux comptes.
Les peines portant sur l’exercice de
certains droits, tels que le droit de vote,
l’éligibilité, le droit d’exercer une fonction
juridictionnelle, le droit d’expert devant une
juridiction, le droit d’être tuteur ou curateur, le
droit d’émettre des chèques ou d’utiliser une
carte de crédit, le droit de quitter le territoire
français. Le permis de chasse et le permis de
conduire peuvent également être retirés.
Les peines portant sur la réputation :
c’est la publication ou la diffusion de la
décision, voire l’affichage de la décision.
Combien de casiers
judiciaires avons-nous ?
Un ou trois ?
Un casier, trois bulletins.

Le casier judiciaire est un relevé des


condamnations pénales. Ces informations sont
communiquées, sur demande, sous forme
d’extraits appelés bulletins :
le bulletin n° 1 contient l’ensemble des
condamnations. Il est uniquement remis
aux autorités judiciaires ;
le bulletin n° 2 contient les
condamnations figurant au bulletin n° 1 à
l’exception notamment des condamnations
bénéficiant d’une réhabilitation judiciaire,
des décisions prononcées à l’encontre des
mineurs, des condamnations prononcées
pour des contraventions de police et des
condamnations avec sursis lorsque le délai
d’épreuve a pris fin sans nouvelle décision
ordonnant l’exécution de la totalité de la
peine. Il est remis à certaines autorités
administratives et aux établissements
privés d’accueil de mineurs au sein
desquels une personne peut être amenée à
travailler ;
le bulletin n° 3 contient les
condamnations les plus graves prononcées
pour crime et délit. Il est remis
gratuitement à toute personne sur simple
demande auprès du service du Casier
judiciaire national (www.cjn.justice.gouv.fr).
Les condamnations
pénales se transmettent-
elles aux héritiers ?
Les peines privatives de liberté ne se
transmettent naturellement pas aux héritiers :
un fils ne sera pas emprisonné pour le meurtre
commis par son père condamné par
contumace (c’est-à-dire absent lors de son
procès) ou décédé avant d’avoir accompli la
totalité de sa peine !

En revanche, les amendes sont transmissibles


aux héritiers, sous forme de dette, à condition
que la condamnation ait été définitive avant la
mort de l’auteur ou du complice de l’infraction.
Les juridictions compétentes
« Le procès pénal est un lieu magique, disait Jacques
Vergès. Là où un homme se bat, tout est possible. »
Quels sont ces lieux de magie ?
Une juridiction pour chaque
catégorie d’infractions

Pour chaque catégorie d’infractions, il existe une


juridiction spécifique :

Les crimes sont jugés par la cour d’assises.


Elle est composée de trois juges professionnels
– un président (président de chambre ou
conseiller à la cour d’appel) et deux assesseurs
(conseillers à la cour d’appel ou magistrats du
tribunal de grande instance du département
des assises) – et un jury composé de citoyens
tirés au sort : six citoyens en première instance
(cour d’assises), neuf en appel (cour d’assises
d’appel, voir plus bas).
Les délits sont jugés par les tribunaux
correctionnels. Ils sont composés de trois
magistrats professionnels, dont un président.
Les contraventions de cinquième classe sont
jugées par les tribunaux de police.
Contrairement à ce que cette appellation
pourrait laisser croire, il s’agit non d’un officier
de police mais d’un magistrat, qui statue seul
(on dit « à juge unique »). Les autres
contraventions font l’objet d’une procédure de
traitement administrative accélérée (par
exemple, contraventions de stationnement ou
légers excès de vitesse).
Il existe deux juridictions spécifiques
chargées des mineurs : la cour d’assises des
mineurs et le tribunal correctionnel pour
mineurs.
Comment sont
déterminés les membres
d’un jury d’assises ?
Selon une formule ironique en usage aux
États-Unis, « Un jury, c’est 12 personnes
choisies pour décider qui a le meilleur
avocat ! ».

Peut être juré toute personne de nationalité


française, âgée d’au moins 23 ans, sachant lire
et écrire en français et ne se trouvant pas dans
l’un des cas suivants :
personnes ayant été condamnées pour un
crime ou un délit ;
agents publics ayant été révoqués de
leurs fonctions ;
personnes sous tutelle ou curatelle.
Ne peuvent être jurés les membres du
gouvernement, les parlementaires (députés,
sénateurs), les magistrats ou les fonctionnaires
des services de police ou de gendarmerie.

Les jurés qui forment le jury de jugement sont


choisis à l’issue de plusieurs tirages au sort.
Une liste préparatoire est établie par tirage au
sort à partir de la liste électorale. Une
commission placée auprès de chaque cour
d’assises procède à un nouveau tirage au sort
et établit ainsi la liste annuelle des jurés et la
liste spéciale des jurés suppléants. Pour
chaque session d’assises, les présidents de
tribunal de grande instance et de la cour
d’appel tirent au sort publiquement, à partir de
la liste annuelle, 35 jurés pour former la liste
de session et 10 jurés suppléants pour former
la liste spéciale. Un ultime tirage au sort a lieu
pour la constitution du jury. L’accusé ou son
avocat, puis l’avocat général, peuvent récuser
– c’est-à-dire refuser – le juré, s’ils estiment
que son impartialité n’est pas garantie. Les
jurés supplémentaires sont chargés de
remplacer les jurés qui seraient subitement
empêchés.

Les jurés siègent aux audiences et participent


aux délibérations à l’issue desquelles les
magistrats et eux-mêmes votent à bulletin
secret sur la culpabilité de l’accusé et sur sa
peine. Chaque juré a le droit de percevoir des
indemnités compensatrices. Aucun salarié ne
peut être sanctionné ou faire l’objet d’une
mesure discriminatoire en raison de l’exercice
de la fonction de juré.
Ordre judiciaire ou ordre
administratif ?
Nous avons vu que le droit pénal est considéré
comme un « droit mixte », un droit singulier, « à mi-
chemin » entre le droit privé et le droit public, à la fois
dans l’un et dans l’autre sans être tout à fait ni dans
l’un ni dans l’autre.

Les juridictions chargées de sanctionner les auteurs


d’infractions constituent-elles un troisième ordre de
juridiction, à l’écart de l’ordre judiciaire et de l’ordre
administratif ? Non. Au plan juridictionnel, les
juridictions pénales ont été « rangées » dans l’ordre
judiciaire, où elles occupent une place propre. Cela
s’explique par un principe ancien : le principe de
l’unité de la justice civile et de la justice pénale. Il
implique que les mêmes juridictions statuent en
matière civile et en matière pénale.

Ainsi :

La cour d’assises, qui n’est pas une juridiction


permanente, se réunit généralement tous les
trois mois durant une quinzaine de jours, au
sein du tribunal de grande instance.
Le tribunal correctionnel est une chambre du
tribunal de grande instance.
Le tribunal de police siège au tribunal
d’instance.
Les juridictions civiles et pénales occupent les
mêmes bâtiments. En revanche, elles sont
séparées physiquement des juridictions
commerciales. Par exemple, à Paris, le tribunal
de commerce est situé quai de Corse, à
quelques dizaines de mètres du Palais de
justice, qui abrite les juridictions civiles et
pénales.

Et l’appel ?

À l’encontre d’un arrêt de cour d’assises

La deuxième juridiction s’appelle la « cour d’assises


d’appel ». L’appel de l’arrêt de la cour d’assises doit
être formé dans un délai de dix jours à compter du
prononcé de l’arrêt. Qui peut faire l’appel ? L’accusé,
bien sûr, mais également le ministère public et les
parties civiles. En outre, le procureur peut interjeter
appel des arrêts d’acquittement. La cour d’assises
d’appel est composée de trois magistrats
professionnels et de neuf jurés. Toutefois, lorsque la
partie civile est seule à faire appel, son recours est
porté devant la chambre des appels correctionnels et
ne concerne que les dommages-intérêts.

À l’encontre d’un jugement de tribunal


correctionnel ou de tribunal de police

Les appels sont formés devant la chambre


correctionnelle de la cour d’appel, ou « chambre des
appels correctionnels ».

Lorsqu’elle réexamine les décisions du tribunal


correctionnel, la chambre des appels correctionnels
est composée de trois magistrats : un président de
chambre et deux conseillers.

Lorsqu’elle réexamine les décisions du tribunal de


police, elle est composée du seul président de la
chambre.

Et le pourvoi en cassation ?

La chambre criminelle de la Cour de cassation est


l’une des six chambres de la Cour de cassation. Elle
est chargée d’examiner les pourvois formés à
l’encontre de décisions rendues par les juridictions
pénales du fond.
Devant quelle juridiction
pénale la représentation
par un avocat est-elle
obligatoire ?
Un avocat n’est pas obligatoire devant le
tribunal de police, devant le tribunal
correctionnel et devant la chambre des appels
correctionnels près la cour d’appel.

Un avocat est obligatoire devant la cour


d’assises et la cour d’assises d’appel pour
l’accusé – non pour la partie civile.
Quatrième partie

Les sources du droit en


France et leur hiérarchie

Dans cette partie…

Constitution, traités internationaux, règlements et


directives de l’Union européenne, lois, décrets,
arrêtés, circulaires : notre monde est peuplé de
nombreux types de norme, mais toutes ces règles de
droit n’ont pas la même autorité juridique. Certaines
ont une force juridique plus grande que d’autres. Telle
est la théorie de la « hiérarchie des normes ». Le
critère qui permet de hiérarchiser, de classer les
normes, c’est leur autorité, leur valeur juridique.

Cette théorie a été systématisée, en 1934, par


l’Autrichien Hans Kelsen (voir la partie des Dix) dans
son célèbre ouvrage intitulé Théorie pure du droit.
Pour Kelsen, l’émergence d’un État de droit suppose
l’existence de normes hiérarchisées et de contrôles,
par le juge, pour assurer le respect de cette
hiérarchie. En effet, en posant que la norme de source
supérieure l’emporte sur la norme de source
inférieure, la hiérarchie des normes s’inscrit dans ce
que l’on appelle les « règles de prédominance », qui
permettent de résoudre les conflits de normes.

La seconde moitié du XXe siècle s’est caractérisée par


une internationalisation croissante du droit, c’est-à-
dire une multiplication des sources de droit comme
des juridictions chargées d’en assurer l’application.
Face à cette réalité plus complexe, la théorie de la
hiérarchie des normes a dû s’adapter. Pour certains
auteurs, cette théorie est désormais imparfaite pour
rendre compte de l’agencement de l’ordre juridique. Il
conviendrait de lui préférer la notion de « réseau de
normes », ou, selon l’expression du professeur Mireille
Delmas-Marty, de « pluralisme ordonné » de normes,
au sein duquel s’établit un dialogue sans cesse
croissant entre les juges français, les juges de la Cour
de justice de l’Union européenne et les juges de la
Cour européenne des droits de l’homme.

Cette partie étudie la hiérarchie des normes en droit


français, en allant des normes ayant l’autorité
juridique la plus grande à celles ayant l’autorité
juridique la plus faible. La hiérarchie des normes est
traditionnellement représentée sous la forme d’une
pyramide, appelée « pyramide de Kelsen », du nom de
son auteur.

La partie qui va suivre est fondamentale mais un peu


complexe. N’hésitez pas à faire des pauses !
Chapitre 8

Les normes de valeur


constitutionnelle : le « bloc
de constitutionnalité »

Dans ce chapitre…
Les normes constitutionnelles
La place de la Constitution dans la hiérarchie
des normes

Dans le chapitre 6, consacré au droit public, nous


avons vu que la Constitution est la loi fondamentale
d’un État. En effet, un État de droit suppose une
Constitution, c’est-à-dire un ensemble de règles qui :

définissent les différents organes qui


constituent l’État, les institutions politiques ;
organisent la répartition des pouvoirs au sein
de l’État : pouvoir législatif, pouvoir exécutif,
pouvoir judiciaire ;
précisent les droits des membres de la société
et prévoient les garanties nécessaires au
respect de ces droits.
Un État de droit peut exister sans Constitution
résultant d’un texte formel, comme c’est le cas par
exemple au Royaume-Uni. Cependant, la Constitution
prend, dans la plupart des pays, la forme d’un texte
écrit adopté selon une procédure solennelle.

En France, c’est la Constitution du 4 octobre 1958,


texte fondateur de la Ve République, qui est
aujourd’hui en vigueur. Elle a été adoptée par
référendum le 28 septembre 1958 à l’initiative du
général de Gaulle.

Le chapitre 6 abordait la Constitution dans le cadre du


droit constitutionnel, sous-branche du droit public.
Nous allons maintenant évoquer la place des normes
de valeur constitutionnelle dans la hiérarchie des
normes en France.
Une histoire
constitutionnelle riche
La France a connu un grand nombre de
Constitutions ! À la différence des pays anglo-
saxons, la France est un pays « consommateur
de Constitutions », selon l’expression du
professeur Dominique Turpin. De 1789 à 1958
compris, la France a connu 15 Constitutions,
mais ce nombre prend en compte des
Constitutions qui n’ont pas (celle de 1793) ou
peu (celle de 1815) été appliquées :
la Constitution du 3 septembre 1791 ;
la Constitution du 24 juin 1793, ou « de
l’an I » ;
la Constitution du 5 fructidor an III
(22 août 1795) ;
la Constitution du 22 frimaire an VIII
(13 décembre 1799) ;
la Constitution de l’an X ;
la Constitution de l’an XII ;
la Charte constitutionnelle du 4 juin 1814 ;
l’Acte additionnel aux Constitutions de
l’Empire du 22 avril 1815 ;
la Charte constitutionnelle du 14 août
1830 ;
la Constitution républicaine du
4 novembre 1848 ;
la Constitution du 14 janvier 1852 ;
la Constitution de 1875 ;
le gouvernement de Vichy (loi
constitutionnelle du 10 juillet 1940 ; le
projet de Constitution n’a jamais été
officiellement promulgué) ;
la Constitution de la IVe République
(27 octobre 1946) ;
la Constitution de la Ve République
(4 octobre 1958).

Quelles sont les normes de valeur constitutionnelle


aujourd’hui ? Quelle place la Constitution occupe-t-elle
dans la hiérarchie des normes ?
Les normes constitutionnelles
La Constitution est parfois considérée comme la
« matrice de l’ordre juridique ».

Aujourd’hui, et depuis une décision importante du


Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971, se trouve au
sommet de la hiérarchie des normes en droit français
la Constitution du 4 octobre 1958, c’est-à-dire :

d’une part, ses articles ;


d’autre part, son préambule, qui renvoie :
• à la Déclaration des droits de l’homme et du
citoyen de 1789, qui garantit une série de droits
civils et politiques,
• au préambule de la Constitution du
27 octobre 1946, qui fait référence à des
« principes fondamentaux reconnus par les lois
de la République » (article 1er) et fixe une liste
de droits à caractère politique, économique et
social dits « principes particulièrement
nécessaires à notre temps » (article 2),
• à la Charte de l’environnement, élaborée en
2004 et associée à la Constitution le 1er mars
2005.

Cet ensemble de normes à valeur constitutionnelle est


généralement désigné par l’expression bloc de
constitutionnalité, selon la formule du doyen Louis
Favoreu. Toutes ces dispositions ont une même valeur
juridique.
Ce sont ces normes qui sont utilisées comme normes
de référence par le Conseil constitutionnel lorsque
celui-ci opère un contrôle de constitutionnalité des lois
(voir chapitre 6).
Les articles de la Constitution de
1958
La genèse du texte

Sous la IVe République (1946-1958), le régime


politique était marqué par une instabilité
gouvernementale chronique. Le gouvernement
dépendait étroitement de l’Assemblée nationale, au
sein de laquelle les rivalités ne permettaient pas de
dégager de majorités stables. Le président de la
République n’était pourvu, en vertu de la Constitution
du 27 octobre 1946, que de pouvoirs très limités.

À la suite du 13 mai 1958, le président de la


République, René Coty, propose la présidence du
Conseil des ministres au général de Gaulle. Celui-ci
confie au garde des Sceaux et futur Premier ministre
Michel Debré le soin de conduire les travaux de
rédaction de la nouvelle Constitution.

Le texte est présenté publiquement par le général de


Gaulle le 4 septembre 1958 puis ratifié par les
Français lors du référendum du 28 septembre 1958.
La nouvelle Constitution est promulguée le 4 octobre
1958.

Le contenu de la Constitution

Nous l’avons vu (voir chapitre 6), le contenu du texte


de la Constitution du 4 octobre 1958 est
essentiellement consacré à l’organisation des
pouvoirs publics, c’est-à-dire les organes chargés
d’exercer le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le
pouvoir judiciaire : les modalités de leur désignation,
la nature de leurs attributions, les rapports qu’ils
entretiennent entre eux.
Le préambule de la Constitution
de 1958
C’est surtout dans le préambule de la Constitution de
1958 que sont protégés les droits fondamentaux.

Le préambule de la Constitution, nous l’avons vu,


renvoie à trois textes : la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen de 1789, le préambule de la
Constitution du 27 octobre 1946, la Charte de
l’environnement de 2004.

Composée de 17 articles, la Déclaration des


droits de l’homme et du citoyen de 1789
consacre une série de principes fondamentaux,
notamment la liberté, l’égalité, la propriété, la
sûreté, la résistance à l’oppression, le droit de
concourir à la détermination de la loi, le
principe de la légalité des délits et des peines
et le principe de séparation des pouvoirs.
Composé de 18 alinéas, le préambule de la
Constitution du 27 octobre 1946 fait
référence à deux catégories de principes, les
principes fondamentaux reconnus par les lois
de la République (PFRLR) et les principes
particulièrement nécessaires à notre temps :
• les principes fondamentaux reconnus par les
lois de la République ne sont pas énoncés par le
texte : c’est au juge qu’il revient d’identifier (on
dit aussi « dégager ») ces principes
fondamentaux. Le Conseil constitutionnel a
retenu trois critères permettant d’identifier un
principe fondamental reconnu par les lois de la
République : ces principes doivent avoir été
reconnus dans un texte de la législation
républicaine antérieur à 1946 et avoir été
d’application constante. Le Conseil
constitutionnel en a consacré plusieurs : la
liberté d’association, la liberté d’enseignement,
la liberté de conscience, l’indépendance du juge
administratif, l’indépendance des professeurs
d’université, l’existence d’une adaptation de
législation pénale pour les mineurs, le maintien
d’une législation spécifique dans les trois
départements du Haut-Rhin (68), du Bas-Rhin
(67) et de la Moselle (57) ;
• les principes particulièrement nécessaires à
notre temps sont énumérés par le préambule
de 1946. Il s’agit essentiellement de droits à
caractère politique, économique et social : le
droit syndical, le droit de grève, le droit à
l’emploi, le droit à la négociation collective, le
droit à la santé, le droit à l’instruction, le
principe d’égalité entre hommes et femmes, le
principe de la nationalisation des services
publics et des monopoles de fait.
Composée d’un préambule suivi de
10 articles, la Charte de l’environnement
consacre une série de droits, tels que le droit à
un environnement sain ou le droit à
l’information et à la participation du public aux
décisions ayant une incidence sur
l’environnement, mais également des devoirs,
tels que le devoir de prévention des atteintes à
l’environnement et le devoir de réparation des
dommages causés à l’environnement. La
Charte affirme également le principe de
précaution.
Et les objectifs de valeur
constitutionnelle ?

C’est en 1982 que le Conseil constitutionnel a eu


recours pour la première fois à cette notion originale.
De quoi s’agit-il ? Les objectifs de valeur
constitutionnelle ne sont pas des normes de valeur
constitutionnelle mais permettent de justifier une
atteinte limitée à un droit constitutionnel lorsque cette
atteinte apparaît nécessaire pour consacrer ce droit
avec un objectif de valeur constitutionnelle.

Le Conseil constitutionnel a consacré plusieurs


objectifs de valeur constitutionnelle, tels que la
sauvegarde de l’ordre public, la possibilité pour toute
personne de disposer d’un logement décent,
l’accessibilité et l’intelligibilité de la loi, la bonne
administration de la justice ou la lutte contre la fraude
fiscale.

S’ils ne sont pas des principes de valeur


constitutionnelle, les objectifs de valeur
constitutionnelle semblent cependant avoir acquis
une valeur propre. Ainsi, en 2006, le Conseil d’État a
reconnu un principe de sécurité juridique en vérifiant
le respect par l’administration de l’objet de valeur
constitutionnelle de l’accessibilité et de l’intelligibilité
de la loi.
La place de la Constitution dans la
hiérarchie des normes

La Constitution se place, dans l’ordre interne (c’est-à-


dire du point de vue du droit français), au sommet de
la hiérarchie des normes. Si la supériorité de la
Constitution sur la loi et le règlement ne fait pas
l’objet de débats, l’articulation de la Constitution et
des traités internationaux est plus délicate.
Pour les juridictions suprêmes
françaises
Pour les juridictions suprêmes françaises, le Conseil
d’État, la Cour de cassation et le Conseil
constitutionnel, la Constitution prime sur les traités
internationaux :

« La suprématie ainsi conférée [par


l’article 55 de la Constitution] aux engagements
internationaux ne s’applique pas, dans l’ordre
interne, aux dispositions de nature
constitutionnelle » (Conseil d’État, Assemblée,
30 octobre 1998, M. Sarran, M. Levacher et
autres).
« La suprématie conférée aux engagements
internationaux ne [s’applique] pas dans l’ordre
interne aux dispositions de valeur
constitutionnelle » (Cour de cassation,
Assemblée plénière, 2 juin 2000,
Mademoiselle Fraisse).
« Cette dénomination [Traité établissant une
Constitution pour l’Europe] est sans incidence
sur l’existence de la Constitution française et sa
place au sommet de l’ordre juridique interne »
[…] (Conseil constitutionnel, décision n° 2004-
505 DC du 19 novembre 2004, « Traité
établissant une Constitution pour l’Europe »).

Par le contrôle de constitutionnalité qu’il opère (voir


chapitre 6), le Conseil constitutionnel veille au respect
de la primauté de la Constitution dans la hiérarchie
des normes en droit interne. Il en est le garant.
Pour les juridictions de l’Union
européenne
Pour les juridictions de l’Union européenne, en
revanche, l’analyse est différente, comme nous le
verrons dans le chapitre consacré au droit de l’Union
européenne : pour elles, le droit de l’Union
européenne prime les normes de droit interne, normes
constitutionnelles comprises. En réalité, tout est
affaire de point de vue ! Cependant, des mécanismes
comme le dialogue des juges permettent d’éviter des
contradictions ou des situations de blocage.
Chapitre 9

Les traités et accords


internationaux

Dans ce chapitre :
L’introduction du droit international en droit
interne
La place des engagements internationaux
dans la hiérarchie des normes
Le cas particulier de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et de la Cour européenne des droits
de l’homme

Source essentielle de droit, le droit international s’est


considérablement développé à partir de 1945. Le
nombre de traités et d’accords internationaux a
augmenté de manière très sensible, et la
jurisprudence des juridictions internationales s’est
étoffée.

Traité ou accord ? Ratification ou approbation ? Le


traité international est négocié par le chef de l’État
ou, en son nom, une autorité diplomatique habilitée à
le faire, c’est-à-dire munie d’une lettre dite « de pleins
pouvoirs ». Pour entrer en vigueur, le traité doit
ensuite être ratifié par le président de la République
après qu’une loi l’a autorisé à le faire, adoptée soit par
le Parlement, soit par référendum (on dit aussi « par
voie référendaire »). L’accord international est élaboré
et signé par une autorité diplomatique dépourvue
d’une lettre de pleins pouvoirs. Pour entrer en
vigueur, l’accord doit ensuite être approuvé par le
seul ministre des Affaires étrangères. Les accords dits
« en forme simplifiée » entrent en vigueur dès leur
signature. Le terme générique d’« engagement
international » désigne soit un traité international, soit
un accord international.

La France est signataire d’un grand nombre de traités


et accords internationaux (voir la partie des Dix, « Dix
traités internationaux majeurs »). Pourquoi dit-on de
la France qu’elle est un pays « moniste » ? Quelle est
la place des traités internationaux dans la hiérarchie
des normes ?
L’introduction du droit international en
droit interne
La Constitution de la IVe République du 27 octobre
1946 énonçait que « La République française, fidèle à
ses traditions, se conforme aux règles du droit public
international. [...] Sous réserve de réciprocité, la
France consent aux limitations de souveraineté
nécessaires à l’organisation et à la défense de la
paix ». Ce système, dit moniste, implique que les
normes de droit international sont intégrées au sein
du droit interne.

La Constitution du 4 octobre 1958 n’a pas remis en


cause le choix du monisme. Il est formulé à l’article 55
de la Constitution : « Les traités ou accords
régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur
publication, une autorité supérieure à celle des lois,
sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son
application par l’autre partie. » Trois conditions sont
donc posées pour qu’un engagement international
s’insère valablement dans l’ordre juridique interne :

Il doit être ratifié ou approuvé.


Il doit être publié au Journal officiel.
Il doit y avoir réciprocité d’application.

La Constitution de 1958 prévoit également que le


Conseil constitutionnel peut être saisi d’un
engagement international antérieurement à sa
ratification ou à son approbation afin de vérifier que
cet engagement ne comporte pas de clause contraire
à la Constitution. En cas de contrariété entre la
Constitution et l’engagement international, la
ratification ou l’approbation de l’engagement
international devra être précédée d’une révision
constitutionnelle supprimant cette contrariété. Ainsi,
par exemple, la révision constitutionnelle du 25 juin
1992 a précédé la ratification du traité de Maastricht,
intervenue à l’issue du référendum du 20 septembre
1992 ; la révision constitutionnelle du 8 juillet 1999 a
précédé la ratification du traité instituant la Cour
pénale internationale (CPI).

Aujourd’hui, la plupart des États d’Europe ont, comme


la France, fait le choix du monisme.
Les stipulations d’un
traité régissent-elles
uniquement les relations
entre les États
signataires ou
s’appliquent-elles
également aux
particuliers ?
Cela dépend ! Certaines stipulations d’un traité
peuvent être déclarées d’effet direct par le
juge, alors que d’autres ne le seront pas. En
2012, le Conseil d’État a précisé le critère
permettant de déterminer dans quels cas la
stipulation d’un traité devait être déclarée
d’effet direct : « Une stipulation doit être
reconnue d’effet direct par le juge administratif
lorsque, eu égard à l’intention exprimée des
parties et à l’économie générale du traité
invoqué, ainsi qu’à son contenu et à ses
termes, elle n’a pas pour objet exclusif de régir
les relations entre États et ne requiert
l’intervention d’aucun acte complémentaire
pour produire des effets à l’égard des
particuliers. »
La place des engagements
internationaux dans la hiérarchie des
normes
La supériorité des traités sur les
lois
Si le principe de la supériorité des traités sur les lois,
consacré à l’article 55 de la Constitution, n’a pas posé
de difficulté pour les lois entrées en vigueur
antérieurement aux traités, il n’en a pas été de même
pour le cas des lois entrées en vigueur
postérieurement aux traités.

Par une décision du 15 janvier 1975, le Conseil


constitutionnel s’est déclaré incompétent pour se
prononcer sur la conformité d’une loi (postérieure)
aux stipulations d’un traité international, en
l’occurrence la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
estimant qu’« une loi contraire à un traité ne serait
pas, pour autant, contraire à la Constitution ». Ainsi, le
contrôle de la comptabilité des lois et règlements avec
les engagements internationaux de la France incombe
aux juridictions administratives et judiciaires : tel est
le contrôle de conventionnalité. Les juridictions
nationales deviennent ainsi l’échelon de droit
commun de l’application des engagements
internationaux : les juges deviennent « juges de la
loi ». Les engagements internationaux, ou
« conventions internationales », auxquelles la France
est partie, sont désormais désignés par l’expression
bloc de conventionnalité.

La même année, la Cour de cassation écartait


l’application de lois, mêmes postérieures, qui
apparaissaient incompatibles avec les stipulations
d’un traité international (arrêt « Administration des
douanes et Société des cafés Jacques Vabre », 24 mai
1975). Ce n’est qu’en 1989 que le Conseil d’État a
appliqué le même principe (arrêt « Nicolo »,
20 octobre 1989). Ainsi a été abandonnée la théorie
dite « de la loi-écran », en vertu de laquelle la loi
postérieure formait un « écran » entre un engagement
international et une décision administrative soumise
au contrôle du juge administratif : dans le cas où une
décision administrative qui résultait directement de
l’application d’une loi était contraire à un engagement
international, le juge administratif refusait de censurer
la décision administrative au motif qu’elle résultait
directement de l’application d’une loi (arrêt « Syndicat
des fabricants de semoules de France », 1er mars
1968).

Vous me suivez toujours ?


La « rivalité » entre la
Constitution et les engagements
internationaux
Ici, il convient de distinguer, d’une part, l’ordre
juridique international et, d’autre part, l’ordre
juridique interne, ou français. L’articulation entre la
Constitution et les engagements internationaux n’est
pas la même selon que l’on se trouve dans l’un ou
dans l’autre.

Dans l’ordre juridique international, un État signataire


d’un engagement international (on dit aussi « État
partie ») ne peut invoquer ses dispositions
constitutionnelles pour se soustraire aux obligations
découlant des engagements internationaux
régulièrement conclus.

Dans l’ordre interne, en revanche, comme nous


l’avons vu, la Constitution prime toute autre norme, y
compris les engagements internationaux. Cela
s’explique aisément : de la Constitution découle, dans
un État, l’existence de toute autre norme juridique.
Ainsi, c’est la Constitution qui définit la place des
engagements internationaux dans l’ordre juridique
interne. Nous l’avons vu, la ratification ou
l’approbation d’un engagement international qui
serait contraire à la Constitution nécessite une
révision de la Constitution. Depuis 1992, plusieurs
révisions ont été rendues nécessaires par le
développement du droit international en général, et
du droit de l’Union européenne en particulier (voir
chapitre 10). Dès lors qu’un engagement international
est ratifié ou approuvé, sa conformité à la Constitution
ne peut pas être mise en cause.
Qu’est-ce que la Cour
internationale de
justice ?
La Cour internationale de justice (CIJ), (ICJ) en
anglais, est l’organe judiciaire principal de
l’Organisation des Nations unies. Instituée en
juin 1945 par la Charte des Nations unies, elle
a commencé son activité en avril 1946. La
Cour a son siège à La Haye (Pays-Bas). Elle se
compose de 15 juges élus pour un mandat de
neuf ans par l’Assemblée générale et le
Conseil de sécurité des Nations unies.

La Cour internationale de justice a pour objet


de régler, conformément au droit international,
les litiges juridiques qui lui sont soumis par les
États et de donner des avis consultatifs sur les
questions juridiques que peuvent lui poser les
organes et les institutions spécialisées de
l’Organisation des Nations unies habilités à le
faire.

La Cour internationale de justice ne doit pas


être confondue avec la Cour pénale
internationale (CPI), (ICC) en anglais, qui a
également son siège à La Haye (Pays-Bas)
mais qui est indépendante du système de
l’Organisation des Nations unies. Instituée par
le Statut de Rome de la Cour pénale
internationale (17 juillet 1998), elle a pour
objet de condamner les auteurs des crimes les
plus graves qui touchent la communauté
internationale. La Cour pénale internationale
doit être distinguée des tribunaux pénaux
internationaux (TPI) temporaires institués par
l’Organisation des Nations unies, tels que les
Tribunal pénal international pour l’ex-
Yougoslavie (TPIY), le Tribunal pénal
international pour le Rwanda (TPIR), le Tribunal
spécial pour la Sierra Leone (TSSL), le Tribunal
spécial pour le Cambodge (CETC), le Tribunal
spécial pour le Liban (TSL).
Le cas particulier de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et de la Cour européenne des
droits de l’homme
Créé le 5 mai 1949, le Conseil de l’Europe – qui ne doit
pas être confondu avec l’Union européenne (voir
chapitre 10) – est la première organisation
européenne à vocation politique. Le Conseil de
l’Europe, qui a accueilli de nombreux États d’Europe
centrale et orientale dans les années 1990, compte en
2014 47 membres, qui représentent près de
800 millions d’habitants. Il est organisé autour de
quatre principales institutions : le Comité des
ministres, qui siège à Strasbourg, l’Assemblée
parlementaire, qui siège également à Strasbourg, le
Congrès des pouvoirs locaux et régionaux et le
Commissaire aux droits de l’homme.
La Convention européenne de
sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés
fondamentales
Un grand nombre de conventions ont été conclues
sous l’égide du Conseil de l’Europe depuis sa création,
en 1949. C’est dans le cadre du Conseil de l’Europe
qu’a été élaborée et signée, le 4 novembre 1950 à
Rome, la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales,
entrée en vigueur le 3 septembre 1953, et au respect
de laquelle veille depuis 1959 la Cour européenne des
droits de l’homme installée à Strasbourg. Elle a depuis
été complétée par plusieurs protocoles additionnels
(voir la partie des Dix).

Traité international, la Convention européenne de


sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales est applicable au niveau national dans
les États parties à la Convention. Les juridictions
nationales doivent appliquer les stipulations de la
Convention.
La Cour européenne des droits
de l’homme
Afin de veiller au respect des stipulations de la
Convention en sanctionnant les États signataires qui
les méconnaîtraient, le Conseil de l’Europe a mis en
place une véritable organisation juridictionnelle, la
Cour européenne des droits de l’homme.

Dans l’hypothèse où un ressortissant d’un État partie


estimerait que les droits reconnus par la Convention
n’ont pas été respectés et déposerait une requête
auprès de la Cour européenne des droits de l’homme,
l’État concerné pourrait être condamné par la Cour
européenne des droits de l’homme à indemniser le
ressortissant.

Les requêtes doivent nécessairement être introduites


contre un ou plusieurs États ayant ratifié la
Convention et être fondées sur un ou plusieurs droits
reconnus dans la Convention.

La Cour ne peut pas se saisir d’office. La Cour doit


être saisie après épuisement des voies de recours
internes, dans un délai de six mois au maximum
suivant la dernière décision de justice dans l’affaire
concernée.
Chapitre 10

Le droit de l’Union
européenne

Dans ce chapitre :
L’organisation institutionnelle de l’Union
européenne
Le système juridique et judiciaire de l’Union
européenne
Que se passe-t-il en cas de contradiction entre
une norme française et une norme du droit de
l’Union européenne dérivé ?

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, par la


volonté de quelques hommes, notamment les Français
Jean Monnet et Robert Schuman, l’Italien Alcide de
Gasperi, l’Allemand Konrad Adenauer, le Belge Paul-
Henri Spaak, le Luxembourgeois Joseph Bech et le
Néerlandais Johan Willem Beyen, des États qui
s’étaient affrontés à de multiples reprises au cours
des siècles passés firent le choix d’unir leurs destins
par l’intermédiaire de leurs représentants.

L’Union européenne regroupe aujourd’hui 28 États.


Elle s’étend sur un territoire de près de 4,5 millions de
km2 et compte plus de 500 millions d’habitants.
Attention : l’Union européenne se distingue du Conseil
de l’Europe (voir chapitre 9). La première désigne
l’« Europe des 28 », le second « l’Europe des 47 » ! De
même, le droit de l’Union européenne se distingue du
droit de la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales, mais
ces deux ensembles de règles sont parfois désignés
par l’expression « droit européen », ou « les deux
droits européens ».

Le droit de l’Union européenne n’est ni tout à fait


semblable au droit national ni tout à fait semblable au
droit international. Il se trouve à la charnière de ces
deux branches du droit et présente de réelles
spécificités.
L’organisation institutionnelle de l’Union
européenne
Organes principaux et organes
complémentaires

L’Union européenne repose sur sept institutions


principales. Si le pouvoir judiciaire est clairement
confié à la Cour de justice de l’Union européenne, le
pouvoir exécutif et le pouvoir législatif sont « mêlés »
et partagés entre plusieurs institutions.

La Commission européenne, composée de


28 membres, est la « gardienne des traités ».
Elle est l’organe d’exécution des traités et des
actes adoptés par l’Union européenne. Elle
dispose d’un pouvoir d’initiative en matière
législative : elle soumet des propositions au
Parlement et au Conseil. Elle gère et met en
œuvre les politiques de l’Union européenne et
le budget. Elle représente l’Union européenne
sur la scène internationale. Elle siège à
Bruxelles.
Le Conseil de l’Union européenne, ou
« Conseil des ministres de l’Union
européenne », est l’institution où siègent les
représentants des gouvernements des États
membres, c’est-à-dire les ministres des Affaires
étrangères ou des Affaires européennes de
chaque État membre (et non les chefs d’État ou
de gouvernement, qui eux se réunissent au sein
du Conseil européen), ou, pour l’examen d’un
texte technique, les ministres correspondants,
par exemple les ministres des Finances, les
ministres de la Justice, les ministres de
l’Agriculture, les ministres des Transports, etc.
Le Conseil de l’Union européenne est présidé à
tour de rôle par les différents États membres de
l’Union européenne pour une durée de six mois
chacun. Il adopte des actes législatifs, le plus
souvent en « codécision » avec le Parlement
européen. Il siège à Bruxelles.
Le Parlement européen compte
751 membres regroupés par affinités politiques
au sein de groupes. Le rôle du Parlement
européen a été sensiblement renforcé depuis le
début de la construction européenne. Il est
aujourd’hui « colégislateur » avec le Conseil de
l’Union européenne dans la plupart des
domaines de la législation de l’Union
européenne : il adopte ou modifie les
propositions de la Commission européenne. Il
siège à Strasbourg et à Bruxelles.
Le Conseil européen, créé en 1974, est
composé des chefs d’État ou de gouvernement
des États membres de l’Union européenne, de
son président et du président de la Commission
européenne. Le Conseil européen fixe les
orientations générales de l’Union européenne. Il
siège à Bruxelles.
La Cour de justice de l’Union
européenne, anciennement dénommée « Cour
de justice des Communautés européennes »,
composée de 28 juges et de 9 avocats
généraux, comprend 3 juridictions : la Cour de
justice elle-même, le Tribunal de première
instance de l’Union européenne, créé en 1988,
composé de 28 juges, et le Tribunal de la
fonction publique, créé en 2004, composé de
7 juges. La Cour de justice de l’Union
européenne assure le respect du droit dans
l’interprétation et l’application des traités. Elle
contrôle la légalité des actes et des institutions
de l’Union européenne, veille au respect par les
États membres de l’Union européenne de leurs
obligations issues des traités qu’ils ont signés
et interprète le droit de l’Union européenne à la
demande des juges nationaux (mécanisme du
« renvoi préjudiciel »). Elle siège à Luxembourg.
La Cour des comptes européenne, créée
en 1975, comprend un membre par État
membre de l’Union européenne. Elle examine
les finances de l’Union européenne. Elle a pour
mission d’améliorer la gestion financière de
l’Union. Elle présente au Parlement européen et
au Conseil de l’Union européenne un rapport
annuel sur l’exercice financier écoulé. Elle siège
à Luxembourg.
La Banque centrale européenne (BCE)
comprend le Directoire, composé de
6 membres, le Conseil des gouverneurs,
composé des 6 membres du Directoire et des
gouverneurs des 18 banques centrales de la
zone euro, le Conseil général, composé du
président et du vice-président de la Banque
centrale européenne ainsi que des gouverneurs
des banques centrales nationales des 28 États
membres de l’Union européenne qui forment le
Système européen de banques centrales
(SEBC). La Banque centrale européenne est
chargée de maintenir la stabilité des prix et du
système financier européen : elle fixe les taux
d’intérêt directeurs auxquels les banques
commerciales empruntent des fonds auprès de
leur banque centrale au sein de la zone euro,
elle contrôle la masse monétaire, elle gère les
réserves de devises étrangères des pays de la
zone euro, elle procède à l’achat ou à la vente
de devises afin de maintenir l’équilibre des taux
de change, elle autorise les banques centrales
des pays de la zone euro à émettre des billets
libellés en euros. La Banque centrale
européenne assure la coordination entre les
banques centrales de la zone euro (ou
« Eurosystème »). Elle siège à Francfort.

À ces organes principaux s’ajoutent des organes dits


« complémentaires » : le Comité économique et social
européen, le Comité des régions, le Médiateur
européen, la Banque européenne d’investissement
(BEI), le Fonds européen d’investissement (FEI), le
Contrôleur européen de la protection des données.
Trois catégories de compétences
Le traité de Lisbonne, entré en vigueur le
1er décembre 2009, conserve les traités existants
tout en les modifiant. Il renomme le traité instituant la
Communauté européenne « traité sur le
fonctionnement de l’Union européenne ».

Le traité de Lisbonne établit une liste de compétences


qu’il répartit en trois catégories :

Les compétences exclusives de l’Union


européenne : l’Union européenne est la seule
à pouvoir légiférer et adopter des actes
contraignants dans ces domaines (article 3 du
traité sur le fonctionnement de l’Union
européenne).
Les compétences partagées entre
l’Union européenne et les États membres :
l’Union européenne et les États membres sont
habilités à adopter des actes contraignants
dans ces domaines (article 4 du traité sur le
fonctionnement de l’Union européenne).
Les compétences d’appui : il s’agit de
compétences exclusives des États membres.
L’Union européenne ne peut ici intervenir que
pour soutenir, coordonner ou compléter l’action
des États membres ; elle ne dispose pas d’un
pouvoir législatif (article 6 du traité sur le
fonctionnement de l’Union européenne).

En outre, le traité de Lisbonne énonce trois principes


fondamentaux relatifs à l’exercice des compétences
de l’Union européenne :
Le principe d’attribution : l’Union
européenne ne dispose que des compétences
qui lui sont attribuées par les traités.
Le principe de proportionnalité :
l’exercice des compétences de l’Union
européenne ne peut aller au-delà de ce qui est
nécessaire afin de réaliser les objectifs des
traités.
Le principe de subsidiarité : pour les
compétences partagées entre l’Union
européenne et les États membres, l’Union
européenne ne peut intervenir que si elle est en
mesure d’agir plus efficacement que les États
membres.
Le système juridique et judiciaire de
l’Union européenne
Quels textes ?
Antérieurement à l’entrée en vigueur du traité de
Lisbonne, le 1er décembre 2009, le droit de l’Union
européenne comprenait le droit communautaire, ou
« droit des Communautés européennes » –
Communauté européenne du charbon et de l’acier
(Ceca), Communauté européenne de l’énergie
atomique (Euratom) et Communauté économique
européenne (CEE) –, ainsi que des procédures de
coopération, comme la Politique étrangère et de
sécurité commune (PESC) et la Coopération policière
et judiciaire en matière pénale (CPJP).

Avec le traité de Lisbonne, le « droit communautaire »


est devenu le « droit de l’Union européenne ». La
notion de droit communautaire est devenue obsolète
mais demeure utilisée pour désigner la jurisprudence
antérieure du Tribunal de première instance de l’Union
européenne.

Les Communautés européennes, puis l’Union


européenne, par l’intermédiaire de leurs institutions,
ont créé et créent du droit. Quelles sont ces règles ?

Au sein du droit de l’Union européenne, on distingue,


d’une part, les règles du droit de l’Union européenne
primaire, ou « droit de l’Union européenne
originaire », et, d’autre part, les règles du droit de
l’Union européenne dérivé, sous-entendu « dérivé du
droit de l’Union européenne primaire ».

Le droit de l’Union européenne primaire se compose


des traités suivants :

Jusqu’en 2002 : traité de Paris du 18 avril


1951 instituant la Communauté européenne du
charbon et de l’acier (Ceca). Ce traité, qui était
conclu pour une durée de cinquante ans, a
expiré en 2002 et ne produit plus d’effet
aujourd’hui.
Traité de Rome du 25 mars 1957 instituant la
Communauté économique européenne (CEE).
Traité Euratom du 25 mars 1957 instituant la
Communauté européenne de l’énergie
atomique (Euratom).
Traité de fusion des exécutifs, signé à
Bruxelles le 8 avril 1965.
Traité portant modification de certaines
dispositions budgétaires ; premier traité
budgétaire, signé à Luxembourg le 22 avril
1970.
Deuxième traité budgétaire, signé à Bruxelles
le 22 juillet 1975.
Acte unique européen, signé à Luxembourg le
17 février 1986 et à La Haye le 28 février 1986.
Traité sur l’Union européenne, signé à
Maastricht le 7 février 1992.
Traité d’Amsterdam, signé le 2 octobre 1997.
Traité de Nice, signé le 26 février 2001.
Traité de Lisbonne, signé le 13 décembre
2007.

Ces divers traités ont été signés et ratifiés par la


France comme des engagements internationaux
« classiques ».

Le droit de l’Union européenne dérivé est constitué


par l’ensemble des actes pris par les institutions
européennes conformément à ces traités :
Les règlements de l’Union européenne, qui
établissent des normes applicables directement
dans chaque État membre de l’Union
européenne.
Les directives de l’Union européenne, qui
définissent des objectifs et lient les États quant
au résultat à atteindre mais les laissent libres
du choix des outils juridiques utilisés pour
parvenir à ce résultat : les directives doivent
être transposées en droit interne, dans un délai
déterminé.
Les décisions de l’Union européenne,
obligatoires pour un nombre limité de
destinataires.
Les recommandations et avis de l’Union
européenne, qui ne lient pas les États auxquels
ils s’adressent.
L’espace Schengen
L’espace Schengen désigne un espace de libre
circulation des personnes entre les États
signataires :
de l’accord de Schengen, signé le 14 juin
1985 ;
et de la convention d’application de
l’accord du 19 juin 1990, entrée en vigueur
le 26 mars 1995.

Depuis le 1er juillet 2013, l’espace Schengen


regroupe 26 États :
22 des 28 membres de l’Union
européenne. La Bulgarie, la Roumanie,
Chypre et la Croatie n’y participent pas
encore. Le Royaume-Uni et l’Irlande
peuvent participer à tout ou partie du
système de Schengen ;
4 États associés, non membres de l’Union
européenne : la Norvège, l’Islande, la Suisse
et le Liechtenstein.
Le système de Schengen pose un principe de
disparition des frontières intérieures et de
renforcement des frontières extérieures
(terrestres, portuaires et aéroportuaires) pour
assurer la sécurité des citoyens au sein d’un
espace de libre circulation.

Tout individu, qu’il soit ressortissant d’un État


signataire ou ressortissant d’un pays tiers,
peut franchir les frontières des autres pays
sans subir de contrôles dès lors qu’il se trouve
à l’intérieur de l’espace Schengen. Un État
signataire ne peut rétablir les contrôles qu’en
cas d’atteinte à l’ordre public ou à la sécurité
nationale et après consultation des autres
États signataires de l’espace Schengen.

Aux termes de la convention de Schengen, les


États s’engagent à renforcer la coopération
judiciaire et policière au sein de l’espace
Schengen en mettant en place des règles
communes de franchissement et de contrôle
des personnes aux frontières externes, en
matière de conditions d’entrée et de visa ainsi
que de traitement des demandes d’asile.

L’acquis Schengen a été intégré dans le cadre


juridique de l’Union européenne par le traité
d’Amsterdam.
Quelles caractéristiques ?
Comment s’intègre le droit de l’Union européenne
dans l’ordre juridique des États membres ? Si les États
membres demeurent libres de conserver un système
dualiste pour ce qui concerne le droit international
extérieur au droit de l’Union européenne, le droit de
l’Union européenne suppose un système moniste.

Le droit de l’Union européenne, primaire ou dérivé,


présente deux caractéristiques essentielles : l’effet
direct, ou « applicabilité directe », et la primauté.

L’effet direct, ou « applicabilité directe », du


droit de l’Union européenne

Le principe de l’effet direct permet aux ressortissants


des États membres de l’Union européenne de
demander aux juges nationaux d’assurer le respect
des droits qui leur seraient conférés par une norme de
l’Union européenne présentant ce caractère.

Ce principe a été reconnu par la Cour de justice des


Communautés européennes dès 1963 par un arrêt
« Algemene Transport- en Expeditie Onderneming van
Gend & Loos c. Administration fiscale néerlandaise »
(5 février 1963).

La portée pratique du principe de l’applicabilité


directe, ou « effet direct », varie selon les différentes
catégories de normes de l’Union européenne :
Pour les règlements et les décisions
adressées à des particuliers, l’effet direct est
complet.
Pour les directives, la Cour de justice de
l’Union européenne a jugé qu’en cas d’absence
de transposition à l’expiration du délai ou de
transposition incorrecte le défaut d’exécution
lui-même fonde l’obligation du juge national
d’appliquer la directive directement à l’encontre
de l’État défaillant.

La primauté du droit de l’Union européenne

Le principe de primauté du droit de l’Union


européenne signifie que les normes de droit interne
ne peuvent être contraires aux normes de l’Union
européenne. Dans l’hypothèse d’un conflit entre la
norme de droit interne et la norme de droit de l’Union
européenne, le juge national doit écarter la norme de
droit interne.

Ce principe a été reconnu par la Cour de justice des


Communautés européennes en 1964 par un arrêt
« Flaminio Costa c. Enel » (15 juillet 1964).
Quels domaines ?
Le droit de l’Union européenne couvre un champ très
large. On distingue traditionnellement six grands
domaines d’intervention du droit de l’Union
européenne :

Les libertés de circulation, c’est-à-dire :


• la libre circulation des personnes et des
services, qui implique le droit de pratiquer une
activité salariée dans un autre État membre, le
droit de pratiquer une activité indépendante
dans un autre État membre et le droit à la libre
prestation de services ;
• la libre circulation des marchandises, qui
implique l’union douanière, l’élimination des
obstacles de nature pécuniaire entre les États
membres, l’interdiction des obstacles non
pécuniaires entre les États membres et une
politique commerciale commune ;
• la libre circulation des capitaux et des
paiements, rendue effective par la suppression
des restrictions intracommunautaires aux
mouvements de capitaux.
Les règles de concurrence de l’Union
européenne, qui entendent garantir que la
concurrence n’est pas « faussée » : les
pratiques anticoncurrentielles telles que les
ententes et les abus de position dominante sont
sanctionnées, les concentrations font l’objet de
contrôles, les aides d’États sont, sauf
exceptions, interdites.
Une Union économique et monétaire, qui
prévoyait la création d’une monnaie commune,
l’euro (adoptée par 18 États membres en
2014), et la coordination des politiques
économiques et budgétaires des États
membres. Afin de garantir la stabilité
macroéconomique de l’Union européenne, les
États membres ont défini en 1997 un Pacte de
stabilité et de croissance qui a notamment pour
objet d’éviter les déficits budgétaires excessifs
des États membres.
Les politiques sectorielles, telles que la
politique agricole commune, la cohésion
économique, sociale et territoriale et la
politique de la recherche et du développement
technologique.
La défense européenne : le traité de
Lisbonne met en place une série d’outils
juridiques visant à renforcer les moyens
d’action commune sur la scène internationale
dans le domaine militaire par une coopération
structurée permanente et à répondre aux
menaces contre la sécurité des États membres.
Une Agence européenne de défense a été
créée.
Un « espace de liberté, de sécurité et de
justice » : le droit de l’Union européenne
assure l’absence de contrôles des personnes
aux frontières intérieures et prévoit des
dispositions relatives à l’asile et à l’immigration,
à la coopération judiciaire en matière civile, à la
coopération judiciaire en matière pénale et à la
coopération policière.
Quelles sanctions ?
Que se passe-t-il dans le cas où le droit de l’Union
européenne, primaire ou dérivé, n’est pas respecté ?
Plusieurs types de recours, dits « recours directs »,
ont été institués : la demande en renvoi préjudiciel, le
recours en annulation, le recours en carence, le
recours en manquement et le recours en
responsabilité.

La demande en renvoi préjudiciel


(également appelée « question préjudicielle »)
a pour but de garantir une interprétation
uniforme du droit de l’Union européenne dans
l’ensemble de l’Union. Elle permet à une
juridiction nationale d’interroger la Cour de
justice de l’Union européenne sur
l’interprétation ou sur la validité d’une norme
du droit de l’Union européenne dans le cadre
d’un litige dont cette juridiction est saisie. La
décision de la Cour de justice de l’Union
européenne lie la juridiction nationale à
l’initiative du renvoi préjudiciel mais également
l’ensemble des juridictions nationales des États
membres de l’Union européenne.
Le recours en annulation permet à un
requérant – État membre, institution de l’Union
européenne ou particulier – de demander
l’annulation d’un acte adopté par une
institution, un organe ou un organisme de
l’Union européenne. La Cour de justice de
l’Union européenne procède alors au contrôle
de la légalité de l’acte litigieux.
Le recours en carence permet à un
requérant – État membre, institution de l’Union
européenne ou particulier – de faire constater la
carence d’une institution, d’un organe ou d’un
organisme de l’Union, inaction illégale dans la
mesure où le droit de l’Union européenne
imposait une obligation d’agir. Si la Cour de
justice constate la carence, l’institution
concernée doit prendre les mesures
appropriées, mais la Cour de justice ne peut pas
se substituer à l’institution pour remédier à la
carence.
Le recours en manquement permet à la
Cour de justice de contrôler le respect par les
États membres des obligations que le droit de
l’Union européenne fait peser sur eux. Il est
exercé soit par la Commission européenne, soit
par un État membre à l’encontre d’un autre État
membre, lorsque le premier estime que le
second n’a pas respecté le droit de l’Union
européenne.
Le recours en responsabilité permet aux
particuliers ou aux États membres qui ont subi
un dommage d’obtenir réparation, sous la
forme d’indemnités, de la part de l’institution
de l’Union européenne qui en est responsable,
soit dans le cadre de l’exécution d’un contrat,
soit en dehors de tout contrat auquel l’Union
européenne est partie, en raison d’un
dommage causé par ses organes ou ses agents
dans l’exercice de leurs fonctions. En revanche,
les recours dirigés contre les États membres en
cas de dommage causé par une mauvaise
application du droit européen doivent être
exercés devant les juridictions nationales.
Que se passe-t-il en cas de contradiction
entre une norme française et une norme
du droit de l’Union européenne dérivé ?
Le droit de l’Union européenne primaire étant
composé de traités, les règles que nous avons vues au
chapitre précédent concernant la gestion de
contradictions éventuelles entre une norme française
et un engagement international s’appliquent.

Mais qu’en est-il s’agissant du droit de l’Union


européenne dérivé ?

Il convient de distinguer, d’une part, le cas d’une


contradiction entre une norme constitutionnelle
française et une norme du droit de l’Union
européenne dérivé, et, d’autre part, le cas d’une
contradiction entre une loi française et une norme du
droit de l’Union européenne dérivé.
Le cas d’une contradiction entre
une norme constitutionnelle
française et une norme du droit
de l’Union européenne dérivé
Ce cas est très rare.

Il a été évoqué par M. Olivier Dutheillet de Lamothe,


membre du Conseil constitutionnel, dans la Revue
française de droit constitutionnel : « Le Conseil
constitutionnel peut être cependant amené, dans
l’exercice de ses compétences, à exercer un contrôle
indirect de constitutionnalité sur le droit
communautaire dérivé. […] Les décisions dans
lesquelles le Conseil constitutionnel a eu à connaître
de règlements ou de directives communautaires sont
à ce jour relativement peu nombreuses puisque j’en ai
dénombré sept. Dans un cas au moins, le Conseil
constitutionnel a été amené à censurer partiellement
une loi portant transposition d’une directive. »
Le cas d’une contradiction entre
une loi française et une norme
du droit de l’Union européenne
dérivé
Ce cas est plus fréquent que le précédent.

Comme les traités, les règlements de l’Union


européenne et les directives de l’Union européenne
ont une autorité supérieure à celle des lois.

La question s’est posée pour les directives de l’Union


européenne qui n’avaient pas été transposées en droit
interne par les États membres dans le délai de
transposition. La Cour de cassation en 2004 et le
Conseil d’État en 2009 ont adopté la jurisprudence de
la Cour de justice de l’Union européenne en vertu de
laquelle tout justiciable peut se prévaloir des
dispositions d’une directive, même non transposée,
dès lors que les délais de transposition sont expirés et
que les dispositions invoquées sont précises et
inconditionnelles.

En 2001, le Conseil d’État a admis qu’une décision de


l’Union européenne est obligatoire dans tous ses
éléments pour les destinataires qu’elle désigne. Le
juge national doit donc veiller à contrôler la
compatibilité de la loi nationale avec cette décision.
Chapitre 11

Les lois

Dans ce chapitre :
Les différents types de loi
Le « domaine » de la loi
Inflation législative et dégradation de la
qualité de la loi

« La loi est une règle établie par l’autorité qui, d’après


la Constitution politique, a le pouvoir de commander,
de défendre ou de permettre, dans toute l’étendue de
l’État. Le droit est le résultat, ou bien l’ensemble de
ces règles. Le droit, c’est la Loi établie par l’autorité
constitutionnellement habilitée à cet effet », écrivait
Charles Demolombe au XIXe siècle.

La loi occupe une France, historiquement, une place


particulière. Elle possède une grande valeur
symbolique. Expression de la volonté générale dans
l’esprit des révolutionnaires de 1789, les lois
constituent la source la plus ancienne de la légalité.
Certaines lois datant de l’Ancien Régime sont encore
en vigueur ! Le rapport public 2006 du Conseil d’État,
qui consacre ses considérations générales à la
sécurité juridique et à la complexité du droit, fait état
de 10 500 lois en vigueur en France.

Le contrôle de constitutionnalité institué par la


Constitution du 4 octobre 1958 a conduit le système
juridique français à quitter les rives du légicentrisme
pour s’approcher de celles du constitutionnalisme : de
la primauté de la loi, la France est passée à la
primauté de la Constitution. Depuis la Ve République
seulement, le Parlement est soumis à l’obligation de
respecter la Constitution, qui est la loi fondamentale.

Dans le chapitre 6, nous avons vu la place que réserve


la Constitution de 1958 au pouvoir législatif, exercé
par le Parlement, dans l’organisation de l’État. Nous
avons également évoqué les deux grandes fonctions
du pouvoir législatif que sont l’élaboration de la loi (la
procédure législative) et le contrôle parlementaire. La
Constitution de 1958 a consacré une répartition des
matières, ou « domaines d’intervention », entre la loi
et le règlement aux articles 34 et 37.

Après avoir présenté les différents types de loi, ce


chapitre précise ce que l’on appelle communément le
« domaine » de la loi et sa place dans la hiérarchie
des normes.
Les différents types de loi
On pourrait penser qu’il existe un seul type de loi… En
réalité, il en existe une grande variété !

La Constitution distingue différents types de loi : les


lois constitutionnelles et référendaires et les lois
parlementaires.
Les lois constitutionnelles et
référendaires
Une loi constitutionnelle est une loi qui révise la
Constitution, c’est-à-dire qui en modifie, abroge et/ou
complète des dispositions. Elle doit être adoptée par
les deux chambres constituant le Parlement
(l’Assemblée nationale et le Sénat) en termes
identiques. La révision de la Constitution n’est
définitive qu’à l’issue de l’une des deux procédures
suivantes :

Soit la révision est approuvée par


référendum : ce sont les « lois référendaires »,
directement adoptées par le peuple,
« expression directe de la souveraineté
nationale » selon le Conseil constitutionnel.
Soit, lorsqu’il s’agit d’un projet de loi
constitutionnelle et non d’une proposition de loi
constitutionnelle, le président de la République
peut décider de soumettre le texte, non à un
référendum, mais à l’approbation du Congrès
du Parlement, c’est-à-dire la réunion des deux
chambres, l’Assemblée nationale et le Sénat, à
Versailles. La loi constitutionnelle est alors
approuvée à la majorité des trois cinquièmes
des suffrages exprimés.
Les lois parlementaires
Les lois parlementaires sont les lois qui ressortissent
de la compétence exclusive du Parlement. Elles
présentent une grande diversité.

Les lois organiques (voir chapitre 6) : dans


la hiérarchie des normes, la loi organique est
supérieure à la loi ordinaire.
Les lois de finances, qui déterminent les
ressources et les charges de l’État, et les lois
de financement de la Sécurité sociale, qui
organisent le cadre financier de la Sécurité
sociale, font l’objet de règles spécifiques de
délai et de vote.
Les lois d’autorisation ont pour objet
d’autoriser la ratification d’un traité
international ou la prorogation de l’état de
siège ou de l’état d’urgence.
Les lois de programmation, qui ont succédé
en 2008 aux lois de programme, déterminent
les objectifs de l’action de l’État mais ne
présentent pas un caractère contraignant – par
exemple, la loi de programmation militaire
(LPM).
Les lois d’habilitation autorisent le
gouvernement à prendre par voie d’ordonnance
(voir plus bas), durant un délai limité, des
mesures qui normalement relèvent du domaine
de la loi, par exemple la loi du 26 juillet 2005
habilitant le gouvernement à prendre, par
ordonnance, des mesures d’urgence pour
l’emploi, ou la loi du 2 janvier 2014 habilitant le
gouvernement à simplifier et à sécuriser la vie
des entreprises. En d’autres termes, le
Parlement « délègue » sa compétence au
gouvernement pour une durée donnée.
Les lois d’expérimentation, introduites par
la révision constitutionnelle du 28 mars 2003,
permettent d’adopter des dispositions à titre
d’expérimentation, pour « un objet et une durée
limités », par dérogation au principe d’égale
application de la loi sur le territoire, avant
d’envisager l’extension du dispositif si les
résultats apparaissent satisfaisants.
Les lois de validation permettent au
législateur de valider, sous certaines conditions
en raison de l’entorse à la séparation des
pouvoirs qu’elles constituent, des actes qui ont
fait l’objet d’une annulation par le juge, lorsque
le Parlement estime que cette annulation a
pour effet de fragiliser la sécurité juridique. En
d’autres termes, en modifiant l’état du droit
positif, le Parlement rend incontestable un acte
juridique qui pouvait être contesté sous
l’empire du droit antérieur.

Les lois qui n’entrent dans aucune des catégories


précédentes portent le nom de « lois ordinaires ».

Certaines lois ordinaires portent le nom de « lois


d’orientation » ou « lois quinquennales ». Ces
dénominations, si elles peuvent avoir une signification
politique, ne correspondent pas à une catégorie
juridique spécifique.
Et les lois
interprétatives ?
Une loi interprétative est une loi destinée à
éclairer le sens d’une disposition législative
antérieure sans en modifier le fond. Elle fait
donc corps avec la loi précédente, elle ne vient
pas la modifier ou la remplacer.

Attention : le Parlement n’adopte pas uniquement des


lois. Deux autres types d’acte existent :

Chacune des deux chambres du Parlement,


l’Assemblée nationale et le Sénat, doit adopter
un règlement intérieur, lequel peut faire
l’objet de modifications, sous le contrôle du
Conseil constitutionnel.
Le Parlement peut adopter des résolutions :
ces textes n’ont pas de valeur normative, ils ne
figurent donc pas dans la hiérarchie des
normes, mais ils permettent à l’Assemblée
nationale ou au Sénat d’exprimer une position
sur un sujet, par exemple la résolution sur la
création du parquet européen du 31 janvier
2014.
Qu’appelle-t-on les « lois
du pays » ?
Les lois du pays sont des actes que peuvent
adopter, depuis 1999 pour la Nouvelle-
Calédonie et depuis 2004 pour la Polynésie
française, les assemblées délibérantes de la
Nouvelle-Calédonie (le Congrès de la Nouvelle-
Calédonie) et de la Polynésie française
(l’Assemblée de la Polynésie française), dans le
domaine de la loi (voir plus bas). Cependant,
les lois du pays ont, en Polynésie française, le
caractère d’actes administratifs, qui peuvent
être contestés par la voie du recours pour
excès de pouvoir devant le Conseil d’État.
Le « domaine » de la loi
La loi parlementaire : oui, mais
pour quelles matières ?
La Constitution de 1958 a innové par rapport aux
textes précédents : elle définit de manière précise un
domaine de la loi, c’est-à-dire les matières qui
relèvent de la compétence du législateur et non du
gouvernement ou des autorités administratives. Ces
matières sont indiquées à l’article 34 de la
Constitution., qui distingue deux catégories : les
matières dans lesquelles la loi a le pouvoir de fixer les
règles et les matières dans lesquelles la loi ne
détermine que les principes fondamentaux.

Les matières dans lesquelles la loi a le pouvoir de fixer


les règles sont les suivantes :

Les droits civiques et les garanties


fondamentales accordées aux citoyens pour
l’exercice des libertés publiques ; la liberté, le
pluralisme et l’indépendance des médias ; les
sujétions imposées par la défense nationale aux
citoyens en leur personne et en leurs biens.
La nationalité, l’état et la capacité des
personnes, les régimes matrimoniaux, les
successions et libéralités.
La détermination des crimes et délits ainsi
que les peines qui leur sont applicables ; la
procédure pénale ; l’amnistie ; la création de
nouveaux ordres de juridiction et le statut des
magistrats.
L’assiette, le taux et les modalités de
recouvrement des impositions de toutes
natures ; le régime d’émission de la monnaie.
Le régime électoral des assemblées
parlementaires, des assemblées locales et des
instances représentatives des Français établis
hors de France ainsi que les conditions
d’exercice des mandats électoraux et des
fonctions électives des membres des
assemblées délibérantes des collectivités
territoriales.
La création de catégories d’établissements
publics.
Les garanties fondamentales accordées aux
fonctionnaires civils et militaires de l’État.
Les nationalisations d’entreprise et les
transferts de propriété d’entreprises du secteur
public au secteur privé.

Les matières dans lesquelles la loi ne détermine que


les principes fondamentaux sont les suivantes :

L’organisation générale de la défense


nationale.
La libre administration des collectivités
territoriales, de leurs compétences et de leurs
ressources.
L’enseignement.
La préservation de l’environnement.
Le régime de la propriété, les droits réels et
les obligations civiles et commerciales.
Le droit du travail, le droit syndical et la
Sécurité sociale.

L’article 34 précise enfin trois types particuliers de


loi : les lois de finances, les lois de financement de la
Sécurité sociale et les lois de programmation, qui
correspondent à des matières spécifiques.
Pour tout le reste, c’est le pouvoir réglementaire qui
est compétent (voir chapitre 12). En effet, l’article 37,
alinéa 1er, dispose : « Les matières autres que celles
qui sont du domaine de la loi ont un caractère
réglementaire. » On dit que le législateur possède une
« compétence d’attribution » dans les domaines
limitativement énumérés par la loi, tandis que le
pouvoir réglementaire possède une « compétence de
droit commun ».
Deux exceptions au domaine de
la loi
La Constitution de 1958 a prévu deux exceptions au
domaine de la loi : les pouvoirs exceptionnels, visés à
l’article 16 de la Constitution, et les ordonnances,
visées à l’article 38 de la Constitution.

Les pouvoirs exceptionnels

L’article 16, alinéa 1er, de la Constitution dispose :


« Lorsque les institutions de la République,
l’indépendance de la nation, l’intégrité de son
territoire ou l’exécution de ses engagements
internationaux sont menacées d’une manière grave et
immédiate et que le fonctionnement régulier des
pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le
président de la République prend les mesures exigées
par ces circonstances, après consultation officielle du
Premier ministre, des présidents des assemblées ainsi
que du Conseil constitutionnel. »

Les mesures adoptées par le président de la


République dans le cadre de l’article 16 peuvent donc
être prises dans des matières qui relèvent en principe
du domaine de la loi.

Les ordonnances

En vertu de l’article 38 de la Constitution, le


Parlement peut, à la demande du gouvernement,
adopter une loi d’habilitation qui a pour effet
d’autoriser le gouvernement à prendre, par
ordonnances, « pendant un délai limité », des
mesures qui sont, en principe, du domaine de la loi.
Elles sont prises en Conseil des ministres et doivent
être signées par le Président de la République. Le
recours aux ordonnances s’est accru de manière
sensible depuis le début des années 2000,
notamment pour assurer la transposition en droit
français des directives de l’Union européenne. En
2014, une série d’ordonnances ont été prises sur le
fondement d’une loi d’habilitation du 2 janvier 2014,
par exemple l’ordonnance du 30 mai 2014 relative au
financement participatif (ou crowdfunding).
Qu’appelle-t-on
l’incompétence
négative ?
L’incompétence négative est
traditionnellement définie comme le fait, pour
une autorité compétente, de n’avoir pas utilisé
pleinement les pouvoirs que les textes lui ont
attribués.

Si les empiétements du législateur en dehors


de son domaine de compétence sont
sanctionnés, l’inverse est également vrai. On
dit que le législateur doit « épuiser » sa
compétence, c’est-à-dire qu’il doit régler
entièrement ce qui relève de sa seule
compétence : le législateur ne peut déléguer
cette compétence.

L’incompétence négative est caractérisée et


entraîne l’inconstitutionnalité de la loi, selon le
Conseil constitutionnel, dans deux cas :
lorsque la loi prévoit expressément
l’intervention d’un décret dans une matière
qui relève de la compétence de la loi ;
lorsque la loi demeure silencieuse, ce qui
implique nécessairement qu’un règlement
intervienne.
Qu’organisent les
dispositions transitoires
d’une loi (nouvelle) ?
Les dispositions transitoires sont les
dispositions d’une loi nouvelle qui visent à
aménager son application dans le temps. Elles
ouvrent une période de transition entre la loi
nouvelle et la loi ancienne.
Inflation législative et dégradation de la
qualité de la loi
Le constat : trop de lois tue la
loi !
Soixante-treize codes répertoriés sur le site internet
Légifrance (un code officiel est un ensemble de
dispositions qui ont fait l’objet d’un vote par le
Parlement ou qui ont été codifiées par décret à la
suite des travaux de la Commission supérieure de
codification), 10 500 lois dénombrées par le Conseil
d’État en 2006, entre 90 et 100 nouvelles lois
adoptées chaque année par le Parlement, recours
banalisé aux ordonnances de l’article 38… Le
Parlement submergé et la procédure d’urgence sont
fréquemment invoqués par le gouvernement. Sans
qu’elle soit une exception, la France connaît depuis la
seconde moitié du XXe siècle une augmentation
continue du nombre de normes produites.

Ce phénomène d’inflation normative s’explique


d’abord par une multiplication des sources de droit.

Sur la scène internationale, les acteurs se


sont multipliés avec la décolonisation et
l’émergence des organisations non
gouvernementales (ONG). Selon le rapport
public 2006 du Conseil d’État, la France négocie
depuis les années 1990 environ 200 accords
internationaux par an, alors que ce chiffre était
de 80 en moyenne entre 1950 et 1959, de
14 en moyenne entre 1919 et 1939, et de 4 en
moyenne entre 1881 et 1918.
Au niveau européen, le droit de l’Union
européenne, anciennement dénommé « droit
communautaire », a connu des développements
considérables dans des domaines variés :
agriculture, industrie, environnement,
transports, notamment.
Au niveau national, les transferts ou
aménagements de compétences de l’État au
profit des autorités administratives
indépendantes (AAI) ou des collectivités
territoriales dans le cadre de la décentralisation
ont conduit à une multiplication du nombre de
règles. Le contentieux en matière
administrative a ainsi connu une augmentation
considérable depuis les années 1980,
notamment en raison de l’augmentation du
nombre de contrats administratifs.

Ce phénomène s’explique également par la pratique


politique moderne elle-même, comme le souligne le
Conseil d’État.

Dans nos démocraties, la relation des responsables


politiques avec les citoyens-électeurs s’opère
essentiellement par les médias. Il ne saurait y avoir
d’existence politique sans une communication
médiatique. Pour le constitutionnaliste Guy
Carcassonne, « tout sujet d’un “20 heures” est
virtuellement une loi ». Bien des faits divers ont
conduit à des annonces de la part des responsables
politiques appelant à une réforme législative ou
réglementaire destinée à éviter qu’un fait divers
comparable ne se reproduise : légiférer, dans un pays
où la loi a toujours eu un grand pouvoir symbolique –
presque magique –, apparaît la réponse la plus rapide
et, en apparence, la moins coûteuse. Les responsables
politiques sont sensibles aux sirènes de la
communication médiatique !

En outre, le phénomène est alimenté par une


personnalisation excessive de la loi. De nombreux
responsables politiques souhaitent avoir « leur » loi ou
leur règlement, c’est-à-dire un texte « portant » leur
nom – la « loi Badinter », la « loi Fillon », la « loi
Borloo », la « loi Perben », le « dispositif Scellier », le
« dispositif Girardin »…

Enfin, les citoyens, associations, syndicats exercent


une pression constante sur les élus en vue de
l’élaboration de nouveaux textes.

L’inflation normative a souvent été dénoncée : « Le


signe auquel on reconnaît la décomposition d’un État,
c’est la multiplication de ses lois », écrit Tacite dans
les Annales (Plurimae leges, corruptissima republica,
III, 27,3). Au XVIIIe siècle, Montesquieu affirmait :
« Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires »
(De l’esprit des lois). En 1991, dans un rapport intitulé
De la sécurité juridique, le Conseil d’État avait déjà
mis en garde contre les risques inhérents à l’inflation
législative : « Quand le droit bavarde, le citoyen ne lui
prête plus qu’une oreille distraite. »

Cette inflation normative s’accompagne, comme l’a


souligné le Conseil d’État à plusieurs reprises, d’une
complexité croissante des normes, d’une moindre
efficacité législative, d’une baisse de la qualité de la
rédaction de la loi et d’une plus grande insécurité
juridique. Par « sécurité juridique », on entend
traditionnellement à la fois la clarté et la publicité de
la norme, ainsi que le respect de la stabilité des
situations juridiques, ce qui inclut, en principe,
l’absence de rétroactivité.

Le principe de confiance légitime est la traduction du


principe de sécurité juridique au plan des sujets de
droit. Ceux-ci sont en droit d’avoir des « espérances
légitimes » dans la clarté et la stabilité de la norme.

Dans le rapport public 2006 du Conseil d’État


consacré à ce sujet, Renaud Denoix de Saint-Marc,
vice-président du Conseil d’État, écrit : « Pour
respecter la loi, il faut la connaître. Pour la connaître, il
faut qu’elle soit claire et stable. Or, et ce constat est
préoccupant, nombre de nos lois ne sont ni claires ni
stables. »
Les principes consacrés
Dans le Discours préliminaire du premier projet de
Code civil (1801), Portalis, l’un des rédacteurs du
Code civil, écrit : « [La loi] permet ou elle défend ; elle
ordonne, elle établit, elle corrige, elle punit ou elle
récompense. »

Répondant à la prière de Victor Hugo, pour qui « il faut


à l’homme de la clarté » (Les Misérables), le Conseil
constitutionnel a consacré, à plusieurs reprises, un
« principe de clarté de la loi ». Ce principe pose une
double exigence de lisibilité et de précision. En effet,
trop détaillée, une loi n’est pas lisible ; mais, trop
laconique, elle ne permet plus de prévoir son
application concrète. En 2006, le Conseil
constitutionnel a estimé qu’« il incombe au législateur
d’exercer pleinement [sa] compétence » (voir plus
haut, l’incompétence négative), ce qui lui impose
« d’adopter des dispositions suffisamment précises et
des formules non équivoques ».

En 2006, le Conseil d’État a reconnu, en droit interne,


le principe de sécurité juridique (arrêt « Société KPMG
et autres »). En effet, il a jugé qu’est opérant, à
l’encontre d’un décret, le moyen tiré de la violation de
l’objectif constitutionnel de clarté et d’intelligibilité de
la norme.

Si le Conseil constitutionnel n’a pas – pour le


moment – consacré expressément le principe de
sécurité juridique comme principe de valeur
constitutionnelle, la notion de confiance légitime
influence de manière croissante sa jurisprudence : en
effet, dans une décision du 19 décembre 2013, il a
jugé que le législateur, s’il peut modifier la législation
selon ce qu’il juge bon, « ne saurait, sans motif
d’intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux
situations légalement acquises ni remettre en cause
les effets qui peuvent légitimement être attendus de
telles situations ».
Les mesures prises
Afin d’améliorer le processus normatif et la qualité de
la loi en France, plusieurs mesures ont été mises en
place au cours des dernières années.

Un guide de légistique, destiné à tous ceux


qui, à un titre quelconque, concourent à la
rédaction de la norme, a été élaboré, qui
comprend une série de préconisations sur la
forme et l’élaboration des normes.
Un effort de codification a été entrepris,
sous l’autorité de la Commission supérieure de
codification. Un effort de simplification a permis
d’abroger des textes devenus inutiles ou
inadaptés.
Le rôle du Conseil d’État a également été
étendu pour examiner la qualité de rédaction
des textes antérieurement à leur adoption.
Depuis 2009, une étude d’impact doit être
réalisée pour les projets de loi autres que ceux
portant sur les lois constitutionnelles, les lois de
finances, les lois de financement de la Sécurité
sociale, les lois de programmation pluriannuelle
et les lois prorogeant les états de crise ou
autorisant la ratification des traités. Une étude
d’impact a pour objet de justifier la nécessité
du texte et de préciser, notamment, les
modalités d’inscription du texte dans le droit
existant, son articulation avec le droit de
l’Union européenne et ses conséquences
économiques, sociales et environnementales.
Enfin, la responsabilité de l’État pouvant être
mise en cause dans l’hypothèse où le
gouvernement n’adopterait pas les décrets
d’application des lois dans un « délai
raisonnable », plusieurs mécanismes
permettent de suivre les mesures d’application
des lois nouvelles, tels qu’un tableau de
programmation des mesures d’application
consultable sur le site internet Légifrance.
Chapitre 12

Les actes administratifs


unilatéraux

Dans ce chapitre :
De quoi s’agit-il ?
Que se passe-t-il si les administrés ne
respectent pas les décisions de
l’administration ?

On oppose souvent le domaine de la loi (article 34 de


la Constitution) et celui du règlement (article 37,
alinéa 1er, de la Constitution). En réalité, le
règlement, ou l’acte réglementaire, n’est qu’un type
d’acte administratif unilatéral, le plus élevé dans la
hiérarchie des actes administratifs unilatéraux. Les
actes administratifs unilatéraux forment un ensemble
vaste qui constitue une source de droit importante.
Partons à sa découverte.
De quoi s’agit-il ?

Afin de remplir ses missions, l’administration, que


dirige le gouvernement, a le pouvoir de prendre des
décisions unilatérales, c’est-à-dire qui s’imposent par
sa seule volonté. Ces décisions, appelées « actes
administratifs unilatéraux », se distinguent d’un
contrat en ce que le consentement de l’administré
n’est pas nécessaire !

Les actes administratifs unilatéraux sont la


manifestation des prérogatives de puissance publique
dont dispose l’administration. C’est pourquoi ils sont
immédiatement exécutoires. On dit que
l’administration dispose du « privilège du préalable » :
ses décisions sont présumées conformes à la loi et
s’appliquent aux administrés sans qu’une intervention
du juge soit nécessaire (alors qu’un sujet de droit
privé doit saisir un juge pour obtenir un acte
exécutoire, par exemple pour obtenir la possibilité de
faire pratiquer une mesure d’exécution forcée d’une
créance). Les administrés ont le devoir de se
conformer aux décisions de l’administration tant
qu’elles n’ont pas été annulées par le juge
administratif ou que leur exécution n’a pas été
suspendue (par un recours ayant effet suspensif ou
une décision du juge des référés).
Règlements et décisions
individuelles
Parmi les actes administratifs unilatéraux, on
distingue les règlements, ou « actes réglementaires »,
et les décisions individuelles.

Les règlements

Le règlement fixe une règle générale, impersonnelle


et permanente. Il s’impose à tous, et non à des
personnes spécifiquement désignées.

La Constitution distingue deux types de règlement :

Les règlements pris pour l’exécution des


lois, ou pour l’application des lois, sur le
fondement de l’article 21 de la Constitution, par
exemple un décret d’application (on parlera du
« pouvoir réglementaire d’exécution des lois »,
aussi appelé « pouvoir réglementaire dérivé »),
par exemple le décret du 16 août 1901 pris
pour l’exécution de la loi du 1er juillet 1901
relative au contrat d’association.
Les règlements autonomes, c’est-à-dire
non rattachés à une loi, pris sur le fondement
de l’article 37, alinéa 1er, de la Constitution, qui
attribue une compétence générale au
règlement (on parlera du « pouvoir
réglementaire autonome »), par exemple les
décrets de nomination (ex. : ambassadeurs).

Qu’appelle-t-on alors le pouvoir réglementaire ? Cette


expression désigne les autorités exécutives et
administratives titulaires du pouvoir de prendre des
actes réglementaires. Quelles sont ces autorités ?

Au niveau national, le pouvoir réglementaire est


partagé entre le président de la République, en vertu
de l’article 13 de la Constitution, et le Premier
ministre, en vertu de l’article 21 de la Constitution. Ils
prennent des décrets, qui se situent au sommet de la
hiérarchie des actes administratifs.

Le rapport public 2006 du Conseil d’État, qui consacre


ses considérations générales à la sécurité juridique et
à la complexité du droit, fait état de 120 000 décrets
en vigueur en France.

Le pouvoir réglementaire peut être également exercé,


sous certaines conditions, par :

les ministres, dans trois hypothèses : par le


mécanisme du contreseing portant sur les
mesures réglementaires édictées par le
président de la République et le Premier
ministre, pour l’organisation de leurs services,
ou lorsqu’ils reçoivent délégation du pouvoir
réglementaire par une loi ou par un décret ;
les préfets ;
les collectivités territoriales, pour
l’exercice de leurs compétences, depuis la
révision constitutionnelle du 28 mars 2003 ;
les autorités administratives
indépendantes, par exemple la Commission
nationale de l’informatique et des libertés (Cnil)
ou le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA),
afin de leur permettre de mener à bien leur
mission ;
les établissements publics ;
les organismes privés chargés d’une
mission de service public.

Les règlements sont hiérarchisés selon la nature des


autorités dont ils émanent : le règlement édicté par
une autorité supérieure dispose d’une valeur juridique
supérieure à celle d’un règlement édicté par une
autorité subordonnée.

Les règlements peuvent à tout moment être abrogés


ou modifiés par l’administration.

Les décisions individuelles

À la différence des règlements, les décisions


individuelles s’appliquent à un sujet de droit, c’est-à-
dire un destinataire spécifiquement désigné. Un
permis de construire, la fermeture d’un débit de
boissons ou une mesure de reconduite à la frontière
sont des exemples de décisions individuelles.

Parmi les décisions individuelles, on distingue


traditionnellement celles qui créent des droits pour
leur destinataire et celles qui n’en créent pas :

Certaines décisions sont créatrices de


droits, telles qu’une nomination dans la
fonction publique, une autorisation de se
présenter à un concours, un permis de
construire.
Certaines décisions ne sont pas
créatrices de droits, telles que des décisions
dites « recognitives », qui se limitent à tirer les
conséquences juridiques d’une situation
donnée.
Qu’est-ce qu’un arrêté ?
Les arrêtés sont une dénomination
fréquemment utilisée pour désigner les
décisions prises par des autorités
administratives variées :
ministres (arrêtés ministériels), par
exemple un arrêté du ministre de
l’Agriculture interdisant la
commercialisation, l’utilisation et la culture
des variétés de semences de maïs
génétiquement modifié ;
préfets (arrêtés préfectoraux), par
exemple un arrêté préfectoral autorisant
une société à exploiter, à titre de
régularisation, des installations de
production de joints d’étanchéité dans son
établissement ;
maires (arrêtés municipaux), par exemple
un arrêté municipal interdisant l’accès à un
sentier situé sur une corniche et rendu
dangereux par le risque d’éboulements ;
présidents des conseils régionaux ;
présidents des conseils départementaux.
Les arrêtés s’appliquent sur un territoire
géographiquement délimité.

Lorsque l’autorité administrative qui prend la


décision est une autorité collégiale, par
exemple un conseil municipal ou le collège
d’une autorité administrative indépendante, on
parle de « délibération ».
Et les actes non décisoires ?
Un acte décisoire est un acte qui modifie le droit (on
dit aussi qu’il modifie l’« ordonnancement juridique »).

À côté des actes décisoires, tels que les règlements ou


les décisions individuelles, il existe des actes non
décisoires. Quels sont ces actes ? Les principaux sont
les suivants :

Les circulaires sont des actes internes à


l’administration, pris par des chefs de service,
notamment les ministres (circulaires
ministérielles) ; ce sont des instructions
adressées aux personnels de l’administration
pour guider leur action. Elles rappellent une
réglementation ou une décision antérieure,
interprètent un texte, recommandent un certain
comportement aux agents. On distingue
aujourd’hui les circulaires dénuées de caractère
impératif et les circulaires impératives : seules
les secondes sont susceptibles d’un recours
pour excès de pouvoir.
Les directives sont des actes par lesquels
l’administration fixe à ses services des
orientations concernant les décisions
individuelles qu’ils prendront dans un domaine
particulier, par exemple l’octroi de subventions,
tout en laissant aux services concernés une
marge d’appréciation en fonction de la
spécificité de la situation. Lorsqu’elles sont
prises par des ministres, les directives sont
dites « directives ministérielles ».
Les avis et recommandations.
Les vœux.
Les propositions.
Que se passe-t-il si les administrés ne
respectent pas les décisions de
l’administration ?
La force exécutoire des actes administratifs est
garantie par l’existence de deux types de sanction :
des sanctions pénales et des sanctions
administratives.
Les sanctions pénales
De nombreuses dispositions de notre droit prévoient
des sanctions pénales, notamment des amendes, en
cas de manquements aux actes administratifs
unilatéraux.

Par exemple, le Code de l’urbanisme punit d’une peine


d’amende – et d’emprisonnement en cas de récidive –
le fait d’exécuter des travaux sans l’autorisation de
construire requise ou en violation des prescriptions
imposées par cette autorisation. Le Code de
l’environnement punit d’une peine d’amende et
d’emprisonnement le fait d’exploiter une « installation
classée pour la protection de l’environnement » (ICPE)
sans respecter les obligations administratives
(information du préfet pour certaines installations,
respect de l’arrêté préfectoral de mise en demeure de
procéder à la mise à l’arrêt définitif). Le Code de la
santé publique punit d’une peine d’amende et
d’emprisonnement le fait de ne pas se conformer à
une mesure de fermeture d’un débit de boissons.
Les sanctions administratives
Si vous avez déjà eu à payer une pénalité en matière
fiscale, vous savez déjà ce qu’est une sanction
administrative !

À la différence des sanctions pénales, les sanctions


administratives ne nécessitent pas la saisine d’un
juge. Elles sont plus discrètes et plus légères à mettre
en œuvre.
Les sanctions administratives présentent des formes
variées. Il peut s’agir :

d’un avertissement ou d’un blâme à


l’encontre d’un agent public, en matière
disciplinaire ;
d’une amende administrative, en matière de
circulation par exemple ;
de la suspension ou du retrait d’une
autorisation (par exemple la licence IV,
autorisant la distribution de boissons
alcoolisées) ;
de la fermeture d’un établissement ou d’une
installation, par exemple une usine
« installation classée pour la protection de
l’environnement » ;
de l’interdiction d’exercer certaines
professions, par exemple conducteur de taxi.

La multiplication des autorités administratives


indépendantes a conduit au développement sensible
du nombre de sanctions administratives. Par exemple,
la commission des sanctions de l’Autorité des marchés
financiers (AMF) peut infliger aux professionnels des
sanctions liées à l’exercice de leur activité
(avertissement, blâme, interdiction à titre temporaire
ou définitif de l’exercice de tout ou partie des services
fournis), le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA)
peut infliger des amendes ou une mesure de publicité
obligatoire (diffusion d’un communiqué) à un
opérateur de radio qui ne respecterait pas les
obligations minimales de diffusion de chansons
françaises.

Il arrive également que la législation modifie la nature


des sanctions : des manquements anciennement
sanctionnés sur le terrain pénal, où la procédure est
plus lourde, peuvent être ensuite sanctionnés sur le
terrain administratif, pour un traitement plus rapide et
plus efficace. On parle alors de « dépénalisation au
profit d’un traitement administratif des infractions ».
Cela a notamment été le cas en droit de la
consommation : la Direction générale de la
concurrence, de la consommation et de la répression
des fraudes (DGCCRF) a ainsi vu ses compétences
élargies en matière de sanctions administratives.
L’administration peut-elle
avoir recours à la
contrainte pour obtenir
l’exécution d’une
décision administrative ?
Oui. Les mesures d’exécution forcée, ou
« d’exécution d’office », ont pour but d’assurer
le respect effectif des actes administratifs,
grâce au concours de la force publique. Elles
sont parfois nécessaires pour assurer
l’exécution des actes administratifs. Le pouvoir
d’exécution forcée est reconnu à
l’administration dans trois cas :
lorsque la loi l’autorise expressément (par
exemple, une mesure d’expulsion du
territoire français des étrangers en situation
irrégulière) ;
lorsqu’il y a urgence, par exemple en cas
de destruction en haute mer d’une épave
contenant des explosifs ;
lorsque l’exécution se heurte à la
résistance de l’administré et qu’il n’existe
pas de sanction pénale permettant de
sanctionner le comportement de
l’administré. En revanche, le refus d’obéir à
un arrêté de police étant sanctionné
pénalement, les arrêtés de police ne sont
pas susceptibles d’exécution forcée.
Chapitre 13

Les sources non écrites ou


indirectes

Dans ce chapitre :
La coutume
La jurisprudence
La doctrine

À côté des sources classiques du droit positif existent


des sources dérivées. L’une participe à la création de
la règle de droit : c’est la coutume. Deux autres
sources sont indirectes et interviennent au stade de
l’interprétation de la règle de droit : ce sont la
jurisprudence et la doctrine. À la différence des
normes de droit écrit, la coutume, la jurisprudence et
la doctrine ne font pas l’objet d’une adoption selon
des formes particulières ; en ce sens, elles sont dites
« non écrites ».

L’expression « sources du droit » peut être entendue


au sens strict ou au sens large. Au sens strict, la
coutume, la jurisprudence et la doctrine ne sont pas
des sources du droit. Au sens large, elles sont
admises. Jurisprudence, doctrine et coutume peuvent
être à l’origine d’un acte législatif qui les entérine et
les formalise, leur donnant ainsi force de loi. Mais que
recouvrent exactement ces termes ?
La coutume
« À défaut d’un texte précis en la matière, une
pratique ancienne, constante, bien établie, une suite
de décisions jurisprudentielles, une opinion ou une
maxime reçue tiennent lieu de loi », écrivait Portalis.

Sous l’Ancien Régime, il n’y avait de droit que dans la


coutume. Pour les Anciens, toute règle de droit devait
être d’origine coutumière, puisque c’est la société qui
sécrète le droit.

Parfois qualifiée de « source non écrite », ou encore


de « source masquée », la coutume, en droit, désigne
aujourd’hui une règle de droit qui est établie, non par
la volonté de l’État émise à un instant donné, mais par
un usage répété de manière ancienne et constante,
prolongée, des sujets de droit eux-mêmes. La
coutume (on dit aussi l’« usage coutumier ») est
fondée sur un comportement ancien et suffisamment
stable, jailli de la conscience populaire et auquel les
membres du corps social confèrent un caractère
obligatoire. La coutume doit être :

générale et impersonnelle, c’est-à-dire


s’appliquer à un groupe suffisamment large
(ville, région, pays) pour se distinguer du simple
usage ou des habitudes ; la coutume est, selon
l’expression du professeur François Terré, un
« phénomène collectif » ;
ancienne, c’est-à-dire être solidement
implantée et ne pas varier trop rapidement ;
obligatoire, c’est-à-dire qu’existe le
sentiment du caractère obligatoire de cette
règle dans la conscience de ceux qui la
respectent.

Tout usage, toute pratique de la vie sociale ne


constitue pas nécessairement une coutume : les
étrennes ou le pourboire ne sont pas des coutumes.
Une coutume, en droit, suppose la réunion de deux
éléments :

Un élément matériel : la pratique effective


d’une certaine conduite en un cas donné, mais
cette pratique doit être générale et constante,
d’où, précisément, l’adage « Une fois n’est pas
coutume ».
Un élément psychologique : le sentiment
fort chez les intéressés qu’ils sont obligés par le
droit d’agir comme ils le font.

La coutume est donc un produit de l’opinion collective


dont le juge reconnaîtra l’existence comme règle de
droit.

La coutume joue un rôle créateur du droit, mais ce


rôle est secondaire par rapport à la loi. Cependant, la
loi est parfois venue consacrer, a posteriori, des
usages, des traditions. Dans ce cas, c’est dans la
coutume que la loi et souvent la langue puisent leur
origine et leur force. Par exemple :

L’adage « Qui ne dit mot consent » a été


reconnu par le mécanisme de la tacite
reconduction en droit des obligations.
L’adage « Est bien père qui me nourrit » a été
consacré par l’obligation alimentaire parentale.
L’adage « Aliéné n’aliène » a donné naissance
au droit des incapables majeurs.

Quelles sont les différentes catégories de coutumes ?


On en distingue traditionnellement plusieurs :

La coutume intra legem (« à l’intérieur de


la loi »).
La coutume obligatoire en vertu de la
loi : dans ce cas, la loi renvoie expressément à
la coutume. Cette coutume fondée sur la
permission du législateur est dite secundum
legem : elle seconde, elle la « suit » et précise
les points que la loi n’a pas souhaité régir. Ces
coutumes sont dites « supplétives ». Ce sont,
par exemple, des coutumes régionales. À titre
d’exemple, l’article 1159 du Code civil dispose
« Ce qui est ambigu s’interprète par ce qui est
d’usage dans le pays où le contrat est passé »,
et l’article 1160 du Code civil dispose : « On
doit suppléer dans le contrat les clauses qui y
sont d’usage, quoiqu’elles n’y soient pas
exprimées. »
La coutume obligatoire dans le silence
de la loi : dans ce cas, la loi laisse une lacune,
c’est-à-dire ne prévoit pas de règle pour un
type de situation. Le juge pourra alors
s’appuyer sur une coutume, qui vient compléter
la loi ; cette coutume est dite praeter legem. Un
exemple classique a longtemps été l’usage
fixant le nom de la femme mariée par emprunt
du nom de l’époux. La loi française autorise
chaque époux à utiliser le nom de l’autre. Cette
utilisation d’un nom d’usage est facultative et
n’a pas de caractère automatique. L’adage latin
Nemo auditur propiam turpitudinem allegans
(« Nul ne peut se prévaloir de sa propre
turpitude » ; voir la partie des Dix) en constitue
un autre exemple.
La coutume contra legem (« contraire à la
loi ») : en principe, la coutume contraire à la loi,
c’est-à-dire allant à l’encontre de la loi, est
écartée au profit de cette dernière. La coutume
ne peut « faire concurrence » au législateur.
Cependant, il arrive que des pratiques
apparaissent plus aptes que la loi à se
rapprocher des mœurs, des usages. Par
exemple, les traditions taurines, dans certaines
régions de France, sont des coutumes contra
legem, puisqu’il existe une législation
protectrice des animaux qui punit les actes de
cruauté envers les animaux ; toutefois, le
législateur a admis une exception pour les
« courses de taureaux lorsqu’une tradition
locale ininterrompue peut être invoquée ».
Autre exemple : l’article 931 du Code civil
sanctionne de nullité tout don manuel réalisé
sans acte notarié (« Tous actes portant donation
entre vifs seront passés devant notaires dans la
forme ordinaire des contrats ; et il en restera
minute, sous peine de nullité »), mais, étant
d’usage constant, la jurisprudence le considère
comme valable. Dans le cas de la coutume
contra legem, la coutume supplante la loi qui
ne répond plus aux nécessités sociales.
Lorsqu’une juridiction examine l’interprétation
d’une coutume apparaissant incompatible avec
la lettre d’une loi, elle pourra parler d’une
interprétation contra legem. Le juge pourra
estimer qu’il faut s’écarter de la lettre de la loi
pour rester fidèle à son esprit, lorsque
l’interprétation littérale conclut à des résultats
insoutenables.
La coutume a une importance très grande en matière
commerciale en particulier. Elle mérite alors
véritablement son surnom de « quasi-législateur » ou
encore de « législateur aux petits pieds »…

Quant à la coutume internationale, le Conseil d’État,


en 1997, n’a pas reconnu sa primauté sur la loi
française (arrêt « Aquarone »).
Qu’est-ce qu’un parère ?
Un parère est un acte de notoriété délivré par
des autorités étrangères, par des
jurisconsultes, des chambres de commerce ou
des syndicats des commerçants notables, soit
sur un point de droit étranger, soit sur un
usage commercial constatant les règles
coutumières sur les points en litige. Ces
documents sont utiles au plan de la preuve (on
dit aussi « au plan probatoire ») pour aider le
juge à déterminer si l’usage doit être
considéré, ou non, comme constitutif d’une
coutume au sens où le droit l’entend.
La jurisprudence

Le terme jurisprudence (du bas latin jus, juris, « droit,


justice », et prudentia, « connaissance, compétence »)
désigne à la fois :

l’ensemble des décisions rendues par les


juridictions de toutes catégories – mais ce sont
les arrêts de la Cour de cassation qui donnent
véritablement l’« orientation
jurisprudentielle » ;
la façon dont tel ou tel litige a été tranché par
une juridiction, la solution retenue par le juge.

Dans ces deux acceptions, la jurisprudence, c’est la


règle de droit appliquée et mise en œuvre dans la
réalité concrète par le juge. La jurisprudence a la
charge de dire le droit positif. Le juge applique le droit
aux rapports humains : ayant découvert et qualifié
juridiquement les faits, il leur applique le droit.
Quelle est la valeur des décisions
de jurisprudence ?
La jurisprudence est-elle une source de droit ? En
toute rigueur, il serait une hérésie de le dire : en effet,
en vertu de la séparation des pouvoirs chère à
Montesquieu, le juge est la bouche de la loi, le
serviteur de la loi, il ne peut donc en aucun cas créer
des règles de droit générales. La Constitution
cantonne la jurisprudence au rôle de dire le droit.

Cependant, il serait faux aussi de dire que l’œuvre des


juges n’est jamais une source de droit. En effet, la
jurisprudence vient remplir les blancs que la loi a
laissés (« vides juridiques ») ou clarifier l’obscur
(interprétation de la loi), et le juge est contraint de le
faire car la loi lui fait obligation de trancher les litiges
qui lui sont soumis (voir plus bas).

La jurisprudence puise sa force dans la mission même


du juge. Le juge dispose d’une autonomie qui lui
permet de modeler le sens des lois, voire de les
modifier ou de les compléter. Quand elle est l’œuvre
des magistrats de la Cour de cassation ou du Conseil
d’État, la jurisprudence s’incorpore à la loi et tient la
place des règles absentes au niveau de la loi. En
faisant corps avec ces règles ou en suppléant ces
règles, elle a dans la hiérarchie des normes une valeur
proche de celle de la loi.

Dans le Discours préliminaire du premier projet de


Code civil, Portalis déclarait : « On ne peut pas plus se
passer de jurisprudence que de lois. » La loi a besoin
de la jurisprudence et la jurisprudence a besoin de la
loi : la jurisprudence brille d’une autorité empruntée à
la loi, comme la Lune brille de la lumière du Soleil !
De quoi s’agit-il ?
Le juge est pris dans un étau entre l’article 4 et
l’article 5 du Code civil. En effet :

l’article 4 lui fait obligation de juger : « Le


juge qui refusera de juger, sous prétexte du
silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la
loi, pourra être poursuivi comme coupable de
déni de justice. » Un déni de justice est le fait
qu’un juge refuse de statuer sur un litige qui lui
est soumis alors que la loi lui reconnaît
compétence pour ce faire. Cette obligation faite
au juge est logique : s’il pouvait se soustraire à
cette obligation, la justice serait rendue de
manière intermittente ! Le Code pénal punit le
déni de justice de 7 500 euros d’amende et de
l’interdiction de l’exercice des fonctions
publiques pour une durée de cinq à vingt ans ;
l’article 5 lui interdit de créer des règles
nouvelles, car il méconnaîtrait alors la règle de
la séparation des pouvoirs : « Il est défendu aux
juges de prononcer par voie de disposition
générale et réglementaire sur les causes qui
leur sont soumises. » Un arrêt qui poserait une
règle générale et abstraite s’appelle un « arrêt
de règlement ». Le juge légiférerait alors, ce qui
heurterait le principe constitutionnel de la
séparation des pouvoirs ainsi que le principe de
la relativité de l’autorité de la chose jugée (voir
chapitre 5) ; même les arrêts solennels de
l’Assemblée plénière de la Cour de cassation
ont une autorité relative – néanmoins, le
maximum de crédit leur sera accordé.
Le juge doit trancher, selon la loi, entre deux
argumentations qui s’opposent. Lorsque la loi est
claire et précise, la solution est aisée. Mais parfois la
loi est :

silencieuse : dans la vie des hommes, il


existe une infinité de situations réelles
possibles. La loi n’a pas pu prévoir toutes les
situations qui peuvent survenir, comme le disait
Portalis dans le Discours préliminaire du
premier projet de Code civil : « Nous nous
sommes également préservés de la dangereuse
ambition de vouloir tout régler et tout prévoir.
Qui pourrait penser que ce sont ceux mêmes
auxquels un code paraît toujours trop
volumineux, qui osent prescrire
impérieusement au législateur, la terrible tâche
de ne rien abandonner à la décision du juge ? »
Il y a donc des vides juridiques ;
obscure : certains mots recouvrent une
réalité plus large que d’autres, et la loi est
claire lorsque les mots qu’elle utilise sont
précis. Plus la loi est rédigée en termes vagues,
plus les interprétations possibles auxquelles
elle se prête sont nombreuses, plus il y a de
points de débat sur son interprétation, et plus le
rôle d’unification de l’interprétation du droit de
la Cour de cassation est important. Par
exemple, la loi du 5 juillet 1985 tendant à
l’amélioration de la situation des victimes
d’accidents de la circulation et à l’accélération
des procédures d’indemnisation, dite « loi
Badinter », à la rédaction de laquelle le
professeur André Tunc a largement contribué,
dispose, en son article 1er : « Les dispositions
du présent chapitre s’appliquent, même
lorsqu’elles sont transportées en vertu d’un
contrat, aux victimes d’un accident de la
circulation dans lequel est impliqué un véhicule
terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou
semi-remorques, à l’exception des chemins de
fer et des tramways circulant sur des voies qui
leur sont propres. » À la lecture de ce texte,
deux séries de questions se sont posées : pour
qu’il y ait « implication » au sens où l’entend
cette loi, faut-il qu’il y ait contact physique ?
Contact visuel ? Contact auditif ? Contact
olfactif ? Quelles sont les limites exactes de la
catégorie des véhicules terrestres à moteur : un
chariot élévateur, un engin de damage de
pistes de ski, une tondeuse sont-ils des
véhicules terrestres à moteur ?

Parfois même, la loi se contredit ! Par exemple,


l’article 413-1 du Code civil dispose que « Le mineur
est émancipé de plein droit par le mariage »… alors
que l’article 144 du Code civil exige désormais la
majorité des deux époux : « Le mariage ne peut être
contracté avant 18 ans révolus. »

Le juge peut-il ne pas répondre ? Non, le juge ne peut


s’abstenir de juger. Le juge peut-il s’ériger en
législateur ? Non, car la Constitution l’en empêche. Le
juge peut-il s’appuyer sur un précédent judiciaire ?
Non : le juge est lié par la loi, il n’est pas lié par des
précédents judiciaires et ne peut se contenter de
motiver sa décision par un précédent. Le juge a
l’obligation de motiver une décision judiciaire, par
conséquent toute décision se fonde sur une règle de
droit.

Si la loi est silencieuse, le juge doit « combler le


vide », mais il ne peut pas poser de règles valables
pour toutes les affaires analogues – en cela, le droit
français se distingue du droit de la Common Law –, car
alors le juge créerait du droit. La jurisprudence, dans
ce cas, remplit une fonction de suppléance de la loi.

Si la loi est obscure, le juge doit l’interpréter, c’est-à-


dire deviner ce que le législateur a voulu dire. En
interprétant la loi, le juge peut donner un sens
nouveau à la règle existante en l’orientant
différemment. La jurisprudence, dans ce cas, remplit
une fonction d’interprétation de la loi.

Ce travail, le juge l’effectue sous le contrôle de la


juridiction suprême, sa juridiction « hiérarchique », la
Cour de cassation ou le Conseil d’État (voir
chapitres 5, 6 et 7), qui, en dernière instance, c’est-à-
dire sans autre recours possible, disent comment il
faut comprendre tel ou tel article de loi. Les
juridictions suprêmes tranchent ainsi les divergences
d’interprétation.

Ainsi, le juge peut « contourner » l’article 5 du Code


civil par les arrêts de principe (voir l’encadré ci-
dessous). En effet, l’article 5 du Code civil n’empêche
pas le juge d’émettre des principes généraux dès lors
qu’il y a lien entre le principe exprimé et la solution du
litige. Cependant, les autres juges ne seront pas liés
par la règle du précédent, mais, si les magistrats de la
juridiction suprême décident d’appliquer la solution
adoptée par l’arrêt de principe à des cas analogues
avec une certaine continuité, alors la règle
s’imposera. En d’autres termes, s’il devient constant,
le motif se transforme en règle de droit : la
motivation, en devenant une manière nouvelle de dire
le droit, va en fait le créer en prétendant l’expliquer.
Arrêts d’espèce, arrêts
de principe
Un arrêt d’espèce n’apporte rien de neuf sur le
plan du droit. Il se limite aux faits de l’espèce
étudiée. Souvent, des arrêts de ce type
commencent par : « Selon l’appréciation
souveraine des juges de fond… », « les juges
ont souverainement apprécié… ».

Au contraire, un arrêt de principe apporte la


solution au litige, mais son énoncé s’exprime
en termes généraux. Cet arrêt exprime une
solution de droit dans une formule générale.
Ces arrêts ont donc une autorité que n’ont pas
les premiers.

Qu’est-ce que la ratio legis ? La ratio legis est la raison


d’être de la loi, de la norme, c’est-à-dire la volonté
déclarée ou présumée du législateur qui édicte ou
modifie une norme. Cette connaissance de la pensée
du législateur permet de guider le juge, de l’éclairer,
dans son travail d’interprétation des textes lorsque
ceux-ci apparaissent obscurs ou incomplets, et de
fixer leur portée.

Et l’équité ? En principe, l’équité ne joue pas un rôle


décisif dans la formation de la décision judiciaire, mais
elle contribue à orienter la décision du juge quand il
dispose d’une marge de manœuvre dans l’application
de la règle de droit. Une expression ancienne, « Dieu
nous garde de l’équité des parlements », signifie
précisément que les jugements fondés sur l’équité
peuvent aisément abriter l’arbitraire du juge !
Quelle est la structure
générale d’une décision
de justice ?
Une décision de justice comporte deux
éléments :
les motifs : ce sont les arguments qui
fondent la décision, les éléments qui
justifient le dispositif. On distingue des
motifs de droit et des motifs de fait ;
le dispositif : c’est la solution rendue pour
un litige. Le dispositif peut être relativement
long pour les juridictions du fond, il est
généralement bref pour la Cour de
cassation : « Par ces motifs, casse et
annule… et renvoie… », « Par ces motifs,
rejette le pourvoi… » (voir chapitre 5).

Parfois, la jurisprudence de la Cour de cassation vient


ajouter à la loi des obligations qui n’y figuraient pas et
qui apparaissent justifiées. Par exemple :

l’obligation de sécurité à la charge du


professionnel en droit de la consommation ;
l’obligation, pour qu’une clause de non-
concurrence figurant dans un contrat de travail
salarié soit valable, qu’elle soit indispensable à
la protection des intérêts légitimes de
l’entreprise, limitée dans le temps et dans
l’espace, qu’elle tienne compte des spécificités
de l’emploi du salarié et comporte l’obligation
pour l’employeur de verser au salarié une
contrepartie financière, ces conditions étant
cumulatives.

On appelle « règle prétorienne » une règle qu’ont


forgée les magistrats dans le cadre de leur travail
d’application des règles de droit.

Il arrive que le législateur vienne ensuite consacrer


dans la loi l’« innovation » du juge. Tel a été le cas,
par exemple :

de l’obligation pesant sur le médecin


d’informer son patient sur la nature d’une
intervention et les risques possibles afin que le
patient donne un consentement libre et éclairé,
figurant aujourd’hui dans le Code de la santé
publique ;
de la notion de garantie autonome en droit
des sûretés consacrée par une ordonnance du
23 mars 2006 ;
des dispositions sur la caractérisation des
clauses abusives dans les contrats conclus
entre des professionnels et des non-
professionnels ou des consommateurs, en droit
de la consommation.

Quels sont les critères qui permettent de dire si une


solution judiciaire va « faire jurisprudence », c’est-à-
dire faire autorité et servir de référence à d’autres cas
semblables ou comparables ? Les critères
traditionnels sont :

la constance de la solution ;
la forme qu’elle revêt ;
la publicité donnée à la solution ;
l’accueil de la solution par la doctrine (voir
plus bas) ;
la solennité de la formation de jugement qui
rend la solution (l’Assemblée plénière de la
Cour de cassation est une formation plus
solennelle que le tribunal de grande instance
siégeant à juge unique !).

Y a-t-il autant de jurisprudences que de juges ? Non.


La jurisprudence des juridictions de cassation prime
celle des autres juridictions. Les juridictions de fond
peuvent, parfois, créer de la jurisprudence.

Il arrive que se produisent des « revirements de


jurisprudence ». Cette expression désigne les
hypothèses dans lesquelles une juridiction (juridiction
suprême ou juridiction du fond) modifie
l’interprétation qu’elle donnait à un article de loi, par
exemple en raison d’une évolution de la société, des
idées et des mœurs. Par exemple, la Cour de
cassation a jugé, en 2004, que le legs universel
consenti dans le cadre d’une relation adultère n’est
pas contraire aux bonnes mœurs. La Cour de
cassation a également jugé, en 2011, qu’un contrat
de courtage matrimonial, visant à la réalisation d’un
mariage, conclu par une personne déjà mariée n’a pas
de cause contraire à l’ordre public et aux bonnes
mœurs, tant que l’union n’a pas été réalisée.

Il est possible de consulter la jurisprudence dans les


publications juridiques, qu’elles soient officielles
(Bulletin des arrêts de la Cour de cassation) ou
privées (JurisClasseur périodique, Recueil Dalloz-Sirey,
Gazette du Palais, etc.). Cependant, toutes les
décisions de la Cour de cassation ne font pas
systématiquement l’objet d’une publication.
Qu’appelle-t-on les « principes
généraux du droit » (PGD) ?
Présente en droit européen (traité sur l’Union
européenne) et en droit international (Statut de la
Cour internationale de justice), la notion de principes
généraux du droit occupe, en France, une place
limitée en droit privé, plus importante en droit
administratif. Quelle est cette nouvelle catégorie de
normes ?

Ces principes ont été dégagés par le Conseil d’État. Ils


présentent une grande diversité. En effet, on y
trouve :

des principes civils et politiques, comme


l’égalité devant le service public, l’égalité
d’accès aux emplois publics, l’égalité des
citoyens devant la justice ;
des principes économiques et sociaux,
comme le droit à une vie familiale normale ou
l’interdiction de licencier une salariée en état
de grossesse ;
des principes d’organisation
administrative et de procédure, comme le
principe de continuité du service public, le
principe des droits de la défense ou le principe
du recours en cassation.

Quelle est la place des principes généraux du droit


dans la hiérarchie des normes ? Une thèse s’est
progressivement imposée, celle du professeur René
Chapus. Le juge administratif ayant un rang inférieur
à celui du pouvoir législatif (le juge est le serviteur de
la loi) mais un rang supérieur à celui de l’autorité
réglementaire (le juge peut annuler l’acte
administratif), les principes généraux du droit peuvent
être regardés comme ayant une « valeur
infralégislative et supradécretale ». Ils viendraient
donc se glisser entre la loi et le décret.
La doctrine
La doctrine désigne, en droit, deux choses :

La communauté des savants dans un


domaine particulier.
La littérature savante, c’est-à-dire les
opinions émises sur le droit produites par cette
communauté ou par l’un de ses membres. Elle
prend la forme d’articles, d’analyses, de
commentaires, d’études de concepts juridiques.
On parlera ainsi de la « doctrine d’un auteur »
ou d’un « article de doctrine ». Dans ce sens, la
doctrine est, selon la formule du doyen
Carbonnier, la « littérature du droit ».

On parle aussi de la « doctrine de la Cour de


cassation » sur tel ou tel sujet pour désigner sa
compréhension, sa conception générale. On parle
aussi de la « doctrine administrative » pour viser les
textes, internes ou non à l’administration, qui ont pour
objet de guider les fonctionnaires dans leur
interprétation de la loi (voir chapitre 12) ou qui
indiquent la conception que l’administration se fait de
telle ou telle question.
Qui en sont les acteurs ?
Principalement les universitaires, qui enseignent le
droit, mais également les praticiens : magistrats,
avocats ou d’autres juristes.
Quels en sont les outils ?
Ils sont écrits : ce sont les publications (revues
juridiques, ouvrages). Mais ils sont aussi oraux : ce
sont les paroles (conférences, discussions, colloques,
enseignements eux-mêmes).
Quelles sont les missions de la
doctrine ?
D’abord, elle révèle et explique le droit existant. Elle
joue un rôle de systématisation du droit, donc de
construction du droit. Les auteurs de la doctrine
rassemblent de façon cohérente les dispositions en
vigueur qui ont des points communs puis opèrent une
synthèse en les reliant entre elles à travers le concept
pour aboutir à une théorie juridique.

Ensuite, elle propose le droit à venir. À la fois instance


critique et instance de renouvellement, la doctrine
propose des innovations au législateur, en l’invitant
soit à corriger telle ou telle lacune de la loi, soit à
intervenir pour répondre à une demande sociale et
combler un vide juridique.

Le droit romain accordait une grande place à la


doctrine. En effet, les opinions des jurisconsultes
pouvaient se voir reconnaître une valeur officielle par
l’empereur (Institutes de Gaïus).

En droit français, la doctrine n’est pas une source


directe de droit. Cela est logique, dans la mesure où
les auteurs, parfois, sont divisés sur une question ! En
revanche, elle possède, surtout lorsqu’elle émane des
auteurs les plus éminents, une réelle autorité. Elle est
ainsi souvent qualifiée d’« autorité du droit ». Elle
peut être une inspiratrice, une aide, pour tous ceux
qui, à quelque titre que ce soit, élaborent ou
appliquent le droit : le législateur, qui tient la plume,
ou le juge, dans sa prise de décision.
Comme nous l’avons vu, la hiérarchie des normes est
essentielle dans un système juridique. En ordonnant
les différents types de norme par le critère de leur
autorité juridique, elle garantit une cohérence dans
l’application du droit et permet au juge de résoudre
les contrariétés de normes qui pourraient
éventuellement survenir.
Cinquième partie

La partie des Dix

Dans cette partie…

Bienvenue dans la partie des Dix ! Dans cette partie,


vous allez découvrir la vie et l’œuvre de dix grands
juristes dont la contribution au droit a été
particulièrement remarquable, dix droits
fondamentaux reconnus en droit français, dix grandes
lois, dix traités internationaux majeurs et, parce que
le droit en raffole, dix locutions latines juridiques
célèbres.
Chapitre 14

Dix grands juristes

Dans ce chapitre :
Charles Dumoulin (1500-1566)
Jacques Cujas (1522-1590)
Jean Domat (1625-1696)
Robert-Joseph Pothier (1699-1772)
Jean-Étienne-Marie Portalis (1746-1807)
Rudolf von Jhering (1818-1892)
Édouard Laferrière (1841-1901)
Hans Kelsen (1881-1973)
Jean Carbonnier (1908-2003)
Georges Vedel (1910-2002)

Le monde du droit est rempli de personnalités


passionnantes.

Comme tout choix, celui-ci fut difficile et a sa part


d’arbitraire. Beaucoup d’autres juristes auraient pu
être cités : Antoine Loysel (1536-1617), Hugo Grotius
(1583-1645), Faustin Hélie (1799-1884), Charles Aubry
(1803-1883) et Charles-Frédéric Rau (1803-1877),
Charles Demolombe (1804-1887), Georg Jellinek
(1851-1911), Marcel Planiol (1853-1931), Raymond
Saleilles (1855-1912), Maurice Hauriou (1856-1929),
Rudolf Stammler (1856-1938), Léon Duguit (1859-
1928), Raymond Carré de Malberg (1861-1935),
François Gény (1861-1959), Henri Capitant (1865-
1937), Louis Josserand (1868-1941), Gaston Jèze
(1869-1953), Georges Ripert (1880-1958), Paul
Roubier (1886-1963), Henri Mazeaud (1900-1993),
Marcel Waline (1900-1982), Jean Rivero (1910-2001),
René Chapus, Philippe Malaurie (né en 1925), Jacques
Ghestin (né en 1931), Louis Favoreu (1936-2004),
pour n’en citer que quelques-uns.

Quels critères avons-nous retenus ? Nous avons


cherché à retenir ceux qui, par leur œuvre, ont
particulièrement marqué l’histoire du droit et ont
apporté une contribution essentielle à la construction
de la science juridique ou à la diffusion du savoir
juridique.
Charles Dumoulin (1500-1566)
Si vous vous êtes déjà rendu sur la place de l’Hôtel-
de-Ville à Paris, vous êtes passé devant la statue de
Charles Dumoulin, qui en orne la façade.

Mais qui était-il ?

La vie de Charles Dumoulin, qui a pour décor le


XVIe siècle, marqué en France par les guerres de
Religion, est faite de hasards et de rebondissements.
Elle est également placée sous le signe du droit, pour
lequel Dumoulin nourrissait un amour profond.

Charles Dumoulin naît en 1500 à Paris, où son père


exerce la profession d’avocat au Parlement et au
Châtelet. Il suit des études à Paris, à Poitiers et à
Orléans. En 1522, âgé de 22 ans, il devient lui-même
avocat à Paris. Mais, bègue, il doit cesser son activité
d’avocat plaidant, que son infirmité oratoire rend
difficile. Préférant l’écrit à l’oral, il se plonge dans
l’étude des textes et la rédaction de consultations. Il
devient jurisconsulte.

Menant une vie austère et simple, fuyant la lumière et


le bruit, recevant peu, Dumoulin vit et travaille dans
une petite pièce qu’il ne quitte qu’en de rares
occasions, essentiellement pour se rendre en
spectateur aux salles d’audience. Il lit immensément,
réfléchit à des concepts de droit ancien et développe
une série de théories. Défenseur acharné du droit,
privilégiant celui-ci à la morale, passionné d’égalité,
Charles Dumoulin appelle de ses vœux l’unification du
droit privé sur le territoire français et la codification du
droit.

Dumoulin, qui croit à la prédestination, renie la


religion d’État et se convertit au protestantisme.
Inquiété pour ses opinions, il se réfugie en Allemagne.
Il devient professeur de droit public à l’université de
Tübingen, où il est invité à présenter ses théories sur
les coutumes du droit français. En raison du
bégaiement auquel il est sujet, et devant de surcroît
transmettre un savoir dans une langue étrangère,
Dumoulin met au point une autre forme de dialogue,
une méthode d’enseignement originale inspirée des
chansons du Moyen Âge et consistant à solliciter le
concours d’un camarade interprète chargé de traduire
ses propos en gestes, au moyen d’une danse
singulière. Cette approche surréaliste de la matière
juridique connaît un immense succès auprès du
public.

Il enseigne ensuite à l’université de Dôle puis revient


à Paris. En 1564, il publie le Conseil sur le fait du
Concile de Trente (1564), qui soutient la nullité du
concile. Dumoulin est emprisonné à la Conciergerie,
puis libéré sur ordre du roi Charles IX. Quelque temps
plus tard, un ouvrage critique sur les Évangiles lui
attire la colère des calvinistes, qui font brûler
l’ouvrage à Genève.

Considéré comme un excellent universitaire, Charles


Dumoulin tient parmi les juristes du XVIe siècle une
place de tout premier plan. Il trouve le premier les
véritables sources du droit français et en pose les
principes fondamentaux. Sa Révision de la Coutume
de Paris (qui était le recueil des lois civiles de la
vicomté et de la prévôté de Paris), très admirée par
Étienne Pasquier, prépare la réforme de la Coutume
de Paris, qui interviendra en 1580. Il s’intéresse à des
sujets très divers, tels que la monnaie ou la
condamnation canonique du prêt à intérêt. Dumoulin
est l’auteur d’une production juridique considérable
en latin et en français, notamment : Commentariorum
in consuetudines parisienses, pars prima : de feudis
(1539) ; Tractatus contractuum et usurarum
reditumque pecunia constitutorum (1542) ;
Commentaire sur l’édit des petites dates (1552) ;
Commentariorum in consuetudines parisienses, pars
secunda (1558) ; Conseil sur le fait du Concile de
Trente (1564) ; Oratio de concordia et unione
consuetudinum Franciae ; Le Grand Coutumier,
contenant les coutumes générales et particulières du
royaume de France et des Gaules avec des
annotations (1566).

Être émotif, sensible et mélancolique, doué de


grandes qualités d’écoute, Charles Dumoulin laisse le
souvenir d’un homme original doté d’une imagination
fertile et ingénieuse.

Charles Dumoulin meurt à Paris en 1566.

Pour approfondir vos connaissances sur Charles


Dumoulin :

Jean-Louis Thireau, Charles Dumoulin (1500-1566).


Étude sur les sources, la méthode, les idées politiques
et économiques d’un juriste de la Renaissance,
Genève, Droz, 1980. In-8°, 461 pages, planche
(Travaux d’Humanisme et Renaissance, 176).
Jacques Cujas (1522-1590)
« Cujas » est un nom que les étudiants en droit à Paris
connaissent bien. Dans la rue qui porte ce nom, sur la
montagne Sainte-Geneviève, à côté de la place du
Panthéon, se trouve au numéro 2 la bibliothèque
Cujas. Contiguë à la bibliothèque Sainte-Geneviève, la
bibliothèque Cujas est l’héritière de la bibliothèque de
la Faculté de décret, dont la première mention date de
1475, puis de la bibliothèque de la faculté de droit de
l’université de Paris, ouverte au début du XIXe siècle.
La bibliothèque Cujas abrite aujourd’hui plus de
1 million de volumes. Elle est la première bibliothèque
de droit français et francophone en Europe.

Mais qui était Cujas ?

Jacques Cujas est né à Toulouse (Haute-Garonne) en


1522. Il étudie les humanités et le droit à la faculté de
Toulouse, où il est notamment l’élève d’Arnaud du
Ferrier (1506-1585). Il s’engage dans la voie de
l’enseignement du droit. De 1547 à 1554, il assure un
enseignement de droit romain dans cette même
faculté. En 1554, il accepte une chaire à l’université
de Cahors (1554-1555), où il fait la connaissance de
l’humaniste Antoine de Govea, qui aura sur lui une
influence décisive. Il rejoint ensuite la faculté de droit
de Bourges (1556-1557) puis celle de Valence (1557-
1560) avant de revenir à Bourges (1560-1566). Après
un bref passage à Turin (1566-1567), il regagne
l’université de Valence (1567-1575) puis celle de
Bourges (1575-1590).

Parallèlement à son activité d’enseignant, Cujas écrit


abondamment. Dans son œuvre considérable (Cujacii
Opera omnia, dix volumes, Fabrot, 1658), Cujas
développe une méthode de commentaire historique
empruntée aux humanistes, nommée mos gallicus. En
effet, Cujas est considéré à la fois comme un grand
humaniste et comme le maître du courant historiciste
de l’humanisme juridique en France. Critiquant les
glossateurs du Moyen Âge qui se contentent de
reformuler l’enseignement de leur maître, les auteurs
de ce courant soutiennent que la vérité en droit vient
des témoignages originaux, non de l’autorité des
commentateurs. L’analyse des humanistes juridiques
s’appuie sur l’évolution historique : elle considère que
le droit romain doit être étudié en tenant compte de la
réalité de son époque.

Ainsi, ces auteurs en général, et Cujas en particulier,


s’intéressent particulièrement au Corpus iuris civilis
(littéralement « corpus de droit civil »), la plus grande
compilation de droit romain antique, élaborée dans la
première moitié du VIe siècle, voulue par l’empereur
byzantin Justinien Ier. L’œuvre de Cujas se compose
essentiellement d’une reconstitution et de
commentaires de ces textes. Pour mener à bien son
projet, Cujas s’attache à confronter les versions, en se
fondant sur une large palette de sources, tout en
procédant à une analyse philologique. Par son œuvre,
Cujas nous a transmis une connaissance unique du
droit romain qui a influencé le droit actuel. Homme de
la Renaissance, humaniste, il a joué ce rôle décisif de
passeur entre l’Antiquité et l’époque moderne.

Étienne Pasquier, qui fut son élève, aurait dit de


Cujas : « Le grand Cujas n’a et n’aura par aventure
jamais son pareil. »
En plus d’une rue et d’une bibliothèque à Paris, une
maison d’édition juridique porte son nom, les éditions
Cujas. Des amphithéâtres de facultés de droit portent
également son nom. À Bourges, où il a longtemps
enseigné, une place lui rend honneur, et à Toulouse,
sa ville natale, une statue lui a été érigée au centre de
la place du Salin.

Jacques Cujas meurt à Bourges (Cher) en 1590.

Pour approfondir vos connaissances sur Jacques


Cujas :

Jacques Berriat-Saint-Prix, Histoire du droit romain,


suivie de l’histoire de Cujas, Paris, Fanjat, 1821.
Xavier Prévost, Jacques Cujas (1522-1590), le droit à
l’épreuve de l’humanisme (thèse), École de droit de la
Sorbonne (université Panthéon-Sorbonne-Paris I),
2012.
Jean Domat (1625-1696)
Jean Domat est une autre grande figure historique du
droit, aujourd’hui très honorée. Son buste orne le petit
vestibule du Centre Panthéon à Paris, qui abrite les
universités Panthéon-Sorbonne-Paris I et Panthéon-
Assas-Paris II. L’Institut d’études judiciaires de
l’université Panthéon-Sorbonne-Paris I a choisi pour
nom celui de Jean Domat. Enfin, Jean Domat a donné
son nom à une collection, la « Collection Précis
Domat », chez l’éditeur juridique Lextenso Éditions.

Qui était Jean Domat ?

Ami de Pascal, Domat est un homme du XVIIe siècle,


un humaniste versé dans les différents domaines du
savoir, conformément à l’idéal de l’« honnête
homme ».

Né en 1625 à Clermont, avant que la ville ne fût unie


à la cité voisine de Montferrand pour créer Clermont-
Ferrand, Jean Domat est d’abord instruit par les
Jésuites puis rejoint la cause janséniste, comme
Pascal. Dès l’âge de 32 ans, Domat devient avocat du
roi, c’est-à-dire procureur, au présidial de Clermont-
Ferrand (les présidiaux, qui existèrent de 1552 à 1791,
étaient des tribunaux civils et criminels). Il y exerce
ses fonctions avec une grande intégrité, selon
l’opinion commune.

Travailleur infatigable, peu attiré par la fortune


matérielle, Domat consacre sa vie à l’étude du droit
écrit et de la jurisprudence. Domat est d’abord un
partisan du droit naturel. S’inscrivant dans la lignée
de Charles Dumoulin, il entend rassembler le droit
français en un ensemble cohérent, rationnel. Pour
cela, il s’attache à en codifier les principes généraux.
Domat combat les règles incertaines et la production
normative désordonnée, erratique. En son temps déjà,
précédant Montaigne et Montesquieu, Domat pouvait
écrire : « Il y a une infinité de lois qui ne subsistent
que parce qu’on n’a pas le temps de les réformer. »

Grand connaisseur du droit romain, ayant étudié les


compilations de Justinien, Domat classe les règles
juridiques non périmées en fonction de leur
importance et s’attache à les ordonner
rationnellement. Séduit par ses travaux, Louis XIV
appelle Domat à Paris afin qu’il poursuive son travail ;
une confortable pension lui est octroyée.

Domat laisse une œuvre considérable. Il est le premier


à publier des traités juridiques non en latin mais en
français ; il apparaît comme un artisan essentiel de la
gallicisation du droit français. Ses principales œuvres
sont Les Lois civiles dans leur ordre naturel, ouvrage
précédé d’un Traité des lois (1689-1694), et Le Droit
public, suite des Lois civiles dans leur ordre naturel
(posth., 1697).

L’œuvre de Domat frappe également par sa


modernité.

En droit civil, se détachant du droit romain, Domat


refonde la théorie de la cause et celle de la
responsabilité. Pour Domat, « toutes les pertes et tous
les dommages qui peuvent arriver par le fait de
quelque personne, soit imprudence, légèreté,
ignorance de ce que l’on doit savoir, ou autres fautes
semblables, si légères qu’elles puissent être, doivent
être réparées par celui dont l’imprudence ou autre
faute y a donné lieu. Car c’est un tort qu’il a fait,
quand même il n’aurait pas eu l’intention de nuire »
(Lois civiles, II). En droit des contrats, il met l’accent
sur les notions de sincérité, de bonne foi, d’équité et
de respect du droit d’autrui. Ses apports majeurs
annoncent les travaux des rédacteurs du Code civil de
1804. Les Lois civiles dans leur ordre naturel ont
largement inspiré De l’esprit des lois (1748), de
Montesquieu.

Préfigurant la loi des 16 et 24 août 1790 établissant la


séparation des ordres judiciaire et administratif,
Domat affirme le caractère autonome du droit public
par rapport au droit privé. Pour Domat, l’État doit se
garder d’intervenir dans les relations entre
particuliers, que le contrat a vocation à régir. Pour
Domat, les pouvoirs publics doivent promouvoir la
liberté du commerce et faciliter « l’usage des ventes
et des échanges, pour faire passer à chacun les
choses dont il a besoin » (Droit public, I).

Enfin, Domat rédige un mémoire tendant à ce que


« les procès et instances des pauvres, au civil et au
criminel, seront instruits et jugés sans frais et
émoluement », ce qui existe aujourd’hui sous la forme
de l’aide juridictionnelle.

Jean Domat meurt à Paris en 1696.

Pour approfondir vos connaissances sur Jean


Domat :

Bernard Baudelot, Un grand jurisconsulte du


XVIIe siècle : Jean Domat, 1938 (thèse), université de
Paris.
Robert-Joseph Pothier (1699-1772)
Si, à Washington D. C., vous visitez le Capitole, le
bâtiment qui sert de siège au Congrès des États-Unis,
vous remarquerez, sur un bas-relief de la United
States House of Representatives, la figure d’un
Français, Robert-Joseph Pothier, sculptée par Joseph
A. Kiselewski.

Qui était Pothier, et pourquoi est-il honoré dans la


capitale des États-Unis ?

Né à Orléans (Loiret) en 1699 dans une famille de


magistrats, Robert-Joseph Pothier suit des études
secondaires au collège de Jésuites d’Orléans puis des
études de droit à l’université d’Orléans, où il obtient
une licence en 1718. Deux ans plus tard, à l’âge de
21 ans seulement, il est nommé magistrat, conseiller
au présidial d’Orléans. En 1750, Pothier est nommé
par Louis XV professeur de droit français à l’université
d’Orléans. Menant une vie austère, essentiellement
consacrée au travail, il exerce parallèlement ses
fonctions de magistrat et celles de professeur. Pothier
est également élu échevin d’Orléans à partir de 1747
(sous l’Ancien régime, l’échevin est un magistrat
municipal chargé d’assister le maire).

La contribution de Pothier à l’étude du droit est


immense, au point qu’il est parfois considéré comme
le père lointain du Code civil de 1804. Pothier étudie
d’abord le droit romain et publie à partir de 1748 une
réédition des Pandectes de Justinien (trois volumes). Il
s’attache ensuite à l’étude du droit français.
S’intéressant aux coutumes de sa région natale, il
participe à la rédaction de Coutumes, des duché,
bailliage et prévôté d’Orléans, puis, en comparant les
coutumes françaises les unes aux autres, il étudie les
liens entre le droit écrit des pays de langue d’oc et le
droit coutumier des pays de langue d’oïl, dans une
volonté d’unification de la coutume française. Mais ce
sont surtout ses impressionnants traités qui lui
vaudront les honneurs. Dans son Traité des
obligations (1761), il bâtit une théorie générale du
droit civil qui inspirera largement les rédacteurs du
Code civil napoléonien.

Parmi ses autres œuvres figurent notamment le Traité


du contrat de vente, selon les règles tant du for de la
conscience que du for extérieur (1762), le Traité des
Retraits, pour servir d’Appendice au Traité du Contrat
de Vente (1762), le Traité du Contrat de Mariage
(1771).

Homme des Lumières, Pothier s’est illustré par sa lutte


contre l’arbitraire et l’usage de la torture dans les
interrogatoires, préparant ainsi l’œuvre de la
Révolution française et l’avènement d’un État fondé
sur le droit.

La contribution de Pothier à la science juridique


dépasse le cadre de nos frontières : elle a influencé
les droits allemand, britannique, polonais, argentin,
japonais et américain.

Robert-Joseph Pothier meurt à Orléans, sa ville natale,


en 1772. À Orléans, Pothier est honoré par une statue.
Le lycée d’Orléans, qui a succédé au collège des
Jésuites, a adopté le nom de Pothier en 1920.

Pour approfondir vos connaissances sur Robert-


Joseph Pothier :
Joël Monéger, Jean-Louis Sourioux et Aline Terrasson
de Fougères (dir.), Robert-Joseph Pothier, d’hier à
aujourd’hui, Economica, coll. « Études juridiques »,
2001.
Jean-Étienne-Marie Portalis (1746-1807)
On connaît la célèbre phrase de Napoléon « Mon seul
code, par sa simplicité, a fait plus de bien en France
que la masse des lois qui l’ont précédé ». Cette
simplicité, c’est en partie à l’œuvre de Portalis que le
Code Napoléon la doit. Peu de juristes ont aussi
profondément marqué le droit français que Jean-
Étienne-Marie Portalis, qui a consacré sa vie à la
matière juridique.

Conseiller d’État, membre de l’Académie française,


Portalis est surtout connu comme l’un des principaux
rédacteurs du Code civil de 1804, avec Tronchet,
Maleville et Bigot de Préameneu, sous la direction du
deuxième consul Cambacérès. Le Parisien Tronchet et
le Rennais Bigot de Préameneu représentent la
tradition des pays de coutume, tandis que le
Provençal Portalis et l’Aquitain Maleville représentent
celle des pays de droit écrit. Portalis est notamment
l’auteur du Discours préliminaire du premier projet de
Code civil (1801), étudié dans les facultés de droit et
fréquemment cité, dans lequel il expose la démarche
qui fut celle des rédacteurs du Code et les conditions
de sa facture.

Qui était Portalis ?

Né au Beausset (Var) en 1746, fils d’un notaire,


Portalis suit des études de droit à Aix-en-Provence
puis commence sa carrière, en 1765, comme avocat
au parlement d’Aix-en-Provence. Il a 19 ans
seulement. Il est emprisonné sous la Terreur, puis
libéré à la chute de Robespierre (9 thermidor an II). Il
s’inscrit au barreau de Paris puis, sous le Directoire,
est élu député de la Seine au Conseil des Anciens,
qu’il préside en 1796. À la suite du coup d’État du
18 Brumaire, Bonaparte lui confie plusieurs charges.
Commissaire pour la rédaction du Code civil, conseiller
d’État, il devient directeur des Affaires ecclésiastiques
en 1801 puis ministre des Cultes en 1804. C’est
Portalis qui propose une présentation générale du
projet de Code civil au corps législatif le 18 ventôse
an XII (19 mars 1804).

Il est difficile d’imaginer aujourd’hui à quel point


Portalis a dû faire preuve d’habileté pour régler les
querelles et dégager des consensus au stade de la
rédaction, pour mener à son terme une entreprise de
cette envergure.

Outre le Discours préliminaire, Portalis rédige les


exposés des motifs des titres « Du mariage », « De la
propriété » et « Des contrats aléatoires ». Soucieux de
la clarté et de la pérennité de la règle de droit, Portalis
prolonge la pensée de Montesquieu, qui écrivait
qu’« Il ne faut point de lois inutiles ; elles affaibliraient
les lois nécessaires » (De l’esprit des lois). Dans le
Discours préliminaire, il juge qu’« Il faut être sobre de
nouveautés en matière de législation ».

Sa production considérable comprend notamment


deux essais sur l’éducation (les Observations sur un
ouvrage intitulé « L’Émile ou De l’éducation » et Des
préjugés), une Consultation sur la validité du mariage
des protestants en France, deux opuscules sur les
édits de 1788 (Lettre des avocats du parlement de
Provence à Mgr le garde des Sceaux) et sur les états
de Provence (Mémoire sur le projet de rétablir les
anciens états de Provence) et un Essai sur l’origine,
l’histoire et les progrès de la littérature française et de
la philosophie (1820).

La ville d’Aix-en-Provence a abondamment honoré


Portalis : un bâtiment, un amphithéâtre et un institut
de la faculté de droit portent le nom de ce grand
juriste dont une statue trône devant la cour d’appel de
la ville.

Jean-Étienne-Marie Portalis meurt à Paris en 1807.

Pour approfondir vos connaissances sur Jean-


Étienne-Marie Portalis :

Jean-Luc Chartier, Portalis, père du Code civil, Fayard,


coll. « Biographie historique », 2004.
Rudolf von Jhering (1818-1892)
Né à Aurich (aujourd’hui en Allemagne) en 1818,
Rudolf von Jhering (également écrit « Ihering ») est
considéré comme l’un des juristes les plus importants
de l’époque moderne. Après un doctorat en droit,
Jhering enseigne le droit romain à Berlin, à Bâle, à
Rostock, à Kiel, à Giessen puis, à partir de 1868, à
Vienne, où il occupe la chaire de droit romain. En
1872, il est anobli par l’empereur François-
Joseph Ier d’Autriche et s’établit à Göttingen.

Jhering est considéré comme l’un des pères de la


sociologie du droit. Dans son œuvre Der Geist des
römischen Rechts (1852-1865, 4 volumes ; trad. fr. :
L’Esprit du droit romain dans les diverses phases de
son développement), il étudie la nature des liens entre
le droit et les mutations sociales. Poursuivant sa
réflexion, il publie en 1872 Der Kampf ums Recht
(trad. fr. : La Lutte pour le droit), qui connaît dès sa
parution un succès prodigieux et demeure aujourd’hui
son œuvre la plus connue. Jhering y approfondit son
analyse de la nature du droit et de son évolution. Il
traite du combat permanent consistant à utiliser l’outil
juridique pour favoriser les changements sociaux.
Jurisprudenz des taglichen Lebens (1870) et Der
Zweck im Recht (1877-1883) figurent également
parmi ses œuvres maîtresses.

Jhering a également pris part au débat relatif à la


théorie des sources du droit, c’est-à-dire la réponse à
la question de savoir qui établit les règles de droit et
comment. En considérant que la loi, et non la
coutume ou la jurisprudence, est la source principale
du droit, Jhering est l’un des fondateurs de la théorie
légaliste.

L’importance de l’institution judiciaire traverse


l’œuvre de Jhering. « Une règle de droit sans
contrainte, c’est un feu qui ne brûle pas, c’est un
flambeau qui n’éclaire pas », écrit-il. Pour Jhering,
sans justice la loi n’a pas de force. La sanction de la
règle n’est possible que si la collectivité consacre des
moyens à la possibilité de la sanction. Une loi
dépourvue d’effet est nuisible, car seule la conscience
de l’application de la règle par l’autorité judiciaire
incite à respecter la règle. En matière pénale, la
sanction ne dissuade de commettre l’infraction qu’à la
condition que chacun sache que la sanction sera
appliquée.

Soucieux d’équité, combattant l’arbitraire judiciaire,


Jhering est très attaché à l’exigence de formalisme
dans le fonctionnement de la justice. Pour lui, cette
exigence est une protection pour l’ensemble des
justiciables. Ainsi écrit-il, dans L’Esprit du droit
romain : « Ennemie jurée de l’arbitraire, la forme est
la sœur jumelle de la liberté. »

Rudolf von Jhering meurt à Göttingen (Allemagne) en


1892.

Pour approfondir vos connaissances sur Rudolf


von Jhering :

Rudolf von Jhering, présentation d’Olivier Jouanjan,


La Lutte pour le droit, Dalloz-Sirey, coll. « Bibliothèque
Dalloz », 2006.
Édouard Laferrière (1841-1901)
Né à Angoulême (Charente) en 1841, fils d’un
professeur de droit à la faculté de Paris, Édouard
Laferrière commence sa carrière comme avocat au
barreau de Paris et journaliste. En 1870, alors âgé de
29 ans seulement, il est nommé maître des requêtes
et commissaire du gouvernement dans la commission
provisoire qui remplace le Conseil d’État puis confirmé
dans ses fonctions à la suite de l’entrée en vigueur de
la loi du 24 mai 1872 portant réorganisation du
Conseil d’État.

Après avoir exercé les fonctions de directeur général


de l’administration des cultes au ministère de
l’Intérieur, Édouard Laferrière est nommé, en 1879,
président de la Section du contentieux du Conseil
d’État. En 1886, il devient vice-président du Conseil
d’État, une fonction qu’il occupera jusqu’en 1898. Il
est ensuite désigné gouverneur général de l’Algérie
puis, en 1900, procureur général de la Cour de
cassation.

Entré au Conseil d’État au début des années 1870, au


moment où l’institution se voit doter d’une
compétence juridictionnelle entière et où le droit
administratif vit une mutation profonde (arrêt
« Blanco » du 8 février 1873, arrêt « Prince
Napoléon » du 19 février 1875, arrêt « Cadot » du
13 décembre 1889), Édouard Laferrière a été l’un des
artisans décisifs de la fondation du droit administratif
français moderne.

Pour Laferrière, la jurisprudence administrative n’est


pas une juxtaposition de décisions individuelles : elle
forme un ensemble cohérent, une doctrine générale.
En 1883, il inaugure un cours de doctorat à la faculté
de droit de Paris intitulé « La juridiction administrative
et les recours contentieux ». Quatre ans plus tard
paraît la première édition de son célèbre Traité de la
juridiction administrative et des recours contentieux,
qui est demeuré pendant longtemps l’ouvrage de
référence dans le domaine du contentieux
administratif. En particulier, sa classification des
recours contentieux, quoiqu’elle ait pu faire l’objet de
débats, est encore utilisée : le recours de plein
contentieux, ou de « pleine juridiction », le recours en
annulation, ou « recours pour excès de pouvoir », le
recours en interprétation et le recours en répression.

Laferrière a marqué durablement le Conseil d’État. Il a


œuvré à étendre de manière sensible les
compétences du Conseil d’État en matière
administrative. En outre, sous son autorité, la
jurisprudence du Conseil d’État s’est attachée à
renforcer la défense des droits et libertés individuels
et à protéger les prérogatives nécessaires à
l’administration pour l’exercice de ces missions tout
en en limitant les excès.

Les travaux de Laferrière constituent une source


précieuse pour les juristes. À titre d’exemple,
Laferrière écrit dans son Traité de la juridiction
administrative et des recours contentieux : « Il faut
qu’il y ait une question : c’est-à-dire une difficulté
réelle […] de nature à faire naître un doute dans un
esprit éclairé. » Ce critère a pu être utilisé par le
Conseil d’État dans la théorie de l’acte clair sur la
question du renvoi préjudiciel à la Cour de justice des
Communautés européennes (CE, 19 juin 1964, Société
des pétroles Shell-Berre).
Une salle du Conseil d’État qui donne sur les jardins
du Palais-Royal porte le nom d’Édouard Laferrière.

Édouard Laferrière meurt à Bourbonne-les-Bains


(Haute-Marne) en 1901.

Pour approfondir vos connaissances sur


Édouard Laferrière :

Pascale Gonod, Édouard Laferrière, un juriste au


service de la République, LGDJ, coll. « Thèses », 1997.

Pascale Gonod, Édouard Laferrière, PUF, coll.


« Doctrine juridique », 1999.
Hans Kelsen (1881-1973)
« Après lui, on ne pourra plus écrire et parler du droit
sans ressentir l’emprise de sa pensée », disait le
doyen Georges Vedel.

La notion de hiérarchie des normes, qui fait


aujourd’hui partie de la culture juridique
fondamentale, ou l’existence de cours
constitutionnelles, qui apparaît comme une structure
classique d’un État de droit, pour ne prendre que deux
exemples, ont un ancêtre commun : Hans Kelsen.
Kelsen est considéré comme l’un des plus grands
juristes du XXe siècle.

Qui était Kelsen ?

Né à Prague (alors dans l’Empire austro-hongrois) en


1881, Hans Kelsen suit des études de droit à Vienne,
où ses parents se sont établis peu après sa naissance.
Il soutient en 1906 une première thèse sur la théorie
de l’État de Dante puis, en 1911, sa thèse
d’habilitation, intitulée Hauptprobleme der
Staatsrechtslehre, entwickelt aus der Lehre vom
Rechtssatze (« Problèmes fondamentaux de la théorie
juridique de l’État développés à partir de la théorie de
la proposition juridique »), dans laquelle il expose une
première version de sa doctrine, qui donnera lieu au
célèbre ouvrage Reine Rechtslehre (1934 ; traduction
française : Théorie pure du droit).

En 1911, il est nommé privat-docent à l’université de


Vienne, puis professeur en 1918. Il est choisi pour être
l’un des principaux rédacteurs de la Constitution de
1920, qui introduit pour la première fois une cour
chargée de contrôler la constitutionnalité des lois. La
Cour constitutionnelle autrichienne servira de modèle
à la plupart des pays européens au lendemain de la
Seconde Guerre mondiale. Kelsen siège à la Cour
constitutionnelle puis en est démis. Il quitte l’Autriche
pour Cologne, en Allemagne. À partir de 1933, il
enseigne à l’Institut des hautes études internationales
de Genève. Au début de la Seconde Guerre mondiale,
il est contraint de quitter la Suisse et s’établit aux
États-Unis, où il enseigne, à Harvard puis à Berkeley.

Il est possible de distinguer plusieurs domaines


principaux dans l’œuvre de Hans Kelsen.

Cherchant à élaborer une théorie du droit, Kelsen


fonde sa théorie dite « pure » du droit, le
« normativisme ». Pour lui, la science du droit a pour
objet de décrire le droit, non de le développer. Kelsen,
qui distingue le Sein (l’être) et le Sollen (le devoir-
être), rejette toute théorie du droit naturel et consacre
le positivisme juridique. Dans cette optique, la théorie
du droit est débarrassée non seulement de toute
idéologie, mais également de tout élément
sociologique ou psychologique – la sociologie et la
psychologie ont pour objet l’étude des faits, alors que
le droit est constitué de normes ; c’est pourquoi elle
est dite « pure ». La théorie pure analyse la norme
juridique mais ne se prononce ni sur les fins ni sur
l’essence du droit.

Kelsen cherche ensuite à construire une théorie


générale du droit. Pour Kelsen, le droit se caractérise à
la fois par une efficacité – la contrainte qu’il crée – et
par une structure hiérarchisée – chaque norme doit
être compatible avec une norme supérieure. Cette
dernière idée pose le problème de la validité de la
Constitution, dans la mesure où il n’existe dans l’ordre
juridique aucune norme supérieure à la Constitution
susceptible de fonder la validité de celle-ci.

Enfin, Kelsen s’intéresse à la théorie de l’État et


formule une idée originale. Alors que la théorie
traditionnelle considère l’État comme une réalité
sociale créatrice de droit en même temps qu’elle est
soumise à celui-ci, Kelsen affirme qu’un groupe
national existe lorsqu’un ordre normatif règle la
conduite des individus et les relations qu’ils tissent.
Par conséquent, l’État, comme forme de domination
habilitée, présuppose le droit, et non l’inverse.
L’habilitation crée le caractère juridique de la norme.
Ainsi, un système juridique ne se définit pas par ses
éléments, ce sont les éléments qui se définissent par
l’appartenance à un système juridique. Pour Kelsen,
l’État et le droit se confondent, de sorte que tout État
est un État de droit.

Hans Kelsen meurt à Berkeley (Californie) en 1973.

Pour approfondir vos connaissances sur Hans


Kelsen :

Hans Kelsen, Théorie pure du droit, Dalloz, coll.


« Philosophie du droit », 1962 ; LGDJ, coll. « La pensée
juridique », 1999.

Hans Kelsen, Théorie générale des normes, PUF, coll.


« Léviathan », 1996.

Carlos Miguel Herrera, Théorie juridique et politique


chez Hans Kelsen, Éditions Kimé, coll. « Philosophie
politique », 1997.

Carlos Miguel Herrera (dir.), Actualité de Kelsen en


France, LGDJ, coll. « La pensée juridique », 2001.

Carlos Miguel Herrera, La Philosophie du droit de Hans


Kelsen, Les Presses de l’université Laval, coll. « Dikè »,
2004.
Jean Carbonnier (1908-2003)
« Un des plus grands maîtres de la pensée juridique et
de la pensée contemporaine » : ainsi le professeur
Philippe Malaurie décrit-il le doyen Carbonnier
(Anthologie de la pensée juridique, 1996).

« Ceux qui ont suivi son enseignement se souviennent


qu’il avait ce rare pouvoir de rendre étincelant le texte
de droit le plus aride. Ceux qui le lisent et le liront
sont saisis par ce style nerveux et bref souvent serti
de pointes ironiques », écrivait le magistrat Denis
Salas dans Le Monde le 8 novembre 2003, peu après
son décès.

Réédité pendant un demi-siècle (PUF, 1955-2002), le


Manuel de droit civil en cinq volumes thématiques
(« Introduction », « Les personnes », « La famille »,

« Les biens », « Les obligations ») de Jean Carbonnier


a accompagné des milliers de juristes. Professeur très
apprécié, il a également participé à l’œuvre du
législateur français dans un grand nombre de
domaines.

Qui est le doyen Carbonnier ?

Né à Libourne (Gironde) en 1908, Jean Carbonnier


s’engage dans la voie de l’enseignement après avoir
été reçu à l’agrégation de droit. Il est d’abord
professeur à la faculté de droit de Poitiers (1937-
1955), dont il sera le doyen, puis à la faculté de droit
de Paris (1955-1976). Sa renommée dépasse
largement le cadre de nos frontières, puisque ses
ouvrages ont été largement diffusés dans un grand
nombre de pays de tradition civiliste.

Jean Carbonnier a également promu la sociologie


juridique comme approche complémentaire et utile à
la compréhension du droit positif. « À un moment,
disait-il, le sociologue doit prendre la place du juriste
pour épuiser la réalité juridique. » Son ouvrage
Sociologie juridique (Armand Colin, 1972 ; PUF,
Thémis, 1978, Quadrige, 1994 et 2004) a connu une
très large diffusion.

Jean Carbonnier a souvent dénoncé la


« juridicisation » des sociétés modernes et l’excès de
droit. Jugeant dangereuse cette « passion des lois », il
est devenu, en réaction au « panjurisme » le
défenseur d’une retraite du droit, du « non-droit » ou
« droit flexible » (Flexible droit – Pour une sociologie
du droit sans rigueur, LGDJ, 2001) : « Non, le droit
n’est pas tantôt mal, tantôt bien, suivant des cas dont
nous posséderions la clef. Il est bien et mal à la fois,
avec ambiguïté, comme toutes choses de ce monde.
Sachant qu’il a été donné pour brider le mal, les
juristes en useront sans complexe. Sachant qu’il est
porteur de mal, ils en useront avec sobriété. Ce que
les théologiens appellent sobriété, c’est ce que des
constitutionnalistes ont appelé auto-limitation.
Praticiens, magistrats, législateurs, tous juristes,
instruits au mal, observeront, dans l’exercice de leur
vocation, une auto-limitation salutaire : au cœur de
cette auto-limitation éclora le non-droit. »

Connu pour son style clair et percutant, Jean


Carbonnier est également l’auteur d’articles de
doctrine demeurés célèbres, tels que « Le silence et la
gloire » à propos de l’arrêt « Branly » : « Le droit ne
gagne rien à s’annexer ces domaines chimériques, où
l’opinion, autrefois, régnait seule, qui juge mieux et
plus vite que lui, et plus délicatement, ayant à sa
disposition le moyen subtil de l’oubli. »

Jean Carbonnier n’a pas seulement enseigné et


commenté le droit, il a également inspiré ou participé
activement aux grandes réformes du droit civil
français de son temps : tutelle et administration légale
(1964), régimes matrimoniaux (1965), adoption
(1966), incapables majeurs (1968), autorité parentale
(1970), filiation (1972), divorce (1975). Dans son
œuvre de « jurislateur », Jean Carbonnier s’est
toujours attaché à sauvegarder la liberté des
personnes et à protéger le faible.

Actif durant ses années de retraite et jusqu’au dernier


moment, témoin de l’inflation normative qui a
caractérisé la seconde moitié du XXe siècle, Jean
Carbonnier pouvait écrire : « Notre vieillissement, à
nous juristes, se trahit le jour où nous n’apercevons
plus que le droit a changé, le jour où nous
commençons à ne plus connaître, à ne plus vouloir
connaître les lois nouvelles. Apprendre les anciennes
nous avait coûté tant de mal ! »

Jean Carbonnier était très attaché au Code civil


français, « œuvre nationale » de « compromis » entre
l’Ancien Régime et la Révolution, « Constitution civile
des Français », dont il n’aura malheureusement pas
pu assister au bicentenaire.

Jean Carbonnier meurt à Paris en 2003.

Pour approfondir vos connaissances sur Jean


Carbonnier :

Jean Beauchard, Alain Bénabent et Pierre Catala,


Hommage à Jean Carbonnier, Dalloz-Sirey, 2007.
Georges Vedel (1910-2002)
Grand publiciste, le doyen Georges Vedel, qui a reçu
nombre d’honneurs, est le principal artisan du
décloisonnement des branches du droit public
français, en particulier le droit constitutionnel et le
droit administratif, dont il a démontré qu’ils
entretiennent des liens étroits.

Qui est Georges Vedel ?

Né à Auch (Gers) en 1910, fils d’un militaire de


carrière, Georges Vedel est scolarisé au lycée français
de Mayence (Allemagne) puis à Toulouse. Il suit des
études aux facultés de droit et des lettres de Toulouse.
Reçu à l’agrégation de droit public en 1936, il
s’engage dans la voie de l’enseignement. Il enseigne
dans les facultés de droit de Poitiers (1937), de
Toulouse (1939) puis de Paris (1939-1979), dont il est
le doyen de 1962 à 1967. Membre du Conseil
constitutionnel (1980-1989), élu à l’Académie
française (1998), Georges Vedel a profondément
influencé le droit public français au XXe siècle en
renouvelant l’approche de la discipline.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le droit


public français était dominé par le droit administratif,
que la jurisprudence du Conseil d’État façonnait, et les
différentes branches du droit public étaient très
cloisonnées. Dans son Manuel élémentaire de droit
constitutionnel (Sirey, 1949), Georges Vedel jette des
ponts en direction de la science politique en étudiant
les liens qui unissent, d’une part, le droit
constitutionnel et, d’autre part, cette discipline.
Poursuivant sa réflexion transdisciplinaire, et
convaincu de l’unité du droit public, le doyen Vedel
s’attache à souligner la porosité de la frontière entre
le droit constitutionnel et le droit administratif (Droit
administratif, PUF, 1958). Pour Vedel, il n’y a qu’un
ordre juridique dont les branches ne peuvent être
indépendantes. À la même époque, l’avènement de la
Ve République ouvre la voie à une évolution du
légicentrisme hérité de la Révolution (la suprématie
de la loi, expression de la volonté générale) au
constitutionnalisme (la Constitution est au sommet de
la hiérarchie des normes, et les lois votées doivent s’y
conformer). En 1985, le Conseil constitutionnel, où
siège le doyen Vedel, juge expressément que la loi
votée « n’exprime la volonté générale que dans le
respect de la Constitution ».

Quoiqu’il n’ait jamais présidé le Conseil


constitutionnel, le doyen Vedel a eu, par sa
connaissance du droit et des institutions, une
profonde influence sur la jurisprudence du Conseil
constitutionnel durant son mandat.

Le doyen Vedel est également l’un des premiers à


avoir appelé de leurs vœux un rôle accru du Conseil
constitutionnel dans le domaine de la protection des
droits fondamentaux, une voie dans laquelle le
Conseil s’est largement engagé.

Européen convaincu, Georges Vedel a été le conseiller


juridique de la délégation française dans les
négociations sur le Marché commun et l’Euratom
(1956-1957), contribuant à ce titre à la rédaction des
traités de Rome du 25 mars 1957.

Georges Vedel meurt à Paris en 2002.


Pour approfondir vos connaissances sur
Georges Vedel :

Georges Vedel, Manuel élémentaire de droit


constitutionnel, Dalloz, coll. « Bibliothèque Dalloz »,
2002.

Georges Vedel et Pierre Delvolvé, Droit administratif


(deux tomes), PUF, Thémis, 1992.

Discours de réception de Georges Vedel à l’Académie


française (fauteuil n° 5), prononcé le 18 mars 1999.
Chapitre 15

Dix droits fondamentaux

Dans ce chapitre :
Le respect de la dignité humaine
La liberté personnelle et le respect de la vie
privée
La liberté de conscience et de culte
La liberté d’expression et de communication
La liberté de réunion et la liberté d’association
Le droit de propriété
La liberté d’entreprendre
La liberté du travail
Les libertés collectives : le droit de grève et la
liberté syndicale
Le droit à un procès équitable

Une série de droits fondamentaux sont profondément


ancrés dans notre droit comme dans plusieurs textes
de droit international. Ils constituent l’un des socles
d’un État de droit. D’où viennent-ils ? Quand et
comment ont-ils été reconnus ? En voici dix.
Le respect de la dignité humaine
Le respect de la dignité de l’homme suppose que
celui-ci ne soit pas traité comme un objet, un moyen,
mais qu’il soit reconnu comme sujet. Cette conception
a été développée par le philosophe Kant au
XVIIIe siècle. La dignité de l’homme est la
reconnaissance de l’appartenance d’autrui à
l’humanité.

Le principe de dignité est reconnu dans un grand


nombre de systèmes juridiques nationaux. Au plan du
droit international, il est visé notamment dans l’Acte
constitutif de l’Unesco (1946), dans la Déclaration
universelle des droits de l’homme (1948) et dans la
Charte européenne des droits fondamentaux (2000).

L’utilisation du principe de dignité en droit est


relativement récente, et ses contours font aujourd’hui
encore l’objet de débats parmi les juristes.

En France, « tout être humain possède des droits


inaliénables et sacrés », proclame le préambule de la
Constitution du 27 octobre 1946, reprenant ainsi la
formule employée par la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen de 1789. Par sa formulation, le
principe entend avoir une portée universelle.

En 1994, le Conseil constitutionnel a reconnu la


primauté du principe de dignité sur le principe de
liberté individuelle. Il a estimé qu’il peut être apporté
des restrictions aux libertés individuelles au nom du
respect du principe de dignité, alors que l’inverse
n’est pas possible. Le Conseil a également jugé que
plusieurs principes légaux, inscrits dans le Code civil,
émanent du principe de dignité. Tel est le cas de la
primauté de la personne humaine, du respect de l’être
humain dès le commencement de sa vie, de
l’inviolabilité, de l’intégrité et de l’absence de
patrimonialité du corps humain, et de l’intégrité de
l’espèce humaine.

En 1995, le Conseil d’État a jugé que le respect de la


dignité de la personne humaine devait être regardé
comme une composante de l’ordre public. En
l’espèce, le maire d’une commune avait interdit des
spectacles de « lancer de nains » qui devaient se
dérouler dans des discothèques de cette commune. Le
Conseil d’État a reconnu au maire le pouvoir
d’interdire ces spectacles susceptibles de troubler les
consciences parce qu’ils portent atteinte à la dignité
de la personne humaine.

Un individu peut faire valoir devant un juge le respect


d’un droit à la dignité afin de faire cesser ou de voir
réparées les atteintes à sa dignité qu’il a subies.

Enfin, l’atteinte au principe de dignité suppose


l’intervention d’un tiers : l’automutilation n’est pas
pénalement sanctionnée – sauf si son but est de se
soustraire à ses obligations militaires –, alors que la
mutilation par un tiers l’est. De même, la tentative de
suicide n’est pas pénalement sanctionnée, alors que
l’euthanasie active l’est. La prostitution ne constitue
pas une atteinte à la dignité de sa propre personne ;
en revanche, le proxénétisme est une infraction
portant atteinte à la dignité de la personne humaine.

Récemment, la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009


est venue renforcer les droits au respect de la dignité
des personnes détenues. Par exemple, la loi dispose
en son article 52 : « Tout accouchement ou examen
gynécologique doit se dérouler sans entraves et hors
la présence du personnel pénitentiaire, afin de
garantir le droit au respect de la dignité des femmes
détenues. »
La liberté personnelle et le respect de la
vie privée
Le respect de la vie privée fait l’objet d’une protection
juridique nationale et internationale.

Au plan international, la Déclaration universelle des


droits de l’homme de 1948 proclame : « Nul ne sera
l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa
famille, son domicile ou sa correspondance, ni
d’atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute
personne a droit à la protection de la loi contre de
telles immixtions ou de telles atteintes » (article 12).

La Convention européenne de sauvegarde des droits


de l’homme et des libertés fondamentales de 1950
énonce : « Toute personne a droit au respect de sa vie
privée et familiale, de son domicile et de sa
correspondance » (article 8 : « Droit au respect de la
vie privée et familiale »).

En France, l’article 9 du Code civil dispose : « Chacun


a droit au respect de sa vie privée. » Le Code pénal
(articles 226-1 et suivants) punit de peines
d’emprisonnement et de peines d’amende le fait de
porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui.

Le respect de la vie privée repose sur le principe de la


liberté personnelle, qui vise à protéger l’intimité de
l’individu contre les ingérences extérieures. La liberté
personnelle est le droit de ne pas subir des
contraintes excessives. Ce principe trouve son
fondement dans l’article 2 de la Déclaration des droits
de l’homme et du citoyen de 1789, qui dispose : « Le
but de toute association politique est la conservation
des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme.
Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la
résistance à l’oppression. »

En 1995, le Conseil constitutionnel est venu


reconnaître une protection constitutionnelle de la vie
privée en jugeant que « la méconnaissance du droit
au respect de la vie privée peut être de nature à
porter atteinte à la liberté individuelle ».

Cette protection revêt plusieurs aspects : le secret


professionnel et médical, la protection du domicile,
dans lequel la police ne peut pénétrer que dans
certains cas fixés par la loi, la protection de l’image –
il est interdit de reproduire l’image d’une personne
sans son autorisation, sauf dans l’hypothèse où la
photographie est prise lors d’une réunion publique –,
la protection d’éléments relevant de l’intimité tels que
les relations amoureuses ou les préférences sexuelles.
Enfin, les écoutes téléphoniques sont réglementées :
les écoutes judiciaires, réalisées dans le cadre d’une
enquête portant sur la commission d’une ou plusieurs
infractions, ne peuvent l’être que sous le contrôle d’un
juge d’instruction.

Afin de lutter contre les risques que peut entraîner


l’évolution des moyens de communication,
notamment informatiques, sur les libertés et le
respect de la vie privée, le législateur a créé en 1978
la Commission nationale de l’informatique et des
libertés (Cnil). Chargée de veiller à la protection des
données personnelles, la Cnil dispose d’une série de
compétences. Elle recense les fichiers et autorise, ou
non, les traitements les plus sensibles antérieurement
à leur mise en place. Elle contrôle les fichiers et vérifie
si les responsables de fichiers respectent la législation
en vigueur et, le cas échéant, peut infliger des
sanctions financières.
La liberté de conscience et de culte
La liberté de conscience et de culte est reconnue à la
fois par le droit français et par des textes
internationaux.

La Déclaration universelle des droits de l’homme de


1948 et la Convention européenne de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés fondamentales de
1950 usent de formulations très proches.

La première proclame : « Toute personne a droit à la


liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce
droit implique la liberté de changer de religion ou de
conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion
ou sa conviction seule ou en commun, tant en public
qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte
et l’accomplissement des rites » (article 18).

La seconde énonce : « Toute personne a droit à la


liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce
droit implique la liberté de changer de religion ou de
conviction, ainsi que la liberté de manifester sa
religion ou sa conviction individuellement ou
collectivement, en public ou en privé, par le culte,
l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement
des rites » (article 9 : « Liberté de pensée, de
conscience et de religion », § 1).

En France, le principe de la liberté de conscience et de


culte fonde, avec le principe de la séparation des
cultes et de l’État, le cadre juridique de la laïcité.

La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de


1789 garantit, en son article 10 : « Nul ne doit être
inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu
que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public
établi par la Loi. »

La loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation


des Églises et de l’État proclame en son article 1er :
« La République assure la liberté de conscience. Elle
garantit le libre exercice des cultes sous les seules
restrictions édictées dans l’intérêt de l’ordre public. »
Ce principe de liberté de conscience est protégé
pénalement : la loi de 1905 prévoit qu’une protection
particulière de la liberté de conscience est assurée par
l’établissement d’un délit d’atteinte à la liberté de
conscience, sanctionnant des agissements
contraignant une personne « à exercer ou à s’abstenir
d’exercer un culte » (article 31).

En 1977, le Conseil constitutionnel a expressément


consacré la liberté de conscience « comme l’un des
principes fondamentaux reconnus par les lois de la
République ». En 2005, le Conseil d’État a affirmé que
la liberté de culte a le caractère d’une liberté
fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du Code de
justice administrative.

Corollaire de la liberté de conscience et de culte, le


principe de la séparation des cultes et de l’État est
également garanti par le droit français. L’article 2 de
la loi du 9 décembre 1905 proclame : « La République
ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun
culte. »

Non seulement l’État n’impose aucune religion, mais


l’activité religieuse est strictement privée. Ainsi, au
nom du principe de l’égalité de traitement des
usagers, l’administration doit faire respecter une
stricte obligation de neutralité à l’égard des agents
publics en ce qui concerne la manifestation de leurs
croyances. Le Conseil d’État a ainsi considéré, en
2003, que l’utilisation par un agent public de l’adresse
électronique du service public au profit d’une
association confessionnelle constituait « un
manquement au principe de laïcité et à l’obligation de
neutralité ».

La Cour de cassation a jugé, en 2005, que le droit de


manifester librement sa religion tel que posé par
l’article 9 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales « n’est pas absolu mais doit être
concilié avec d’autres impératifs ». C’est ainsi que le
législateur est venu réaffirmer le principe de laïcité
dans l’enseignement primaire et secondaire public par
une loi du 15 mars 2004 : « Dans les écoles, les
collèges et les lycées publics, le port de signes ou
tenues par lesquels les élèves manifestent
ostensiblement une appartenance religieuse est
interdit » (article 1er).
La liberté d’expression et de
communication
Corollaire de la liberté d’opinion, la liberté
d’expression occupe une place privilégiée au sein des
libertés fondamentales.

La Convention européenne de sauvegarde des droits


de l’homme et des libertés fondamentales de 1950 la
protège : « Toute personne a droit à la liberté
d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et
la liberté de recevoir ou de communiquer des
informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir
ingérence d’autorités publiques et sans considération
de frontière. » Elle précise : « Le présent article
n’empêche pas les États de soumettre les entreprises
de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un
régime d’autorisations » (article 10 : « Liberté
d’expression », § 1).

En France, l’article 11 de la Déclaration des droits de


l’homme et du citoyen de 1789 dispose : « La libre
communication des pensées et des opinions est un
des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen
peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à
répondre de l’abus de cette liberté dans les cas
déterminés par la Loi. »

La liberté de la presse a été reconnue par une loi du


29 juillet 1881, dont l’article 1er proclame :
« L’imprimerie et la librairie sont libres. » La loi pose
toutefois des limites à la liberté de la presse. Sont
notamment prohibées l’injure, la diffamation, la
publication de messages incitant au racisme et à la
xénophobie ou de messages à caractère violent ou
pornographique.

La liberté de communication écrite ou audiovisuelle


occupe une place centrale dans notre système
juridique, car son exercice est, associé au pluralisme,
l’une des garanties essentielles de la démocratie. Elle
implique la liberté des lecteurs, des auditeurs et des
téléspectateurs à être les destinataires de la
communication, c’est-à-dire à être informés.

En matière de communication audiovisuelle, le Conseil


constitutionnel a jugé, en 1986, que « Le pluralisme
des courants d’expression socioculturels est en lui-
même un objectif de valeur constitutionnelle » et que
« Le respect de ce pluralisme est une des conditions
de la démocratie ».

Toutefois, le régime applicable à la communication


audiovisuelle se distingue de celui qui s’applique à la
presse. En effet, l’exercice de la liberté de
communication audiovisuelle est soumis à un régime
d’autorisation administrative en raison, notamment,
des contraintes techniques inhérentes aux moyens de
la communication audiovisuelle et de la préservation
du « caractère pluraliste des courants d’expression
socioculturels auxquels ces modes de communication,
par leur influence considérable, sont susceptibles de
porter atteinte », ainsi que l’a jugé le Conseil
constitutionnel en 1989.
La liberté de réunion et la liberté
d’association
La liberté de réunion est reconnue par la Déclaration
universelle des droits de l’homme de 1948 (« Toute
personne a droit à la liberté de réunion et
d’association pacifiques », article 20, § 1) et par le
Pacte international relatif aux droits civils et politiques
adopté le 16 décembre 1966 par l’Assemblée
générale des Nations unies (« Le droit de réunion
pacifique est reconnu. L’exercice de ce droit ne peut
faire l’objet que des seules restrictions imposées
conformément à la loi et qui sont nécessaires dans
une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité
nationale, de la sûreté publique, de l’ordre public ou
pour protéger la santé ou la moralité publiques, ou les
droits et les libertés d’autrui », article 21).

Alors que le Premier amendement de la Constitution


des États-Unis protège « le droit des citoyens à se
réunir pacifiquement ou d’adresser à l’État des
pétitions pour obtenir réparations des torts subis »
(the right of the people peaceably to assemble, and to
petition the Government for a redress of grievances),
les normes de valeur constitutionnelle françaises ne
visent pas la liberté de réunion. Mais le Conseil
constitutionnel a fait référence, en 1995, au « droit
d’expression collective des idées et des opinions »,
aux côtés de la liberté individuelle et de la liberté
d’aller et venir.

En 1933, le Conseil d’État a précisé, dans un arrêt


« Benjamin », l’étendue des atteintes qui peuvent être
portées à la liberté de réunion par des mesures de
police pour garantir le maintien de l’ordre public. Pour
le Conseil d’État, le souci du maintien de l’ordre public
doit être mis en balance avec le nécessaire respect de
la liberté de réunion. Il vérifie si la mesure de police
prise est justifiée par rapport aux circonstances, mais
également adaptée et proportionnée à la menace
pesant effectivement sur l’ordre public.

Le principe de liberté d’association, quant à lui,


occupe en France une place singulière. Les Français
adorent les associations : 1,3 million d’associations
vivantes ont été répertoriées en 2013, selon Viviane
Tchernonog, chercheur au CNRS. L’idée de la liberté
d’association se développe au cours de la
IIIe République. Alors que la possibilité d’association
était soumise à un régime d’autorisation préalable par
l’article 291 du Code pénal de 1810, la liberté
d’association est finalement reconnue par une loi du
1er juillet 1901. Son article 2 proclame : « Les
associations de personnes pourront se former
librement et sans autorisation, ni déclaration
préalable. »

Ce principe a été hissé au rang de principe


constitutionnel par le Conseil constitutionnel en 1971
après que le législateur a tenté d’instaurer un
contrôle, par l’autorité judiciaire, de la conformité à la
loi des associations préalablement à l’acquisition de la
capacité juridique. Le principe de la liberté
d’association a été le premier principe fondamental
reconnu par les lois de la République dégagé par le
Conseil constitutionnel. Il demeure malgré tout
possible d’édicter des mesures restrictives par voie
législative ou réglementaire, lorsque l’ordre ou la
sécurité publique l’exige. Il en va ainsi en ce qui
concerne les milices et groupes de combat, en statut
associatif, qui peuvent être dissous par le
gouvernement.
De l’association « Les
Amis de la cause du
peuple » à une décision
historique
En 1970, plusieurs artistes, soutenus
notamment par Simone de Beauvoir,
souhaitent créer une association, d’inspiration
marxiste, baptisée « Les Amis de la cause du
peuple ». Le préfet de police refuse de délivrer
le récépissé prévu par la loi du 1er juillet 1901,
qui confère à l’association la capacité
juridique, au motif que cette association
constituait une organisation gauchiste. Le
tribunal administratif annule le refus de
délivrer le récépissé. À la demande du ministre
de l’Intérieur, Raymond Marcellin, le
gouvernement présente alors un projet de loi
qui permet au préfet de « geler » la délivrance
du récépissé en saisissant l’autorité judiciaire
pour que celle-ci se prononce sur le caractère
licite de l’objet de l’association. Le contrôle de
l’autorité judiciaire serait alors devenu
préventif, c’est-à-dire a priori, et non plus
répressif, c’est-à-dire a posteriori,
postérieurement à la reconnaissance de la
capacité juridique d’une association. Le
président du Sénat, Alain Poher, saisit alors le
Conseil constitutionnel, lui demandant de se
prononcer sur la conformité de la loi à la
Constitution. Par sa célèbre décision du
16 juillet 1971, le Conseil constitutionnel
annule les dispositions relatives à la procédure
du refus de récépissé mais maintient les autres
dispositions de la loi, de moindre importance.
Le principe de la liberté d’association, donc du
régime répressif, est réaffirmé.
Le droit de propriété
Dans La Grève, ou La Révolte d’Atlas (Atlas
Shrugged), paru en 1957, la philosophe et romancière
américaine Ayn Rand écrit : « De même que l’homme
ne peut exister sans son corps, aucun droit ne peut
exister sans celui de le traduire dans la réalité – droit
de penser, de travailler et de conserver le fruit de son
travail ; ce qui signifie : sans le droit de propriété. »

Depuis longtemps, le droit de propriété est considéré


comme un droit fondamental de l’homme. Il est
juridiquement protégé dans un très grand nombre
d’États.

Le droit de propriété caractérise un droit fondamental


de la personne humaine, car il est la garantie donnée
à chacun de pouvoir exercer sa liberté et exprimer son
individualité en assurant une sphère d’exclusivité.

La Déclaration universelle des droits de l’homme de


1948 le vise : « Toute personne, aussi bien seule qu’en
collectivité, a droit à la propriété. Nul ne peut être
arbitrairement privé de sa propriété » (article 17).

La Convention européenne de sauvegarde des droits


de l’homme et des libertés fondamentales de 1950 le
reconnaît également : « Toute personne physique ou
morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut
être privé de sa propriété que pour cause d’utilité
publique et dans les conditions prévues par la loi et
les principes généraux du droit international »
(protocole additionnel n° 1, article 1er).
En France, les articles 2 et 17 de la Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen de 1789 consacrent le
droit de propriété comme un droit naturel, mais
l’article 17 prévoit que ce droit peut être supprimé,
tout en entourant cette suppression de garanties :
« Le but de toute association politique est la
conservation des droits naturels et imprescriptibles de
l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la
sûreté, et la résistance à l’oppression » (article 2).
« La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne
peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité
publique, légalement constatée, l’exige évidemment,
et sous la condition d’une juste et préalable
indemnité » (article 17). C’est sur le fondement de
cette disposition que l’État peut engager une
procédure dite « d’expropriation » pour cause d’utilité
publique afin de permettre la construction de ports,
de routes ou d’établissements de détention.

C’est l’article 544 du Code civil qui précise la


signification du droit de propriété : « La propriété est
le droit de jouir et disposer des choses de la manière
la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage
prohibé par les lois ou par les règlements. » On
distingue traditionnellement trois aspects dans le droit
de propriété : le droit d’user de la chose (usus), le
droit de jouir de la chose (fructus) et le droit de
disposer de la chose (abusus), c’est-à-dire notamment
de la vendre.

Le droit de propriété est ouvert à l’ensemble des


sujets de droit, c’est-à-dire à la fois aux personnes
physiques et aux personnes morales, aux personnes
privées et aux personnes publiques.

Si le droit de propriété s’exerce le plus souvent de


manière individuelle (on parle alors de « propriété
individuelle »), il peut également s’exercer de manière
collective (on parle de « propriété collective »). Tel est
le cas de l’indivision (on parle de « biens indivis »), de
la copropriété des immeubles, des copropriétés de
voisinage ou des communautés de biens entre époux.
La liberté d’entreprendre
Que serait notre société sans la liberté
d’entreprendre ? À quoi ressembleraient nos villes, à
quoi ressemblerait le quartier de la Défense, près de
Paris ?

L’économie de marché, le développement


économique nécessitent notamment que soient
juridiquement garantis le droit de propriété, la force
obligatoire du contrat et la liberté d’entreprendre,
encore appelée « liberté du commerce et de
l’industrie ».

La liberté d’entreprendre implique principalement la


liberté, pour toute personne, de créer, ou non, une
entreprise, dans le domaine de son choix, sous la
forme de son choix, et de la gérer librement, dans le
respect des lois et règlements en vigueur.

La liberté du commerce et de l’industrie a été


proclamée en France au lendemain de la Révolution,
en 1791. Une loi des 2 et 17 mars 1791, également
appelée « décret d’Allarde », du nom de son auteur,
Pierre d’Allarde, proclame, en son article 7, qu’« Il sera
libre à toute personne de faire tel négoce ou d’exercer
telle profession, art ou métier qu’elle trouvera bon »,
sous la réserve du paiement d’une taxe et du respect
de la réglementation en vigueur. Cet article n’a jamais
été abrogé.

Apparue au moment de l’affirmation des droits de


l’homme, la liberté d’entreprendre est, selon la
formule du doyen Ripert, une « conquête de la
Révolution et la sœur de la liberté politique » (Aspects
juridiques du capitalisme moderne, 1951).

Jusqu’en 1982, la question s’est posée, parmi les


juristes, de savoir si la liberté d’entreprendre avait
plus qu’une valeur législative : une valeur
constitutionnelle. Il est vrai que la Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen consacre la liberté et
la propriété, mais la liberté d’entreprendre, ou
« liberté économique », n’y est pas expressément
visée. C’est en 1982 que le Conseil constitutionnel a
reconnu la valeur constitutionnelle du principe de la
liberté du commerce et de l’industrie. Pour le Conseil
constitutionnel, les trois principes de la liberté, de la
propriété et de la liberté d’entreprendre sont liés.

Cette liberté n’est pas absolue, et le législateur peut


lui apporter des limites, sous le contrôle du Conseil
constitutionnel. Celui-ci considère aujourd’hui que
toute limitation apportée à la liberté d’entreprendre
doit être justifiée par une exigence constitutionnelle
ou par un motif d’intérêt général, et que l’atteinte ne
doit pas être disproportionnée au regard de l’objectif
poursuivi. Le Conseil constitutionnel opère donc un
contrôle de proportionnalité entre, d’une part,
l’atteinte portée au principe et, d’autre part, l’objectif
poursuivi par le législateur.

Le principe de la liberté d’entreprendre s’impose


également à l’administration. Pour le Conseil d’État, la
liberté d’entreprendre est une liberté publique. Par
conséquent, les limitations qui pourraient lui être
apportées font partie du domaine de la loi, en vertu
de l’article 34 de la Constitution. Le pouvoir exécutif
ne peut pas, seul, édicter des limites à la liberté
d’entreprendre.
Enfin, le principe de la liberté d’entreprendre impose
de réserver au secteur privé l’exercice des activités
économiques. Le Conseil d’État a jugé, en 1936, que
l’administration ne peut pas, en dehors de
l’application d’une loi, créer des entreprises publiques
qui viendraient faire concurrence aux entreprises
privées, sauf pour développer des activités
complémentaires des services publics existants ou
pour pallier les carences de l’initiative privée et afin
de répondre à un besoin d’intérêt public.
La liberté du travail
En posant qu’« Il sera libre à toute personne de faire
tel négoce ou d’exercer telle profession, art ou métier
qu’elle trouvera bon », la loi des 2 et 17 juin 1791
consacre le principe fondamental de la liberté du
travail, largement entendu. Mais il convient de
distinguer le travail indépendant du travail dépendant.
Si la liberté d’entreprendre vise la liberté du travail
indépendant, la liberté du travail, telle qu’aujourd’hui
entendue, vise la liberté du travail dépendant.

Le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946


dispose, en son alinéa 5 : « Chacun a le devoir de
travailler et le droit d’obtenir un emploi. » Quoique le
« droit d’obtenir un emploi » demeure largement
théorique, ce principe n’est pas dépourvu de portée
normative.

La Cour de cassation vise explicitement, et depuis


longtemps, « le principe constitutionnel de la liberté
du travail ».

D’abord, la liberté du travail est en même temps une


liberté de travailler et une liberté de ne pas travailler
ou de refuser un emploi. La liberté du travail implique
l’interdiction du travail forcé.

La liberté du travail garantit le droit de ne pas être


mis dans l’impossibilité pratique de travailler. La loi du
27 avril 1956 sur la liberté syndicale et la protection
du droit syndical protège les travailleurs non
syndiqués en interdisant que figurent dans des
conventions collectives des clauses qui interdiraient à
l’employeur d’embaucher des travailleurs non
syndiqués. La liberté du travail permet également de
protéger les travailleurs non grévistes dans
l’hypothèse d’un conflit collectif. L’article 431-1 du
Code pénal punit le fait d’entraver à l’aide de
« menaces », de « coups, violences, voies de fait,
destructions ou dégradations » la liberté du travail,
pour amener ou maintenir une grève.

Ensuite, la liberté du travail implique le droit de choisir


un emploi, c’est-à-dire de gagner sa vie en exerçant la
profession de son choix. Néanmoins, la liberté du
travail peut être limitée par des conditions d’âge (au
moins 16 ans), des conditions de nationalité ou des
conditions de compétence (médecin, artisan, avocat,
magistrat). Dans le cas du travail salarié, la liberté du
travail doit également se concilier avec le respect de
la durée légale du travail. Un salarié peut cumuler
plusieurs emplois et plusieurs employeurs, mais ses
horaires de travail ne devront pas dépasser les règles
de la durée légale de travail.

La liberté du travail implique également le droit pour


un salarié de démissionner de son emploi, c’est-à-dire
l’interdiction des engagements à vie. L’article L. 1231-
1 du Code du travail permet la résiliation unilatérale
du contrat de travail : « Le contrat de travail à durée
indéterminée peut être rompu à l’initiative de
l’employeur ou du salarié, ou d’un commun accord. »

Enfin, la Cour de cassation a jugé, en 1997, qu’une


clause de non-concurrence constituait une atteinte
excessive à la liberté du travail lorsqu’elle plaçait le
salarié dans l’impossibilité d’occuper un emploi.
Les libertés collectives : le droit de
grève et la liberté syndicale
Le droit de grève et la liberté syndicale ont été
reconnus en France à la fin du XIXe siècle et introduits
dans le préambule de la Constitution du 27 octobre
1946 au titre de principes politiques, économiques et
sociaux « particulièrement nécessaires à notre
temps ». Le préambule de la Constitution du 4 octobre
1958 fait référence au préambule du texte
constitutionnel de 1946.

La liberté syndicale et le droit de grève sont reconnus


par le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels adopté le
16 décembre 1966 par l’Assemblée générale des
Nations unies (article 8) et par la Charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne du 7 décembre
2000 (article 28, « Droit de négociation et d’actions
collectives »).
Le droit de grève
Adoptée le 14 juin 1791, la loi Le Chapelier interdit les
« assemblées d’ouvriers et d’artisans », c’est-à-dire
les coalitions ouvrières et patronales.

Plus de soixante-dix ans plus tard, une loi du 25 mai


1864, dite « loi Ollivier », du nom du rapporteur du
texte, le député Émile Ollivier, met fin à la
pénalisation de la grève. En effet, elle modifie ainsi
l’article 414 du Code pénal : « Sera puni d’un
emprisonnement de six jours à trois ans et d’une
amende de 16 francs à 3 000 francs, ou de l’une de
ces deux peines seulement, quiconque, à l’aide de
violences, voies de fait, manœuvres frauduleuses,
aura amené ou maintenu, tenté d’amener ou de
maintenir une cessation concertée de travail, dans le
but de forcer la hausse ou la baisse des salaires ou de
porter atteinte au libre exercice de l’industrie ou du
travail. » En dehors de ces cas, la grève est autorisée.

À la Libération, le droit de grève est consacré dans le


préambule de la Constitution du 27 octobre 1946,
dont l’alinéa 7 dispose : « Le droit de grève s’exerce
dans le cadre des lois qui le réglementent. »

Le droit de grève est encadré par le droit. Il ne


s’exerce pas sans obstacle, sans limite.

Dans le secteur privé, pour être considéré comme tel,


un mouvement de grève doit être collectif et concerté,
se traduire par une cessation totale du travail et
exprimer des revendications d’ordre professionnel.
Sont prohibées les grèves dites « tournantes », qui
visent à paralyser l’activité d’une entreprise. Par
ailleurs, l’occupation d’une entreprise à l’occasion
d’une grève constitue une infraction. Dans cette
hypothèse, le tribunal pourra ordonner l’évacuation de
l’entreprise.

La loi interdit le droit de grève à certaines catégories


d’agents publics : les personnels des Compagnies
républicaines de sécurité (CRS) depuis 1947, les
forces de police depuis 1948 et les magistrats depuis
1958. En 1950, le Conseil d’État a jugé, par sa
décision Dehaene, qu’en l’absence de loi applicable il
appartient aux chefs de service de réglementer le
droit de grève des fonctionnaires.

En outre, dans le secteur public, le droit de grève doit


se concilier avec des garanties visant à assurer la
continuité du service public ou la satisfaction des
besoins de la population, comme l’a jugé le Conseil
constitutionnel en 1979. Ainsi, le législateur a introduit
une obligation de service minimum dans certains
secteurs d’activité pour des raisons de protection de
l’intérêt général. Tel est le cas du contrôle aérien
depuis 1964, de l’audiovisuel public depuis 1979, du
secteur nucléaire depuis 1980, du transport terrestre
de voyageurs depuis 2007 et de l’accueil dans les
établissements scolaires de l’enseignement primaire
depuis 2008. S’agissant des hôpitaux, le Conseil
d’État a jugé, en 1982, que « Le directeur d’un centre
hospitalier doit limiter l’activité minimale aux seuls
services dont le fonctionnement ne saurait être
interrompu sans risques sérieux ».

Un syndicat du secteur public souhaitant organiser un


mouvement de grève doit déposer un préavis de
grève auprès de la direction du service concerné cinq
jours au moins antérieurement à la cessation du
travail prévue.
La liberté syndicale
Près d’un siècle après la loi Le Chapelier (14 juin
1791), une loi du 21 mars 1884, dite « loi Waldeck-
Rousseau », du nom du ministre de l’Intérieur de
l’époque, Pierre Waldeck-Rousseau, autorise la
création de syndicats professionnels.

Un syndicat professionnel est un rassemblement de


salariés ou d’employeurs ayant des intérêts
professionnels communs, créé pour les représenter et
les défendre.

La liberté syndicale est consacrée par le préambule de


la Constitution du 27 octobre 1946, qui dispose, en
son alinéa 6 : « Tout homme peut défendre ses droits
et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au
syndicat de son choix. »

La liberté syndicale implique d’abord la liberté de


création d’un syndicat : il suffit de déposer les statuts
et la liste des dirigeants à la mairie du siège du
syndicat. La liberté syndicale implique également la
liberté pour chacun d’adhérer ou non à un syndicat.
Concernant les syndicats de salariés, nul ne peut être
contraint d’adhérer à un syndicat ni être pénalisé
parce qu’il n’est pas adhérent d’un syndicat. Enfin,
l’employeur ne peut pas tenir compte de
l’appartenance syndicale ou non d’une personne pour
une décision d’embauche, de promotion ou de
licenciement. En revanche, les salariés syndiqués sont
considérés comme des « salariés protégés », ce qui
signifie qu’une procédure spéciale est appliquée si
l’employeur envisage leur licenciement. L’employeur
doit notamment obtenir l’autorisation de l’inspecteur
du travail. Faute d’obtenir cette autorisation, le
licenciement peut être annulé.

La liberté syndicale a pour corollaire le pluralisme


syndical, c’est-à-dire l’existence d’une pluralité de
syndicats.
Le droit à un procès équitable
Non seulement l’article 6 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits et de l’homme
et des libertés fondamentales est le plus connu, mais,
de tous les articles de la Convention invoqués devant
la Cour européenne des droits de l’homme, l’article 6
est celui sur lequel repose le plus grand nombre de
requêtes. Il s’inscrit dans le cadre des « droits de la
défense » : naturellement, par « défense », il faut
entendre, en matière civile, chacune des parties et
pas seulement le défendeur.

Intitulé « Droit à un procès équitable », il dispose :


« Toute personne a droit à ce que sa cause soit
entendue équitablement, publiquement et dans un
délai raisonnable, par un tribunal indépendant et
impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des
contestations sur ses droits et obligations de
caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation
en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement
doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle
d’audience peut être interdit à la presse et au public
pendant la totalité ou une partie du procès dans
l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la
sécurité nationale dans une société démocratique,
lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la
vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la
mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal,
lorsque dans des circonstances spéciales la publicité
serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la
justice.

» Toute personne accusée d’une infraction est


présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait
été légalement établie.

» Tout accusé a droit notamment à :

– être informé, dans le plus court délai, dans une


langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de
la nature et de la cause de l’accusation portée contre
lui ;

– disposer du temps et des facilités nécessaires à la


préparation de sa défense ;

– se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un


défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de
rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté
gratuitement par un avocat d’office, lorsque les
intérêts de la justice l’exigent ;

– interroger ou faire interroger les témoins à charge et


obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à
décharge dans les mêmes conditions que les témoins
à charge ;

– se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne


comprend pas ou ne parle pas la langue employée à
l’audience. »

Le principe du droit à un procès équitable reconnu par


l’article 6 de la Convention européenne de
sauvegarde est l’héritier d’une longue tradition née en
Angleterre. En 1215, la Magna Carta, ou « Grande
Charte », signée par le roi Jean d’Angleterre, limitait
l’arbitraire royal. En 1679, l’Habeas Corpus Act, voté
sous le règne de Charles II d’Angleterre, garantit la
liberté individuelle de tout citoyen en le protégeant
contre les arrestations et détentions arbitraires. En
effet, le texte prévoit que toute personne arrêtée sera
présentée devant un juge qui se prononcera sur le
bien-fondé de la détention et ordonnera
éventuellement sa remise en liberté. En 1689, le Bill
of Rights (Déclaration des droits) complète l’Habeas
Corpus Act en protégeant les personnes poursuivies
contre des amendes excessives ou des châtiments
cruels.

En France, la Déclaration des droits de l’homme et du


citoyen de 1789 prévoit que « Nul homme ne peut
être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas
déterminés par la Loi, et selon les formes qu’elle a
prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent
ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être
punis » (article 7) et que « Tout homme étant présumé
innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il
est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui
ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa
personne doit être sévèrement réprimée par la loi »
(article 9).

En 2006, dans une affaire insolite, la Cour de


cassation a censuré une décision d’un juge de
proximité au motif d’une violation de l’article 6, § 1,
de la Convention européenne de sauvegarde : « Vu
l’article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits
de l’homme et des libertés fondamentales ;

» Attendu que toute personne a droit à ce que sa


cause soit entendue par un tribunal impartial ;

» Attendu que, pour condamner Mme X…, le


jugement retient notamment “la piètre dimension de
la défenderesse qui voudrait rivaliser avec les plus
grands escrocs, ce qui ne constitue nullement un but
louable en soi sauf pour certains personnages pétris
de malhonnêteté comme ici Mme X… dotée d’un
quotient intellectuel aussi restreint que la surface
habitable de sa caravane, ses préoccupations
manifestement strictement financières et dont la
cupidité le dispute à la fourberie, le fait qu’elle
acculait ainsi sans état d’âme et avec l’expérience de
l’impunité ses futurs locataires et qu’elle était sortie
du domaine virtuel où elle prétendait sévir
impunément du moins jusqu’à ce jour, les
agissements frauduleux ou crapuleux perpétrés par
elle nécessitant la mise en œuvre d’investigations de
nature à la neutraliser définitivement” ;

» Qu’en statuant ainsi, en des termes injurieux et


manifestement incompatibles avec l’exigence
d’impartialité, le juge a violé le texte susvisé. »

Comme quoi le sarcasme est une arme à double


tranchant… et peut se révéler contre-productif !

L’interdiction de la détention arbitraire et le droit à un


procès équitable sont également protégés par le droit
international. La Déclaration universelle des droits de
l’homme de 1948 proclame : « Toute personne a droit
à un recours effectif devant les juridictions nationales
compétentes contre les actes violant les droits
fondamentaux qui lui sont reconnus par la
Constitution ou par la loi » (article 8), « Nul ne peut
être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé »
(article 9), « Toute personne a droit, en pleine égalité,
à ce que sa cause soit entendue équitablement et
publiquement par un tribunal indépendant et
impartial, qui décidera, soit de ses droits et
obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en
matière pénale dirigée contre elle » (article 10).

Ces droits sont également consacrés par le Pacte


international relatif aux droits civils et politiques
adopté le 16 décembre 1966 par l’Assemblée
générale des Nations unies (articles 9 à 14).
Chapitre 16

Dix grandes lois

Dans ce chapitre :
La loi Le Chapelier (14 juin 1791)
La loi Ollivier instaurant le droit de grève
(25 mai 1864)
Les lois Jules Ferry rendant l’enseignement
primaire public gratuit (16 juin 1881) et
obligatoire (28 mars 1882)
La loi sur la liberté de la presse (29 juillet
1881)
La loi Waldeck-Rousseau légalisant les
syndicats professionnels (21 mars 1884)
La loi reconnaissant la liberté d’association
(1er juillet 1901)
La loi de séparation des Églises et de l’État
(9 décembre 1905)
La loi portant abolition de la peine de mort
(9 octobre 1981)
La loi relative aux droits et libertés des
communes, des départements et des régions
(2 mars 1982)

De la loi Le Chapelier (1791) à la première loi de


décentralisation (1982), voici dix grandes lois qui ont
marqué leur temps et concouru à l’histoire politique
de la France.
La loi Le Chapelier (14 juin 1791)
Adoptée par l’Assemblée constituante le 14 juin 1791,
une semaine avant la fuite manquée du roi et son
arrestation à Varennes, la loi Le Chapelier s’inscrit
dans le contexte des événements de la Révolution
française.

Qui était Le Chapelier ? Né en 1754, avocat à Rennes,


député du tiers-état aux États généraux de 1789,
Isaac René Guy Le Chapelier préside l’Assemblée
constituante lors de la nuit du 4 août 1789, au cours
de laquelle les députés votent la suppression des
privilèges féodaux. Le Chapelier est l’un des
fondateurs du Club breton, qui regroupe les députés
de Bretagne aux États généraux et devient la Société
des amis de la Constitution, futur Club des Jacobins.

Les révolutionnaires de 1791 étaient animés de l’idée


qu’il ne doit pas y avoir de corps intermédiaire entre
le peuple et la puissance publique, entre les citoyens
et les représentants de ceux-ci revêtus de fonctions
publiques. Au XVIIe siècle déjà, Jean Domat écrivait :
« Il ne peut y avoir de corps ni de communauté sans
la permission du roi. » À l’Assemblée nationale
constituante, Le Chapelier déclare : « Il n’y a plus que
l’intérêt de chaque individu et l’intérêt général. Il n’est
permis à personne d’inspirer aux autres citoyens un
intérêt intermédiaire, de les séparer de la chose
publique par un esprit de corporation. » C’est pour
garantir ce principe que l’Assemblée constituante
s’est attachée à faire disparaître toutes les
corporations et qu’elle n’a plus reconnu que le corps
social et les individus. Les révolutionnaires souhaitent
ainsi mettre fin aux dérives corporatistes de l’Ancien
Régime telles que la protection des nantis et les
entraves au développement des échanges entre
ouvriers ou compagnons.

La loi des 2 et 17 mars 1791, également appelée


« décret d’Allarde », et la loi Le Chapelier du 14 juin
1791 poursuivent précisément ces objectifs.

Le décret d’Allarde proclame la liberté d’entreprendre


et interdit les corporations et les jurandes, qui
empêchaient les individus d’exercer librement une
profession. Il proclame qu’« Il sera libre à toute
personne de faire tel négoce ou d’exercer telle
profession, art ou métier qu’elle trouvera bon ».

S’inscrivant dans le même mouvement, la loi


Le Chapelier interdit toute association entre gens de
même métier et toute coalition. Son article 1er
énonce : « L’anéantissement de toutes espèces de
corporations des citoyens du même état et profession
étant l’une des bases fondamentales de la
Constitution française, il est défendu de les rétablir de
fait, sous quelque prétexte et sous quelque forme que
ce soit. »

De fait, aux liens de solidarité et aux privilèges de


l’Ancien Régime, les révolutionnaires substituent le
contrat, notamment le contrat de travail. Or, le
rapport de force entre l’employeur et le salarié est
généralement déséquilibré : le premier a moins besoin
du second que le second du premier. Les conditions de
travail des ouvriers au XIXe siècle, soulignées
notamment par le rapport Villermé (1840), ont conduit
le législateur à développer un droit du travail et à
remettre en cause la loi Le Chapelier, qui interdisait la
création de syndicats. La loi du 21 mars 1884 relative
à la création des syndicats professionnels, dite « loi
Waldeck-Rousseau », abroge, par son article 1er, la loi
Le Chapelier et autorise la création de syndicats
professionnels.

Le Chapelier fut condamné à mort par le tribunal


révolutionnaire durant la Terreur et guillotiné le
22 avril 1794.
La loi Ollivier instaurant le droit de
grève (25 mai 1864)
La grève a marqué des épisodes parfois sanglants de
l’histoire de la France. En novembre-décembre 1831,
la « révolte des canuts » (tisseurs de soie) à Lyon, qui
prennent pour devise « Vivre libre en travaillant ou
mourir en combattant », entraîne la mort de
169 personnes. Le 1er mai 1891, la fusillade de
Fourmies (Nord) faisant suite à un appel à la grève
des ouvriers entraîne la mort de neuf personnes.

Action collective et concertée de cessation du travail


en vue d’appuyer des revendications professionnelles
et ayant pour effet d’affecter la production, la grève
est toujours, par nature, une désobéissance. Le droit
de grève est ce qui vient garantir juridiquement la
possibilité de cette désobéissance dans une société
démocratique.

Jusqu’au XIXe siècle, la grève était interdite et


constituait une infraction pénalement sanctionnée. La
période 1830-1860 se caractérise en France par un
fort développement industriel et une augmentation
très sensible du nombre d’ouvriers. Malgré les
interdictions, le mouvement ouvrier commence à
s’organiser au début du second Empire (1852-1870),
et une série de grèves se déroulent dans les années
1860-1864.

Répondant à la volonté de Napoléon III –


probablement autant par conviction que dans le but
de rallier au régime les masses populaires –, la loi du
25 mai 1864 sur les coalitions, dite « loi Ollivier », du
nom du rapporteur du texte, le député Émile Ollivier
(1825-1913), met fin à la pénalisation de la grève
(voir chapitre 15, « Les libertés collectives : le droit de
grève et la liberté syndicale »). Même si la définition
du droit de coalition est formulée de manière
négative, en supprimant un délit, la loi reconnaît le
droit de grève, sous réserve que celle-ci se déroule
sans violence. Le délit d’entrave, c’est-à-dire le fait
d’entraver le travail d’autrui, demeure puni.

Peu après le vote de la loi, Émile Ollivier indiquait :


« Depuis le commencement de ce siècle, le peuple n’a
fait que deux conquêtes : l’une politique, l’autre
sociale. La conquête politique, c’est le suffrage
universel ; la conquête sociale, c’est le droit de se
coaliser. Je considère comme un bonheur d’avoir
contribué pour ma part au second de ces actes
d’émancipation populaire. »
Les lois Jules Ferry rendant
l’enseignement primaire public gratuit
(16 juin 1881) et obligatoire (28 mars
1882)
Si les enfants en France ont l’obligation d’aller à
l’école, c’est à Jules Ferry qu’ils le doivent !

Figure emblématique de la IIIe République, Jules Ferry


est considéré comme le père de l’école gratuite,
laïque et obligatoire.

Né à Saint-Dié (Vosges) en 1832, républicain,


opposant à l’Empire, Jules Ferry est membre du
gouvernement de la Défense nationale en 1870 et
exerce à plusieurs reprises les fonctions de ministre
de l’Instruction publique. Il est président du Conseil
des ministres à deux reprises (1880-1881 et 1883-
1885).

Pour les républicains des années 1870 et 1880, une


réforme de l’instruction publique est nécessaire à la
pérennité de la jeune République. Pour Jules Ferry,
l’école doit être un lieu propre à préparer les élèves,
de façon égale, à devenir des citoyens responsables.
Jules Ferry souhaite libérer l’enseignement public de
l’influence des autorités religieuses.

Plusieurs lois préparent les grandes lois de 1881 et


1882. Par une loi du 9 août 1879 sont instituées des
écoles normales primaires destinées à assurer la
formation d’instituteurs laïcs. Une loi du 27 février
1880 exclut les personnalités étrangères à
l’enseignement du Conseil supérieur de l’instruction
publique.

La loi du 16 juin 1881 établissant la gratuité absolue


de l’enseignement primaire dans les écoles publiques
proclame, en son article 1er : « Il ne sera plus perçu
de rétribution scolaire dans les écoles primaires
publiques, ni dans les salles d’asile publiques. Le prix
de pension dans les écoles normales est supprimé. »

Une autre loi du 16 juin 1881 exige que les


instituteurs obtiennent un brevet de capacité pour
pouvoir enseigner dans les écoles élémentaires.

La loi du 28 mars 1882 sur l’enseignement primaire


obligatoire énonce, en son article 4 : « L’instruction
primaire est obligatoire pour les enfants des deux
sexes âgés de 6 ans révolus à 13 ans révolus ; elle
peut être donnée soit dans les établissements
d’instruction primaire ou secondaire, soit dans les
écoles publiques ou libres, soit dans les familles, par
le père de famille lui-même ou par toute personne
qu’il aura choisie. » Ainsi, la loi pose une obligation
d’instruction et non de scolarisation.

En supprimant l’enseignement de la morale religieuse


au profit d’une « instruction morale et civique »
(article 1er), le texte affirme la neutralité de l’État
dans le domaine religieux et sépare la sphère
publique de la sphère privée, dans laquelle la religion
peut trouver sa place. Un jour par semaine, en plus du
dimanche, est réservé à l’instruction religieuse sous
réserve qu’elle se déroule « en dehors des édifices
scolaires » (article 2).

Les lois scolaires de Jules Ferry ont pour conséquence


une alphabétisation et un apprentissage du français
chez les enfants, ainsi qu’une scolarisation massive
des filles, qui s’inscrit dans le prolongement d’une loi
du 21 décembre 1880, dite « loi Camille Sée »,
organisant l’enseignement secondaire des jeunes
filles. Dans les campagnes, les lois Ferry obligent les
parents à envoyer leurs enfants à l’école alors qu’ils
préféraient les voir participer aux travaux des champs
ou aux tâches ménagères…
La loi sur la liberté de la presse
(29 juillet 1881)
Chaque année, l’organisation non gouvernementale
Reporters sans frontières (RSF) publie un classement
mondial des pays sur la liberté de la presse qui fait
état des risques encourus par les journalistes dans le
monde : censure, persécutions, assassinats.

En France, la liberté de la presse est garantie par la loi


du 29 juillet 1881, qui en constitue le texte de
référence tout en définissant la plupart des abus
punissables.

Dès le milieu du XVIIIe siècle, Malesherbes appelle de


ses vœux une libéralisation du régime dans le sens
d’une liberté de la presse. À la veille de la Révolution
française, Beaumarchais fait dire à Figaro dans
Le Mariage de Figaro (1778) : « Il s’est établi dans
Madrid un système de liberté sur la vente des
productions, qui s’étend même à celles de la presse ;
et que, pourvu que je ne parle en mes écrits ni de
l’autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la
morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni
de l’Opéra, ni des autres spectacles, ni de personne
qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer
librement, sous l’inspection de deux ou trois
censeurs » (acte V, scène 3).

La liberté d’expression est un des droits


fondamentaux défendus par les révolutionnaires de
1789. Il est consacré par l’article 11 de la Déclaration
des droits de l’homme et du citoyen, qui proclame :
« La libre communication des pensées et des opinions
est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout
Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement,
sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas
déterminés par la Loi. » Non seulement le principe de
la libre communication est spécialement consacré, en
plus du principe général de liberté (articles 2 et 4),
mais il est qualifié d’« un des droits les plus précieux
de l’Homme ».

Mais la presse a dû, en France, au XIXe siècle,


affronter une série d’entraves à sa liberté, et c’est
près d’un siècle après la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen de 1789 qu’est promulguée la
loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Cette
loi, toujours en vigueur, a été ultérieurement
modifiée, notamment par la loi du 29 juillet 1982 sur
la communication audiovisuelle et la loi du
30 septembre 1986 relative à la liberté de
communication, dite « loi Léotard », pour prendre en
compte le domaine audiovisuel.

L’article 1er de la loi se caractérise par une grande


concision : « L’imprimerie et la librairie sont libres. »
La réglementation antérieure relative à la presse est
abrogée. En vertu de la loi du 29 juillet 1881, il est
possible de créer une entreprise de presse par une
simple déclaration. Le journal doit mentionner un
gérant et un imprimeur.

La loi du 29 juillet 1881 et ses modifications


ultérieures définissent les délits dits « de presse »
(chapitre IV : « De crimes et délits commis par voie de
la presse ou par tout autre moyen de publication ») :
diffamation, injure, provocation à la haine, aux crimes
et délits, violation du secret de l’instruction,
publication intentionnelle de fausses nouvelles,
notamment. En outre, les personnes mises en cause
par voie de presse peuvent faire valoir leur droit de
réponse. Aux délits de presse s’ajoutent les délits de
droit commun : méconnaissance du droit au respect
de la vie privée et du droit à l’image, outrage aux
bonnes mœurs, apologie des crimes de guerre,
négationnisme.

La France a été condamnée à plusieurs reprises par la


Cour européenne des droits de l’homme sur le
fondement de l’article 10 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et
des libertés fondamentales relatif à la liberté
d’expression.

Par exemple, des journalistes de l’hebdomadaire


satirique Le Canard enchaîné ont été condamnés en
France pour recel de photocopies de déclarations
d’impôt provenant de la violation du secret
professionnel par un fonctionnaire des impôts non
identifié ; la Cour européenne des droits de l’homme a
jugé que la condamnation des journalistes ne
représentait pas un moyen raisonnablement
proportionné à la poursuite des buts légitimes visés
compte tenu de l’intérêt de la société démocratique à
assurer et à maintenir la liberté de la presse (affaire
Fressoz et Roire c. France, 21 janvier 1999).

Autre cas, une société de presse a été condamnée au


paiement de dommages-intérêts postérieurement à la
publication de photographies à visée publicitaire d’un
chanteur célèbre, illustrant un article critiquant le
train de vie de la vedette et laissant entendre que
celle-ci avait des difficultés financières ; la Cour
européenne des droits de l’homme a jugé que les
informations publiées portant sur le mode de vie du
chanteur et sur sa personnalité ne relevaient pas du
cercle intime de la vie privée protégée et, surtout,
avaient été révélées antérieurement par le chanteur
lui-même ; qu’en outre, l’article ne contenait aucune
information de nature offensante ou nuisible. La Cour
a considéré que la société requérante n’avait pas
dépassé les limites attachées à l’exercice de la liberté
journalistique dans une société démocratique (affaire
Hachette Filipacchi Associés [Ici Paris] c. France,
23 juillet 2009).

La Cour européenne a développé une conception de la


liberté de la presse sensiblement plus large que celle
du droit français, semblant ouvrir la voie à une
dépénalisation de la diffamation et de l’injure, ce qui a
suscité les inquiétudes de plusieurs auteurs en France.
La loi Waldeck-Rousseau légalisant les
syndicats professionnels (21 mars 1884)
Le nom de Pierre Waldeck-Rousseau (1846-1904) est à
la fois accolé à la loi du 21 mars 1884 relative aux
syndicats professionnels et à la loi du 1er juillet 1901
relative au contrat d’association (voir plus bas), en
raison du rôle qu’il a joué pour l’adoption de ces deux
textes – le premier comme ministre de l’Intérieur, le
second comme président du Conseil des ministres,
ministre de l’Intérieur et des Cultes.

S’inscrivant dans le prolongement du décret d’Allarde


(2 et 17 mars 1791), reposant sur l’idée qu’il ne doit
pas y avoir de corps intermédiaire entre l’individu et le
corps social, la loi Le Chapelier du 14 juin 1791
interdisait toute association entre gens de même
métier et toute coalition.

La France connaît un développement industriel rapide


à partir de 1830, et le nombre d’ouvriers augmente
sensiblement. Les conditions de travail des ouvriers
conduisent ceux-ci, convaincus que l’union fait la
force, à se rassembler pour défendre leurs intérêts
auprès des employeurs. Mais la loi Le Chapelier
prohibe toujours les corporations.

Une série de réformes sociales adoptées sous le


second Empire annoncent la loi du 21 mars 1884 : la
dépénalisation de la grève (1864), l’octroi d’un statut
légal des coopératives (1867), la tolérance accordée
aux chambres syndicales ouvrières (1868).

En 1872, Jean Barberet crée le 28 mai 1872 le Cercle


de l’Union syndicale ouvrière, à partir du
regroupement de 23 associations ouvrières. Le Cercle
est dissous en octobre 1872. Des congrès ouvriers se
réunissent à Paris en 1876, à Lyon en 1878 et à
Marseille en 1879. En 1881, près de 500 chambres
syndicales sont dénombrées. La revendication de la
légalisation des syndicats apparaît de plus en plus
légitime au sein de la classe politique.

Un projet de loi est déposé le 22 novembre 1880.


Après de longues délibérations, le texte, appuyé par le
gouvernement de Jules Ferry, est finalement adopté
par la Chambre des députés le 13 mars 1884 et signé
par le président Jules Grévy le 21 mars 1884.

La loi du 21 mars 1884 relative à la création des


syndicats professionnels abroge, par son article 1er, la
loi Le Chapelier. Son article 2 énonce : « Les syndicats
ou associations professionnelles, même de plus de
20 personnes exerçant la même profession, des
métiers similaires, ou des professions connexes
concourant à l’établissement de produits déterminés,
pourront se constituer librement sans l’autorisation du
gouvernement. »

La loi encadre strictement l’objet des syndicats


professionnels à « l’étude et la défense des intérêts
économiques, industriels, commerciaux et agricoles »
(article 3). Elle reconnaît aux syndicats professionnels
d’employeurs et d’ouvriers le droit d’agir en justice
(article 6). La liberté syndicale suppose également la
faculté pour tout membre d’un syndicat professionnel
de « se retirer à tout instant » du syndicat (article 7).

En revanche, la loi ne s’applique qu’au secteur privé ;


les agents publics en sont exclus.
Pour créer un syndicat, il suffit de déposer les statuts
et la liste des dirigeants à la mairie du siège du
syndicat.

Le plus ancien syndicat de salariés encore en activité


est la Confédération générale du travail (CGT), créée
en 1895, près de dix ans après l’adoption de la loi
Waldeck-Rousseau.
La loi reconnaissant la liberté
d’association (1er juillet 1901)
Environ 1,3 million d’associations déclarées en France
en 2013, un nombre en augmentation annuelle de
près de 3 %, 85 milliards d’euros en 2012 de budget
total, soit 3,2 % du PIB en 2012, 15 à 16 millions de
personnes exerçant une activité bénévole le plus
souvent dans des associations : alors que les
associations constituent aujourd’hui un élément
essentiel de la société française et que le principe de
liberté d’association est profondément ancré dans la
République, les débats qui ont entouré l’adoption de la
loi du 1er juillet 1901 furent houleux !

Depuis la Révolution, qui a enfanté le décret d’Allarde


et la loi Le Chapelier, une partie des représentants du
corps social ont longtemps regardé avec méfiance
l’existence de corps intermédiaires : syndicats,
associations – les sociétés ayant toujours occupé une
place distincte, en raison de leur objet économique.
L’intensité des affrontements qui ont précédé le vote
de la loi du 21 mars 1884 légalisant les syndicats
professionnels (voir plus haut) et de la loi du 1er juillet
1901 en témoigne.

Ces deux lois se caractérisent par un autre point


commun : un homme a joué un rôle déterminant dans
leur adoption, Pierre Waldeck-Rousseau, comme
ministre de l’Intérieur pour la première, comme
président du Conseil des ministres, ministre de
l’Intérieur et des Cultes, pour la seconde.
Bien sûr, des associations existaient déjà avant la loi
du 1er juillet 1901, mais elles étaient soumises à un
régime d’autorisation préalable en vertu de
l’article 291 du Code pénal de 1810, qui énonçait :
« Nulle association de plus de 20 personnes dont le
but sera de se réunir tous les jours ou à certains jours
marqués, pour s’occuper d’objets religieux, littéraires,
politiques ou autres, ne pourra se former qu’avec
l’agrément du gouvernement et sous les conditions
qu’il plaira à l’autorité publique d’imposer à la
société. »

La volonté des républicains français de la fin du


XIXe siècle est de réformer le cadre juridique : le
principe serait la liberté d’association, l’exception
serait l’interdiction, dans les hypothèses où
l’association par son objet porterait atteinte à l’ordre
public.

L’idée de la liberté d’association se développe au


cours de la IIIe République mais se heurte encore à de
nombreuses résistances en 1901. Trente-trois projets
et rapports ont précédé le projet de texte examiné à
partir de novembre 1899. Certains députés craignent
les associations ouvrières ou internationales, d’autres
redoutent une loi qui viserait à contrôler étroitement
les associations religieuses.

La loi du 1er juillet 1901 voulue par Waldeck-Rousseau


repose sur la liberté individuelle. Elle pose un principe
de liberté (« Les associations de personnes pourront
se former librement et sans autorisation, ni
déclaration préalable », article 2) et une limite
(« Toute association fondée sur une cause ou en vue
d’un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes
mœurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à
l’intégrité du territoire national et à la forme
républicaine du gouvernement, est nulle et de nul
effet », article 3).

Le principe de liberté d’association est hissé au rang


de principe constitutionnel par le Conseil
constitutionnel en 1971 après que le législateur a
tenté de réintroduire un contrôle, par l’autorité
publique, de la conformité à la loi des associations
préalablement à l’acquisition de la capacité juridique.
La loi de séparation des Églises et de
l’État (9 décembre 1905)
Loi essentielle de la République, fondant la « laïcité à
la française », la loi de séparation des Églises et de
l’État est adoptée le 9 décembre 1905 après des
débats particulièrement vifs, à côté desquels les
débats des parlementaires actuels passeraient pour
des discussions feutrées !

Si l’action du rapporteur du texte, Aristide Briand, a


été décisive, la loi du 9 décembre 1905 doit
également beaucoup à Émile Combes, président du
Conseil des ministres de 1902 à 1905, qui œuvra
énergiquement dans le sens de la séparation des
Églises et de l’État.

La loi du 9 décembre 1905 pose notamment deux


principes qui fondent le cadre juridique français de la
laïcité : d’une part, le principe de liberté de
conscience et de culte et, d’autre part, le principe de
la séparation des cultes et de l’État.

Le premier principe est consacré par l’article 1er de la


loi : « La République assure la liberté de conscience.
Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules
restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre
public. » La loi du 9 décembre 1905 s’inscrit
résolument dans la ligne de l’article 10 de la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de
1789 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions,
même religieuses, pourvu que leur manifestation ne
trouble pas l’ordre public établi par la Loi. » Ce
principe de liberté de conscience est protégé
pénalement : la loi de 1905 prévoit qu’une protection
particulière de la liberté de conscience est assurée par
l’établissement d’un délit d’atteinte à la liberté de
conscience, sanctionnant des agissements
contraignant une personne « à exercer ou à s’abstenir
d’exercer un culte » (article 31).

Le second principe est énoncé par l’article 2 de la loi :


« La République ne reconnaît, ne salarie ni ne
subventionne aucun culte. » Sous le régime antérieur
du Concordat, mis en place en 1802, l’État
reconnaissait quatre cultes : le culte catholique, le
culte réformé, le culte luthérien, le culte israélite. Ces
cultes étaient organisés en service public du culte.
L’État avait à sa charge le traitement des ministres du
culte, dont il participait à la désignation. Il participait
également à la détermination des circonscriptions
religieuses. La loi du 9 décembre 1905 met fin au
régime des cultes reconnus. Tous les cultes sont sur
un pied d’égalité. La loi organise les cultes en
« associations cultuelles » qui relèvent de la loi du
1er juillet 1901 sur les associations – ce sont donc des
personnes privées. L’article 2 de la loi du 9 décembre
1905 supprime le financement public pour l’exercice
du culte. En effet, l’attribution d’une subvention
pourrait être interprétée comme la reconnaissance
officielle d’un culte, ce qui est exclu par la loi.

En revanche, les congrégations religieuses –


communautés de personnes vivant ensemble,
plaçant leur vie sous une même foi, soumises à une
autorité religieuse – sont soumises à un régime
spécifique d’autorisation légale.

La loi refonde le régime juridique des lieux de culte,


fruit de discussions particulièrement âpres :
– les édifices cultuels propriétés de l’État ou des
collectivités territoriales avant la loi de 1905 le
demeurent ;

– les édifices cultuels qui appartenaient aux anciens


établissements publics du culte doivent être dévolus
aux associations cultuelles ;

– les édifices cultuels postérieurs à 1905 sont la


propriété des associations cultuelles qui les ont
construits.

Le statut antérieur des ministres du culte disparaît.


Cependant, des règles spécifiques les concernent,
telles que l’interdiction pour un ministre du culte
d’enseigner dans les écoles primaires publiques.
Enfin, les relations entre un ministre du culte et son
autorité religieuse échappent au droit du travail, et les
juridictions étatiques ne sont pas compétentes pour
connaître des litiges qui surviendraient dans ce cadre.

La loi du 9 décembre 1905 ne mentionne pas


expressément le principe de laïcité, qui apparaîtra
dans l’article 1er de la Constitution du 27 octobre
1946 (« La France est une République indivisible,
laïque, démocratique et sociale ») puis dans
l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958 (« La
France est une République indivisible, laïque,
démocratique et sociale »). Le principe de laïcité est
donc aujourd’hui un principe à valeur
constitutionnelle.
La loi portant abolition de la peine de
mort (9 octobre 1981)
Longtemps, la peine de mort a constitué la peine
pénale suprême que la justice pouvait prononcer
contre les criminels ayant commis des actes d’une
particulière gravité. Elle pouvait prendre diverses
formes : pendaison, décapitation, bûcher,
écartèlement. Une loi du 6 octobre 1791 uniformise le
mode d’exécution : l’article 3 du Code pénal de 1791
dispose que désormais « Tout condamné aura la tête
tranchée ».

À partir du XVIIIe siècle, la question de la peine de


mort fait l’objet de débats. Un juriste italien, Cesare
Beccaria (1738-1794), célèbre pour son ouvrage Des
délits et des peines (Dei delitti e delle pene, 1764),
remet en cause la peine de mort, qu’il juge « ni utile,
ni nécessaire » et qu’il qualifie de « crime judiciaire ».

Au XIXe siècle, le mouvement abolitionniste s’incarne


dans des intellectuels et des responsables politiques
tels que Victor Hugo (Le Dernier Jour d’un condamné à
mort, 1829), Alphonse de Lamartine (Contre la peine
de mort, 1830), Victor Schœlcher ou Jules Simon. En
1848, Victor Hugo, alors député, échoue à faire
adopter le projet d’abolition qu’il défend à la Chambre
des députés. En 1906, un projet de loi abolissant la
peine de mort est déposé par Aristide Briand mais
n’est pas adopté.

Dans les années 1970, un nombre croissant de


responsables politiques adhère à l’idée abolitionniste,
mais les enquêtes d’opinion montrent qu’une majorité
de Français y demeurent hostiles.

Élu président de la République en mai 1981, François


Mitterrand fait abolir la peine de mort. La dernière
grâce présidentielle d’un condamné à mort – le droit
de grâce n’est pas une innovation de la Ve République
mais un droit régalien issu des rois de France – est
prononcée en mai 1981. Un projet de loi, présenté par
le garde des Sceaux, Robert Badinter, donne
naissance à une loi promulguée le 9 octobre 1981,
dont l’article 1er énonce : « La peine de mort est
abolie. »

La dernière exécution en France a lieu en septembre


1977.

En avril 1983, un protocole n° 6 est ajouté à la


Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales, dont
l’article 1er dispose : « La peine de mort est abolie.
Nul ne peut être condamné à une telle peine ni
exécuté. » La France ratifie ce protocole en février
1986.

Entre 1984 et 1995, 27 propositions de loi, émanant


de parlementaires, visant à rétablir la peine de mort
sont déposées au Parlement.

En février 2007, une révision constitutionnelle hisse


l’interdiction de la peine de mort au rang de règle à
valeur constitutionnelle. Un nouvel article 66-1 est
introduit dans la Constitution du 4 octobre 1958, qui
prévoit : « Nul ne peut être condamné à la peine de
mort. »

Au plan des peines encourues, la réclusion criminelle


à perpétuité a remplacé la peine de mort lors de
l’abolition de celle-ci. La période de sûreté est
devenue un outil judiciaire essentiel pour les crimes
les plus graves : il s’agit de la durée en dessous de
laquelle la peine ne peut pas être diminuée. Elle peut
atteindre trente ans.

La question du traitement des criminels jugés


dangereux à l’issue de l’exécution de leur peine de
détention, au nom de la protection de la société, s’est
posée de manière accrue dans les années 1990 et
2000. En 2008 est introduit le dispositif de la
« rétention de sûreté ». Il prévoit la possibilité de
placer dans un centre socio-médico-judiciaire de
sûreté, à la fin de l’exécution de la peine ou en cas de
violation par la personne placée sous surveillance de
sûreté des obligations lui incombant, des personnes
ayant commis un crime d’une particulière gravité,
souffrant d’un trouble grave de la personnalité et
présentant une particulière dangerosité caractérisée
par une probabilité très élevée de récidive.
La loi relative aux droits et libertés des
communes, des départements et des
régions (2 mars 1982)
Créées au moment de la Révolution, les communes
(36 767 en 2013) sont gérées par un conseil municipal
et un maire en vertu de la loi municipale du 5 avril
1884. Également créés au moment de la Révolution,
régis par une loi du 10 août 1871, les départements
(96 en métropole, 5 outre-mer) sont gérés par un
conseil général (conseil départemental depuis 2013).
De simples circonscriptions administratives de l’État
en 1964, les régions sont devenues des
établissements publics en vertu d’une loi du 5 juillet
1972, avant de devenir des collectivités territoriales
par la loi du 2 mars 1982.

Voulue par François Mitterrand, élu président de la


République en 1981, la loi du 2 mars 1982 relative
aux droits et libertés des communes, des
départements et des régions est considérée comme la
loi fondamentale de décentralisation en France (on
parle parfois de l’« acte I » de la décentralisation). En
effet, elle réorganise en profondeur la répartition des
pouvoirs au détriment de l’État central et au profit des
collectivités locales : communes, départements,
régions.

Par définition, la décentralisation est le processus par


lequel l’État central décide de transférer des
compétences, ou « pouvoirs », qu’il exerçait à des
échelons locaux parce qu’il estime que ces
compétences seront mieux exercées par des acteurs
locaux en raison de leur plus grande proximité.
D’abord, la relation entre le préfet, représentant de
l’État, et les acteurs locaux change de nature.
Auparavant, le préfet exerçait une tutelle sur les
autorités locales : il pouvait annuler les actes pris par
elles avant leur entrée en vigueur, lorsqu’il estimait
qu’ils étaient contraires à la loi ou ne présentaient pas
un caractère opportun. La loi du 2 mars 1982 atténue
ce pouvoir de tutelle. Le préfet ne peut désormais que
transmettre au juge administratif les actes des
autorités locales qu’il juge entachés d’illégalité (on
parle de « déféré préfectoral »). C’est le juge
administratif qui se prononce sur la légalité de l’acte
litigieux.

Ensuite, le pouvoir exécutif au niveau du département


et au niveau de la région, qui était assuré par le préfet
antérieurement à la loi du 2 mars 1982, est transféré,
respectivement, au président du conseil général et au
président du conseil régional.

Enfin, la loi du 2 mars 1982 fait de la région une


véritable collectivité territoriale. Les régions sont
dotées d’une assemblée délibérante, le conseil
régional, élu au suffrage universel direct. Les
premières élections régionales ont eu lieu en 1986.

Une loi du 6 février 1992 relative à l’administration


territoriale de la République organise les relations
entre les services de l’État et les collectivités
territoriales. Elle énonce que « L’administration
territoriale de la République est assurée par les
collectivités territoriales et par les services
déconcentrés de l’État ».

Le processus de décentralisation est poursuivi par la


loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à
l’organisation décentralisée de la République (on parle
parfois de l’« acte II » de la décentralisation).

Aujourd’hui, les compétences en matière de


développement économique, de transports,
d’aménagement du territoire et d’urbanisme,
d’environnement, de patrimoine culturel, d’éducation,
de solidarité font l’objet d’une répartition complexe
entre l’État et les différents niveaux de collectivités
territoriales.
Chapitre 17

Dix traités internationaux


majeurs

Dans ce chapitre :
La Charte des Nations unies (26 juin 1945)
Le traité de l’Atlantique nord (4 avril 1949)
Les conventions de Genève sur le droit de la
guerre (12 août 1949)
La Convention européenne de sauvegarde des
droits de l’homme et des libertés
fondamentales (4 novembre 1950)
Le traité sur l’Antarctique (1er décembre
1959)
Le Pacte international relatif aux droits civils
et politiques (16 décembre 1966)
Le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels
(16 décembre 1966)
Le Traité sur la non-prolifération des armes
nucléaires (1er juillet 1968)
La convention de Vienne sur le droit des
traités (23 mai 1969)
La convention de Vienne sur la vente
internationale de marchandises (11 avril 1980)
De la Charte des Nations unies (1945) à la convention
de Vienne sur la vente internationale de marchandises
(1980), découvrez ou redécouvrez dix traités
internationaux majeurs qui unissent un grand nombre
d’États sur la scène internationale.
La Charte des Nations unies (26 juin
1945)
La Charte des Nations unies est le texte fondateur de
l’Organisation des Nations unies, signé le 26 juin 1945
à San Francisco par les représentants de 50 pays. Il
est entré en vigueur le 24 octobre 1945.

La Charte des Nations unies se compose d’un


préambule suivi de 111 articles organisés en
19 chapitres.

La Charte des Nations unies plonge ses racines dans


les travaux menés par les représentants de la Chine,
des États-Unis, du Royaume-Uni et de l’Union
soviétique lors de la conférence de Dumbarton Oaks
(Washington D. C.), qui s’est tenue du 21 août au
7 octobre 1944, et lors de la conférence de Yalta
(Crimée), qui s’est tenue du 4 au 11 février 1945.

La Charte des Nations unies institue les organes


principaux de l’Organisation des Nations unies :
l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité, le
Conseil économique et social, le Conseil de tutelle, la
Cour internationale de justice (CIJ), le Secrétariat. Elle
fixe également les droits et les obligations des États
membres.

Dans le préambule de la Charte, demeuré célèbre, les


États signataires s’engagent :

« À préserver les générations futures du fléau de la


guerre qui deux fois en l’espace d’une vie humaine a
infligé à l’humanité d’indicibles souffrances ;
» à proclamer à nouveau notre foi dans les droits
fondamentaux de l’homme, dans la dignité et la
valeur de la personne humaine, dans l’égalité de
droits des hommes et des femmes, ainsi que des
nations, grandes et petites ;

» à créer les conditions nécessaires au maintien de la


justice et du respect des obligations nées des traités
et autres sources du droit international ;

» à favoriser le progrès social et instaurer de


meilleures conditions de vie dans une liberté plus
grande. »

La Charte s’ouvre sur les buts des Nations unies


(article 1er) :

« Maintenir la paix et la sécurité internationales ;

» Développer entre les nations des relations amicales


fondées sur le respect du principe de l’égalité de
droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-
mêmes ;

» Réaliser la coopération internationale en résolvant


les problèmes internationaux d’ordre économique,
social, intellectuel ou humanitaire, en développant et
en encourageant le respect des droits de l’homme et
des libertés fondamentales pour tous, sans
distinctions de race, de sexe, de langue ou de
religion. »

La Charte des Nations unies pose le principe


fondamental des Nations unies : l’égalité souveraine
de tous ses membres (article 2). Cependant, les cinq
membres permanents du Conseil de sécurité
disposent d’un droit de veto.

La Charte proclame également un principe de non-


ingérence : « Aucune disposition de la présente Charte
n’autorise les Nations unies à intervenir dans des
affaires qui relèvent essentiellement de la
compétence nationale d’un État », sous la réserve
d’actions des Nations unies en cas de menace contre
la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression
(article 2).

La Charte énonce que peuvent devenir membres de


l’Organisation des Nations unies tous les États
pacifiques « qui acceptent les obligations de la
présente Charte et, au jugement de l’Organisation,
sont capables de les remplir et disposés à le faire »
(article 4).

La Charte prévoit la possibilité de révisions, à la


majorité des deux tiers des membres de l’Assemblée
générale et sous réserve de la ratification par les deux
tiers des membres de l’Organisation des Nations
unies, dont les cinq membres permanents du Conseil
de sécurité (articles 108 et 109). La Charte a peu été
modifiée depuis sa signature ; trois révisions mineures
ont été approuvées en 1963, 1965 et 1971 afin de
tenir compte de l’augmentation du nombre des États
membres en raison de la décolonisation.

En 2014, l’Organisation des Nations unies compte


193 États membres.
Le traité de l’Atlantique nord (4 avril
1949)
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, un
climat de tension règne entre l’Est et l’Ouest. La
guerre froide prend forme. Lors d’un discours
prononcé au Westminster College, à Fulton (Missouri)
le 5 mars 1946, Winston Churchill dénonce un
« rideau de fer » : « De Stettin sur la Baltique à Trieste
sur l’Adriatique, un rideau de fer s’est abattu à travers
le continent » (« From Stettin in the Baltic to Trieste in
the Adriatic an “Iron Curtain” has descended across
the continent »).

Le Kominform est créé en octobre 1947, le « coup de


Prague » a lieu en février 1948, le blocus de Berlin
commence en juin de la même année. Plusieurs pays
d’Europe occidentale inquiets de la menace soviétique
expriment le souhait de se lier aux États-Unis par un
pacte de défense.

Le 4 avril 1949, 12 pays signent à Washington D. C. le


traité de l’Atlantique nord, qui institue l’Alliance
atlantique : la Belgique, le Canada, le Danemark, la
France, l’Islande, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas,
la Norvège, le Portugal, le Royaume-Uni et les États-
Unis. En 1952 s’ajoutent la Grèce et la Turquie puis, en
1955, la République fédérale d’Allemagne (RFA).

L’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan), ou


North Atlantic Treaty Organization (NATO), est une
alliance internationale à vocation défensive. Le traité
précise que les membres de l’Otan s’engagent à se
porter secours en cas d’agression armée contre l’un
d’entre eux (article 5).

Par le traité de l’Atlantique nord, les puissances


membres de l’Otan s’engagent « à régler par des
moyens pacifiques tous différends internationaux
dans lesquels elles pourraient être impliquées, de telle
manière que la paix et la sécurité internationales,
ainsi que la justice, ne soient pas mises en danger, et
à s’abstenir dans leurs relations internationales de
recourir à la menace ou à l’emploi de la force de toute
manière incompatible avec les buts des Nations
unies » (article 1er).

L’Otan se caractérise à la fois par des structures


civiles et par des structures militaires. Les structures
civiles comprennent le Conseil de l’Atlantique nord, le
Secrétaire général de l’Otan, le Comité des plans de
défense (CPD) et le Groupe des plans nucléaires
(GPN). Les structures militaires comprennent le
Comité militaire et deux commandements
opérationnels : le Commandement suprême allié en
Europe (Saceur), basé à Mons (Belgique), et le
Commandement suprême allié de l’Atlantique
(Saclant), basé à Norfolk (États-Unis).

L’Union soviétique, qui considère cette alliance


comme une menace, en particulier à partir de
l’adhésion de la République fédérale d’Allemagne,
institue le pacte de Varsovie, alliance militaire qui
regroupe la plupart des États du bloc communiste :
l’Union soviétique, l’Albanie, la Bulgarie, la Hongrie, la
Pologne, la Roumanie, la Tchécoslovaquie et la
République démocratique d’Allemagne (RDA). Le
pacte de Varsovie est créé le 14 mai 1955.

L’Otan et le pacte de Varsovie ont été les instruments


de l’« équilibre de la terreur » qui a caractérisé la
guerre froide. La disparition de l’Union soviétique, en
1991, a conduit l’Otan à s’interroger sur ses missions.
L’Otan demeure un pilier essentiel de la sécurité de
ses membres. Ses forces sont capables d’opérer des
frappes au-delà de l’Europe orientale, dans la
profondeur du dispositif ennemi.

Lors de la réunification de l’Allemagne, le 3 octobre


1990, l’ancienne République démocratique allemande
(RDA) est intégrée à l’Otan. En 1999, la République
tchèque, la Pologne et la Hongrie rejoignent l’Otan,
suivies de la Bulgarie, de l’Estonie, de la Lettonie, de
la Lituanie, de la Roumanie, de la Slovaquie et de la
Slovénie en 2004.
Les conventions de Genève sur le droit
de la guerre (12 août 1949)
Le droit n’est pas totalement absent de la guerre : les
blessés, le personnel de secours, les prisonniers de
guerre, les civils font l’objet d’une protection
particulière.

Dès 1864, une première convention est signée à


Genève à l’initiative d’Henry Dunant afin d’améliorer
le sort des blessés « dans les armées en campagne ».
Profondément marqué par la bataille de Solferino
(1859), dont il a été le témoin, Henry Dunant a
participé à la fondation de la Croix-Rouge. La
Convention de 1864 constitue le texte fondateur du
droit international humanitaire, qui se complète de
nouveaux textes à la fin du XIXe siècle et au début du
XXe siècle.

En 1949, une Conférence internationale est organisée


à l’initiative du gouvernement suisse afin de refondre
le cadre juridique existant relatif aux conflits armés
internationaux. Le 12 août 1949, quatre conventions
sont signées. Elles précisent les principes exposés
dans les conventions précédentes et introduisent des
règles nouvelles.

La première convention protège les soldats blessés ou


malades sur terre en temps de guerre. Elle s’inscrit
dans la ligne de la Convention de 1864, dont elle
conserve les grands principes : les militaires blessés
ou malades doivent être respectés et soignés sans
distinction de nationalité ; le personnel, les bâtiments
et le matériel de secours doivent être protégés.
La deuxième convention protège les militaires
blessés, malades ou naufragés en mer en temps de
guerre. Remplaçant la convention de La Haye de
1907, elle est un prolongement de la première
convention, dont elle adapte les dispositions à la
guerre sur mer. Outre les blessés et malades des
armées, la deuxième convention protège une
catégorie spéciale de victimes : les naufragés. Les
navires-hôpitaux et les embarcations de secours font
l’objet de dispositions spécifiques.

La troisième convention s’applique aux prisonniers de


guerre. Remplaçant la Convention relative au
traitement des prisonniers de guerre de 1929, elle
encadre les principaux aspects de la captivité :
interrogatoire des prisonniers, sort de leur propriété,
évacuation, conditions de vie : lieux et modes
d’internement, logement, alimentation, habillement,
hygiène et soins médicaux, personnel médical et
religieux assistant les prisonniers, discipline, transfert,
travail, ressources financières. Le texte de la
convention doit être affiché dans l’ensemble des
camps de prisonniers de guerre (article 41). La
convention établit également le principe selon lequel
les prisonniers de guerre seront libérés et rapatriés
sans délai après la fin des hostilités actives
(article 118).

La quatrième convention assure la protection des


civils, notamment en territoire occupé. Ce texte
entend assurer le respect de la dignité et de la
personne humaines en temps de guerre. Alors que la
convention de Genève de 1864 n’envisageait pas le
cas des civils, censés demeurer en dehors de la
guerre, le développement des armements a démontré
que les civils étaient également exposés à des risques
considérables liés à des opérations militaires.
Complétant le Règlement concernant les lois et
coutumes de la guerre sur terre, annexé à la
convention de La Haye de 1907, la quatrième
convention prohibe les atteintes portées à la vie et à
l’intégrité corporelle des êtres humains, notamment
les tortures, les supplices, les traitements cruels ; les
prises d’otages ; les déportations ; les traitements
inhumains et dégradants, les traitements
discriminatoires, les condamnations prononcées et les
exécutions effectuées sans un jugement préalable
prononcé par un tribunal régulièrement institué où les
droits de la défense sont respectés.

En 2014, 196 États sont parties aux quatre


conventions de Genève signées le 12 août 1949.
La Convention européenne de
sauvegarde des droits de l’homme et
des libertés fondamentales (4 novembre
1950)
Créé le 5 mai 1949, au lendemain de la Seconde
Guerre mondiale, le Conseil de l’Europe est la
première organisation européenne à vocation
politique. Il a été conçu comme un lieu de dialogue
pour les États de la « Grande Europe ». En 2014, le
Conseil de l’Europe compte 47 pays qui abritent
820 millions d’habitants.

Un grand nombre de conventions ont été conclues


sous l’égide du Conseil de l’Europe depuis sa création.
La plus connue est sans doute la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et
des libertés fondamentales, signée le 4 novembre
1950 à Rome. Elle est entrée en vigueur le
3 septembre 1953 et a été complétée depuis par
plusieurs protocoles additionnels.

La ratification de la Convention européenne de


sauvegarde par un État est aujourd’hui une condition
de son adhésion au Conseil de l’Europe.

La France a ratifié la Convention européenne de


sauvegarde en deux temps : le 3 mai 1974, elle a
ratifié la convention avec certaines réserves ; le
9 octobre 1981, le Parlement français a autorisé le
recours individuel devant la Cour européenne des
droits de l’homme.
La convention proclame une série de droits politiques
et sociaux, de droits propres à la personne et de
libertés qui s’inspirent largement de la Déclaration
des droits de l’homme et du citoyen de 1789
(articles 2 à 18) : le droit à la vie (article 2),
l’interdiction de la torture (article 3), l’interdiction de
l’esclavage et du travail forcé (article 4), le droit à la
liberté et à la sûreté (article 5), le droit à un procès
équitable (article 6), le principe de légalité des peines
(article 7), le droit au respect de la vie privée et
familiale (article 8), la liberté de pensée, de
conscience et de religion (article 9), la liberté
d’expression (article 10), la liberté de réunion et
d’association (article 11), le droit au mariage
(article 12), le droit à un recours effectif (article 13),
l’interdiction de discrimination (article 14).

Bien que le Conseil de l’Europe se distingue de l’Union


européenne, le droit de l’Union européenne n’ignore
pas la Convention européenne de sauvegarde. En
effet, l’article 6, § 3, du traité sur l’Union européenne
énonce : « Les droits fondamentaux, tels qu’ils sont
garantis par la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l’Homme et des libertés fondamentales
et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles
communes aux États membres, font partie du droit de
l’Union en tant que principes généraux. »

La Convention européenne de sauvegarde prévoit une


véritable organisation juridictionnelle destinée à
garantir le respect des stipulations conventionnelles
en sanctionnant les États signataires qui les
méconnaîtraient : tel est l’objet de la Cour
européenne des droits de l’homme, qui siège à
Strasbourg.

La Convention distingue deux types de requête :


d’une part, les requêtes individuelles,
introduites à l’encontre d’un autre État par un
ou plusieurs individus ou une organisation non
gouvernementale qui estiment être
personnellement et directement victimes d’une
violation, par un ou plusieurs États ayant ratifié
la Convention, de leurs droits reconnus par la
Convention – par exemple un requérant qui
estime que le refus, par les juridictions de son
pays, d’examiner une action relative à la
décision de refus, par les autorités nationales,
de procurer à sa défunte épouse une dose
létale de médicaments en vue de mettre fin à
ses jours constitue une violation de l’article 8
qui garantit le droit au respect de la vie privée
et familiale (arrêt « Koch c. Allemagne »,
19 juillet 2012) ;
d’autre part, les requêtes interétatiques,
introduites par un État à l’encontre d’un autre
État. Par exemple, le gouvernement irlandais a
déposé, en 1976, une requête contre le
gouvernement britannique ; le gouvernement
irlandais estimait que les mesures d’arrestation
et de détention ainsi que les mauvais
traitements subis par des personnes privées de
leur liberté, en Irlande du Nord, à l’initiative du
gouvernement britannique entre 1971 et 1975
constituaient des traitements inhumains et
dégradants au sens de l’article 3 de la
Convention européenne de sauvegarde (arrêt
« Irlande c. Royaume-Uni », 18 janvier 1978).

La plupart des requêtes portées devant la Cour sont


des requêtes individuelles qui émanent de
particuliers.

La Cour européenne des droits de l’homme doit être


saisie après épuisement des voies de recours dans le
pays concerné, dans un délai de six mois au
maximum suivant la dernière décision de justice dans
l’affaire concernée.
Le traité sur l’Antarctique
(1er décembre 1959)
Signé par 12 pays à Washington D. C. le 1er décembre
1959, le traité sur l’Antarctique interdit la
militarisation de l’Antarctique. Il est entré en vigueur
le 23 juin 1961.

Durant l’Année géophysique internationale (juillet


1957-décembre 1958), caractérisée par une activité
solaire intense, une série de recherches coordonnées
au plan mondial ont été menées pour améliorer la
connaissance scientifique de la Terre. Dans ce cadre,
12 pays ont mené des observations sur l’Antarctique :
l’Afrique du Sud, l’Argentine, l’Australie, la Belgique, le
Chili, les États-Unis, la France, le Japon, la Norvège, la
Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et l’Union
soviétique.

Conscients de la nécessité de mettre en place un


cadre juridique destiné à protéger l’Antarctique, ces
pays se sont réunis, à partir d’octobre 1959, dans le
cadre d’une conférence à Washington D. C., à l’issue
de laquelle a été signé le traité sur l’Antarctique.

Le traité, qui s’applique à la zone « située au sud du


60e degré de latitude sud, y compris toutes les plates-
formes glaciaires », énonce, en son article 1er :
« Seules les activités pacifiques sont autorisées dans
l’Antarctique. Sont interdites, entre autres, toutes
mesures de caractère militaire telles que
l’établissement de bases, la construction de
fortifications, les manœuvres, ainsi que les essais
d’armes de toutes sortes. » Sont prohibées toute
explosion nucléaire et toute élimination de déchets
radioactifs sur l’Antarctique. Le traité autorise
cependant l’emploi de personnel ou de matériel
militaires pour la recherche scientifique, qu’encourage
le traité.

Les États signataires ont l’obligation de s’informer


mutuellement de l’établissement de nouvelles
stations, de toutes les expéditions se dirigeant vers
l’Antarctique ou s’y déplaçant, et de leur intention de
faire pénétrer dans l’Antarctique du personnel ou du
matériel militaires.

Le traité institue un système d’inspection destiné à


vérifier que ces dispositions sont respectées. Toutes
les stations, les installations, le matériel s’y trouvant,
ainsi que les navires et aéronefs aux points de
débarquement et d’embarquement de fret ou de
personnel, peuvent faire l’objet de contrôles
(article 7).

Dans l’hypothèse où un différend entre pays


concernant l’Antarctique ne trouverait pas de solution
par la voie de la négociation ou de l’arbitrage, c’est la
Cour internationale de justice qui serait chargée de se
prononcer sur le litige.

En 2014, 50 pays ont adhéré au traité sur


l’Antarctique. Vingt-neuf pays sont considérés comme
des « parties consultatives », les 21 autres sont des
« parties non consultatives » : ils sont invités à
assister aux réunions consultatives (dites « réunions
consultatives du traité sur l’Antarctique », RCTA) mais
ne participent pas à la prise des décisions.

Le 4 octobre 1991 a été signé à Madrid le protocole au


traité sur l’Antarctique relatif à la protection de
l’environnement, ou « protocole de Madrid ». Entré en
vigueur le 14 janvier 1998, il désigne l’Antarctique
comme une « réserve naturelle consacrée à la paix et
à la science » (article 2). Il organise notamment la
coopération entre les États signataires, interdit toutes
les activités relatives aux ressources minérales de
l’Antarctique autres que la recherche scientifique et
prévoit que toute activité doit préalablement faire
l’objet d’une évaluation d’impact sur l’environnement.

En 2014, 33 pays ont ratifié le protocole au traité sur


l’Antarctique relatif à la protection de
l’environnement.

En septembre 2004 a été établi un Secrétariat du


traité sur l’Antarctique, institution permanente
siégeant à Buenos Aires.
Le Pacte international relatif aux droits
civils et politiques (16 décembre 1966)
Bien que largement diffusée, la Déclaration
universelle des droits de l’homme de 1948 n’est pas
dotée d’une portée normative. Elle n’est pas un traité
international.

Désireuse de pouvoir s’appuyer sur une Charte des


droits de l’homme dotée d’une force obligatoire,
l’Assemblée générale des Nations unies a confié à une
Commission des droits de l’homme le soin d’en
assurer la rédaction.

Par la résolution 2200 A (XXI) de l’Assemblée générale


des Nations unies, le Pacte international relatif aux
droits civils et politiques (PIDCP), en anglais
International Covenant on Civil and Political Rights
(ICCPR), est adopté à New York le 16 décembre 1966,
en même temps que le Pacte international relatif aux
droits économiques, sociaux et culturels (voir plus
bas). Il est entré en vigueur le 23 mars 1976.

Le Pacte international relatif aux droits civils et


politiques se compose d’un préambule suivi de
53 articles organisés en 6 parties.
Il protège une série de droits et de libertés
fondamentaux :

le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes


et « de leurs richesses et de leurs ressources
naturelles, sans préjudice des obligations qui
découlent de la coopération économique
internationale » (article 1er) ;
le droit égal des hommes et des femmes de
jouir de tous les droits civils et politiques
(article 3) ;
le droit à la vie (article 6) ;
l’interdiction de la torture et des peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants
(article 7) ;
l’interdiction de l’esclavage (article 8) ;
le droit à la liberté et à la sécurité,
l’interdiction des arrestations ou des détentions
arbitraires (article 9) ;
l’obligation de traiter dignement les
personnes détenues (article 10) ;
l’interdiction de la détention fondée sur
l’inexécution d’une obligation contractuelle
(article 11) ;
l’égalité devant les tribunaux, la présomption
d’innocence, les droits de la défense
(article 13) ;
la légalité des peines (article 15) ;
le droit de reconnaissance de la personnalité
juridique (article 16) ;
la liberté de pensée, de conscience et de
religion (article 18) ;
la liberté d’opinion et d’expression
(article 19) ;
le droit de réunion pacifique (article 21) ;
le droit de réunion (article 22) ;
le droit de se marier et de fonder une famille
(article 23) ;
le droit de voter et d’être élu (article 25) ;
le droit à l’égalité devant la loi (article 26) ;
le droit des minorités à la protection de leur
vie culturelle (article 27).

Le Pacte international relatif aux droits civils et


politiques institue un Comité des droits de l’homme,
composé de 18 membres, chargé de veiller au respect
du pacte (article 28).

Le Pacte international relatif aux droits civils et


politiques est complété de deux protocoles facultatifs
adoptés le 16 décembre 1966 et le 15 décembre
1989, le second visant à abolir la peine de mort.

En 2014, 168 États sont parties au Pacte international


relatif aux droits civils et politiques. La France y a
adhéré le 4 novembre 1980. Elle a cependant formulé
une réserve concernant l’article 27 relatif au droit des
minorités, considérant que celui-ci n’a pas lieu de
s’appliquer pour la France compte tenu de l’article 2
de la Constitution du 4 octobre 1958, qui dispose :
« La langue de la République est le français.
L’emblème national est le drapeau tricolore, bleu,
blanc, rouge. L’hymne national est La Marseillaise. La
devise de la République est “Liberté, Égalité,
Fraternité”. Son principe est : gouvernement du
peuple, par le peuple et pour le peuple. »
Le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels
(16 décembre 1966)
L’Assemblée générale des Nations unies, qui
souhaitait pouvoir s’appuyer sur une Charte des droits
de l’homme dotée d’une force obligatoire, a confié à
une Commission des droits de l’homme le soin d’en
assurer la rédaction.

Les travaux ont abouti à deux textes : le Pacte


international relatif aux droits civils et politiques (voir
plus haut) et le Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels (Pidesc), en anglais
International Covenant on Economic, Social and
Cultural Rights (ICESCR), adoptés à New York le même
jour, le 16 décembre 1966, par la résolution 2200 A
(XXI) de l’Assemblée générale des Nations unies. Il est
entré en vigueur le 3 janvier 1976.

Le Pacte international relatif aux droits économiques,


sociaux et culturels se compose d’un préambule suivi
de 31 articles organisés en 5 parties.

Le préambule du Pacte international relatif aux droits


économiques, sociaux et culturels énonce que
« conformément à la Déclaration universelle des
droits de l’homme, l’idéal de l’être humain libre, libéré
de la crainte et de la misère, ne peut être réalisé que
si des conditions permettant à chacun de jouir de ses
droits économiques, sociaux et culturels, aussi bien
que de ses droits civils et politiques, sont créées ».

Le Pacte international relatif aux droits économiques,


sociaux et culturels garantit aux citoyens des États
parties des droits égaux dans les domaines
économiques, sociaux et culturels « sans
discrimination aucune fondée sur la race, la couleur,
le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou
toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, la
fortune, la naissance ou toute autre situation ».

Il protège une série de droits et de libertés


fondamentaux :

le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes


et « de leurs richesses et de leurs ressources
naturelles, sans préjudice des obligations qui
découlent de la coopération économique
internationale » (article 1er) ;
le droit « d’obtenir la possibilité de gagner sa
vie par un travail librement choisi ou accepté »
(article 6) ;
le droit « de jouir de conditions de travail
justes et favorables » qui assurent notamment
une rémunération minimale et la sécurité et
l’hygiène du travail (article 7) ;
le droit « de former avec d’autres des
syndicats et de s’affilier au syndicat de son
choix » (article 8) ;
le droit « à la Sécurité sociale, y compris les
assurances sociales » (article 9) ;
le droit à « une protection et une assistance
aussi larges que possible » à la famille
(article 10) ;
le droit à « un niveau de vie suffisant pour
elle-même et sa famille, y compris une
nourriture, un vêtement et un logement
suffisants, ainsi qu’à une amélioration
constante de ses conditions d’existence »
(article 11) ;
le droit « de jouir du meilleur état de santé
physique et mentale » que chacun est capable
d’atteindre (article 12) ;
le droit à « l’éducation » (article 13) ;
le droit de « participer à la vie culturelle »
(article 15).

Le Pacte international relatif aux droits économiques,


sociaux et culturels institue un mécanisme de
surveillance confié au Conseil économique et social
des Nations unies (article 16), lequel a créé par une
résolution du 28 mai 1985 un organe, le Comité des
droits économiques, sociaux et culturels, chargé de
veiller au respect du pacte.

Le Pacte international relatif aux droits économiques,


sociaux et culturels est complété d’un protocole
facultatif adopté à New York le 10 décembre 2008.

En 2014, 162 États sont parties au Pacte international


relatif aux droits civils et politiques. La France y a
adhéré le 4 novembre 1980.
Le Traité sur la non-prolifération des
armes nucléaires (1er juillet 1968)
Les États-Unis sont la première puissance à avoir
développé l’arme nucléaire. Aboutissement du projet
Manhattan, le premier essai nucléaire de l’histoire,
appelé Trinity, a eu lieu le 16 juillet 1945 à
Alamogordo (Nouveau-Mexique). Les 6 et 9 août 1945,
deux bombes atomiques sont lâchées sur les villes
japonaises d’Hiroshima et Nagasaki.

Dans les années qui suivent, plusieurs pays


développent à leur tour l’arme nucléaire : l’Union
soviétique en 1949, le Royaume-Uni en 1952, la
France en 1960, la Chine en 1964. Après avoir
maîtrisé la bombe atomique, à fission, les
scientifiques mettent au point la bombe hydrogène
(bombe H), à fusion. Les États-Unis se dotent de la
bombe H en 1952, l’Union soviétique en 1953, le
Royaume-Uni en 1957, la Chine en 1967, la France en
1968.

Le 30 octobre 1961, l’Union soviétique fait exploser la


bombe à hydrogène la plus puissante jamais utilisée
(57 mégatonnes), la Tsar Bomba, au-dessus de
l’archipel de la Nouvelle-Zemble dans l’Arctique russe.

Souhaitant prévenir la prolifération d’armes


nucléaires, l’Organisation des Nations unies fonde en
1957 l’Agence internationale de l’énergie atomique
(AIEA), en anglais International Atomic Energy Agency
(IAEA), puis engage des négociations qui aboutiront à
la signature, à New York le 1er juillet 1968, du Traité
sur la non-prolifération des armes nucléaires, en
anglais Treaty on the Non-Proliferation of Nuclear
Weapons.

Le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires


est entré en vigueur le 5 mars 1970 pour une durée
initiale de vingt-cinq ans. Les conférences d’examen
ont lieu tous les cinq ans. Lors de la conférence de
1995, le traité fut prorogé pour une durée indéfinie.

Le préambule du traité souligne « les dévastations


qu’une guerre nucléaire ferait subir à l’humanité
entière et la nécessité qui en résulte de ne ménager
aucun effort pour écarter le risque d’une telle guerre
et de prendre des mesures en vue de sauvegarder la
sécurité des peuples ».

Composé d’un préambule et de 11 articles, le traité


distingue les États dotés d’armes nucléaires des États
non dotés d’armes nucléaires. Sont considérés comme
des États dotés d’armes nucléaires les États qui ont
fait exploser une arme nucléaire antérieurement au
1er janvier 1967. Il s’agit de la Chine, des États-Unis,
de la France, du Royaume-Uni et de l’Union soviétique,
aujourd’hui la Fédération de Russie.

Que prévoit le Traité sur la non-prolifération des armes


nucléaires ?

D’abord, les États dotés d’armes nucléaires


s’engagent à ne pas transférer d’armes
nucléaires ni à aider un État non doté d’armes
nucléaires à en acquérir.
Le traité reconnaît le droit de chaque État
partie de développer la recherche, la production
et l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins
pacifiques.
Les États non dotés d’armes nucléaires au
traité renoncent à fabriquer ou à acquérir des
armes nucléaires. L’Agence internationale de
l’énergie atomique est chargée de contrôler que
les produits fissiles spéciaux fabriqués ou
utilisés dans les installations nucléaires des
États non dotés d’armes nucléaires servent
uniquement des fins pacifiques.
Enfin, le traité invite les États parties à
poursuivre de bonne foi des négociations sur
des mesures relatives au désarmement
nucléaire.

En 2014, 189 États sont parties au Traité sur la non-


prolifération des armes nucléaires. La France y a
adhéré le 3 août 1992.
La convention de Vienne sur le droit des
traités (23 mai 1969)
Éprouvant la nécessité de codifier les coutumes
internationales en matière de traités entre États et,
plus largement, les relations juridiques
internationales, l’Organisation des Nations unies a
confié, dès 1949, à la Commission du droit
international des Nations unies le soin de travailler à
un projet de traité international en ce sens.

Vingt ans ont été nécessaires pour parvenir à un


document définitif. Le 5 septembre 1966, l’Assemblée
générale des Nations unies décide par ses résolutions
2166 (XXI) du 5 décembre 1966 et 2287 (XXII) du
6 décembre 1967 de réunir une conférence
internationale, qui s’est tenue au Neue Hofburg, à
Vienne, du 26 mars au 24 mai 1968 puis du 9 avril au
22 mai 1969. La convention de Vienne sur le droit des
traités, en anglais Vienna Convention on the Law of
Treaties, est signée le 23 mai 1969. Elle est entrée en
vigueur le 27 janvier 1980. N’étant pas rétroactive,
elle n’est pas applicable aux traités signés par les
États parties antérieurement à cette date.

La convention de Vienne sur le droit des traités se


compose d’un préambule suivi de 85 articles
organisés en 8 parties.

Elle définit d’abord le traité comme « un accord


international conclu par écrit entre États et régi par le
droit international, qu’il soit consigné dans un
instrument unique ou dans deux ou plusieurs
instruments connexes, et quelle que soit sa
dénomination particulière » (article 2).

Elle énonce ensuite les règles relatives à la conclusion


et à l’entrée en vigueur des traités, aux réserves
(partie II), au respect, à l’application et à
l’interprétation des traités, ainsi qu’aux règles
concernant les États tiers (partie III), aux
amendements et à la modification des traités
(partie IV), à la nullité, l’extinction et la suspension de
l’application des traités (partie V).

La convention de Vienne sur le droit des traités innove


sensiblement en consacrant le jus cogens (du latin,
littéralement, « droit contraignant », « norme
impérative »), qui se rattache à la notion de droit
naturel. En effet, son article 53, intitulé « Traités en
conflit avec une norme impérative du droit
international général (jus cogens) », énonce : « Est nul
tout traité qui, au moment de sa conclusion, est en
conflit avec une norme impérative du droit
international général. […] Une norme impérative du
droit international général est une norme acceptée et
reconnue par la communauté internationale des États
dans son ensemble en tant que norme à laquelle
aucune dérogation n’est permise et qui ne peut être
modifiée que par une nouvelle norme du droit
international général ayant le même caractère. »
Cette disposition a fait l’objet de débats nourris durant
les travaux de la conférence de Vienne.

En 2014, 114 États sont parties à la convention de


Vienne sur le droit des traités. La France, éprouvant
des réticences à l’égard de certaines dispositions et
des doutes sur l’opportunité d’un projet de
convention, a voté contre le texte à la conférence de
Vienne ; elle a été la seule dans cette situation –
19 États se sont abstenus (notamment l’Union
soviétique et des États du pacte de Varsovie) et
79 États ont voté favorablement. En 2014, la France
n’est toujours pas partie à la convention.

Une autre convention relative au droit des traités, la


« convention de Vienne sur le droit des traités entre
États et organisations internationales ou entre
organisations internationales », a été adoptée à
Vienne le 21 mars 1986. Elle complète la convention
de Vienne du 23 mai 1969. Elle n’est pas encore
entrée en vigueur.
La convention de Vienne sur la vente
internationale de marchandises (11 avril
1980)
La seconde moitié du XXe siècle s’est caractérisée par
un développement spectaculaire du commerce
international. Entre 1948 et 1973, il progresse en
moyenne de 7 % par an en volume, alors que la
production augmente en moyenne de 5 % par an.

Est progressivement apparue la nécessité d’établir,


sous l’égide de l’Organisation des Nations unies, un
cadre juridique sécurisé pour les échanges
commerciaux internationaux, dont le contrat de vente
est un pilier.

Rédigée par la Commission des Nations unies pour le


droit commercial international (CNUDCI), en anglais
United Nations Commission on International Trade
Law (UNCITRAL), la Convention des Nations unies sur
les contrats de vente internationale de marchandises
(CVIM), en anglais United Nations Convention on
Contracts for the International Sale of Goods (CISG), a
été signée à Vienne le 11 avril 1980. Elle est entrée en
vigueur le 1er janvier 1988.

La convention de Vienne sur les contrats de vente


internationale de marchandises se compose d’un
préambule suivi de 101 articles organisés en
4 parties.

D’abord, la Convention s’applique aux contrats de


vente de marchandises entre des parties ayant leur
établissement dans des États différents lorsque ces
États sont des États parties à la Convention ou lorsque
les règles du droit international privé mènent à
l’application de la loi d’un État partie.

Ensuite, la Convention s’applique aux contrats de


vente de marchandises entre des entreprises privées
(business to business, ou « B to B »). En sont donc
exclus les contrats de vente aux consommateurs
(business to consumer, ou « B to C ») et les contrats
de vente de services. La Convention ne s’applique pas
non plus aux ventes aux enchères, aux ventes sur
saisie, aux ventes de valeurs mobilières, d’effets de
commerce ou de devises, aux ventes de bateaux ou
d’avions, et à la vente d’électricité.

La Convention énonce les obligations du vendeur et


celles de l’acheteur. Le premier est tenu de livrer les
marchandises conformément à la quantité et à la
qualité stipulées dans le contrat, de remettre les
documents y afférant, et de transférer la propriété des
marchandises. Le second doit payer le prix et prendre
livraison des marchandises.

La Convention précise les recours dont dispose, dans


l’hypothèse d’une inexécution contractuelle de l’une
des deux parties, la partie lésée. Celle-ci peut exiger
l’exécution contractuelle, demander des dommages-
intérêts ou rompre le contrat.

La Convention prévoit également des règles


concernant le transfert des risques liés au transport
des marchandises ainsi que les exceptions
d’inexécution des obligations contractuelles.

Depuis son entrée en vigueur, la convention de Vienne


sur les contrats de vente internationale de
marchandises a permis de favoriser les échanges
commerciaux internationaux en renforçant la sécurité
des contrats de vente internationale. En harmonisant
le droit commercial international et en s’appliquant
directement, elle évite aux acteurs d’avoir à recourir à
des règles de droit international privé pour déterminer
la loi applicable au contrat. L’intérêt de la convention
est particulièrement sensible pour les petites et
moyennes entreprises qui n’ont pas la possibilité de
consulter un juriste au stade de la négociation d’un
contrat.

En 2014, 81 États sont parties à la convention de


Vienne sur la vente internationale de marchandises.
La France l’a approuvée le 6 août 1982.
Chapitre 18

Dix locutions latines


juridiques

Dans ce chapitre :
Affectio societatis
Fraus omnia corrumpit
In solidum
Nemo auditur propiam turpitudinem allegans
Nullem crimen nulla poena sine lege
Pacta sunt servanda
Prorata temporis
Ratione loci, ratione materiae, ratione
personae
Res mobilis, res vilis
Sui generis
Affectio societatis
Si l’article 1832 du Code civil, qui définit la société, ne
fait pas mention de l’affectio societatis au titre des
éléments constitutifs de la société, la validité du
contrat de société est subordonnée à l’existence de
cet élément psychologique.

L’affectio societatis (littéralement, « la volonté de


“faire société” ») est traditionnellement défini comme
l’intention, qui doit animer chacun des associés d’une
société, de collaborer effectivement, sur un pied
d’égalité avec les autres associés, dans un but
commun. L’affectio societatis, c’est le lien invisible qui
doit unir les associés de la naissance à la mort de la
société.

L’affectio societatis doit exister à la date de la


conclusion du contrat de société, peu important qu’un
associé n’ait pas libéré l’apport qu’il a promis à la
société. Il doit durer aussi longtemps que dure la
société. Ce critère n’est naturellement pas exigé pour
la constitution d’une société unipersonnelle, c’est-à-
dire comportant un associé unique (EURL, SASU).

En pratique, ce critère est le plus souvent utilisé a


posteriori par le juge pour dénouer une situation
litigieuse ou délimiter les devoirs de l’associé.
Fréquemment, le juge vérifie la présence de l’affectio
societatis pour apprécier l’existence d’un contrat de
société qui n’a pas donné lieu à l’immatriculation au
Registre du commerce et des sociétés.
Fraus omnia corrumpit
Littéralement : « La fraude corrompt tout. »

L’idée est ancienne et se rencontre déjà en droit


romain : le droit, qui coïncide ici avec la morale, doit
sanctionner la fraude sous diverses formes : l’abus,
l’escroquerie, la mauvaise foi, la turpitude…

En matière civile comme en matière pénale, un acte


frauduleux est un acte qui a été réalisé en utilisant
des moyens déloyaux pour obtenir un consentement
ou un avantage, ou avec l’intention d’échapper à la
législation en vigueur.

L’adage Fraus omnia corrumpit signifie que tout acte


juridique entaché de fraude peut faire l’objet d’une
action en nullité. Il est fréquemment utilisé dans les
visas de la Cour de cassation.

Parmi les actes qui peuvent être frappés de nullité s’ils


sont entachés de fraude, on trouve les contrats, les
successions, les libéralités, les cessions de créances,
les mariages, les opérations fiscales, la gestion
d’affaires, le mandat, les clauses d’indexation.

L’action paulienne, prévue à l’article 1167 du Code


civil, permet à un créancier d’attaquer un acte fait par
son débiteur lorsque ce dernier a agi en fraude de ses
droits.
In solidum
En droit civil, une obligation in solidum est une
obligation faisant intervenir plusieurs personnes et
caractérisée par le fait que chacune est tenue pour la
totalité de l’obligation envers le créancier. Le
créancier, naturellement, ne peut obtenir davantage
que le montant de l’obligation, mais il peut le
réclamer intégralement à toute partie – généralement
à la plus solvable. Il y a donc une solidarité des
débiteurs.

Cette obligation a été créée par la jurisprudence. Elle


se distingue de l’obligation solidaire en ce que, dans
l’obligation in solidum, il n’existe entre les débiteurs
aucun lien de représentation.

Le mécanisme de l’obligation in solidum permet à la


victime d’un dommage d’obtenir réparation de
l’intégralité du préjudice subi en poursuivant l’un
quelconque des coauteurs.
Nemo auditur propiam turpitudinem
allegans
Littéralement : « Nul ne peut se prévaloir de sa propre
turpitude. »

Cet adage signifie que personne ne peut être entendu


par un juge lorsqu’il allègue sa propre turpitude, c’est-
à-dire son inconduite, son immoralité. Sur le
fondement de cet adage, le juge peut par exemple
refuser de prononcer la restitution des prestations
exécutées en application d’une convention qu’il a
déclarée nulle car contraire à la morale ou aux bonnes
mœurs, par exemple la commercialisation et la
diffusion de vêtements reproduisant des images
susceptibles de choquer de jeunes mineurs.
Nullem crimen nulla poena sine lege
Littéralement : « Pas de crime, pas de peine sans loi. »

Cet adage exprime le principe fondamental de légalité


des délits et des peines formulé par Cesare Beccaria
dans son ouvrage Des délits et des peines (Dei delitti
e delle pene, 1764).

Ce principe constitue une garantie contre l’arbitraire


judiciaire. Il est notamment protégé :

par l’article 7 de la Déclaration des droits de


l’homme et du citoyen de 1789 : « Nul homme
ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans
les cas déterminés par la Loi, et selon les
formes qu’elle a prescrites » ;
par l’article 7, § 1, de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales : « Nul
ne peut être condamné pour une action ou une
omission qui, au moment où elle a été
commise, ne constituait pas une infraction
d’après le droit national ou international. De
même il n’est infligé aucune peine plus forte
que celle qui était applicable au moment où
l’infraction a été commise. »
Pacta sunt servanda
Littéralement : « Les pactes (ou conventions) doivent
être respectés – par les parties qui les ont conclus. »

Cet adage exprime le principe de la force obligatoire


des contrats, dès lors qu’ils ont été valablement
formés. Les parties qui ont choisi librement de
s’engager sont liées, tenues, et ne sauraient déroger
aux obligations issues de cet accord.

En droit des obligations, ce principe est posé à


l’article 1134, alinéas 1er et 2, du Code civil, qui
dispose : « Les conventions légalement formées
tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne
peuvent être révoquées que de leur consentement
mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. »

Ce principe s’applique également pour les traités en


droit international. L’article 26 de la convention de
Vienne sur le droit des traités (23 mai 1969) énonce :
« Tout traité en vigueur lie les parties et doit être
exécuté par elles de bonne foi. »
Prorata temporis
Littéralement : « À proportion du temps, en fonction
du temps écoulé. » Attention, « prorata » s’écrit en un
seul mot.

Dans les domaines comptable et financier,


l’expression prorata temporis fait référence à un mode
de calcul permettant d’établir des taux, notamment
des taux d’intérêt ou d’amortissement ou des
cotisations initialement annuels sur des périodes
inférieures à un an. Ce mécanisme de calcul est
également employé afin de facturer un bien ou un
service payé annuellement, par exemple une prime
d’assurance facturée sur sept mois au lieu de douze,
soit parce que la souscription au contrat intervient en
cours d’exercice, soit parce que le contrat fait l’objet
d’une résiliation en cours d’exercice (prorata
temporis).
Ratione loci, ratione materiae, ratione
personae
Littéralement : « En raison de la personne, en raison
de la matière, en raison du lieu. »

Ces expressions s’emploient pour préciser la


compétence d’une juridiction, c’est-à-dire la nature et
l’étendue de ses attributions.

L’expression ratione loci exprime la compétence d’une


juridiction en fonction du lieu (on parle également de
« compétence territoriale ») : par exemple, le lieu de
conclusion d’un contrat, le lieu de commission d’une
infraction, le lieu de résidence du prévenu.

L’expression ratione materiae exprime la compétence


d’attribution d’une juridiction, c’est-à-dire l’étendue
de ses attributions selon la nature des affaires et
parfois, également, de leur importance pécuniaire. Par
exemple, le tribunal de commerce a compétence pour
trancher les litiges qui surviennent entre
commerçants ou qui portent sur les actes de
commerce.

L’expression ratione personae exprime la compétence


d’une juridiction en fonction de la qualité personnelle
de celui qui sera jugé. Par exemple, un mineur sera
jugé par une juridiction pénale spécifique en raison de
son âge.
Res mobilis, res vilis
Littéralement : « Chose mobilière, chose vile
(dépourvue de valeur). »

Voilà un adage ancien qui a été très fortement


contredit par le développement moderne de la fortune
mobilière !

Cet adage exprime l’idée que, à une époque où


l’économie était essentiellement agricole, l’immeuble
était considéré comme un bien précieux : il est
productif de revenus et ne s’épuise pas par
l’exploitation. Il a une valeur capitalistique, alors que
les biens meubles ont une valeur moindre et sont
périssables.

De fait, le Code civil a d’abord consacré davantage de


développements aux biens immeubles qu’aux biens
meubles. Par exemple, l’essentiel des dispositions sur
l’usufruit concerne l’usufruit des immeubles.
Sui generis
Littéralement : « De son propre genre. »

L’expression sui generis qualifie une situation


juridique ou une institution dont les spécificités
empêchent de la classer dans une catégorie
préexistante. Par conséquent, la situation juridique ou
l’institution concernée constitue une catégorie à elle
seule.

Par exemple, l’Union européenne est un cas unique de


construction économique et juridique régionale. Elle
n’est ni une fédération d’États, ni une union d’États, ni
une confédération.

De même, il existe plusieurs cas de personnes


morales sui generis, de droit public (Banque de
France) ou de droit privé (Agence France-Presse).
Sixième partie

Annexes

Dans cette partie…

Vous trouverez, pour approfondir le sujet, des


références d’ouvrages et des liens internet.
Annexe A

Ouvrages
Il existe, dans le commerce, un nombre considérable
d’ouvrages de droit. Voici quelques indications de
manuels clairs et précis sur les principales branches
du droit et les principales thématiques que nous
avons vues.

Pour approfondir les questions portant plus


spécifiquement sur le fonctionnement de la justice, on
pourra se reporter utilement à l’ouvrage d’Emmanuel
Pierrat paru dans la présente collection, La Justice
pour les Nuls.
Lexiques juridiques
Rémy Cabrillac (dir.), Dictionnaire du vocabulaire
juridique, LexisNexis, coll. « Objectif Droit Dico »,
5e édition, 2013.

Gérard Cornu-Association Henri Capitant des amis de


la culture juridique française, Vocabulaire juridique,
PUF, coll. « Quadrige », 10e édition, 2014.

Raymond Guillien, Jean Vincent, Serge Guinchard,


Gabriel Montagnier, Lexique des termes juridiques
2010, Dalloz, 17e édition, 2009.
Histoire du droit
Jean-Paul Andrieux, Introduction historique au droit,
Vuibert, coll. « Dyna’Sup Droit », 6e édition, 2011.

Jean-Marie Carbasse, Histoire du droit, PUF, coll. « Que


sais-je ? », 2e édition, 2010.
Droit privé
Introduction générale au droit –
Ouvrages généraux de droit civil
Les manuels d’introduction générale du droit sont très
nombreux et de qualité inégale. Les ouvrages suivants
sont des ouvrages de très bonne facture.

Jean-Luc Aubert et Éric Savaux, Introduction au droit


et thèmes fondamentaux du droit civil, Sirey,
15e édition, 2014.

Jean-Louis Bergel, Théorie générale au droit, Dalloz,


coll. « Méthodes du droit », 5e édition, 2012.

Rémy Cabrillac, Introduction générale au droit, Dalloz,


coll. « Cours », 10e édition, 2013.

Henri Capitant, François Terré, Yves Lequette, Les


Grands Arrêts de la jurisprudence civile, Dalloz-Sirey,
coll. « Grands arrêts » ; tome I : Introduction –
Personnes – Famille – Biens – Régimes matrimoniaux –
Successions, 12e édition, 2007 ; tome II : Obligations –
Contrats spéciaux – Sûretés, 12e édition, 2008.

Gérard Cornu, Droit civil : introduction au droit,


Montchrestien, coll. « Domat droit privé », 13e édition,
2007.

Pascale Deumier, Introduction générale au droit, LGDJ,


coll. « Manuels », 2e édition, 2013.

Muriel Fabre-Magnan, Introduction générale au droit,


PUF, coll. « Licence droit », 2e édition, 2012.

Jacques Ghestin, Gilles Goubeaux, Muriel Fabre-


Magnan, Traité de droit civil, tome I : Introduction
générale, LGDJ, 4e édition, 1994.

Brigitte Hess-Fallon, Anne-Marie Simon, Marthe


Vanbremeersch, Droit civil, Sirey, coll. « Aide-
mémoire », 11e édition, 2013.

Philippe Jestaz, Le Droit, Dalloz, coll. « Connaissance


du droit », 8e édition, 2014.

Christian Larroumet et Augustin Aynès, Traité de droit


civil, tome I : Introduction à l’étude du droit,
Economica, coll. « Corpus Droit privé », 6e édition,
2013.

Gérard Légier, Laëtitia Tranchant, Droit civil : les


obligations, Dalloz, coll. « Mémentos », 20e édition,
2011.

Daniel Mainguy, Introduction générale au droit,


LexisNexis, coll. « Objectif Droit Cours », 5e édition,
2010.

Philippe Malaurie, Patrick Morvan, Introduction au


droit, Defrénois, coll. « Droit civil », 4e édition, 2012.

Philippe Malinvaud, Introduction à l’étude du droit,


LexisNexis, coll. « Manuel », 14e édition, 2013.

Frédéric-Jérôme Pansier, Méthodologie du droit,


LexisNexis, coll. « Objectif Droit Travaux dirigés »,
6e édition, 2013.

François Terré, Introduction générale au droit, Dalloz,


coll. « Précis », 9e édition, 2012.
Les personnes, la famille, les
régimes matrimoniaux, les
successions et libéralités
Rémy Cabrillac, Droit des régimes matrimoniaux,
LGDJ, coll. « Domat droit privé », 8e édition, 2013.

Philippe Malaurie, Les Personnes, la protection des


mineurs et des majeurs, LGDJ, coll. « Droit civil »,
7e édition, 2014.

Philippe Malaurie, Les Successions, les libéralités,


LGDJ, coll. « Droit civil », 5e édition, 2012.

Philippe Malaurie, Laurent Aynès, La Famille, LGDJ,


coll. « Droit civil », 4e édition, 2011.

Philippe Malaurie, Laurent Aynès, Les


Régimes
matrimoniaux, LGDJ, coll. « Droit civil », 4e édition,
2013.

Jean-Christophe Saint-Pau (dir.), Droits de la


personnalité, LexisNexis, coll.
« Les Traités », 1re édition, 2013.

François Terré, Dominique Fenouillet, Droit civil : les


personnes, Dalloz, coll. « Précis », 8e édition, 2012.

François Terré, Dominique Fenouillet, Droit civil : la


famille, Dalloz, coll. « Précis », 8e édition, 2011.
François Terré, Philippe Simler, Droit civil : les régimes
matrimoniaux, Dalloz, coll. « Précis », 6e édition,
2011.

François Terré, Yves Lequette, Sophie Gaudemet, Droit


civil : les successions, les libéralités, Dalloz, coll.
« Précis », 4e édition, 2013.
Les obligations
Jean-Luc Aubert, Éric Savaux, Jacques Flour, Les
Obligations, Sirey, coll. « Université », tome I : L’Acte
juridique, 15e édition, 2012 ; tome II : Le Fait
juridique, 14e édition, 2011 ; tome III : Le Rapport
d’obligation, 8e édition, 2013.

Alain Bénabent, Droit des obligations, Montchrestien,


coll. « Domat droit privé », 13e édition, 2012.

Muriel Fabre-Magnan, Droit des obligations, PUF, coll.


« Thémis droit », tome I : Contrat et engagement
unilatéral, 3e édition, 2012 ; tome II : Responsabilité
civile et quasi-contrats, 3e édition, 2013.

Bertrand Fages, Droit des obligations, LGDJ, coll.


« Manuels », 4e édition, 2013.

Jérôme François, Traité de droit civil, tome IV : Les


Obligations, Economica, 2e édition, 2000.

Gérard Légier, Laëtitia Tranchant, Droit civil, les


obligations, Dalloz, coll. « Mémentos », 20e édition,
2011.

Philippe Malaurie, Laurent Aynès, Philippe Stoffel-


Munck, Les Obligations, LGDJ, coll. « Droit civil »,
6e édition, 2013.

François Terré, Philippe Simler, Yves Lequette, Droit


des obligations, Dalloz, coll. « Précis », 11e édition,
2013.
Droit des biens
Gérard Cornu, Droit civil : les biens, Montchrestien,
coll. « Domat droit privé », 13e édition, 2007.

Philippe Malaurie, Laurent Aynès, Les Biens, Defrénois,


coll. « Droit civil », 5e édition, 2013.

François Terré, Philippe Simler, Droit civil : les biens,


Dalloz, coll. « Précis », 9e édition, 2014.
Droit des sûretés
Laurent Aynès, Pierre Crocq, Les Sûretés, la publicité
foncière, LGDJ, coll. « Droit civil », 7e édition, 2013.

Dominique Legeais, Sûretés et garanties du crédit,


LGDJ, coll. « Manuels », 9e édition, 2013.

Philippe Simler, Philippe Delebecque, Droit civil : les


sûretés, la publicité foncière, Dalloz, coll. « Précis »,
6e édition, 2012.
Contrats spéciaux
Alain Bénabent, Droit civil : les contrats spéciaux civils
et commerciaux, LGDJ, coll. « Domat droit privé »,
10e édition, 2013.

François Collart-Dutilleul, Philippe Delebecque,


Contrats civils et commerciaux, Dalloz, coll. « Précis »,
9e édition, 2011.
Droit des affaires et droit des
sociétés
Jean-Bernard Blaise, Droit des affaires. Commerçants,
concurrence, distribution, LGDJ, coll. « Manuels »,
7e édition, 2013.

Maurice Cozian, Alain Viandier, Florence Deboissy,


Droit des sociétés, LexisNexis, coll. « Litec
JurisClasseur », 27e édition, 2014.

André Decocq, Georges Decocq, Droit de la


concurrence, droit interne et droit de l’Union
européenne, LGDJ, coll. « Manuels », 5e édition, 2012.

Hugues Kenfack, Michel Pedamon, Droit commercial :


commerçants et entreprises commerciales,
concurrence et contrats du commerce, Dalloz, coll.
« Précis », 3e édition, 2011.

Paul Le Cannu, Bruno Dondero, Droit des sociétés,


LGDJ, coll. « Domat droit privé », 5e édition, 2013.

Dominique Legeais, Droit commercial et des affaires,


Sirey, coll. « Université », 21e édition, 2014.

Marie Malaurie-Vignal, Droit de la concurrence interne


et européen, Sirey, coll. « Université », 6e édition,
2014.
Procédures civiles d’exécution
Anne Leborgne, Droit de l’exécution : voies
d’exécution et procédures de distribution, Dalloz, coll.
« Précis », 2e édition, 2014.

Roger Perrot, Philippe Théry, Procédures civiles


d’exécution, Dalloz, 3e édition, 2013.
Entreprises en difficulté et
procédures collectives
André Jacquemont, Droit des entreprises en difficulté,
LexisNexis, coll. « Manuel », 8e édition, 2013.

Françoise Pérochon, Entreprises en difficulté, LGDJ,


coll. « Manuels », 9e édition, 2012.

Philippe Pétel, Procédures collectives, Dalloz, coll.


« Cours », 8e édition, 2014.

Corinne Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en


difficulté, LGDJ, coll. « Domat droit privé », 8e édition,
2013.
Droit bancaire, droit financier,
instruments de crédit et de
paiement
Régine Bonhomme, Instruments de crédit et de
paiement, LGDJ, coll. « Manuels », 10e édition, 2013.

Thierry Bonneau, Droit bancaire, LGDJ, coll. « Domat


droit privé », 10e édition, 2013.

Alain Couret, Hervé Le Nabasque, Marie-Laure


Coquelet, Thierry Granier, Didier Poracchia, Arnaud
Raynouard, Arnaud Reygrobellet, David Robine, Droit
financier, Dalloz, coll. « Précis », 2e édition, 2010.

Paul Le Cannu, Thierry Granier, Richard Routier, Droit


commercial : instruments de crédit et de paiement,
Titrisation, Dalloz, coll. « Précis », 8e édition, 2010.

Stéphane Piedelièvre, Instruments de paiement et de


crédit, Dalloz, coll. « Cours », 7e édition, 2012.

Jean Stoufflet, Instruments de paiement et de crédit,


LexisNexis, coll. « Manuel », 8e édition, 2012.
Droit du travail
Gilles Auzero, Emmanuel Dockès, Droit du travail,
Dalloz, coll. « Précis », 29e édition, 2015.

Julien Boutiron, Jean-Philippe Élie, Le Droit du travail


pour les Nuls, First, coll. Pour les Nuls, 2014.

Françoise Favennec-Hery, Pierre-Yves Verkindt, Droit


du travail, LGDJ, coll. « Manuels », 4e édition, 2014.

François Gaudu, Raymonde Vatinet, Droit du travail,


Dalloz, coll. « Cours », 5e édition, 2013.

Antoine Mazeaud, Droit du travail, LGDJ, coll. « Domat


droit privé », 9e édition, 2014.

Jean-Emmanuel Ray, Droit du travail, droit vivant


2014/2015, Éditions Liaisons, coll. « Droit vivant »,
23e édition, 2014.

Alain Supiot, Le Droit du travail, PUF, coll. « Que sais-


je ? », n° 1268, 5e édition, 2011.

Bernard Teyssié, Droit du travail, relations collectives,


LexisNexis, coll. « Manuel », 9e édition, 2014.
Droit de la consommation
Jean Calais-Auloy, Henri Temple,
Droit de la
consommation, Dalloz, coll. « Précis », 8e édition,
2010.

Yves Picod, Hélène Davo, Droit de la consommation,


Sirey, coll. « Université », 2e édition, 2010.
Droit de la propriété
intellectuelle
Nicolas Binctin, Droit de la propriété intellectuelle :
droit d’auteur, brevet, droits voisins, marque, dessins
et modèles, LGDJ, coll. « Manuels », 2e édition, 2012.

Christophe Caron, Droit d’auteur et droits voisins,


LexisNexis, coll. « Manuel », 3e édition, 2013.

Laure Marino, Droit de la propriété intellectuelle, PUF,


coll. « Thémis droit », 2013.

Michel Vivant, Jean-Michel Bruguière, Droit d’auteur et


droits voisins, Dalloz, coll. « Précis », 2e édition, 2012.
Droit international privé
Bernard Audit, Louis d’Avout, Droit international privé,
Economica, coll. « Corpus droit privé », 7e édition,
2013.

Yvon Lossouarn, Pierre Bourel, Pascal de Vareilles-


Sommières, Droit international privé, Dalloz, coll.
« Précis », 10e édition, 2013.

Pierre Mayer, Vincent Heuzé, Droit international privé,


LGDJ, coll. « Domat droit privé », 11e édition, 2014.

Marie-Laure Niboyet, Géraud de Geouffre de


La Pradelle, Droit international privé, LGDJ, coll.
« Manuels », 4e édition, 2013.

Marie-Laure Niboyet, Isabelle Rein Lescastereyres,


Laurie Dimitrov, Droit international privé, LGDJ, coll.
« Exercices pratiques », 2014.

Thierry Vignal, Droit international privé, Sirey, coll.


« Université », 3e édition, 2014.
Procédure civile
Loïc Cadiet, Jacques Normand, Soraya Amrani-Mekki,
Théorie générale du procès, PUF, coll. « Thémis
droit », 2e édition, 2013.

Gérard Couchez, Procédure civile, Sirez, coll.


« Université », 17e édition, 2014.

Serge Guinchard (dir.), Droit processuel, droits


fondamentaux du procès, Dalloz, coll. « Précis »,
7e édition, 2013.

Serge Guinchard, Gabriel Montagnier, André Varinard,


Thierry Debard, Institutions juridictionnelles, Dalloz,
coll. « Précis », 11e édition, 2011.

Emmanuel Jeuland, Droit processuel général,


Montchrestien, coll. « Domat droit privé », 2e édition,
2012.

Roger Perrot, Institutions judiciaires, Montchrestien,


coll. « Domat droit privé », 14e édition, 2010.

Thierry S. Renoux, André Roux, L’Administration de la


justice en France, PUF, coll. « Que sais-je ? », n° 2816,
1994.
Droit pénal et procédure pénale
Droit pénal général
Bernard Bouloc, Droit pénal général, Dalloz, coll.
« Précis », 23e édition, 2013.

Emmanuel Dreyer, Droit pénal général, LexisNexis,


coll. « Manuel », 3e édition, 2014.

Jacques Leroy, Droit pénal général, LGDJ, coll.


« Manuels », 5e édition, 2014.

Xavier Pin, Droit pénal général, Dalloz, coll. « Cours »,


5e édition, 2012.
Droit pénal des affaires
Agathe Lepage, Patrick Maistre du Chambon, Renaud
Salomon, Droit pénal des affaires, LexisNexis, coll.
« Manuel », 3e édition, 2013.

Frédéric Stasiak, Droit pénal des affaires, LGDJ, coll.


« Manuels », 2e édition, 2009.

Michel Véron, Droit pénal des affaires, Dalloz, coll.


« Cours », 10e édition, 2013.
Procédure pénale
Bernard Bouloc, Procédure pénale, Dalloz, coll.
« Précis », 24e édition, 2013.

Serge Guinchard, Jacques Buisson, Procédure pénale,


LexisNexis, coll. « Manuel », 9e édition, 2013.

Jean Larguier, Philippe Conte, Procédure pénale,


Dalloz, coll. « Mémentos », 23e édition, 2014.

Édouard Verny, Procédure pénale, Dalloz, coll.


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Droit public
Ouvrages généraux
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Louis Mestre, Otto Pfersmann, André Roux, Guy
Scoffoni, Droit constitutionnel, 16e édition, 2013.

Patrick Gaïa, Richard Ghevontian, Ferdinand Mélin-


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Droit public économique
Sébastien Bernard, Droit public
économique,
LexiNexis, coll. « Objectif Droit Cours », 2e édition,
2013.

Jean-Philippe Colson, Pascale


Idoux, Droit public
économique, LGDJ, coll. « Manuels », 5e édition, 2010.

Didier Linotte, Raphaël Romi,


Droit public
économique, LexisNexis, coll. « Manuel », 6e édition,
2006.
Droit de l’urbanisme
Jean-Bernard Auby, Hugues Périnet-Marquet, Rozen
Noguellou, Droit de l’urbanisme et de la construction,
Montchrestien, coll. « Domat droit public », 9e édition,
2012.

Henri Jacquot, François Priet, Droit de l’urbanisme,


Dalloz, coll. « Précis », 6e édition, 2008.

Grégory Kalflèche, Droit de l’urbanisme, PUF, coll.


« Thémis droit », 1re édition, 2012.

Jacqueline Morand-Deviller, Droit de l’urbanisme,


Dalloz, coll. « Mémentos », 6e édition, 2003.
Droit fiscal
Ludovic Ayrault, Olivier Négrin, Jean Lamarque, Droit
fiscal général, LexisNexis, coll. « Manuel », 2e édition,
2011.

Michel Bouvier, Introduction au droit fiscal général et


à la théorie de l’impôt, LGDJ, coll. « Systèmes
Fiscalité », 12e édition, 2014.

Daniel Gutmann, Droit fiscal des affaires, LGDJ, coll.


« Domat droit privé », 4e édition, 2013.

Patrick Serlooten, Droit fiscal des affaires, Dalloz, coll.


« Précis », 4e édition, 2005.
Droit de la fonction publique
Jean-Marie Auby, Jean-Bernard Auby, Jean-Pierre
Didier, Antony Taillefait, Droit de la fonction publique –
État, collectivités locales, hôpitaux, Dalloz, coll.
« Précis Droit public », 7e édition, 2012.

Serge Salon, Jean-Charles Savignac, Administrations


et fonctions publiques en France, Dalloz-Sirey, coll.
« Intégral concours », 2002.
Droit international public
Jean Combacau, Serge Sur, Droit international public,
Montchrestien, coll. « Domat droit public »,
10e édition, 2012.

Pierre-Marie Dupuy, Yann Kerbrat, Droit international


public, Dalloz, coll. « Précis », 11e édition, 2012.

David Ruzié, Droit international public, Dalloz, coll.


« Mémentos », 22e édition, 2013.
Procédure administrative
contentieuse
Camille Broyelle, Contentieux administratif, LGDJ, coll.
« Manuels », 2e édition, 2013.

René Chapus, Droit du contentieux administratif,


Montchrestien, coll. « Domat droit public »,
13e édition, 2008.

Maryse Deguergue, Procédure administrative


contentieuse, Montchrestien, coll. « Focus droit »,
2003.

Gustave Peiser, Contentieux administratif, Dalloz, coll.


« Mémentos », 16e édition, 2014.
Droit de l’Union européenne
Chahira Boutayeb, Droit matériel de l’Union
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L
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