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Ouvrages du même auteur

• Constitution et droit privé, les droits individuels et les droits


économiques, Collection Droit public positif, Economica et Presses
Universitaires d’Aix-Marseille, 1992 (préface de L. Favoreu).
• Droit des relations internationales, Collection Lexique Dalloz, 1995
(en collaboration avec P. Schulz, préface de J-P. Lassale).
• Droit des associations, Collection Droit fondamental, Presses
Universitaires de France, 1996 (en collaboration avec A6S.
Mescheriakoff et M. Kdhir).
• Guerres et associations, Presses Universitaires de Lyon, 2003 (en
collaboration, sous la direction de B. Benoît et M. Frangi).
• Géopolitique de la culture, Espaces d’identité, projection,
coopération, L’Harmattan, 2007 (en collaboration avec J-M.
Delaunoy, B. Lamizet, C. Manigand, J-C. Pochard, F. Roche et R.
Weber).
• Attaché territorial, Collection Spécial concours, Dalloz-Sirey, 6e
édition, 2018.
• Le président de la République, Arbitrer, diriger, négocier, Collection
Logiques juridiques, L’Harmattan, 2e édition, 2017.
• La simplification normative et administrative. État des lieux, enjeux
et perspectives, Institut Français pour la Justice et la Démocratie,
2020 (direction d’ouvrage en collaboration avec J-L. Pissaloux).
À la mémoire de Bertin Bayle
La plus grande part de ce que nous savons est moindre que celle
que nous ignorons.
Michel de Montaigne, Essais, II, 12,498

Puisqu’on ne peut être universel en sachant tout ce qui se peut


savoir sur tout, il faut savoir peu de tout. Car il est bien plus beau de
savoir quelque chose de tout que de savoir tout d’une chose. Cette
universalité est la plus belle.
Blaise Pascal, Pensées (228-195)
Sommaire1

Table des abréviations


Avant-propos

Première partie
Méthodologie de la dissertation et de l’oral
Chapitre I. Bibliographie

Chapitre II. Méthodologie de la dissertation de culture


générale

Chapitre III. Méthodologie de l’oral des concours


administratifs

Deuxième partie
Thèmes relatifs à la société française
Chapitre I. L’État et l’organisation administrative de la
France

Chapitre II. L’Europe


Chapitre III. Mondialisation, environnement, mouvements
migratoires

Chapitre IV. La vie démocratique

Chapitre V. Les droits et libertés

Chapitre VI. Histoire, mémoires et identités

Chapitre VII. La Nation

Chapitre VIII. Religion et laïcité

Chapitre IX. La famille

Chapitre X. Le système éducatif en France, l’« École »

Chapitre XI. Art, culture et médias

Chapitre XII. Le sport

Chapitre XIII. La santé et la sécurité sociale

Chapitre XIV. Le travail

Chapitre XV. Le service public

Chapitre XVI. La fonction publique

Chapitre XVII. La dépense publique

Chapitre XVIII. La violence

Chapitre XIX. Le déclin


Index
Table des matières

1. Une table des matières complète se trouve en fin de volume.


Table des abréviations

C App. : Cour d’appel


C C : Conseil constitutionnel
C Cass : Cour de cassation
CE : Conseil d’État
CEDH ; Cour européenne des droits de l’Homme
CJCE : Cour de Justice de la communauté européenne
CJUE : Cour de Justice de l’union européenne
ONU : Organisation des nations unies
UE : Union européenne
Avant-propos

Selon le cardinal de Richelieu, « Il ne faut pas tout craindre, mais il


faut tout préparer ». Quant au maréchal Ferdinand Foch, il affirmait
que « La seule raison d’un obstacle est d’être surmonté ». Ces
principes politiques doivent aussi inspirer tout candidat à un
concours administratif. C’est avec une préparation sérieuse et de
longue haleine que l’on accroît ses chances de réussite et si l’on se
lance dans la préparation du concours, c’est pour surmonter
l’obstacle et être lauréat. Comme disent les sportifs « No pain, no
gain » (pas d’effort, pas de réussite).
Le présent ouvrage propose des éléments de préparation aux
épreuves écrites et orales de culture générale dans les concours
administratifs de catégorie A+, A et B. On trouvera, d’une part, une
partie consacrée à la méthodologie de la dissertation et de l’épreuve
orale de mise en situation, d’autre part, une partie consacrée à la
présentation de connaissances relatives à la société française
contemporaine au travers de grandes thématiques transversales (un
index en fin de volume permet de retrouver les questions qui
concernent plusieurs thèmes). Des sujets corrigés sous forme de
plans détaillés sont proposés à la fin de chaque chapitre et montrent
une manière de présenter et de traiter le sujet, non LA manière de
l’aborder. Autrement dit, les corrigés présentés sont des propositions
et non des modèles. Au-delà des informations et des raisonnements
proposés, il appartient à chaque candidat de conduire ses propres
analyses et de parvenir à ses propres conclusions car l’épreuve de
culture générale est fondamentalement un lieu d’expression de la
liberté de la pensée.
Pour chaque thème, sont abordés successivement définitions,
évolution historique et situation actuelle de la question, avec
notamment l’organisation administrative au plan national et local,
voire si cela est nécessaire international et européen. Il appartient à
chaque candidat, au-delà de l’apprentissage général des
problématiques de la société française contemporaine, de moduler
sa préparation en fonction du ou des concours qu’il prépare en
approfondissant l’organisation interne de tel ministère ou de telle
administration. Les différents thèmes ne sont pas isolés les uns par
rapport aux autres mais s’interpénètrent et se comparent. On
trouvera donc dans chaque chapitre des renvois à d’autres
développements ailleurs dans le livre.
Un livre, surtout dans une matière aussi vaste et buissonnante que
la Culture générale, est toujours une dette. J’exprime ma vive
reconnaissance à ceux qui m’ont conduit sur ce chemin : Gilles
Collomb, Jean Delmas, Georges Durand, Georges Mutin et Jean
Peyrot ainsi qu’à mes collègues du CPAG de Lyon, en particulier
Philippe Blain, Michel Boyer, Carole Cheviron, Christian Desmaris,
François Laplanche-Servigne et Jean-Paul Travard.

Enfin, je remercie ma famille pour son soutien.

Thioles, 15 janvier 2022,


Marc Frangi
Première partie
Méthodologie de la dissertation
et de l’oral
Chapitre I
Bibliographie
La bibliographie proposée ci-dessous est volontairement brève.
L’année de préparation des concours nécessite de pouvoir
apprendre rapidement, d’une part, la méthodologie des épreuves
écrites et orales, d’autre part d’acquérir des connaissances de fond
et de savoir les utiliser. Cet apprentissage est dense et ne laisse pas
le temps de la découverte et de la lecture de nombreux ouvrages.
C’est pourquoi, la bibliographie porte essentiellement sur des
ouvrages de synthèse, contenant les informations essentielles sur
les questions abordées. Son but est de vous donner des outils vous
permettant, en complément du présent livre, de trouver rapidement
les connaissances essentielles nécessaires au traitement des sujets
proposés dans le cadre de l’épreuve de culture générale des
concours administratifs. Par ailleurs, cette bibliographie privilégie les
ouvrages qui vous permettront d’identifier et définir les concepts clés
indispensables.
Une bibliographie thématique figure en outre en tête de chaque
chapitre portant sur les thèmes relatifs à la société française.

I Dictionnaires et lexiques

Comme on le verra dans les propositions de corrigés de cet


ouvrage, il faut systématiquement définir les termes des sujets
proposés. Il s’agit de ne pas verser dans l’à-peu-près, mais d’être en
mesure de définir synthétiquement les concepts que l’on
développera dans la dissertation et dont vous trouverez certaines
dans les chapitres de ce livre.

Définitions
Il est indispensable de noter dans un répertoire la définition
synthétique des principales notions susceptibles d’être utilisés dans
les sujets de concours et de les relire régulièrement afin de les
mémoriser et de pouvoir les utiliser facilement.
Il faut donc vous référer à un dictionnaire classique de la langue
française, éventuellement en ligne :
– Dictionnaire Larousse ;
– Dictionnaire Le Robert.
Il est par ailleurs très utile de vous référer aux lexiques destinés
aux étudiants des premières années de faculté afin de trouver des
définitions précises de termes techniques :
– D. Clerc et J-P. Piriou : « Lexique de sciences économiques et
sociales », La Découverte, 2011 ;
– E. Cobast : « Les 100 mots de la culture générale », PUF, QSJ,
2008 ;
– Th. Debard et S. Guinchard : « Lexique de termes juridiques »,
Dalloz, 2021 ;
– Ch. Dollo et autres : « Lexique de sociologie », Dalloz, 2020 ;
– O. Dekens : « Lexique de philosophie », Ellipses, 2001 ;
– A. Graf et Ch. Le Bihan : « Lexique de philosophie », Seuil
Mémo, 1996 ;
– O. Nay : « Lexique de science politique », Dalloz, 2017 ;
– P-J Quillien : « Lexique de droit public », Ellipses, 2018 ;
– A. Silem, « Lexique d’économie », Dalloz, 2018 ;
– J-P. Zanco : « Lexique d’économie et de droit », Ellipses, 2018.
II Histoire, histoire des idées politiques et
philosophie

Comme vous le constaterez au cours de votre préparation,


pratiquement tout sujet portant sur la connaissance de la société
française contemporaine impose de s’interroger sur son histoire, ce
qui permet de mieux en apprécier les évolutions et donc de traiter le
sujet à la lumière de notre temps. Il est ainsi indispensable de
disposer de références historiques portant essentiellement sur
l’histoire du xxe siècle. À noter toutefois que certaines questions
peuvent nécessiter de s’intéresser à des périodes un peu plus
anciennes (débuts de la révolution industrielle ; développement des
sciences et techniques ; débat sur le travail des enfants ; apparition
de l’État providence à partir du Second empire ; institution des
grandes libertés publiques sous la IIIe République, notamment en
matière scolaire en 1881-1882, syndicale en 1884, associative en
1901 ou de laïcité dès avant 1905 ; le suffrage universel…).
– S. Bernstein et P. Milza : Histoire du xxe siècle, Hatier, 3 t (1900-
1945 ; 1945-1973 ; depuis 1973), 2017 (ouvrage à consulter pour
approfondir une question plutôt que pour s’initier) ;
– Ch. Charle, Histoire sociale du xixe siècle, Essais Poche, 2015 ;
– R. Remond et J-F. Sirinelli : Le siècle dernier, Fayard, 2003.
Il est très utile, dans la perspective de préparation des concours
administratifs d’avoir quelques notions sur l’histoire des idées
politiques et des principaux courants philosophiques (il convient de
connaître à la fois les principales œuvres et l’apport des grands
auteurs) :
– J-J. Chevalier et Y. Guchet, Les grandes œuvres politiques de
Machiavel à nos jours, Armand Colin, 4° édition 2005 ;
– Th. Gontier : Les grandes œuvres de la philosophie moderne,
Seuil, Memo, 1996 ;
– K. Henocq et B. Galeran, Histoire des idées politiques, les
principaux courants de la pensée politique occidentale de
l’antiquité grecque au xxe siècle, Gualino, 2020 ;
– R. Piastra : L’essentiel des grandes œuvres politiques de Platon
à nos jours, Gualino, 2013.
Certains numéros spéciaux et dossiers de la revue Sciences
humaines permettent une approche synthétique de grandes
questions :
– 1900-2000, un siècle de sciences humaines, n° hors-série,
2000 ;
– L’œuvre de Pierre Bourdieu, n° spécial 2002 ;
– La bibliothèque idéale des sciences humaines, septembre-
décembre 2003 ;
– Cinq siècles de pensée française, hors-série, novembre 2007 ;
– Paroles d’historiens, décembre 2008-janvier 2009 ;
– Les grands penseurs de l’éducation, Grand dossier, 2016 ;
– Les 100 penseurs des sciences humaines, avril-mai 2018 ;
– Les 100 penseurs de l’économie, avril-mai 2019 ;
– Philosophie, les auteurs, les thèmes, les textes, septembre-
octobre 2020 ;
– La grande histoire de l’humanisme, décembre 2020-janvier 2021.

III Dossiers de presse

Il est nécessaire de compléter sa documentation avec des


éléments d’actualité. Pour cela il convient de consacrer environ une
heure par quinzaine à la recherche d’informations nationales et
internationales récentes par la consultation de la presse quotidienne
nationale (exemple : Le Figaro, Le Monde, Libération…, un seul titre
suffit car il ne faut pas se disperser) et hebdomadaire (le Point,
L’Express, Le Nouvel Observateur, Valeurs actuelles…). Au-delà des
analyses politiques faites par les journalistes et éditorialistes, il
convient avant tout de noter les faits (telle loi a été adoptée avec tel
effet ; tels chiffres ont été publiés et soulignent telle tendance…).
Ces titres publient également des numéros spéciaux qui peuvent
porter sur des questions intéressant la culture générale (la justice,
l’école, le travail, la santé, l’immigration…).

Par ailleurs, à la fin de l’année, diverses publications proposent un


bilan de l’année écoulée contenant divers chiffres (population,
chômage, endettement, PIB…) dont on doit essayer de retenir les
principaux en vue des épreuves.

Certaines revues disponibles en kiosque proposent régulièrement


des dossiers portant sur des questions relatives à la connaissance
de la société contemporaine, dans leurs numéros réguliers ou à
l’occasion de numéros spéciaux :
– Sciences humaines (par exemple : « la santé » ; « Ou va la
France, enjeux de notre temps » ; « Démocratie, histoire et
concepts, défis et menaces, avancées et reculs dans le
monde » ; « les métamorphoses de la société française », « Ou
va la famille ? » ; « Le féminisme »…) ;
– L’Histoire (par exemple : L’âge industriel, 5 000 ans de calamités,
Comment une pandémie a changé le monde, Le travail, La
famille dans tous ses états, La Justice, l’École…) ;
– Alternatives économiques ;
– L’Expansion ;
– Challenges…
Ces titres publient également des numéros spéciaux qui peuvent
porter sur des questions intéressant la culture générale (la justice,
l’école, le travail, la santé, l’immigration…).
Pour les aspects internationaux, qui sont indispensables lorsque
l’épreuve porte sur la connaissance du monde contemporain, il faut
consulter Le Monde diplomatique, Manière de voir (bimestriel),
Courrier international et Regards sur l’actualité.

Il est utile de consulter la presse professionnelle concernant le


secteur qui vous intéresse (exemple Lettre du cadre territorial,
Courrier des maires…) ainsi que les informations que l’on trouve sur
les sites officiels de ministères (administration centrale ou services
déconcentrés), des collectivités territoriales (surtout régions et
métropoles ou intercommunalités) et qui permettent de voir comment
telle administration analyse et présente tel dossier ou telle
problématique. Par ailleurs, ces sites donnent souvent beaucoup
d’exemples concrets d’actions menées ou donnent la parole à des
acteurs publics dont l’expérience peut permettre d’illustrer utilement
une dissertation par un exemple bien choisi. Il est également
intéressant, pour avoir une vision différente mais complémentaire de
consulter aussi les sites des organisations syndicales ou des
associations d’usagers ou de défense de tel secteur.

Attention : la sélection d’informations pertinentes ne consiste pas


à lire de manière nonchalante des journaux que l’on feuillette en
sirotant une boisson… c’est un exercice à part entière, qui peut
rapidement être chronophage et auquel il faut consacrer le temps
juste nécessaire avec méthode et efficacité. Il faut surtout ne pas se
laisser distraire et ne pas perdre de temps avec les caricatures,
bandes dessinées, jeux, résultats sportifs, critiques de films ou de
spectacles… qui ne concernent pas la préparation des concours !
Quel que soit le support envisagé (journal, magasine, site internet…)
il convient de regarder le sommaire, s’il en existe un, afin de
sélectionner les thèmes proposés. En tout état de cause, il convient
de faire un balayage rapide des différents titres, en ne s’arrêtant que
si un mot ou un nom paraît évoquer un thème intéressant. En ce
cas, la lecture du chapeau en gras et des intertitres doit permettre de
déterminer s’il est utile de poursuivre une lecture plus approfondie.
Si tel est le cas, il est préférable de noter en style télégraphique les
apports du texte et de reporter ensuite ces informations sur les
dossiers ou fiches thématiques que vous avez rédigées sur les
principaux thèmes relatifs à la connaissance de la société française
contemporaine. Il est, en tout cas, préférable de limiter le recours
aux photocopies ou copié-collé car l’on court le risque de se
retrouver en fin de préparation avec une documentation à la fois
volumineuse et non étudiée, peu utilisable lors des révisions rapides.
Chapitre II
Méthodologie de la dissertation
de culture générale

I Notion de culture générale

L’épreuve de culture générale est un exercice de communication


dans lequel il faut présenter le sujet proposé dans un temps limité et
de manière synthétique, nuancée et argumentée, en sachant utiliser
une langue correcte et nécessite de faire preuve d’un esprit à la fois
analytique et synthétique afin d’appréhender la globalité d’une
question.
L’institution d’une épreuve dite de « culture générale » au
lendemain de la seconde guerre mondiale pour le recrutement par
concours des cadres administratifs est une originalité du système
français. Elle est contemporaine du développement de l’État
providence interventionniste en France. Le but est de concilier la
nécessité de former des techniciens de l’action publique, c’est-à-dire
des fonctionnaires qui soient rapidement opérationnels dans
l’exercice de leurs fonctions avec celle de disposer de cadres
capables de réfléchir sur la société dans laquelle ils agissent et de
prendre des décisions adaptées ne se fondant pas uniquement sur
la maîtrise technique. Bref, la culture générale constitue un antidote
contre le risque de la technocratie, c’est-à-dire du recrutement de
fonctionnaires ne concevant l’exercice du pouvoir administratif que
sur la base de critères techniques et méconnaissant l’état et les
attentes de la société française1. Ceci est encore souligné par le fait
que, dans certains concours, l’épreuve est appelée « connaissance
de la société française contemporaine » ou « connaissance du
monde contemporain ».
D’une part, l’épreuve de culture générale permet de vérifier que
chaque candidat dispose de connaissances générales et
transversales dans divers domaines (histoire, actualité, droit et
institutions, grands courants de la pensée politique, économie,
sociologie…) et les appliquer aux grandes questions faisant débat
dans la société contemporaine auxquelles un fonctionnaire est
susceptible d’être confronté au cours de sa carrière (État,
organisation administrative, famille, école et éducation, religion et
laïcité, sport, santé publique, mémoire et identité, Europe,
mondialisation, immigration, environnement…). Tout l’esprit de
l’épreuve de culture générale se retrouve dans la célèbre formule de
Montaigne recommandant que l’éducation aboutisse à donner à
l’élève « une tête bien faite » plutôt « qu’une tête bien pleine2 ».
Charles De Gaulle (Le fil de l’épée, Plon, 1932, réédition en livre de
poche) a souligné l’importance pour un « chef », c’est-à-dire un
cadre (militaire ou civil), d’avoir à la fois une solide culture
professionnelle et une véritable culture générale, non seulement au
cours de sa préparation mais encore tout au long de sa carrière, afin
d’être en mesure d’anticiper les enjeux des décisions qu’il doit
prendre dans un contexte donné3. Il a illustré cela par la belle
formule, selon laquelle « on retrouve Aristote derrière chaque
victoire d’Alexandre ».
D’autre part, l’épreuve de culture générale permet de vérifier que le
candidat est en mesure « d’ordonner, autour d’un plan, une
discussion argumentée et illustrée, sur une question, un thème, une
citation ou un sujet précis4 ». En effet, les épreuves des concours
A+, A et B ont pour objet de recruter des cadres dont une partie du
travail au cours de leur carrière consiste à communiquer par écrit
avec leurs supérieurs, collègues et collaborateurs, ainsi qu’avec les
élus, les usagers, les cocontractants… Un cadre efficace doit être
capable de s’exprimer dans une langue à la fois élégante, précise et
simple et doit pouvoir être compris aussi bien d’un expert de telle
question que d’un usager dépourvu de connaissances techniques.

II Nature de l’épreuve

Il est indispensable, pour chaque concours préparé, de consulter


préalablement sur le site du ministère concerné, divers documents
qui permettent de mieux percevoir en quoi consiste l’épreuve et à
adapter ainsi sa préparation :
– arrêté instituant le concours et lettre de cadrage (qui précisent les
caractéristiques de l’épreuve : format, durée, programme…) ;
– rapport du jury précédent (qui souligne les attentes et
conceptions du jury et les points positifs et négatifs identifiés
dans la dernière promotion) ;
– meilleures copies de candidats (elles ne sont pas
systématiquement disponibles).
Par ailleurs, il apparaît qu’au-delà des caractéristiques générales
communes qui seront exposées ci-dessous, il peut arriver que
l’épreuve de culture générale relative à tel concours soit assortie de
certaines particularités. Ainsi, s’il n’existe plus formellement
d’épreuve de culture générale pour le concours des Instituts
Régionaux d’Administration, l’épreuve de « cas pratique », qui
repose sur le traitement d’une commande avec proposition de
solution sur la base d’un dossier fourni aux candidats, nécessite une
connaissance des thèmes en débat dans la société française
contemporaine (chaque année, un arrêté fixe une liste de thèmes
susceptibles d’être abordés lors de cette épreuve). Dans le concours
d’inspecteur du travail, l’épreuve de culture générale consiste en une
composition portant sur un sujet contemporain d’ordre général
portant sur la place des pouvoirs publics et leur rôle dans les grands
domaines de l’intervention publique (société, économie, emploi,
santé, culture, territoires, relations extérieures…) permettant
d’évaluer les qualités rédactionnelles, l’ouverture au monde des
candidats, leur aptitude à l’analyse et au questionnement ainsi que
leur capacité à se projeter dans leur futur environnement
professionnel. Un dossier de 10 pages au maximum peut être mis à
la disposition des candidats5. Toutefois, même en ce dernier cas,
l’épreuve reste bien une dissertation (composition) et non une note
de synthèse ou un résumé de textes. Par ailleurs, les points de
suspension dans l’énumération des grands domaines de
l’intervention publique montrent que la liste n’est pas exhaustive.
De manière générale, il est vivement conseillé, d’adapter sa
préparation au concours préparé : n’hésitez pas à consulter les sites
institutionnels des services centralisés et déconcentrés des
ministères ou des autorités décentralisées (voir sur ce point la
bibliographie) pour illustrer d’exemples pertinents propres à telle
administration, votre étude des grands thèmes de la culture générale
et les replacer judicieusement dans votre dissertation.
Les indications générales proposées ci-dessous sont faites sous
réserve des éventuelles particularités venant d’être évoquées.
En principe, il n’existe pas de programme de culture générale,
comme il peut en exister dans d’autres matières comme le droit, les
finances publiques ou l’économie. Tout au plus, les textes se réfèrent
aux notions, assez peu précises, de « grands problèmes
contemporains », de « grands domaines de l’intervention publique »
ou de « connaissance de la société française contemporaine » et
donnent comme exemple des listes thématiques non-exhaustives.
Concrètement, la préparation de cette épreuve s’organise autour de
l’étude de thèmes transversaux dans une approche pluridisciplinaire
(histoire, actualité, droit et institutions, sociologie, grands courants
de la pensée politique, économie…).
Dans le présent ouvrage, sont proposés des dossiers thématiques
portant sur les principales questions, que vous pourrez compléter
par vos revues de presse (voir à ce propos la bibliographie). Cette
liste est évidemment indicative puisqu’il n’existe pas de programme
officiel, mais elle permet de balayer la plupart des grandes questions
d’actualité. Toutefois, il est possible que le sujet proposé le jour de
l’épreuve ne puisse pas se rattacher particulièrement à tel ou tel
thème. Cependant, pas d’affolement ! D’une part, l’objet de la
préparation est de vous donner non seulement une méthodologie et
des connaissances mais encore une capacité de réflexion
autonome. Autrement dit, quel que soit le sujet, votre préparation
doit vous permettre de définir, analyser, synthétiser, rattacher à des
connaissances et rédiger une composition quel que soit le sujet,
même paraissant peu familier. D’autre part, la variété des sujets
abordés doit vous permettre de pouvoir puiser des connaissances et
des réflexions que vous pourrez toujours utiliser.
Par exemple, voici quelques années, à la suite d’affaires telles que
la maladie de la vache folle ou du sang contaminé des sujets portant
sur la notion de risque sont apparus. Une telle thématique n’était
alors pas spécifiquement abordée lors de la préparation des
concours. Il était néanmoins possible pour un candidat d’analyser la
question du risque au travers de notions vues lors de l’étude de
thèmes plus classiques comme, par exemple, l’État providence
(socialisation du risque, solidarité…), la santé (prévention et soins,
maillage territorial des services de santé…), l’école (rôle de
l’Éducation nationale dans la prévention des risques, de certaines
maladies, d’hygiène, de vaccination…), le sport (la pratique de
certaines disciplines sportives peut exposer à des risques mais les
valeurs du sport impliquent une responsabilisation des acteurs par le
renforcement de la sécurité et de la discipline), l’environnement (le
développement durable et le principe de précaution comme
préventions du risque climatique…)…

III Méthodologie
Les différentes étapes décrites ci-dessous découlent les unes des
autres et sont liées. Le plan découle de la problématique, qui est
déduite la synthèse, qui elle-même repose sur l’analyse, qui dépend
de l’orientation donnée à la définition des termes. Il convient donc de
ne négliger aucune de ces différentes étapes qui sont
dépendantes les unes aux autres.

A. Définition des termes


Il s’agit de donner les éléments caractéristiques fondamentaux de
chaque élément du libellé. On va les définir en eux-mêmes et les
uns par rapport aux autres. Pour cela, il s’agit d’une part, lors de sa
préparation, de mémoriser un certain nombre de concepts
synthétiques (voir la bibliographie), d’autre part de se référer aux
connaissances transversales pluridisciplinaires acquises : histoire,
actualité, droit et institutions, courants de la pensée politiques,
économie,… Il faut réfléchir à l’impact de ces notions sur l’objet et le
rôle de l’administration dans laquelle on candidate. Le maréchal
Ferdinand Foch (1851-1929), qui était réputé pour son esprit
synthétique et incisif, conseillait aux auteurs de rapports de
commencer par se poser la simple question : « De quoi s’agit-il ? »
afin de répondre le plus efficacement au sujet posé. Se demander de
quoi il s’agit consiste précisément à définir les termes de la question
posée afin de savoir dans quelle direction orienter ensuite l’analyse
et la synthèse.

B. Analyse synthétique du sujet


L’analyse est la recherche de l’ensemble des idées et arguments,
abordés de manière pluridisciplinaire relatifs au sujet.
La synthèse est le regroupement par catégories d’idées et
d’arguments des éléments retenus lors de l’analyse. Elle permet,
d’une part d’écarter certaines questions qui apparaissent comme
secondaires, d’autre part, de bâtir l’argumentation de l’auteur et de
développer son point de vue sur le traitement du sujet, enfin, de
commencer à envisager les actions de l’administration que l’on
ambitionne d’intégrer ou d’autres institutions dans le domaine du
sujet.
L’analyse synthétique permet d’utiliser et de mettre en perspective
les connaissances transversales pluridisciplinaires acquises.
Comme l’épreuve porte sur la société française contemporaine, il
faut privilégier une approche interne du sujet permettant de traiter
des aspects actuels de la question en France (actualité, droit et
institutions, courants de la pensée politiques, économie). Les
éléments historiques sont nécessaires pour monter à la fois les
constances et les mutations d’une question mais sont généralement
évoqués dans l’introduction (voir ci-dessous). En fonction du libellé
du sujet et des connaissances que l’on a, il est possible d’introduire
des éléments de comparaison avec d’autres États ou d’élargir la
question à des aspects internationaux.
Il est vivement conseillé de n’écrire que sur le recto des feuilles de
brouillons et de les numéroter, de manière à pouvoir s’y retrouver
facilement lors de la phase de construction de la problématique et du
plan et de ne pas oublier de reprendre certains éléments. Il est effet
très contre-productif de découvrir en fin d’épreuve que l’on a oublié
de rédiger un aspect de la question analysé sur une feuille oubliée et
que l’on doit réinsérer dans son texte.

C. Problématique
Un moyen pratique de formuler la problématique est de se
demander quels points incontournables on retiendrait si l’on devait
présenter en quelques mots les caractéristiques essentielles du sujet
à une personne qui en ignore tout (il s’agit toujours de se demander
de quoi il s’agit). La problématique est en quelque sorte la synthèse
de la synthèse et permet à l’auteur d’indiquer le point de vue qu’il
défendra au cours de la dissertation. Elle est formulée en quelques
phrases courtes, sous une forme interrogative ou affirmative. Le plan
sommaire est formulé à partir de la problématique.

D. Le plan
Le plan sommaire (indication des deux ou trois grandes parties) est
formulé en se fondant sur les éléments de la problématique (on
transforme le point de vue exprimé dans la problématique en
intitulés de parties). Ensuite, en reprenant les éléments identifiés
dans l’analyse synthétique, on va formuler le titre des sous-parties
(deux ou trois, le même nombre dans chaque partie) puis on
détermine le thème de chaque paragraphe de chaque sous-partie.
Puis, il convient de rédiger en style télégraphique (rédaction
sommaire non conjuguée mais précise) les principales idées et
arguments appuyant le raisonnement. Enfin, il est temps de rédiger
la dissertation, en reprenant sous forme de phrases complètes les
idées contenues dans le plan détaillé.
Il convient alors de n’avoir en face de soi que le texte du plan
détaillé, à l’exclusion de tout autre document, afin de ne pas risquer
de se perdre dans ses feuilles de brouillon. Comme précédemment,
il doit être rédigé sur des feuilles recto numérotées.
Sous réserve des indications spécifiques fournies pour tel concours
particulier, le plan d’une dissertation de culture générale peut être
composé de deux ou trois parties d’égale longueur, en fonction de la
problématique choisie. Le plan en deux parties est souvent
considéré comme plus classique. Chaque partie comporte deux ou
trois sous parties elles-mêmes divisées en un nombre variable de
paragraphes. Il faut aller à la ligne et rédiger un paragraphe pour
chaque nouvelle idée.
Le plan peut en principe être matérialisé par des titres et des sous-
titres, à condition que ceux-ci soient discrets dans leur taille comme
dans leur libellé (c’est une dissertation, pas un concours de
scrapbooking !). Il convient de séparer les différentes parties et sous
parties par une ou deux lignes matérialisant l’apparition d’un
nouveau libellé.
Il est possible, sauf indication contraire pour tel concours, d’adopter
un plan non apparent. Outre que cela demande une beaucoup plus
grande attention au cours de la rédaction afin que le propos
demeure clair et construit, il est alors indispensable de rédiger des
phrases de liaison (« après avoir vu que… nous allons aborder… »)
et de prévoir une véritable police de sauts de ligne entre parties,
sous-parties et paragraphe, qui constituent en fait une autre forme
de matérialisation du plan mais sans rédaction formelle de titre.

E. La rédaction
Pour vous faire une idée du style rédactionnel attendu dans les
copies de concours, vous pouvez vous inspirer du texte des
circulaires qui sont publiées sur le site Légifrance. Il convient de
rédiger en écrivant des phrases courtes, ce qui facilite le contrôle de
la cohérence et de l’intelligibilité de votre propos au fur et à mesure
que vous rédigez. Il faut écrire de manière nuancée et précise et ne
pas utiliser d’effets littéraires tels que l’abus de la forme exclamative
ou interrogative. Il faut utiliser un vocabulaire adapté, notamment par
une utilisation raisonnable et à bon escient des termes techniques,
sans céder à la facilité du vocabulaire ou du style à la mode. S’il est
indispensable de maîtriser le langage technique de l’administration
et de savoir l’utiliser à bon escient, il faut toujours garder à l’esprit
que le caractère général de l’épreuve sous-entend que le propos de
l’auteur doit être compréhensible par les non-techniciens. Si les
initiales courantes et bien connues peuvent être utilisées telles
quelles (SNCF…), les autres doivent être explicitées lors de leur
première utilisation. Il faut prendre garde aux répétitions. Si quelques
fautes d’étourderie non répétitives ne prêtent pas à conséquence, la
méconnaissance de l’orthographe, de la grammaire et de la syntaxe
sont sanctionnées.
L’usage de l’écriture inclusive est prohibé par la circulaire du
Premier ministre du 21 novembre 2017, qui impose aux
administrations de respecter les règles grammaticales et
syntaxiques en vigueur dans la rédaction des actes administratifs, ce
qui ne s’oppose pas à son usage dans des publications à caractère
non administratif, tels que des supports de communication (CE,
28 février 2019). Une circulaire du 5 mai 2021 du ministre de
l’Éducation nationale va dans le même sens. Il n’existe pas de
dispositions claires concernant les copies de concours administratifs
en la matière mais il est sans doute préférable, ne serait-ce que pour
la clarté du propos, d’éviter l’usage de l’écriture inclusive. La
féminisation de titres ou de fonctions suit les règles fixées par les
glossaires officiels disponibles sur Légifrance (circulaire du
21 novembre 2017).
Bien évidemment, il faut écrire de manière très lisible avec une
encre sombre (noire ou bleu marine).
Tout au long du travail de dissertation, depuis les définitions,
jusqu’à la fin de la rédaction, il convient de faire attention à la
maîtrise du temps. Lors des entraînements, essayez de prendre des
repères et de mesurer de combien de temps, environ, vous avez
besoin pour effectuer les différentes opérations déjà décrites
(définition, analyse, synthèse, problématique, différentes étapes du
plan, rédaction). Cette analyse vous permet de déterminer à quelle
étape vous pouvez gagner du temps et à quelle autre vous devez
consacrer plus de temps. Chacun à ses forces et ses faiblesses. Il
ne faut pas les nier mais apprendre à les connaître pour les maîtriser
et savoir les utiliser pour être en mesure de réaliser le travail
demandé, dans le temps prévu et selon les canons exigés.

F. L’introduction
Une fois le plan détaillé définitivement élaboré et comprenant la
mention de l’ensemble des idées et arguments, on doit rédiger
l’introduction. Si l’on a assez de temps, il est recommandé de la
rédiger une première fois au brouillon afin de pouvoir en peaufiner la
rédaction avant de la recopier sur la copie. Cela permet une
rédaction plus soignée et fluide, sans rature. Elle n’est pas
matérialisée sous le titre « Introduction » et est directement rédigée
en commençant par la phrase d’attaque.
En pratique, l’introduction est un élément capital de la dissertation.
Lorsque le correcteur est arrivé au terme de la dissertation, il peut lui
arriver de relire, au moins en diagonale, l’introduction et la
problématique. L’introduction est donc la première, mais aussi
souvent l’ultime impression qu’a le correcteur de votre travail.
L’introduction permet de contextualiser et de présenter le sujet en
énonçant successivement la définition des termes du sujet,
l’évolution historique et l’actualité de la question. Elle est également
l’occasion de mentionner sans les développer, certains aspects
périphériques du sujet qui n’ont pas leur place dans le
développement principal mais qui permettent d’éclairer le
raisonnement. Elle est le moyen pour le candidat de proposer et de
justifier l’orientation qu’il va donner au sujet par l’annonce de la
problématique, et du plan. C’est pourquoi l’introduction ne peut être
conçue qu’au terme de l’élaboration du plan détaillé, lorsque le
candidat a défini l’ensemble de son argumentaire.
L’introduction ne se limite pas à quelques lignes mais constitue en
fait une véritable partie de la dissertation. Elle peut représenter
jusqu’à un quart, voire un tiers du total du texte.
L’introduction classique comporte les éléments suivants :
– la phrase d’attaque (qui peut être, par exemple une citation ou le
rappel d’un évènement ou la définition des termes) ;
– le rappel du contexte et des enjeux du sujet au travers d’un
rappel historique et d’actualité, éventuellement d’une
comparaison avec d’autre pays ou l’analyse d’aspects
internationaux ; c’est alors que l’on peut éventuellement
mentionner certains aspects secondaires du sujet pour n’y plus
revenir ensuite ;
– la formulation de la problématique, c’est-à-dire de la conception
que le candidat a du sujet ;
– l’annonce du plan sommaire (formulation des deux ou trois
parties).

G. La conclusion
La conclusion est nécessairement courte et ne comporte que
quelques phrases. Elle n’est pas matérialisée en tant que telle (pas
de titre « Conclusion » ou de formule « Pour conclure… ») mais se
situe dans le prolongement de la dernière phrase du dernier
paragraphe de la dernière sous partie et évite que la dissertation se
termine de manière trop abrupte. La conclusion n’est jamais un
résumé de la dissertation mais est une synthèse de l’argumentaire
de l’auteur.
Si le sujet était posé sous une forme interrogative, la conclusion est
l’occasion de répondre formellement en s’appuyant sur
l’argumentaire précédemment développé. Si le sujet était posé sous
une forme affirmative, la conclusion permet d’ouvrir le sujet sur une
problématique voisine dans la continuité de l’analyse proposée par
le candidat.

IV Exemples de sujets de dissertation traités

A. Premier sujet : « Avoir 20 ans en 2022 »


1. Définition des termes du sujet
🠶 20 ans :
20 ans est l’âge symbolique de la jeunesse : « Fêter ses 20 ans »
(mais le premier âge jubilaire, pour célébrer un mariage, une
institution ou un évènement est 25 ans, le quart de siècle, et non
20 ans). Voir aussi la célèbre chanson composée en 1935 et objet
de nombreuses reprises « On n’a pas tous les jours 20 ans » (« On
n’a pas tous les jours 20 ans, ça nous arrive une fois seulement »
(avoir n’importe quel autre âge n’arrive qu’une fois seulement
aussi !), qui est révélatrice de l’association, des 20 ans à la
jeunesse :
20 ans par rapport à la majorité civile (25 ans sous l’Ancien régime,
puis 21 ans, 18 ans depuis 1975) avec les conséquences que cela
emporte en termes d’indépendance et de responsabilité.
D’ailleurs, au temps de la conscription, l’âge du service militaire
pour les jeunes hommes était en principe 20 ans (sauf dérogation de
quelques années en plus ou en moins selon les circonstances :
devancement d’appel, soutien de famille, poursuite d’études…).
Cette idée se retrouve aussi, par exemple, avec le titre du célèbre
film de René Vautier (1972) « Avoir 20 ans dans les Aurès », sur les
appelés du contingent en Algérie (voir dans le passé : les « Marie-
Louise », jeunes soldats mobilisés en 1814 lors de l’invasion ; les
« bleuet », mobilisés en avance après les pertes des premières
années de guerre en 1916-1917…). 20 ans est aussi la marque
d’une génération et donc d’une certaine forme d’unité ou de
communion de comportement entre la plupart des membres d’une
classe d’âge (exemple : « génération du feu » composée des
anciens combattants ayant connu les tranchées par rapport à
d’autres hommes, un peu plus âgés ou un peu plus jeunes n’ayant
pas connu cette expérience ; « babyboomer », dans un registre
moins tragique : cette génération, accusée parfois d’avoir tiré tous
les bénéfices des Trente glorieuses, du progrès social, de l’évolution
des mœurs, sans en avoir connu les contrecoups ou de ne pas avoir
accepté en temps utile certaines réformes, notamment sur les
retraites ou l’indemnisation du chômage, qui pèsent aujourd’hui sur
les jeunes ; aspect circonstanciel de la crise du Covid : les mesures
restrictives de liberté adoptées dans la lutte contre la propagation de
l’épidémie ont d’abord pesé sur les jeunes en les empêchant de
pouvoir « vivre leurs 20 ans » avec insouciance en pouvant voyager,
faire la fête… Attention toutefois à ne pas limiter la question au seul
aspect festif car l’impact de la crise affecte aussi les études et le
travail des jeunes). On calcule l’appartenance à telle génération par
tranches d’une vingtaine d’années. On peut réfléchir au sort et aux
préoccupations d’autres générations :
🠶 Avoir 20 ans :
– Dans la préhistoire : être un adulte déjà avancé dans la vie (il
était rare de dépasser 35 ans) ;
– En 1348 (année de la Grande peste noire : un tiers des
Européens morts) ou en 1720 (grande peste de Marseille) ;
– Sous l’Ancien régime : être encore sous l’autorité de sa famille
(nécessité de « respectueuses remontrances » par voie de
notaire pour accomplir certains actes comme le mariage, voir ce
thème dans les pièces de Molière) ;
– En 1804-1815 (guerres de l’Empire), 1832 (choléra), 1914, en
1940 ou en 1960 (guerre) ; en 1918 (guerre et grippe
espagnole) ;
– En 1789-1799, 1830, 1848, 1871, 1917, 1968 (révolte,
revendication d’un certain romantisme).
– Avoir 20 ans en Ukraine, en Russie, à Taiwan, dans le contexte
des actuelles tensions internationales du début 2022.
Avoir 20 ans où ? dans quel milieu social ? en centre-ville,
banlieue, zone rurale ? en métropole ou outre-mer ? en France ou
Europe ? En Amérique du Nord ou en Amérique latine ? En
Afrique ? Au Moyen-Orient ? en Asie (Chine, Japon, Corée, Viet-
Nam… ?).
En contrepoint : avoir 10, 40, 50, 70, 90 ans en 2022 ? Quelles
sont les problématiques communes (pertes de proches, souffrances
liées au confinement ou au couvre-feu et à la limitation de la vie
sociale, inquiétude sur l’avenir social et économique et social de la
Nation…) et les problématiques spécifiques (pour les plus de 6 ans,
obligation du masque en classe et impossibilité de jouer dehors
durant le confinement ; pour les 40/50 ans, craintes liées à la perte
d’emploi ; pour les 70/90 ans, question de la maladie, des soins, des
vaccins, de la solitude…) ?
À quelque période que ce soit, la jeunesse a toujours eu le
sentiment de ne pas être comprise par les adultes et d’être
empêchés de pouvoir être libre ou d’accéder à des opportunités (voir
les pièces de Molière ou le mouvement romantique au xixe siècle par
exemple). Par ailleurs, les revendications de la jeunesse ont toujours
pris une forme provocatrice dans les paroles ou les vêtements
notamment (voir, par exemple, les « incroyables » sous le Directoire,
les jeunes romantiques chevelus en 1830, la « bohème artistique »
dans les années 1840-1880, les zazous dans les années 1940, les
« teddy-boys » dans les années 1950, les « yéyés » et les
« blousons noirs » dans les années 1960, les hippies dans les
années 1970, les punks dans les années 1970 et 1980, les
gothiques et les émaux plus récemment…). La situation sanitaire a
donc pour effet d’aggraver (et non de créer) un sentiment qui est
habituel et est la marque de l’affirmation de la jeune génération par
rapport à celles qui l’ont précédée.
🠶 2022 :
L’année est importante en raison du contexte particulier de la
situation sanitaire depuis 2020 mais on ne doit pas restreindre
autant le sujet et 2022 doit se comprendre comme concernant la
période présente. Il s’agit donc de réfléchir sur la situation de la
jeunesse contemporaine et pas dans une année précise.
Avoir 20 ans en 2022, signifie, au-delà des difficultés de cette
génération en raison de la crise sanitaire, d’envisager la situation
des jeunes par rapport à diverses thématiques elle aussi
classiques relatives à la crise économique, financière, sociale,
culturelle, éducative… que connaît notre pays.
À noter qu’en 2020 est paru l’ouvrage de C. Attias-Doufit et
M. Ségala : Avoir 20 ans en 2020, le vrai fossé des générations,
Odile Jacob, 2020. Selon cet ouvrage, qui est une enquête menée
auprès d’une centaine d’étudiants par deux sociologues, entre les
jeunes dans la vingtaine d’aujourd’hui et les générations
précédentes s’est instaurée une coupure inédite et profonde,
constituant un véritable fossé.

Finalement, le sujet invite les candidats à réfléchir aux


caractéristiques de la jeunesse aujourd’hui. Ce sujet est classique
(« Les aspirations de la jeunesse » fut, par exemple, donné au
concours d’inspecteur du travail en 2015), même s’il prend une
coloration particulière du fait de la crise sanitaire.
🠶 Jeunesse :
Période de la vie entre l’enfance et l’âge mûr (Larousse). Elle se
situe effectivement autour des vingt ans d’un individu.
À noter toutefois l’invention en occident à partir du xviiie siècle de la
notion d’adolescence, âge intermédiaire entre l’enfance et la
jeunesse (entre environ 13 et 20 ans)
À noter que la jeunesse peut également caractériser des traits
physiques ou moraux propres aux jeunes maintenus chez des
personnes qui ne sont plus jeunes (ex : la jeunesse d’esprit, le culte
du « jeunisme » et le refus de vieillir…).
La jeunesse est donc la période la vie comprise entre l’enfance et
l’âge mûr (qui n’est pas encore la vieillesse) : elle exclut donc
l’enfance mais intègre l’adolescence ainsi que le jeune adulte avant
l’âge mûr.
Le sujet porte donc sur la situation de ce groupe spécifique.

2. Analyse synthétique
🠶 Éléments généraux sur la jeunesse :
Dans l’ensemble des sociétés c’est une période qui est connotée
d’éléments positifs (santé, beauté, plénitude des capacités,
innocence, période d’apprentissage, de formation et de réalisation,
idéalisation, valeurs positives, altruisme…). Toutefois, à l’opposé du
« jeunisme » des sociétés occidentales, les sociétés traditionnelles
opposent à l’inexpérience de la jeunesse, la sagesse et l’expérience
des anciens dans le fonctionnement de la société (« sages », c’est-
à-dire « anciens » dont la parole est écoutée ; tentative dans les
sociétés occidentales sur certaines questions de recourir à des
« sages », qui sont généralement issus des classes sociales
favorisées diplômés et, souvent, de la haute fonction publique.
La jeunesse, souvent période d’interrogation, de romantisme et de
révolte contre l’ordre établi (parfois aussi conformisme de la
jeunesse sur certaines questions : ainsi, en 1979, l’Express qualifiait
les jeunes nés au début des années 1960, considérés comme peu
mobilisés et trop conformistes, de « Bof génération », par opposition
avec la génération de 1968, vue comme plus engagée et militante
sur les grands débats de société.
La jeunesse peut également caractériser des traits physiques ou
moraux propres aux jeunes maintenus chez des personnes qui ne
sont plus jeunes (ex : la jeunesse d’esprit, le culte du « jeunisme » et
refus de vieillir…).
La jeunesse est donc la période la vie comprise entre l’enfance et
l’âge mûr (qui n’est pas encore la vieillesse) : elle exclut donc
l’enfance mais intègre l’adolescence ainsi que le jeune adulte avant
l’âge mûr (selon les études, on est considéré comme « sénior », le
mot politiquement correct pour l’âge mûr, entre 45 et 50 ans).
L’adolescence (concept apparu au xviiie siècle) est un âge
intermédiaire entre l’enfance et la jeunesse (entre environ 13 et
20 ans) au cours duquel se produit la puberté et se forme la pensée
abstraite (dans les sociétés traditionnelles l’adolescence n’existe pas
car le passage de l’enfance à l’âge adulte se produit avec la capacité
d’avoir soi-même des enfants, le plus souvent au travers de rites
initiatiques différenciés selon le sexe). Dans nos sociétés, l’enfance
est donc la période entre la naissance et l’adolescence.
On peut donc considérer qu’une personne se rattache à la
« jeunesse » entre environ (ce n’est évidemment pas une science
exacte ou une norme) 13 et 30 ans (la période entre 30 et 50 ans
étant celle du passage progressif à la maturité). À noter la notion
récente d’« adulescence », qui fait référence à des personnes
adultes, ayant acquis leur indépendance et achevé leurs études
mais qui conservent les codes et les comportements de
l’adolescence (exemple : le film « Tanguy » en 2001), notamment en
termes de loisirs ou de maintien au domicile familial même après
avoir acquis l’autonomie financière. Rappel de la citation de Paul
Nizan « J’avais vingt ans, je ne laisserai personne dire que c’est le
plus bel âge de la vie » (1932), mais aussi nostalgie de la jeunesse
chez les adultes (voir les souvenirs d’enfance qui parsèment les
mémoires de différentes personnalités, sans parler de nombreuses
personnes tentées de rappeler tel épisode de leur enfance ou
jeunesse à leur entourage).
La jeunesse concerne à la fois des personnes mineures et
majeures, ce qui n’est pas sans conséquences sur le contenu
comme la réalisation de leurs aspirations (les majeurs ont la
capacité juridique, peuvent voter, être candidats, travailler…, alors
que les mineurs restent soumis à un régime juridique de protection
et astreint à certaines obligations comme l’obligation scolaire jusqu’à
16 ans. À noter que le sujet vise surtout les jeunes majeurs (20 ans)
pas toujours encore autonomes au plan financier.
Le rallongement de la durée des études (et donc de la période
durant laquelle, la plupart du temps, le jeune n’est pas
financièrement totalement indépendant) rallonge aussi du coup la
période de la jeunesse (il y a une vingtaine d’années encore on
estimait à 25 ans la fin de la jeunesse, contre environ 30 ans
aujourd’hui). En effet, voici encore une cinquantaine d’années en
France, l’enfance s’achevait avec la fin de la scolarité obligatoire (12,
14 puis 16 ans) et l’entrée dans la vie active après une période de
formation souvent brève. Les enfants et les jeunes devaient
participer avec les autres membres de la famille à l’activité
économique de cette dernière pour assurer la vie courante en
attendant de former leur propre famille.
Question des rites de passage des âges : ils sont très importants
dans les sociétés traditionnelles et correspondent généralement à la
maturité sexuelle de l’individu, qui le fait passer de l’enfance et l’état
de jeune adulte, car il peut à son pour fonder une famille et
perpétuer la vie, occuper sa place dans le groupe (exemples : les
rituels guerriers pour les garçons et ceux liés à l’apparition de la
ménorrhée pour les filles). Dans les sociétés occidentales les rites
de passage à l’âge adulte tendent à disparaître (exemples : rôle joué
jadis par le commencement précoce de la vie active parle travail puis
le mariage pour les deux sexes, le service militaire pour les hommes
et la maternité pour les femmes). De nos jours, il ne reste guère que
le bac comme rite de passage (environ 90 % d’une classe d’âge),
c’est d’ailleurs l’une des raisons du maintien de cet examen en dépit
des nombreuses critiques formulées à son encontre en raison de la
massification. Les rites de passage traditionnels à l’âge adulte et à
l’autonomie, tel le service militaire, n’ont pas été rénovés ou
remplacés par d’autres rites, ce qui contribue sans doute à rallonger
la période intermédiaire de « l’adulescence » déjà évoquée en ne
matérialisant pas nettement une ligne de passage vers l’âge
proprement adulte.
🠶 Les institutions publiques et la jeunesse :
La jeunesse dispose depuis 1936 d’un département ministériel
spécifique, généralement rattaché aux sports et distinct de
l’éducation nationale, qui était auparavant le seul ministère
s’occupant de la jeunesse. Il ne faut toutefois pas oublier les actions
du ministère de la défense en direction de la jeunesse au travers de
la gestion de la conscription au temps du service militaire obligatoire
(jusqu’en 2002) et de l’accès aux carrières militaires volontaires
encore de nos jours (à noter que, dans le débat relatif à la lutte
contre les violences urbaines, notamment commises par des jeunes,
revient périodiquement la question de savoir si l’armée pourrait jouer
un rôle éducatif en la matière, au travers d’un service obligatoire
rénové, sous forme notamment d’un service civique volontaire ou
obligatoire ouvert aux jeunes entre 16 et 25 ans, prolongeables dans
certains cas jusqu’à 30 ans).
La jeunesse a été également un axe prioritaire du régime de Vichy,
sous l’angle de la famille mais aussi sous celui du redressement de
la France par les jeunes générations : nouvelle devise de l’État, mise
en place en 1940 des « Chantiers de la jeunesse » (forme
alternative de service non armé, la conscription étant interdite par
l’armistice), diverses organisations de jeunesse créées par les partis
collaborationnistes. D’ailleurs, la jeunesse a toujours été un axe
prioritaire d’action dans les États totalitaires (Jeunesse hitlérienne,
Balilla en Italie, Pionniers en URSS…). À noter que l’hymne fasciste
était intitulé « Giovinezza » (Jeunesse). Toutefois, même dans les
démocraties, les partis politiques de toutes tendances disposent
d’organisations rassemblant les jeunes. Par ailleurs, différents
organismes professionnels ou syndicaux ont créé des groupes
spécifiquement ouverts aux jeunes (jeunes agriculteurs, jeunes
avocats…) Il y a des actions publiques en faveur de la jeunesse
dans les pays libéraux (rappel : la jeunesse placée au centre du
projet présidentiel de F. Hollande en 2012 ou de E. Macron en 2017,
mais sans avancée majeure depuis).
Dans toutes les collectivités territoriales, il existe un service en
charge de la jeunesse (souvent distinguée de l’enfance, parfois
rattachée au sport). De nombreuses entreprises et structures
s’intéressent à la jeunesse, soit en tant que cible marketing
prioritaire, soit comme objet d’études ou pour adapter les services
proposés (ex : la SNCF propose des prix spécifiques en faveur des
jeunes ou des personnes âgées à la fois pour un motif purement
commercial mais aussi parce que ce sont des classes d’âges qui ont
plus de loisir pour voyager mais ont un pouvoir d’achat moins élevé
que les actifs).
🠶 Vie culturelle de la jeunesse :
Vie culturelle spécifique de la jeunesse, qui a ses lieux, ses modes
d’expressions, ses auteurs, ses artistes… Cas intéressant du
rock’n’roll qui, dans les années 1950 était un signe de révolte de la
jeunesse contre les adultes et la société bourgeoise et qui est
devenu aujourd’hui un mode d’expression très consensuel et
largement transgénérationnel (Jacques Chirac et Jean-Pierre
Raffarin fans de J. Halliday, Mathieu Pigasse amateur de métal rock
et de musique punk…), sans parler de la génération de bénéfices
considérables entre les mains d’artistes se réclamant parfois
pourtant de l’hostilité au monde de l’argent. Même remarque à
propos de la bande dessinée jadis considérée comme un genre
mineur à destination des enfants puis des jeunes et admise
aujourd’hui comme un art à part entière séduisant des lecteurs de
toutes les classes d’âge (et depuis longtemps : voir Tintin, dont la
cible est dès l’origine les jeunes de 7 à 77 ans). Importance
considérable d’internet et des nouvelles technologies (la génération
qui a 20 ans aujourd’hui n’a pas connu l’époque sans internet,
ordinateurs, portables…). Pour la génération ayant actuellement une
vingtaine d’années, être connecté fait partie d’un comportement
ordinaire et d’un univers familier. Cela peut avoir des incidences sur
son comportement (notamment le risque d’isolement social au
travers du phénomène des Nerds et des Gicks, la réduction chez
certains de la pratique d’autres activités comme le sport, la lecture…
avec le risque de l’isolement social par la perte de liens avec des
personnes réelles au profit de relations essentiellement virtuelles).
La pratique du sport est également considérée comme étant un
marqueur de la jeunesse. Noter que cette activité a été également
fortement gênée par la crise sanitaire. Par ailleurs, au plan
administratif, jeunesse et sport sont regroupés au sein du même
ministère. La pratique du sport dans un but de santé publique est
valorisée aussi dans le cadre de l’éducation nationale. L’un des
problèmes de santé majeur est le développement de l’obésité, due
au manque de pratique sportive ou de dépense physique d’un
nombre croissant de jeunes (aggravation lors des confinements et
des restrictions de pratique lors de l’épidémie).
🠶 La crise sanitaire comme circonstance aggravante d’un état des
lieux sur la jeunesse :
Au-delà des grandes tendances déjà évoquées, relatives à la
position de la jeunesse dans la société et que l’on retrouve à
différentes époques, il convient de souligner la tonalité particulière
du sujet en raison de la crise sanitaire. Le président de la
République a d’ailleurs pu affirmer « qu’il est dur d’avoir 20 ans en
2020 » (constat qui évidemment vaut pour les années suivantes) :
– conséquences économiques et sociales liées à cette crise, qui
pèsent particulièrement sur les jeunes (plus grande difficulté à
trouver un emploi ou à créer une entreprise, impossibilité
d’exercer de nombreux métiers habituellement pratiqués par les
étudiants, par exemple dans la vente ou la restauration…) ;
– fermeture des lieux de sociabilité (restaurants, bars, cinémas,
concerts, musées…) et des lieux de rencontre à un âge où la
sociabilité est importante et constitue un moyen d’évasion ;
– sentiment d’être privé par la crise d’un temps de liberté ou
d’insouciance, propre à la jeunesse, qui ne reviendra pas
(formule souvent entendue : « on nous a volé nos 20 ans »).
Toutefois, dans les périodes déjà évoquées (avoir 20 ans en :
1914, 1940…) le risque et le sacrifice imposés à la jeunesse
étaient également injustes et pénalisants ;
– solitude et isolement des jeunes éloignés de leur famille,
notamment les étudiants, pendant le confinement ;
– sentiment d’inquiétude face à la maladie et à l’avenir (en raison
des aspects économiques et sociaux de la crise), notamment des
proches, commun à toutes les générations ; cette inquiétude peut
se traduire parfois par la violence contre la société (voir le débat
sur les « bandes »), les institutions (débat sur le rapport des
jeunes à l’autorité, notamment vis-à-vis de la police, des
professeurs…) ou eux-mêmes (augmentation des suicides depuis
la crise sanitaire).
Chaque époque se caractérise par l’apport de sa jeunesse au
débat commun : ex : les quarante-huitard lors de la IIe République,
dont l’influence se fera sentir même après 1870, la jeunesse
combattante en 1914, la jeunesse résistante, « fureur de vivre »
(James Dean) et rock’n’roll dans les années 1950 et 1960, les
soixante-huitards, la « Bof génération » (L’Express 1979 pour les
jeunes nés vers 1960), génération X, Y et Z…
Remarque : la commémoration du cinquantenaire de mai 1968,
pourtant évènement majeur d’un certain réveil de la jeunesse, a été
finalement très discrète, en partie en raison du contexte :
mouvement des gilets jaunes, remise en cause de la « pensée
soixante-huit » (selon la célèbre formule de Luc Ferry et Alain
Renaut ; pensée également dénoncée par Alain Finkielkraut ou Éric
Zemmour, mais défendue par d’autres comme Daniel Cohn-Bendit
ou Romain Goupil car libératrice), récentes affaires à l’occasion
desquelles les excès de la révolution des mœurs initiées après 1968
ont été dénoncés… À noter que la commémoration du
cinquantenaire revenait aussi à institutionnaliser et à figer ce qui fut
au départ un mouvement de révolte spontanée à l’encontre des
dirigeants et des adultes.
La jeunesse faisant partie de la société française elle est
évidemment exposée au contexte général vécu par l’ensemble des
Français de toutes les générations qui va évidemment influer sur ses
aspirations. Ainsi, la crise sanitaire, même si elle a un impact
spécifique sur les jeunes, touche l’ensemble de la société et des
générations. On peut considérer que la jeunesse a des aspirations
dans divers domaines, notamment : la formation, l’emploi et la vie
professionnelle, la place dans la société, la famille, la vie politique,
économique et culturelle, les loisirs, le sport… On peut aussi se
demander si on doit parler des aspirations de la jeunesse en
général, ou bien s’il faut envisager des sous catégories
(majeurs/mineurs, hommes/femmes, urbains/ruraux,
centre/banlieue, français de souche/immigrés de telle génération,
diplômés/non diplômés ; milieu aisé/pauvre…Tel que le sujet se
présente on doit envisager la jeunesse de manière globale, ce qui
n’empêche pas de pointer à l’occasion certaines particularités
propres à certains jeunes et en soulignant que cette notion
générique n’est pas exempte d’hétérogénéité). Voir l’étude du
CREDOC en 2006, qui s’interrogeait sur le plan de savoir si l’on
pouvait parler d’une opinion de la jeunesse, tant cette catégorie est
diverse.

En même temps, la situation de la jeunesse est influencée par la


mondialisation et par le développement de la nomadisation,
notamment au travers des nouvelles technologies et des études
(Erasmus). Une question intéressante est de déterminer en quoi la
jeunesse est mondialisée, en quoi elle reste attachée aux racines et
à l’ordre ancien (le Rassemblement National est le premier parti pour
lequel les jeunes issus de milieu populaire votent).
Il se pose, sur tous ces domaines, la question de la place de la
jeunesse. Comme en a témoigné la campagne d’Emmanuel Macron
en 2017 et le renouvellement attendu de la classe dirigeante et des
pratiques. Existence, à toutes les époques et pas seulement la
nôtre, d’un sentiment que la jeunesse n’a pas sa place, qu’elle voit
son avenir hypothéqué par la crise économique et par les maux de
la société française (endettement public, chômage, dégradation de
la situation internationale, terrorisme, violence, dégradation de
l’environnement, conséquences de la massification de
l’enseignement…). En même temps, engagement de la jeunesse en
faveur de diverses causes (ex : environnement, humanitaire…).
Question de l’accès à l’emploi (des diplômes mais souvent des
emplois précaires en CDD) et donc à l’autonomie financière et
familiale.
Sentiment d’inquiétude de la jeunesse, notamment quant à la
possibilité de devenir rapidement autonome et de trouver sa place.
Poids des inégalités sociales entre les jeunes quant à la définition de
leur avenir.

Au-delà des aspects spécifiques déjà mentionnés de la crise du


coronavirus, question de la crise intergénérationnelle et des diverses
fractures : en matière d’économie, d’environnement… Avoir 20 ans
en 2022 comme en n’importe quelle année, c’est refuser la
résignation face aux incompréhensions et aux difficultés et se battre
pour un nouvel idéal.
🠶 Quelques chiffres :
Enquête pour la journée nationale des jeunes de 2013 :
– 69 % se sentent heureux et biens dans leur peau (10 % se
sentent à la fois heureux et inquiets, 76 % des garçons et 67 %
des filles sont optimistes).
– 31 % déclarent être « en recherche ».
– 81 % se sentent soutenus par leur famille (cf. la famille comme
lieu de solidarité et d’épanouissement).
– 64 % perçoivent négativement la société et veulent la changer.
Par ailleur, 40 % environ des jeunes se sont abstenus lors du 1er
tour de l’élection présidentielle de 2022.
Concernant le monde du travail : 38 % perçoivent le monde du
travail comme à la fois positif et négatif, 29 % comme positif, 33 %
comme négatif ; 28 % voit le monde du travail comme difficile, 8 %
comme un monde de profit, 5 % comme un monde de contraintes ;
80 % prêts à travailler dans une PME ; 88 % attendent un cadre de
travail stimulant pour lequel ils sont prêts à s’engager ; 72 % ont un
projet professionnel, 42 % ont un projet professionnel qui les
enthousiasme.
🠶 Enquête de 2016 du ministère de la jeunesse :
Il ressort de cette étude que les jeunes considèrent le travail
comme étant une valeur et plébiscitent la mobilité mais difficultés
nées de la situation économique, encore aggravée par la crise
Covid.
67 % des jeunes français (contre 63 % ailleurs) estiment que leurs
compétences ne sont pas assez prises en compte.

Deux dangers : d’une part transformer la dissertation en un


catalogue sans réelle analyse, d’autre part de limiter le propos à des
aspirations trop personnelles (il s’agit de donner les aspirations
d’une génération, non celles, toutes légitimes qu’elles puissent être,
d’un individu). Il faut donc essayer de réfléchir par catégories plutôt
que de faire une liste.

3. Problématique
En 2022, comme toujours, les jeunes veulent à la fois s’intégrer au
monde et le faire évoluer conformément à leurs propres idéaux.
4. Plan sommaire (reprendre les éléments de l’analyse
synthétique)
🠶 Introduction :
– Définitions ;
• évolution historique (avoir 20 ans en…) ;
• situation actuelle ; caractère hétérogène de la notion de
jeunesse ; existence d’éléments communs mais, aussi de
diverses sous-catégories ; aggravation de la question en raison
de la crise sanitaire et des conséquences du confinement ;
– Indiquer que le sujet porte en réalité sur la jeunesse (non limitée
à la classe d’âge de 20 ans) ;
– Problématique et annonce du plan
I. La volonté de s’intégrer au monde et à la société
A. Dans le domaine du travail
– Question de l’accès à l’emploi (des diplômes mais souvent des
emplois précaires en CDD) et donc à l’autonomie financière et
familiale, là aussi aggravée par les conséquences économiques
et sociales de la crise sanitaire.
– Sentiment d’inquiétude de la jeunesse, notamment quant à la
possibilité de devenir rapidement autonome et de trouver sa
place. Poids des inégalités sociales entre les jeunes quant à la
définition de leur avenir.
– 38 % perçoivent le monde du travail comme à la fois positif et
négatif, 29 % comme positif, 33 % comme négatif ; 28 % voit le
monde du travail comme difficile, 8 % comme un monde de profit,
5 % comme un monde de contraintes ; 80 % prêts à travailler
dans une PME ; 88 % attendent un cadre de travail stimulant
pour lequel ils sont prêts à s’engager ; 72 % ont un projet
professionnel, 42 % ont un projet professionnel qui les
enthousiasme.
B. Dans le domaine sociétal et politique
– Enjeu de la jeunesse dans le débat public (ministère, projets,
collectivités territoriales…).
– Sentiment d’inquiétude de la jeunesse, notamment quant à la
possibilité de devenir rapidement autonome et de trouver sa
place. Poids des inégalités sociales entre les jeunes quant à la
définition de leur avenir ; cette inquiétude peut se traduire parfois
par la violence contre la société (voir le débat sur les « bandes »),
les institutions (débat sur le rapport des jeunes à l’autorité,
notamment vis-à-vis de la police, des professeurs…) ou eux-
mêmes (augmentation des suicides depuis la crise sanitaire).
– Sentiment que la jeunesse n’a pas sa place, qu’elle voit son
avenir hypothéqué par la crise économique, l’attitude égoïste des
générations précédentes (sentiments que c’était mieux avant et
de s’être fait voler ses 20 ans) et par les maux de la société
française (endettement public, chômage, dégradation de la
situation internationale, terrorisme, dégradation de
l’environnement, conséquences de la massification de
l’enseignement, violences urbaines, cas des bandes…).
– Rajeunissement et féminisation dans le monde politique depuis
2017, qui n’empêche pas (voir Pierre Bourdieu) que le pouvoir
reste entre les mains d’héritiers issus des classes favorisées.
– Abstention pour élevés les jeunes aux élections (40 % en 2022
au 1er tour de la présidentielle).
II. La volonté de faire évoluer le monde et la société
A. Les incidences de la révolution numérique
– Vie culturelle spécifique de la jeunesse, qui a ses lieux, ses
modes d’expressions, ses auteurs, ses artistes… Noter
l’incidence de la crise sanitaire qui réduit à néant ces pratiques et
cette sociabilité (sauf en ligne). Cas intéressant du rock’n’roll qui,
dans les années 1950 était un signe de révolte de la jeunesse
contre les adultes et la société bourgeoise et qui est devenu
aujourd’hui un mode d’expression très consensuel et largement
transgénérationnel. Même remarque à propos de la bande
dessinée jadis considérée comme un genre mineur à destination
des enfants puis des jeunes et admise aujourd’hui comme un art
à part entière séduisant des lecteurs de toutes les classes d’âge ;
– Question de la pratique sportive, fortement limitée avec la crise
sanitaire ;
– Importance considérable d’internet et des nouvelles technologies
(la génération qui a 20 ans n’a pas connu l’époque sans internet,
ordinateurs, portables…), pour elle être connecté fait partie d’un
comportement ordinaire et cela a des incidences sur son
comportement ((notamment le risque d’isolement social au
travers du phénomène des Nerds et des Gicks, la réduction chez
certains de la pratique d’autres activités comme le sport, la
lecture…)… À noter que le numérique, s’il a permis la poursuite
d’activités durant la crise sanitaire (notamment l’enseignement et
la pratique de certains loisirs) a aussi renforcé le sentiment de
solitude et d’isolement.
B. Les incidences de la mondialisation
– Incidences en matière économique et emploi (rappel).
– La crise sanitaire, révélatrice de l’impact de la mondialisation sur
la santé.
– Influence de la mondialisation et par le développement de la
nomadisation, notamment au travers des nouvelles technologies
et des études (Erasmus). Une question intéressante est de
déterminer en quoi la jeunesse est mondialisée, en quoi elle reste
attachée aux racines et à l’ordre ancien (le Rassemblement
National est le premier parti pour lequel les jeunes issus de milieu
populaire votent).
– Aspects environnementaux, qui concernent la jeunesse en
termes d’engagement comme d’avenir de sa propre existence.
– Engagement de la jeunesse en faveur de diverses causes,
notamment humanitaires.
– Ainsi, avoir 20 ans en 2022 comme en n’importe quelle année,
c’est refuser la résignation et se battre pour un nouvel idéal.

B. Deuxième Sujet : La création artistique doit-elle être


libre ?
1. Définition des termes du sujet
🠶 Création artistique : La création, c’est fonder quelque chose qui
n’existait pas encore (Larousse) ; un artiste est une personne qui
exerce professionnellement l’un des beaux-arts (littérature,
sculpture, peinture, musique, art du comédien…). Cela peut aussi
être utilisé pour certains artisans de très haut niveau dans le
domaine des arts appliqués (exemple : haute couture,
ébénisterie…). La création artistique est donc l’expression de
l’imagination du créateur dans des œuvres originales dans le
domaine des arts. Elle se rattache plus largement à la liberté
d’expression garantie par la Constitution, dans son principe comme
dans ses limites (ordre public). Liberté de l’artiste par rapport au
secteur public (politique) mais aussi économique. La problématique
de la liberté de l’artiste par rapport aux politiques et aux entreprises
et semblable à celle déjà vue à propos du sport.
🠶 Doit : Il s’agit de déterminer si la liberté artistique constitue une
obligation ou est seulement une possibilité. Si cette obligation existe,
il convient de la qualifier : est-elle de nature juridique, politique,
économique, sociale, morale… ?
🠶 Libre : La liberté ne signifie ni la toute-puissance, ni
l’irresponsabilité (notamment juridique, mais aussi morale), l’artiste,
comme chacun, dispose de la liberté d’expression dans les limites
du droit commun c’est-à-dire sous réserve de l’ordre public défini par
la loi. Ce n’est pas aux pouvoirs publics de définir le « beau » ou le
« laid » (sinon on passe de l’ordre public à l’ordre moral). Les
pouvoirs publics définissent seulement ce qui est « légal » (au sens
de conforme à la règle de droit), dans le respect des libertés
fondamentales (ordre public). À noter que la France a connu des
périodes d’ordre moral lors desquelles l’État édictait les normes du
« beau » et du « laid » : sous l’Ancien-Régime (le roi, par les
commandes officielles oriente le goût « officiel » de l’époque, épaulé
en cela par les « Académies » qu’il protège et qui participent à cette
définition ; au xixe siècle, notamment sous la restauration et le
Second Empire, l’institution du « salon » permet de soutenir un art
officiel et de marginaliser les manifestations nouvelles, comme par
exemple les Impressionnistes. Voir aussi l’image, de l’« artiste
maudit », c’est-à-dire non reconnu par l’État comme par les
collectionneurs privés en raison de ses audaces et de la liberté
artistique qu’il exerce et dont l’existence est la « Vie de Bohème »
(pauvre mais sans entrave ni compromis sur l’art), que l’on retrouve
dans la littérature (exemples : le peintre dans le roman L’œuvre,
d’Émile Zola publié en 1886 ou les artistes dans l’opéra « La
bohême » de Giacomo Puccini présenté en 1896…).
Pour le détail des éléments de connaissances exploitables voir le
chapitre XI « Art, culture et médias) infra.

2. Problématique
La création d’œuvres d’imagination est libre dans les limites de
l’ordre public défini par la loi.

3. Plan
🠶 Introduction :
– Définitions ;
• Historique (artistes limités par le pouvoir avant 1789 car
dépendent de pensions du roi comme artistes officiels de la
couronne comme sous Louis XIV, liberté de création née de la
liberté d’expression et du principe général de liberté, périodes de
dictatures (Nazis, URSS…), exemples en France (Baudelaire et
Flaubert au xixe siècle, l’écrivain Victor Margueritte en 1920…,
notion d’artistes officiels…) ;
• Actualité (débats publics relatifs à certains artistes : Picasso,
Buren, Mc Carthy, Amish Kapoor…).
– Problématique ;
– Annonce du plan.
I. Le principe de la liberté de création artistique
A. La création artistique est une modalité de la liberté d’expression
(protection par la déclaration de 1789 et de nombreux textes
internationaux, le principe est la liberté, la restriction est
l’exception qui doit être justifiée, en principe, il n’existe pas
« d’artistes officiels » de nos jours, forte médiatisation de l’art et
des artistes, notamment par les nouveaux moyens de
communication, qui témoigne du dynamisme de la création et de
l’existence de la liberté de création…) ;
B. La liberté artistique ne s’oppose pas à l’existence de politiques
publiques en faveur de l’art (existence d’un ministère de la culture
et de services culturels dans les collectivités territoriales, théâtre
subventionné, commandes publiques d’œuvres d’art, soutien à la
création artistique, achats d’œuvres par les musées, formation et
éveil aux arts… mais par le versement d’aides financières ou
matérielles et sans ingérence dans la liberté d’expression de
l’artiste… existence aussi d’aides versées par des entreprises à
des artistes dans le cadre du mécénat, la liberté de l’artiste est-
elle mieux ou plus mal assurée face aux pouvoirs publics ou face
aux pouvoirs économiques ?…).
II. L’exception de la réserve d’ordre public
A. L’ordre public n’est pas l’ordre moral (l’ordre public est établi par
la loi et est destiné à protéger la santé publique, la salubrité
publique et la tranquillité publique ; les manifestations culturelles,
comme toute manifestation doivent être déclarées, possibilité
d’interdire une manifestation, même artistique, si menace de
comportement hostiles s’il n’existe pas de moyens de police pour
y faire face, cf. CE 1951, Société des Films Lutétia ou l’affaire
dite du « Pull-over rouge », à propos d’un film tiré d’une enquête
journalistique sur le meurtre d’un enfant et dont la diffusion a pu
être restreinte dans la ville dont était originaire la victime
(limitation de l’affichage à certaines zones, restriction du nombre
de salles pouvant projeter l’œuvre à la suite de menaces de
manifestations et de troubles. Ce n’est pas aux pouvoirs publics
de définir le « beau » ou le « laid », il leur appartient seulement
d’assurer la protection de l’ordre public…) ;
B. La loi et la responsabilité de l’artiste (protection des mineurs,
rôle de l’ARCOM en matière d’audiovisuel ou du Comité de
délivrance du visa d’exploitation en matière de cinéma, lutte
contre l’homophobie ou le racisme ou en faveur du droit des
femmes…, l’artiste ne peut pas se draper dans sa liberté pour
porter atteinte aux droits des autres, cf. les affaires Dieudonné,
mais en même temps nécessité de la libre expression, cf. la
question des caricatures ou des œuvres qui critiquent une
religion et qui ne peuvent pas être interdites mais aussi nécessité
du respect des croyances des autres).

C. Troisième sujet : La Résistance est-elle un idéal


du xxie siècle ? (ENA 2016)
1. Analyse des termes du sujet
🠶 Idéal : Ce qui atteint toute la perfection de ce que l’on peut
concevoir ou souhaiter (Le Robert), but à atteindre considéré comme
étant à la fois essentiel et indépassable (la notion d’idéal ne se limite
pas au seul cas de la Résistance : idéal chevaleresque ou idéal
révolutionnaire, par exemple).
Bien que distinct de l’utopie (utopie : vue politique ou sociale ne
tenant pas compte de la réalité selon le Robert), l’idéal est
également confronté à la réalité pour sa mise en œuvre ou son
effectivité. L’idéal est donc un objectif à atteindre dont la mise en
œuvre nécessite souvent des accommodements. Par ailleurs, au-
delà de la confrontation avec une réalité (économique, politique,
sociale…), l’idéal peut également être trahi, ou en tout cas être mis
en œuvre sans en respecter les principes mêmes par ceux qui en
sont les promoteurs et les défenseurs (l’idéal chevaleresque ou
l’idéal révolutionnaire n’ont pas empêché, notamment en 1793 ou
après 1917 en ce qui concerne ce dernier, la commission de
violences contraires à leur esprit… Voir aussi la confrontation avec la
réalité du pouvoir de l’idéal réformiste et modéré, notamment social-
démocrate ou chrétien-démocrate ou gaulliste-social… ; quant à
l’idéal chevaleresque, la violence des conflits durant le Moyen-Âge,
en montre les limites dans sa conduite des guerres, même si
certains, tels Bayard ou Lesdiguières, ont incarné cet idéal)).
🠶 xxie siècle : Pas de difficulté : l’époque actuelle ; même si un
traitement plus global et comparé du sujet serait possible, le sujet
doit prioritairement être traité sous l’angle français puisque l’épreuve
porte essentiellement sur la société française et que l’on dispose
évidemment de plus d’informations sur la France ;
🠶 Résistance : Le R majuscule indique qu’il s’agit exclusivement de
la résistance contre l’occupation nazie entre 1940 et 1945 et non du
concept général de résistance (il ne s’agit donc pas de traiter le
thème sous l’angle des velléités de résistance de « la rue » contre
les politiques gouvernementales ou de traiter des différentes formes
de « résistance », c’est-à-dire de lutte, contre les institutions). En
particulier, il s’agira d’évoquer, d’une part, la réaffirmation des
principes de 1789 ainsi que leur actualisation par les principes
particulièrement nécessaires à notre temps en 1946 (préambule
constitutionnel, encore appliqués par le Conseil constitutionnel et,
d’autre part, le programme du Conseil National de la Résistance
(CNR) publié en 1944, qui a servi de colonne vertébrale aux
politiques de l’État en France depuis la Libération et dont la
pertinence économique est remise en cause aujourd’hui. Le sujet est
donc à traiter sous un angle essentiellement français (voir ci-dessus
à propos de xxie siècle).

2. Analyse : Voir les éléments dans le corps du corrigé


3. Problématique
Si les idéaux de la Résistance irriguent la société française depuis
la Libération, la question de l’adaptation de certains d’entre eux se
pose dans le contexte de la globalisation économique (il s’agit de
confronter cet idéal aux politiques mises en place : comment
concilier la modernisation de l’État avec le respect des principes
issus de la Résistance ?).
🠶 Introduction :
– Définition des termes (voir ci-dessus).
– Rappel historique : la Résistance contre le gouvernement de
Vichy et l’occupant nazi ne s’est pas limitée à la lutte armée mais
a également préparé les réformes à accomplir après la libération
du territoire. D’une part, le rétablissement de la République a
entraîné la réaffirmation des principes du libéralisme politique et
de la liberté individuelle de 1789 (ordonnance de 1944 annulant
les actes du gouvernement de Vichy) ainsi que leur actualisation
par les principes particulièrement nécessaires à notre temps en
1946. D’autre part, le programme du Conseil National de la
Résistance (CNR) publié en 1944, a servi de colonne vertébrale
aux politiques de l’État depuis la Libération en matière
économique et sociale.
– Contexte actuel et problématisation : si les idéaux de la
Résistance irriguent la société française, la question de
l’adaptation de certains d’entre eux se pose dans le contexte de
la globalisation économique (remise en cause de la pertinence
économique de certains principes issus du programme du CNR
aujourd’hui, comme par exemple l’appropriation publique de
certaines activités, le développement de services publics
industriels et commerciaux en forme de monopole…)
I. La Résistance : un idéal qui structure la République
française
A. La Résistance comme réaffirmation et renouvellement des
principes de 1789
– Le préambule de 1946 réaffirme les principes libéraux de 1789
(principes civils et politiques) et les complète avec les principes
particulièrement nécessaires à notre temps de 1946 (principes
économiques et sociaux) qui sont mis en œuvre par le conseil
constitutionnel et le conseil d’État ; il y a depuis la Révolution
continuité et non contrariété des principes irriguant la
République ; les principes de 1946 consistent à affirmer des
principes ignorés en 1789 et apparus au xxie siècle du fait de la
révolution industrielle (droit de grève, liberté syndicale…).
– Protection à la fois constitutionnelle et internationale des libertés
fondamentales (DUDH, CEDH…) depuis la fin de la Deuxième
guerre mondiale ; Volonté de développer des relations
internationales pacifiques, notamment en Europe, dans le cadre
de relations internationales multilatéralistes fondées sur la
négociation et la recherche d’un intérêt commun des États.
– Poids politique des anciens résistants dans la vie publique
française jusqu’aux années 1990 (voir Ch. De Gaulle, J. Chaban-
Delmas, A. Poher, J. Lecanuet, P. Mendes-France, F.
Mitterrand…, notamment) ; À l’étranger, ce poids a existé dans
les années suivant la fin de la guerre (ex : P-H Spaak en
Belgique, De Gasperi ou Einaudi en Italie) mais s’est fait ressentir
moins longtemps car il y a un renouvellement plus rapide des
générations politiques, notamment parce que, contrairement à la
France, dans beaucoup de pays une défaite électorale entraîne
un retrait de la vie politique active (ce qui n’empêche pas un rôle
d’influence) ; actuellement, plus aucun dirigeant politique n’a
connu la période de la guerre de 1939 ; les dirigeants
d’aujourd’hui ne connaissent donc la période et l’idéal de la
Résistance que de manière indirecte, par transmission d’une
mémoire, ce qui peut conduire à une forme d’idéalisation
trompeuse, voir à des erreurs d’interprétation (voir les formules
répétées à l’envi lors de certains débats de sociétés : « Si le
général De Gaulle, ou Jean Moulin, ou n’importe quelle autre
grande figure de l’époque était encore là il penserait telle chose
sur tel problème contemporain… », ce qui est évidemment une
reconstruction ; Certains partis se réfèrent encore à l’héritage de
la Résistance (surtout France insoumise, PCF, Gaullistes…).
– Poids moral des anciens résistants dans la mémoire collective
(cf. : L. et R. Aubrac, D. Cordier, S. Hessel, G. Tillon, G.
Anthonioz-de Gaulle, Joséphine Baker ces trois dernières
proposées pour le Panthéon notamment en raison de leur passé
de résistantes…) et Appel des résistants à la jeunesse en 2004
affirmant que créer c’est résister et résister c’est créer et appelant
à un nouveau programme de Résistance pour notre siècle,
notamment pour limiter l’impact négatif des nouveaux moyens de
communication et favoriser la recherche de moyens pacifiques de
résolution des conflits) ; à remarquer que la génération de la
Résistance est en train de disparaître sous l’effet du passage du
temps (NB : la disparition des « Poilus » n’empêche pas la
vigueur de la mémoire de la Première guerre mondiale, ainsi
qu’en témoignent le centenaire et les nombreuses initiatives
mémorielles autour de cette période, il devrait en être de même
après la disparition des derniers survivants de l’époque de la
Deuxième guerre mondiale).
– Mémoire et glorification de la résistance et condamnation du
régime de Vichy autour du thème de la protection de la liberté
(voir par exemple l’évolution de l’image du Régime de Vichy, non
seulement depuis 1945, mais aussi depuis les années 1980 et la
prise de conscience du caractère unique de la Shoah, la
commémoration du 18 juin 1940 et de divers épisodes de la
Résistance, les polémiques autour de la jeunesse de F.
Mitterrand et de G. Marchais ou des propos de J-M. Le Pen sur
les conditions de l’Occupation, le débat sur la lettre de Guy
Moquet, les nombreuses initiatives mémorielles ; personnalité
écrasante de Charles de Gaulle sur la vie politique nationale, à la
fois en tant que concepteur de la Ve République, mais avant tout
comme chef de la France libre…) ; débat, y compris dans le
cadre de la campagne présidentielle et législative de 2022, sur
les rôles respectifs du général De Gaulle et du maréchal Pétain.
– La glorification de la Résistance se retrouve également dans les
anciens pays occupés et chez les alliés (cf. W. S. Churchill ou F.
D. Roosevelt considérés dans leur pays comme parmi les plus
grands nationaux de l’histoire) ; à noter, dans l’ex-Europe de l’est
(et c’est un facteur d’incompréhension avec l’ouest), le débat sur
la « double occupation » (allemande et soviétique, comme en
Pologne ou les Pays Baltes) et le débat sur le communisme (à
l’ouest le PC participe à la résistance, parfois avec ambiguïté au
début, à l’est le PC est oppresseur après la « libération » par les
troupes soviétiques).
– Impact de la question des enfants juifs durant la guerre sur la
manière d’aborder celle des enfants d’immigrants sans papiers
aujourd’hui, bien que les situations respectives soient totalement
différentes (voir, par exemple, les déclarations de V. Peillon
comparant la situation des enfants de sans-papiers avec celle
des enfants juifs durant l’Occupation ou celles de M. Le Pen
demandant l’interdiction de scolarisation des enfants de sans-
papiers au motif du caractère illégal de leur séjour et qui a amené
ses détracteurs à faire le parallèle avec la situation des enfants
juifs après le statut des Juifs de 1940).
B. Les principes affirmés par la Résistance irriguent toujours
le pacte social français
– Le programme économique du Conseil National de la Résistance
(accord entre les différents mouvements de résistance) a été mis
en œuvre par le gouvernement de C. De Gaulle (nationalisations
de certaines industries, de banques, de compagnies d’assurance,
statut de la fonction publique, création de la sécurité sociale, mise
en place des régimes spéciaux pour les salariés de certains
services publics…). Ce programme, dont certains éléments ont
été constitutionnalisés en 1946, poursuit des réformes engagées
lors du front populaire (cf. droit du travail et liberté syndicale,
sécurité sociale, droit à la santé, reconnaissance du droit de
grève, enseignement, accès à la culture…).
– Développement de la planification volontaire (commissariat au
plan) dans le cadre de la Reconstruction et des Trente
glorieuses ; (aujourd’hui : action programmatique de France
stratégie), politique volontariste d’aménagement du territoire et
d’urbanisme, mise en place de grands groupes industriels publics
(EDF, GDF…) et de grandes institutions de recherche à la fois
fondamentale (CNRS, créé avant-guerre mais dont le rôle est
développé sous ce nom après la guerre) et appliquée
(Commissariat général à l’énergie atomique…)
– Monopole de la radio et de la télévision (assoupli à partir de
1974, ouverture au secteur privé après 1984).
– Ce programme a été longtemps considéré comme constituant un
socle de réforme pouvant être approfondies mais pas remises en
cause (le retour de la droite au pouvoir en 1958 se traduit par un
statut quo sans remise en cause des nationalisations et avec une
poursuite des réformes sociales) ; la nationalisation de la
sidérurgie à la fin des années 1970 puis celles opérées en 1982,
ainsi que certaines réformes, comme par exemple celle du statut
de la fonction publique, furent présentées comme étant dans la
continuité des objectifs du CNR).
– Débat depuis la fin des Trente glorieuses : le modèle issu du
CNR est-il une protection ou bien un frein ? Voir la conciliation
idéalisée de la protection et de la flexibilité. Au-delà de l’aspect
idéologique, il faut aborder les questions concrètes : crise des
finances publiques du fait de l’endettement de l’État et des
collectivités publiques, marges réduites quant à l’augmentation
des prélèvements obligatoires, réaménagement de certains droits
sociaux…).
II. La Résistance, un idéal à adapter aux réalités du monde
contemporain
A. Les conséquences de la mondialisation économique
– Les principes du CNR ont été énoncés dans le cadre d’un État
souverain doté de frontières et exerçant sa souveraineté
économique, notre pays participe à un vaste espace économique
libéral (union européenne) dans le cadre d’une globalisation de
l’économie (OMC).
– Remise en cause partielle du « modèle du CNR » à partir de
1986 (privatisation, y compris d’entreprises nationalisées en 1945
ou 1946, notamment les banques, les assurances),
« respiration » du secteur public (privatisations partielles
organisées par M. Rocard ; le plus grand nombre de
privatisations a été effectué pendant les 5 années du
gouvernement Jospin, c’est-à-dire par une majorité socialiste). À
noter qu’à partir des années 1990 la gauche admet explicitement
le principe des privatisations d’entreprises, même de 100 % du
capital.
– Depuis les années 1980 et 1990, il a fallu faire le choix,
notamment en ce qui concerne les services publics industriels et
commerciaux, de l’ouverture à la concurrence de certains
monopoles afin d’assurer leur rentabilité et de leur ouvrir des
marchés extérieurs (industries en réseaux : électricité, gaz,
téléphonie, chemins de fer…) ; d’ailleurs déréglementation de ces
activités dans le cadre communautaire. Les résistances
syndicales retardent mais n’empêchent pas cette évolution (cf.
téléphonie, chemins de fer…).
– Débat sur le maintien du statut de la fonction publique, les
régimes spéciaux de retraites, le financement de la sécurité
sociale et de la santé eu égard à leur coût et en référence à la
situation des salariés du secteur privé. Débat sur la situation de la
SNCF après l’ouverture à la concurrence du marché du fret puis
de celui des voyageurs.
– Débat sur le coût du modèle issu du CNR depuis la crise de 1973
et de ses conséquences sur l’endettement du pays et sa capacité
à rebondir.
– Au-delà du débat sur ces coûts, question du respect des
orientations interventionnistes du préambule constitutionnel, dont
on ne peut pas faire l’économie à moins de changer radicalement
de modèle de société et de régime constitutionnel, ce qui
nécessiterait un très vaste débat, voire un référendum.
B. Les nouveaux défis mondiaux
– Les principes du CNR ont été énoncés dans le cadre d’une
économie issue de la révolution et essentiellement implantée sur
le territoire national dans le cadre d’un État disposant de
frontières, notamment pour limiter les importations étrangères ;
par ailleurs, logique des nationalisations : créer de grands
groupes publics de taille à lutter contre les entreprises capitalistes
étrangères), mais un tel modèle apparaît comme
dépassé s’agissant d’activités mondialisées, telles l’informatique,
la téléphonie, l’énergie…
– Défi des nouvelles technologies, notamment de communication
(internet, téléphonie, radio, télévision…) qui s’opposent à la mise
en place de monopoles d’État dans ces domaines ; la question
porte à la fois sur la maîtrise de l’outil industriel (emploi,
fiscalité…), mais aussi sur la répression pénale de faits commis
par le biais d’internet (diffamation, escroqueries diverses,
pédophilie, trafic de médicaments, de cigarettes, de drogue,
d’armes…)
– Défi de la protection de l’environnement (le préambule de 1946
est complété avec la charte de l’environnement en 2004, qui
proclame notamment le principe de précaution et la logique du
développement durable alors que les trente glorieuses se sont
déroulées en méconnaissance de l’idée de protection de la
nature et de gestion durable) ; nécessité pour l’État et les
personnes publiques de ne pas se limiter à une logique
productiviste et de protection de l’emploi mais aussi de protection
de l’environnement et du développement durable ;
– Le défi migratoire (notamment la question du droit d’asile et du
traitement des déboutés du droit d’asile : en particulier, question
de savoir comment concilier l’efficacité de la lutte contre
l’immigration clandestine avec le respect des principes hérités de
la Résistance : voir par exemple le débat autour de la proposition
de M. Le Pen de ne plus accueillir en classe les enfants de
clandestins, qui nécessiterait une révision du texte du préambule
de 1946 ou bien le débat sur l’assurance maladie universelle
fondée sur le droit à la santé pour tous) ;
– Le terrorisme (concilier la nécessaire lutte contre le terrorisme
avec le respect des principes de liberté issu de 1789, notamment
les libertés d’expression et de croyance, réaffirmés à la Libération
car les terroristes et les prisonniers disposent aussi de droits dont
il faut concilier l’exercice avec la nécessité d’assurer la protection
de la société dans son ensemble) ; en effet, la faillite de l’État
libéral au plan politique serait la négation de ses principes
fondamentaux à l’encontre de ses ennemis (aujourd’hui, on ne
soutient plus, comme le faisait Saint-Just durant la Révolution
qu’il n’y a pas de liberté pour les ennemis de la liberté : même
ces derniers bénéficient des garanties du régime libéral) ; rappel
du principe selon lequel l’exercice de la liberté est la règle, sa
limitation est l’exception.
🠶 Phrase de conclusion :
La parution du livre « Et nous vivrons des jours heureux » (Acte
sud, 2016), initiative citoyenne se réclamant de l’esprit des résistants
du CNR en 1945 pour la mise en place d’un nouveau programme
pour la société française, prenant notamment en compte la
dimension environnementale et la question des valeurs, témoigne de
ce que, plus de 70 ans après la Libération, la Résistance est
toujours un idéal dans notre pays (cet ouvrage se voulait être un
catalogue de propositions irriguant la campagne présidentielle afin
de saisir les candidats de certains sujets, mais son propos semble
avoir eu peu d’écho concret au-delà d’un succès d’estime dans la
presse.

1. M. Frangi : Réflexions sur la place e la culture générale dans les concours », AJFP
(Actualité Juridique Fonction Publique, N° 6/2009, pp 288-294.
2. M de Montaigne, Les Essais, I-25 et 26.
3. M. Frangi, Op. cit.
4. Définition provenant du site du Ministère de la fonction publique : http://www.concours-
fonction-publique.eu/12.html.
5. Site du ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion, rubrique « Métiers et concours »,
Les épreuves du concours externe, interne et 3e concours – Ministère du Travail, de
l’Emploi et de l’Insertion (travail-emploi.gouv.fr).
Chapitre III
Méthodologie de l’oral des
concours administratifs

I Bibliographie indicative

Dans la perspective de la préparation de l’oral, voici quelques


lectures qui pourront nourrir votre réflexion sur le rôle de cadre
dirigeant :
– J. Bertaut : Napoléon, Manuel du chef, aphorismes, 1917,
réédition Petite bibliothèque Payot, 2009 (cet ouvrage contient
des citations de Napoléon sur le rôle de dirigeant, certaines d’une
étonnante modernité, d’autres incontestablement vieillies mais
sources d’intéressantes réflexions et comparaisons entre le
passé et aujourd’hui) ;
– Ch. De Gaulle Le fil de l’épée, Plon, 1932, réédition au Livre de
Poche (ouvrage qui porte notamment sur les qualités dont doit
faire preuve un chef, et sur la nécessité de la connaissance de la
culture générale tout au long de la carrière) ;
– V. Halpérin : Raoul Dautry, du rail à l’atome, Fayard, 1997
(biographie d’un haut fonctionnaire spécialisé dans les transports
puis devenu ministre, qui eut une réflexion originale sur le rôle du
chef et du manager dans le service public, notamment quant à la
conciliation entre autorité, équité et prise en considération des
conditions sociales) ;
– M. Schiavon : Le livre qui va faire de vous un chef : apprenez à
commander grâce aux conseils de Napoléon, Foch, de Gaulle et
des autres grands chefs de l’Histoire, Éditions Pierre de Taillac,
2018 (livre écrit par un ancien officier, qui étudie les principes
permanents du leadership et les qualités requises du
commandement sans se limiter au domaine militaire) ;
– P. de Villiers : Qu’est-ce qu’un chef ?, Fayard, 2018, réédition en
collection de poche (cet ouvrage constitue une analyse
contemporaine et une réflexion sur le rôle de chef et de manager,
qui ne se limite pas à l’aspect militaire).

II Déroulement de l’épreuve

Chaque concours a son propre règlement et ses propres


modalités. Il faut donc préalablement consulter, sur le site
institutionnel, l’arrêté relatif au concours ainsi que le rapport du jury
précédent. En général, l’épreuve orale dure entre 25 et 30 minutes.
Deux grandes catégories d’épreuve existent :
– L’épreuve « classique », qui est de moins en moins proposée
mais existe encore parfois : le candidat prépare un sujet (ou
parfois un texte) tiré au sort ; ensuite, il fait une présentation ;
enfin, il discute avec le jury sous différentes formes
(questions/réponses et/ou mises en situations…).
– L’épreuve « sur CV » : le candidat rédige un curriculum vitae
selon un modèle préétabli, qui est transmis au jury ; le jour de
l’épreuve, le candidat synthétise par oral son CV, en principe en
5 minutes. L’épreuve se poursuit par une discussion avec le jury
sous différentes formes (questions/réponses et/ou mises en
situations…).
Dans certains concours de catégorie A+ (comme, par exemple,
l’INET), l’épreuve orale peut être collective : les candidats tirent au
sort une fonction (directeur juridique, responsable des ressources
humaines…) puis se voient proposer une mise en situation pratique.
Ils doivent ensuite chercher à résoudre collectivement le cas
proposé en réagissant in situ devant le jury. Les éléments ci-dessous
concernant les mises en situations s’appliquent également à cet
exercice, mais avec la difficulté supplémentaire que, le candidat
n’étant pas seul, il doit trouver un positionnement juste, qui
corresponde au rôle qu’il a tiré et qui lui permettent de participer de
manière pertinente à la discussion et la recherche de solutions sans
être, ni trop effacé, ni trop envahissant par rapport aux autres
candidats.

III L’esprit de l’épreuve

Le grand oral de concours est un entretien d’embauche. Il s’agit de


recruter un cadre, c’est-à-dire un chef de service qui devra être
capable de prendre des décisions adaptées mais aussi de gérer une
équipe La question à laquelle les membres du jury doivent répondre
à la fin de l’épreuve est : « Est-ce que je souhaiterais avoir cette
personne dans le service ? » ou « Est-ce que je serais serein si je
devais m’absenter et laisser le service sous sa responsabilité ? ».
Cela entraîne plusieurs conséquences :
– De forme : il s’agit de se vêtir comme pour aller travailler en tant
que cadre dans un service public, de manière sobre et discrète ;
adopter une position adaptée : dos droit, rythmer légèrement le
propos avec la main pour souligner (sans pour autant faire des
moulinets), regarder la personne qui vous interroge sans oublier
le reste du jury (regarder alternativement tous les membres du
jury) ; être naturel, c’est-à-dire ni en position soumise, ni en
position agressive ou dominante ; s’agissant du recrutement d’un
cadre, on est entre pairs : il ne s’agit pas de « copiner » avec le
jury mais il ne faut pas non plus vous sous-dévaluer car votre
présence devant le jury est légitime du fait de votre cursus
antérieur (académique ou professionnel) et de votre
admissibilité…
– De fond : le jury recherche chez les candidats les qualités
attendues d’un cadre de la fonction publique : des connaissances
pluridisciplinaires précises (il faut connaître les définitions des
différents grands concepts tels que service public, principes et
seuils de la commande publique, notion de partenariats public
privé, délégation de service public, PIB, taux de chômage,
montant de la dette publique, budget de l’État, grands principes
budgétaires, les principaux chiffres économiques… Les lexiques
cités en bibliographie et la rédaction anticipée d’un répertoire
contenant sous forme synthétique des principales notions sont
des alliés précieux pour l’oral comme pour l’écrit) et une capacité
à lier les grandes questions entre elles et à avoir une vision plus
large que profonde des questions avec perception des enjeux
stratégiques… ; réfléchir à la manière dont on envisage la
hiérarchie, l’encadrement, la notion d’équipe, de pouvoir, de
direction…, ce qui facilite le traitement des mises en situation.
Vos réponses importent moins que le raisonnement suivi et les
connaissances mobilisées (exemple : si le jury vous demande si
vous êtres favorables à la suppression des sous-préfectures, il
est plus intéressé par votre analyse de la couverture territoriale
des services publics et de l’accès à ces derniers, des solutions
alternatives, tels les guichets itinérants ou les maisons du service
publics… que par la réponse proprement dite).

IV Les mises en situation

Le jury donne au candidat des éléments d’une situation


professionnelle pratique et il doit proposer une solution (voir exemple
ci-dessous). Le candidat doit réfléchir à haute voix devant le jury,
éventuellement demander des précisions et fournir une solution qui
soit à la fois légale et opérationnelle. L’idée est toujours de proposer
d’abord la solution pour l’immédiat (court terme) puis à échéance
plus lointaine (moyen et long terme). Il faut toujours chercher à
protéger l’agent concerné, le personnel et les usagers.
Exemple : vous êtes responsable d’un service de 5 personnes et
vous constatez à la reprise de service que l’un des membres de
votre équipe est ivre. Que faites-vous ?
Demande de précisions au jury : est-ce un employé qui est en
contact avec le public ou qui conduit un véhicule ou qui a une
activité dangereuse ? ; est-ce un cas exceptionnel ou habituel… ?
Cela permet d’adapter votre réponse de manière plus
circonstanciée.
Court terme (le jour même) : protéger l’agent, le reste du personnel
et le public en plaçant le salarié dans une salle sous surveillance
pour qu’il se repose, lui confisquer les clefs de sa voiture, car il n’est
pas question de laisser conduire une personne en état d’ivresse, si
nécessaire réorganiser le service en envoyant un autre agent à sa
place pour assurer la continuité du service public (un cadre ne
déroge pas s’il prend au pied levé et dans l’urgence la place d’un
agent défaillant), si l’ivresse est particulièrement manifeste et
susceptible d’être dangereuse pour la santé de l’intéressé, alerter un
médecin…
Moyen-terme (le lendemain) : prendre des mesures adaptées avec
l’agent (est-ce un incident exceptionnel ? En ce cas, une simple
remontrance est suffisante. Si l’agent a déjà été ivre et que ce
comportement est régulier ou habituel, il faut envisager d’autres
sanctions dans le cadre d’une procédure disciplinaire. En toute
hypothèse, il faut tirer les conséquences de ce que l’agent n’a pas
accompli son travail pour un temps donné et que le service n’a pas
été fait : l’agent doit compenser le temps de travail perdu par son
comportement (exemple : compensation par RTT ou sur congés
payés).
Long terme (plus tard) : si l’état de l’agent est pathologique, il est
possible de transmettre son cas à une assistante sociale ou de
demander une visite médicale. Il est également nécessaire de
rechercher les causes de cette situation : mal-être au travail ; temps
de travail inadapté ; harcèlement, difficultés d’ordre personnel ou
familial… ? On peut envisager de proposer un changement de
poste ou de redéfinir les missions dans le respect de l’intérêt et de la
continuité du service…).
Dans le cadre de la mise en situation, le candidat doit proposer des
solutions qui soient à la fois adaptées (c’est-à-dire non seulement de
bon sens, mais aussi susceptibles de préserver l’harmonie à
l’intérieur du service et de ne pas provoquer ou aggraver de malaise)
et légales. L’administration est au service de l’État de droit. Par
conséquent, les décisions prises par un cadre ou un agent, même
en situation d’urgence, doivent respecter l’ensemble des lois et
règlements applicables mais aussi les différents principes généraux.
Par exemple, la prise éventuelle de sanctions ne peut se faire que
dans le respect des principes du statut de la fonction publique. De
même il convient de préserver la présomption d’innocence, le droit à
la vie privée, le secret médical, les droits de la défense… Bref, il faut
tout au long de l’épreuve, réfléchir et agir en tant que cadre et
proposer des solutions opérationnelles.
On doit réfléchir et agir en tant que cadre de la fonction publique
tout au long de l’épreuve. Il ne s’agit pas ici de simplement reprendre
les analyses faites par d’autres. Il s’agit, sur la base de vos lectures,
de votre expérience et de votre réflexion de rechercher en vous
votre conception du management. En effet, même si vous êtes
candidat à un concours externe à la fin de vos études, vous avez de
nombreuses expériences du management et de la hiérarchie.
N’hésitez pas à vous appuyer sur votre propre vécu des rapports
hiérarchiques (que ce soit comme dirigeant et/ou comme
subordonné) à l’occasion d’un stage, d’un emploi (même hors
administration), de votre participation à l’organisation d’un
évènement ou dans le cadre d’un bureau d’association ou de
syndicat, comme usager d’un service public ou client d’une
entreprise commerciale ou agent d’accueil, distributeur de
prospectus… pour rechercher la solution la plus adaptée. Toute
expérience est utile à analyser et à valoriser dans le cadre de cette
épreuve.
Demandez-vous ce que vous attendez d’un supérieur hiérarchique
avant de concevoir comment vous entendez agir en tant que chef de
service. Réfléchissez aux bons ou mauvais exemples de
management que vous avez pu constater chez les cadres auxquels
vous avez été confronté. Cela nécessite d’anticiper l’épreuve. Tout
au long de votre préparation, n’hésitez pas à vous demander
comment il faudrait réagir face à une situation donnée (voir d’autres
exemples de sujets ci-dessous). Par ailleurs, un futur cadre de la
fonction publique doit s’interroger sur ce que signifie diriger, c’est-à-
dire, être responsable et animateur d’un service et de ses agents.
Comment se positionner, par rapport à sa hiérarchie, à ses
collègues, aux agents de notre service ? Quelle est la bonne
attitude ? Il s’agit, pour le dirigeant, de savoir à la fois être accessible
et proche de ses agents, d’être capable d’empathie et de respect
envers eux, mais sans tomber dans des relations trop familières et
en sachant garder une certaine distance vis-à-vis de ses
subordonnés tout en évitant le copinage ou la servilité envers sa
propre hiérarchie. Il est clair que le fait que l’on soit passé du
concept de « direction du personnel » à celui de « gestion des
ressources humaines », n’est pas simplement sémantique. Un cadre
se comportant comme un personnage à la manière de Louis de
Funès est tout simplement inconcevable. Par ailleurs, un dirigeant
administratif doit d’abord agir conformément à l’intérêt du service et
diriger en ayant toujours à l’esprit cet impératif.

V Exemples de sujets de mise en situation


Vous trouverez ci-dessous d’autres sujets possibles sur lesquels
vous pouvez réfléchir et vous entraîner sur la base des orientations
déjà indiquées (mais bien sûr, on ne peut pas tout prévoir et il ne
s’agit pas de « bachoter » mais d’acquérir, au-delà des
connaissances, une méthodologie et une gymnastique
intellectuelle) :
– un collaborateur fait une tentative de suicide au travail ;
– vous constatez que des vols de matériel sont survenus dans le
service ;
– vous constatez des dégradations de matériel dans le service ;
– vous constatez qu’un agent a utilisé son véhicule de service à
des fins personnelles (exemple : prendre la camionnette du
service durant le week-end pour déménager) ;
– vous surprenez un agent en train de voler mais il est parent avec
votre supérieur hiérarchique ;
– un usager agresse, verbalement ou physiquement, un agent
pendant l’exercice de ses fonctions ;
– un agent agresse verbalement ou physiquement un collègue ou
un usager pendant le service ;
– un agent arrive systématiquement en retard à son travail ;
– un agent ne respecte pas le principe de neutralité et de laïcité
dans le cadre du service ;
– un agent demande des jours de congé difficilement compatibles
avec la bonne organisation du service ;
– un agent se désintéresse de son travail et semble dépressif, en
tout cas malheureux, au travail ;
– un agent se plaint d’avoir subi des agressions sexuelles dans le
service ;
– vous constatez que le tableau de service est recouvert par des
affiches ne portant pas sur le service (affichage syndical ou
associatif, partis politiques, annonces de spectacles…) ;
– des agents qui manifestent occupent l’espace du service et
refusent d’évacuer ;
– des usagers qui manifestent occupent l’espace du service et
refusent de l’évacuer ;
– des syndicalistes occupent l’espace du service et refusent de
l’évacuer ;
– des agents travaillant dans le même espace ont des relations
conflictuelles et vous demandent d’intervenir ;
– un agent se plaint de harcèlement par un collègue ;
– un agent se plaint de harcèlement par un supérieur hiérarchique ;
– un agent se plaint de harcèlement par un usager ;
– un usager se plaint de harcèlement ou de menaces de la part
d’un agent de votre service ;
– quelles qualités attendez-vous des agents de votre service ?
– quel type de poste aimeriez-vous occuper lors de votre première
affectation ?
– quelle évolution de carrière envisagez dans les dix prochaines
années ?
– un attaché doit-il être un généraliste ou un spécialiste ?
– qu’est-ce qu’un bon chef ?
– quelles sont les caractéristiques d’une réunion efficace ?
– comment développer la motivation des agents à l’intérieur d’un
service ?
– quelles sont les caractéristiques d’une délégation de tâche
efficace à un agent ?
– êtes-vous favorable à la disparition des sous-préfectures ?
– faut-il alléger le mille-feuille territorial et quel(s) échelon(s)
supprimer ?
– le recours à des cabinets d’expertise privés extérieurs à
l’administration vous paraît-il légitime ?
Deuxième partie
Thèmes relatifs à la société
française
Chapitre I
L’État et l’organisation
administrative de la France

Bibliographie
• G. Burdeau, « L’État », Seuil, Point politique, 1970 ;
• R. Denoix de Saint-Marc : « L’État », PUF, QSJ, 2021 ;
• M. Gauchet : « Comprendre le malheur français », Stock,
2016 ;
• M. Gauchet : « L’avènement de la démocratie », Gallimard,
2011-2016 (4 tomes).

I Définition de l’État

Pour Max Weber (1864-1920), l’État se définit comme étant une


personne morale de droit public, territoriale et souveraine, qui exerce
à l’égard de sa population le monopole de la contrainte légitime.
On parle d’État-nation lorsque dans ces deux notions (État et
nation) coïncident, dans le cadre d’un même territoire et d’une même
puissance souveraine (voir le chapitre sur la Nation). Ce modèle, qui
est celui de la République française depuis la révolution, n’est pas
en vigueur partout.
D’une part, certaines nations peuvent être divisées entre plusieurs
États (cas de l’Allemagne avant 1990, de la Corée du Nord et du
sud…).
D’autre part, certains États ont une population dont les membres
se rattachent à différents groupes nationaux (Belgique, Canada,
Espagne, Inde, Russie…). Ces États adoptent généralement la
forme de l’État fédéral (voir ci-dessous).

L’État exerce à l’égard de la population établie sur son territoire un


pouvoir souverain. L’État se caractérise donc par trois éléments
fondamentaux cumulatifs : un territoire, une population et un pouvoir
souverain.

A. Un territoire
🠶 Un territoire : espace géographique sur lequel l’État exerce la
plénitude de ses compétences souveraines, comprenant un territoire
terrestre et aérien, éventuellement maritime.
– un espace terrestre (qui peut être continu ou discontinu : par
exemple, concernant la France, il y a discontinuité puisqu’il existe
le territoire métropolitain continental, la Corse et les diverses
collectivités situées outre-mer) ;
– un espace maritime (eaux intérieures et mer territoriale ; par
ailleurs, la Convention de Montego Bay, signée dans le cadre de
l’ONU en 1982, dispose que les États riverains peuvent disposer
de droits spécifiques, essentiellement de nature économique sur
certaines zones maritimes, comme la zone économique exclusive
et le plateau continental ; la haute-mer constitue une zone
internationale bénéficiant de la liberté de navigation, insusceptible
d’appropriation par les États qui ne peuvent y intervenir que pour
certaines opérations limitées de sécurité : lutte contre la piraterie,
contre certains trafics internationaux…) ;
– un espace aérien (espace atmosphérique se superposant au-
dessus des territoires terrestre et maritime ; l’espace
extraatmosphérique, situé au-dessus de la couche d’atmosphère
dans l’espace, ainsi que les planètes et corps célestes,
constituent des biens appartenant à l’humanité et insusceptibles
d’appropriation par les États).
Il est indispensable pour un État de disposer d’un territoire sur
lequel exercer ses compétences. Un gouvernement en exil, c’est-à-
dire dont les membres ont dû quitter le territoire national à la suite
d’une révolution ou d’une occupation étrangère n’est pas en mesure
de pouvoir garder vis-à-vis de la communauté internationale son
caractère souverain, à moins de pouvoir rapidement exercer à
nouveau ses compétences souveraines sur son territoire et vis-à-vis
de sa population (exemples : les gouvernements de pays occupés
entre 1940 et 1945 en exil à Londres et rétablis lors de leur libération
étaient considérés comme représentant des entités souveraines
malgré l’occupation de leur territoire ; le gouvernement du Koweit
exilé à Londres lors de la brève occupation irakienne en 1990-1991
a récupéré sa pleine compétence à son retour après le départ de
l’occupant à la suite de l’intervention des Nations Unies. A contrario,
le gouvernement polonais aux affaires en 1939, exilé à Londres
après l’occupation germano-russe, n’a pas été en mesure de pouvoir
revenir dans le pays et a été remplacé par un gouvernement issu de
la résistance communiste et imposé par l’URSS).

B. Une population
🠶 Une population : ensemble des êtres humains, sans considération
de genre, sédentaires ou nomades, qui vivent sur le territoire de
l’État et sont soumis à ses lois. On trouve dans la population :
– les nationaux (ils ont la nationalité et la citoyenneté de l’État dans
lequel ils résident et disposent de la plénitude des droits civils et
politiques) ;
– les étrangers (ils ont la nationalité d’un État autre que celui dans
lequel ils résident ; ils ne disposent pas, en principe, des droits
politiques dans l’État où ils résident ; en fonction des traités
internationaux régissant les rapports entre les deux États, ils
peuvent disposer de certains droits civils dans leur État de
résidence. Bien que principalement soumis aux lois de l’État dans
lequel ils résident pour leurs activités quotidiennes, les étrangers
peuvent conserver certaines obligations à l’égard de l’État dont ils
ont la nationalité, par exemple en matière de service militaire ou
en matière fiscale) ; Le fait que la population d’un État soit
majoritairement composée de ressortissants étrangers n’affecte
le caractère étatique de ce dernier (exemple : Monaco) ;
– les apatrides (est apatride, toute personne qu’aucun État ne
considère comme étant son ressortissant, selon la Convention de
New-York de 1954 ; selon l’ONU il existe 12 millions d’apatrides
dans le monde, qui sont pour la plupart des réfugiés ; en France,
le statut d’apatride est délivré par l’Office Français de Protection
des réfugiés et Apatride après instruction d’une demande
présentée par l’intéressé et permet la délivrance d’un titre de
séjour en France).

C. Un pouvoir souverain
🠶 Un pouvoir souverain : selon une célèbre formule, est souveraine,
l’autorité qui détient « la compétence de la compétence » (Georg
Jellinek). Autrement dit, l’autorité souveraine se trouve au sommet
de la pyramide institutionnelle et normative. Elle ne découle d’aucun
autre pouvoir et l’ensemble des institutions de droit interne découlent
d’elle et lui sont subordonnées.

1. Souveraineté interne
On appelle souveraineté interne la capacité de l’État, au travers
des institutions dont il se dote, de déterminer de sa propre autorité
son organisation politique, administrative, institutionnelle, militaire,
économique, sociale et culturelle au niveau interne. La souveraineté
interne de l’État implique la capacité de ce dernier de pouvoir lever
les impôts de toute nature et d’imposer à la population vivant sur son
territoire l’application des lois et règlements qu’il adopte.
L’État, au travers de sa souveraineté interne, dispose du monopole
de la contrainte légitime : lui seul constitue le pouvoir suprême et
l’ordre juridique fondamental dont découlent les autres pouvoirs. Le
monopole de la contrainte légitime permet à l’État d’imposer aux
habitants de son territoire de respecter les normes qu’il édicte, de
payer les impôts qu’il exige et de sanctionner les refus d’application
(exemple : l’obligation vaccinale à l’encontre des professionnels de
certains secteurs).

2. Souveraineté internationale
On appelle souveraineté internationale la capacité d’un État à être,
au même titre que les autres États constituant la communauté
internationale, un sujet primaire du droit international. En effet, les
États bénéficiant du principe de l’égalité souveraine. Cela signifie
qu’ils sont juridiquement égaux en droits et en dignité du seul fait
qu’ils sont des États sans autres considérations : ainsi, à
l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies, chaque
État dispose d’une voix, la République de Chine, comme la
Principauté de Monaco. Les États disposent souverainement de leur
organisation économique comme de leurs richesses naturelles, ce
qui rend complexe la mise en œuvre de règles communes en
matière de protection de l’environnement ou de lutte contre le
réchauffement climatique. Toutefois, en pratique, d’un point de vue
politique la puissance économique et militaire influence bien les
rapports diplomatiques entre les États. À noter que dans leurs
relations, les États sont tenus de respecter les principes généraux
du droit public international (exemples : interdiction de la guerre
d’agression, souveraineté économique, intangibilité des
frontières…), tels qu’ils sont reconnus par la communauté
internationale sous forme notamment de coutumes internationales
ayant une portée obligatoire ou transcrits dans des conventions
internationales adoptées dans le cadre de l’Organisation des Nations
Unies. Enfin, la souveraineté internationale de l’État implique que ce
dernier ne commet pas d’ingérence dans les affaires intérieures des
autres États et que ces derniers ne s’immiscent pas davantage des
siennes. Ce principe, longtemps cardinal du droit diplomatique, est
désormais fragilisé par la mondialisation, qui conduit à
l’interpénétration de nombreuses questions et par
l’internationalisation de certaines questions (protection des droits
fondamentaux, environnement…). Par ailleurs, le conflit entre la
Russie et l’Ukraine en 2022 souligne, en dépit de fortes réactions
internationales contre l’agresseur, de la fragilité de tels principes que
l’on pensait acquis.
L’attribution du statut d’État à un territoire résulte de la
reconnaissance en faveur d’un territoire accédant à la souveraineté
exprimée par un ou plusieurs autres États, par exemple au moyen
de l’ouverture de relations diplomatiques (échanges
d’ambassadeurs), de la signature de conventions internationales bi
ou multilatérales ou de l’adhésion à des organisations
internationales universelles (comme l’ONU) ou régionales (comme le
Conseil de l’Europe).
Les États sont souverains pour déterminer leur régime politique, et
notamment la garantie des libertés publiques, ce qui complexifie la
mise en place d’une protection internationale des droits de l’Homme.
Les organisations internationales, qui sont également des sujets du
droit international public, comprennent exclusivement des États
comme membres à part entière. Des institutions non étatiques,
notamment des organisations non gouvernementales, peuvent être
associées à leurs travaux comme observateurs ou comme
prestataires de services.
La souveraineté étant une caractéristique propre à l’État,
l’expression de « souveraineté européenne », parfois employée par
les fédéralistes peut seulement avoir un contenu idéologique (vœux
des partisans du renforcement de l’union de voir cette dernière
devenir un État) mais n’a aucune valeur juridique car l’union est une
organisation internationale regroupant des États souverains et qui
exercent certaines compétences en commun.
L’importance de la souveraineté dans le domaine économique (et
pas seulement régalien) est soulignée par la circonstance que, dans
le gouvernement nommé en 2022, on trouve deux portefeuilles
ministériels ciblant la souveraineté (« agriculture et souveraineté
alimentaire » ; « économie et souveraineté économique et
industrielle »).

D. Effet de la réunion des trois éléments


On considère qu’il existe un État, à partir du moment où ces trois
éléments fondamentaux sont réunis. La superficie, le nombre
d’habitants, la puissance économique ou militaire sont sans
incidence sur la reconnaissance de la notion d’État. Les « micros-
États » (Vatican, Monaco, Andorre…) sont ainsi qualifiés pour
souligner l’exiguïté de leur territoire mais sans que ce qualificatif
puisse effectivement affecter leur plein caractère étatique et leur
capacité de siéger dans des organisations internationales
interétatiques.

II L’État dans les principales doctrines


politiques

A. Les doctrines libérales


1. Le libéralisme proprement dit
Selon Frédéric Bastiat (1801-1850), « L’État est une grande fiction
à travers laquelle tout le monde essaie de vivre aux dépens de tout
le monde ». Les libéraux ont défendu au cours du xixe siècle le
concept d’État minimum ou État-gendarme (voir le détail ci-
dessous). Pour eux, il convient de concilier l’existence d’institutions
politiques et administratives chargées d’assurer la sécurité avec la
protection de la liberté individuelle. L’État leur apparaît comme étant
à la fois une structure indispensable et indépassable pour assurer la
défense de l’intérêt général et de l’ordre et de la sécurité publics et
une entité que sa puissance rend potentiellement dangereuse pour
l’exercice des libertés individuelles. L’État est considéré comme
étant en quelque sorte un « mal nécessaire », indépassable dans
son efficacité pour assurer l’ordre et la sécurité publique mais devant
être strictement encadré juridiquement afin de limiter le risque qu’il
peut potentiellement faire peser sur les libertés fondamentales (voir
ci-dessous l’État-gendarme).

2. Le libéralisme social
La prise de conscience des excès du libéralisme, notamment sur
les travailleurs et les pauvres, et la volonté de certains chrétiens de
vouloir matérialiser en actions concrètes dans la société à l’égard
des exclus les enseignements des Évangiles et la « doctrine sociale
de l’Église catholique » (exprimée en 1891 par le pape Léon XIII
dans l’Encyclique Rerum novarum) a conduit, au cours du xxe siècle,
au développement de doctrines favorables au maintien du
libéralisme politique et économique tel qu’il résulte des principes de
1789 mais aménagés afin de permettre la reconnaissance de
nouveaux droits dans le cadre d’un État à la fois libéral et social.
Le développement de la démocratie chrétienne concerne aussi
bien les pays à majorité catholique que protestante. En France, la
volonté de traduire en actes politiques le message du Christ afin de
limiter les excès du libéralisme politique et de soustraire la
population ouvrière à l’influence des doctrines socialistes, qui sont
athées, a conduit au développement du catholicisme social, prôné
par en France par des auteurs tels que Robert de Lamenais (1782-
1854) et Albert de Mun (1841-1914), mouvement très divisé et
parfois taxé de paternalisme. Le lancement du mouvement Le Sillon
par Marc Sangnier (1873-1914) a permis la création d’un véritable
parti politique inspiré de la démocratie chrétienne existant dans
d’autres pays.
Le caractère laïc de l’État a eu pour conséquence que,
contrairement à la plupart des autres pays européens, la France ne
s’est pas dotée, pendant longtemps, d’un parti chrétien-démocrate
portant ce nom. Après le Sillon, la sensibilité démocrate chrétienne
en France a été représentée par le Mouvement Républicain
Populaire à la Libération. À la suite de ce dernier, divers
mouvements centristes ont tenté de porter les idées démocrates
chrétiennes sans en mentionner le nom (exemple : certains des
partis ayant constitué l’UDF, le Modem…). Ces partis politiques,
sans références chrétiennes explicites, se sont revendiqués du
libéralisme social ou du « libéralisme avancé » (Valéry Giscard
d’Estaing). Le libéralisme social repose sur l’idée que, d’une part les
négociations entre les partenaires sociaux ou avec l’État, d’autre
part, la volonté d’adopter une législation à la fois favorable au
développement économique et au bien-être social, doivent conduire
à une société apaisée. Au plan de l’interventionnisme économique et
social, la démocratie chrétienne (ou le libéralisme social) poursuit
des objectifs assez proches de ceux de la social-démocratie mais
des différences entre les deux doctrines demeurent, notamment en
matière éducative (voir le détail ci-dessous à propos de la social-
démocratie).

B. Les doctrines socialistes


1. Le socialisme utopiste pré-marxiste
L’analyse socialiste pré-marxiste (socialisme utopiste) a envisagé,
dans différents pays, des modes d’organisations collectives comme
alternatives à l’État, jugé comme oppresseur à l’encontre des
pauvres.
Claude Henri de Saint-Simon (1760-1825) recommandait un
système de gouvernement par les savants et les techniciens avec
des objectifs sociaux (il est l’un des premiers penseurs de la
technocratie, le pouvoir étant ainsi aux techniciens, réputés être les
plus capables, plutôt qu’aux notables ou aux élus).
Charles Fourrier (1772-1837) a proposé une organisation, sous
forme d’une communauté idéale et égalitaire, le phalanstère (lieu de
vie communautaire rassemblant des logements autour d’une cour).
Auguste Blanqui (1805-1881) proposait d’instituer par l’action
révolutionnaire une République sociale des travailleurs, non
étatique. Ces idées d’alternatives utopistes à l’État ont donné lieu à
des tentatives de création, le plus souvent éphémères, du fait de la
mésentente qui finissait par exister entre les membres. À noter
toutefois l’exceptionnelle longévité du familistère de Guise (1854-
1968), inspiré du phalanstère, qui était toutefois plus une
organisation coopérative instituée entre ses membres qu’une
véritable alternative à l’État (le familistère respectait le cadre
juridique de l’État français).
Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865), fut partisan de remplacer
l’État bourgeois par une fédération des communes de France (Du
fédéralisme, 1863) et du mutuellisme (relations économiques
égalitaires déterminant le prix des biens et service sur la quantité de
travail nécessaire pour les produire). Il fut également l’un des
principaux théoriciens de l’anarchie (du grec, absence de pouvoir),
qui prône la disparition pure et simple de l’État en raison de son
caractère fondamentalement liberticide et son remplacement par une
société fondée sur un contrat perpétuellement renégociable.

2. Le socialisme marxiste
Selon Karl Marx (1818-1883), l’État est une superstructure
imposée par les possédants (bourgeoisie), afin d’imposer leur
domination sur les prolétaires (notion de lutte des classes). Par
conséquent, l’émancipation du prolétariat dans le cadre d’une
société communiste doit passer par une révolution dont
l’aboutissement doit être la suppression progressive de l’État et des
classes sociales afin d’assurer une pleine égalité et peut se produire
par une prise violente du pouvoir (révolution). Dans les faits, les
régimes marxistes ont dénaturé la pensée de leur inspirateur et au
contraire toujours abouti à la mise en place d’une machine
bureaucratique très puissante (Nomenklatura, terme russe passé
dans le langage commun pour qualifier la haute-fonction publique
dans l’appareil d’État) dans le cadre d’un État hypertrophié
pratiquant la « dictature du prolétariat » et reposant sur un système
de parti unique supprimant les garanties offertes par la conception
libérale telles que la séparation effective des pouvoirs, la protection
des libertés individuelles et le pluralisme politique (URSS et
« démocraties » populaires, Chine, Corée du Nord).

3. La social-démocratie
La social-démocratie est une théorie socialiste réformiste,
notamment inspirée en France par Léon Blum. Elle est apparue à la
fin du xixe siècle en Europe du nord comme une volonté de concilier
une approche plus sociale de l’économie libérale afin de protéger les
travailleurs avec le maintien d’une démocratie libérale au plan
politique (en réaction contre les excès du communisme). On parle
parfois de social-libéralisme. Les sociaux-démocrates souhaitent
obtenir et exercer le pouvoir dans le cadre d’élections libres et
pluralistes, non à la suite d’une prise de pouvoir violente dans le
cadre d’une révolution, et n’excluent pas la possibilité de coalitions
gouvernementales avec d’autres partis dans un cadre pluraliste et
politiquement libéral (pas de recours au parti unique ou à la
dictature). La social-démocratie promeut l’intervention des
personnes publiques dans les activités économiques et sociales par
divers moyens : créations de services publics en monopoles pour
certaines activités essentielles, recours à l’économie mixte
(association de capitaux publics et privés pour certaines entreprises,
nationalisation de certaines activités, adoption de législations
favorables aux travailleurs en matière de droit du travail de santé, de
social…).
La participation de ministres socialistes aux gouvernements
d’Union sacrée durant la guerre de 1914, fut l’occasion d’une
première expérience d’interventionnisme dans le cadre de
l’économie de guerre. Dès l’entre-deux-guerres, au travers du
« socialisme municipal » (voir ci-dessous, l’État-providence), les
communes dirigées par la gauche ont mis en place, à leur niveau,
une justice sociale redistributive, en attendant de pourvoir obtenir
une majorité au parlement, ce qui sera le cas en 1936, à diverses
reprises sous la IVe République, en 1981, en 1997 et en 2012). Les
partis sociaux-démocrates ont depuis adopté quelques années des
mesures beaucoup plus libérales (voir ci-dessous la crise de l’État
providence : ainsi, le gouvernement de Lionel Jospin entre 1998 et
2002 a-t-il davantage privatisé d’entreprises que les gouvernements
libéraux entre 1986 et 1988 et entre 1993 et 1997).
La social-démocratie, dans ses objectifs, apparaît comme étant
assez proche de la démocratie chrétienne en matière de rôle de
l’État dans le domaine économique et social. Les principales
différences entre ces deux doctrines ont longtemps été :
– d’une part quant au choix des alliés pour créer une coalition (la
social-démocratie a plutôt une tradition d’alliance à gauche, y
compris, en France, avec les communistes, qui prônent une
rupture avec le capitalisme ; la démocratie chrétienne a
longtemps eu une tradition de partenariat avec d’autres partis
libéraux plus conservateurs ; de ce point de vue, la création d’En
Marche en 2016, qui a permis l’alliance en son sein de transfuges
issus à la fois du centre-gauche et du centre-droit constitué la
première tentative depuis la IVe République, de création d’une
« troisième force » centriste entre l’union des partis de gauche et
l’alliance des partis de droite) ;
– d’autre part la question de la laïcité : la social-démocratie, en
France, est favorable à l’enseignement public laïc et a longtemps
défendu l’idée d’un service public unifié de l’Éducation ; la
démocratie chrétienne est favorable à la liberté de
l’enseignement et à la possibilité pour les parents de pouvoir
exercer leur liberté de choix entre l’enseignement public et privé
(voir le chapitre ou le système éducatif).

C. Les doctrines corporatistes


Le corporatisme est une doctrine politique qui s’est développée
au xxe siècle, notamment inspiré par Charles Maurras, hostile à la
fois au libéralisme et au socialisme. Il fut mis en application dans des
États autoritaires et nationalistes (Benito Mussolini, Antonio Salazar,
Francisco Franco et, dans une moindre mesure, en raison de la
relative brièveté de son passage au pouvoir, Philippe Pétain ont
appliqué les principes corporatistes lorsqu’ils étaient au pouvoir). Il
aboutit à une sacralisation et une hypertrophie de l’État. L’État étant
considéré comme le garant de l’intérêt et de l’unité nationale, il doit,
dans le cadre d’un système politique et administratif très vertical
favoriser la collaboration entre les classes sociales, jugée
nécessaire à l’intérêt national. Cela conduit à la mise en place d’un
système de parti unique (ou de multipartisme seulement apparent,
comme à Vichy) et d’organisations sociales, syndicales et
professionnelles uniques, placées sous l’égide de l’État et désignées
par lui. Ainsi, l’État vertical et centralisateur contrôle tout, en
l’absence de pluralisme et de réelle séparation des pouvoirs. Par
ailleurs, l’économie et les relations sociales sont déterminées par
l’État, qui s’appuie sur des organisations professionnelles
(employeurs, syndicats, familles, secteurs d’activité, industrie,
agriculture, loisirs…) qu’il contrôle de manière autoritaire (les
corporations).

D. Les écologies
Les préoccupations vis-à-vis de l’environnement sont apparues
dans les années 1970 dans les pays occidentaux avec le constat de
l’augmentation de la pollution due au productivisme. Il s’agit d’un
mouvement de contestation apparu dans la suite de la révolte
étudiante de 1968. En France, l’écologie s’est manifestée avec la
candidature de l’agronome René Dumont (1904-2001) à l’élection
présidentielle de 1974 puis à l’occasion des élections municipales de
1977.
Le mouvement écologiste repose sur la remise en cause du
productivisme et la défense de l’environnement. Toutefois, il ne se
limite pas à un programme environnementaliste mais porte diverses
revendications sociétales (parité, féminisme, soutient aux
immigrés…). Il s’est d’abord caractérisé par la volonté de constituer
une troisième voie entre la gauche et la droite en refusant les
alliances par refus de compromission. À partir des années 1980, au
niveau local puis national, des accords électoraux ont été passés
avec la gauche, permettant la participation à la gestion. L’écologie
s’exprime non seulement à travers des partis mais aussi de
nombreuses associations spécialisées. On constate aujourd’hui,
d’une part, que les questions d’environnement sont désormais au
cœur des débats politiques et ne sont plus le monopole des
écologistes car l’ensemble des autres partis s’en sont emparés,
d’autre part que la grande majorité des électeurs et des élus
écologistes se situent à gauche malgré l’existence d’une branche
plus centriste. Depuis quelques années, la volonté de protection de
la cause animale a favorisé l’apparition des mouvements
« animalistes », en marge de l’écologie, partisans à de mesures en
faveur du bien-être animal.

III Évolution de l’État

Les principes de gouvernement dans le cadre d’un organisation


politique ont été formulées dès l’Antiquité avec le développement
des cités grecques puis de l’Empire romain. La notion latine de « res
publica » (chose publique) a permis de distinguer, d’une part les
activités et biens privés des individus, y compris les dirigeants et,
d’autre part, les activités, les fonctions et le patrimoine relevant de
l’intérêt collectif. Avec la chute de l’Empire romain d’occident (476
après J.-C.), est apparue la féodalité (système politique dans lequel
la faiblesse du pouvoir central étatique entraîne la création de
nombreux pouvoirs locaux très autonomes, qui se substituent
pratiquement aux autorités étatiques, qui demeurent mais sont
marginalisées). Le système féodal est ainsi à l’opposé du système
étatique.

A. Aspects généraux
La conception moderne de l’État remonte à la lente remise en
cause des pouvoirs féodaux nés de l’affaissement de l’Empire
romain, d’une part grâce au mouvement d’émancipation des villes
(Villes-États en Italie, telles Gènes, Milan, Florence, Pise, Venise…,
mouvement des villes Hanséatiques et des républiques marchandes
en Allemagne, développement des « corps de ville » en France, qui
favorise l’autonomie des communes par rapports aux seigneurs,
avec l’appui du roi de France), d’autre part grâce à la reconquête du
pouvoir par les monarchies sur leurs vassaux avec l’accroissement
du pouvoir du roi vis-à-vis des féodaux en France, notamment au
travers des actions de Philippe IV le bel et de ses « légistes » vers
1300, de Louis XI, surtout entre 1475 et 1481, période de forte
extension du domaine royal, de Louis XIII et Richelieu lors de la
Fronde (1639-1648). Ce mouvement de renaissance du pouvoir
d’État culmine en France avec la mise en place de son
gouvernement personnel par Louis XIV en 1661 et la domestication
de la noblesse, c’est-à-dire des anciens féodaux. On prête à Louis
XIV la fameuse et révélatrice formule apocryphe : « L’État c’est
moi ».

La révolution de 1789 a eu deux conséquences importantes pour


l’affirmation des principes de l’État moderne. D’une la souveraineté
est passée du Roi à la Nation (ce transfert a permis de développer le
modèle de « l’État-nation », voir le chapitre sur la Nation), d’autre
part, sous l’influence des philosophes des Lumières, notamment de
Charles de Montesquieu (1689-1755) dans L’esprit des lois (1748),
la séparation des pouvoirs est mise en œuvre (voir le chapitre sur la
démocratie) et les libertés individuelles sont affirmées (voir le
chapitre sur les droits de l’Homme). Séparation des pouvoirs et
affirmation des libertés individuelles doivent empêcher la mise en
œuvre d’un pouvoir de nature absolutiste et d’empêcher la tyrannie.
(voir le chapitre sur la Démocratie) À ce propos, il convient de
distinguer entre l’État de droit et l’État de police :
– L’État de droit est l’État qui applique de manière effective les
principes du libéralisme politique déjà mentionnés (voir le
chapitre sur la Démocratie) et dans lequel la séparation des
pouvoirs est mise en œuvre. Les responsables politiques sont
élus ou placés sous le contrôle d’organes élus dans le cadre
d’élections loyales (égalité des candidats devant la loi électorale)
et libres. Les libertés individuelles sont garanties et l’adoption des
lois et des règlements se fait selon une procédure transparente
avec possibilité de déposer des recours juridiques. En particulier,
l’administration est soumise à la règle de droit car les décisions
qu’elle prend le sont dans le cadre des lois adoptées par les
représentants du peuple et sous le contrôle du juge. Il se
distingue de l’État de police. Toutefois, les autorités ont la
possibilité, en cas de péril grave et imminent, de restreindre
l’exercice des libertés publiques de manière provisoire et
proportionnée sous le contrôle du juge dans le cadre de l’État
d’exception (violences urbaines graves, lutte contre le terrorisme,
crise sanitaire… (voir le chapitre sur la démocratie et celui sur les
Droits de l’Homme).
– L’État de police est celui dans lequel l’administration n’est dans
les faits pas soumise à la règle de droit et peut donc agir de
manière discrétionnaire à l’encontre des administrés sans être
liée par le respect des libertés individuelles. Généralement, dans
un tel État, la séparation des pouvoirs n’est que formelle, c’est-à-
dire que même si elle est prévue par un texte, elle n’est pas
appliquée (tel est typiquement le cas d’un régime présidentialiste,
dans lequel l’exécutif est hypertrophié par rapport aux deux
autres pouvoirs et le chef de l’État exerce un pouvoir peu ou pas
limité). Le gouvernement y repose en partie sur la raison d’État.
La raison d’État désigne un principe de gouvernement, développé
à partir de la Renaissance, selon lequel un État, au nom d’une
conception absolutiste de sa souveraineté, décide dans le règlement
de certaines affaires sensibles engageant un intérêt national
considéré comme essentiel, de s’affranchir du respect du droit et de
mettre en œuvre des actions illégales. Il a notamment été théorisé
par Nicolas Machiavel (1469-1527) dans Le Prince. Bien
qu’antinomique par essence avec l’État de droit, la raison d’État est
aussi parfois pratiquée dans ce dernier de manière clandestine
(exemple : le sabordage en 1985 par les services secrets français du
navire « Rainbow warrior », armé par une association de protection
de l’environnement, qui participait à des campagnes hostiles aux
essais nucléaires français). La notion de Fait du prince désigne un
acte arbitraire pris par un gouvernement (exemple : dévaluation de
la monnaie). En droit administratif français, le fait du prince est une
théorie jurisprudentielle prévoyant l’indemnisation intégrale d’un
cocontractant de l’administration en cas de modification
extracontractuelle arbitraire de ce dernier par l’administration
entraînant une rupture de l’équilibre financier (exemple : l’équilibre
d’un contrat est affecté par un arrêté de police réglementant la
circulation, CE 1937, Compagnie des Îles).

Depuis la fin du xviiie siècle, on est passé de la notion


d’« État libéral minimum » (aussi appelé « État-gendarme » pour
souligner qu’il concentre son action sur les domaines régaliens du
latin regus (roi) à celui d’« État providence ». Le terme « régalien »
caractérise les services ou activités qui, relevant par nature de la
compétence du souverain, étaient autrefois ceux du Roi et sont
aujourd’hui celle de la Nation (armée, diplomatie, monnaie,
sécurité… à l’exclusion des questions économiques et sociales). Le
terme d’« État providence » désigne un État interventionniste
agissant de surcroît dans des domaines non régaliens comme
l’économie ou le social.

B. L’État gendarme (minimum)


Dans l’État gendarme, on cherche à concilier l’existence
d’institutions politiques et administratives chargées d’assurer la
sécurité avec la protection de la liberté individuelle. L’État est une
structure institutionnelle indispensable et indépassable pour
l’exercice des missions régaliennes , mais il faut également protéger
les libertés individuelles, qu’un État trop puissant pourrait menacer.
Comme l’ont souligné William Wade et Christopher Forsythe
(Administrative law, Oxford Press University, 11th edition, 2021, p 3),
avant 1914 un anglais (en fait, tout habitant d’un pays occidental)
respectueux des lois pouvait passer sa vie entière sans être
confronté à l’État sauf s’il était amené à croiser dans la rue un
facteur ou un agent de police. Dans la conception administrative
française née au xixe siècle, l’État, agissant au travers de
l’administration, dispose de prérogatives de puissances publiques,
exorbitantes du droit commun (c’est-à-dire d’une nature différente
des actes de droit privé applicable à tous, lui permettant d’assurer la
sécurité et l’ordre public).
D’une part, les actions confiées à l’État sont strictement limitées à
cinq missions fondamentales, indispensables pour assurer l’ordre et
la sécurité publique : la défense, la diplomatie, la justice, la police (à
la fois au sens de réglementation et de protection) et la monnaie.
Dans la conception libérale, l’État est considéré comme étant en
quelque sorte un « mal nécessaire » : L’État est potentiellement
dangereux pour les libertés individuelles, d’où la nécessité de la
séparation des pouvoirs et de la mise en œuvre des libertés
individuelles garanties par le législateur sous la sauvegarde du juge
judiciaire dans l’application, afin que « le pouvoir arrête le pouvoir »
(Montesquieu), mais seul est en mesure d’assurer l’ordre et la
sécurité publics (libéralisme politique) au travers des cinq missions
précitées, qui constituent sa compétence d’attribution.
D’autre part, toute compétence non exclusivement confiée à l’État
doit relever de l’initiative privée (libéralisme économique). Ainsi, en
dehors des compétences régaliennes précitées que l’État exerce en
monopole, toutes les autres activités relevaient de l’initiative privée.
Cette conception était parfois très absolutiste puisqu’au début de la
Révolution, par exemple, certains libéraux considéraient que si
l’emploi des pièces d’artillerie relevait de la compétence de l’État et
de ses agents au titre de la défense, leur transport des arsenaux
vers le champ de bataille devait être confié à des entrepreneurs
privés ! Dans cette conception libérale de l’État de nombreux
secteurs, tels l’éducation, la santé, le social, la culture, les loisirs…
doivent relever de la seule initiative privée dans le cadre de la liberté
du commerce et de l’industrie. De plus, en dehors de ce qui relève
de l’ordre et de la sécurité publics, l’État n’a pas à intervenir par des
actes unilatéraux de droit public (loi ou règlement) dans les relations
entre personnes privées, qui relèvent exclusivement de l’autonomie
de la volonté des cocontractants (il appartient à chaque partie de
tirer elle-même les conséquences de sa signature en termes de
droits et d’obligations) dans le cadre de contrats (par exemple, dans
le Code civil de 1804, le contrat de travail n’est qu’un contrat civil
parmi d’autres et non un contrat particulier ; de même il n’existe
alors aucune protection spécifique pour le consommateur dans le
cadre du contrat de vente ou pour le locataire dans le cadre du
contrat de bail). La brutalité des conséquences du libéralisme sur la
vie des travailleurs et des pauvres a entraîné l’apparition progressive
de l’États providence.

C. L’État providence (interventionniste)


L’État providence s’est mis en place progressivement au cours
du xixe siècle. En France, les premières manifestations de l’État
providence remontent à Napoléon III (1808-1873). L’Empereur était
de sensibilité « ouvriériste » (c’est-à-dire qu’il était conscient des
conséquences de l’industrialisation sur les travailleurs, il avait écrit
en 1844 un ouvrage : L’extinction du paupérisme, qui propose le
développement de l’instruction et diverses mesures budgétaires pour
soulager la misère ouvrière et agricole) et a mis en place durant son
règne diverses mesures interventionnistes (notamment,
développement du mutualisme, système d’épargne volontaire
soutenu par l’État instituant une couverture en cas de chômage,
accident du travail, veuvage, mort du bétail, mauvaises récoltes…).
Ses détracteurs libéraux appelèrent par dérision cette volonté
interventionniste « État providence », au sens d’un gouvernement
qui prétend se substituer à l’ordre « naturel » des choses (l’État
régalien) et se prend pour la Divine providence.
Par suite, les conséquences économiques et sociales de la
Révolution industrielle (exode rural et développement urbain,
mécanisation, développement des sciences et donc du besoin de
formation des travailleurs, nécessité de développement des
transports, développement et poids électoral des théories favorables
aux droits des travailleurs…), de la démocratisation politique née de
la Révolution (suffrage universel, liberté syndicale, liberté
d’association…) et de la révolution scientifique (développement de
l’hygiène, lutte contre certaines maladies…) ont incité les
gouvernements des différents pays occidentaux, notamment face à
la nécessité de compenser les effets désastreux des deux guerres
mondiales, des crises économiques (1929, 1973, aujourd’hui, crise
sanitaire) par des politiques publiques volontaristes de justice
redistributive. L’État providence, tout en mettant œuvre des
politiques d’interventionnisme économique et social, reste libéral, au
plan politique, comme au plan économique. Il ne constitue ni une
démocratie populaire, ni un État corporatiste.
William Wade et Christopher Forsythe (Op. cit) notent ainsi que
depuis 1914, le développement de l’interventionnisme étatique a
démultiplié le nombre de services publics dont le citoyen est usager
(transports publics urbains ou interurbains, enseignement, emploi,
santé, loisirs, activités sportives ou culturelles, services dédiés à la
petite enfance, les personnes âgées, les handicapés,
l’environnement…) dans le cadre du développement de l’État
providence. En 1914-1918 et dans l’entre-deux-guerres,
l’interventionnisme économique était essentiellement contraint : les
gouvernements libéraux prenaient des mesures pour faire face aux
conséquences de la guerre, de la reconstruction, des crises
économiques… Toutefois, les États marxistes et les États
corporatistes pratiquaient, de manière autoritaire,
l’interventionnisme. Peu à peu, pour faire face aux conséquences
humaines des crises économiques tout en protégeant un système de
liberté, est née l’idée de concilier maintien du libéralisme politique et
économique et poursuite du bien-être social par des mesures
interventionnistes volontaristes prises par l’État (voir ci-dessus les
developpements sur social-démocratie et démocratie chrétienne :
noter que le Programme du Conseil national de la résistance qui
établissait la liste des mesures à prendre à la Libération en matière
économique et sociale et qui a inspiré ensuite la rédaction du
préambule constitutionnel de 1946 qui énonce les principes de l’État
providence à la Française a été rédigé par des représentants du
parti communiste, du parti socialiste, du radicalisme, de la
démocratie chrétienne…). De telles pratiques se sont développées
dans les années d’après-guerre dans le cadre de la reconstruction et
de la volonté de créer un État providence social (nationalisation de
nombreux secteurs en 1945-1946 : gaz électricité, assurances,
banques ; création de la sécurité sociale ; poursuite du contrôle par
l’État du transport aérien et ferroviaire nationalisé en 1937,
développement d’un système d’économie mixte associant secteur
public et privé…). L’État providence s’est alors développé dans toute
l’Europe occidentale : France, Italie, Royaume-Uni, Pays
scandinaves, Allemagne, Autriche…
En France, tout particulièrement, l’interventionnisme dans le cadre
de l’État providence a pris de nombreux visages. : interventionnisme
économique (création des établissements et services publics
industriels et commerciaux, nationalisations en 1937, 1945-1946 et
1982…), social, culturel.
Dès l’entre-deux-guerres, au travers du « socialisme municipal »
(dont la conformité avec le principe de la liberté du commerce et de
l’industrie a été reconnue par CE, 1930, Commerce de détail de la
ville de Nevers), les communes ont mis en place, à leur niveau, une
justice sociale redistributive (à l’époque les majorités municipales de
gauche essaient de mettre en œuvre des actions
d’interventionnisme au niveau local, en attendant de pourvoir obtenir
une majorité au parlement). En 1936, la victoire du Front populaire a
permis à une majorité de gauche de prendre diverses mesures
d’interventions en matières économiques (nationalisation, création
d’offices chargés de réguler l’économie libérale) et sociales (40 h
hebdomadaires, congés payés…). À la suite de la victoire de la
gauche en 1981, il y a eu mise en place d’un programme
d’intervention à la fois au niveau national (nationalisations, 39 h
hebdomadaires…) et locale (depuis 1982, le département intervient
dans le domaine des affaires sociales ou le maintien d’activités et de
services publics dans les zones rurales, tandis que la région exerce
des compétences dans les domaines de l’aménagement du territoire
et des interventions économiques, les communes assurant la
solidarité de proximité). Cette conception se retrouve encore de nos
jours dans les mesures prises dans le cadre de la crise économique
liée à la situation sanitaire.

D. La crise de l’État providence


La crise de l’État providence est consécutive à la crise pétrolière de
1973. D’une part, la brusque augmentation du nombre de
bénéficiaires d’aides dans un contexte de mutations économiques a
provoqué une crise des finances publiques limitant les possibilités
d’interventions des personnes publiques. D’autre part, les
interventions de l’État providence n’ont pas surmonté la crise
économique. Les partisans de l’État providence affirment qu’il
permet de limiter l’exclusion sociale et de faire face aux effets
dévastateurs des crises économiques. Ainsi, John Maynard Keynes
(1883-1946) a défendu l’idée selon laquelle les marchés ne
s’équilibrent pas de manière naturelle et qu’il convient par
conséquent que les États interviennent par des politiques correctives
volontaristes pour anticiper ou alléger les effets des crises
économiques. Ces idées sont aujourd’hui reprises par Joseph
Stiglitz (né en 1943, Prix Nobel d’économie), fondateur de la
« Nouvelle économie keynesienne ». Selon cette école, l’État peut
jouer un rôle positif dans l’économie lorsqu’il assure la gestion de
services publics, la réduction des monopoles et la lutte contre les
imperfections des marchés afin de mieux assurer le bien-être
collectif.
Les libéraux soulignent le coût trop élevé de l’État providence pour
des performances trop limitées et recommandent au contraire un
désengagement de l’État de certaines activités. Ainsi, selon Friedrich
Hayek (1899-1982) dans La route de la servitude (1944)
l’interventionnisme amène l’État à sortir de ses compétences pour
empiéter sur les libertés individuelles, notamment économiques, et
aboutit à un système à la fois invasif et inefficace… Enfin, dans un
contexte de mondialisation de l’économie et d’impact de la
concurrence étrangère dans un monde dépourvu de frontières
économiques, l’État a renoncé à de nombreuses interventions
(privatisation d’entreprises, ouverture à la concurrence de services
publics, suppression ou aménagement de diverses prestations
sociales…) tout en essayant de diminuer la pression fiscale sur les
entreprises, ce qui le prive de recettes et limite plus encore ses
possibilités d’actions. En France, les gouvernements issus des
différentes alternances, y compris lorsqu’ils avaient fait campagne
sur des thématiques interventionnistes, ont adopté des mesures
libérales ou ont tenté d’adapter l’économie française aux contraintes
extérieures.
La doctrine du nouveau management public, inspirée par les
travaux précurseurs de l’ingénieur français Henri Fayol (1841-1925),
s’est développée aux États-Unis à partir des années 1970. Elle
s’efforce de relativiser les différences d’organisation et de
fonctionnement entre secteur public et privé. Pour cette école, une
activité de service donnée (transport, éducation, soins…) présente
des contraintes communes en termes de conception, d’organisation
ou de gestion, qu’elle soit gérée par une personne publique ou par
un entrepreneur privé. L’analyse de la crise de l’État providence
amène les tenants de cette conception à considérer que la
recherche d’une gestion plus efficace et plus efficiente des services
publics doit s’inspirer des méthodes réputées être caractéristiques
du secteur privé (diminution des coûts, externalisation de certaines
activités considérées comme annexes par rapport à l’activité
principale, recherche de performance, de modernisation,
d’innovation, promotion de la qualité de l’offre dans une logique
concurrentielle, substitution de la notion de « client » à celle
d’« usager »…) et devant permettre d’améliorer le ratio entre le coût
et la qualité du service proposé. Pourtant, l’excellence et l’efficacité
ne sont pas le monopole de l’entreprise privée puisque, certains des
principes du service public (« lois » de Rolland), comme
l’adaptabilité ou la continuité du service public contribuent depuis
le xixe siècle à la modernisation et l’innovation dans les services
publics conformément aux besoins de l’intérêt général.
Cette conception, d’abord limitée aux pays anglo-saxons et
d’Europe du nord, s’est progressivement développée à la faveur de
la mondialisation et de la décision des États membres de l’Union
européenne, d’ouvrir à la concurrence et de privatiser des activités
d’intérêt général jusque-là assurées sous forme de service public.
Elle a été mise en œuvre en France, d’une part au travers de
l’ouverture progressive à partir des années 1990 à la concurrence ou
de la privatisation de divers anciens monopoles d’État nés à
l’époque de l’État providence triomphant (téléphonie, électricité et
gaz, transport aérien, chemins de fer…) et d’autre part par la mise
en place en 2007 de la révision générale des politiques publiques
(RGPP) puis en 2012 de la Modernisation de l’action publique
(MAP). La RGPP visait notamment à réduire progressivement
l’augmentation des dépenses publiques et à rééquilibrer les comptes
publics, en particulier par la réduction des effectifs de fonctionnaires,
la simplification et la modernisation du fonctionnement de l’État, le
recentrage des services publics sur leurs missions principales et la
promotion de la culture du résultat et de l’efficacité. La crise actuelle
de l’autorité de l’État, comme l’impact des effets de la crise sanitaire,
s’expliquent en partie par les importantes diminutions d’effectifs dans
les forces de sécurité et le personnel hospitalier. Par ailleurs, ces
politiques n’ont pas véritablement permis une réduction des
dépenses et du déficit publics.
Les plus récentes manifestations de l’État-providence en France
sont :
– d’une part le soutien apporté par l’État durant la crise sanitaire
(2020-2022) aux salariés (chômage partiel pour les employés
travaillant dans les secteurs dont les activités ont été suspendues
ou limitées en période confinement) et aux entreprises (aides
financières pour compenser en partie les pertes de bénéfices en
fonction d’un chiffre d’affaires de référence, compensation de
charges fixes, aménagement ou lissage des prélèvements
obligatoires…) ;
– d’autre part, la décision de bloquer le prix du gaz pendant l’hiver
afin de permettre une limitation et un lissage sur plusieurs mois
de la hausse de cette matière première et d’en diminuer l’impact
sur les consommateurs (2021-2022), puis de compenser en
partie la hausse du coût de l’essence à la suite de la crise
ukrainienne (2022).
Ainsi, bien que connaissant une crise due à l’état de l’endettement
public et au contexte concurrentiel de la mondialisation, l’État-
providence « à la française » demeure dynamique et joue toujours
son rôle d’amortisseur des effets des crises.
La protection du pouvoir d’achat est au cœur de la logique de l’État
providence. Le pouvoir d’achat est déterminé par la comparaison
entre les revenus d’un ménage et le montant de l’inflation (1,6 % en
2021, 0,5 % en 2020), calculé par membre (unité de consommation).
Les études de l’INSEE constatent une hausse du pouvoir d’achat
(environ 1 % par an, 1,7 % en 2021). Toutefois, l’augmentation de
certains prix (électricité, gaz, essence, produits frais, céréales…)
pèse lourdement sur les ménages les plus modestes et est à
l’origine de divers mouvements sociaux (bonnets rouges, gilets
jaunes, manifestations diverses…). En réponse, l’État providence
met en place diverses prestations (indemnité inflation de 100 euros,
primes de soutien en matière d’énergie…) versées aux personnes
au chômage ou à faibles revenus.

E. L’État maman
L’on désigne sous le nom « d’État Maman » (ou État Mamma) la
tendance de certains gouvernements à s’immiscer dans les choix
individuels des citoyens et des consommateurs, au nom de la
protection d’intérêts considérés comme supérieurs tels que la santé,
la sécurité ou l’environnement. Il s’agit essentiellement de mesures
incitatives ou de recommandations parfois répétées ad nauséam
(manger cinq fruits et légumes par jour…) destinées à modifier les
comportements, par exemple en matière alimentaire ou d’activités
physiques. Si l’intention de prévention de certains risques de santé
par l’information et l’incitation est louable, elle est présentée par ses
détracteurs comme infantilisante (d’où le choix d’une appellation
qualifiant un État se comportant vis-à-vis des citoyens comme un
parent à l’égard de ses enfants mineurs pour leur dire quoi manger
ou boire, faire ou ne pas faire…) et peu respectueuse de la
responsabilité personnelle de l’individu. L’efficacité éventuelle de
telles recommandations est au demeurant difficile à mesurer et
n’empêche pas le développement de diverses pathologies
(addictions diverses, obésité, cancers, maladies
cardiovasculaires…). Par ailleurs, l’État maman, dans le cadre
duquel on a affirmé le principe de précaution (charte de
l’environnement intégrée au préambule constitutionnel), souligne
que la société française, dans son ensemble, a peur du risque et
cherche à être protégée.
La crise sanitaire du Covid en est une illustration, s’agissant d’une
maladie dont le taux de léthalité réel était de 0,7 % (Institut Pasteur,
2020) avec d’importantes disparités par tranches d’âge (13 % de
décès chez les plus de 80 ans) ou en fonction de certaines fragilités
ayant conduit à d’importantes restrictions touchant l’ensemble de la
population. Ces mesures ont été prises pour faire face à
l’engorgement des services de réanimation (voir le chapitre sur la
santé).
Outre que le risque fait partie de la vie (voir la formule éculée mais
réaliste selon laquelle le risque zéro n’existe pas), il est, à condition
d’être raisonnable et bien évalué (la prise de risque n’est pas
synonyme d’imprudence), le moteur du progrès scientifique et de
l’innovation. Une société refusant le risque s’expose à l’immobilité,
voire, selon certains, au déclin (voir le chapitre sur le déclin). On
constate le développement et la médiatisation d’activités de loisir
comportant des risques en réponse à la quête générale de sécurité
(parapente, saut à l’élastique…).
On relèvera en conclusion que l’État moderne, notamment en
France, se caractérise par une véritable inflation normative. Ainsi,
sont applicables actuellement en France environ 10 500 lois,
127 000 décrets, 3 600 procédures administratives, 17 000 textes de
l’Union européenne et 7 400 conventions internationales.

IV Les formes d’État

L’État est soit unitaire, soit composé.

A. L’État unitaire
Dans l’État unitaire, il n’existe qu’une seule organisation politique et
administrative pour l’ensemble du territoire, avec une compétence
nationale. L’État unitaire est, par principe, centralisé, c’est-à-dire que
le pouvoir normatif se trouve au niveau du gouvernement central, qui
seul à la capacité d’édicter les règles de droit. Toutefois, un État qui
serait exclusivement centralisé, c’est-à-dire ne prévoyant aucune
délégation de compétence à des autorités locales et dont toutes les
décisions émaneraient des seules autorités nationales n’est en
pratique par concevable car des relais sont nécessaires.
L’organisation de l’État unitaire comporte donc deux aménagements
possibles, la déconcentration et la décentralisation.
Dans la déconcentration, le pouvoir central délègue à des agents
locaux qu’il nomme, l’exercice de certaines compétences et exerce à
leur égard un contrôle hiérarchique lui permettant de rapporter les
décisions locales prises (le préfet ou le recteur par exemple).
Dans la décentralisation, le pouvoir central délègue à des agents
locaux élus par la population concernée, l’exercice de certaines
compétences et exerce à leur égard un contrôle de la légalité
(conformité des décisions locales au droit) en saisissant le juge
administratif. On parle de décentralisation territoriale pour désigner
les mesures de transfert de compétences en faveur des collectivités
territoriales (le conseil départemental par exemple). On parle de
décentralisation par service pour désigner le transfert de
compétences en faveur de services administratifs dotés de la
personnalité morale, le plus souvent sous forme d’établissement
public (une université par exemple).
À noter que le maire ayant une « double casquette » est à la fois
un agent déconcentré de l’État (tenue de l’état-civil, organisation des
élections et du recensement notamment) et un agent décentralisé
représentant sa collectivité (gestion des affaires communales).
En France, selon l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958,
la France est une République indivisible (donc unitaire) dont
l’organisation est décentralisée.
Exemple d’États unitaires : France (voir ci-dessous), Pays-Bas,
Suède.

B. L’État composé
Dans l’État composé, il existe deux ordres politiques et
administratifs distincts, l’un au niveau national, l’autre au niveau local
disposant chacun de compétences propres. La principale forme
d’État composé est celle de l’État fédéral, dans lequel la constitution
distingue, d’une part, les institutions, les procédures et les
compétences relevant du pouvoir fédéral (national) et, d’autre part,
celles relevant des pouvoirs fédérés (locaux), sous le contrôle du
juge constitutionnel, qui veille au respect de la répartition des
compétences entre les deux ordres. Il existe ainsi deux ordres
normatifs, deux ordres juridictionnels, deux ordres institutionnels, qui
exercent chacun leurs compétences respectives. En particulier, les
entités fédérées disposent de leur propre pouvoir législatif par
l’édiction de lois locales Toutefois, le principe de
suprématie fédérale, permet d’interpréter toute disposition
constitutionnelle ambiguë d’une manière favorable au pouvoir
fédéral. Par ailleurs, même si les entités fédérées sont qualifiées
d’« État » disposant d’une « constitution » et affirment posséder une
forme de « souveraineté », seul le niveau fédéral dispose
véritablement de la souveraineté, notamment internationale et
constitue un État au sens défini plus haut. Exemple d’États
fédéraux : Allemagne, Autriche, Belgique, Canada, États-Unis. En
principe, le pacte fédéral est définitif et ne permet pas aux États
fédérés membres de pouvoir recouvrir leur indépendance (exemple :
la Suisse en 1847 ; les États-Unis en 1861-1865).

C. L’État régional
L’État régional est une modalité particulière de l’État unitaire qui
emprunte des traits du fédéralisme : s’il existe bien une seule
organisation politique et administrative pour l’ensemble du territoire
comme dans l’État unitaire, la constitution garantit cependant sous la
sauvegarde du juge constitutionnel l’existence de compétences
particulières reconnues à certaines entités particulières (exemple :
communautés autonomes en Espagne, régions à statut particulier en
Italie). À l’origine, l’État régional a été le moyen de trouver un
consensus entre le maintien de l’unité et une certaine diversité
(Belgique entre 1970 et 1993, Espagne, Italie). Toutefois, par
révisions constitutionnelles successives, les États régionaux ont
désormais tendance à constituer une modalité particulière du
fédéralisme.

V L’État en France aujourd’hui

A. La France, État unitaire particulier


La France présente une situation institutionnelle complexe. En
effet, si le territoire métropolitain et celui des régions d’outre-mer, et
donc la grande majorité de la population nationale, sont soumis à un
régime à la fois unitaire et décentralisé (article 1er et 72,72-1, 72-
2,72-3, 72-4 et 73 de la constitution), les collectivités d’outre-mer à
statut particulier telles que la Polynésie française (article 74 et 74-1
de la Constitution) et de Nouvelle-Calédonie (articles 74-1, 76 et 77
de la Constitution) relèvent dans leurs relations avec le pouvoir
central d’une logique institutionnelle et fonctionnelle inspirée par le
fédéralisme sans que ce dernier terme soit employé avec la mise en
place d’une législation locale, les « lois de pays ». La population de
Nouvelle-Calédonie, consultée par referendum en 2018, 2020 et
2021, a voté le maintien du territoire dans la République française.
Ce statut spécifique avec possibilité de référendum pour obtenir
l’indépendance, est inusité même dans les États fédéraux et
constitue donc une originalité.
Aux termes de l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958, la
France est une République indivisible, laïque, démocratique et
sociale dont l’organisation est décentralisée et qui assure l’égalité
entre tous les citoyens. Louis Favoreu a qualifié la France d’État
unitaire complexe décentralisé pluri-législatif :
– unitaire : il n’existe qu’un seul pouvoir législatif, un seul pouvoir
exécutif et un seul système normatif, mis en place au niveau
national. Les pouvoirs locaux n’existent qu’en tant qu’ils sont
créés par la loi nationale et dans les limites fixées par cette
dernière (lois de décentralisation fixant les compétences locales).
L’État est à la fois centralisé et déconcentré et dispose de
représentants locaux soumis à son pouvoir hiérarchique (préfet,
recteur, maire pour certaines de ses fonctions) ;
– complexe : l’unité ne signifie pas l’uniformité. Dès lors, la source
nationale normative qu’est le parlement national votant la loi
nationale peut prévoir l’existence d’entités ayant des statuts et
des compétences différents (communes, départements, régions,
outre-mer…) ;
– décentralisé : le pouvoir central délègue à des agents locaux élus
par la population concernée, l’exercice de certaines compétences
et exerce un contrôle de la légalité de leurs décisions. Il existe
des transferts de compétences en faveur des collectivités
territoriales, qui se voient reconnaître par les lois nationales des
compétences spécifiques qu’elles doivent exercer dans le respect
des lois nationales et des compétences de l’État (d’où la
possibilité d’un contrôle de la légalité des mesures prises par le
tribunal administratif en cas de déféré préfectoral) ;
– pluri-législatif : Certaines lois adoptées par le parlement national
sont d’application générale sur l’ensemble du territoire national
(exemple : organisation du service public de la justice), d’autres
ont une application réservée à une partie seulement de ce dernier
(statut de la Corse ou de l’Alsace-Moselle, régime particulier de
Paris, Lyon et Marseille…). Cela reste conforme au caractère
unitaire puisque seul le législateur et le pouvoir réglementaire
national sont compétents.
L’État français participe à l’exercice partagé de certaines
compétences dans le cadre de l’Union européenne et du conseil de
l’Europe (voir le chapitre sur l’Europe) sous le contrôle des
juridictions particulières instituées par les traités ayant fondé ces
organisations (Cour de Justice de l’Union européenne et Cour
européenne des droits de l’Homme).

B. Le régime constitutionnel en France


Ces quelques lignes ne prétendent pas suppléer le cours de droit
constitutionnel mais présentent synthétiquement les principes
essentiels de la Ve République à connaître dans le cadre de la
culture générale.

1. Évolution constitutionnelle de la France (1791-1958)


La constitution du 4 octobre 1958 instituant la Ve République est à
la fois une synthèse et un aboutissement de notre histoire
constitutionnelle nationale. En effet, en environ 150 ans depuis 1791
(première constitution) et une quinzaine de constitutions d’une durée
moyenne inférieure à vingt ans, la France a adopté des régimes
variés : monarchie constitutionnelle (1791, 1814, 1830), césarisme
(An XII, 1815, 1852), république (1793, 1795, An VIII, 1848, 1875),
voire corporatisme (Vichy) ; séparation des pouvoirs souple ou
rigide, plus ou moins respectée ; régime plus ou moins protecteur
des libertés proclamées depuis 1789, exécutif monocéphale,
bicéphale ou pluricéphale ; législatif monocaméral, bicaméral,
tricaméral ; exécutif puissant ou faible ; législatif dominant ou
soumis… L’analyse des causes de l’effondrement de
la IIIe République fut aussi l’occasion d’une réflexion sur ce que
devrait être le nouveau régime de notre pays. Par référendum, fut
finalement adoptée la Constitution du 27 octobre 1946
(IVe République) qui, bien que mettant en œuvre des mécanismes
de parlementarisme rationalisé (dispositions textuelles conditionnant
le déclenchement de la dissolution ou de la crise ministérielle à des
conditions de majorité au parlement), reprit l’essentiel des traits de
la IIIe République et souffrit puis périt des mêmes maux (crises
ministérielles fréquentes, incapacité de l’exécutif à pouvoir
réellement gouverner, affaiblissement de l’autorité de l’État…) dans
un contexte difficile lié à la contestation sociale et aux conflits
coloniaux. Rappelé aux affaires en 1958 pour régler la crise
algérienne, le général De Gaulle fit procéder, en s’inspirant du projet
constitutionnel qu’il avait esquissé en 1946 (Discours de Bayeux)
mais qui, n’avait pas été suivi par l’assemblée constituante, à une
ample révision constitutionnelle, qui aboutit en pratique à un
nouveau régime : la Ve République.

2. Caractéristiques générales de la Ve République


La Constitution de 1958 met en place un régime parlementaire,
c’est-à-dire une séparation souple des pouvoirs, car, comme le
précise l’article 50, le gouvernement est responsable devant le
Parlement. Ainsi, l’Assemblée nationale peut renverser le
Gouvernement (adoption d’une motion de censure qui émane des
députés, et adoptée à la majorité absolue). La souveraineté
nationale appartient au peuple qui l’exerce par des représentants ou
directement lopar référendum (article 3).
La France est une république unitaire avec une organisation
décentralisée, démocratique, sociale et laïque (article 1er, voir ci-
dessus)
a. Le président de la République
Il s’agit d’un régime parlementaire « dualiste » (ou « Orléaniste »
car inspiré de la Chartre de 1830), c’est-à-dire dans lequel le chef
d’État n’est pas seulement un organe de représentation symbolique
de l’État mais dispose de compétences effectives, qu’il peut exercer
pour certaines d’entre elles de manière discrétionnaire (nomination
du premier ministre, dissolution, usage du référendum…). Toutefois,
la plupart de ses attributions sont soumises au contreseing du
premier ministre et des ministres concernés (promulgation des lois,
signature de certains décrets, nominations de hauts-
fonctionnaires…). Le président est politiquement irresponsable
devant le parlement. Il est parfois considéré politiquement
responsable devant le peuple, dont il peut mesurer l’adhésion à sa
ligne politique par la dissolution de l’assemblée nationale ou le
référendum. Il est pénalement responsable en cas de manquement
grave à ses devoirs devant la Haute cour (réunion des deux
chambres en Cour de Justice, l’une introduisant l’instance, l’autre
jugeant). Il est chef de l’État, chef de la diplomatie et des armées
(notion de domaine réservé, qui lui accorde une supériorité en dans
ces deux dernières matières) et, bien que ce rôle revienne en
principe au premier ministre et sauf en cas de cohabitation, le
véritable chef du gouvernement de la majorité parlementaire (notion
d’hyperprésidence, qui existe depuis 1958 mais est aggravée depuis
la réforme du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral, voir
ci-dessous). Le président de la République est élu au suffrage
universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule
fois.
Ainsi, bien que parlementaire dualiste dans le texte, la
V République institue un régime avec une forte prédominance
e

présidentielle (parfois qualifié, selon la formule de Maurice Duverger,


de « semi-présidentiel » en raison du maintien d’une séparation des
pouvoirs souple et non rigide comme dans un régime présidentiel
comme les USA).
b. Le premier ministre et le gouvernement
Le premier ministre est nommé discrétionnairement par le
président, qui doit seulement s’assurer que la personne désignée est
susceptible d’avoir la confiance de l’assemblée nationale. Il dirige le
gouvernement et dispose du pouvoir réglementaire général
(article 20). Sauf en période de cohabitation, il est le principal
collaborateur du président (qui doit le consulter sur certaines
questions comme la dissolution de l’assemblée nationale ou le
recours aux pouvoirs spéciaux) , dont il a la confiance, et est le chef
de la majorité et du gouvernement en théorie, voir ci-dessus),
disposant de compétences propres. Les membres du gouvernement
sont nommés par le président de la République sur proposition du
premier ministre. En pratique, sauf en période de cohabitation, ce
dernier est très largement tributaire des choix du chef de l’État. Le
gouvernement détermine et conduit la politique de la nation
(article 20). Projets de lois, décrets, nominations diverses se
décident en son sein. Chaque ministre est à la fois membre d’un
organe collégial (le conseil des ministres) et le chef d’un service (le
ministère). Le premier ministre et le gouvernement sont exposés à
un double régime de responsabilité : politique (devant l’Assemblée
nationale, ce qui conduit à sa démission) et pénale (la Cour de
Justice de la République). Bien que ce ne sont pas prévu par le texte
de la constitution, le président de la République, lorsqu’il n’y a pas
de cohabitation, contraindre le premier ministre et le gouvernement à
démissionner.
c. Le pouvoir législatif
La Ve République met en place un organe législatif bi caméral,
partiellement inégalitaire.
L’Assemblée nationale est composée de 577 députés, élus au
suffrage universel direct dans le cadre de circonscriptions au scrutin
majoritaire à deux tours pour un mandat de cinq ans (sauf
dissolution). Elle se renouvelle entièrement. Comme le précise
l’article 50, le gouvernement est responsable devant le Parlement.
Toutefois, seule l’Assemblée peut engager la responsabilité politique
du gouvernement de sa propre initiative (motion de censure) ou
après engagement de sa responsabilité par le gouvernement
(articles 49-1, 2 et 3). Elle dispose d’un droit de dernier mot en
matière législative et budgétaire qui lui permet, à l’issue de la
navette avec l’autre chambre, de voter définitivement le texte.
Le Sénat est composé de 348 sénateurs élus pour un mandat de
six ans au suffrage universel indirect par de grands électeurs
(députés et élus locaux communaux dont le nombre varie en
fonction de la population, départementaux et régionaux dans le
département, ce qui fait qu’il est considéré comme étant la chambre
des territoires plus que des populations). Le Sénat se renouvelle par
moitié tous les trois ans. Si le département élit un ou deux
sénateurs, le scrutin est majoritaire à deux tours. S’il désigne plus de
deux sénateurs, l’élection a lieu à la proportionnelle. En matière
législative et budgétaire, le Sénat participe à la discussion des textes
avec l’assemblée nationale, sous réserve que cette dernière use de
son droit de dernier mot. Le gouvernement n’est pas responsable
politiquement devant le Sénat.
En matière de révision constitutionnelle et de vote des lois
organiques relatives au Sénat, les textes doivent être adoptés dans
les mêmes termes par les deux chambres, qui sont donc alors en
égalité. De plus, en cas de désaccord en matière législative entre les
deux chambres après deux lectures (régime ordinaire) ou une seule
lecture (urgence), le gouvernement peut demander à une
commission mixte paritaire (sept membres de chaque assemblée)
de rechercher un texte de compromis. Ce n’est qu’en cas d’échec
que l’assemblée nationale exerce son droit de dernier mot. Enfin, le
sénat et l’assemblée participent de manière égalitaire au contrôle de
la responsabilité pénale de l’exécutif (Haute cour et Cour de Justice
de la République).
Enfin, assemblée et sénat participent au contrôle de l’action
gouvernementale au travers de l’action de leurs commissions,
permanentes ou spéciales et pour le suivi de l’application des lois, le
contrôle de l’application du budget et du financement de la sécurité
sociale.
La révision constitutionnelle de 2000 a prévu que le mandat
présidentiel et celui des députés est de cinq ans. Par ailleurs, le
législateur a inversé le calendrier électoral afin que le président soit
élu avant les députés. Ainsi, l’élection présidentielle est devenue la
principale, les législatives ayant seulement pour objet de donner une
majorité au président. Il en résulte une hyper-présidentialisation du
régime car les députés de la majorité sont fortement dépendant du
président et de sa ligne politique.
Pour les scrutins uninominaux, la parité impose un nombre égal de
candidatures masculines et féminines à peine de sanction financière.
Pour les scrutins de liste, système de parité en alternance par
tranches de 6.

VI Les collectivités territoriales en France

A. Éléments généraux
Selon l’article 72 de la Constitution du 4 octobre 1958 les
collectivités territoriales de la République sont les communes, les
départements et les régions, les collectivités à statut particulier et les
collectivités d’outre-mer. Toute autre collectivité peut être créée par
la loi (exemple : création de la métropole de Lyon en 2016,
collectivité à statut particulier exerçant sur son territoire les
compétences du conseil départemental en plus d’autres attributions).

Les collectivités territoriales constituent l’échelon de démocratie de


proximité car, aux termes de l’article 72, elles exercent leurs
compétences « par des conseils élus ». Chaque collectivité dispose
d’un organe délibérant élu par la population du territoire en cause
(conseil municipal, départemental ou régional) et un exécutif
collégial qui en est issu et dirigé par un maire (commune) ou un
président (département et région). L’organe délibérant vote les
textes dans les domaines relevant de la compétence de la
collectivité ainsi que son budget. L’organe exécutif prépare et
exécute les décisions de l’organe délibérant et peut intervenir
directement sur les domaines pour lesquels l’organe délibérant lui a
donné délégation.

Communes, départements et régions sont à la fois des


circonscriptions déconcentrées de l’État (le maire représente l’État
dans la commune pour certaines compétences, le préfet dans le
département et la région) et des entités décentralisées (le maire, le
président du conseil départemental ou régional dirigent ces
collectivités autonomes dans le cadre des lois applicables). Si elles
sont subordonnées à l’État, les collectivités territoriales sont égales
entre elles dans la mesure où aucune d’entre elles ne peut exercer
de tutelle sur une autre. La clause générale de compétence
permettant à chaque niveau de collectivité de régler librement les
affaires la concernant n’est maintenue par la loi n° 2010-1563 que
pour les communes. Elle met en place l’institution de procédures
nouvelles de fusion des communes ou de regroupement de
départements. Par ailleurs, de nouvelles structures de coopération
(métropoles et pôles métropolitains) ont été constituées.

Les collectivités territoriales interviennent dans les domaines


relevant de leurs compétences, dans le respect des compétences
dévolues à l’État et aux autres collectivités territoriales.
Conformément aux principes de la décentralisation, le pouvoir local
est élu par la population concernée et est soumis à un contrôle de la
légalité de ses décisions par le représentant de l’État : le préfet ou le
sous-préfet dans l’arrondissement peut demander à la collectivité de
rapporter un acte qu’il estime illégal et, en cas de refus, déférer ce
dernier au tribunal administratif. De même, les collectivités doivent
adopter leur budget en équilibre « réel », c’est-à-dire comprenant
l’ensemble des dépenses obligatoires (salaires, services publics
obligatoires…). Le préfet peut saisir la chambre régionale des
comptes pour s’assurer que le budget adopté est bien légal.
Il existe diverses collectivités à statut particulier en métropole
(Collectivité de Corse, Collectivité européenne d’Alsace, Métropole
de Lyon, Ville de Paris…) et outre-mer (Guyane, Martinique,
Mayotte) qui constituent des aménagements plus ou moins
substantiels du droit commun des communes, départements ou
régions afin de tenir compte à la fois de particularismes locaux et de
l’éloignement géographique. Par ailleurs, les collectivités d’outre-mer
(ex-Territoires d’outre-mer), tels la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie
française, Saint Barthélémy, Saint-Martin, Saint-Pierre et Miquelon et
Wallis et Futuna disposent de statuts spécifiques originaux,
dérogeant fortement au droit commun et leur donnant des
compétences particulières protégées par l’article 74 de la
Constitution et par son titre XII (Nouvelle-Calédonie) avec un régime
juridique inspiré du fédéralisme.

Les principaux textes applicables sont (O. Meyer, Les collectivités


territoriales, Dunod, 2021) :
– Loi de 1871 sur les départements et loi municipale de 1884 :
elles ont mis en place une organisation administrative unitaire
avec quelques éléments de décentralisation et de
déconcentration (on parle de « Charte des libertés locales »)
avec mise en place d’une tutelle de l’État sur communes et
départements.
– Loi de 1972 instituant des régions sous forme d’établissement
public.
– Lois Defferre : loi du 2 mars 1982 (droits et libertés des
communes et des régions), loi du 7 janvier 1983 (répartition des
compétences entre État, communes, départements et régions) et
loi du 22 juillet 1983 (loi de complément). Ont été par ailleurs
adoptées des dispositions spécifiques pour la Corse et pour
l’outre-mer. Ces textes, qui réforment profondément l’organisation
territoriale française pour la première fois depuis 1884 suppriment
la tutelle et la remplacent par le contrôle de déféré administratif
par le préfet sous le contrôle du tribunal administratif (actes) et de
la chambre régionale des comptes (budget), décentralisent le
département (le préfet est seulement représentant de l’État, le
président du conseil général représente le département en tant
qu’institution décentralisée), la région est également une
collectivité territoriale de plein exercice, des compétences sont
transférées par l’État (exemple : les communes délivrent les
permis de construire désormais), des subventions d’États
permettent de financer les actions locales (dotations globales :
fonctionnement, équipement, décentralisation).
– Loi ATR du 6 février 1992 et loi du 12 juillet 1999 : renforcement
de la décentralisation avec création puis développement de
l’intercommunalité à fiscalité propre.
– Loi du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités
territoriales qui cherche à simplifier la carte territoriale française
par une spécialisation accrue des différents niveaux
d’administration.
– Loi du 27 janvier 2014 (dite loi MAPTAM) portant modernisation
de l’action publique territoriale et affirmation des métropoles
précise le statut des métropoles et créé des collectivités chef de
file pour certains domaines (le département en matière d’aide
sociale ; la région en matière d’action économique, de transports
et de tourisme…).
– Loi du 16 janvier 2015 a fusionné certaines régions (13 en
métropole et 5 outre-mer désormais).
– Loi du 7 août 2015 (dite loi NORE) portant nouvelle organisation
de la république a supprimé la clause de compétence générale
des départements et des régions et renforce le rôle des
communes comme échelon de base tout en précisant les
compétences des départements et des régions (O. Meyer, Les
collectivités territoriales, Dunod, 2021).
Ces différents textes se sont efforcés de concilier le principe
constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales
avec une nécessaire simplification et rationalisation des
compétences pour limiter le risque de chevauchement de
compétences entre les différents niveaux (millefeuilles territorial), qui
ralentissait l’action et ruinait à l’efficacité de l’action publique locale.

B. Les communes et les intercommunalités


Article L. 2121-29 du CGCT : Le conseil municipal règle par ses
délibérations les affaires de la commune. Il peut déléguer au maire le
pouvoir de prendre en son nom certaines décisions. Il est élu pour
un mandat de six ans. Dans les communes de moins de
1 000 habitants l’élection du Conseil municipal a lieu au scrutin de
liste majoritaire à deux tours avec possibilité de panachage et
application de la parité. Dans les communes plus peuplées, le
conseil municipal est élu au scrutin de liste mixte majoritaire
proportionnel à deux tours. Dans toutes les communes, le maire est
élu par le conseil municipal en son sein.
Les communes (anciennes paroisses) ont été créées en 1789. Il
existe (chiffres au 1er janvier 2017) 35 416 communes (qui
représentent le tiers des communes de l’Union européenne, dont
près de 75 % ont moins de 1 000 habitants et 22 % moins de
10 000, 0,03 % des communes françaises ont plus de
200 000 habitants, 2,49 % en ont entre 10 001 et 199 999), environ
13 700 syndicats de coopération intercommunale et 12 610
établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) au
1er octobre 2017.
Les communes ont, depuis le 1er janvier 2014, l’obligation
d’adhérer à un EPCI (Établissement Public de Coopération
Intercommunale). Il existe des régimes juridiques différents pour les
structures de coopération intercommunales en fonction de seuils de
population et de superficie de chaque territoire concerné (du moins
au plus intégrateur) : communautés de communes, communautés
d’agglomération, communautés urbaines, métropoles. Ces
structures interviennent de manière obligatoire en matière de
développement économique et d’aménagement du territoire. Les
agglomérations et les métropoles sont de surcroît compétentes en
matière de voierie, équipements, environnement, logement, cadre de
vie…, alors que ces derniers domaines sont seulement facultatifs
pour les communautés. Pour essayer de ne pas encore aggraver la
stratification administrative, lorsqu’une métropole est créée, elle se
substitue de plein droit aux EPCI qui se situent dans son périmètre,
qui cessent d’exister (loi du 27 janvier 2014). Il existe des
métropoles de droit commun et des métropoles à statut particulier.
Parmi elles, la métropole de Lyon en 2016, exerce sur son territoire
les compétences d’un département (voir ci-dessous) et celles d’une
métropole. La loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 a mis en place
l’élection au suffrage universel direct de délégués des communes
dans les conseils communautaires.

L’essentiel des compétences de la commune ne relève pas d’un


exercice exclusif, mais plutôt d’actions partagées avec l’État et les
autres collectivités territoriales. Le socialisme municipal est apparu
dans les années 1920-1930 et a permis le développement d’actions
d’interventionnisme économique et social.
La commune bénéficie de la clause générale de compétence (loi
du 7 août 2015), c’est-à-dire qu’elle peut intervenir dans tout
domaine relevant d’un intérêt local en faveur de sa population. Elle
exerce des attributions variées touchant à de nombreux domaines,
principalement exercées dans le cadre de structures
intercommunales : elle élabore un plan local d’urbanisme ou une
carte communale dans le respect des directives nationales édictées
par l’État, notamment pour la protection de certaines zones
(montagne, littoral, monuments historiques…) et est associée aux
opérations d’aménagement mises en œuvre par d’autres collectivités
dans le cadre de conventions et de co-financements ; organisation
des transports urbains ; politique d’habitat et de logement social ;
construction et entretien de la voierie communale et des espaces
verts ; gestion de l’assainissement de l’eau et l’accès à l’eau
potable ; gestion et tri des ordures ménagères ; construction et
entretien des écoles primaires ; construction et gestion d’activités
culturelles (musée, expositions, festivals, enseignement artistique…)
et sportives (gestion d’équipements, organisation d’enseignement
pour favoriser la pratique sportive de loisir, soutien aux sportifs de
haut-niveau…). De plus, dans le cadre de diverses institutions
(Centre communal d’action sociale, dispensaire, hébergement
d’urgence, distribution de nourriture…) la commune mène des
actions en matière sociale.

C. Les départements
Article L. 3211-1 du CGCT : Le conseil départemental règle par ses
délibérations les affaires du département.
Les départements ont été institués en 1789 et 1790, en
remplacement des provinces et sans en respecter toujours les
anciennes limites, dans le but de favoriser l’unité nationale et
d’empêcher l’expression d’une identité provinciale trop marquée
(Exemples : les Pyrénées-Atlantiques regroupent des provinces
différentes, le Pays basque et le Béarn ; l’Ain regroupe plusieurs
pays qui relevaient de statuts différents avant 1789 ; les Alpes de
haute-Provence regroupent une partie de la Provence et du comté
de Nice ; les Hautes-Alpes comprennent des territoires du Dauphiné
et de Provence et le Vaucluse regroupe une partie de la Provence
avec l’ancienne enclave des Papes).
Il existe actuellement 100 départements, dont 5 outre-mer. À noter
que la métropole de Lyon n’est pas un département mais en exerce
les compétences en plus de celles dévolues à une métropole.
Le département est à la fois une subdivision déconcentrée de l’État
(les services départementaux à vocation générale de l’État sont
placés sous l’autorité du préfet, ceux des finances sous celles de
l’administrateur général des finances publiques et ceux de
l’éducation nationale sous celle du recteur) et une collectivité
décentralisée. L’organe délibérant de cette dernière est le Conseil
départemental (Conseil général jusqu’en 2015). La loi du 17 mars
2013 dispose que le conseil départemental, qui se renouvelle
intégralement, est élu pour un mandat de six ans. Chaque canton
élit, au scrutin majoritaire à deux tours, un binôme comprenant un
homme et une femme. Le Conseil élit en son sein le président et les
vice-présidents.

Le département ne bénéficie plus de la clause générale de


compétence (loi du 7 août 2015). L’action du département est
principalement vouée à la mise en œuvre des politiques de solidarité
en matière territoriale et individuelle. En pratique, le département est
principalement compétent en matière sociale. D’une part, au travers
de son règlement d’aide sociale, il organise et finance divers
services et actions sanitaires et sociales (politiques sociales en
faveur du logement et de l’habitat, des personnes âgées, des
handicapés, de l’enfance). D’autre part, en partenariat avec les
services de l’État, il instruit et verse différentes prestations sociales
pour le compte de ce dernier (aide sociale à l’enfance, allocations
familiales, allocation personnelle autonomie, revenu de solidarité
active…). Enfin, le département assure la gestion et le
fonctionnement de divers organismes à vocation sociale (fond social
de l’habitat, maison départementale des handicapés…).
En dehors de ses compétences en matière sociale, le département
participe à un ensemble varié et protéiforme d’actions : gestion
d’immeubles et d’infrastructures routières dont il est propriétaire ;
entretien des cours d’eau domaniaux et des ports maritimes ou
fluviaux lui appartenant ; construction, équipement et entretien des
collèges ; actions dans le domaine de la culture (financements
d’organisation d’évènements ou d’actions, notamment avec les
communes et intercommunalités, musées, festivals, schéma de
développement des enseignements artistiques, bibliothèque centrale
de prêt…) et du sport (essentiellement sous forme de
cofinancements).
Enfin, le département joue un rôle essentiel, particulièrement en
zone rurale, en faveur du maintien de services publics (programme
d’aide à l’équipement rural, maisons du service public, actions
foraines sous forme de tournées pour aider à l’accomplissement de
formalités administratives…).

D. Les régions
Article L. 4221-1 du CGCT : Le conseil régional règle par ses
délibérations les affaires de la région. La région ne bénéficie plus de
la clause générale de compétence (loi du 7 août 2015).
La première tentative de mise en place de régions eut lieu en 1917
(régions « Clémentel », du nom du ministre du commerce) dans le
cadre de l’interventionnisme économique pour rationaliser
l’économie de guerre, sous forme d’une fédération de chambres de
commerce sans personnalité morale instituée pour la période de la
guerre. Par la suite, divers aménagements ont été apportés à ce
système dans le cadre de l’interventionnisme économique
(notamment pendant le régime de Vichy puis avec la place de
préfets coordinateurs au niveau régional, les IGAME sous
la IVe République). En 1972 (à la suite de l’échec du référendum
constituant de 1969 sur la régionalisation) furent mises en place par
voie législative des régions sous forme d’établissements publics
reprenant largement la carte de 1917. Enfin, en, 1982, la région
devint une collectivité territoriale à part entière, ce qui a contribué au
sentiment d’un « millefeuille administratif » en raison des doublons
pouvant parfois exister avec le département. La région est à la fois
une subdivision déconcentrée de l’État (les services régionaux à
vocation générale de l’État sont placés sous l’autorité du préfet, ceux
des finances sous celles de l’administrateur général des finances
publiques et ceux de l’éducation nationale sous celle du recteur) et
une collectivité décentralisée. L’organe délibérant de cette dernière
est le Conseil régional. La loi du 17 mars 2013 dispose que le
conseil régional, qui se renouvelle intégralement, est élu pour un
mandat de six ans. Chaque département élit, au scrutin
proportionnel de liste, un nombre de conseillers proportionnel à sa
population. Le Conseil élit en son sein le président et les vice-
présidents.
Il existe 13 régions métropolitaines et 4 régions d’outre-mer. La
Corse constitue une collectivité territoriale métropolitaine à statut
particulier (il est envisagé de doter cette dernière d’une plus large
autonomie).

La loi du 7 août 2015 a confirmé et précisé le rôle de la région


comme cadre de l’action économique locale et de diverses
opérations d’aménagement du territoire et de création
d’équipements collectifs dans le cadre de divers schémas régionaux,
dans le respect des compétences de l’État et des autres niveaux de
collectivités. La région agit en qualité de chef de file en matière
d’action économique et en matière de tourisme, c’est-à-dire qu’elle
initie et anime les actions locales. Ses interventions portent
notamment sur la promotion du développement économique, social,
sanitaire, culturel et scientifique de la région ainsi que
l’aménagement et l’équipement de son territoire. Notamment, elle
gère les parcs naturels régionaux et peut créer des équipements
culturels régionaux et financer des programmes d’action, seule ou
en coopération avec l’État et les autres niveaux de collectivités
territoriales.

La région adopte différents schémas :


– schéma régional de développement économique, d’innovation et
d’externalisation détermine le principe et le montant des aides
versées aux entreprises privées (communes et départements
peuvent y participer ou obtenir l’autorisation de verser leurs
propres aides en cohérence avec les actions de la région par la
signature d’une convention avec elle.
– schéma régional des infrastructures et des transports non
urbains (les transports urbains étant de la compétence des
communes et EPCI).
– schéma régional d’aménagement et de développement du
territoire
– plan départemental de prévention et de gestion des déchets.
La région est compétente également en matière de :
– construction, équipement et entretien des lycées.
– formation professionnelle et continue, apprentissage.
– tourisme (chef de file).
Les trois niveaux de collectivités peuvent coopérer en matière de
construction, équipement, entretien et fonctionnement des
équipements sportifs et culturels.
Dans les scrutins de liste, application de la parité (loi du 6 juin
2000) par une alternance d’hommes et de femmes par tranches de 6
(élections dans les communes de plus de 1 000 habitants et les
régions). Pour les conseils départementaux, chaque parti doit
présenter une double candidature (un homme et une femme).

VII Le débat sur l’autorité de l’État

Au-delà de la question déjà abordée de la crise de l’État


providence, se pose aussi dans le débat contemporain la réflexion
sur la crise de l’autorité de l’État, alimentée par l’actualité (voir le
chapitre sur la violence et celui sur le déclin). Comme déjà indiqué
au début, l’État se caractérise notamment par le fait qu’il est
souverain et qu’il dispose du monopole de la contrainte légitime. Ce
dernier, dans un État de droit, lui permet, au travers d’institutions
démocratiquement désignées ou placées sous le contrôle de telles
instances, d’imposer à la population le respect des décisions qui ont
été prises par les instances légitimes selon les procédures prévues
par les textes (voir la notion de « décision administrative » soumise
au principe de la légalité en droit administratif). La loi étant
l’expression de la volonté générale (article 6 de la Déclaration de
1789), les citoyens peuvent participer à son élaboration au travers
des représentants élus, mais une fois le texte définitivement adopté,
ont l’obligation de s’y soumettre et de lui obéir (voir le chapitre sur la
Démocratie). La démocratie n’est pas l’opposé de l’efficacité dans
l’action mais organise le mode de désignation et de fonctionnement
des institutions chargées de prendre les décisions qui relèveront du
pouvoir souverain de l’État et de l’usage de son monopole d’usage
de la contrainte légitime.
Depuis une cinquantaine d’années (conséquences de la remise en
cause à la suite de la crise de mai 1968 de la verticalité du pouvoir
dans le secteur public comme dans l’entreprise et même dans la
sphère familiale avec la contestation du père, développement de
l’individualisme dans le cadre d’une société consumériste
hédoniste…) l’autorité de l’État est en débat. La crise de l’autorité
constitue une menace, non seulement pour l’ordre public ou l’intérêt
général, mais plus largement pour le lien social. En effet, une société
dépourvue de valeurs communes et de principes fondamentaux
respectés risque de ne plus être une « collectivité » mais un
rassemblement d’individus en concurrence.
L’idée d’une autorité verticale infaillible est remise en cause dans
l’ensemble de la société (ainsi, on parlera de « gestion des
ressources humaines » et non plus de « direction du personnel »…
Même dans la Fonction publique, dans laquelle le principe
hiérarchique reste cardinal, de nombreux aménagements ont été
institués pour adoucir et limiter les conséquences de la verticalité et
garantir le respect des droits individuels) et pas seulement en ce qui
concerne l’État. Les institutions qui représentaient jadis l’autorité
sont aujourd’hui contestées :
– L’autorité des décisions de l’État prises au nom de l’intérêt
général est de plus en plus souvent remise en cause. Si la
contestation sous la forme de recours juridictionnels ou de
manifestations autorisées est parfaitement conforme à l’État de
droit démocratique, on assiste à une hausse des violences à
l’encontre des représentants de l’autorité publique (policiers,
gendarmes, militaires, magistrats, élus, enseignants…) pour
s’opposer à l’application de l’expression de la volonté générale
telle qu’elle a été définie par les représentants démocratiquement
élus. Cette crise de l’autorité de l’État s’explique en partie par le
manque ou la mauvaise utilisation de moyens financiers dans
certains secteurs (voir les chapitres sur l’État providence, le
Service public et la Dépense publique) mais elle s’accompagne
aussi d’une crise de la représentation démocratique (voir le
chapitre sur la Démocratie) et de l’autorité politique. Le manque
de considération des citoyens à l’égard de leurs élus, conduit à
une désacralisation aux yeux du public des institutions ou
services dirigés par eux, ce qui contribue à affaiblir l’État et les
collectivités publiques.
– L’autorité judiciaire et les forces de l’ordre, voient l’efficacité de
leurs actions, et donc leur autorité, être affaiblies, outre par
l’insuffisance de moyens, par le développement de procédures et
garanties destinées à protéger les libertés individuelles mais pas
toujours adaptées à l’augmentation du nombre d’actes illégaux ou
contraires à l’ordre public dans la société (notion de contentieux
de masse).
– L’autorité parentale, c’est-à-dire le pouvoir hiérarchique des
parents sur les enfants est également fortement contestée au
profit de la notion, plus vague, de « parentalité » (voir le chapitre
sur la Famille).
– L’autorité de l’enseignant sur les élèves avec une difficulté de
plus en plus grande d’assurer la transmission des connaissances
générales mais aussi des valeurs communes qui fondent la
société (voir le chapitre sur l’École).
Si l’actualité récente abonde d’exemples dans lesquels l’autorité de
l’État a pu paraître menacée, voire remise en cause (manifestations
très violentes, opposition à des décisions légales, notamment en
matière d’équipements comme à Notre-Dame des Landes, violences
diverses contre des agents de l’État ou des élus, débat sur
l’existence ou non de « zones de non droit »…) il convient d’en
nuancer le constat par deux observations :
– d’une part, il a toujours existé dans la société des mouvements
violents ou hostiles envers les institutions, et notamment envers
la police, la justice ou l’armée. Autrement dit, la situation actuelle
témoigne plus de l’augmentation ou de l’affermissement de telles
idées que de leur apparition. Au début du xxe siècle, on décrivait
déjà sous le nom d’« Apaches », des bandes de jeunes violents
qui hantaient les quartiers populaires et commettaient des méfaits
envers les bourgeois ou les autorités. Par ailleurs, il existe depuis
longtemps dans notre pays une tradition frondeuse, d’inspiration
néo-anarchiste, de moquerie à l’égard des forces de l’ordre et,
plus largement, des autorités : Mandrin, Cartouche, Vidocq (dans
la première partie de sa vie), Guignol, Maurin des Maures,
Arsène Lupin, Les Pieds nickelés, Raboliot, Coluche… et
combien d’autres, sont des personnages, réels ou fictifs, clés de
l’imaginaire français, dont la caractéristique commune est d’avoir
incarné à la fois la résistance à l’autorité et la primauté d’une
morale personnelle sur le respect des institutions. Un tel
phénomène n’est au demeurant pas exclusivement français (voir
le personnage de Robin des bois en Angleterre par exemple).
Évidemment, les actes d’aujourd’hui ne sont le fait, ni de
« gentlemen cambrioleurs », ni de justiciers « volant aux riches
pour donner aux pauvres » et témoignent d’une violence
systématique qui est préoccupante, mais se situent en partie
dans la continuité de cette tradition.
Le phénomène de remise en cause de l’autorité de l’État, dont
l’amplitude ne saurait être négligée et qui doit être combattu, est
sans doute d’autant plus fortement ressenti du fait de l’accès
instantané à l’information de nos jours ;
– d’autre part, même si la situation de la sécurité est préoccupante,
le pays reste globalement sûr. En effet, en dépit de nombreux
faits-divers soulignant une fragilisation du maintien de l’ordre
public dans quelques territoires, la France n’est pas à feu et
sang. Cela signifie que, même si des améliorations sont
indispensables pour lutter contre certaines manifestations de
violence (trafic de drogues, rixes, viols et agressions sexuelles,
violences diverses, violences routières…) et que des moyens, à
la fois financiers et juridiques doivent être envisagés dans le
cadre de politiques de lutte contre l’insécurité (augmentation
d’effectifs pour assurer des missions de prévention comme de
répression, dotations en matériels divers…), l’État remplit malgré
tout globalement assez bien sa mission de garantie de l’ordre
public et de la sécurité publique.
Par ailleurs, l’appréciation de l’autorité de l’État ne se limite pas à
la question de l’ordre et de la sécurité publique (voir les chapitres sur
la Violence et sur le Déclin). Ainsi, dans le domaine fiscal, elle
apparaît comme assurée : le prélèvement des impôts est accompli
sans complications majeures par l’administration des finances
publiques et la lutte contre la fraude fiscale est efficace, ce qui
contribue à maintenir la compétitivité de la France malgré son
endettement et lui permet de pouvoir toujours emprunter sur le
marché international car c’est un gage de confiance pour les
investisseurs qui sont rassurés quant à la possibilité d’être
remboursés.

Sujet de dissertation : L’État est-il moral ? (ENA, 2017)


1. Définition des termes
🠶 Définition de l’État : personne morale de droit public territoriale et
souveraine exerçant à l’égard de sa population le monopole de la
contrainte légitime (Max Weber).
🠶 Définition de moral : Ce qui est relatif au bien et au mal. Ce qui
constitue des principes et une conduite conforme à la morale ou aux
bonnes mœurs (Larousse).
🠶 Définition de la morale : Science de la séparation du bien et du
mal. Ensemble des doctrines, des règles de conduite et des relations
sociales qu’une société se donne et qui varient selon la culture, les
croyances, les conditions de vie et les besoins de la société
(Larousse).
🠶 Définition d’éthique : ce qui est relatif à la morale. Ce qui contient
l’énoncé de l’ensemble des principes de bonne conduite (Larousse).

2. Analyse synthétique
L’exercice de la contrainte légitime nécessite de faire preuve
d’esprit de justice et d’équité. Opposition entre l’intérêt général et les
intérêts particuliers.
Nécessité de prendre en considération les libertés individuelles.
Question de la confrontation des intérêts supérieurs de l’État, c’est-
à-dire de la collectivité, avec les intérêts autres (ceux des individus,
des entreprises, des groupes minoritaires, des autres États…
En fonction des doctrines politiques, l’étendue de ce qui est moral
ou immoral pour l’État varie (L’État gendarme repose sur une morale
fondée sur le maintien de l’ordre public et de l’intérêt général dans le
respect des libertés et de la séparation des pouvoirs ; dans l’État
providence, on admet que l’État puisse utiliser la contrainte légitime
pour limiter la liberté économique ; les États corporatistes comme les
États marxistes, quoiqu’opposés dans pratiquement tous les
domaines, soutiennent la domination de l’appareil administratif,
économique et politique par un parti unique dans le cadre d’un
système centralisé et vertical dans lequel les libertés économiques
et individuelles ne sont pas protégées, au nom de l’intérêt collectif tel
qu’il est défini par les autorités).
Question de la « raison d’État » (obligation pour l’État de prétendre
une mesure qui apparaît comme injuste ou immorale, voire illégale
au plan du droit interne ou du droit international mais qui est jugée
comme nécessaire au regard d’intérêts collectifs jugés comme
supérieurs : exemple : décision de Napoléon de faire enlever puis
exécuter le duc d’Enghien, opposant monarchiste).
La Constitution, document à la fois politique et juridique : charte
des libertés fondamentales et de la conception des valeurs politiques
et philosophiques de l’État (voir l’impact du préambule).
Idée d’une morale internationale réglant les relations que doivent
entretenir les États entre eux dans le cadre de l’égalité souveraine
des États (principes généraux du droit public international au travers
des coutumes et des grands traités signés dans le cadre de l’ONU).
Variabilité et évolutivité de ce qui est moral pour l’État :
Au xixe siècle les conquêtes coloniales étaient considérées comme
morales au nom de l’obligation pour les États « évolués » d’apporter
les bienfaits de la « civilisation » à des populations lointaines alors
qu’elles sont aujourd’hui condamnées comme ayant été une faute
(voir le chapitre sur Histoire/Mémoire) ; question du changement
climatique et de la transition écologique qui imposent la question du
rapport des États avec le développement économique, l’utilisation
des ressources naturelles… ; protection des droits de l’Homme dans
des textes internationaux mais pratiques variables des États ;
question de l’aide au développement par les pays riches en faveur
des pays pauvres et lutte, notamment contre la fracture en matière
d’éducation, de santé… comme l’a montré la question de l’accès au
vaccin contre la Covid pour l’ensemble des populations.
Récente évolution dans les pays occidentaux de la législation en
matière de famille, de mariage, de filiation, d’homosexualité, de
changement de sexe… qui traduisent une évolution de ce que l’État
considère comme moral ou pas et de la prise en compte de la liberté
individuelle.
Chaque État, en fonction de son histoire, peut avoir ses propres
conceptions morales.
Actuellement, les États occidentaux promeuvent une morale
étatique fondée sur le respect des libertés individuelles et du droit
des minorités avec mise en avant de la protection des droits de
l’Homme ainsi que sur la nécessité de concilier développement
économique avec la protection de l’environnement, la lutte contre le
réchauffement climatique et la mise en œuvre d’un développement
durable permettant le partage international des richesses (voir les
contre mesures prises par les États à l’encontre de la Russie suite à
l’invasion de l’Ukraine en 2022, fondées notamment ou le respect
d’une morale internationale.
Poids des idéologies (voir les développements ci-dessus sur les
différents courants politiques sur l’État).

3. Problématique
Si l’État peut souverainement retenir les principes moraux sur
lesquels il entend faire reposer ses actions, il est néanmoins tenu au
respect des principes d’une morale universelle retenus par
l’ensemble de la communauté internationale.

4. Plan
🠶 Introduction :
– Définitions ;
• Évolution historique (ce qui est moral pour l’État n’est pas
uniforme au cours des siècles. De plus, Chaque État, en
fonction de son histoire, peut avoir ses propres conceptions
morales).
• Morale étatique d’aujourd’hui (respect des libertés individuelles
et du droit des minorités avec mise en avant de la protection des
droits de l’Homme ainsi que sur la nécessité de concilier
développement économique avec la protection de
l’environnement, la lutte contre le réchauffement climatique et la
mise en œuvre d’un développement durable permettant le
partage international des richesses).
• L’affirmation de la morale étatique peut être effective et
dépasser un stade simplement déclaratif si elle est inscrite dans
les normes.
– Reprise de la problématique : Si l’État peut souverainement
retenir les principes moraux sur lesquels il entend faire reposer
ses actions, il est néanmoins tenu au respect des principes de la
morale universelle retenus par l’ensemble de la communauté
internationale.
I. L’État détermine souverainement les principes moraux
sur lesquels il entend faire reposer ses actions
A. L’affirmation des principes de morale étatique
– La constitution écrin, notamment au travers de son préambule,
des principes sur lesquels l’État fonde sa propre morale en
interne.
– Principes politiques, économiques, sociaux, culturels… dans le
cadre desquels l’État agit (état de droit, séparation des pouvoirs,
protection des libertés individuelles, rôle dirigeant du parti unique,
dictature du prolétariat, exaltation de la communauté du peuple…
constituent les bases morales sur lesquelles les États bases leurs
actions en fonction des priorités qu’ils reconnaissent). Ces
principes sont à la fois politiques (affirmation d’une philosophie
politique fondée sur eux) et juridiques (caractère normatif).
B. La mise en œuvre des principes
– État gendarme, État providence (social-démocratie ou
démocratie chrétienne), État corporatiste (hypertrophie de l’État
sans respect des principes, hypertrophie de l’État dans les États
corporatistes.es du libéralisme politique), critique socialiste et
marxiste de l’État (l’État est amoral et dangereux et droit
disparaître) mais résultat décevant.
II. L’État est cependant tenu de respecter les principes
minimums communs retenus par la communauté
internationale
A. Égalité souveraine des États et principes minimums
communs
– Interdiction de la guerre d’agression et recherche de la résolution
des conflits par des moyens pacifiques mais la guerre est
toujours une menace (Russie/Ukraine) ;
– Nécessité d’une coopération entre les États ;
– Respect de la souveraineté des autres États en matière
économique, politique, sociale… ;
– Souveraineté sur les richesses naturelles.
B. L’ébauche d’une morale internationale commune
des États
– Droits de l’Homme, droit du développement, lutte contre le
réchauffement climatique ; protection internationale de
l’environnement ;
– Affirmation de principes qui restent plus politiques que
véritablement contraignants au plan juridique ;
– Affirmation au niveau du discours mais pas toujours dans les
actes.
🠶 Phrase de conclusion :
La morale de l’État est avant tout de réussir à défendre ses
intérêts.
Chapitre II
L’Europe

Bibliographie
• J. Carpentier et F. Lebrun : « Histoire de l’Europe », Poche
Histoire, 2014 ;
• C. Delaume et D. Cayla : « 10 questions sur l’Europe »,
Michalon, 2021 ;
• M. Dumoulin : « L’Europe aux concours, institutions
politiques », Documentation française, 2019 ;
• F. de Teyssier et G. Baudier : « la construction européenne »,
PUF QSJ, 2021 ;
• S. Leclerc : « Droit de l’Union européenne », Gualino, 2021.

I Définitions

L’Europe désigne à la fois un continent situé dans la continuité de


l’Asie et des organisations internationales régionales de coopération
entre États situés en Europe (Conseil de l’Europe en 1959 puis
Union européenne en 1992 mais se situant dans la filiation
d’organisations successives apparues à partir de 1950 (voir ci-
dessous).
Par ailleurs, l’Europe désigne aussi une aire culturelle et une
civilisation brillante (art, littérature, architecture…), notamment à
l’origine de la reconnaissance de la liberté individuelle, de l’égalité et
de la non-discrimination, de la séparation entre le temporel et le
spirituel et, plus largement de l’affirmation, des droits de l’Homme.
Dans le cadre de son expansion outre-mer à partir du xve siècle,
cette civilisation a essaimé sur d’autres continents où se sont
installés des européens et dans lesquels se maintient parfois une
certaine identité d’origine européenne mélangée avec des éléments
originaux propres à chaque pays provenant des premières nations
installées sur place et des différentes vagues d’immigration (États-
Unis, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande…). Toutefois, les
conséquences désastreuses des deux guerres mondiales et des
destructions humaines et matérielles qui en ont résulté, ont pour
effet une certaine relativisation de l’influence des États européens
dans le monde et dans le cadre de la mondialisation avec
l’émergence de nouvelles puissances (États-Unis et URSS après-
guerre, puis Chine, Inde…). Le constat de cet affaiblissement
individuel des États européens, renforcé par la fin des Empires
coloniaux dans les années 1950 et 1960, est à l’origine du
mouvement de construction de l’unité européenne.

II Évolution historique

Si des tentatives autoritaires d’unification du continent européen ou


d’une partie de celui-ci par conquêtes militaires ont eu lieu dans le
passé (Empire romain, Charlemagne, Saint Empire romain
germanique, Empire napoléonien, IIIe Reich, URSS…), elles ont
toujours fini par échouer en raison de leur caractère guerrier. Les
premières tentatives pacifiques de coopération ont eu lieu au
lendemain de la Seconde guerre mondiale, si l’on fait abstraction
des projets de coopération franco-allemande initiés par Aristide
Briand (1862-1932) dans l’entre-deux-guerres.
En 1948, un sommet tenu à La Haye a constaté, d’une part
l’effondrement économique et politique des États européens du fait
des destructions des deux guerres mondiales et de la domination
géopolitique des États-Unis et de l’URSS (qui s’était manifestée par
le partage du monde en zones d’influence à Yalta et Potsdam),
d’autre part la nécessité pour les États européens de maintenir la
paix en développant la coopération et la recherche de solutions
pacifiques à leurs différends, afin d’éviter un nouveau conflit dont les
conséquences pourraient être mortelles pour leur civilisation.
La construction européenne a été à la fois la cause et la
conséquence des trois quarts de siècle de paix que les États
membres ont connu :
– cause, parce qu’à la suite du désastre de deux conflits
généralisés en vingt-cinq ans, les États ont résolu de favoriser
des mécanismes de coopération, de règlement pacifique des
conflits et de mutualisation de gestion économique afin de
favoriser la paix.
– conséquence, parce que le mouvement d’unification européenne
est aussi le produit des effets de la guerre froide. En effet, la
coopération entre les États européens libéraux a commencé dans
la zone occidentale du continent européen, alliée des États-Unis,
pour faire face à l’Union soviétique. Cette dernière avait créé une
organisation à vocation économique rassemblant les États dans
lesquels stationnait l’Armée rouge, le COMECON, qui a disparu
avec la chute du communisme. D’ailleurs, c’est seulement à cette
dernière occasion que les États d’Europe orientale sous
domination soviétique ont été en mesure de rejoindre les
organisations européennes libérales.
Deux organisations de coopération européenne ont vu le jour à
partir du constat fait en 1948 :
– D’une part, le Conseil de l’Europe, institué par le traité de
Londres (1949), qui est une organisation intergouvernementale. À
l’origine, le Conseil comprenait 10 membres mais le nombre s’est
élargi à 47 États (dont les 27 membres de l’Union européenne),
notamment à la suite de la fin du communisme. Son siège est à
Strasbourg. Il se compose d’une assemblée parlementaire
(organe délibérant dont les membres sont désignés par les
parlements nationaux à la proportionnelle des groupes), d’un
comité des ministres représentant les États (organe exécutif de
décision) et d’un secrétaire général (organe administratif de
préparation et d’exécution des décisions élu par l’Assemblée
générale). Par ailleurs, il existe un organe consultatif représentant
les collectivités territoriales, le Congrès des pouvoirs locaux et
régionaux. Cette organisation est un forum diplomatique
permanent permettant aux membres de négocier sur des
questions d’intérêt commun pour assurer la stabilité
démocratique du continent (diversité et identité culturelle ;
exemple : adoption d’une charte sur les langues. régionales et
minoritaires) et de rechercher des solutions aux problèmes de
société (notamment en matière sociale : santé, handicap, droits
des femmes, des enfants, des minorités…). Les décisions se
prennent à la majorité mais les États souverains sont libres de
ratifier ou non les conventions négociées et donc de se lier
juridiquement (méthode inter-gouvernementale). Surtout, c’est
dans le cadre du Conseil de l’Europe qu’a été adoptée en 1950 la
Convention européenne des droits de l’Homme, complétée par
divers protocoles, sous le contrôle de la Cour européenne des
droits de l’Homme, juridiction crée en 1959, chargée de veiller à
l’application de ces textes et qui peut être saisie après
épuisement des recours juridictionnels internes et dont la
jurisprudence à permis une certaine unification de la conception
des droits de l’Homme dans les différents États membres (droit
des minorités notamment). La Russie n’en n’est plus membre
depuis 2022 en raison de l’invasion de l’Ukraine.
– D’autre part, à la suite de la déclaration Schuman (1950) a été
mis en place une coopération de nature principalement
économique entre un nombre restreint d’État (6 à l’origine,
nombre est progressivement passé à 27), dans le but de favoriser
la solidarité entre les États et d’éviter le risque de conflits armés
en raison de difficultés économiques avec une extension
progressive des compétences. C’est cette seconde organisation
interétatique qui fera l’objet des développements ci-dessous.
Après la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de
l’Acier, 1951), a été crée le Marché commun (Communauté
Économique Européenne (pour la création progressive d’un
marché unique, 1957) et enfin l’Union européenne (pour la
gestion du marché unique arrivé à sa plénitude puis extension
des compétences à d’autres domaines de coopération comme la
défense, la diplomatie, la sécurité, les droits de l’Homme, la lutte
contre l’immigration clandestine…, 1993). L’union européenne
repose surtout sur un mécanisme intégratif (recours à la majorité
qualifiée pour la plupart des questions relevant du marché unique
et du commerce) avec parfois des décisions prises à l’unanimité
dans un cadre intergouvernemental (tout ce qui touche à la
souveraineté des États : fiscalité, diplomatie, défense…).
L’Union européenne, au cours de son histoire, a connu de
nombreuses crises qui ont pu être surmontée grâce à une forme
originale de coopération et de pragmatisme. Toutefois, la crise du
Brexit (sortie de la Grande-Bretagne en 2016 à la suite d’un
référendum, a souligné à la fois la fragilité de l’Union, et la
désaffection d’une partie des populations envers un système accusé
d’être trop bureaucratique, pas assez démocratique et pas assez
efficace pour protéger les États et leurs populations dans le contexte
de la mondialisation.
Il existe par ailleurs un débat sur le déficit démocratique dans
l’Union européenne : l’initiative et l’exécution des normes
européenne émane de la commission européenne dont les membres
ne sont pas élus mais nommés par les États avec approbation par le
parlement européen. Le conseil des ministres est composé de
représentants des gouvernements nationaux non responsables
devant le parlement. Les parlements nationaux, élus au suffrage
universel direct par les citoyens, sont dépossédés de la compétence
normative dans certaines matières en raison de la compétence
d’attribution de l’Union européenne (voir ci-dessous). Il existe
d’ailleurs un débat récurrent sur le déficit démocratique dans l’Union
européenne en raison du rôle central joué dans le processus
communautaire par un organe non élu (la commission) et du fait que
le parlement européen partage les prises de décisions avec le
conseil, qui n’est pas non plus directement élu par les citoyens.
Par ailleurs, la France verse 10 milliard d’Euro de plus à l’Union
européenne qu’elle n’en reçoit de cette dernière (contribution nette).

III Institutions de l’union européenne

A. Présentation générale
Les institutions actuelles de l’Union européenne sont décrites par
le traité de Lisbonne (2007), adopté à la suite de l’échec de la
ratification du traité constitutionnel européen (2004) qui contenait
des principes semblables mais relevait d’une conception plus
intégratrice par l’emploi du terme « constitutionnel » (au demeurant
le terme « traité constitutionnel », s’il peut avoir une signification
politique aux yeux des fédéralistes ne correspondait à aucune réalité
juridique car la constitution est l’acte juridique le plus élevé de l’ordre
interne et le traité est l’acte juridique le plus élevé de l’ordre
international). L’Union européenne est une organisation
internationale qui rassemble des États souverains. Elle n’a qu’une
compétence d’attribution, c’est-à-dire qu’elle ne peut agir que dans
les domaines qui lui sont explicitement délégués par les traités
(marché unique, concurrence…). Par ailleurs, même si au conseil,
les décisions se prennent à la majorité qualifiée (voir ci-dessous), ce
qui contraint en principe les États opposés à les appliquer (encore
que l’on recherche généralement une adhésion par consensus), de
nombreux actes relèvent encore de l’unanimité (fiscalité,
élargissement, révision des traités…), ce qui est conforme à la
souveraineté des États. La souveraineté est une caractéristique
propre à l’État (voir la fiche sur l’État). Par conséquent, l’expression
de « souveraineté européenne », parfois employée par les
fédéralistes peut seulement avoir, comme celle de « traité
constitutionnel » déjà évoquée, un contenu politique et idéologique
de la part des fédéralistes mais n’a aucune valeur juridique car
l’Union est une organisation internationale et non un État.
Le droit de l’Union européenne est fondé, d’une part sur les
normes originaires (traités) et d’autre part sur les normes dérivées
(règlements, directives). L’adoption des normes dans l’Union
européenne (règlements, d’application directe, et directives, qui
doivent être transposées en droit interne par les États) repose sur
l’initiative de la commission européenne (qui dispose d’un monopole
en la matière), puis vote du parlement européen et du conseil de
l’Union européenne). Ces normes européennes bénéficient d’une
part de la primauté (elles sont supérieures et se substituent au droit
interne et sont appliquées par les juridictions), d’autre part de l’effet
direct (elles s’appliquent directement en droit interne). Les deux
principales normes législatives européennes sont le règlement
(applicable tel quel directement après sa publication) et la directive
(qui fixe des objectifs et doit être transposée en droit interne dans un
certain délai par les États) européennes. Des avis non normatifs
peuvent aussi être émis. En vertu du principe de subsidiarité, il peut
y avoir une priorité d’intervention de l’Union européenne par rapport
aux États s’il apparaît que celle-ci est plus en capacité d’agir de
manière efficace (ce processus est fortement encadré et soumis au
contrôle des parlements nationaux, ce qui souligne encore le
maintien de la souveraineté étatique). À l’heure actuelle, environ
80 % des normes applicables dans les États sont issues de normes
européennes. Le traité de Lisbonne prévoit que les parlements
nationaux doivent être informés par les gouvernements des projets
d’actes européens et être associés à leur discussion en interne. Par
ailleurs, les parlements nationaux peuvent saisir les autorités
européennes en cas d’atteinte au principe de subsidiarité (en
France, ces dispositions sont mises en œuvre dans les articles 88-1
et suivants de la Constitution du 4 octobre 1958). C’est l’Union
européenne qui, au nom des États membres et sous leur contrôle,
négocie en leur nom dans le cadre de l’Organisation mondiale du
commerce (voir le chapitre sur la mondialisation).

B. La commission européenne
La commission européenne est le véritable exécutif de l’Union et
en constitue la clé de voûte. Elle est composée de 27 commissaires
(un par État, mais les membres sont indépendants de leur pays
d’origine, dont ils ne sont pas le représentant et doivent agir
conformément à l’intérêt général commun européen), qui sont
désignés collégialement par les gouvernements des États membres.
Le président de la Commission est désigné par le Conseil européen
à la majorité qualifiée après approbation du parlement européen.
La commission a seule l’initiative des projets de textes européens,
sur la base des grandes orientations stratégiques définies par les
chefs d’État et de gouvernement dans le cadre du conseil européen.
Toutefois, elle partage l’initiative avec les États en matière de
coopération policière, judiciaire et en matière pénale. L’initiative
appartient aux États et au haut représentant de la politique étrangère
et la politique de sécurité en matière d’affaires étrangères et de
sécurité commune. Ce dernier est vice-président de la Commission
et siège eau conseil européen et est chargé de coordonner l’action
diplomatique extérieure de l’Union avec les États (ces derniers étant
souverains ont un rôle prépondérant en matière de diplomatie,
défense et sécurité).
Elle assure le suivi de la procédure législative devant le conseil et,
après adoption, est chargée de la mise en application. Elle veille à
l’application des règles de concurrence et des aides d’État et peut
infliger des sanctions. Dans le cadre des grandes orientations fixées
par le conseil européen, la commission européenne prépare et met
en œuvre les décisions du conseil de l’Union européenne et du
parlement européen.

C. Le parlement européen
Il est composé de 751 députés, dont 73 pour la France (Législature
2019-2024) élus au suffrage universel direct depuis1979. Les
députés forment des groupes politiques en fonction du parti auquel
ils appartiennent et non des groupes nationaux par État. Le
parlement élit son président et son bureau en son sein à la
proportionnelle des groupes Les modalités de leur élection sont
définies par le droit interne de chaque État (élection des députés
français au suffrage universel direct à la représentation
proportionnelle dans le cadre de listes nationales). Son siège
principal est à Strasbourg pour les séances plénières mais les
commissions se réunissent à Bruxelles, où se trouvent la
commission et le conseil. Par ailleurs, le secrétariat général siège à
Luxembourg.

Le parlement participe au pouvoir législatif avec le Conseil. Il


adopte la législation européenne et le budget dans le cadre de la
codécision avec le conseil. Par ailleurs, il exerce un contrôle sur les
institutions européennes.

D. Le conseil (conseil de l’Union européenne, ex-conseil


des ministres)
Il est formé de l’un ou des ministres de chaque gouvernement
d’État membre (éventuellement, dans les États fédéraux, en fonction
de la répartition des compétences, de représentants des états
fédérés) en fonction du thème abordé (industrie, agriculture…). Il est
assisté de comités d’experts
Chaque État assure la présidence du conseil pour six mois à tour
de rôle. Ses travaux sont préparés par le COREPER (comité des
représentants permanents), qui rassemble des diplomates et des
experts chargés d’instruire les dossiers soumis aux ministres.
Le conseil se prononce dans la plupart des cas à la majorité
qualifiée (un texte est adopté, par le conseil s’il obtient le soutient de
55 % des États représentant 65 % de la population ; chaque État a
un nombre de voix pondéré en fonction de sa population). Toutefois,
en pratique, on recherche le consensus, afin d’obtenir l’adhésion de
tous plutôt qu’un clivage entre une majorité et une minorité.
L’unanimité est requise sur les questions institutionnelles ou sur
celles qui ont des implications financières ou sociales (exemple :
fiscalité). Parfois, vote à la majorité simple.
Le conseil, bien que composé de ministres (membres de l’exécutif
de leur État), joue le rôle d’une seconde chambre et participe au
pouvoir législatif avec le parlement européen. Il adopte la législation
européenne et le budget dans le cadre de la codécision avec le
parlement.
En son sein, il existe un conseil des affaires étrangères, présidé
par le haut-représentant aux affaires étrangères.

E. Le conseil européen
Il est composé des chefs d’État et de gouvernement. Le haut-
représentant de l’Union pour les affaires étrangères participe à ses
réunions. Le Conseil tient au moins quatre réunions par an à
Bruxelles et peut être convoqué pour un objet particulier. Il est le
lieu, d’une part, de la résolution de crises ou de blocages, d’autre
part de la définition des grandes orientations de la politique
européenne. Son président est élu par les membres du conseil pour
un mandat de deux ans et demi, renouvelable une fois et recherche
le consensus entre les membres. Le Conseil européen n’a pas de
compétences normatives. Ses décisions sont mises en œuvre dans
le cadre de la procédure législative de l’Union. En principe, le conseil
européen prend ses décisions par consensus. Parfois, il est recouru
au vote à la majorité qualifiée (élection du président ou du haut
représentant).

F. La cour de Justice de l’Union européenne


Elle siège à Luxembourg. Elle veille au respect des traités
originaires et des actes dérivés par les États, les particuliers et les
institutions européennes et, notamment, à ce que les États membres
et les institutions de l’Union européenne appliquent de manière
uniforme le droit communautaire. Elle assure l’interprétation des
traités, parfois de manière extrêmement constructive (primauté de
droit européen sur le droit interne des États : effet d’application
directe du droit européen : CJUE, 5 février 1963, Van Gend en
Loos ; CJUE, 15 juillet 1964, Costa C/ ENEL ;), ce qui alimente le
débat sur le caractère pas assez démocratique de l’union et sur le
gouvernement des juges (voir le chapitre sur l’État).

Sujet de dissertation : Sentiment national et


construction européenne
1. Définition des termes
– la notion de sentiment implique l’émotion ou la passion et
s’oppose à la raison. L’attachement à la nation est-il émotion ou
raison (voir le sujet sur la notion et la différence entre patriotisme
et nationalisme) ;
– définition de l’Europe (voir ci-dessus) ; rappel de l’histoire
européenne ; la construction européenne est le mouvement de
coopération entre États européens lancé après 1945 et constitue
le grand enjeu de ces pays dans la mondialisation entre volonté
de s’unir pour peser ensemble dans la mondialisation et
nécessité de défendre leur identité et leurs originalités ; rappel
des deux constructions européennes : Conseil de l’Europe et
Union européenne et annonce que le sujet portera surtout sur
cette dernière, qui est plus intégratrice.

2. Analyse synthétique
– opposition de la nation et de la supranationalité (Europe,
mondialisation) ;
– critique contre le côté bureaucratique et vertical de la
construction européenne ;
– débat sur le déficit démocratique dans l’Union européenne ;
– montée du souverainisme et du nationalisme dans certains États
et montée de l’Euroscepticisme.
3. Problématique
Sentiment national et construction européenne sont antagonistes
mais la contradiction peut et doit être surmontée.
🠶 Introduction :
– Définitions ;
– Historique ;
– Actualité.
I. Sentiment national et construction européenne
sont antagonistes
A. L’Union européenne, espace avant tout économique mais sans
réel supplément d’âme ; (marché unique, concurrence, Euro…
mais pas de véritable récit sentimental pour un ensemble qui
reste avant tout technique et technocratique… La volonté de
défense des droits humains se heurte à l’existence du conseil de
l’Europe dont c’est la spécialité ; l’échec du traité constitutionnel
montre que l’Union reste perçue avant tout comme un traité
international entre États souverains ; pas de supplément d’âme
car dimension sociale et culturelle très limitée par rapport aux
aspects économiques…) ;
B. Le maintien de l’attachement au cadre national (malgré les
transferts de compétences en faveur de l’Union, le cadre politique
familier est avant tout national ; attachement identitaire à
l’individualité, l’histoire, les traditions de son pays et des régions ;
l’Union reste une association d’États souverains, absence de
souveraineté européenne ; débat sur le déficit démocratique…).
II. Cet antagonisme peut et doit être surmonté
A. Une définition plus claire de ce qui relève de la communauté
(Europe) et des individualités (États) (les traités sont très
compliqués et la répartition des compétences pas toujours claire ;
certaines questions, comme l’immigration illégale ou la protection
de la sécurité, doivent être améliorées pour être plus efficaces ;
nécessité de clarifier les compétences entre Union et États en
matière de défense, diplomatie, sécurité, justice…) et de favoriser
des actions plus efficaces et plus lisibles permettant à l’Europe et
aux États de peser véritablement sur la scène internationale dans
le cadre de la mondialisation ; voir l’absence de réelle influence
de l’Union européenne lors des grandes crises internationales
récentes (ex. Yougoslavie, Irak, Syrie, Crimée, Donbass,
Ukraine…)
B. Une nation européenne est-elle envisageable dans un futur plus
ou moins lointain ? (dans l’histoire longue des mutations
s’opèrent lentement ; jadis des États ont disparus ou se sont unis
pour donner les États d’aujourd’hui et une telle évolution peut
continuer dans le futur pour permettre la naissance d’un État
européen disposant de la souveraineté et constitué sur un
modèle fédéral ou confédéral respectant l’individualité et de
l’identité de chaque composante comme pour les cantons en
Suisse ; nécessité d’une démocratisation par l’élection de
l’exécutif, le recours au référendum européen, le respect de la
subsidiarité…).
Chapitre III
Mondialisation, environnement,
mouvements migratoires

Bibliographie
• S. Berger : « Made in monde, les nouvelles frontières de
l’économie mondiale », Flammarion, 2003 ;
• V. Capdepuy : « 50 histoires de la mondialisation de
Néanderthal à Wikipedia », Alma, 2018 ;
• D. Cohen : « La mondialisation et ses ennemis », Grasset,
2004 ;
• F. Heran : « Parlons immigration en 30 questions », La
Documentation française, 2021 ;
• S. Juan : « La transition écologique », Eres, 2011 ;
• R. Kandel : « Le réchauffement climatique », PUF QSJ, 2019 ;
• J. Sapir : « La démondialisation », Seuil, 2010 ;
• P. Stefanini : « Immigration, ces réalités qu’on nous cache »,
Lafont, 2020 ;
• P. Weil : « La France et ses étrangers », Gallimard, Point
histoire, 2005.

I Définitions
– La mondialisation (ou globalisation, par reprise du terme utilisé
en anglais pour désigner le même phénomène) désigne la libre
circulation des marchandises, des capitaux, des services, des
personnes, des techniques et de l’information. Elle implique
également l’intégration des marchés et le rapprochement des
humains grâce à la libéralisation des échanges, du
développement des moyens de transport de personnes comme
de marchandises, et des retombées des technologies de
l’information et de la communication à l’échelle planétaire. La
mondialisation a pour conséquence directe l’interdépendance
croissante des économies, l’intensification de la concurrence et
l’expansion des échanges. La conséquence de la mondialisation
est l’affaiblissement des États, qui renoncent à exercer certaines
compétences pour mettre en place le libre-échange, ce qui
conduit à une sorte de privatisation du monde.
– GAFA : acronyme qui désigne, au sens strict, les quatre
principales entreprises de taille mondiale intervenant dans le
domaine des nouvelles technologies (Google, Apple, Facebook et
Amazon) et, au sens large, l’ensemble des grandes entreprises
impliquées dans l’activité économique mondiale globalisée (les
quatre déjà citées, plus d’autres telles que Yahoo, Twitter,
Linkedin, Microsoft, Intel, Cisco, IBM, Xiaomi, Alibaba…). Les
principaux reproches qui leur sont adressés sont de limiter la
concurrence (effet comparable à celui d’un trust) et de chercher à
échapper à l’impôt grâce à l’optimisation fiscale (sièges sociaux
dans des États à faible fiscalité. Par ailleurs, se pose la question
de la protection des données personnelles des utilisateurs qui
sont recueillies et exploitées.
– NATU (ou TUNA), acronyme qui désigne quatre entreprises
ayant connu un succès très rapide après l’apparition des GAFA
dans des domaines différents, non liés aux nouvelles
technologies, Netflix (production de téléfilms), Airbnb (location de
résidences de vacances en ligne), Tesla (batteries pour véhicules
électriques) et Uber (transports VTC).
II Évolution historique

Historiquement, il y a déjà eu dans le passé des périodes de


globalisation (essentiellement : Empire romain avec la mise en place
d’un système unique sur trois continents ; Renaissance avec les
grandes découvertes, voir les travaux de Fernand Braudel ;
révolution industrielle au début du xixe siècle). La mondialisation
actuelle a débuté dans les années 1970 (premières privatisations de
services publics au Chili puis au Royaume-Uni). Elle trouve son
origine dans le développement de la révolution industrielle et de ses
conséquences (machinisme, révolution des transports,
regroupement des lieux de production, effondrement des industries
locales de proximité au profit d’unités globalisées plus
importantes…). Elle a été accélérée par l’ouverture économique
faisant suite à la chute du communisme, le développement des États
du tiers-monde et la conversion du mouvement d’unification
européenne à l’ouverture des marchés, notamment des anciens
services en monopoles.
Longtemps triomphante car considérée comme une manifestation
de la liberté économique et individuelle, la mondialisation est de plus
en plus remise en cause pour diverses raisons (poids des sociétés
internationales qui peuvent concurrencer les États, menaces sur les
droits des salariés, concentration excessive des entreprises,
menaces sur l’environnement, protection des droits de l’Homme…).
De plus, les conséquences de la crise sanitaire puis de la guerre
entre la Russie et l’Ukraine, soulignant la fragilité économique des
États du fait de leur dépendance à l’égard de leurs fournisseurs et
conduisent les gouvernements à vouloir se réindustrialiser les États
en favorisant la production locale de biens et de services ou en
variant davantage les sources d’approvisionnement.

III Enjeux actuels


A. Les aspects économiques et sociaux de la
mondialisation
On appelle mondialisation la libre circulation des marchandises,
des capitaux, des services, des personnes, des techniques et de
l’information accompagnée de l’intégration des marchés nationaux à
un ensemble global soumis à des règles communes déterminées par
traité international (exemple : création de l’OMC, voir ci-dessous)
avec libéralisation des échanges. Son développement est
conditionné par le développement planétaire des moyens de
transport de personnes et de marchandises et des technologies de
l’information et de la communication. Elle a pour conséquence
directe l’interdépendance croissante des économies, l’intensification
de la concurrence et l’expansion des échanges, avec l’apparition de
sociétés commerciales géantes très puissantes.
La mondialisation ouvre la concurrence sur un marché unique sans
toujours tenir compte du niveau de protection sociale dans les États
concernés. La mondialisation a donc pour effet, dans certains États
une forte limitation des droits sociaux et du travail. Par ailleurs, dans
certains États développés, la crainte de déclassement économique
en raison de cette concurrence conduit à la remise en cause
d’acquis sociaux (allongement de l’âge de la retraite, diminution en
durée et en montant des allocations en cas de chômage…) ;
Toutefois, certaines mesures existent notamment en matière de
protection des droits fondamentaux (l’Union européenne n’importe
pas, en principe, de produits fabriqués par des enfants par exemple).
L’Organisation Internationale du Travail (voir le chapitre sur le travail)
a adopté en 2002 puis en 2008 des rapports sur la nécessité de
donner une dimension sociale à la mondialisation, mais sans effet
pratique.

B. Les GAFA
Les GAFA et les NATU (voir la définition ci-dessus) disposent d’une
considérable puissance financière. Par exemple, le chiffre d’affaires
en 2017 de certaines entreprises était, en milliards de dollars,
d’environ 189 (Google), 178 (Amazon), 88 (Apple) et 40 (Facebook).
Ces chiffres sont à comparer avec le PIB dans la même unité
monétaire de quelques États développés : environ 20 494 (États-
Unis), 2775 (France), 350 (Danemark), 370 (Israël),… ou en voie de
développement : 167 (Algérie), 75 (Kenya, Guatemala et Éthiopie),
2,79 (Libéria) et 0,0439 (Tuvalu). On constate donc que le chiffre
d’affaires de ces entreprises géantes est parfois supérieur au PIB
d’États souverains. Par ailleurs, les GAFA constituent en pratique de
nouveaux trusts mondiaux. Leur puissance et leur rentabilité leur
permettent de contrôler leur domaine d’activité, ce qui aboutit en
pratique à une limitation drastique de la concurrence. En
conséquence, certaines entreprises ont subi des condamnations
pour non-respect du droit antitrust, notamment en Allemagne
(Facebook, en 2019) et Italie (Amazon). De plus, elles échappent
largement au paiement de l’impôt grâce à l’optimisation fiscale (en
2021 l’OCDE a adopté le principe d’un impôt mondial sur les
sociétés applicable dans ses 139 membres au taux de 15 % avec
obligation de payer l’impôt dans le pays lieu de l’activité imposée et
non au lieu du siège social, mais il existe encore des disparités de
points de vue entre les États pour l’application concrète). En 2022,
l’Union européenne et les États membres ont convenu du principe
de l’adoption d’une réglementation relative aux GAFA.

C. L’organisation mondiale du commerce


L’Organisation mondiale du commerce (OMC ou WTC selon les
initiales en anglais) est une organisation internationale qui se situe
en dehors du système des Nations Unies mais collaborant avec lui,
créée en 1994 (traité de Marrakech), qui succède à l’Accord général
sur les tarifs commerciaux (ou GATT, 1946). L’OMC est
essentiellement une instance de négociations en matière
commerciale entre les membres et du suivi de l’application des
conflits relatifs aux accords déjà en vigueur. Elle est un cadre de
négociations et de règlement pacifique des différends entre les États
en cas de conflits sur l’application des textes. Elle examine les
politiques commerciales des États et peut faire des propositions de
nouveaux accords. Pour que ces derniers entrent en vigueur, ils
doivent être approuvés par le parlement de chaque membre. Les
États se lient donc volontairement aux accords, qu’ils doivent
appliquer de bonne foi (c’est-à-dire sans interprétations restrictives
ou dénaturantes). À noter que c’est l’Union européenne qui participe
directement aux négociations de l’OMC au nom de tous ces
membres (voir la fiche sur l’Europe). L’OMC travaille également avec
diverses autres organisations internationales (Fonds monétaire
international, Banque mondiale, Organisation des Nations Unies,
Organisation mondiale de la santé…).

D. Mondialisation de la culture et des médias


La mondialisation a aussi conduit, en environ une cinquantaine
d’années (ce qui correspond au développement des nouvelles
technologies et de l’usage du satellite en matière audiovisuelle) à
une forme d’uniformisation des loisirs, des modes de vie, de la
culture… Les personnes d’une même génération, et tout
particulièrement les jeunes, dans la plupart des pays, pourvu qu’ils
soient en mesure de disposer d’un accès à internet et de moyens
financiers suffisants pour consommer ces biens et services, peuvent
communier dans le partage des mêmes films ou émissions
télévisuelles, des mêmes épreuves sportives, de la même musique,
de la même nourriture ou boisson et des mêmes vêtements
(existence de grandes enseignes mondiales disposant de points de
vente dans la plupart des pays et offrant les mêmes produits ou
services, dans un cadre standardisé uniforme permettant au
consommateur de se sentir « chez lui » dans n’importe quelle
succursale) et, partant, de valeurs semblables (voir l’organisation
d’évènements artistiques planétaires dans le but de récolter de
l’argent affecté à des œuvres humanitaires ou charitables). Par
ailleurs, tout évènement survenu quelque part peut être rapidement
porté à la connaissance de l’ensemble de la population mondiale,
contribuant ainsi à constituer une véritable opinion publique
internationale pouvant peser sur les décisions des États souverains
(exemple : débat sur l’ingérence humanitaire, voir le chapitre sur
l’État).
Paradoxalement, ce phénomène de mondialisation culturelle
nourrit et renforce, dans de nombreux pays, le développement de
mouvements revendiquant le respect et la protection de différentes
formes d’identité (nationale, religieuse, ethnique…) ou de traditions,
opposées à une modernité mondialisée jugée envahissante (voir le
chapitre sur Mémoire et identité).
Par ailleurs, dans le cadre des Nations Unies, l’UNESCO, dont le
siège est à Paris, a été créée en 1945 et a pour mission de favoriser
la coopération des 193 États membres dans le domaine de
l’éducation, des sciences et de la culture dans une perspective de
protection des droits de l’Homme (notamment liberté d’expression et
de recherche académique), de lutte contre les discriminations et de
protection à la fois du patrimoine (notamment de musées et de sites
archéologiques menacés), des cultures traditionnelles et de la
création et de l’innovation avec des programmes divers, notamment
en matière d’éducation. Le but est de favoriser une connaissance
mutuelle des différentes aires culturelles et la coopération entre les
États et les peuples. C’est également de favoriser la diversité
culturelle dans le monde en ne limitant pas la production culturelle à
l’intertainment (divertissement de masse) proposé par les grosses
sociétés de production (principalement américaines ou japonaises)
mais en protégeant les cultures nationales ou traditionnelles
(notamment par des quotas : en France, la télévision a l’obligation
de diffuser pour moitié des œuvres originales produites dans l’Union
européenne ou en français ou dans une langue régionale). Des
organisations internationales rassemblent les États ayant en
commun le partage d’une même langue (Francophonie,
Lusophonie…) et qui décident de favoriser entre eux des
coopérations portant à la fois sur l’enseignement, la culture et la
promotion des industries culturelles dans un cadre coopératif (aides
à la scolarisation dans les pays les plus pauvres).
Par ailleurs, il existe, notamment en France, de nombreuses aides
publiques versées par le ministère de la culture pour soutenir les
industries culturelles : cinéma (avance sur recettes, crédit d’impôt
cinéma) ; livre et édition (prix unique du livre fixé par l’éditeur et
s’imposant dans le petit commerce ou en grande surface ou en
vente par correspondance avec une marge de 5 %…) ; spectacle
vivant (subvention diverses de l’État et des collectivités territoriales
aux salles et aux festivals, soutien aux entreprises fermées durant la
crise sanitaire…).
Enfin, la puissance des GAFA intervenant dans le domaine des
médias (Google, Twitter, Facebook, Amazon…) est spécifiquement
dénoncée au nom du respect de la liberté d’expression et de la
liberté d’opinion en raison de la propension de ces chaînes à décider
de censurer ou supprimer certains comptes dont le contenu est
supposé contrevenir à leurs conceptions morales, en dehors de
toute condamnation judiciaire des auteurs ou de toute infraction
pénale. Se pose par ailleurs la question de l’influence que ces
groupes financièrement très puissants peuvent chercher à exercer
dans le débat politique et lors des élections (soutient ou censure de
tel candidat…).

E. Mondialisation et protection de la santé


La mondialisation impliquant la libre circulation des biens et, dans
une certaine mesure et avec des exceptions, des personnes, a une
dimension sanitaire. Depuis le xixe siècle, le développement des
transports a nécessité la mise en place de conventions puis
d’organisations destinées à lutter contre certaines épidémies (peste,
choléra…). En 1948, dans le cadre des Nations Unies, a été créée
l’Organisation mondiale de la santé (OMS), dont le siège est dans le
canton de Genève. Cette organisation est chargée d’assurer à
l’ensemble de la population mondiale le plus haut niveau possible de
protection de la santé et met en place différents programmes de
coopération, de formation, de vaccinations et de soins, de lutte
contre les épidémies, de références documentaires… Le but est
également de favoriser l’aide en faveur des pays démunis ou
exposés à une situation sanitaire préoccupante par les membres
ayant un système de santé développé.
La crise sanitaire née de l’épidémie de Covid 19 a montré la
fragilité d’un monde ouvert permettant la libre circulation face au
risque sanitaire et a nourri un vif débat sur le point de savoir s’il est
ou non nécessaire et adapté de fermer les frontières pour limiter la
circulation d’un virus. Elle a aussi souligné le gouffre sanitaire
existant entre pays développés et pays pauvres, notamment quant à
l’accès aux soins et à la prévention (vaccination).

F. Mondialisation et protection environnementale


1. Aspects généraux
Entre 1900 et 2020, la température moyenne a augmenté de 1,5°
en France et de 1,1° entre 1800 et 2017 dans le monde avec
d’importantes disparités selon les parties du globe. Par exemple, elle
a augmenté deux fois plus vite dans la région des pôles avec la
perspective d’une disparition de la banquise, ce qui poserait alors la
question du maintien des réserves d’eau. De même a été constatée
une baisse importante des glaciers dans les zones montagneuses.

2. Évolution historique
L’histoire du climat, notamment au travers de l’examen de la date
des récoltes et des vendanges dans le passé, de très vieux arbres
ou de carottes de glace polaire, démontre que des variations du
climat se sont déjà produites au cours des âges avec des
alternances de périodes de refroidissement (exemple : « petite
glaciation » entre la fin du règne de Louis XIV et les années 1940) et
de réchauffement (exemple : période entre 600 et 1120 en Europe
du nord, correspondant à la colonisation du Groenland, de l’Islande
et du Labrador par les Vikings, qui auraient été facilitée par ce
radoucissement et depuis les années 1940 avec les effets de
l’industrialisation) entrecoupées de période plus stables. Il existe
toutefois un large consensus pour considérer, d’une part, que nous
sommes effectivement confrontés à une période de réchauffement
climatique et, d’autre part, que celui-ci ne peut pas s’expliquer
exclusivement par une origine naturelle mais aurait été aussi
provoqué par l’activité humaine en raison des effets de la révolution
industrielle et du rejet de CO2 dans l’atmosphère qui provoque un
effet de serre.
Selon le récit de la Genèse dans la Bible, Dieu a créé l’homme et
la femme en dernier afin de leur donner la maîtrise de la terre et de
la nature, dont ils peuvent jouir et tirer leur subsistance. Pour René
Descartes (1596-1650), la science a peu à peu rendu « l’homme
maître et possesseur de la nature ». D’une part, le sentiment erroné
que la nature et la création sont au service de l’Homme (notamment
à l’occasion des grandes découvertes du fait de l’aspect grandiose
et inépuisable des nouveaux mondes, avec une faune et une flore à
la fois inconnues et innombrables) ont conduit à une exploitation
déraisonnable des ressources naturelles et à l’épuisement de
certaines d’entre elles. D’autre part, si les progrès de la science ont
eu d’heureuses conséquences dans de nombreux domaines (santé,
production agricole, innovations techniques…), ils ont conduit à
l’épuisement de certaines ressources (énergies fossiles, érosion…).
Le développement du machinisme et des transports, l’utilisation des
énergies fossiles, l’utilisation trop fréquente des pesticides, des
herbicides et des engrais au xxe siècle ont eu de terribles
conséquences sur l’environnement.

3. Situation actuelle dans le monde


La mondialisation, qui permet l’extension du développement
économique et de l’industrialisation dans l’ensemble du monde,
accentue les dommages sur l’environnement (augmentation de la
production de gaz à effet de serre de 60 % en 35 ans) en raison de
l’accroissement du trafic des transports de personnes et de
marchandises (mer, fleuves, air, routes), des activités industrielles et
de la consommation de biens et de services.
Le développement des nouvelles technologies évoqué ci-dessus a
également des conséquences en matière environnementale : Selon
un rapport de l’ADEME (Agence de l’environnement) diffusé en
2016, internet représente 50 % de la production des gaz à effet de
serre dans le monde. Au cours de sa durée d’utilisation un i-phone
produit l’équivalent de 95 kilos de gaz à effet de serre. L’envoi d’un
mail accompagné d’une pièce jointe consomme autant qu’une
ampoule basse consommation pendant une heure. En 2016,
2672 milliards de mails ont été envoyés dans le monde (à titre de
comparaison : l’envoi de seulement 15 milliards de mails équivaut à
la production pendant une heure de 15 centrales nucléaires).
Parmi les conséquences de l’augmentation des gaz à effet de
serre, on relève une hausse de la déforestation (les arbres sont
abattus afin d’exploiter le bois ou de libérer du terrain pour percer
des voies de circulation, semer des cultures industrielles, installer
des activités industrielles et commerciales ou loger les populations
victimes de l’exode rural) et une baisse de la biodiversité (68 % des
espèces animales vertébrées sauvages disparues en 50 ans en
moyenne dont 94 % aux Caraïbes et 65 % en Afrique, et diminution
de 30 % de la population d’oiseaux en France en trente ans selon
une étude du WWF parue en 2020 ; rien qu’en 2020, une trentaine
d’espèces végétales auraient disparu ; selon l’ONU, environ 1 million
d’espèces, sur quelques 8 millions, sont menacée d’extinction), ce
qui entraîne des conséquences en matière alimentaire (diminution
de 90 % des ressources de thon rouge en méditerranée entre 1993
et 2016 selon le WWF) et nécessite de repenser non seulement les
pratiques industrielles mais aussi les techniques agricoles (remise
en cause de la pêche industrielle qui épuise les ressources en
poissons en empêchant le renouvellement des stocks, lutte contre
l’érosion par le maintien de la végétation et renonciation à certains
engrais ou pesticides qui menacent la survie de diverses espèces
végétales ou animales, avec malgré tout nécessité de conserver une
agriculture capable de lutter contre les maladies ou parasites afin
d’assurer l’approvisionnement alimentaire des populations).
Enfin, l’un des grands enjeux des années à venir sera le règlement
de la question des réfugiés climatiques (voir ci-dessous).
Au-delà de diverses actions menées au plan national ou régional
par les États, il y a eu une prise de conscience de l’urgence à traiter
le dérèglement climatique au plan universel.
Au niveau européen, de nombreuses règles relatives à la
protection, de l’environnement ont été adoptées dans le cadre de
l’Union européenne (préservation du capital naturel pour la fertilité
des sols, la qualité de l’air et de l’eau, biodiversité ; lutte contre le
gaspillage et encouragement au recyclage ; lutte contre la pollution
et l’usage de produits chimiques ; lutte contre les gaz à effet de serre
avec engagements chiffrés dans le cadre du Plan vert, incitations au
développement d’énergies non carbonnées telles que le solaire ou
l’éolien…).
Au niveau international, dès 1972 (Rapport Meadows), le Club de
Rome avait dénoncé le risque d’une poursuite infinie de la
croissance économique pour l’environnement et recommandé une
forme de décroissance. En 1987 (Rapport Brundtland), l’ONU a
constaté l’existence d’un changement climatique d’origine humaine
et affirmé le principe du « développement durable » : mode de
développement qui doit permettre de répondre aux besoins du
présent sans pour autant compromettre la capacité des générations
future de pouvoir répondre aux leurs. Cette notion, beaucoup
développée et précisée depuis, repose à la fois sur le principe de la
solidarité à l’intérieur d’une même génération (lutter contre la
fracture nord-sud et permettre un développement raisonné mais réel
des pays du sud grâce aux transferts de technologie et à une plus
grande sobriété, notamment énergétique, des pays du nord, déjà
développés) et entre les générations (lutter contre le réchauffement
climatique, préserver les ressources naturelles…) afin de répondre
aux « besoins humains fondamentaux » (définis par l’économiste
Manfred Max-Neef, : subsistance, protection, liberté… qui sont
constants pour tout être humain). En 1992, un sommet fut organisé à
Rio par l’ONU, rassemblant une centaine d’États et plusieurs milliers
d’organisations non gouvernementales spécialisées dans les
questions climatiques. À cette occasion, au-delà du constat de
l’interdépendance des États face aux enjeux climatiques, le contenu
et les modalités du développement durable furent précisés dans une
déclaration et le principe de la collaboration des États pour assurer
l’intégrité de l’environnement mondial sur le développement affirmé
avec signature d’un traité (de portée très générale) et lancement
d’un processus de négociations devant en préciser le contenu. Ce
dernier aboutit en 1997 à la signature du protocole de Kyoto, premier
traité énonçant des obligations contraignantes en matière climatique
par l’énonciation d’objectifs pour les États (pas toujours réalisés).
Depuis 1995, en application de la convention de Rio de 1992, une
conférence des parties (COP selon l’initiale en anglais) se réunit
annuellement. Elle rassemble 196 États et environ 30. 000
participants issus des organisations non gouvernementales et du
milieu économique (entreprises, syndicats…). La plus connue est la
COP relative au climat mais il existe aussi en parallèle une COP sur
la diversité biologique et une autre sur la lutte contre la
désertification. À la suite de la COP 21, la convention de Paris sur le
climat (2015) a fixé comme objectif de limiter le réchauffement
climatique en dessous de 2°, voire, si possible de 1,5 °. Les
modalités de mise en œuvre de cet objectif ont été précisées au
sommet de Katowice (2014). Le GIEC (Groupes
intergouvernemental d’experts sur le changement climatique), créé
en 1988, rédige des rapports relatifs au changement climatique.
Dans celui remis en 2014, il a estimé qu’une augmentation de la
température moyenne supérieure à 1,5 ° pourrait provoquer des
dérèglements climatiques sans précédent et d’extrême gravité
(désertification, tornades…). Selon le rapport 2022, il ne reste que
peu d’année pour prendre les mesures nécessaires pour ralentir le
rechauffement, à peine que ce denier devienne irreversible.

4. Situation actuelle en France


La France participe à hauteur de 0,9 % à la production mondiale de
gaz à effet de serre (2022). La mise en œuvre des objectifs fixés au
niveau européen et international a conduit à l’adoption de la loi
n° 2021-1104 du 22 août 2021 relative à la lutte contre le
dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses
effets (dite loi « climat et résilience ») reprenant par ailleurs certaines
des propositions de la convention citoyenne (2020). Ce texte, qui a
pour objectif une réduction d’au moins 55 % des gaz à effet de serre
d’ici à 2030, contient diverses dispositions relatives aux modes de
consommation et d’alimentation, aux modes de production et de
travail, aux déplacements et au logement destinées à lutter contre le
réchauffement climatique. Les mesures prises portent sur la vie
quotidienne (normes pour la construction de bâtiments, limitation ou
interdiction de l’usage des énergies fossiles, normes en matière
automobiles…). Il introduit par ailleurs de nouveaux délits pénaux
(mise en danger de l’environnement ; pollution des milieux et
écocide, c’est à, dire une atteinte particulièrement grave et
caractérisée à l’environnement). Par ailleurs, les lois n° 2015-992 du
17 août 2015 et n° 2018-703 du 3 août 2017 sont relatives à la mise
en place de la transition écologique (principes et pratiques diverses
destinés à développer un mode de vie plus respectueux de
l’environnement et moins consommateur d’énergie, dans la vie
quotidienne et notamment au niveau local : interdiction d’élimination
des invendus, protocoles en matières d’éliminations des déchets,
prise en compte des contraintes environnementales dans les
contrats publics ou privés…). À noter que le gouvernement nommé
en 2022 comprend deux départements ministériels
environnementaux placés auprès du Premier ministre et en charge
de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
En matière énergétique, la décision de renoncer progressivement à
l’usage des énergies fossiles pose la question de la transition
énergétique : alors que les besoins en électricité sont en
augmentation (hausse due à la généralisation des nouvelles
technologies, voitures électriques…), quelle doit être la part
respective dans la production, de l’énergie nucléaire (technologie
bien maîtrisée permettant une certaine indépendance énergétique
mais avec la question de la gestion des déchets) et des énergies
renouvelables (panneaux solaires, éoliennes, géothermie… dont la
productivité est encore réduite et les coûts élevés : éolien et solaire
représentent chacun mois de 2 % de la production énergétique dans
le monde).
En matière agricole, il est nécessaire, d’une part de résoudre la
question de la gestion des réserves d’eau (lutte contre la pollution,
notamment par les engrais et pesticides, limitation de la
consommation par la lutte contre le gaspillage et l’adoption de
cultures moins consommatrices, plantes génétiquement modifiées
pour être adaptées à un climat particulier ou au manque d’eau, mais
cette dernière question est très débattue en raison de l’absence de
recul sur les risques potentiels), d’autre part d’assurer l’alimentation
de l’ensemble de la population tout en luttant contre les gaspillages
et la surproduction. En Europe, il a été décidé le « verdissement »
de la politique agricole commune (PAC) avec une plus notable prise
en compte de la protection de l’environnement. Par ailleurs, la
société contemporaine s’émeut de la maltraitance envers les
animaux dans certains élevages ou abattoirs et des conditions de la
détention des animaux dans les zoos et dans les cirques (interdiction
progressive des spectacles avec des animaux sauvages depuis
2020). Par ailleurs, la nécessité de mieux maîtriser le progrès
scientifique, notamment dans le domaine biologique a conduit à
affirmer le principe de précaution dans la Constitution (nécessité
d’anticiper les conséquences possibles) et le développement durable
(voir ci-dessus) afin de limiter les risques collectifs du progrès
scientifique.
La chasse, qui était un privilège de l’aristocratie avant 1789 et qui a
été ouverte à tous au nom du principe d’égalité, bénéficie en France
d’une certaine popularité dans tous les milieux sociaux et est
organisée par l’Office national de la chasse (établissement public de
l’État) en lien avec les Fédérations de chasseurs et est réglementée
afin de protéger les espèces menacées. Elle suscite en même temps
de nombreuses oppositions au nom de la protection du bien-être
animal. Les chasseurs soulignent que la chasse, si elle est pratiquée
raisonnablement et dans le respect de la protection des espèces
menacées, contribue à la biodiversité et à la protection de
l’environnement en évitant la prolifération de certains animaux qui,
lorsqu’ils sont en surnombre menacent l’agriculture ou la forêt
(exemple : les sangliers) et doivent faire l’objet de destructions lors
de battues administratives organisées par l’État. Par ailleurs, la
réintroduction d’espèces disparues en France comme les loups ou
les ours suscitent l’opposition des éleveurs des zones concernées
dont elles menacent les troupeaux et dont l’État indemnise les
pertes. Au-delà de la question de la chasse, les rapports de
l’Homme avec l’animal ont fortement évolué au cour du xxe siècle
avec la quasi disparition de la paysannerie, la fin de la fraction
animale et le developpement de la possession d’animaux de
compagnie. On est passé d’une relation strictement utilitariste à une
forte affectivité conduisant à « humaniser » les animaux, phénomène
renforcé par les personnages anthropomorphes dans les dessins
animés.
La pêche en rivière, qui est réglementée, suscite moins
d’oppositions que la chasse. La pêche en mer fait l’objet de
réglementations quant aux prises dans le cadre européen, en raison
du risque de l’épuisement des stocks allieutiques.

G. Mondialisation et mouvements de populations


1. Modalités générales
L’ONU définit les migrants comme étant des personnes qui sont
nées dans un pays différent de celui dans lequel elles résident.
Selon l’INSEE, c’est une personne née étrangère à l’étranger et
résidant en France. Il existe deux catégories de migrants :
– Les demandeurs d’asile, qui sont (Convention de Genève de
1951) les personnes qui craignent avec raison d’être persécutées
du fait leur race, leur religion, leur nationalité, leur appartenance à
un certain groupe social ou en raison de leurs opinions dans leur
pays de nationalité et qui, pour ces raisons ne peuvent pas rester
dans le pays dont elles ont la nationalité ou ne peuvent pas y
retourner (ce statut ne peut donc pas être étendu aux réfugiés
climatiques, voir ci-dessous). Il faut démontrer que l’on est
exposé à un danger personnel et immédiat. Les États parties à la
Convention de Genève s’engagent à accorder aux personnes
auxquelles elles reconnaissent le statut de réfugié, un titre de
séjour sur leur territoire ainsi que divers droits (à l’emploi, à la
formation professionnelle, au logement, à la scolarisation des
enfants…). Il existe une politique commune en matière d’asile au
niveau de l’Union européenne. Il y a 80 millions de personnes
déplacées ou réfugiées dans le monde en 2020 (ONU).
– Les migrants économiques, qui souhaitent s’installer dans un
État dont ils n’ont pas la nationalité afin d’y travailler, dont le
nombre peut être estimé à environ 200 millions d’individus.
Chaque État peut souverainement déterminer s’il souhaite ou non
accorder des visas de travail, pour quels secteurs d’activité et aux
ressortissants de quels États ainsi que de déterminer les
conditions de séjour et de renvoi (à noter toutefois que certains
standards communs destinés à protéger la liberté individuelle des
intéressés dans le cadre de la lutte contre l’immigration
clandestine ont été définis dans le cadre de l’Union européenne).
Par ailleurs, chaque année, dans le cadre d’accords internationaux
bilatéraux ou multilatéraux des étudiants étrangers obtiennent des
visas particuliers pour aller étudier dans un pays autre que celui dont
ils ont la nationalité.
Enfin, la montée des eaux (surtout mers et océans) en raison du
réchauffement climatique est susceptible de submerger certaines
terres (notamment en Océanie et en Asie du sud-est), obligeant les
populations qui y vivent à les quitter. L’un des grands enjeux des
années à venir sera le règlement de la question de ces réfugiés
climatiques et de la définition de leur statut car ils ne rentrent pas
dans les critères de la Convention de Genève de 1951 (il pourrait y
avoir environ 250 millions de réfugiés climatiques en 2050 selon le
Haut-commissariat aux réfugiés des Nations Unies).
Le nombre des migrants a considérablement augmenté dans le
cadre de la mondialisation puisque l’on est passé de 77 millions en
1965 à 175 millions en 2000 (chiffres du Musée de l’histoire de
l’immigration). Les migrants sont au nombre de 250 millions en 2018
(chiffre ONU). Leur nombre a été multiplié par trois entre 1960 et
2000 et ils représentent environ 3 % de la population mondiale.
Même si les pays développés du nord sont attractifs pour les
migrants, 60 % des réfugiés vivent dans l’hémisphère sud.
L’une des clés du contrôle des mouvements de populations dans le
monde est le développement des pays les plus pauvres afin de
limiter l’impact de l’immigration économique sur les pays développés
mais cette question est très complexe. L’indépendance des
anciennes colonies est survenue depuis les années 1950 et 1960.
Dès cette époque, a été affirmé, dans le cadre de l’ONU le principe
du droit au développement. De nombreux accords de coopération,
bilatéraux ou multilatéraux entre États (voir le rôle en la matière de
l’Agence française pour le développement, qui finance des
programmes), dans le cadre d’organisations internationales
universelles (Programme des Nations Unies pour le développement ;
Banque mondiale) ou régionales (accords entre l’Union européenne
et des pays tiers pour favoriser un commerce équitable et les droits
de l’homme). Toutefois, les résultats concrets restent mitigés, d’une
part en raison de la très grande pauvreté de certains États, qui ne
peut être progressivement atténuée que sur un terme long, d’autre
part en raison de l’insuffisance au regard des besoins des moyens
octroyés, enfin du niveau élevé de corruption dans certains États et
des détournements de fonds qui en résultent. Surtout, à l’heure de la
prise de conscience des conséquences d’un développement
économique mal maîtrisé sur l’environnement, il s’agit de concilier
équipement des États les plus pauvres en vue d’améliorer la
situation économique, sociale, éducative et sanitaire de leur
population avec respect des principes du développement durable et
la sobriété énergétique (à noter que dans le cadre de la COP, les
objectifs en termes de production de CO2 sont différents pour les
États développés, qui ont les contraintes les plus sévères, et les
pays non développés, qui bénéficient de seuils plus élevés pour
faciliter le démarrage de leur économie).

2. Situation en France
a. Aspects généraux
La France est au cinquième rang mondial pour le nombre
d’immigrés vivant sur son territoire (les États-Unis étant le premier et
l’Allemagne le troisième). Les ressortissants de l’Union européenne
installés sur le territoire national étant, au plan des droits
économiques et sociaux, assimilés aux ressortissants français ne
sont pas considérés comme des migrants.
En 2019, environ 3,5 millions de visas avaient été accordés pour
venir en France (700 000 en 2020, cette baisse de près de 80 %
étant due à l’impact de l’épidémie de Covid sur la circulation des
personnes ; en 2021 le nombre des visas accordés aux
ressortissants algériens ou marocains a été divisé par deux).
5,1 millions d’étrangers (personnes n’ayant pas la nationalité
française) vivaient en France en 2020, représentant 7,6 % de la
population générale (4,4 % en 1946 et 6,5 % en 1975). Par ailleurs,
on compte 6,8 millions d’immigrés (personnes nées à l’étranger et
demeurant en France ayant conservé leur nationalité d’origine ou
ayant obtenu la nationalité française) représentant 10,2 % de la
population (INSEE). Selon l’INSEE (2018), 14 millions d’habitants en
France (sur près de 67 millions), soit 11,2 % de la population totale,
sont des immigrés ou des descendants d’immigrés. 40 % des
personnes nées en France entre 2006 et 2008 ont au moins un
parent ou un grand-parent immigré, dont 27 % hors d’Europe.
La stabilité du solde migratoire en France (entre 50 000 et 100 000
personnes par an depuis les années 1970) s’explique :
– par les acquisitions de nationalité française (selon l’INSEE, entre
1995 et 2012, 2,4 millions d’étrangers ont acquis la nationalité
française et environ 84 000 l’ont obtenue en 2020) ;
– par le retour dans le pays d’origine (selon l’INSEE, en 2018,
270 000 immigrés sont arrivés et 70 000 repartis, soit un solde
net de 200 000 entrées) ;
– par le départ de ressortissants français à l’étranger (selon
l’INSEE, en 2018, 271 000 Français sont partis, 110 000 sont
rentrés, soit un solde net de 160 000 départs).
En dehors de l’immigration légale (étrangers entrant en France
avec un titre de séjour), il existe également une immigration illégale
(étrangers se maintenant sans titre sur le territoire national). Cette
dernière est composée :
– des étrangers rentrés clandestinement en France sans titre (cas,
notamment de ceux qui suivent des filières animées par des
passeurs, en Méditerranée ou par l’Europe de l’est, dans des
conditions d’extrême précarité et, parfois, au risque de leur vie ;
par ailleurs se pose la question du rôle et de la fiabilité des
frontières dans un monde ouvert avec des contrôles réduits) ;
– des étrangers qui restent en France au-delà de l’échéance d’un
titre qui n’a pas été renouvelé ;
– des étrangers ayant demandé le droit d’asile mais qui ont été
déboutés et se sont malgré tout maintenus sur le territoire
national.
Le nombre de migrants clandestins en France est très difficile à
évaluer en raison même du caractère non officiel de leur présence.
Ils sont au moins 350 000 (nombre des bénéficiaires de l’AME, voir
ci-dessous, sachant que tous les clandestins ne s’y inscrivent pas).
Le ministère de l’intérieur estime qu’il y en a environ 700 000 et
Patrick Stefanini (Immigration, ces réalités qu’on nous cache, Lafont,
2020) avance le chiffre de 900 000 clandestins en France.
Les migrants clandestins bénéficient de l’Aide médicale d’État
(AME), qui leur octroit un accès aux soins sous conditions de
ressources et de résidence pour un an renouvelables avec un taux
de 100 % pour la plupart des prestations médicales (sauf cures ou
médicaments remboursés à un taux égal ou inférieur à 15 %).
Environ 350 000 personnes en bénéficient pour un coût annuel de
1,5 milliards d’euros.
b. Réfugiés, apatrides et déboutés du droit d’asile
L’instruction des demandes d’asile est effectuée par l’Office
français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) créé en
1952, qui statue de manière indépendante sur les demandes d’asile
ou de statut d’apatride (personne qu’aucun État ne considère
comme étant son ressortissant au regard de sa législation). Ses
décisions peuvent être contestées devant la Cour nationale du droit
d’asile (CNDA) puis devant le juge administratif.
En 2020, selon l’INSEE, environ 95 000 personnes ont déposé une
demande d’asile et 33 % ont obtenu le statut de réfugiés (environ
30 000). Les personnes déboutées du droit d’asile ont en principe
vocation à repartir dans leur pays d’origine, soit de leur propre
mouvement après l’échec de leur demande, soit après la prise par le
préfet du département de résidence d’une obligation de quitter le
territoire français (OQTF), avec des délais divers selon les situations
(en 2020, selon l’INSEE, 15 000 personnes ont fait l’objet d’une
reconduite à la frontière). En pratique, seuls 15 % des immigrés
faisant l’objet d’une OQTF sont effectivement expulsés (Rapport
2019 de la cour des comptes), ce qui signifie que 85 % des
déboutés du droit d’asile se maintiennent illégalement et
précairement sur le territoire national et deviennent des migrants
clandestins au sens évoqué plus haut Certains entreprennent
diverses démarches prévues par le Code de l’entrée et du séjour
des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) pour être régularisés en
obtenant, en lieu et place d’un statut de réfugié, un visa de séjour en
France, notamment comme travailleurs.
Les mineurs étrangers arrivés sur le territoire français non
accompagnés, c’est-à-dire sans la présence d’un adulte ayant
capacité à les représenter (parents ou autre), bénéficient d’un droit à
l’accueil jusqu’à leur majorité dans le cadre d’une protection
spécifique, sous le contrôle du procureur de la République. Ils sont
placés auprès du service social à l’enfance du conseil départemental
de leur lieu de résidence, qui assurent la prise en charge financière
avec une aide de l’État. Ces mineurs bénéficient de l’Aide médicale
d’État (AME) à 100 % (voir ci-dessus). Les intéressés peuvent
déposer une demande d’asile. Ils bénéficient d’un droit à la
scolarisation et à la formation professionnelle. À leur majorité, ils
peuvent, dans certaines conditions (liées notamment au suivi d’une
formation et à des conditions de résidence), obtenir un titre de séjour
à titre exceptionnel ou au titre du regroupement familial. Il y avait
environ 1 000 mineurs isolés en France en 2012 (pour un coût de
50 millions d’euros) et environ 40 000 en 2020 (pour un coût de
2 milliards d’euros), ce qui souligne une forte augmentation de la
demande (chiffres du ministère de l’intérieur). Il est parfois difficile de
déterminer si une personne demandant le bénéfice de cette
protection est bien mineure et remplit les conditions pour pouvoir en
bénéficier (environ 50 % de fraude selon le ministère de l’intérieur).
Des accords existent entre la France (ou l’Union européenne) et
certains États pour faciliter les rapatriements d’étrangers en situation
irrégulières et limiter les départs, dont le bilan est toutefois mitigé (ce
qui explique, par exemple, la diminution de moitié du nombre de
visas accordés aux ressortissants de certains États, comme l’Algérie
ou le Maroc, pour inciter les autorités de ces pays à faciliter le retour
de leurs nationaux en situation irrégulière en France).
c. Immigration économique
Une liste par région des métiers « en tension », c’est-à-dire pour
lesquels il est possible de faire appel à des travailleurs étrangers
non ressortissants de l’Union européenne est établie par les services
de l’État (préfecture et DREETS, direction régionale de l’économie,
de l’emploi, du travail et des solidarités, qui englobe depuis 2021 les
DIRRECTE qui relevaient du ministère du travail). Après instruction
de la demande, une carte de séjour d’un an puis 4 ans
renouvelables peut être délivrée au bénéficiaire disposant d’un
contrat de travail dans l’un de ces secteurs (il existe aussi un
« passeport talent » d’une durée de 4 ans, notamment pour les
étudiants, les artistes ou les scientifiques). Ces visas peuvent
également être accordés à des étrangers qui ont été déboutés du
droit d’asile et ont déposé une demande de régulation à la
préfecture.
Selon le ministère de l’intérieur, cette immigration de travail
représente 11 % des visas. Selon l’INSEE, on comptait 39 125
entrées en 2019 et 26 583 en 2020, la baisse s’expliquant par les
restrictions de circulation en raison de la situation sanitaire.
d. Regroupement familial
Le regroupement familial permet à un étranger régulièrement
installé en France depuis 18 mois au moins et disposant à la fois
d’un revenu, d’un logement et de conditions matérielles lui
permettant de les accueillir, d’être rejoint par son conjoint et par ses
enfants mineurs. Il repose sur le principe du droit à une familiale
normale (CE, 8 décembre 1978, GISTI). Le visa est accordé et
maintenu sous réserve de la réalité de la vie commune.
Le regroupement familial représente environ 37 % des entrées
légales en France, soit 90502 entrées en 2019 et 75 482 en 2020
(INSEE), la baisse s’expliquant par les restrictions de circulation en
raison de la situation sanitaire.
e. Étudiants étrangers
Dans le cadre d’accords internationaux bilatéraux ou multilatéraux
(exemple : Erasmus) des étudiants étrangers obtiennent des visas
particuliers pour étudier en France, soit pour une année, soit pour un
cursus plus long, le visa étant maintenu sous réserve, de réussite
aux examens ou de la prise en considération d’une situation
particulière en cas d’échec. Cela a représenté 90 336 entrées en
2019 et 72 306 en 2020 (INSEE), la baisse s’expliquant par les
restrictions de circulation en raison de la situation sanitaire.
Si la plupart rentrent dans leur pays d’origine au terme de leurs
études, d’autres demandent la transformation de leur visa afin de
pouvoir travailler en France (immigration économique), ce qui pose
le problème des conséquences de la fuite des cerveaux pour les
pays en voie de développement que représente le choix individuel
de ne pas retourner dans son pays d’origine pour y contribuer à son
développement grâce aux connaissances acquises. Par ailleurs,
certains se maintiennent sans titre en France (migrants clandestins).
f. Les titres de séjour en matière médicale
Il est possible pour un ressortissant étranger d’obtenir un titre de
séjour provisoire renouvelable au titre de son état de santé lui
permettant de recevoir des soins en France sous réservée, d’une
part que le défaut de soin puisse entraîner des conséquences d’une
exceptionnelle gravité, d’autre part que les soins adéquats ne sont
pas disponibles dans l’État de nationalité ou de résidence du
demandeur. Le titulaire peut être accompagné de sa famille proche
(conjoint et enfants mineurs). Une fois les soins achevés, le titulaire
a vocation à retourner dans son pays.
Ce dispositif ne doit pas être confondu avec le dispositif de l’AME
(Aide médicale d’État) dont bénéficient les migrants clandestins (voir
ci-dessus).

Sujet de dissertation : La mondialisation emporte-t-elle


la fin des États ?
1. Analyse synthétique
– Voir aussi les éléments dans le chapitre sur l’État.
– La mondialisation n’a pas été imposée aux États.
– La mondialisation résulte de la signature par les États de traités
internationaux par lesquels ils ont souverainement accepté de
limiter leur souveraineté en matière économique dans le but de
favoriser le libre-échange.
– Même si certaines entreprises (GAFA) sont très puissantes et
cherchent à échapper au contrôle des États (notamment en
matière fiscale), les États et les organisations d’État (Union
européenne, OCDE…) luttent pour les obliger à respecter le droit
de la concurrence et contre les trusts et pour mettre en place un
impôt mondial minimal sur les sociétés.
– Tentatives de régulations par les États au travers de l’OMC.
– Retour du rôle des États lors de la pandémie mondiale du Covid.
– Protection de l’identité culturelle des États par eux-mêmes et
dans le cadre de l’UNESCO pour lutter contre la mondialisation
culturelle imposée par les GAFA et favoriser le maintien de la
diversité culturelle…

2. Problématique
La mondialisation résulte de la signature par les États de traités
internationaux par lesquels ils ont souverainement accepté de limiter
leur souveraineté en matière économique dans le but de favoriser le
libre-échange. Elle n’a donc pas été imposée aux États qui, malgré
la montée en puissance de certaines entreprises, restent les
principaux acteurs des droit international et disposent toujours de
leur souveraineté économique.
🠶 Introduction :
– Définitions ;
– Historique ;
– Actualité ;
– Problématique.
I. Les États entre volontarisme et attentisme
A. La mondialisation résulte de la volonté souveraine des États
(assurer la paix, le développement et la prospérité par la création
de zones de libre-échange et la déréglementation de certaines
activités par des traités universels tels l’OMC ou régionaux, tels
l’Union européenne, l’ALENA nord-américaine, le MERCOSUR
en Amérique latine ; effets pervers de la mondialisation pour les
pays du sud…)
B. La mondialisation a des conséquences dommageables pour les
États (limites de l’aide au développement, nécessité de concilier
développement et transition écologique dans les pays pauvres ;
exploitation des pays du sud, nécessités de la transition
écologique pour lutter contre le réchauffement climatique…)
II. Les États s’efforcent de mettre en place des moyens de
régulation de la mondialisation
A. Malgré la libre concurrence internationale, les États conservent
des volets d’intervention (professions réglementées, maintien de
certains monopoles, fiscalité, droit de douanes, lutte contre le
réchauffement climatique et organisation de la transition
écologique avec des normes s’imposant aux entreprises, contrôle
de l’immigration et des conditions d’entrée et de séjour des
étrangers sur leur territoire…)
B. Les États régulent la mondialisation au travers d’actions
communes dans le cadre d’organisations internationales (OMC,
OCDE, mise en place d’un impôt minimal sur les sociétés,
UNESCO, protection de la diversité culturelle…).
Chapitre IV
La vie démocratique

Bibliographie
• R. Aron : « Démocratie et totalitarisme », Idées, Gallimard,
1965 ;
• L. Carfora : « La démocratie, histoire d’une idéologie », Seuil,
2006 ;
• R. Debray : « L’obsénité démocratique », Flammarion, 2007 ;
• M. Gauchet : « La démocratie contre elle-même », Gallimard,
2002 ;
• A. Touraine : « Qu’est-ce que la démocratie ? », Livre de
poche, 1997 ;
• A. Sen : « La démocratie des autres », Payot, 2005.

I Définitions

🠶 Démocratie (grec demokratia, le pouvoir du peuple) désigne : un


système politique ou une forme de gouvernement dans lequel la
souveraineté émane du peuple ou un État ayant cette forme de
gouvernement (Larousse).
Selon l’ONU (sommet de 2005) « la démocratie est une valeur
universelle, qui émane de la volonté librement exprimée des peuples
de définir leur propre système politique, économique, social et
culturel et qui repose sur leur pleine participation à tous les aspects
de leur existence ».
Selon Winston Churchill (1874-1965), « la démocratie est le pire
des régimes à l’exclusion de tous les autres ». Selon le philosophe
libéral Karl Popper (1902-1994) dans « La Société ouverte et ses
ennemis » (1945), la démocratie est un régime dans lequel nul
pouvoir (politique, économique, financier, médiatique…) n’est sans
contre-pouvoir et qui pratique la non-violence dans les affaires
intérieures comme internationales et souligne que, quelles que
soient les difficultés de fonctionnement de la démocratie, elle
constitue le seul espoir pour l’humanité.

La démocratie repose sur une séparation effective des pouvoirs


législatif, exécutif et juridictionnel (Montesquieu, L’Esprit des lois)
permettant leur contrôle réciproque et leur interaction de manière à
empêcher une confusion des pouvoirs menant à la dictature. Elle
implique :
– un État de droit, c’est-à-dire une application effective du
libéralisme (voir le chapitre sur l’État) et de la séparation des
pouvoirs dans le cadre d’élections libres et loyales et sous la
garantie de la liberté individuelle (voir le chapitre sur l’État et le
chapitre sur les droits de l’Homme). Il ne peut pas y avoir de
démocratie dans le cadre d’un État de police (voir le chapitre sur
l’État) ;
– le pluralisme (possibilité pour les forces politiques respectant la
légalité et l’ordre public de pouvoir se présenter aux suffrages
des électeurs dans des conditions d’égalité et de procédure
électorale loyale) ;
– le suffrage universel (le droit de vote et l’éligibilité sont accordés
à l’ensemble des citoyens selon des critères objectifs tels que
l’âge ou l’absence de certaines condamnations ; absence de
restrictions tels que le Cens comme cela existait avant 1848 avec
le suffrage censitaire) ;
– l’existence de contre-pouvoirs libres (presse, associations…) ;
– la garantie des libertés individuelles (notamment : liberté de la
presse, d’expression et d’opinion, d’aller et de venir… et
protection du droit des minorités).
On oppose classiquement la démocratie à :
– la monarchie (gouvernement par un seul). Toutefois, les
monarchies parlementaires sont évidemment des démocraties
puisqu’elles pratiquent la séparation des pouvoirs et le
pluralisme,
– l’aristocratie (gouvernement par quelques-uns),
– la ploutocratie (société dans laquelle le critère de la richesse est
prépondérant, notamment dans le gouvernement),
– l’autocratie (régime dans lequel le chef d’État dispose d’un
pouvoir absolu, comme par exemple le tsar de Russie avant la
révolution de 1905),
– la tyrannie, qui désigne un gouvernement absolu et despotique,
c’est-à-dire très autoritaire et injuste. De nos jours, on parle plus
volontiers de dictature dans un sens voisin,
– la raison d’État désigne un principe de gouvernement selon
lequel un État, au nom d’une conception absolutiste de sa
souveraineté, décide dans le règlement de certaines affaires
sensibles engageant un intérêt national considéré essentiel, de
s’affranchir du respect du droit et de mettre en œuvre des actions
illégales. Bien que clairement antinomique avec la démocratie
elle est cependant parfois pratiquée par des régimes
démocratiques de manière clandestine (voir le chapitre sur l’État).
Si on parle de démocratie dès l’antiquité (« démocratie
athénienne », qui, toutefois, ne confie le pouvoir politique qu’aux
hommes libres de la cité, ce qui excluait la majorité de la population),
ce n’est qu’au xviiie siècle que la séparation des pouvoirs a été
formulée (voir le chapitre sur l’État et celui sur les droits de l’Homme)
et qu’au xxe que l’on a lié démocratie et respect des libertés
fondamentales dans l’État de droit (voir le chapitre sur l’État et sur
les droits de l’Homme). Le mouvement d’émancipation urbaine vis-à-
vis de la féodalité au Moyen-Âge, notamment en France, Italie et
Allemagne, a abouti à la création de pouvoirs aristocratiques ou
oligarchiques et non démocratiques.

Le Peuple, selon le dictionnaire Larousse, désigne l’ensemble des


personnes vivant en société sur un même territoire et unies par des
liens culturels et des institutions communes et constituant, avec le
territoire et la souveraineté l’un des éléments constitutifs de l’État.
La citoyenneté désigne le lien juridique conférant à la fois les droits
et les devoirs les plus étendus à un individu vis-à-vis d’un État. En
France, citoyenneté et nationalité se confondent car tous les
citoyens sont des nationaux et seuls les citoyens peuvent être des
nationaux (voir le chapitre sur la nation).
🠶 Les partis politiques : un parti politique est une association qui
rassemble les électeurs qui partagent une idéologie et une
conception identiques de la société et de l’État dont l’objectif est la
conquête du pouvoir lors des différentes élections. Le plus ancien
parti français est le Parti radical, fondé en 1901, dans la foulée du
vote de la loi sur la liberté d’association. En 2021, il existe plus de
590 partis politiques, mais seuls une demi-douzaine environ siègent
dans les assemblées délibérantes. Les partis sont soumis au régime
de l’association de la loi du 1er juillet 1901 (sauf dans les
départements du Rhin et de la Moselle, où subsiste le régime local
spécifique institué pendant la période de l’annexion à l’Allemagne) et
disposent donc de la personnalité morale. Ils bénéficient depuis
1988 d’un financement public, fondé sur leurs résultats électoraux,
en compléments de leurs ressources propres (cotisations,
emprunts…), ce qui explique au moins autant que la passion pour
les idées politiques le nombre de partis… On distingue
classiquement entre :
– les partis « de cadres » (composés de notables autour d’un
consensus modéré) ;
– les partis « de masse » (qui reposent sur une organisation
structurée et hiérarchisée défendant une idéologie) ;
– les partis « d’électeurs » ou « d’opinions » (qui cherchent à créer
un consensus pour les électeurs et avec peu de militants).
Avec le développement de l’abstention lors des élections, ces
distinctions paraissent perdre de leur pertinence. Aux termes de
l’article 4 de la constitution de 1958, les partis et groupements
politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et
exercent librement leur activité, sous réserve de respecter les
principes de la souveraineté nationale et de la démocratie. Leur
participation équitable à la vie démocratique de la Nation et
l’expression pluraliste des opinions (par exemple lors des
campagnes électorales à la radio-télévision) sont garanties par la loi,
ainsi que leur participation à la mise en œuvre du principe énoncé à
l’article 1er relatif au caractère indivisible, démocratique, social et laïc
de la République (un parti ne respectant pas ces principes peut faire
l’objet d’une dissolution par le ministre de l’intérieur après avis du
conseil d’État). Les partis politiques peuvent, comme les syndicats et
les associations, appeler leurs adhérents et sympatisants à
participer à des manifestations.
Le populisme affirme, selon ses partisans, protéger les intérêts du
peuple, considéré comme victime des politiques publiques mises en
œuvre par les élus. Selon ses détracteurs, le populisme désigne une
idéologie qui oppose les élites (politiques, économiques, culturelles,
médiatiques…) et le peuple. Il exprime une contestation
démagogique de la démocratie représentative libérale.
« Populisme » est un terme péjoratif et les mouvements accusés de
l’être acceptent rarement ce qualificatif.

II Démocratie directe ou indirecte


On distingue classiquement entre démocratie représentative,
démocratie directe, démocratie locale, et, plus récemment,
démocratie participative. L’article 3 de la Constitution du 4 octobre
1958 dispose que « La souveraineté nationale appartient au peuple
qui l’exerce directement par référendum ou par ses représentants ».

A. La démocratie indirecte (représentative)


La démocratie représentative (ou indirecte) désigne le système
dans lequel les décisions politiques et normatives sont prises par
des représentants élus du peuple. En France le suffrage universel
masculin a été institué en métropole en 1848 (auparavant système
censitaire : seuls ceux qui payent un impôt, le cens, peuvent être
éligibles ou électeurs). Toutefois, des élections libres et loyales n’ont
pu avoir lieu qu’à partir de 1871 avec la République. Le droit de vote
et d’éligibilité a été accordé aux femmes en 1944 (la question était
débattue depuis le début du siècle mais toute réforme était bloquée
par la majorité sénatoriale qui craignait un renforcement du
cléricalisme. Le suffrage universel a été progressivement étendu à
l’outre-mer en 1946 et 1956. Le droit de vote s’exerce à partir de
18 ans (citoyenneté). Il est ouvert aux personnes sous tutelle depuis
2007. Certaines condamnations pénales exposent à la perte du droit
de vote et de l’éligibilité. À noter que depuis quelques années, et
singulièrement dans le cadre de la crise sanitaire, on assiste, non
seulement en France mais aussi dans d’autres démocraties, à une
augmentation des atteintes contre les élus (menaces, violences
diverses…), ce qui constitue une atteinte grave à la démocratie
représentative.

1. Au niveau des élections européennes


– Depuis 1979, élection des députés français au parlement
européen (actuellement au nombre de 73) a lieu au suffrage
universel direct à la représentation proportionnelle.
– Débat sur le déficit démocratique en Europe : l’initiative et
l’exécution des normes européenne émane de la commission
européenne dont les membres ne sont pas élus mais nommés
par les États avec approbation par le parlement. Le conseil des
ministres est composé de représentants des gouvernements
nationaux non responsables devant le parlement. Les parlements
nationaux, élus au suffrage universel direct par les citoyens, sont
dépossédés de la compétence normative dans certaines matières
en raison de la compétence d’attribution de l’union européenne. Il
existe d’ailleurs un débat récurrent sur le déficit démocratique
dans l’union européenne en raison du rôle central joué dans le
processus communautaire par un organe non élu (la commission)
et du fait que le « parlement » européen partage les prises de
décisions avec le conseil, qui n’est pas non plus directement élu
par les citoyens (voir le chapitre sur l’Europe).

2. Au niveau des élections nationales


– Le président de la République est élu au suffrage universel direct
pour un mandat de cinq ans, immédiatement renouvelable une
seule fois. Il faut être âgé d’au moins 18 ans pour se présenter et
être présenté par au moins cinq cent « parrains »
(parlementaires, maires, membre d’assemblées départementales
ou régionales ainsi que du conseil de paris, de l’assemblée de
Corse et des assemblées territoriales d’outre-mer).
– L’assemblée nationale est composée de 577 députés élus dans
le cadre de circonscriptions, au scrutin majoritaire à deux tours
pour un mandat de cinq ans (sauf en cas de dissolution). Elle est
entièrement renouvelée. Il faut être âgé d’au moins 18 ans pour
se présenter.
– Le sénat est composé de 548 sénateurs élus pour un mandat de
six ans au suffrage universel indirect par de grands électeurs
(députés, élus locaux communaux, dont le nombre varie en
fonction de la population de la commune, départementaux et
régionaux dans le département, élus des assemblées territoriales
outre-mer). Le sénat se renouvelle par moitié tous les trois ans.
Si le département élit un ou deux sénateurs, le scrutin est
majoritaire à deux tours. S’il en désigne plus de deux, l’élection a
lieu au scrutin proportionnel. Il faut être âgé d’au moins 24 ans
pour se présenter.
– Les citoyens français ainsi que les ressortissants européens
domiciliés en France élisent pour un mandat de cinq ans
73 représentants au parlement européen au scrutin proportionnel
dans le cadre d’une circonscription nationale unique (avant 2018,
il y avait huit circonscriptions régionales). Il faut être âgé d’au
moins 18 ans pour se présenter en France.
Les élections nationales (ainsi que les consultations référendaires)
se déroulent sous le contrôle du conseil constitutionnel.

3. Au niveau des élections locales


– Le conseil municipal est élu pour un mandat de six ans. Dans les
communes de moins de 1 000 habitants l’élection du Conseil
municipal a lieu au scrutin de liste majoritaire à deux tours avec
possibilité de panachage. Dans les communes plus peuplées, le
conseil municipal est élu au scrutin de liste mixte majoritaire
proportionnel à deux tours avec application de la parité. Dans
toutes les communes, le maire est élu par le conseil municipal en
son sein. Les délégués des communes dans les conseils
communautaires sont élus au suffrage universel direct depuis
2010. Il faut être âgé d’au moins 18 ans pour se présenter.
– Le conseil départemental, qui se renouvelle intégralement, est
élu pour un mandat de six ans. Chaque canton élit, au scrutin
majoritaire à deux tours, un binôme comprenant un homme et
une femme. Le Conseil élit en son sein le président et les vice-
présidents. Il faut être âgé d’au moins 18 ans pour se présenter.
– Le conseil régional, qui se renouvelle intégralement, est élu pour
un mandat de six ans. Chaque département élit, au scrutin
proportionnel de liste, un nombre de conseillers proportionnel à
sa population avec application de la parité. Le Conseil élit en son
sein le président et les vice-présidents. Il faut être âgé d’au moins
18 ans pour se présenter.
– Des modalités spécifiques existent outre-mer.
Les élections locales se déroulent sous le contrôle du juge
administratif.

L’existence de procédures démocratiques n’empêche pas la


puissance de l’État. En vertu de l’article 6 de la déclaration de 1789
la loi est l’expression de la volonté générale. Ainsi, une fois que le
projet ou la proposition a été discuté par les instances
démocratiquement élues, son respect s’impose à l’ensemble des
personnes qui en sont les destinataires. Par les moyens de la
contrainte légitime, l’État est en mesure d’imposer juridiquement le
respect des normes qu’il édicte, même lorsqu’elles suscitent
l’opposition d’une partie de l’opinion, même s’il peut parfois être
amené à renoncer à certaines réformes par crainte des
conséquences électorales de leur maintien, au terme d’une analyse
politique de la situation.

B. La démocratie directe
La démocratie directe désigne le système dans lequel le peuple
adopte lui-même des décisions politiques et normatives sous forme
de plébiscite ou de référendum.
Le plébiscite porte sur l’approbation directe par le peuple de la
personne du dirigeant qui l’interroge.
Le référendum porte sur l’adoption directe par le peuple d’un texte.
Un référendum peut soit être organisé à l’initiative d’une institution
(cas le plus fréquent) soit sur initiative populaire, c’est-à-dire soutenu
par une campagne de signatures par les électeurs (exemple :
Suisse).
La démocratie directe fut pratiquée en France lors des deux
empires sous forme de plébiscite et constitua le moyen pour
l’empereur de se prévaloir du soutien du peuple dans le cadre
d’opérations électorales n’offrant pas de garanties réelles de
pluralisme (« césarisme démocratique »). De retour au pouvoir, les
républicains ont écarté la démocratie directe, même sous forme de
référendum, en considérant qu’elle n’a que l’apparence de la
démocratie en plaçant l’électeur devant un choix binaire (oui/non) et
sans possibilité de débat ou d’amendement. La volonté de limiter
l’absolutisme parlementaire sous la IIIe République provoqua la
volonté de certains mouvements conservateurs d’instituer une
consultation directe du peuple afin de ne pas passer par le
parlement (André Tardieu « Le souverain captif », 1936), ce qui fut
repris par Charles De Gaulle dans le Discours de Bayeux (1946). La
constitution de 1946 fut approuvée par référendum mais ne
prévoyait pas de procédure référendaire législative. La constitution
de 1958 (voir ci-dessous) prévoit un large recours au référendum
dans son texte mais cette procédure est peu utilisée en raison de la
méfiance de la majorité des élus. La pratique référendaire de
Charles De Gaulle, qui liait son maintien à la tête de l’État à
l’adoption du texte proposé, a parfois été taxée de plébiscitaire, ce
qui n’a pas contribué à favoriser la pratique référendaire sous la
Ve République. En France, il existe différentes modalités
d’organisation du référendum bien que cette technique soit bien
moins utilisée qu’en Suisse ou qu’en Italie.

1. Au niveau national
– La Constitution prévoit, d’une part un référendum législatif
(article 11) qui permet une adoption directe des lois dans certains
domaines (organisation des pouvoirs publics, ratification de
traités internationaux, politique économique et sociale de la
nation et services publics qui y concourent), d’autre part, un
référendum constituant (article 89) permettant la consultation
directe du peuple pour l’adoption d’un texte préalablement adopté
en termes identiques par les deux chambres parlementaires (le
président de la république peut toutefois décider de confier cette
seconde étape de la procédure aux deux chambres réunies en
congrès). Dans les deux cas, l’initiative appartient au président de
la République, sur proposition du gouvernement (article 11) ou du
premier ministre (article 89) ou des deux assemblées en termes
identiques (articles 11 et 89). Cette procédure, voulue par
Charles De Gaulle, rattache théoriquement notre pays à la
démocratie semi-directe mais en pratique n’est pratiquement
jamais utilisée en raison de l’hostilité de beaucoup d’élus qui y
voient un risque d’affaiblir le parlement ou une possible dérive
plébiscitaire. En 1962 et 1969, Charles De Gaulle a utilisé
l’article 11 (législatif) au lieu de l’article 89 (constituant) pour
réviser la constitution, ce qui a suscité des critiques chez certains
juristes, afin de contourner le blocage des réformes envisagées
par le parlement en saisissant directement le peuple souverain
pour lui laisser l’opportunité de trancher. La procédure se déroule
sous le contrôle du conseil constitutionnel.
– Depuis la révision constitutionnelle de 2008, il existe un
référendum d’initiative citoyenne (article 11) : une proposition de
loi signée par au moins 1/5 des parlementaires et dont le contenu
a été déclaré conforme à la constitution par le conseil
constitutionnel, est ensuite signée par 1/10e au moins du corps
électoral sur une période neuf mois. Le parlement a six mois pour
inscrire la proposition de loi à son ordre du jour. À défaut, le
président de la République lance une consultation référendaire.
Cette procédure très lourde n’a pas été mise en œuvre après
plus de dix ans d’existence, malgré plusieurs tentatives (par une
décision 2021-2 RIP du 6 août 2021, le conseil constitutionnel a
ainsi écarté la demande d’organisation d’un référendum sur
l’accès universel au service public hospitalier au motif de son
inconstitutionnalité en ce qu’il subordonne l’exercice de son
pouvoir réglementaire par le premier ministre à l’avis conforme de
la Conférence nationale de santé).

2. Au niveau local
Les référendums locaux portent exclusivement sur les questions
relevant des compétences du niveau de collectivité concerné, ce qui
limite l’intérêt de telles consultations (par exemple, une commune ne
pourrait pas valablement organiser un référendum normatif sur une
question d’aménagement relevant de l’État telle que la construction
d’une autoroute ou d’une centrale nucléaire).
– Ordonnance 2016-49 du 21 avril 2016 : l’État peut organiser un
référendum portant sur des questions relevant de la compétence
de l’État mais ayant une portée locale (exemple : consultation de
la population concernée par le projet d’aéroport à ND des Lande.
La difficulté est de déterminer quelle est l’aire pertinente de
consultation par rapport à l’impact du projet qui en l’objet. Dans le
cas de ND des Landes, le vote positif de la population n’a pas été
respecté puisque finalement le projet a été abandonné.)
– Article L. 1112-15 du Code général des collectivités territoriales :
les collectivités territoriales peuvent organiser des référendums
consultatifs (le vote populaire est seulement indicatif, la décision
normative est prise par l’organe délibérant de la collectivité).
– Article L2113-1 du même code : recours possible au référendum
en cas de fusion de communes (Loi Marcellin, 1971).
– Article LO 1112-1 du même code et article 72-1 de la
constitution : les collectivités territoriales peuvent organiser des
référendums normatifs (le vote populaire est décisionnel).
– Article 72-1 de la consultation : possibilité de consultation des
populations concernées en cas de modification de statut ou de
territoire.
– Article 72-4 de la constitution : les collectivités d’outre-mer
peuvent organiser un référendum pour faire approuver un
changement institutionnel.
– Article 53 alinéa 3 de la constitution : organisation
d’autodétermination pour les territoires sous administration
française ayant vocation à accéder à l’indépendance (exemples :
Algérie en 1962, Djibouti en 1977).
– Article 88-5 de la constitution : organisation en Nouvelle-
Calédonie de plusieurs référendums portant sur le maintien du
territoire dans la République ou son accès à l’indépendance
conformément aux Accords de Nouméa de 1988 (le troisième et
dernier référendum organisé le 12 décembre 2021 a abouti,
comme les deux autres l’ayant précédé à une majorité favorable
au maintien du territoire dans la République française).

3. Dans la vie de l’entreprise


La loi du 6 août 2016 a institué un référendum d’entreprise
(article L. 2232-12 du Code du travail) permettant aux salariés de
prendre directement part à la négociation dans l’entreprise et de
valider un accord négocié entre employeurs et syndicats. Une telle
consultation peut être organisée dans des matières telles que,
notamment, l’aménagement du temps de travail, le travail de nuit,
l’égalité entre les hommes et les femmes, les primes de vacances…

On appelle démocratie sociale la participation des organisations


représentatives élues (corps intermédiaires : associations, syndicats,
organisations non gouvernementales…) dans le cadre d’élections
professionnelles (salariés, professions libérales, employeurs,
entreprises, secteurs économiques, outre-mer, associations…) à la
négociation des conditions de travail ou d’exercice professionnel,
soit avec l’État, soit entre elles au travers d’organismes tels que le
Conseil économique, social et environnemental, les organisations
consulaires (chambres de commerce, d’agriculture…), les ordres
professionnels (pharmaciens, notaires…), les instances
représentatives diverses dans les administrations) et lors de
rencontres plus ou moins formalisées avec les ministères en charge
des secteurs concernés.
Outre l’élection de représentants, la démocratie sociale est aussi
mise en œuvre dans le cadre du droit de manifestation, qui est une
modalité de la liberté d’expression et de réunion mais doit s’exercer
dans les limites de la loi (déclaration préalable au moins trois jours
avant, service de sécurité, objet de manifestation légal à peine
d’interdiction…). On peut également parler de démocratie sociale
pour la mise en œuvre du référendum d’entreprise précédemment
abordé.
C. La démocratie semi-directe
La démocratie semi-directe désigne le système dans lequel sont
pratiquées à la fois les deux systèmes précédents. Ainsi, la
Constitution du 4 octobre 1958 a institué une démocratie semi-
directe qui fait coexister dans son texte les deux formes (Toutefois,
la pratique des institutions depuis la démission du général de Gaulle
conduit à une faible utilisation de la démocratie directe).

D. La démocratie participative
La démocratie participative désigne l’association des administrés
ou des citoyens (généralement appuyés par des associations ou des
organisations non gouvernementales pratiquant le lobbying) à la
phase préparatoire de certaines procédures et non à la prise de
décision elle-même qui reste du domaine des autorités. Elle est
utilisée notamment en matière d’aménagement du territoire,
d’urbanisme ou d’environnement.
Elle est parfois présentée comme étant une alternative au
référendum, sans risque de transformation de la consultation en
plébiscite ou de dérives populistes mais se pose la question de la
représentativité des personnes consultées et de leur mode de
désignation.
À la suite du mouvement des Gilets jaunes, une « convention
citoyenne » a été organisée en 2019-2020 au siège du Conseil
économique, social et environnemental pour associer 150 citoyens
tirés au sort par téléphone, choisis selon divers critères de
représentativité (origine géographique ; diplômes ; revenus ;
genre…). Cette commission, qui devait débattre pendant 9 mois des
mesures à prendre pour lutter contre le réchauffement climatique,
paraît n’avoir suscité qu’un intérêt assez faible dans l’opinion
publique, la population n’ayant pas été véritablement associée à ses
travaux. Le résultat de cette consultation est plutôt mitigé puisque
seuls 15 propositions sur 149 présentées ont été retenues dans la loi
n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement
climatique. Certaines propositions, comme par exemple la réduction
de la vitesse sur les autoroutes ont pu sembler trop en décalage
avec l’opinion publique.
La proposition de la Convention que trois référendums portant sur
des questions environnementales soient organisés, n’a pas été
retenue. D’ailleurs, le projet d’un référendum portant mention dans le
préambule de la constitution de la garantie de la préservation de
l’environnement, de la diversité biologique et de la lutte contre le
réchauffement climatique a aussi été écarté.

III Démocratie et République en France

En France, les termes de démocratie et de république sont


pratiquement confondus (or, il existe des républiques autoritaires et
des monarchies pratiquant la démocratie ! En France même, la
Ire République fut rapidement le théâtre de la Terreur, c’est-à-dire
d’une dictature violente…). La République (du latin res publica,
chose publique) désigne la forme de gouvernement dans laquelle les
citoyens participent à la gestion des affaires publiques, c’est-à-dire
au gouvernement (distinction entre les affaires publiques et les
affaires privées, voir le chapitre sur la Nation).
Cette confusion entre démocratie et république s’explique par la
circonstance que le premier régime politiquement libéral institué
durablement en France fut, sous la forme d’une démocratie
parlementaire reposant sur des élections libres selon le suffrage
universel (masculin), la IIIe République (1875-1940). Cette dernière a
voté plusieurs lois, encore en vigueur aujourd’hui qui permis la mise
en œuvre concrète des principes relatifs aux libertés individuelles
contenus dans la Déclaration de 1789 : libertés de la presse en
1881, syndicale en 1884, d’association en 1901, libre administration
des départements en 1871 et des communes en 1884, laïcité en
1905, instruction obligatoire, gratuite et laïque en 1881 et 1882…).
La confusion entre démocratie et république est encore nourrie en
France par la circonstance que l’État français du régime de Vichy
(1940-1944) a institué une « Révolution nationale » autoritaire,
fondée sur la dénonciation et la remise en cause des principes
individualistes et libéraux de 1789. Ainsi, en 1944, le rétablissement
de la République a coïncidé avec celui de la démocratie. D’ailleurs,
la Constitution du 27 octobre 1946 instituant la IVe République a
rappelé dans son préambule les principes libéraux de 1789 et
énoncé en complément divers principes particulièrement nécessaire
à notre temps d’inspiration sociale, ainsi que les principes
fondamentaux issus des lois de la République (auxquelles le Conseil
constitutionnel se réfère depuis 1971 dans sa décision sur la liberté
d’association). Dans le langage politique et médiatique contemporain
on présente comme « républicains » les partis, les candidats, les
idées… se réclamant de ces principes et ne remettant pas en cause
le pacte social du pays qui en est issu. Ceux qui sont présentés
comme « non-républicains » ou « anti-républicains » sont assimilés
à des opposants à la démocratie, ce qui, s’agissant de partis légaux,
non interdits et participant à la vie démocratique lors des élections,
est excessif.

IV Le débat actuel sur la démocratie en


France

A. Quelle formation pour le citoyen ?


L’une des premières questions est celle de la formation des
citoyens à la démocratie. L’une des raisons de l’instruction
obligatoire par Jules Ferry (1881) était de permettre l’instruction
civique des futurs citoyens en leur donnant les moyens de participer
activement à la vie démocratique (savoir lire et comprendre les
affiches et les tracts, s’informer dans un journal, comprendre les
enjeux des débats publics, éducation à la citoyenneté, organisation
de conférences pour adultes, réunions électorales sous les préaux
des écoles communales…). La crise démocratique que traverse
notre pays aujourd’hui (méfiance envers les élites, abstention
massive, développement du populisme…) s’explique en partie par la
marginalisation de l’éducation civique dans le système scolaire. Les
émissions d’expression directe des groupes politiques sur les
chaînes publiques de radio et de télévision ne compensent que
faiblement ce désengagement. Elle s’explique aussi par la baisse
d’influence des groupes intermédiaires qui ont longtemps contribué à
l’esprit civique et au débat démocratique en France (associations,
syndicats…) et qui sont désormais moins écoutés (voir le
développement de mouvements spontanés de contestation, telles
les coordinations de colères sociales ou les gilets jaunes, qui se
mobilisent en dehors des syndicats).
Un sondage réalisé en 2022 indique que 32 % des Français sont
favorables à l’arrivée au pouvoir d’un homme fort qui gouvernerait en
dehors du parlement et que 71 % craignent qu’il soit impossible de
résoudre pacifiquement les différents à l’intérieur de la société
française, ce qui souligne la nécessité d’une formation des citoyens
à la démocratie et à un renforcement de l’instruction civique dans le
système scolaire.

B. L’abstention
Contrairement à la Belgique, la France n’impose pas une obligation
de vote, voter étant un devoir civique que le citoyen doit accomplir.
Par conséquent, l’abstention n’est pas seulement une manifestation
de désintérêt vis-à-vis de la vie civique (les « pêcheurs à la ligne »,
qui préfèrent s’adonner à leur passion plutôt que d’aller voter) mais
peut être aussi l’expression de la remise en cause de l’offre des
partis institutionnels considérés comme ignorant les besoins du
peuple. À noter qu’en France les votes blancs ne sont pas comptés
parmi les exprimés. On constate une forte augmentation de
l’abstention électorale en France. Habituellement située autour de
20 % environ sous la Ve République, elle est montée
considérablement lors des derniers scrutins (pourcentages
d’abstention au 2e tour) :
– plus de 25 % (présidentielle 2017. Au 1er tour de l’élection
présidentielle de 2022, l’abstention était un peu plus de 26 %
(40 % chez les jeunes) ;
– plus de 57 % (législatives de 2017) ;
– plus de 65 % (départementales en 2021) ;
– plus de 58 % (municipales de 2020).
Même les consultations référendaires sont boudées :
– plus de 69 % d’abstention (quinquennat 2000) ;
– 57 % (traité constitutionnel européen, 2005) ;
– 72 % (référendum institutionnel de Guyane) ;
– 64 % (référendums institutionnels d’Alsace et de Martinique).
Ensuite, se pose la question de la concurrence entre démocratie
représentative et directe.
D’une part, le développement du populisme et de l’abstention
traduisent une méfiance grandissante des citoyens à l’encontre des
partis politiques et des élus en raison de l’absence de résolution
durable et efficace de certaines difficultés du pays, ressenties
comme autant de « crises » (crise des finances publiques, crise
économique, crise migratoire, crise de l’identité, crise des valeurs…)
avec le sentiment délétère en démocratie, que le vote ne permet pas
de changer les choses.
D’autre part, la très grande réticence des élus à donner la parole
au peuple par la voie du référendum traduit une méfiance des
représentants à l’égard de la sagacité politique des représentés et
contribue à agrandir le fossé entre eux. Surtout, le non-respect de la
décision du peuple dans les rares cas où un référendum a été
organisé (traité constitutionnel européen, aéroport de N.D. des
Landes…) a encore accru la méfiance des gouvernés envers les
gouvernants. Enfin, les critères restrictifs pour organiser un
référendum d’initiative populaire nourrissent le sentiment populiste
d’une confiscation du pouvoir par les dirigeants. La volonté de
développer la démocratie participative comme alternative ne semble
pas répondre à l’attente des citoyens si l’on en juge par l’impact
limité dans l’opinion publique. Toutefois, l’abstention est élevée, on
l’a vu, qu’il s’agisse d’une élection ou d’un référendum, ce qui révèle
la profondeur de la crise démocratique.
Le manque de confiance envers les élus et les institutions s’accroit
alors que l’on constate en parallèle un développement de diverses
formes de violences dans la société, ce qui traduit
vraisemblablement une nouvelle forme de contestation.

C. Démocratie et crise sanitaire


Le débat sur la démocratie a été relancé avec la crise sanitaire, à
l’occasion de laquelle les pouvoirs publics ont adopté diverses
mesures limitant substantiellement l’exercice des libertés
fondamentales (confinement avec limitation des déplacements,
attestation obligatoire puis « passe sanitaire » imposé pour l’entrée
dans certains lieux) dans le cadre de l’État d’urgence qui, en droit
administratif, permet une limitation provisoire et proportionnée au
risque de l’exercice des libertés en cas de péril imminent.
L’existence de procédures démocratiques n’empêche pas la
puissance de l’État (voir l’article 6 de la déclaration de 1789 précité)
car le respect des normes adoptées s’impose à l’ensemble de ses
destinataires.
Les décisions prises durant la crise sanitaire ont été adoptées par
les autorités constituées démocratiquement élues (président de la
République et gouvernement ayant la confiance de la majorité
parlementaire à l’assemblée nationale) selon les procédures et les
délais prévus par les textes (constitution et lois organiques prévoient
une procédure accélérée). Par ailleurs, les opposants ont pu former
des recours juridictionnels contre ces décisions (conseil d’État,
conseil constitutionnel, cour européenne des droits de l’Homme),
organiser des manifestations de protestation et s’exprimer dans les
médias. Les principes de la démocratie et de l’État de droit ont donc
été formellement respectés dans le cadre de l’état d’urgence
sanitaire. Toutefois, l’exercice de la démocratie ne se limite pas au
seul respect du formalisme institutionnel mais doit se vivre en actes
concrets, notamment par l’association des différentes composantes
de la société à la préparation des décisions. Ainsi, dans la présente
crise, les opposants ont dénoncé le caractère vertical, voire brutal,
de ces décisions, ainsi que l’insuffisante association des corps
intermédiaires. Pour autant, il est excessif de qualifier cette situation
de « dictature sanitaire » dans la mesure où l’État de droit, dispose
de la contrainte légitime pour imposer juridiquement le respect des
normes qu’il a édictées dans le cadre du système démocratique.
Au-delà de ce constat, chacun peut, dans une démocratie,
approuver ou critiquer le principe, la nature, les modalités,
l’opportunité et l’efficacité des mesures prises et en tirer les
conséquences nécessaires lors des scrutins devant
démocratiquement renouveler les pouvoirs constitués qui les ont
adoptées.

Sujet de dissertation : Pensez-vous avec Winston


Churchill que « Le meilleur argument contre la
démocratie est une conversation de cinq minutes avec
un électeur moyen » ?
Rappeler qui est Winston Churchill (le plus important : c’est un
démocrate, ancien premier ministre du Royaume-Uni et membre de
la chambre des communes, qui a gouverné pendant la guerre contre
le nazisme) ;

1. Définition des termes


– Démocratie : mode de gouvernement fondé sur la séparation des
pouvoirs et le pluralisme dans le cadre d’élections loyales ;
gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple (A.
Lincoln) ; notion de citoyenneté ; distinction démocratie
représentative et directe ; notion de démocratie sociale ; question
de la participation (abstention) ; référendum ; autres formes de
démocratie participative ; la démocratie se limite-t-elle au seul
domaine de l’élection ?…
– Distinguer avec le populisme ;
– Électeur moyen : la grande majorité des citoyens ; question de sa
formation initiale et continue en tant que citoyen et électeur, de sa
participation au processus politique ;
– Conversation de cinq minutes : la démocratie peut-elle se
contenter de cela ? À nouveau, question de la formation civique
du citoyen ; risque du vote extrémiste (populisme) ou mal éclairé
(débat autour du Brexit) ; risque du vote d’humeur et pas assez
réfléchi, notamment lors d’un référendum ; question du rôle des
corps intermédiaires (partis, syndicats…) et de la crise de la
représentativité ; question du déficit démocratique dans l’UE…
– Meilleur argument : y en a-t-il d’autres ? Faut-il souhaiter une
autre forme de régime (« La démocratie est le pire de tous les
régimes à l’exclusion de tous les autres » selon W. Churchill ?) ;
Quels garde-fous (éducation, corps intermédiaires…).

2. Problématique
Si la démocratie souffre de l’insuffisante formation civique des
électeurs, elle ne peut être effective qu’à la condition d’une
participation engagée et réelle des citoyens.

3. Proposition de plan
🠶 Introduction : Auteur, contexte, définition des termes, historique
rapide, actualité, problématique et annonce du plan
I. La démocratie nécessite la participation de citoyens
formés et éclairés
A. Le danger de l’ignorance
– Populisme et remise en cause démagogique des élites ;
– Les conséquences du développement des réseaux sociaux et
des nouvelles technologies.
B. Une nécessaire éducation civique à toutes les étapes de
la vie
– Nécessité d’une formation initiale du citoyen (éducation civique
dans le système scolaire) ;
– Nécessité d’une formation continue à la citoyenneté (rôle des
corps intermédiaires, de la presse, des associations…).
II. La démocratie nécessite l’engagement de citoyens
actifs et impliqués
A. Dans le cadre d’une démocratie représentative
– Dans les élections politiques ;
– Dans les élections professionnelles.
B. Dans le cadre des autres formes de démocratie
– Démocratie directe ;
– Démocratie participative ;
– Phrase de conclusion sur l’organisation de la Convention
citoyenneté climat d’octobre 2019.
Chapitre V
Les droits et libertés

Bibliographie
• E. Brenner (dir.), « Les territoires perdus de la République »,
2002 et 2015 ;
• J. Fourquet : « L’archipel français », Points, 2020 ;
• J-L. Harouel : « Les droits de l’Homme contre le peuple », De
Brouwer, 2016 ;
• M. Lafourcade : « Les droits de l’Homme », QSJ, PUF, 2018 ;
• P. Rosanvallon : « Le siècle du populisme », Points, 2021.

I Définitions

A. Distinction entre trois notions, proches mais non


superposables
1. Les droits de l’Homme
Les droits de l’Homme désignent des principes de nature à la fois
philosophique, politique et juridique qui reconnaissent à l’individu la
jouissance de divers droits et libertés qu’il possède. On trouve leur
origine lointaine dans le dogme chrétien de la liberté de l’Homme
vis-à-vis de Dieu.
On distingue entre le droit naturel (qui confère des libertés à l’être
humain en raison même de son humanité mais sans référence
textuelle ni formulation de critères, ce qui en rend l’application
aléatoire) et le droit positif (qui postule qu’un droit n’est opposable à
autrui qu’à la condition d’avoir été établi par l’autorité compétente et
selon la procédure prévue, ce qui rend la protection des droits
illusoire en cas de régime autoritaire ou totalitaire et d’adoption d’une
législation contraire aux libertés). Essai de conciliation entre ces
deux conceptions, la déclaration de 1789 proclame les « droits
naturels de l’Homme » dans un texte normatif qui est aujourd’hui de
droit positif. « Homme » est évidemment aujourd’hui une appellation
générique désignant l’appartenance à l’espèce humaine sans
distinction quant au sexe.
La notion d’« Homme » bénéficiant des droits a évolué avec le
temps puisque leur bénéfice entier fut d’abord refusé à certaines
catégories (femmes, esclaves, sujets français des colonies…) et n’a
été étendu de manière non discriminatoire que depuis la Libération.

2. Les Libertés publiques


Les Libertés publiques désignent les libertés proclamées à partir
de la IIIe République et tirées des principes de la déclaration de 1789
et des principes particulièrement nécessaires à notre temps qui la
complètent et qui furent proclamés en 1946. En effet, ces textes,
après avoir énoncé le principe d’une liberté, en renvoient la mise en
œuvre pratique à la loi (idée selon laquelle seule la loi peut libérer
l’individu car elle est l’expression de la volonté générale et définir et
limiter l’exercice des libertés individuelles). Les libertés publiques ont
donc valeur législative.
Elles doivent être respectées par le pouvoir réglementaire (voir la
jurisprudence du conseil d’État après 1872 et la fin de la « justice
retenue », qui en impose le respect à l’administration au travers de
la notion de principe de la légalité de l’acte administratif) mais pas au
législateur, qui peut y déroger s’il l’estime nécessaire pour la
protection de l’intérêt général et de l’ordre public, la loi étant
l’expression de la volonté générale. On rattache à ce régime les
grandes libertés proclamées après 1875 : liberté de la presse
(1881) ; enseignement primaire laïc, gratuit et obligatoire (1881 et
1882) ; liberté syndicale (1884) ; libertés locales (1884) ;
reconnaissance du divorce (1884) ; liberté d’association (1901) ;
séparation des Églises et de l’État et laïcité (1905) ; droit au travail
(1946) ; droit de grève (1946) ; égalité entre hommes et femmes
(1946)…
La notion d’« Homme » est prise au sens d’« être humain », ce qui
implique que les droits « de l’Homme » s’appliquent sans
considération de genre (voir ci-dessous).

3. Les Libertés fondamentales


Les Libertés fondamentales désignent les libertés particulièrement
essentielles qui sont protégées à un niveau supérieur à celui de la loi
dans un texte spécifique et placées sous la sauvegarde d’un juge
particulier. Leur respect s’impose au pouvoir législatif.
Les libertés fondamentales sont affirmées :
– soit dans un texte de valeur constitutionnelle (en France, le
préambule de la constitution de 1958 contient divers textes
relatifs aux libertés fondamentales formant le « bloc de
constitutionnalité » : déclaration de 1789, préambule de 1946,
principes issus des lois de la République, c’est-à-dire des
principes de valeur constitutionnelle pouvant être tirés d’une loi
toujours en vigueur adoptée avant 1946 sous un régime
républicain, comme ce fut le cas du principe de la liberté de
création des associations par déclaration affirmée en 1901 et
repris en 1971 par le conseil constitutionnel ; charte de
l’environnement de 2004) dont le respect est assuré par le juge
constitutionnel (par exemple, en France, le conseil
constitutionnel) ;
– soit dans un texte de nature conventionnelle, c’est-à-dire un traité
international dont le respect est assuré par un juge international
(exemples : convention européenne des droits de l’Homme et
cour européenne des droits de l’Homme ; charte communautaire
des droits fondamentaux et cour de Justice de l’union
européenne). La déclaration universelle des droits de l’Homme,
texte de compromis s’efforçant de concilier par des formules très
générales les conceptions de divers systèmes juridiques en
matière de liberté individuelle, adopté par l’ONU en 1948 est en
pratique un texte dont la portée est davantage philosophique et
politique que juridique et normative, en raison de l’absence
d’autorité chargée d’en veiller à l’application. Il existe de très
nombreuses conventions internationales portant sur les droits de
l’Homme, notamment des minorités. Toutefois, sauf dans des
systèmes suffisamment intégrateurs comme en Europe, leur mise
en œuvre concrète se heurte à la plus ou moins bonne volonté
des États de les respecter dans le cadre de leur souveraineté et
sans ingérence étrangère (voir le chapitre sur l’État). Par ailleurs,
la protection internationale des droits de l’Homme doit-elle
consister en une transposition au niveau universel des libertés
jadis proclamées dans les États occidentaux ou bien doit-elle
concilier ces principes avec les particularismes des sociétés
traditionnelles ? Le débat sur l’européocentrisme en matière de
droits de l’Homme est loin d’être conclu.
Face à la multiplication des textes fondamentaux et des juges
chargés de les expliquer, il peut exister, malgré une réelle proximité
de contenu entre les différentes sources, un risque de contradiction,
notamment sur certains principes qui sont protégés de manière
différente selon les textes (exemple : la liberté religieuse et la
laïcité…). C’est pourquoi, depuis quelques années, se développe la
notion de « dialogue des juges » (idée selon laquelle les différentes
juridictions suprêmes d’ordres juridiques différents s’efforcent
d’affirmer des jurisprudences compatibles).
En ce qui concerne la France, les libertés proclamées, notamment,
dans la déclaration de 1789 et dans le préambule de 1946 ont
d’abord été des libertés publiques (jusqu’en 1971 et la décision du
conseil constitutionnel sur la liberté d’association) et sont aujourd’hui
des libertés fondamentales de nature constitutionnelle. On parle de
« Gouvernement des juges » pour critiquer le fait que les lois
adoptées par le pouvoir législatif, composé de représentants du
peuple élus au suffrage universel et chargé d’exprimer la volonté
générale puissent être censurées par des juges non-élus pour non-
respect de droits garantis par un texte de nature constitutionnelle ou
conventionnelle.

B. Les trois générations de droits


Une autre classification classique est opérée, en France, entre :

1. Les droits de la première génération


Les droits de la première génération relatifs aux droits individuels
civils et politiques, proclamés à la fin du xviiie siècle ou au début
du xixe siècle (exemple : libertés proclamées dans la déclaration de
1789 : principe général de liberté ou d’égalité, sûreté, propriété,
égalité devant l’impôt, égalité en matière d’emploi public, liberté
d’opinion, liberté de religion, liberté d’expression, liberté d’aller et de
venir…).

2. Les droits de la deuxième génération


Les droits de la deuxième génération relatifs aux droits individuels
ou collectifs de nature économique et sociale proclamés pour tenir
compte des conséquences de la révolution industrielle et de
l’évolution de la société (exemple : principes particulièrement
nécessaires à notre temps proclamés en 1946 : droit de grève,
liberté syndicale, droit au travail, devoir de travailler, égalité entre
hommes et femmes, droit à la santé, droit à l’éducation, protection
de la famille…).

3. Les droits de la troisième génération


Les droits de la troisième génération relatifs aux droits de
solidarité, sont apparus à partir des années 1970 et concernent
notamment le droit à la paix, au développement, à un environnement
sain… Ils sont surtout formulés dans le cadre de conventions
internationales multilatérales avec une normativité variable. En effet,
ces conventions ont souvent la forme de simples
« recommandations » fixant des objectifs politiques généraux, plutôt
qu’un contenu juridiquement contraignant liant les États signataires.
Certains États ont complété les libertés fondamentales garanties
dans leur constitution par des dispositions relatives à la troisième
génération des droits humains (exemple français : la charte de
l’environnement adoptée en 2004 et intégrée en 2005 au bloc de
constitutionnalité qui a, au moins pour certains principes, une valeur
constitutionnelle et affirme notamment le droit individuel de vivre
dans un environnement équilibré respectueux de sa santé, le
principe de précaution et le principe de la responsabilité écologique).
Il ressort de ces éléments que les droits de la première génération
sont essentiellement individuels (liberté de s’exprimer, de se
déplacer, de posséder…). Ceux de la deuxième et de la troisième
génération ont un caractère principalement collectif car ils visent des
catégories (les « mères », les « enfants », les « travailleurs »…).

II Situation actuelle

A. Aspects généraux
Les textes parlent seulement de « droits » de l’Homme, non de
« devoirs ». Seul le préambule de la constitution de 1795 contenait à
la fois une déclaration des droits et une autre des devoirs de
l’Homme. Quant au préambule de 1946, il n’énonce qu’un seul
devoir : celui de travailler, en regard de l’affirmation du droit au
travail. En pratique, chaque droit affirmé dans les textes est
implicitement assorti de devoirs au travers de la conciliation des
différents droits fondamentaux, parfois contradictoires, par le
législateur et par les juges. Ainsi, aucune liberté n’étant absolue, les
limites qui sont apportées à son exercice, constituent autant de
devoirs implicites (exemple : la liberté de croyance garantie par
l’article 11 de la déclaration de 1789 est limitée par l’obligation de
répondre des abus de cette liberté définis par la loi, ce qui implique
le devoir d’un exercice paisible et non intrusif de cette liberté).

B. La question des droits de la femme


1. Présentation générale
Selon une formule célèbre, « une femme est un Homme comme
les autres ». Autrement dit, les droits énumérés sont reconnus à tous
sans considération de genre. Toutefois, l’affirmation des principes de
1789 n’a pas empêché l’introduction par le Code civil de 1804 d’un
régime d’incapacité juridique de la femme mariée, qui a duré environ
un siècle et demi. Le droit de vote et l’éligibilité ont été accordés aux
femmes par l’ordonnance du 21 avril 1944. Le préambule
constitutionnel de 1946 a affirmé le principe de l’égalité des droits
entre l’homme et la femme.
À partir de 1976 fut institué un département ministériel spécifique
chargé de la Condition féminine puis de du Droit des femmes
(secrétariat d’État ou ministère délégué la plupart du temps), c’est-à-
dire de la mutualisation et de la coordination des politiques publiques
en la matière, avec une organisation déconcentrée. La plupart des
administrations publiques disposent de services spécifiques en la
matière, souvent rattachés aux ressources humaines. Par ailleurs, il
existe dans la plupart des collectivités territoriales, une délégation
(maire-adjoint ou vice-président) ayant cet objet.

2. En matière politique
En matière politique, l’article 3 de la constitution, depuis 1999,
dispose que la loi doit favoriser l’égal accès des hommes et des
femmes aux mandats électoraux et fonction élective (notion de
« parité »). En application de ce texte, la loi du 6 juin 2000, met en
place une égalité obligatoire des candidatures masculines et
féminines dans les scrutins de listes avec une alternance stricte
par tranche de six (élections territoriales ; depuis 2013 la parité
s’applique dans les communes de 1 000 habitants et plus ; pour les
élections départementales, obligation de présenter un homme et une
femme dans chaque canton) et institue pour les scrutins
uninominaux une obligation de présenter 50 % d’hommes et 50 %
de femmes sous peine de sanctions financières.
Il y a 39 % de femmes à l’Assemblée nationale (2017-2022) et
35 % au Sénat (2021-2024) ; 40 % dans les conseils municipaux
(20 % élues maire) ; 48 % dans les conseils départementaux et
régionaux (18 % élues président).

3. Dans l’administration
Depuis les années 1970, un vaste mouvement a lieu en faveur de
l’égalité entre les hommes et les femmes.
Il a conduit notamment à la suppression des concours spécifiques
de recrutement pour les hommes et pour les femmes (notamment
dans l’Éducation nationale) ainsi qu’à la levée de la quasi-totalité des
interdictions ou des quotas d’accès à certains corps faites aux
femmes (armée, police…).
Le statut de la fonction public garantit un salaire égal quel que soit
le sexe de l’agent. En effet, le traitement est fixé réglementairement
selon la logique des grades, classes et échelons mais le problème
de l’égal accès aux emplois supérieurs reste posé. Depuis 2019 des
référents égalités sont mis en place dans l’ensemble des
administrations et des établissements publics. Par ailleurs, à la suite
d’une négociation entre l’État et les organisations syndicales
débutée en 2013 cinq axes ont été mis en place en 2019 :
– Renforcer la gouvernance des politiques d’égalité ;
– Créer les conditions d’un égal accès aux métiers et aux
responsabilités ;
– Supprimer les écarts de rémunération et de déroulement des
carrières ;
– Meilleure prise en compte des conséquences de la grossesse et
de la parentalité ;
– Renforcer la prévoyance et la lutte contre les violences sexuelles
et sexistes et les stéréotypes de genre.
La loi du 21 décembre 2021 relative à l’égalité en matière
professionnelle et économique prévoit l’instauration de quotas (40 %
de femmes dans les conseils d’administration des grandes
entreprises, 30 % dans les jurys et instances de l’enseignement
supérieur).

4. Féminisation des titres et fonctions et écriture inclusive


Depuis 1984, les différents ministères ont édité des glossaires de
féminisation de titres et fonctions dont l’usage s’est imposé dans la
pratique administrative (texte des lois, décrets et arrêtés), dont
l’emploi courant reste facultatif pour les usagers
(professeur/professeure ; recteur/rectrice/ ; préfet/préfette ; écrivain/
écrivaine… mais il existe parfois des divergences sur la forme à
adopter : auteur/auteure/autrice ?…). L’Académie française a en
effet rappelé que l’évolution de la langue ne peut en aucun cas
découler de décisions normatives du législateur ou du pouvoir
réglementaire mais résulte seulement de l’usage retenu par les
locuteurs car aucun texte ne donne autorité au gouvernement pour
modifier de sa seule volonté la grammaire et le vocabulaire du
français (déclaration de l’Académie française du 10 octobre 2014).
La féminisation de titres ou de fonctions suit les règles fixées par les
glossaires officiels disponibles sur Légifrance (circulaire du premier
ministre du 21 novembre 2017). En revanche on n’a pas
« masculinisé » les fonctions écrites au féminin, qui sont pourtant
également exercées par des hommes (sentinelle, estafette, gens,
sage-femme…).
Toujours en termes de prise en compte ou non du genre dans la
communication, la question de l’écriture « inclusive », est posée
depuis quelques années.
L’objet de l’écriture inclusive est de faire évoluer par le langage les
mentalités sur l’égalité entre hommes et femmes et est constitué
d’un ensemble d’usages graphiques et syntaxiques assurant l’égalité
de représentation entre les genres dans l’expression écrite. La
langue française comprend trois genres différents : masculin, féminin
et neutre, ce dernier se conjuguant comme le masculin. Par ailleurs,
dans une énumération, le masculin l’emporte sur le féminin. Cette
situation, qui résulte de l’évolution et de la pratique de notre langue
est considérée par certain.e.s (exemple d’écriture inclusive) comme
inégalitaire et contraire à la dignité des femmes. Si les partisan.e.s
de l’écriture inclusive soulignent qu’elle permet de mettre à égalité le
masculin et le féminin dans une phrase en mentionnant par l’ordre
alphabétique les termes au masculin et au féminin et en marquant le
genre des mots par l’usage d’un point au milieu (voir ci-dessus), ses
adversaires critiquent l’usage d’une technique qui complexifie à la
fois la rédaction et la compréhension des phrases, notamment pour
les enfants ou les allophones durant leur apprentissage ou pour les
personnes atteintes de certaines pathologies (dyslexie, mal-
voyants…).
Surtout, en ce domaine aussi, au-delà des positions de principe,
l’évolution de la langue ne peut pas résulter de la volonté de tel ou
tel groupe pour tel ou tel motif mais dépend seulement de l’usage
décidé par ceux qui utilisent la langue. Ce n’est donc que dans
quelques années que l’on verra si l’écriture inclusive est devenue la
nouvelle norme d’usage, est utilisée en parallèle avec la norme
actuelle ou a été purement et simplement abandonnée. En 2021, la
validation par le dictionnaire Le Robert de l’usage du pronom non
genré (Iel/ indifférenciation entre « il » et « elle » pour reconnaître la
spécificité des personnes non genrées) a été très commentée.
Pour l’instant, l’usage de l’écriture inclusive dans l’administration
est prohibé par la circulaire du premier ministre du 21 novembre
2017, qui impose aux services publics de respecter les règles
grammaticales et syntaxiques en vigueur dans la rédaction des
actes administratifs, ce qui ne s’oppose pas à son usage dans des
publications à caractère non administratif, tels que des supports de
communication (CE, 28 février 2019). Une circulaire du 5 mai 2021
du ministre de l’éducation nationale va dans le même sens que celle
de 2017.
Deux domaines soulignent encore l’existence de sujets majeurs de
préoccupation en matière de droit des femmes malgré les luttes
menées par les pouvoirs publics :
– d’une part, en matière salariale, et malgré de réelles avancées, à
travail et poste égal il existe un écart de 9 % au détriment des
femmes. Cet écart monte à 25 % en fin de carrière et à 37 %
pour les retraités (conséquence des congés et des retards de
carrière liés à la maternité), cette inégalité étant plus nette dans
le secteur privé que dans le secteur public où le statut de la
fonction public lisse les traitements en fonction de la logique des
grades, classes et échelons quel que soit le sexe de l’agent ;
– d’autre part, existence d’une violence spécifique à l’encontre des
femmes (environ 50 000 viols par an selon le ministère de
l’intérieur ; questions des violences conjugales, des injures
sexistes…). On qualifie parfois de « féminicide » le meurtre d’une
femme en raison de son genre (113 cas en 2021), que l’on
distingue de l’« homicide » (meurtre d’une personne quel que soit
son genre et non motivé par ce dernier). Toutefois, cette
distinction, qui est utilisée dans les médias, n’est pas reconnue
juridiquement.

C. Les acteurs
La protection concrète des droits fondamentaux est assurée par
l’ensemble des juridictions.
Si la protection de la liberté individuelle relève du juge judiciaire
(article 66 de la constitution), notamment en matière de propriété et
de droit pénal, le juge administratif joue un rôle essentiel en matière
de libertés publiques et assure leur respect par les administrations à
l’égard des usagers, des agents et des cocontractants. Le conseil
constitutionnel et les cours européennes (cour européenne des
droits de l’Homme et cour de Justice de l’union européenne)
assurent respectivement le contrôle des actes législatifs quant à la
mise en œuvre des libertés fondamentales proclamées
respectivement par la constitution de 1958 d’une part, les
conventions internationales dont il a déjà été parlé d’autre part.

Par ailleurs, la révision constitutionnelle de 2008 a institué le


défenseur des droits. Cette institution succède au médiateur de la
République, au défenseur des enfants, à la haute autorité de lutte
contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) et à la
commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS). Ses
compétences sont définies par les lois n° 2011-333 et ordinaire
n° 2011-334 du 29 mars 2011. Le défenseur des droits est nommé
par le président de la République après avis des commissions
permanentes compétentes des assemblées parlementaires, pour un
mandat de six ans non renouvelables. Il est une autorité
administrative indépendante. Sa mission est de veiller à la protection
des droits et des libertés et de promouvoir l’égalité. Il est assisté
d’adjoints et a des correspondants dans les préfectures et les sous-
préfectures.
Ses missions sont de :
– défendre les droits et libertés dans le cadre des relations avec les
administrations de l’État, les collectivités territoriales, les
établissements publics et les organismes investis d’une mission
de service public ;
– défendre et promouvoir l’intérêt supérieur et les droits de l’enfant
consacrés par la loi ou par un engagement international
régulièrement ratifié ou approuvé par la France ;
– lutter contre les discriminations, directes ou indirectes, prohibées
par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié
ou approuvé par la France ainsi que promouvoir l’égalité ;
– veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant
des activités de sécurité sur le territoire de la République ;
– orienter vers les autorités compétentes tout lanceur d’alerte et
veiller aux droits et libertés de cette personne.
Pour chacune de ses missions, le défenseur des droits est saisi par
la personne physique ou morale qui s’estime lésée ou qui demande
une protection. Il peut également examiner des demandes
présentées par l’intermédiaire d’un député, un sénateur, un député
européen ou par le médiateur européen. Les assemblées saisies
d’une pétition peuvent aussi la lui transmettre. En matière de
médiation avec les services publics, la saisine du Défenseur des
droits est précédée de démarches préalables auprès des personnes
publiques ou des organismes mis en cause. Le défenseur des droits
rend compte de son activité au président de la République et au
parlement.
Le respect des droits et libertés par l’État sous le contrôle du juge
constitue la base même de l’État de droit et de la notion
contemporaine de démocratie. En France, on confond pratiquement
les notions de démocratie, d’État de droit et de République (voir les
fiches sur l’État et sur la démocratie). Cette confusion entre
démocratie et République s’explique par la circonstance que le
premier régime politiquement libéral institué durablement en France
fut, sous la forme d’une démocratie parlementaire reposant sur des
élections libres, la IIIe République (1875-1940). Durant cette période
les libertés publiques déjà mentionnées ont été proclamées et mises
en œuvre. Si leur application fut suspendue entre 1940 et 1944 par
le Régime de Vichy (qui fut nommé « État français » afin de marquer
la rupture avec la République), elles furent rétablies et renforcées
après la Libération avec le retour de la démocratie et la proclamation
dans le préambule constitutionnel de 1946 des principes
particulièrement nécessaires à notre temps (voir ci-dessus).
Depuis une cinquantaine d’années, s’est développée la notion de
la protection de diverses minorités par le droit, en raison à la fois de
l’affirmation hédoniste de la liberté individuelle et de l’égalité dans la
mouvance contestataire des années 1970 et des revendications
présentées par diverses minorités d’une prise en compte de certains
de leurs particularismes par les services publics. S’il est primordial
que chacun puisse bénéficier de la protection de sa liberté (en
matière de croyance, d’expression, d’opinion…), il est tout aussi
essentiel que la société puisse être unie autour de valeurs
communes (laïcité, mémoire nationale…) qui rassemblent et pas
seulement de différences qui divisent, alors même que la société
française apparaît déjà fortement fracturée (J. Fourquet : « L’archipel
français », Points, 2020). La protection de la liberté individuelle doit
être conciliée avec celle de l’unité nationale et de l’intérêt collectif
(voir la fiche sur la nation et l’identité). À l’occasion de la campagne
électorale de 2022, le courant populiste (P. Rosanvallon : « Le siècle
du populisme », Points, 2021) conteste le Gouvernement des juges,
dont il a été précédemment question. Certains dénoncent une
« idéologie des droits de l’Homme » érigeant la non-discrimination
en dogme et qui réduirait les États occidentaux à l’impuissance (J-L.
Harouel : « Les droits de l’Homme contre le peuple », De Brouwer,
2016).

Enfin, il convient de souligner la nécessité d’une formation du


citoyen en matière de démocratie, de protection des droits
individuels et des valeurs communes (voir le chapitre sur la
démocratie) non seulement par le système scolaire (voir le chapitre
sur l’école), mais aussi par les partis politiques, les associations et
les organisations syndicales.

D. Libertés et crise sanitaire


La crise sanitaire a été l’occasion de mesurer de manière concrète
la difficulté de concilier le respect des libertés publiques, en
particulier de la liberté individuelle, avec les exigences de l’intérêt
général tel qu’il est défini par les autorités au travers des notions
classiques d’ordre public, de sécurité publique et, surtout, de
salubrité publique.
Les pouvoirs publics ont adopté diverses mesures limitant
substantiellement l’exercice des libertés fondamentales (confinement
avec limitation des déplacements, attestation obligatoire puis
« passe sanitaire » imposé pour l’entrée dans certains lieux, devenu
ensuite passe vaccinal, malgré l’absence d’obligation légale d’être
vacciné contre le Covid 19). À partir de mars 2020, un état d’urgence
sanitaire a été proclamé et a été maintenu jusqu’au moment où nous
écrivons. En droit administratif, l’état d’urgence permet une limitation
de l’exercice des libertés en cas de péril imminent, sous réserve que
les mesures prises soient proportionnées à l’objectif visé et au risque
collectif encouru. Jusqu’à présent, les juridictions compétentes
(conseil constitutionnel, conseil d’État et cour européenne des droits
de l’Homme) saisies par les opposants ont estimé que les décisions
édictées en la matière satisfont globalement aux exigences des
textes protégeant les droits humains, sous réserve de quelques
aménagements. Ainsi, le conseil d’État (CE, référé, 18 mai 2020) a
jugé que le caractère particulièrement fondamental de la liberté
religieuse s’oppose à ce que le gouvernement prenne une mesure
générale et absolue d’interdiction pour les fidèles de se rendre dans
un lieu de culte pour y participer à des cérémonies de nature
religieuse (célébrations diverses). Par contre, une interdiction ou la
mise en place de jauges sont possibles en cas d’usage profane du
bâtiment cultuel (concert, exposition…).
Les décisions prises durant la crise sanitaire ont été adoptées par
les autorités constituées (c’est-à-dire prévues par la Constitution du
4 octobre 1958) démocratiquement élues (président de la
République et gouvernement ayant la confiance de la majorité
parlementaire à l’assemblée nationale dont les membres ont été
élus) selon les procédures et les délais prévus par les textes
(constitution et lois organiques prévoient une procédure accélérée).
Par ailleurs, les opposants ont pu former des recours juridictionnels
contre ces décisions, organiser des manifestations de protestation et
s’exprimer dans les médias.
Les principes fondamentaux des principales libertés de la
démocratie ont donc été formellement respectés dans le cadre de
l’état d’urgence sanitaire. Cependant, l’exercice de la démocratie ne
se limite pas au seul respect du formalisme institutionnel mais doit
se vivre en actes concrets, notamment par l’association des
différentes composantes de la société à la préparation des
décisions. Si les opposants ont dénoncé le caractère vertical, voire
brutal, de ces décisions, ainsi que l’insuffisante association des
corps intermédiaires, l’existence de procédures démocratiques
n’empêche pas la puissance de l’État dans un cadre proportionné
(voir l’article 6 de la déclaration de 1789) car le respect des normes
adoptées s’impose à l’ensemble de ses destinataires.

Sujet de dissertation : « Le droit à la différence »


1. Définition des termes
– distinction entre droits et devoirs (ce qui est dû à un individu et ce
que cet individu doit à la collectivité ; quelle collectivité ? : famille,
origine sociale, religieuse, provinciale, ethnique, orientation
sexuelle, professionnelle, nationale… ?) ;
– notion de différence : la différence (critère unique de distinction),
les différences (ensemble de caractéristiques propres à un
individu et contribuant à son identité). Différence par rapport à
quoi ? à qui ? Peut-il exister un devoir à la différence (recherche
d’originalité, pression communautaire, volonté d’affirmation…).
Existe-t-il un droit à la différence ou un droit à l’identité (dans les
deux sens du terme : le droit d’avoir une identité originale mais
aussi le droit à l’indifférence c’est-à-dire à être identique aux
autres, à se fondre dans la masse). peut-il exister un droit à
l’indifférence (droit à ne pas être essentialisé, réduit à une identité
mais vouloir se reconnaître dans des valeurs communes au reste
de la société ; à ce sujet, envisager le débat sur le choix des
prénoms, qui est révélatrice : le prénom comme affirmation de
l’intégration à la nation ou comme appartenance à un groupe ?).

2. Analyse synthétique
– Les principaux textes relatifs aux libertés (1789, 1946…)
affirment la liberté individuelle, c’est-à-dire le droit d’agir selon sa
propre volonté et constitue donc la première affirmation d’un droit
à la différenciation au sein de la collectivité.
– Les droits proclamés ont toujours pour contrepartie des devoirs
implicites.
– Cette liberté s’exerce sous réserve des limites et de l’ordre public
établis par la loi c’est-à-dire du respect de l’intérêt collectif (intérêt
général).
– Débat sur l’assimilation ou l’intégration des étrangers.
– Le droit à l’indifférence est celui de se fondre dans la masse de la
société sans être renvoyé à une identité particulière ; droit de ne
pas être essentialisé, réduit à l’appartenance à un groupe ou une
catégorie.
– La liberté individuelle comporte le droit de ne pas appartenir à
une communauté ou un groupe minoritaire.
– Rôle de l’éducation nationale, et autrefois du service militaire
pour créer et renforcer le sentiment d’appartenance à la nation et
à des valeurs communes ; question du service civique.
– Au-delà des différences catégorielles, nécessité de développer la
citoyenneté, c’est-à-dire l’appartenance à une identité nationale
au sein de l’unité nationale.
– Partage de valeurs communes, souvent synthétisées sous le
nom de « principes républicains ».
– Le droit à la différence peut s’exercer dans le cadre des textes
existants.
– Affirmation d’abord du principe d’égalité puis de la non-
discrimination (cœur du principe d’égalité).

3. Problématique
Le droit à la différence assure la liberté des individus dans un
cadre égalitaire mais doit être concilié avec l’adhésion de tous à des
valeurs communes pour éviter l’éclatement de la cohésion de la
nation.
🠶 Introduction :
– Définition des termes ;
• Évolution de la question (notion de générations des droits de
l’Homme avec marche progressive de la protection de l’individu
à celle d’intérêts collectifs, apparition du droit des minorités
depuis une cinquantaine d’années,
• Paradoxe : revendiquer le droit à la différence aboutit à
demander à la fois la reconnaissance d’une spécificité identitaire
et la suppression de tout traitement distinctif de cette même
spécificité et peut conduire à exiger au nom de la différence des
droits égaux.
– Difficulté de déterminer concrètement en quoi deux situations
sont différentes et supposent un traitement différent ou sont
identiques et nécessitent un traitement identique ;
– Annonce de la problématique : Le droit à la différence assure la
liberté des individus dans un cadre égalitaire mais doit être
concilié avec l’adhésion de tous à des valeurs communes pour
éviter l’éclatement de la cohésion de la nation.
I. Le droit à la différence est à la fois revendiqué et contesté
A. La liberté individuelle, principale affirmation du droit à la
différence
– Les principaux textes relatifs aux libertés (1789, 1946…)
affirment la liberté individuelle, c’est-à-dire le droit d’agir selon sa
propre volonté et constitue donc la première affirmation d’un droit
à la différenciation au sein de la collectivité ;
– Cette liberté s’exerce sous réserve des limites et de l’ordre public
établis par la loi c’est-à-dire du respect de l’intérêt collectif (intérêt
général) ;
– Le droit à la différence peut s’exercer dans le cadre des textes
existants (la liberté religieuse protège le droit de vivre sa foi, la
liberté de l’enseignement permet aux familles de choisir
l’instruction qu’elles veulent donner à leurs enfants, la liberté
d’opinion permet de s’exprimer librement sous réserve de
répondre de l’abus de cette liberté, par exemple en cas de
diffamation…).
B. Droit à la différence et droit à l’indifférence
– Affirmation d’abord du principe d’égalité (on traite également des
situations égales mais on peut traiter de manière différente des
situations différentes, abondante jurisprudence du conseil d’État
et du conseil constitutionnel en la matière) puis de la non-
discrimination (cœur du principe d’égalité ;
– Le droit à l’indifférence est celui de se fondre dans la masse de la
société sans être renvoyé à une identité particulière mais en se
revendiquant seulement de l’identité commune et de la liberté
individuelle ; droit de ne pas être essentialisé, réduit à
l’appartenance à un groupe ou une catégorie (voir le débat sur le
choix du prénom : est-il révélateur d’une mode, d’une volonté
d’originalité, de l’appartenance à une identité communautaire ou
à l’identité nationale ?) ;
– La liberté individuelle comporte le droit de ne pas appartenir à
une communauté ou un groupe minoritaire.
II. La nécessité d’une conciliation entre le droit à la différence
et des valeurs communes
A. Au-delà des identités de groupe, l’identité nationale
– Partage de valeurs communes, souvent synthétisées sous le
nom de « principes républicains » : libertés individuelles, égalité,
non-discrimination, égalité entre hommes et femmes, laïcité ;
– Rôle clé joué par l’éducation nationale (et jadis par le service
militaire) pour créer et renforcer le sentiment d’appartenance à la
nation et à des valeurs communes ; nécessité de développer le
service civique pour renforcer à la fois le sentiment
d’appartenance commune et la nécessité du respect des droits
individuels.
B. Le respect de la différence dans le cadre de l’adhésion
aux valeurs communes de la société
– Au-delà des différences catégorielles communautaires, nécessité
de développer la citoyenneté, c’est-à-dire l’appartenance
commune à la communauté nationale, composée de l’ensemble
des personnes qui reconnaissent la primauté des principes
rappelés précédemment ;
– Débat sur l’assimilation (les différences relèvent exclusivement
de l’ordre du privé et de l’intime et ne sont pas opposables dans
la vie publique sous réserve du respect du principe de non-
discrimination) ou l’intégration (prise en compte dans le cadre
d’« accommodements raisonnables », selon la formule employée
dans les pays anglosaxons, de certains particularismes
communautaires dans le cadre de la vie publique s’ils ne sont pas
en contradiction avec les principes fondamentaux de l’État) des
étrangers ou des personnes d’origine étrangères vivant en
France.
Chapitre VI
Histoire, mémoires et identités

Bibliographie
• F. Braudel : « L’identité de la France », Champs histoire, 1992 ;
• J. Fourquet : « L’archipel français », Points, 2020 ;
• J. Le Goff : « Histoire et mémoire », Folio Histoire, 1988 ;
• G. Namer : « La commémoration en France depuis 1945 »,
L’Harmattan, 1985 ;
• P. Ory : « Qu’est-ce qu’une nation ? Une histoire mondiale » ,
NRF, 2020 ;
• P. Ricoeur : « La mémoire, l’histoire, l’oubli », Points, 2000 ;
• P. Rosanvallon : « Le siècle du populisme », Points, 2021.

I Définition des termes

– Histoire : Connaissance du passé de l’humanité et des sociétés


humaines ; discipline qui étudie le passé et cherche à le
reconstituer ; passé de l’humanité et suite des évènements, de
leur évolution et de leur enchaînement (Larousse).
– Mémoire : Ensemble des faits passés qui restent dans le
souvenir d’un groupe ou d’un individu et dont le récit repose sur
la mémoire des témoins directs ou de leurs descendants.
– Identité (latin : identitas, « qui se ressemble ») : Caractère
permanent et fondamental d’un individu ou d’un groupe et qui fait
son individualité et sa singularité ; L’identité nationale désigne
l’ensemble des caractéristiques politiques, économiques, sociales
et culturelles identifiées comme étant propres à un groupe
constituant une nation et qui soulignent ses traits spécifiques et
son originalité par rapport aux autres nations. Dans le débat
contemporain, on a parfois tendance à confondre l’identité
nationale avec le partage des principes républicains (attachement
aux principes de 1789, à la liberté, l’égalité et la fraternité).
Pourtant, sans évidemment nier le caractère essentiel des
principes de 1789 sur l’identité nationale, cette dernière a des
racines bien plus anciennes et profondes (on a d’ailleurs, à
deux ans d’intervalle, célébré le millénaire capétien en 1987 et le
bicentenaire de la Révolution en 1989), notamment gréco-latines
et judéo-chrétiennes. Notre identité est faite de strates.
– Communautarisme : volonté de privilégier dans l’organisation
sociale l’appartenance à des groupes particuliers, généralement
minoritaires, au détriment de l’identité commune, le particularisme
sur la généralité. Il repose sur l’identification à diverses
catégories sociales (religieuse, régionale, origine étrangère…) ou
sur la revendication d’une identité biologique (genre, orientation
sexuelle…). On parlera de séparatisme à propos de groupes
minoritaires qui privilégient les principes normatifs internes à leur
communauté au détriment du respect des valeurs communes de
la société français en exigeant leur prise en considération par les
institutions publiques et privées.
– Roman national : récit patriotique, surtout en vogue à la fin
du xixe siècle dans le contexte de la volonté de revanche contre
l’Allemagne, exaltant les grandes étapes de la construction de la
Nation, principalement fondé sur une présentation chronologique
des évènements et quelques figures de grands personnages,
avec une forte expression patriotique (« Tu dois aimer la France
parce que la nature l’a faite belle et que l’histoire l’a faite
grande », écrivait Ernest Lavisse dans son manuel destiné aux
enfants d’âge scolaire). Cette école est notamment représentée
par Jules Michelet (1798-1874), Ernest Lavisse (1842-1922),
Albert Mallet (1864-1915) et Jules Isaac (1877-1963). La notion
de roman national s’oppose notamment à l’école des Annales,
apparue dans les années 1920). Elle est notamment représentée
par Marc Bloch (1886-1944), Lucien Febvre (1878-1956) et
Fernand Braudel (1902-1985). Elle repose sur une présentation
globale de l’histoire (non centrée sur la Nation), dans le temps
(longue duré) et dans les thèmes (prise en compte de l’ensemble
des faits de société : famille, civilisation matérielle, culture… et
pas seulement les évènements politiques et les principaux
acteurs et personnages).
– Wokisme (de l’anglais wake, woke : éveiller) : mouvement
d’origine anglo-saxonne revendiquant une prise de conscience
des questions de justice sociale et d’égalité raciale avec une
relecture de l’histoire et de la mémoire prenant en compte ces
considérations.
– Cancel culture (culture de l’effacement, de l’anglais to cancel :
annuler, effacer) : mouvement d’origine anglo-saxonne prônant la
dénonciation publique et l’ostracisation des individus, groupes ou
institutions accusées d’être responsables d’actions passées
considérées comme n’étant pas ou plus admissible dans la
société contemporaine au regard de l’évolution des rapports
sociaux et des mœurs. Cette pratique reposant sur une volonté
d’exclusion du débat public au nom d’une conception morale, la
question de sa compatibilité avec la liberté d’expression et les
libertés académiques est posée. Si le racisme et les diverses
discriminations sont aujourd’hui pénalement sanctionnés, faut-il
exclure de la mémoire collective des auteurs ou des personnages
qui, à l’époque où ils vivaient et dans un contexte social et
culturel différent du nôtre, ont pu partager les préjugés de leur
temps, en ne parlant plus d’eux ou en les chassant de l’espace
public (exemple : faut-il déboulonner les statues de Colbert ou ne
pas célébrer le bicentenaire de la mort de Napoléon, parce que le
premier fit rédiger le Code noir et le second rétablit l’esclavage,
malgré l’importance de leur rôle dans l’histoire par ailleurs ?) ?
– Loi mémorielle : texte législatif adopté par le parlement et dont
l’objet exclusif ou principal est de se prononcer sur la réalité,
l’importance ou l’effectivité d’un évènement historique. Une
majorité d’historiens a contesté la légitimité et la capacité d’une
autorité politique, le parlement, pour se prononcer sur une
question de nature scientifique, un évènement historique. Depuis
2008, le parlement peut voter des résolutions, c’est-à-dire des
textes non normatifs et non législatifs, qui sont plus adaptés à
une reconnaissance mémorielle. De plus, le vote d’un texte
normatif en matière historique est susceptible de faire apparaître
une histoire officielle ou tronquée (exemple : la loi Taubira de
2001 reconnaît l’esclavage comme crime contre l’humanité mais
porte explicitement sur la traite opérée à partir du xve siècle par
les européens et ne mentionne ni la traite interafricaine, ni la
traite arabe ou barbaresque).
– Résolution parlementaire : texte adopté par le parlement selon
une procédure spécifique, non législative, ayant un objet
déclaratif de reconnaissance d’une situation de fait ou d’un
évènement mais dépourvue de caractère normatif. Une résolution
peut permettre au parlement de prendre position dans une
matière mémorielle pour une reconnaissance sans pour autant
édicter de norme s’imposant à la communauté scientifique
(article 34-1 de la Constitution).
– Commémoration : rappeler le souvenir d’un évènement ou d’une
personne : cérémonie organisée pour une telle occasion.
Commémorer a avant tout une signification calendaire (rappeler à
date fixe) et n’emporte pas nécessairement de célébration : on
peut commémorer un évènement sans le célébrer c’est-à-dire
sans approuver ni faire d’apologie (cette question a été évoquée
à propos du cinquantenaire de la mort de l’écrivain Louis-
Ferdinand Céline en 2011 pour déterminer s’il était possible à la
fois de commémorer la disparition de l’un des écrivains majeurs
du xxe siècle et de ne pas célébrer, c’est-à-dire cautionner, ses
écrits antisémites).

II Évolution historique

Sous l’Ancien Régime, la fête nationale était la Saint-Louis


(25 août). Par ailleurs, le pouvoir royal utilisait les artistes qu’il
pensionnait pour célébrer les grandes heures du règne (voir le
chapitre sur l’Art).
La Nation étant une et indivisible, la République ne connaît qu’une
seule communauté, la communauté nationale et une seule identité,
l’identité nationale (voir le chapitre sur la Nation). Les identités
particulières ne sont pas interdites mais relèvent de la sphère privée
et ne sont pas opposables à l’État pour la reconnaissance de droits
ou d’obligations. Au xixe siècle, le régime républicain, au travers de
l’instruction primaire (voir le chapitre sur le système éducatif) et de
l’organisation de cérémonies publiques a longtemps privilégié la
diffusion d’un « roman national » (voir la définition) célébrant les
grandes étapes de la construction de la Nation.
Il est quelques fois difficile de déterminer ce que l’on veut célébrer,
tant les évènements sont parfois complexes. Par exemple, la
célébration de la révolution française a longtemps divisé notre pays
parce qu’elle est représentée à la fois par l’affirmation des principes
libéraux de 1789 et par le sanglant régime de la Terreur de 1793 et
1794, qui les a foulés aux pieds dans le cadre d’une dictature (dont
le modèle a d’ailleurs inspiré des dictateurs tels que Lénine, Staline
ou Pol Pot). Certains, comme Georges Clémenceau (1841-1929),
ont estimé cependant que la révolution constitue un « bloc » qu’il
convient d’assumer dans sa globalité. Quant à la célébration du
14 juillet, d’abord interdite pendant les régimes monarchiques ou
césaristes, elle n’est devenue fête nationale qu’en 1880, après
l’affermissement du régime républicain, et commémore à la fois la
prise de la Bastille en 1789 (insurrection du peuple contre
l’absolutisme royal) et la Fête de la Fédération en 1790
(réconciliation de la Nation et du Roi autour des principes proclamés
en1789 dans le cadre d’un régime constitutionnel). Cette volonté
d’unir les Français autour de la commémoration d’une révolution
dont le souvenir était alors très contrasté a d’ailleurs été critiquée
fortement à l’époque par les conservateurs, qui y voyaient seulement
la glorification de la terreur moins de dix ans après les incendies de
la Commune de Paris. Ainsi, Marguerite Yourcenar (1903-1987) a-t-
elle écrit que, dans certaines familles monarchistes, le 14 juillet était
le jour du nettoyage des fosses d’aisance (Archives du nord,
Gallimard, 1977)… Le 14 juillet, la Marseillaise et le drapeau
tricolore ne sont véritablement devenus des symboles nationaux
partagés par l’ensemble de la population française qu’avec l’Union
sacrée en 1914.
Par ailleurs, différentes cérémonies ont été instituées au fil du
temps pour commémorer divers épisodes historiques majeurs
(11 novembre, 8 mai…).

III État de la question

A. Au niveau national
L’identité nationale (voir le chapitre sur la Nation) est l’ensemble
des caractéristiques politiques, économiques, sociales et culturelles
identifiées comme étant propres à un groupe constituant une nation
et qui soulignent ses traits spécifiques et son originalité par rapport
aux autres nations.
Si la société française a longtemps connu des divisions de nature
politique et idéologique (essentiellement monarchistes contre
républicains puis droite contre gauche ou partisans et adversaires de
la laïcité), les débats contemporains portent principalement sur des
questions d’identité intime (religion, origine ethnique ou
géographique, genre, orientation sexuelle…).

1. Au plan institutionnel
Au plan institutionnel, une structure nationale est chargée de faire
des propositions aux pouvoirs publics en matière de coopération :
France Mémoire, qui s’est substituée en 2021 à l’ancien Haut comité
des Commémorations nationales rattachée au ministère de la
culture. France Mémoire est un service au sein de l’Institut de
France. Ce dernier est une personne morale de droit public à statut
particulier placée sous la protection du président de la République et
n’est pas soumis à une tutelle de l’État, en raison de son caractère
académique. Ainsi, c’est un organisme indépendant de l’État, qui est
chargé de faire des propositions en matière de célébrations et
commémorations, ce qui permet de limiter le risque d’une
instrumentalisation politique. La mission de France Mémoire, telle
que définie par une convention signée en 2020 entre le ministère de
la culture et l’Institut de France est, de sélectionner chaque année
une cinquantaine d’anniversaires marquants pour l’histoire nationale
concernant des évènements, des œuvres ou des personnalités afin
d’en proposer la commémoration. Pour ce faire, France Mémoire
s’appuie sur l’expertise des membres des cinq académies qui
composent l’Institut de France, ce qui constitue une garantie de la
qualité scientifique des projets retenus. France Mémoire élabore des
contenus documentaires originaux mis en ligne sur son site et peut
venir en appui d’autres initiatives prises par d’autres institutions
(notamment des collectivités territoriales, des établissements
publics, des associations ou des entreprises), pour organiser des
évènements (conférences, expositions, spectacles…).
Par exception à la mission de France Mémoire, la direction des
patrimoines, de la mémoire et des archives du ministère délégué
chargé de la mémoire et des anciens combattants des
commémorations (placé auprès du ministère de la défense) est
toujours chargée de l’organisation de onze commémorations
annuelles relatives à la mémoire de la France combattante durant
les conflits de l’histoire contemporaine. Par ailleurs, les armées
disposent de leur propre service historique. Certains évènements
peuvent faire l’objet d’une commémoration commune, ou de
célébrations parallèles par les deux institutions.
Certaines commémorations nationales constituent des jours fériés
(exemples : 8 mai, 14 juillet et 11 novembre). D’autre sont célébrés
par les instances officielles mais ne sont pas chômés dans tout le
pays (exemple : la commémoration des victimes de l’esclavage est
célébrée sur tout le territoire national mais ne donne lieu à jour férié
que dans certaines collectivités d’outre-mer). Enfin, certaines dates
donnent lieu à célébrations nationales sans congé (fin de la guerre
d’Algérie, rafle du Vel d’hiv.).

Par ailleurs, de nombreux ministères, établissements publics et


administrations (Bibliothèque nationale, Archives de France,
Musées…) mènent également des actions propres en matière
mémorielle soit dans le cadre d’un service particulier (par exemple,
les archives), soit au travers d’associations dont l’objet porte sur
l’histoire de tel corps ou de telle administration. Il en va de même
pour certaines grandes entreprises privées (Renault, Citroën,
Peugeot, Berliet, Ricard, Coca Cola, …) qui fondent une partie de
leur communication sur la célébration de l’histoire de la marque au
travers d’ouvrages historiques ou d’ouvertures de musées et au
travers du soutien d’associations d’amateurs.

Enfin, l’identité française ne se limite pas à des évènements


historiques ou politiques mais concerne aussi l’évolution du goût et
de l’art, tout au long des siècles (littérature, musique, architecture,
peinture… voir le chapitre sur l’Art). De ce point de vue, l’ensemble
des musées monuments et collections, appartenant au patrimoine
public comme privé, constituent aussi autant de témoignages de la
construction de l’identité française, aussi bien au travers des œuvres
patrimoniales classiques que contemporaines.
2. Au plan des politiques mémorielles
Ces dernières années, le débat sur l’identité, la mémoire et
l’histoire, après des années d’unanimisme républicain entre 1914 et
les années 1990 (sauf pendant Vichy), est revenu sur le devant de la
scène. Si le millénaire capétien (1987) et le bicentenaire de la
révolution (1989) ont fait l’objet d’une large unanimité en France,
l’organisation en 2009 d’un débat national portant sur l’identité
nationale française et l’immigration, a également donné lieu à de vifs
clivages ainsi qu’à de nombreuses contestations et a relancé un
sujet longtemps négligé, avec le sentiment que le pays serait
profondément fracturé de nos jours. On a pu ainsi parler de
concurrence mémorielle, voire de guerre des mémoires, à propos de
certains évènements. Par exemple, la mémoire de la guerre
d’Algérie ne sera pas identique pour les rapatriés, les soldats du
contingent, les harkis, les porteurs de valises (français soutenant le
FLN), les civils français de métropole, les civils algériens, les
anciens fellaghas et pour leurs descendants. La même remarque
peut être effectuée à propos des témoins de la seconde guerre
mondiale et de leurs descendants.
D’une part, la médiatisation de divers évènements à l’occasion
desquels des groupes minoritaires n’ont pas respecté les symboles
nationaux (exemples : la Marseillaise sifflée en France lors de
matches de l’équipe de France contre des équipes étrangères ; le
drapeau tricolore brûlé ou souillé lors de manifestations…) a favorisé
l’inquiétude d’une partie de la société française face à la remise en
cause des symboles nationaux partagés dans le cadre du vivre
ensemble, notamment avec le développement, sous l’influence des
pays anglo-saxons, du wokisme et de la cancel culture, qui
promeuvent une relecture de l’histoire et de nouveaux critères de
définition de l’identité (voir ci-dessus les définitions). Si wokisme et
cancel culture expriment une volonté d’égalité et de justice sociale,
ces théories se manifestent parfois par des excès préoccupants,
témoignages d’antilibéralisme et de remises en cause de principes
aussi essentiels que la liberté académique ou la liberté d’opinion :
autodafés d’ouvrages, notamment classiques, jugés déviants par
rapport aux opinions contemporaines mais sans prendre en
considération l’état des mentalités à l’époque de leur rédaction,
modification ou réécriture (réinterprétation) de certaines œuvres
d’une manière cohérente avec les critères d’aujourd’hui mais
anachroniques car ne correspondant pas à l’esprit du temps dans
lesquels ces œuvres furent réalisées… Plutôt que de prétendre
interdire ou exclure, n’est-il pas préférable d’expliquer ? Ainsi, en
2021, la commémoration de la mort de Napoléon Ier a été l’occasion
de rappeler, d’une part, la vie d’une personnalité historique
mondialement commue et d’un réformateur dont l’empreinte est
encore visible dans les institutions contemporaines de notre pays et,
d’autre part, divers aspects condamnables de son règne (institution
d’une dictature, rétablissement de l’esclavage, longue période de
guerres…).
D’autre part, le refus de certains groupes identitaires d’accepter la
primauté du droit de l’État sur leurs particularismes alimente, à tort
ou à raison, la crainte de l’effondrement des valeurs communes
constituant le modèle politique, administratif et social français
républicain (voir les chapitres sur l’État et sur la Nation).
Enfin, les conséquences de la mondialisation comme les difficultés
grandissantes de certains services publics (justice, éducation,
santé,…), renforcent dans une partie de l’opinion publique le
sentiment d’un déclin de la France et de ses valeurs depuis 1973.
Un autre important débat a porté sur les lois mémorielles : le
législateur, c’est-à-dire le pouvoir politique peut-il, dans le respect de
la liberté de la recherche universitaire et de la liberté d’opinion, et
alors que lui-même n’a aucune légitimité ni formation scientifiques,
prétendre se prononcer au travers d’une loi, c’est-à-dire d’un texte
normatif qui modifie l’état du droit à l’égard de ceux qu’il vise, sur la
réalité, l’importance ou l’effectivité d’un évènement historique et en
imposer une certaine interprétation, y compris aux historiens ? Après
de longs et passionnés débats portant sur les premières lois
mémorielles françaises (loi Gayssot, 1990, réprimant le
négationnisme du génocide des juifs ; loi de 2001 reconnaissant le
génocide arménien ; loi de 2001 reconnaissant l’esclavage comme
crime contre l’humanité et loi de 2005 portant reconnaissance de
l’œuvre des rapatriés dans les anciennes colonies), un consensus
semble s’être dégagé pour admettre qu’il est préférable que le
parlement prenne position sur un point historique au travers d’une
résolution de l’article 34-1 de la constitution texte politique
déclaratoire, non normatif plutôt que par une loi. En effet, la difficulté
d’une loi mémorielle est que, comme elle est normative, elle risque
d’imposer une vision officielle de l’histoire par la majorité. Ainsi, par
exemple, la loi Taubira de 2001 porte explicitement sur la traite
opérée à partir du xve siècle par les Européens entre l’Afrique,
l’Amérique et l’Océan indien, qualifiée de crime contre l’humanité,
mais ne mentionne pas les autres formes d’esclavages (notamment
la traite panafricaine, la traite arabe et la traite barbaresque). Si
l’esclavage est incontestablement depuis une résolution de l’ONU de
1948 un crime contre l’humanité, il est anachronique de le qualifier
ainsi pour une pratique qui était auparavant légale et répandue dans
toutes les civilisations. Il serait absurde de considérer que les formes
d’esclavage autres que celle mentionnée par la loi auraient une
moindre gravité que la traite transatlantique, seule explicitement
condamnée par ce texte. De même la loi de 2005 précitée portait
reconnaissance des aspects positifs de la colonisation française, ce
qui conduisait à limiter la liberté d’appréciation de la recherche
scientifique sur ce point. Cette disposition, très critiquée, a d’ailleurs
été retirée par la suite.

En matière de définition de l’identité nationale et de


reconnaissance de certains évènements, le président de la
République, au travers du pouvoir d’arbitrage que lui confère
l’article 5 de la Constitution, est en mesure d’affirmer une position
publique officielle de l’État, de nature politique et non normative
(exemple : reconnaissance de la responsabilité de l’État français
dans la déportation des juifs durant l’occupation allemande en 1995).
Toutefois, la complexité mémorielle et identitaire aujourd’hui rend
parfois l’exercice acrobatique (affirmation par Emmanuel Macron,
alors candidat et non encore élu, que la colonisation était un crime
contre l’humanité ou qu’il n’existe pas de culture française mais
seulement une culture en France puis, en 2022, présentation
d’excuses officielles pour les victimes des massacres de la rue d’Isly
et d’Oran en Algérie en 1962).

Enfin, se pose la question de la « repentance » : les initiatives


mentionnées ci-dessus, du législateur comme du chef de l’État, de
prendre position sur des questions historiques et mémorielles encore
douloureuses participent à la concurrence mémorielle déjà évoquées
(exemples : seconde guerre mondiale ou guerre d’Algérie). Les
autorités publiques doivent-elles se limiter à prendre acte de la
survenue d’un fait ou bien doivent-elles faire repentance, c’est-à-dire
présenter des excuses et, éventuellement, proposer des
indemnisations ? Le débat sur ce sujet reste vif, dans la mesure où
de telles décisions ne sont jamais exempte d’un soupçon
d’instrumentalisation et d’électoralisme. Des indemnisations ont été
proposées pour les victimes d’évènements récents (exemple : loi de
2018 créant un fond de prévoyance en faveur des harkis, un texte
est en discussion au parlement pour fixer le montant des
indemnités). Par contre, l’indemnisation pour des évènements plus
anciens est problématique, ne serait-ce qu’à cause de la difficulté à
déterminer des ayants-droits (exemple : l’esclavage ayant été aboli
en 1848 en France, il n’existe plus de survivants et l’établissement
d’un lien de causalité entre le fait dommageable générateur et un
éventuel préjudice direct et certain est impossible pour leurs
descendants, ce qui empêche une indemnisation).

B. Au niveau local
Dans de nombreuses collectivités territoriales, un membre de
l’exécutif (maire-adjoint ou vice-président) est chargé des questions
de mémoires. Ce portefeuille est généralement jumelé avec la
responsabilité des anciens-combattants (dans les communes
essentiellement), de la culture, du patrimoine ou des associations.
L’affirmation d’une identité locale trop marquée par rapport à
l’appartenance nationale a longtemps été considérée comme
dangereuse parce qu’elle pouvait remettre en cause le caractère
unitaire de l’État. La seule identité reconnue dans la sphère publique
étant uniquement nationale, l’identité locale doit relever de la sphère
privée. C’est ainsi que les mouvements apparus au xixe siècle en
faveur de la promotion des langues et cultures et identités régionales
(félibrige, langues basque, bretonne, alsacienne…) ont été accusés
avant 1914 d’amoindrir le sentiment patriotique national. Frédéric
Mistral (1830-1914) plaidait que l’attachement à la « Petite Patrie »
(la province d’origine) et à la « Grande Patrie » (la France) sont
complémentaires, l’une nourrissant l’autre.
Depuis la Révolution, l’institution du service militaire (1872) puis de
l’enseignement primaire obligatoires (1882) puis l’exode rural ont
généralisé l’usage du français et favorisé une ouverture au-delà du
lieu de naissance, ont contribué à amoindrir les particularismes
locaux au profit de l’identité nationale et de l’adhésion aux principes
républicains. Il existe toujours des particularismes locaux (accents,
vocabulaire spécifique, tournures linguistiques propres, sentiment
d’appartenance à un terroir…) fondés sur la continuité de traditions
héritées du passé. Il existe également une identité apparue plus
récemment dans les grandes villes, partagée par l’ensemble de la
population (exemple : l’identité marseillaise qui est revendiquée par
les habitants de toutes origines communiant notamment autour du
sentiment de la singularité de leur ville et de l’attachement au club
de football local). Par ailleurs, on constate l’apparition d’une nouvelle
forme d’identité locale, née de l’urbanisation entreprise depuis les
années 1960, celle des « quartiers » dans les banlieues (voir le
chapitre sur la Nation), qui, en raison de l’échec de l’assimilation
d’une partie des populations récemment immigrées, se substitue à
l’identité nationale française pour des personnes ayant pourtant la
nationalité française.

Sujet de dissertation : L’État doit-il commémorer le


passé ? (ENA, concours externe 2018)
🠶 Problématique :
L’existence dans notre pays d’une guerre des mémoires
nourrissant le séparatisme, rend nécessaire la poursuite des
commémorations contribuant au renforcement de l’unité nationale et
au partage des valeurs fondatrices de la Nation.
🠶 Introduction :
– Définitions (État, commémorer, passé) ;
– Évolution historique ;
– Actualité ;
– Problématique ;
– Annonce du plan.
I. Commémorer pour rassembler
A. Des notions parfois floues qui se recoupent (État/Nation/
République : l’identité nationale française a environ 1 000 ans ne
se limite pas à la révolution de 1789 même si celle-ci constitue
une étape essentielle : rappel de la commémoration du millénaire
capétien en 1987 et de la révolution en 1989…)
B. Commémoration et unité nationale (commémorer pour célébrer
la Nation et les valeurs communes et rappeler ce qui rassemble
et permet de « faire nation » au-delà des différences d’opinion et
de partis et ne se limite pas à des évènements politiques mais se
compose aussi d’une tradition littéraire, musicale, artistique
ancienne ; …)
II. Commémorer dans un contexte de concurrence mémorielle
A. L’État face aux enjeux de mémoire (existence d’institutions
nationales et locales en matière de commémoration ; notions de
guerre des mémoires et de concurrence mémorielle ;
B. Le risque d’instrumentalisation par les personnes publiques (lois
mémorielles ; arbitrage mémoriel présidentiel ; quels évènements
choisir de commémorer…) et par des groupes revendicatifs
minoritaires : wokisme, cancel culture, débat sur la repentance…)
Chapitre VII
La Nation

Bibliographie
• F. Braudel : « L’identité de la France », Champs histoire, 1992 ;
• G. Duby : « le dimanche de Bouvines », 1973 ;
• J. Fourquet : « L’archipel français », Points, 2020 ;
• M. Mauss : « La Nation », 1953, réédition par l’Esprit du temps,
collection les textes essentiels ;
• P. Ory : « Qu’est-ce qu’une nation ? Une histoire mondiale »,
NRF, 2020 ;
• E. Renan : « Qu’est-ce qu’une nation ? », 1882, réédition
l’Esprit du temps, collection Les textes essentiels ;
• P. Rosanvallon : « Le siècle du populisme », Points, 2021.

I Nation, patrie, république, identité


nationale, communautarisme, séparatisme
(…) : des notions complexes et ambiguës

Toutes ces notions sont assez difficiles à cerner car, si elles sont
fréquemment utilisées dans le discours politique elles restent
ambiguës.
La Nation (latin natio, dérivé de nasci/ natus c’est-à-dire naître et
être né) désigne l’ensemble des individus qui sont originaires du ou
vivent dans le même pays. La nation va donc se caractériser par la
conscience de son unité (ethnique, linguistique, culturelle…) et la
volonté de vivre en commun (Le Robert). Il s’agit de l’ensemble des
individus liés par une communauté de culture, d’histoire et de
traditions avec des éléments divers communs, d’ailleurs variables
selon les Nations : langue, territoire, folklore, souvenirs, histoire,
idéologie, principes communs, littérature… Par exemple on peut
citer, parmi beaucoup d’autres :
– la Nation française repose sur l’idée du partage d’une histoire, de
valeurs communes (les principes « républicains », voir ci-
dessous) mais aussi d’une conception de l’avenir. Lorsque
Charles De Gaulle (1890-1970), dans les Mémoires de guerre
(1952) se revendique d’« une certaine idée de la France », c’est
incontestablement à la Nation qu’il se réfère, telle qu’elle a été
façonnée par les régimes successifs. Il est d’ailleurs significatif
que la France, à deux ans d’intervalle ait commémoré le
millénaire capétien (1987) et le bicentenaire de la révolution
(1989).
La construction du sentiment national français a été largement
l’œuvre de l’État, monarchique puis républicain (voir État-nation).
On fait remonter l’apparition de la nation française à la bataille de
Bouvines en 1214 comme l’a souligné Georges Duby (1919-
1996) dans « Le dimanche de Bouvines » (1973), l’armée de
Philippe-Auguste, épaulée par des milices communales, ayant
constitué une ébauche de la nation française, c’est-à-dire de
l’union du roi et du peuple contre les féodaux coalisés. Le
sentiment national en France a été fortement affirmé lors de la
révolution de 1789 (la souveraineté passe du roi à la nation, la
devise de l’État est durant la première monarchie
constitutionnelle en 1791-1792 « La nation, la loi, le roi »). La
Fête de la fédération (1790), un an après la prise de la Bastille,
devait célébrer l’unité retrouvée de la Nation française autour de
ses nouveaux principes fondamentaux, tels que formulés dans la
Déclaration de 1789 (c’est pour cela que le jour de la fête
nationale est fixé en 1880 au 14 juillet afin de rappeler à la fois
1789 et 1790). Par ailleurs, la levée en masse de soldats en
1792-1795 pour aller combattre à la frontière nord-est l’invasion
par les alliés avec la bataille de Valmy comme point d’orgue, a
puissamment contribué à l’affirmation comme à l’imagerie de la
Nation française. La querelle autour du drapeau tricolore en
1871-1873 (une partie des monarchistes refusant de reconnaître
le drapeau symbole de la révolution comme étant celui de la
France) constitua une division majeure de la société française. Le
développement du service militaire obligatoire pour les hommes
(1872) et l’institution de l’enseignement primaire obligatoire,
gratuit, laïc et francophone (1881-1882) ont puissamment
contribué au sentiment national français. Ce dernier fut retrempé
avec l’« Union sacrée » des forces politiques (y compris non-
républicaines) autour de la défense du territoire et du drapeau
tricolore, désormais reconnu par tous. Les grandes batailles de
ce conflit (La Marne, Verdun, Chemin des dames…) sont
représentées comme le symbole même de la nation unie luttant
pour sa survie contre l’envahisseur. Enfin, la nation française
s’incarne aussi dans la geste de la Résistance (1940-1945), dans
le cadre d’un combat portant à la fois sur la défense de la Patrie
et sur celle des principes démocratiques. Les années qui suivent
la Seconde guerre mondiale, marquées par la volonté de défense
de la paix, la décolonisation, la construction européenne et la
mondialisation, sont celles durant lesquelles les termes nation et
patrie ont été marginalisés dans le débat public français., avant
de revenir en force depuis quelques années.
– la Nation allemande repose sur l’idée qu’y appartiennent les
individus qui ont en partage la langue allemande selon une
certaine mystique ethnique et culturelle (Fichte, Discours à la
nation allemande, 1807), ce qui contribua à faciliter le
développement du pangermanisme, mouvement visant à unifier
par la force l’ensemble des populations germanophones vivant
dans des États différents et qui fut à l’origine de graves crises
européennes comme celle des allemands des Sudètes et des
Carpathes (1938-1946).
La différence de conception de la nation entre la France et
l’Allemagne explique la longévité de la crise sur l’Alsace et la
Moselle : selon les Allemands, ces départements, qui avaient été
annexés par la France sous l’ancien régime avaient des
populations qui se rattachaient à la nation allemande (langue,
culture, usages…) ; selon les Français, l’appartenance à la
Nation française devait résulter du libre choix de partager les
principes partagés par ses membres et est ouvert à toute
personne et toute population acceptant d’y adhérer. Bref, selon
l’optique envisagée, alsaciens et mosellans avaient, soit le choix
de devenir français par inclinaison, soit l’obligation de devenir
allemands par déterminisme. Selon l’abbé Sieyès (1748-1836), la
Nation est « un corps d’associés vivant sous une loi commune et
représentés par le même législateur » (Qu’est-ce que le Tiers
état ?, 1789). Pour Ernest Renan (1823-1892), « la nation est un
plébiscite de tous les jours » (« Qu’est-ce qu’une nation », 1882),
c’est-à-dire une adhésion renouvelée à des valeurs communes.
Enfin, pour Numa Fustel de Coulange (1830-1889), à propos de
la question d’Alsace-Lorraine : ce qui distingue les nations et
constitue la Patrie, ce n’est ni la race, ni la langue mais la
communauté d’idées, d’affections, d’intérêts, d’idées, de
souvenirs et d’espérance. Pour Georges Burdeau (1905-1988), la
Nation est un « rêve partagé ».
– les Nations belge, suisse ou canadienne reposent sur le partage
de la volonté de leurs habitants de s’unir dans le respect et
l’affirmation de leur diversité autour de principes communs bien
qu’ayant des langues et des cultures différentes.
– la Nation américaine repose sur le partage du respect des
institutions et des principes énumérés par les Pères fondateurs
lors de l’indépendance en 1776 puis de l’adoption des institutions
en 1787 et 1791 et telles que conçues et confirmées après la fin
de la guerre civile (1865). Il existe toutefois de forts
particularismes locaux, notamment dans le sud et l’ouest. Le
consensus mémoriel est ébranlé sur certaines questions
(notamment l’esclavage et les guerres indiennes) et la
contestation a pris de l’ampleur dans le cadre du wokisme et de
la cancel culture (voir le chapitre sur Histoire, mémoire et
identité).

On utilise parfois le terme nation comme synonyme d’État


(Organisation des Nations Unis, composée d’États, qui ne sont pas
forcément des nations, Tournois des six Nations, qui permet
l’affrontement des équipes de Rugby issues de quatre États :
France, Italie, Irlande et Royaume-Uni, ce dernier présentant
plusieurs équipes infra-étatiques : Angleterre, Pays de Galles,
Écosse, l’équipe irlandaise étant composée de joueurs originaires de
l’Eire et de l’Ulster.
En pratique, il existe de nombreuses situations différentes :
– certaines nations peuvent être divisées entre plusieurs États
(exemples : la Nation allemande entre 1949 et 1991 ; la Nation
coréenne…) ;
– certains groupes d’individus revendiquent le statut de nation eu
égard à leurs particularismes et à leur sentiment d’unité mais ne
sont pas constituées en un État mais divisés entre plusieurs États
(par exemple les Kurdes sont ressortissants de plusieurs États
dont ils ont la nationalité et dans lesquels ils sont minoritaires) ;
certains groupes revendiquent le droit d’exister en tant que
nations et réclament le droit de pouvoir constituer un ensemble
autonome (voir, en France, les populations d’outre-mer qui, outre,
une autonomie interne plus étendue qu’en métropole, sont
reconnues en tant que telles au sein du peuple français dans
idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité par l’article 72-3
de la constitution), voire un État indépendant (le Kosovo…) ;
– certains États regroupent plusieurs nations en leur sein
(exemple : la Belgique, le Canada…). Ils adoptent en général la
forme de l’État fédéral.
La Patrie est au sens strict la terre de nos pères, c’est-à-dire la
terre de notre identité intime, soit dans un sens généalogique, la
terre d’où sont issus nos ancêtres biologiques, selon Maurice Barrès
(1862-1923), soit dans un sens philosophique (la terre dont nous
reconnaissons comme nôtres les valeurs, la culture, l’histoire et
auxquelles nous adhérons dans le cadre d’une identité nouvelle
nous reliant à la communauté nationale). Ainsi, une personne ayant
acquis une nationalité par la naturalisation et qui adhère par choix
aux valeurs du pays, participe autant au sentiment patriotique du
pays concerné qu’un individu l’ayant de naissance. Le côté à la fois
intime, charnel et affectif, presque familial, se trouve avec le terme
« Mère-Patrie ». Le terme Patrie, qui est peu usité de nos jours, (on
parle plus volontiers de la République, voir ci-dessous) apparaît
comme un peu vieilli en termes d’usage et a sans doute été
disqualifié par sa présence au sein de la devise du régime de Vichy,
bien qu’il ait été aussi abondamment utilisé par Charles De Gaulle.
Paradoxalement, on n’a jamais autant cherché à opposer
nationalisme et patriotisme pour glorifier ce dernier (voir ci-dessous
le corrigé du sujet proposé), ni jamais autant cherché à étayer
différentes politiques sous l’angle du patriotisme (débat sur le point
de savoir si le soutien à la construction européenne est compatible
ou pas avec le patriotisme ; affirmation de la nécessité d’un
« patriotisme économique »…). Toute la question étant de savoir s’il
est concevable de défendre le patriotisme sans se référer à la
Patrie…

Le nationalisme est une théorie politique affirmant la


prédominance de l’intérêt national par rapport aux intérêts des
classes et groupes constituant la nation ou par rapport aux autres
États (Larousse). Le patriotisme est un attachement sentimental à
sa Patrie et qui se manifeste par la volonté de la promouvoir et de la
défendre (Larousse). Selon Romain Gary, « Le patriotisme, c’est
l’amour des siens, le nationalisme, c’est la haine des autres ». Pour
le docteur Schweitzer, le nationalisme « est un patriotisme qui a
perdu sa noblesse et qui est au patriotisme noble et raisonnable ce
que l’idée fixe est à la conviction normale. ».

L’État : Selon Max Weber, l’État est une personne morale de droit
public territoriale et souveraine détenant à l’encontre de sa
population et sur son territoire le monopole de la violence légitime
(voir le chapitre sur l’État). Dans l’exemple français, l’État désigne
l’ensemble des institutions et des procédures relatives aux actions
politiques et normatives menées dans le cadre de la nation, les deux
termes étant très intimement liés, voire confondus. L’État-nation
désigne le territoire sur lequel l’État et la Nation coïncident (voir le
chapitre sur l’État). La France, dans laquelle l’État, monarchique puis
républicain a construit la nation, a longtemps été considérée comme
étant à la fois l’origine et le modèle de l’État-Nation.
Avant la révolution de 1789, la France était constituée d’un
ensemble de territoires à statuts variables dont les couronnes étaient
rassemblées sur la tête du roi de France (qui était aussi, sur les
territoires concernés et en même temps : duc de Bretagne, de
Normandie, de Lorraine, de Bourgogne, comte de Provence…) qui
prenait les décisions politiques communes mais sans unité ni
institutionnelle, ni fiscale. Toutefois, à compter du règne de Louis XIV
et à l’instigation de Colbert, des ordonnances furent adoptées pour
unifier, mais de manière limitée, le droit dans certains domaines.
Lors de la Révolution française, l’affirmation du principe général
d’égalité eut pour conséquence au plan territorial, l’affirmation du
principe de l’unité et de l’indivisibilité de la Nation française avec un
seul centre de décision politique et normatif : l’État unitaire (voir le
chapitre sur l’État). Le modèle de l’État-nation est, dès lors, devenu,
est celui de la République française :
– l’article 3 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen
du 26 août 1789) dispose que : « Le principe de toute
souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps,
nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane
expressément. » ;
– le préambule de la Constitution de 1946 énonce dans son
10e alinéa que « La nation assure à l’individu et à la famille les
conditions nécessaires à leur développement. » énumère divers
droits économiques sociaux et culturels incombant à la nation ;
– l’article 1er de la Constitution du 4 octobre 1958, rappelle que la
France est une République indivisible dont l’organisation est
décentralisée, cependant que selon l’article 3 « la souveraineté
nationale appartient au peuple ».
Le Peuple, selon le dictionnaire Larousse, désigne l’ensemble des
personnes vivant en société sur un même territoire et unies par des
liens culturels et des institutions communes et constituant, avec le
territoire et la souveraineté l’un des éléments constitutifs de l’État.
Nation et pays sont synonymes de peuple. La notion de peuple est
relative aux titulaires de la citoyenneté (le Peuple français, italien…)
et ne recouvre donc pas celle de population, mentionnée à propos
de l’État, car cette dernière comprend l’ensemble des habitants, y
compris étrangers.

La nationalité désigne :
– au sens large, l’identité découlant de l’appartenance d’un individu
à une communauté humaine, attribuée selon des critères
juridiques ou ethniques. Selon le « principe des nationalités, les
personnes appartenant à un même groupe sur un même territoire
doivent pouvoir librement déterminer leur État de rattachement.
– au sens strict, la nationalité se confond avec la citoyenneté.
La citoyenneté désigne le lien juridique conférant à la fois les
droits et les devoirs les plus étendus à un individu vis-à-vis d’un État.
En France, citoyenneté et nationalité se confondent car tous les
citoyens sont des nationaux et seuls les citoyens peuvent être des
nationaux. Il n’a jamais existé d’irrédentisme linguistique en faveur
des francophones d’une autre nationalité pour annexer les territoires
qu’ils habitent à la France, contrairement à ce qui exista en
Allemagne. Dans d’autres États nationalité et citoyenneté ont pu
avoir une signification différente. Par exemple : en Tchécoslovaquie,
on distinguait entre, d’une part, la citoyenneté (tchécoslovaque, lien
juridique avec l’État conférant les droits politiques et le droit à un
passeport) et la nationalité (selon l’appartenance à tel groupe
communautaire : tchèque, slovaque, allemand… conférant des
garanties identitaires en matière culturelle, linguistique, scolaire…).

L’identité nationale (latin : identitas, « qui se ressemble ») est


l’ensemble des caractéristiques politiques, économiques, sociales et
culturelles identifiées comme étant propres à un groupe constituant
une nation et qui soulignent ses traits spécifiques et son originalité
par rapport aux autres nations. L’historien monarchiste Jacques
Bainville (1879-1935) a ainsi écrit à propos des origines gallo-
romaine de la France : « Le peuple français est un composé. C’est
mieux qu’une race. C’est une nation ». Cette observation vaut pour
toute l’histoire de notre pays.
En France, la décision d’organiser un débat national en 2009 sur
l’identité nationale française et l’immigration, en créant un
département ministériel explicitement chargé de cette question a
donné lieu à de vifs débats ainsi qu’à de nombreuses contestations
et a relancé un sujet longtemps négligé, avec le sentiment que le
pays serait profondément fracturé de nos jours.
Cependant, la France, sauf dans les rares périodes déjà rappelées,
a souvent été divisée. Sans remonter aux luttes intestines des
« gaulois réfractaires » facilitant la conquête romaine, notre pays a
souvent été traversé par des courants antagonistes nuisant à son
unité : armagnacs et bourguignons au Moyen Âge ; catholiques et
protestants durant les guerres de religions, monarchistes,
républicains et bonapartistes au cours du xixe et d’une partie
du xxe siècle ; bloc des droites et front populaire dans les
années 1930 ; vichystes et gaullistes durant l’occupation…tous
ayant des conceptions très différentes de ce que devaient être les
valeurs nationales françaises. Ces divisions étaient essentiellement
de nature politique et idéologique alors qu’aujourd’hui les fractures
affectant notre pays portent également sur des questions d’identité
intime (religion, origine ethnique ou géographique, genre, orientation
sexuelle…).
Le débat sur l’identité nationale traduit les interrogations d’une
partie de la société française face à la remise en cause des valeurs
communes constituant le modèle social français depuis la
Révolution, du fait de l’échec de l’intégration d’une partie des
immigrés et du refus de certains groupes d’accepter la primauté du
droit de l’État sur leurs particularismes, des conséquences de la
mondialisation, des difficultés grandissantes de certains services
publics (justice, éducation, santé,…) et du sentiment d’un déclin de
la France durant les « cinquante piteuses » (suivant la fin des
« trente glorieuses » en 1973). L’identité française étant, comme la
République, à la fois unitaire et indivisible, la notion de communauté
ne relève pas de la vie publique mais seulement d’une pratique
privée (voir ci-dessous).

La République (ou les principes républicains) est un terme encore


très fréquemment utilisé dans le débat public national, ce qui peut
paraître étrange pour un régime politique qui a été définitivement (si
l’on excepte la parenthèse de Vichy) proclamé le 4 septembre 1870,
voici plus de cent cinquante ans. Quelle que soit l’importance de la
république dans notre histoire, l’identité nationale française a des
racines beaucoup plus anciennes (voir le chapitre sur la Nation) et
les valeurs propres à la France ne se limitent pas à celles
proclamées depuis 1789. Dans la conception française
contemporaine, le terme république ne désigne pas seulement un
type de régime politique différent de l’aristocratie ou de la monarchie
mais constitue le symbole même de l’unité nationale. Il est devenu le
synonyme à la fois de la démocratie (car le premier régime
politiquement libéral institué durablement en France fut
la IIIe République) et de respect de la liberté individuelle (les
principes proclamés en 1789 n’ont été concrètement mis en œuvre
que par la IIIe République : libertés de la presse en 1881, syndicale
en 1884, d’association en 1901, libre administration des
départements en 1871 et des communes en 1884, laïcité en 1905,
instruction obligatoire, gratuite et laïque en 1882 et 1883…).
D’ailleurs, si l’État français entre 1940 et 1944, prétendit, au travers
de la notion de Révolution nationale, se construire en opposition,
avec ces principes, le préambule constitutionnel de 1946, qui avait
pour objet de rappeler les principes de 1789 et d’énoncer des
principes économiques et sociaux particulièrement nécessaires à
notre temps, mentionne également les principes fondamentaux issus
des lois de la République (auxquelles le Conseil constitutionnel se
réfère depuis 1971 dans sa décision sur la liberté d’association).
Dans cette acception, on désignera comme « républicains » les
partis, les candidats, les idées… mettant en œuvre ces principes
démocratiques considérés comme ciments du pacte social et de
l’unité nationale… et comme « non-républicains » ou « anti-
républicains », ceux qui les refusent ou les contestent et constituent
des séparatismes.
Bien que très utilisés, ces termes restent flous car il n’existe ni
définition ni critères unanimement reconnus. On peut toutefois
considérer que constituent des principes républicains participant de
l’unité nationale et de l’identité française :
– la liberté, l’égalité et la fraternité figurant dans la devise
nationale ;
– l’égalité entre les hommes et les femmes ;
– la dignité de la personne humaine ;
– la laïcité ;
– l’unité de la République et, plus largement, de la Nation (dont on
a vu qu’elle est bien antérieure à 1789) ;
– la liberté d’expression et d’opinion.
La volonté d’unité nationale au travers des principes républicains
repose sur l’affirmation du principe d’égalité, qui apparaît comme
étant cardinal dans notre modèle. La République ne donne pas de
visibilité dans la vie publique aux communautés parce qu’elle
assure, en tout cas dans les principes, l’égalité et la non-
discrimination entre tous les membres de la communauté nationale
sans distinction d’origine. D’ailleurs, le législateur a rappelé
récemment ces valeurs dans le cadre de la lutte contre le
séparatisme (voir ci-dessous). En effet, la loi n° 2021-1109 du
24 août 2021 confortant le respect des principes de la République
avait été conçue à l’origine comme devant permettre la lutte contre
le séparatisme, c’est-à-dire la volonté présumée de certains groupes
minoritaires de ne pas se plier aux règles communes du pacte social
français, et, implicitement, comme devant favoriser le renforcement
de l’unité et de la cohésion nationale par la réaffirmation et le
renforcement des valeurs communes. Pour l’essentiel, ce texte
réaffirme les principes de la laïcité, de la neutralité des services
publics et de l’égalité entre les hommes et les femmes, met en place
un contrat d’engagement républicain relatif au respect par les
associations de ces principes et soumet à un contrôle renforcé et à
des restrictions la possibilité de l’enseignement à domicile pour les
mineurs (voir le chapitre sur l’École). Ce texte se fonde
principalement sur les principes de la République, et non sur les
concepts de Nation ou de Patrie. Il est notable que les discours
politiques comme divers textes normatifs privilégient la référence à
la République, dans une moindre mesure à la Nation (éducation,
service… national) et répugnent à employer le terme Patrie.

Le communautarisme, qui s’oppose à l’identité nationale (voir ci-


dessus), est la volonté de privilégier dans l’organisation sociale
l’appartenance à des groupes particuliers au détriment de l’identité
commune, le particularisme sur la généralité. Cela concerne le plus
souvent les groupes qui sont minoritaires dans la société car on
parlera sinon de communauté ou d’identité nationale. Le
communautarisme a longtemps reposé sur l’identification à diverses
catégories sociales (religieuse, régionale, origine…), auxquelles on
ajoute aujourd’hui l’identité biologique (genre, orientation
sexuelle…).
L’identité française (voir ci-dessous) est conçue d’une manière à
la fois unitaire et indivisible, comme la République. Dès lors, dans la
conception française, si un individu est libre de se définir
personnellement en référence à différentes identités, cela ne peut
concerner que le domaine de la vie privée (pratiquer telle religion,
parler telle langue, s’intéresser à telle culture, manger telle
cuisine…) et en aucun cas la vie publique. Cette dernière ne connaît
que des catégories homogènes, impersonnelles et objectives
(citoyen, usager du service public, prestataire, bénéficiaire,
contractant…). Bref, dans la conception, française, l’appartenance à
une communauté est possible, mais seulement dans le cadre de la
vie intime ou de relations de droit privé. Elle ne confère aucun droit
opposable face à l’État et aux services publics.

Le séparatisme désigne les groupes minoritaires qui privilégient


les principes normatifs internes à leur communauté au détriment du
respect des valeurs communes de la société française et demandent
à l’État et aux personnes publiques de prendre en considération les
conséquences juridiques, politiques et pratiques de cette
appartenance (prise en compte des règles propres à ce groupe par
la puissance publique dans l’exercice de ses missions à l’égard de
ce public, par exemple : interdits ou pratiques alimentaires ; refus de
la mixité ou de l’égalité entre les sexes ; exigence de praticiens
médicaux du même sexe que le patient ; refus de certains soins
médicaux ; priorité donnée aux principes religieux sur ceux de la
République, notamment dans l’enseignement…). La loi précitée du
24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a
été adoptée dans le but de lutter contre le séparatisme, par exemple
à l’école et dans les associations, notamment sportives.
II La question de l’identité locale en France

Selon Alexandre Sanguinetti (1913-1980), ancien ministre


gaulliste : « La France n’est pas une construction naturelle. C’est
une construction politique voulue, pour laquelle le pouvoir central n’a
jamais désarmé. » (Assemblée nationale, 13 décembre 1968). Dans
la suite de ce discours, faisant l’éloge de la centralisation qui, durant
la Monarchie, l’Empire et la République a construit la France, il
observe que si l’Italie ou l’Allemagne ont préexisté en tant que nation
à la mise en place d’un État unificateur en raison d’une langue et
d’une culture commune préalables, tel n’est pas le cas de la Nation
française, dont la construction est le résultat d’ajouts successifs de
territoires d’identités différentes par l’État unitaire indivisible sous
l’égide de principes communs. Fernand Braudel (1902-1985) a
d’ailleurs souligné que, loin de l’image de son unité et de son
indivisibilité, la France s’est d’abord longtemps caractérisée par une
infinité de petits terroirs ayant une identité propre et par des
provinces ayant des identités fortes.
L’affirmation d’une identité locale trop marquée par rapport à
l’appartenance nationale est susceptible de constituer une forme de
communautarisme et de fragiliser l’existence même de l’État, si elle
contribue à mettre en cause, voire à marginaliser les valeurs
communes, comme le montre notamment la situation de l’Espagne,
de la Belgique ou de l’ancienne Tchécoslovaquie.
En France, comme on l’a vu à propos du communautarisme,
l’identité reconnue dans la sphère publique est uniquement nationale
puisque nationalité et citoyenneté, également nationales, se
confondent. Par conséquent, l’identité locale (telle province, région,
département ou commune), relève principalement d’un choix
individuel et de la sphère privée.
Quelle est alors la place de l’identité locale ? L’institution du service
militaire (1872) puis de l’enseignement primaire obligatoires (1881 et
1882), en généralisant l’usage du français et en favorisant une
ouverture au-delà du lieu de naissance de la population, ont
contribué à amoindrir les particularismes locaux au profit d’une
identité nationale marquée après 1870 par les principes républicains
déjà évoqués. S’il existe encore de nombreux particularismes
provinciaux ou municipaux se rattachant à une langue ou un
vocabulaire spécifiques, des expressions, un accent, des pratiques
culturelles spécifiques et un sentiment d’appartenance à un
« terroir », la réalité de la France contemporaine est essentiellement
urbaine. Du fait d’un exode rural commencé lors de la révolution
industrielle au xixe siècle, poursuivi dans la première moitié du xxe (la
majorité de la population française devint urbaine dans les
années 1930) et rapidement amplifié après 1945, aujourd’hui, 90 %
des Français sont citadins (centres-villes, banlieues plus ou moins
éloignées, communes périurbaines et communes « rurbaines »,
c’est-à-dire situées en zone rurale mais à proximité du centre urbain,
accueillant une population d’origine urbaine attirée par un immobilier
attractif et un cadre de vie plus naturel mais recherchant des
services publics et des offres de loisirs comparables à ceux des
centres urbains).
Une identité locale particulière est apparue dans le cadre de cette
urbanisation, celle des « quartiers » dans les banlieues avec parfois
des affrontements entre groupes concurrents pour la maîtrise de tel
espace, conduisant à une véritable fracture territoriale (voir : Jérôme
Fourquet : « L’archipel français », Seuil, 2019 et Laurent Obertone :
« La France orange mécanique », 2015). Il peut aussi exister une
identité puissante liée à une ville, partagée par l’ensemble de la
population, d’origine comme d’implantation plus récente (voir, par
exemple, l’identité marseillaise partagée par les habitants de toutes
origines qui se rassemblent particulièrement autour du sentiment de
la singularité de leur ville et de l’attachement au club de football
local).
Si les départements ruraux, ont encore une réelle identité pour
leurs habitants, ceux situés en zone urbaine ne constituent souvent
plus qu’une infrastructure administrative entre région et
intercommunalité ayant essentiellement un rôle de guichet. Ainsi, le
législateur a-t-il considéré nécessaire de transférer à la Métropole de
Lyon les compétences départementales, le conseil départemental du
Rhône ne conservant la compétence que pour les communes non
métropolitaines. Cela souligne le fait que si l’identité départementale
était encore sensible en dehors de l’aire urbaine lyonnaise, elle l’était
moins dans cette dernière.
Enfin, les régions sont dans une situation plus ambiguë, surtout
après la réduction de leur nombre à 13, car elles sont moins
homogènes en termes d’identité : par exemple, la région Auvergne-
Rhône-Alpes, si elle peut paraître cohérente en termes d’action
économique ou d’aménagement du territoire, n’a aucune identité
historique ou culturelle propre et est constituée de l’agrégation de
provinces diverses (Auvergne, Bourbonnais, Vivarais, Lyonnais,
Dombes, Bresse, Bugey, partie du Dauphiné…). En revanche la
Corse, la Provence-Alpes-Côte d’azur, la Bourgogne-Franche-Comté
(c’est-à-dire duché et comté de Bourgogne, jadis unis puis séparés)
ou la Normandie, par exemple, représentent une certaine continuité
historique et identitaire avec les anciennes provinces qui les
constituent. Au-delà des régions en tant qu’entités administratives
décentralisées, il existe toujours un sentiment d’attachement envers
les anciennes provinces, notamment au travers du maintien des
accents et d’un vocabulaire ou de tournures propres dans l’usage de
la langue française, ainsi que d’un patrimoine historique et naturel.

Les langues régionales constituent l’une des expressions encore


vivaces de l’identité locale en France. Si l’article 3 de la Constitution
du 4 octobre 1958, dispose que la « langue de la République » est le
français, son article 75-1 énonce que les langues régionales
appartiennent au patrimoine de la France. Il résulte de ces
dispositions, ainsi que de la loi Toubon (1994) que le français est la
langue du service public et peut seule être employée dans les
services publics et les administrations, ce qui n’exclut bien sûr pas
un usage privé ou d’ordre culturel. La Convention européenne des
langues régionales et minoritaires adoptée en 1992 par le Conseil de
l’Europe encourage un usage officiel de ces idiomes, mais n’a pas
été ratifiée par la France en raison du caractère unitaire de la
République (Conseil constitutionnel, 1999). La crainte de difficultés
semblables à celles rencontrées par certains pays en matière de
coexistence linguistique (Belgique, Espagne…), explique sans doute
cette position.
Une étude publiée en 2013 par le ministère de la culture indique
que 2,5 millions de personnes parlent le créole, un million les
langues d’oc (occitan, provençal…) et un million les différentes
langues d’oïl (picard, wallon…), 42 % des alsaciens et 45 % des
corses parlent la langue locale de leur territoire, mais avec des
niveaux de maîtrise réelle hétérogènes (peu de personnes sont
effectivement bilingues). Les autres langues locales ont un faible
nombre de locuteurs, qui tend à se réduire encore. En France
métropolitaine 93 % des personnes déclarent ne parler que le
français.
La loi NORe du 7 août 2015 donne compétence à la région de
protéger son identité et de promouvoir, en liaison et dans le respect
des compétences des communes et des départements la protection
des langues régionales, notamment pour développer l’usage de ces
langues, assurer la diversité linguistique et soutenir l’utilisation des
moyens de diffusion et des outils de transmission. Certaines
collectivités territoriales mènent ainsi des politiques volontaristes de
promotion de la langue et de la culture régionale (soutien financier à
l’enseignement, l’édition, l’organisation de manifestations culturelles,
l’ouverture de musées ou expositions, l’identification de certains
lieux, comme les rues ou des lieux-dits, en français et en langue
régionale…), parfois en collaboration avec des collectivités
étrangères appartenant à la même aire linguistique (exemple :
Perpignan et les Pyrénées orientales coopèrent a en la matière avec
Barcelone et la Catalogne).
La loi du 21 mai 2021 sur la protection patrimoniale des langues
régionales complète de dispositif. Elle est relative à la protection et
la promotion du patrimoine immatériel et de la diversité culturelle
dont les langues régionales constituent l’une des expressions. La
langue française et les langues régionales constituent le patrimoine
linguistique de la France (disposition inscrite dans le Code du
patrimoine). Les biens constituant un intérêt majeur pour la
connaissance de ces langues sont érigées en « Trésor national »
(exemple : des manuscrits anciens). Elle prévoit qu’une signalétique
bilingue peut être établie en français et dans la langue régionale
dans les bâtiments publics et dans la communication institutionnelle.

La loi Deixonne (1951), modifiée à plusieurs reprises, met en place


un enseignement facultatif des langues régionales dans
l’enseignement public secondaire. Environ 335 000 élèves (soit 3 %
des effectifs) apprennent une langue régionale durant leurs études et
peuvent présenter cette matière comme option au baccalauréat. Des
modalités particulières existent outre-mer. La loi du 21 mai 2021
précitée permet la généralisation, sur le modèle déjà en vigueur en
Corse, de favoriser le développement d’un enseignement facultatif
des langues régionales sur l’ensemble du territoire français. Elle
oblige les communes de résidence des élèves concernés dans
lesquelles il n’existe pas d’écoles bilingues à contribuer aux frais de
scolarité dans des écoles privées proposant un enseignement
bilingue en français et dans une langue régionale.

Sujet de dissertation : Vous commenterez à la lumière


de la société actuelle la citation suivante : « Qu’est-ce
que le nationalisme ? C’est un patriotisme qui a perdu sa
noblesse et qui est au patriotisme noble et raisonnable,
ce que l’idée fixe est à la conviction normale ». (Albert
Schweitzer, Décadence et renaissance de la culture,
1935)
1. Rappel sur l’auteur
Albert Schweitzer (1875-1965), fut musicologue, organiste,
théologien inspirateur du protestantisme libéral et médecin. Il a
obtenu le prix Nobel de la paix en 1952 pour son œuvre humanitaire
au Gabon.

2. Contexte de la citation
Écrit en 1935, le texte dont est extrait la citation est contemporain à
la fois du développement des régimes totalitaires en Europe et du
développement de la volonté de résolution pacifique des conflits
avec la Société des Nations et des échecs successifs de cette
dernière (guerre d’Éthiopie par l’Italie en 1935, occupation de la
Rhénanie la même année, de l’Autriche et des Sudètes par
l’Allemagne en 1938) la montée du nationalisme en France (6 février
1934, Ligues…). Albert Schweizer étant alsacien et ayant été
successivement alsacien et français, il est particulièrement marqué
par l’affrontement entre France et Allemagne sur la possession de
l’Alsace et de la Lorraine.

3. Définition des termes


Voir dans le corps de la fiche les définitions de nation,
nationalisme, patrie et patriotisme.

4. Analyse
L’auteur, tout en reconnaissant la légitimité du patriotisme, dénonce
les excès du nationalisme. Quand il parle à ce propos d’une « idée
fixe », il le fait sans doute autant en tant que médecin que comme
analyste favorable à la démocratie libérale (voir la question du
régionalisme par rapport à l’unité nationale). On peut rappeler que
les régionalistes français (Frédéric Mistral 1830-1914) et italiens
(Giovanni Verga 1841-1922) défendaient l’idée que l’attachement à
sa province et sa langue régionale (« petite patrie ») étaient tout à
fait compatible avec l’amour de la Nation, (« la grande patrie »). La
construction européenne, à la fois internationale et interrégionale,
marque la prise en compte de cette alternative au nationalisme
comme moyen de garantir une paix de concessions réciproques et
de coopérations. Enfin, il convient de prendre en compte le récent
débat sur le communautarisme et le séparatisme, lié à l’insuffisante
assimilation de populations d’origines étrangères arrivée sur le
territoire français, parfois, ce qui est la marque la plus nette de cet
échec, depuis plusieurs générations.

5. Problématique
S’il est nécessaire de promouvoir l’identité nationale au travers de
la notion de patrie afin que les individus composant la société
puissent disposer de valeurs communes tout en respectant l(identité
propre des divers groupes, son exaspération au travers du
nationalisme est dangereuse et rend nécessaire de protéger
également les valeurs de l’universalisme.

6. Plan
🠶 Introduction :
– Auteur ;
– Contexte historique ;
– Évolution actuelle (le communautarisme et le séparatisme
comme nouvelle forme de nationalisme ; développement de
l’exaltation nationaliste dans de nombreuses parties du monde) ;
– Définitions ;
– Problématique ;
– Annonce.
I. La nécessaire promotion de l’identité nationale au travers du
patriotisme
A. Le patriotisme comme cadre unificateur de la société et élément
fondateur de l’identité nationale (la France, au moins depuis
1792, s’est construite dans le cadre de l’État-nation ; même si le
terme « République » tend à se substituer à celui de Nation dans
le discours politique, la Nation est encore très présente dans le
vocabulaire français : éducation nationale, sociétés nationales,
intérêt national, souveraineté nationale, assemblée nationale…).
B. La prise en compte de la diversité des identités dans la société
française contemporaine dans le respect de l’identité nationale
(identité régionale, communautarisme, religions, question des
discriminations positives et du « volontarisme républicain »
confrontés au mythe du principe d’égalité des citoyens devant la
loi, l’impôt, les charges publiques…).
II. La nécessaire protection de l’universalisme contre le
nationalisme
A. Le nationalisme, exaspération du patriotisme, porte en lui le
risque de la guerre et de l’impérialisme (rappel des deux guerres
mondiales, dont l’auteur fut le contemporain, exemples récents
des guerres ethniques ou de purification ethnique, mouvements
nationalistes extrêmes dans divers pays, la guerre en Ukraine…).
B. La recherche d’une conciliation dans le cadre international entre
l’intérêt individuel des nations et la solidarité (aides au
développement, différentes formes de coopération internationale
dans le cadre d’organisations internationales universelles ou
régionales, promotion de la diversité culturelle, promotion du droit
des minorités, promotion de la construction européenne comme
lieu de réconciliation et de coopération dans le respect des
identités, coopération interrégionale et transfrontalière, identités
et langues locales…).
Chapitre VIII
Religion et laïcité

Bibliographie
• J. Barbeit : « Histoire de la laïcité », PUF ? QSJ, 2021 ;
• A. Bida : « Le génie de la France, le vrai sens de ; la laïcité »,
Albin Michel, 2021 ;
• M. Philip-Gay : « Le droit de la laïcité », Ellipses, 2016 ;
• P. Weil : « De la laïcité en France », Grasset, 2021.

I Définitions

A. Religion
Au singulier, la religion (latin, relier) désigne la verbalisation d’une
transcendance formulée pour témoigner de et expliquer la réalité et
l’organisation du monde, ainsi que l’origine de la vie selon une
dogmatique d’origine divine (Larousse).
Au pluriel, les religions désignent l’ensemble des doctrines
constituant un code de prescriptions que le croyant doit suivre et
proposant une explication du monde et donnant les modalités des
relations entre le Divin et les hommes (Larousse).
Une religion d’État désigne le culte bénéficiant de la protection de
l’État, qui en fait la religion officielle du pays dans le cadre de
relations particulières. L’existence d’une religion d’État n’est pas
incompatible, dans le cadre d’un État libéral, avec la liberté des
fidèles des autres religions de pratiquer leur culte (exemple :
Royaume-Uni). En France, le catholicisme fut religion d’État entre
1814 et 1830, puis religion pratiquée par la majorité des Français
entre 1830 et 1848. Entre 1802 et 1905, dans le cadre du concordat
de 1801 (traité portant sur les questions religieuses signé avec le
Vatican), il existait un service public des cultes relatif au
catholicisme, au protestantisme et au judaïsme, dont les religieux
étaient rémunérés par l’État comme des agents publics. Ce régime a
été supprimé par la loi de 1905 relative à la laïcité (voir ci-dessous).
Toutefois, le régime concordataire est toujours applicable dans les
départements de la Moselle, du Bas-Rhin, du Haut-Rhin, qui étaient
annexés à l’Empire allemand lors de sa suppression pour le reste de
la France.
La croyance religieuse relève de la foi, c’est-à-dire de la conviction
de l’existence d’une réalité supérieure ayant précédé la création du
monde et de l’humanité. La science ne permet ni de prouver ni
d’infirmer l’existence de Dieu. La théorie du Big Bang est relative à la
description des différents modèles de physique relatifs à une
explosion survenue il y a environ 13 milliards d’années et qui serait à
l’origine de l’apparition de l’univers et de son expansion. Toutefois,
cette théorie ne préjuge pas de l’existence d’un éventuel instant
initial à partir duquel tout aurait commencé et ne prétend pas
déterminer le point de commencement du temps ni son origine
(divine ou due à un phénomène physique naturel).

B. Laïcité
Sous l’Ancien-régime, la religion catholique était religion d’État et la
pratique des autres religions était interdite (révocation de l’Édit de
Nantes en 1685 interdisant la pratique du protestantisme), sauf
quelques dérogations (par exemple, lorsque l’Alsace fut rattachée à
la France, les protestants alsaciens eurent la garantie de pouvoir
exercer librement leur culte sur le territoire de la province).
L’article 10 de la Déclaration de 1789 a affirmé que « Nul ne doit
être inquiété pour ses opinions, même religieuses pourvu que leur
manifestation de trouble pas l’ordre public établi par la loi ». Cette
reconnaissance de la liberté religieuse n’a pas fait obstacle à la mise
en place du service-public des cultes entre 1802 et 1905 (voir ci-
dessus), qui conduisait l’État a exercer un certain contrôle sur les
cultes (notamment en matière de nominations) mais donnait à
l’Église catholique un rôle éminent, notamment dans le domaine de
l’enseignement. En 1792, il fut procédé à la laïcisation de l’état-civil.
Après le rétablissement de la république en 1870 diverses mesures
mesures de laïcisation ont été prises (voir ci-dessous)…
Au plan administratif, les cultes, qui ne sont plus un service public,
relèvent du ministère de l’intérieur qui en assure la tutelle.
La laïcité implique la neutralité de l’État en matière religieuse, en
aucun cas l’hostilité envers les religions pratiquées dans le respect
de l’ordre public. Il n’appartient pas à l’État de reconnaître ou non
telle ou telle religion ou d’établir une hiérarchie entre elles car toute
sont, sous cette réserve de l’ordre public, librement praticables. La
notion de « dérive sectaire » permet de sanctionner pénalement tout
culte, tout célébrant ou tout pratiquant, dont le comportement conduit
à la commission d’infractions pénales constituant des abus de
faiblesse sur des personnes fragiles.

II Évolution historique

La séparation entre le temporel et le spirituel a été affirmée


précocement dans la religion chrétienne au travers des propos du
Christ cités par les Évangiles : « Il faut rendre à César ce qui est à
César et à Dieu ce qui est à Dieu »
( Marc 12,17, Matthieu 22,21 et Luc 20,25.) et « Mon royaume n’est
pas de ce monde » (Jean, 18-36), ce qui a été interprété, dans un
premier temps, comme l’affirmation du principe du respect des
autorités légalement établies puis comme la reconnaissance de la
séparation de l’État et de l’église.
En France, sous l’Ancien régime (depuis le baptême de Clovis en
496) il existait une alliance, matérialisée par le sacre, du trône et de
l’autel, c’est-à-dire entre la monarchie et l’Église catholique. Le
souverain a porté d’ailleurs jusqu’à la Restauration le titre de « Roi
très chrétien ». Il était considéré comme étant le représentant de
Dieu sur terre. La religion catholique était la religion d’État, la foi du
roi s’imposant à ses sujets, du moins jusqu’au règne d’Henri IV. Ce
dernier, né catholique mais devenu protestant, accepta de redevenir
catholique afin de suivre la religion de la majorité de ses sujets. Si
l’Édit de Nantes de 1598 a reconnu une liberté de culte limitée aux
protestants après des années de guerre civile (les Guerres de
religion), sa révocation en 1685 a rétabli l’obligation pour l’ensemble
des Français de suivre la religion officielle, au besoin par la force
(« dragonnades » : persécution des protestants par les dragons,
troupes de cavaliers). Il existait quelques exceptions à cette
obligation (liberté religieuse pour les gardes suisses ; garantie du
maintien des droits des protestants en Alsace après la conquête ;
statut particulier des juifs de Bordeaux…).
En 1787, Louis XVI signa l’Édit de tolérance, qui accordait aux
protestants le droit d’exister dans le royaume et de disposer d’un
état civil. Deux ans plus tard, l’article 10 de la Déclaration de 1789
(qui a aujourd’hui valeur constitutionnelle) énonçait que « Nul ne
peut être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que
leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi » et
l’article 11 « la libre communication des pensées et des opinions est
l’un des droits les plus précieux de l’Homme, tout citoyen peut donc
parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette
liberté dans les cas déterminés par la loi. Par la suite, fut adoptée la
constitution civile du clergé (1790), qui réformait profondément
l’église et la soumettait au contrôle du pouvoir séculier (notamment
en matière de nominations), ce qui suscita de nombreux troubles. En
1791, l’état-civil a été laïcisé et confié aux mairies. Après la période
de la Terreur (1793 et 1794), durant laquelle, d’une part une politique
de persécution des chrétiens fut menée et d’autre part fut institué le
culte officiel de l’« Être suprême », une tentative de normalisation
des relations entre l’État et les chrétiens fut entreprise. Bonaparte
négocia en 1801 avec le Vatican un concordat (traité international)
destiné à rétablir la paix religieuse et entré en vigueur en 1802. Ce
texte, qui s’est appliqué jusqu’en 1905, est encore applicable dans
les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, qui en
avait conservés l’usage après l’annexion à l’Empire allemand et en
ont obtenu le maintien après leur retour à la France (voir ci-
dessous). Le concordat de 1802 instituait un service public des
cultes (placé sous la tutelle du ministre de l’Intérieur) au profit des
églises catholique, luthérien et calviniste. Les ministres du culte
étaient rémunérés par l’État en tant qu’agents publics et étaient
soumis à un double contrôle, par le préfet et par leur propre
hiérarchie. Les autres cultes pouvaient être librement exercés dans
les conditions précitées de la déclaration de 1789 mais sans être
rémunérés par l’État. Le régime concordataire fut étendu au
judaïsme en 1808.
Entre 1814 et 1830, le catholicisme est religion d’État (entre 1830
et 1848, religion de la majorité des Français). Par une ordonnance
de 1828 le Code pénal a réprimé le blasphème et le sacrilège dans
les églises. Cette législation a été abolie en 1830.
Sous la IIIe République, diverses réformes menées dans le but de
mettre en application les principes théoriques de la déclaration de
1789 ont provoqué de graves tensions avec l’église catholique
(laïcisation de l’enseignement primaire en 1881 ; laïcisation des
cimetières en 1884 ; mesures diverses en faveur de l’enseignement
public et contre l’enseignement privé, essentiellement catholique,
interdiction et expulsion des congrégations religieuses enseignantes
en 1904 ; loi de séparation entre l’État et les églises en 1905, rupture
des relations diplomatiques avec le Vatican en 1905, rétablies en
1920…).
La loi du 9 décembre 1905 relative à la séparation de l’État et des
églises, encore en application de nos jours, contient l’affirmation du
principe de la laïcité de l’État telle qu’elle est encore pratiquée dans
notre pays et fait l’objet d’un large consensus. On évoque
périodiquement la possibilité de la modifier amplement afin de tenir
compte de l’évolution sociologique de la France depuis 1905
(sécularisation de la société et apparition et développement de
cultes pas ou peu présents à l’époque). Elle a supprimé le service
public des cultes (fin de la rémunération des religieux) et a institué le
principe de la neutralité de l’État en matière religieuse (retrait des
crucifix des bâtiments publics). Conformément aux principes de
l’article 10 de la déclaration de 1789, la pratique religieuse est libre,
sous réserve de respecter l’ordre public. Elle a été complétée par
une loi du 2 janvier 1907 relative aux modalités de l’exercice public
des cultes.
Si la loi de 1905 a été combattue par les catholiques lors de son
adoption, elle est définitivement acceptée. Outre les vertus
apaisantes du temps qui passe qui normalise ce qui avait d’abord
été perçu comme un objet de scandale, il apparaît que si la loi de
1905 a privé les religions concordataires du soutien financier des
collectivités publiques, elle les a libérées de la tutelle que l’État
exerçait sur elles au travers du service public des cultes, tout en leur
permettant de jouir gratuitement des bâtiments cultuels (voir ci-
dessous).
Alors que la question de la laïcité semblait s’apaiser, notamment en
matière de rapports entre l’enseignement public et l’enseignement
privé (voir le chapitre sur l’école et le système éducatif), elle a
rebondi à propos de l’Islam depuis les années 1990 (questions des
prescriptions alimentaires d’origine religieuse, des signes religieux
ostensibles, du voile intégral, du burkini…).
Enfin, malgré l’affirmation de la laïcité, la République poursuit la
politique, initiée sous l’Ancien régime, de protection des
communautés chrétiennes du Proche et du Moyen Orient (Liban,
Syrie…) par la France.
III État actuel de la question

A. Aspects généraux
L’alinéa 13 du préambule constitutionnel de 1946 dispose que
« L’organisation d’un enseignement public et gratuit à tous les
degrés est un devoir de l’État ». Il résulte de l’article 1er de la
Constitution de 1958 que « La France est une République laïque […
s] et assure l’égalité des citoyens sans distinction d’origine, de race
ou de religion »). Le préambule de la Constitution du 27 octobre
1946 affirme que « nul ne peut être lésé, dans son travail ou son
emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses
croyances ». Il est périodiquement projeté de compléter le
préambule constitutionnel avec un texte spécifique sur la laïcité sous
forme d’une charte, sans que cette intention aboutisse
concrètement. Par ailleurs, divers ministères, comme l’Éducation
nationale ou la Santé, ont adopté en interne une charte relative à la
laïcité rappelant les points principaux applicables à leur domaine
d’action. La liberté religieuse est également garantie par l’article 9 de
la convention européenne des droits de l’Homme (« Toute personne
a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion »). Le
principe de neutralité est conforté par la CEDH (15 février 2001,
Mme Dahlab c/Suisse). En 2021, 51 % des Français déclarent ne
pas croire en Dieu. Pourtant, en 2019, 56 % des Français se
déclarent catholiques (90 % en 1900 ; 87 % en 1972 ; 65 % en
2010), 32 % sans religion, 8 % musulmans et 0,73 % juif). La France
apparaît comme étant une société très sécularisée et laïque dans
laquelle le sentiment d’appartenance religieuse peut être davantage
identitaire (rattachement à des valeurs et traditions) que cultuel
(adhésion à un corpus dogmatique au travers de la théologie et
participation régulière aux cérémonies).
Selon le ministère de l’Intérieur, il y a eu, en 2020, environ
1800 actes de violence contre des lieux de cultes ou des croyants :
1052 catholiques, 687 juifs et 154 musulmans, ce qui est très
préoccupant quant à l’augmentation de la violence et sur le non-
respect à l’égard de la liberté religieuse et témoigne d’un
raidissement de la société française en la matière. Ces chiffres
soulignent par ailleurs que les chrétiens subissent en France un
nombre nettement plus important d’attaques que les autres cultes.
Notamment à l’occasion des grandes cérémonies, l’État est amené à
mettre en place une protection des lieux de culte.
On oppose parfois, dans les débats publics, une laïcité « ouverte »
(mettant en œuvre des accommodements raisonnables entre les
principes de la loi de 1905 et les exigences de certains cultes, par
exemple en matière de jours de repos rituels ou de prescriptions
alimentaires) et une laïcité « fermée » (ou « laïcarde », conduisant à
une application stricte de la loi). Toutefois, depuis 1905, la loi sur la
séparation de l’État et des églises, a le plus souvent fait l’objet d’une
application nuancée de la part des pouvoirs publics, sous le contrôle
du juge administratif, qui veille à limiter les excès de zèle des
autorités publiques (voir ci-dessous).
La séparation de l’État et des églises ne signifie pas ignorance des
religions de la part des acteurs publics mais seulement neutralité.
Ainsi, l’État entretient des relations institutionnelles avec des
structures représentatives des différents cultes (voir ci-dessous la
question des aumôneries), telles que la Conférence nationale des
évêques de France, la Fédération protestante de France et le
Consistoire israélite de France, qui disposent à la fois d’une
représentation centrale à Paris et de délégations en province et sont
les interlocuteurs des pouvoirs publics, en ce qui concerne les cultes
ex-concordataires. Pour l’islam, qui n’est pas un culte
institutionnalisé, l’interlocuteur principal des pouvoirs publics fut
longtemps la mosquée de Paris. En 2003, un organe représentatif, le
Conseil français du culte musulman, a été créé à l’initiative de l’État
et de certaines associations mais sans rencontrer l’adhésion de tous
les fidèles en raison de concurrences internes.

B. Statut des lieux de culte


Les personnes publiques ne peuvent ni financer, ni subventionner
les activités religieuses. Toutefois, les communes ont l’obligation de
mettre gratuitement à disposition des fidèles des trois anciens cultes
concordataires (catholicisme, protestantisme, judaïsme) les lieux de
cultes dont elles sont propriétaires et d’effectuer les travaux liés à la
sécurité du bâtiment et à son ouverture au public. Ce régime ne
s’applique qu’aux bâtiments construits avant 1905 et concerne
essentiellement les Églises catholiques (les cathédrales sont
propriété de l’État). En revanche, ce sont les fidèles, rassemblés au
sein d’une association cultuelle affectataire du bâtiment (régime
particulier institué en 1905 et différent des associations de la loi de
1901), qui doivent assumer les dépenses relatives au culte
(chauffage et électricité durant les offices, achats nécessaires pour
le culte…). Le Conseil d’État a jugé qu’une collectivité territoriale
peut participer au financement d’un bien destiné à être un lieu de
culte si cette opération est encadrée par une convention et qu’elle
correspond à un intérêt local (CE, 19 juillet 2011, Commune de
Trélazé).
Les bâtiments de culte édifiés après 1905 par les trois anciens
cultes concordataires et les bâtiments utilisés par tous les autres
cultes (orthodoxie, évangélisme, islam…), ne peuvent pas être la
propriété d’une personne publique du fait du régime de séparation.
Ils sont gérés par l’association cultuelle concernée, propriétaire ou
locataire de l’édifice.
La construction de nouveaux lieux de culte ne peut être ni financée
ni subventionnée par une personne publique. Elle relève des règles
générales d’urbanisme (permis de construire).
Depuis le xixe siècle, était tolérée la création de carrés
confessionnels (espaces réservés aux membres d’une même
religion dans une partie spécifique du cimetière), pratique qui a été
légalisée par la loi du 19 février 2008.
Le Conseil d’État (CE, référé, 18 mai 2020) a jugé que le caractère
particulièrement fondamental de la liberté religieuse s’oppose à ce
que le gouvernement puisse prendre une mesure générale et
absolue d’interdiction d’accès des fidèles au lieu de cultes et le
contraint à adopter des mesures proportionnées en fonction des
impératifs sanitaires. Actuellement, aucune jauge ne s’applique pour
se rendre dans un lieu de culte pour un objet religieux (célébrations
diverses). En revanche, une jauge a été appliqué pour un usage
profane (concert, exposition, conférence…).
Le ministère de l’intérieur peut fermer les lieux de cultes ne
respectant pas l’ordre public, la sécurité publique ou la salubrité
publique.

C. Cultes et associations
D’une part, la loi de 1905 a créé des associations cultuelles, c’est-
à-dire dont l’objet exclusif est la gestion matérielle d’un culte, qui
relèvent d’un régime juridique différent de celui des associations de
1901 et sont placées sous un contrôle plus strict de l’État,
notamment au plan financier et comptable avec certification des
comptes. Elles ne peuvent être, ni financées, ni subventionnées par
des personnes publiques. Elles ont l’obligation de se déclarer au
préfet tous les cinq ans. Elles sont affectataires des édifices de
cultes relevant des anciens cultes concordataires mis à leur
disposition par les mairies et assurent la gestion des bâtiments
construits après 1905. Le statut d’association loi de 1905 peut
également être appliqué pour la gestion des édifices affectés à des
cultes non concordataires dont ces associations sont propriétaires
ou locataires (voir ci-dessus), mais beaucoup de bâtiments sont en
fait gérés par des associations loi de 1901 (exemple : 90 % des
mosquées sont gérées par une association loi de 1901) Toutefois, le
Conseil d’État (CE, 19 juillet 2011, Mme V.), a jugé que le législateur
peut déroger par une loi particulière à l’interdiction de toute
contribution financière à la construction de nouveaux édifices
cultuels et autoriser une collectivité territoriale à mettre un terrain lui
appartenant à la disposition d’une association cultuelle pour
l’édification d’un lieu de culte dans le cadre d’un bail emphytéotique
administratif, moyennant le paiement d’une redevance modeste et
sous réserve de l’intégration du bâtiment dans le patrimoine de la
collectivité à l’échéance du bail.
D’autre part, pour les questions autres que la gestion matérielle
d’un culte, des associations de la loi de 1901 peuvent avoir un objet
religieux (réunir les fidèles de telle religion, organiser des
conférences, des lectures ou des séminaires portant sur l’étude de
textes…) ou un objet culturel en lien avec une religion (actions dans
le domaine de l’art, de l’histoire, de l’étude de telle civilisation, cours
de langue, expositions, conférences…). Les personnes publiques
peuvent par contre librement subventionner de telles associations de
la loi 1901. Il arrive d’ailleurs parfois que la construction d’un
nouveau lieu de culte soit réalisée sur deux terrains, appartenant l’un
à une association cultuelle de la loi de 1905 ne bénéficiant d’aucune
subvention et finançant la construction, sur ses propres deniers, au
travers de dons ou de prêts, de bâtiments destinés aux cultes (salles
de prières, bureau des célébrants…), l’autre à une association de la
loi de 1901, pouvant bénéficier de subventions, finançant la
construction de bâtiments n’ayant pas de caractère cultuel
(bibliothèque, centre culturel, salle de conférences, lieu de
restauration…).
À noter que la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 relative à la lutte
contre le séparatisme étend aux associations de la loi de 1901 ayant
un objet religieux les obligations pesant en matière financière et
comptable sur les associations cultuelles de la loi de 1905. En
particulier, la comptabilité doit permettre de distinguer les activités
religieuses des autres objets associatifs. Le préfet peut demander à
une telle association loi de 1901 de se transformer en association loi
de 1905. Les dons supérieurs à 10 000 euros en provenance de
l’étranger doivent être déclarés.
Le ministère de l’intérieur peut procéder à la dissolution d’une
association (de la loi de 1901 ou de celle de 1905) si ses activités ne
respectent pas les principes de la loi de 1905 ou menacent l’ordre
public, la santé publique ou la salubrité publique.
D. La laïcité dans les services publics et la fonction
publique
1. Concernant l’administration
Les personnes publiques ne peuvent financer ni subventionner
aucun culte. Par ailleurs, elles sont soumises à la neutralité en
matière religieuse. Ainsi, il ne peut figurer aucun signe religieux dans
les bâtiments publics. À la suite de la loi de 1905, les crucifix furent
retirés des édifices publics, notamment des mairies et des prétoires.
Toutefois, certains étaient demeurés en place, ce qui a nourri un
contentieux en la matière presque un siècle après l’adoption de ce
principe (CAA Nantes, 4 février 1999, Assoc. civique Joué
Langueurs).
Il a été jugé que l’attribution, par une commune d’une subvention
pour installer un ascenseur facilitant l’accès des handicapés à un
monument religieux est légale dans la mesure où cet équipement
bénéficie à la fois aux fidèles et aux touristes et que participant au
rayonnement touristique et économique de la collectivité, cela
représente bien un intérêt local CE, 19 juillet 2011, Fédération de la
libre-pensée et de l’action sociale du Rhône et M. P).
L’installation d’une crèche de Noël dans un bâtiment public n’est
pas illégale à condition qu’elle présente un caractère temporaire,
qu’elle ne donne lieu à aucun prosélytisme et qu’elle présente le
caractère d’une manifestation culturelle ou festive, c’est-à-dire non
cultuelle (CE, Ordonnance du 9 novembre 2016). En effet, une
crèche peut avoir soit une signification religieuse (célébration par les
chrétiens de la naissance du Christ), soit une signification profane
(tradition culturelle et identitaire de certaines régions ou de certains
pays). Toutefois, le principe de neutralité prohibe l’installation d’une
crèche dans un bâtiment public abritant un service public sauf s’il
s’agit d’un usage local établi (TA Lyon, 5 octobre 2017 et CAA
Nantes, 6 octobre 2017). Par contre, dans d’autres emplacements
publics (voies, places, jardins publics…) une crèche de Noël peut
être librement installée à l’occasion des fêtes de fin d’année à
condition que cela ne constitue pas une manifestation de
prosélytisme (CE, Ordonnance du 9 novembre 2016 précitée).
Paradoxalement, l’installation de sapins de Noël (sous la forme d’un
arbre véritable ou d’une représentation quelconque) ou de figures du
Père Noël par les collectivités publiques sont totalement libres et ne
semblent pas méconnaître la laïcité bien qu’elles soient à l’origine
des symboles religieux. En effet, l’arbre de Noël, toujours vert au
cœur de l’hiver, symbolisait dans les religions préchrétiennes
germaniques et scandinaves, la vie qui continue et l’espérance de la
renaissance de la nature au printemps. Quant au personnage du
Père Noël, avant de devenir au xxe siècle, un symbole de la société
de consommation, il fut la représentation du dieu nordique Heimdall
(par ailleurs, chez les chrétiens, Saint-Nicolas représente une figure
assez semblable).
Par une ordonnance du 28 août 2016, le Conseil d’État a jugé que
l’interdiction par un maire du port en public d’un burkini (maillot de
bain couvrant la tête, le torse et une partie des membres porté par
certaines musulmanes pratiquantes pour motif religieux) sur une
plage porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté
de conscience, à la liberté personnelle et à la liberté d’aller et de
venir sauf à établir l’existence d’un risque d’atteinte à l’ordre public
(exemple d’atteinte à l’ordre public justifiant un tel arrêté ; selon la
CAA de Marseille, 3 juillet 2017, Commune de Sisco, est légale au
regard de l’objectif de protection de l’ordre public la décision d’un
maire interdisant le port du burkini quelques jours après une violente
altercation sur une plage entre plusieurs familles, dont certains
membres portaient un hijab ou une burka et des habitants de la
commune ayant nécessité l’envoi d’une centaine de membres des
forces de l’ordre avec un bilan de cinq personnes hospitalisées et de
trois véhicules incendiés).
La question de la réservation de créneaux horaires à des groupes
pour l’accès à une piscine publique est complexe. S’il est fréquent
que des horaires soient banalisés au profit de groupes scolaires ou
d’associations sportives, l’extension de cette possibilité à des
groupes qui, sous couvert d’une activité associative ordinaire,
veulent obtenir la privatisation d’un équipement public (accès séparé
pour les hommes et les femmes) pour des motifs religieux, a nourri
de nombreuses polémiques. En pratique, il ne semble pas exister de
règles claires en la matière, les autorités publiques concernées
agissant en fonction de l’opinion publique locale (Ainsi, Le Figaro du
11 juin 2003, a cité le cas de plusieurs communes ayant accepté de
réserver des horaires exclusivement aux femmes à la demande
d’associations religieuses, dont certaines ont ensuite retiré cette
autorisation).
Les personnes publiques peuvent réglementer les manifestations
religieuses dans l’espace public, comme d’ailleurs n’importe quelle
autre manifestation, pour assurer l’ordre public et la salubrité
publique mais dans le respect de la liberté de conscience et du
principe de proportionnalité. Diverses manifestations de nature
cultuelle telles que les processions, sonneries de cloches,
célébrations en plein air, funérailles, abattages rituels d’animaux…
peuvent être réglementés mais pas être interdits, sauf en cas de
risque pour l’ordre public et si aucune autre mesure n’est
envisageable. Les prières de rue ne peuvent avoir lieu que si elles
sont préalablement autorisées, comme c’est le cas pour les chemins
de croix ou les processions, et leur organisation ne doit pas porter
atteinte à la liberté de circulation, sauf dans un lieu ou un parcours
préalablement banalisé par l’autorité publique pour l’occasion.
Une loi de 2011 a prohibé le port de vêtements dissimulant
intégralement le visage, notamment à l’occasion de manifestations
afin d’empêcher les auteurs de violences d’échapper à l’identification
par les forces de l’ordre, mais aussi pour lutter contre le port du voile
intégral sur la voie publique. Son effet a été relativisé par l’obligation
de porter un masque à l’extérieur à l’occasion de la crise du Covid
19. Par contre, le port d’un foulard couvrant les cheveux et non le
visage est légal sur la voie publique. Selon un récent sondage, 61 %
des français sont favorables à l’interdiction du port de voile dans
l’espace public (C. News, 2022).
Une commune peut, pour assurer la santé et la salubrité publiques
et sous réserve que le bâtiment soit utilisé dans le respect du
principe de neutralité à l’égard des cultes et de manière payante,
aménager un espace destiné à l’abattage rituel d’animaux (CE,
19 juillet 2011 Communauté urbaine du Mans).
Le fait de proposer des menus alternatifs sans porc dans une
cantine pour respecter les prescriptions alimentaires de telle religion
n’est ni une obligation, ni contraire à la laïcité (CE 11 décembre
2020, Commune de Chalon-sur-Saône).
Une Charte de la laïcité a été adoptée à l’usage des agents publics
à partir d’un projet du haut conseil à l’intégration. Certaines
administrations (Santé, Éducation nationale…) ont adopté en
interne, sous forme de chartes, des textes relatifs au respect de la
laïcité dans le cadre du service public.
Des aumôneries des principaux cultes sont présentes dans
diverses administrations (armées, hôpital, prisons…). Clercs ou
laïcs, les aumôniers sont nommés et rémunérés par l’administration
dans laquelle ils sont affectés, sous réserve d’avoir été agréés au
plan religieux par les institutions du culte qu’ils représentent. À titre
d’exemple, il y a environ 280 aumôniers d’active ou de réserve dans
les armées, dont 186 catholiques.
Le repos hebdomadaire de milieu de semaine (le jeudi entre 1882
et 1972 puis le mercredi depuis cette date), pour les élèves du
système scolaire, public comme privé, est notamment destiné à
laisser, si les familles le souhaitent, le temps nécessaire au suivi
d’une instruction religieuse par les enfants.

2. Concernant les agents publics


Comme tous les Français, fonctionnaires et agents publics voient
leur liberté de conscience garantie et bénéficient de la liberté de
croyance et d’expression. Aucune discrimination fondée sur la
religion ou l’opinion ne peut être mise en œuvre, que ce soit en
matière de recrutement ou de promotion. Toutefois, si un agent est
libre de ses opinions, notamment religieuses, philosophiques ou
politiques, il ne peut les manifester que dans le cadre de sa vie
privée et non pendant son service. En effet, la neutralité en matière
religieuse imposée à l’État par la loi de 1905, s’étend à ses agents (il
existe une jurisprudence ancienne et abondante, exemples : CE
3 mai 1950 Demoiselle Jamet ; CE 28 avril 1958 Demoiselle Weiss).
Par exemple, les agents ne peuvent porter de signes religieux,
même lorsqu’ils n’ont aucun contact avec le public (CE, avis,
3 mai 2000, Melle Marteaux, à propos du port du voile islamique
dans le service). En matière de congé, il est possible pour un agent
public de bénéficier d’un jour de congé correspondant à une
célébration rituelle de sa religion (CE, 12 février 1997, Melle Henny)
mais l’administration n’est jamais tenue de faire droit à cette
demande et peut s’y opposer si la bonne organisation du service
l’exige (nombre insuffisant d’agents disponibles sur le tableau de
service). Ce jour est déduit des congés légaux auxquels a droit le
fonctionnaire. Comme les jours fériés en France sont, pour la
plupart, liés à des fêtes chrétiennes, il a été parfois envisagé de
rajouter des jours de célébrations d’autres cultes mais cela n’a
jamais été mis en œuvre.
De même, un agent public ne peut pas exiger des aménagements
de temps pendant son service pour effectuer des prières pour des
rites liés à son culte.

3. Concernant le service public de l’audiovisuel


À la radio depuis les années 1920 et à la télévision depuis 1949, le
service public de l’audiovisuel diffuse des émissions religieuses
relatives aux principaux cultes pratiqués en France, ainsi que
certaines cérémonies religieuses. Le contenu et le format de ces
émissions sont approuvés par les institutions représentatives des
cultes concernés, qui en assurent la préparation et la réalisation. Le
régime actuel de cette diffusion est défini par la loi du 30 septembre
1986. Bien que ce régime aménage à la fois le principe de laïcité et
celui de neutralité des services publics, il est conforme à la
constitution car il permet de garantir le pluralisme (CC, n° 86-217,
18 septembre 1986). Ce droit d’accès à l’antenne étant relatif aux
religions (voir la définition), les autres formes d’opinion ou de
croyance, dont l’athéisme, ne peuvent pas en être bénéficiaires (CE,
1er octobre 1980, Union des athées). Cependant, une pétition a été
lancée en faveur de la diffusion d’émissions prônant de l’athéisme
(février 2021).

E. Régimes particuliers
D’une part, pour les raisons déjà mentionnées, les départements
de la Moselle du Bas et du Haut Rhin conservent le régime juridique
du concordat. Les ministres des trois cultes concordataires et leurs
collaborateurs sont rémunérés par l’État et les communes assurent
la charge des bâtiments voués au culte. Les évêques sont nommés
par le président de la République après consultation du Vatican. Les
associations de fidèles sont soumises au droit local des associations
(inspiré du droit allemand) et non aux lois de 1905 ou de 1901. Par
exception des principes déjà évoqués, les personnes publiques
peuvent installer une crèche de Noël à leur siège (voir ci-dessus) et
organiser la célébration de Saint-Nicolas. La formation des ministres
du culte est assurée par l’État dans des facultés publiques de
théologie à l’Université de Strasbourg. Par ailleurs, un enseignement
religieux figure au programme des écoles publiques (les parents
peuvent demander une dispense). Le vendredi saint est
officiellement chômé dans les trois départements mais pas dans le
reste de la France ainsi que le 26 décembre (Saint-Étienne). Il est
envisagé de revenir sur ces deux jours chômés pour les
fonctionnaires afin d’aligner le nombre annuel d’heures travaillées
sur celui du reste de la France en application de la loi du 6 août
2019. Les religions non concordataires ne bénéficient pas de ces
dispositions. Le Conseil constitutionnel (n° 2011-157 QPC, 5 août
2011, Société Somodia) a qualifié le droit local alsacien et mosellan
de principe fondamental permettant de déroger au principe
constitutionnel d’égalité.
D’autre part, même si la loi de 1905 est applicable dans la plupart
des régions d’outre-mer, certains territoires disposent d’un statut
spécifique en matière de laïcité. Par exemple, la loi de 1905 n’étant
pas applicable en Guyane, le conseil départemental rémunère le
clergé catholique, ce qui a été jugé conforme à la Constitution par le
Conseil constitutionnel (n° 2017-633, 2 juin 2017, Conseil
départemental de Guyane). De même, le conseil départemental de
Mayotte finance la rémunération du personnel religieux des divers
cultes ainsi que certaines activités religieuses (notamment les
pèlerinages, eu égard au surcoût dû à l’éloignement).

F. La question religieuse dans le secteur privé


Dans le cadre de la loi de 1905, la laïcité ne s’impose qu’aux
personnes publiques ou aux personnes privées participant à une
mission de service public. Les entreprises ne sont pas soumises au
principe de neutralité. L’employeur ne peut pas limiter la liberté
religieuse des salariés, sauf si cela apparaît nécessaire au bon
fonctionnement de l’entreprise (exemple : obligation de vêtir un
uniforme ou de respecter un dress code durant les heures de travail,
ce qui interdit le port de vêtements religieux ou, d’ailleurs, de tenues
trop fantaisistes ou audacieuses) ou pour assurer la sécurité et
l’hygiène (exemple : obligation de porter une tenue spéciale adaptée
pour effectuer certains travaux ou pour manipuler certaines
matières). Toutefois, l’article L. 1321-1 du Code du travail laisse à
l’employeur la possibilité d’inscrire dans le règlement intérieur de
l’entreprise ou dans une note de service une clause de neutralité
interdisant aux salariés qui sont en contact avec la clientèle de
porter de manière visible sur le lieu de travail ou dans le cadre de
leur activité à l’extérieur, tout signe politique, philosophique ou
religieux. Une telle obligation est inopposable aux salariés en
l’absence d’un tel document ou d’une telle mention. Elle ne peut pas
être imposée aux salariés n’ayant pas de contact avec la clientèle.
Par ailleurs, il est aussi possible à l’entreprise, à l’occasion de
négociations avec les organisations syndicales dans le cadre des
instances représentatives, de négocier la rédaction d’une charte ou
un guide interne de bonnes pratiques portant sur la laïcité et la
diversité au travail.
Il peut aussi être tenu compte de l’activité de la structure de droit
privé en cause, et notamment du public auquel elle s’adresse. Ainsi,
a été reconnu le droit pour une crèche fonctionnant en milieu
multiculturel, eu égard à la présence d’enfants d’origines diverses et
du fait du nombre réduit d’intervenants, de licencier pour faute grave
une employée refusant de retirer un signe religieux visible durant ses
heures de travail (C. Cass, Ass. plen. Baby Loup, 25 juin 2015).

G. Laïcité et organisation de l’enseignement en France


Bien qu’il existe des référents sur la laïcité dans les rectorats, que
les questions de laïcité soient visées dans le règlement intérieur des
établissements et qu’il existe une charte de la laïcité dans
l’éducation nationale, 40 % des lycéens (dont 65 % des lycéens
musulmans) estiment que les préceptes de leur religion sont plus
importants que les lois de la République. Par ailleurs, 50 % des
élèves interrogés, affirment avoir été confrontés dans le cadre de
leur établissement scolaire à des exigences religieuses de la part de
camarades (IFOP, 2021). Tout cela témoigne d’un échec collectif des
différents acteurs en la matière.
La loi du 15 mars 2004, adoptées après de longs débats et pour
clore une polémique ayant commencé en 1989 à la suite de la
décision de collégiennes de venir voilées dans un collège, prohibe le
port de signes religieux ostensibles dans le cadre du service public
d’enseignement primaire et secondaire. Elle s’applique aux élèves et
au personnel (enseignant et administratif) car les agents de
l’éducation nationale, comme tous les fonctionnaires sont soumis au
principe de neutralité qui leur interdit toute manifestation d’opinions,
notamment religieuses, dans l’exercice de leurs fonctions. Par
contre, cette obligation ne s’impose, ni aux personnes en visite dans
l’établissement, ni aux parents qui accompagnent des sorties
scolaires. Ces derniers sont considérés par le juge administratif
comme étant des usagers et non des agents bénévoles du service
public et peuvent donc porter un vêtement religieux en présence des
élèves (avis du Conseil d’État, 23 décembre 2013). Toutefois,
l’autorité administrative (chef d’établissement), peut, au cas par cas,
décider de restreindre leur présence à l’occasion de sorties scolaires
(circulaire Chatel de 2012 et avis précité). En 2019, le ministre de
l’éducation nationale a rappelé que l’accompagnement de sorties
scolaires par des mères voilées n’est pas interdit par la loi mais que
l’administration souhaite que de telles situations soient le plus
possible évitées, ce qui traduit un embarras face à des
considérations contradictoires.
Sur les autres aspects de ce thème, voir le chapitre l’école et le
système éducatif en France.

H. Actualité récente en matière de laïcité


1. Notion de blasphème
Le blasphème se distingue du sacrilège : le premier est en paroles
(insulter Dieu ou son représentant) alors que le second est en actes
(profaner un lieu ou un objet sacré). Dans les deux cas, il s’agit d’un
outrage envers la divinité, la religion ou, de manière générale, contre
ce qui apparaît comme étant sacré (Larousse).
Le dogme est la doctrine énonçant les principes fondamentaux
d’une religion, considérés par les croyants comme étant
incontestables (Larousse), même s’ils ne peuvent pas être prouvés.
Le blasphème est constitué par la contestation du dogme, c’est-à-
dire par l’expression libre d’une opinion allant à l’encontre des
principes religieux. Le concept de la liberté religieuse, tel qu’il est
protégé par l’article 10 de la Déclaration de 1789, implique que le
dogme religieux relève de la foi personnelle du croyant mais que ce
dernier ne peut pas en imposer le respect à autrui. Autrement dit, un
croyant de quelque religion que ce soit, est tout à fait libre d’adhérer
au dogme, d’en suivre tous les préceptes (sous réserve toutefois du
respect de l’ordre public, de la santé publique et de la salubrité
publique) dans le cours de sa vie privée (respect d’obligations
alimentaires, nombre et forme des prières ou des actes de dévotion,
lecture de textes, participation à des cérémonies cultuelles…) mais
pas dans la vie publique. Concrètement, le non-respect du dogme
relève de la liberté d’expression et de la liberté d’opinion garanties
depuis 1789 et ne peut pas, contrairement à ce qui est parfois
demandé par des représentant de divers cultes, être sanctionné
pénalement par l’État. Le blasphème ne constitue en aucun cas une
infraction pénale relevant de la protection de l’ordre public par l’État
mais relève de la foi de chaque fidèle. Il ne peut éventuellement
donner lieu qu’à une sanction prise en interne par l’autorité
religieuse, dans le respect de l’ordre public, pour contestation du
dogme (exemple : excommunication), à l’exclusion de toute autre.

2. Débat sur la liberté d’expression


Le débat sur la liberté d’expression et le droit à la caricature est
ancien et ne concerne pas que la question de l’islam car, depuis
la IIIe République, de nombreuses carricatures anticléricales ou se
moquant des dogmes catholiques ont été publiées dans la presse
française. Bien que la société française soit globalement très
attachée à la liberté d’expression et se soit sécularisée, certains
dessins de presse ou films ont suscité des critiques ou des
manifestations (exemples : La dernière tentation du Christ, 1988 ou
le roman puis film Da Vinci code, 2003). Il a toujours été affirmé en
France que la liberté d’expression, qui ne peut être limitée que pour
les motifs prévus par la loi et liés à la répression d’infractions
pénales (diffamation, insultes, propagation de fausses nouvelles…),
comporte le droit de choquer et qu’elle ne peut pas être limitée au
nom des principes ou dogmes de telle religion. Par ailleurs, la
caricature comporte le droit de forcer le trait par la dérision et
l’outrance car une telle œuvre graphique ne prétend pas représenter
la réalité mais invite à réfléchir.
Par leur dimension violente, tragique et traumatisante, l’attentat
contre le journal Charlie Hebdo en 2015 à la suite de la publication
de caricatures représentant le prophète Mahomet puis l’assassinat
en 2020 de Samuel Paty, un professeur qui avait montré ces
caricatures en classe dans le cadre d’un cours sur la liberté
d’expression ont relancé, mais non créé, le débat sur la liberté
d’expression qui est aussi ancien que la liberté de la presse. Par
ailleurs, en 2020, une discussion sur les réseaux sociaux entre
une adolescente mineure, Mila, et un internaute dont elle a refusé
les avances et qui l’a accusée de racisme, a rapidement dégénéré
en des échanges d’insultes diverses de part et d’autre, l’une
critiquant l’islam de manière très virulente, l’autre tenant des propos
homophobes. À la suite de la diffusion de la vidéo, Mila a été l’objet
de milliers de messages homophobes et misogynes, ainsi que
d’appels au meurtre et au viol de la part d’internautes se déclarant
choqués par ses propos sur l’islam. Placée sous protection policière,
elle a été déscolarisée et obligée de se cacher. Bien que certains
des auteurs aient été condamnés en justice, Mila a fait l’objet de
nouvelles menaces qui ont donné lieu à de nouvelles poursuites.
Dans ces deux affaires, l’ensemble des forces de la nation a
heureusement et unanimement défendu le principe et la primauté
absolue de la liberté d’expression sur tout dogme. On notera
toutefois que dans l’affaire Mila, et étant évidemment souligné que
rien ne saurait en aucun cas justifier des menaces de viol ou de mort
ni des propos discriminatoires, la controverse est davantage née de
l’échange d’insultes sur les réseaux sociaux que de discussions
portant sur tel dogme. On peut dès lors se demander si ce qui est
aussi en cause en l’espèce n’est pas la nécessité de retrouver dans
la société française la capacité de débattre, d’ailleurs sur tout sujet
et pas seulement en matière religieuse, d’une manière libre, mais
respectueuse et paisible dans l’expression plutôt que de céder à la
facilité d’une accumulation de propos inutilement grossiers et
violents, qui ne peuvent que conduire à une hystérisation de la
discussion.

3. Débat sur le séparatisme


Le séparatisme désigne les groupes minoritaires qui privilégient les
principes normatifs internes à leur communauté au détriment de la
laïcité et exigent des personnes publiques la prise en compte des
conséquences juridiques, politiques et pratiques de cette
appartenance dans le cadre des services publics (interdits ou
pratiques alimentaires ; refus de la mixité ou de l’égalité entre les
sexes ; exigence de praticiens médicaux du même sexe que le
patient ; refus de certains soins médicaux ; priorité donnée aux
principes religieux sur ceux transmis par l’enseignement public…).
La loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la
République est relative à la lutte contre le séparatisme. Bien
qu’adopté pour lutter contre les dérives de l’islamisme radical en
France, ce texte est rédigé en termes généraux et ne traite pas des
rapports entre l’État est une religion déterminée. Il contient un
ensemble de mesures destinées à modifier divers textes et codes en
matière de neutralité des services publics, de protection des
fonctionnaires et des enseignants, d’encadrement de l’enseignement
à domicile, de renforcement du contrôle des associations
(notamment sportives), de lutte contre la haine en ligne, de
transparence des cultes, de suivi des actions des associations
cultuelles, de financement des cultes, de lutte contre les mariages
forcés, la polygamie et interdit les certificats de virginité.
Le 15 août 2021 a été créé un Comité interministériel de la laïcité,
dont l’objet est d’assurer la protection et le respect de la conception
française de la laïcité. Celui-ci se réfère à cinq chartes de la laïcité
adoptées par l’État français (dans les services publics, à l’école, à la
caisse des allocations familiales, des agents du service public, du
secrétariat d’état à l’égalité entre les hommes et les femmes).

Sujet de dissertation : Le xxie siècle sera-t-il celui du


retour du religieux ?
🠶 Définitions des termes et analyse synthétique :
– xxie siècle : aujourd’hui et demain, notre époque ;
– Religieux : cela ne se limite pas aux différentes religions
institutionnalisées (voir la définition en début de fiche) mais fait
référence à toute forme de transcendance rendant compte du
monde, y compris traditionnelles ou nouvelles ; en fonction des
connaissances que l’on a, on peut soit centrer le sujet sur la
France, soit avoir une approche comparée.
– Retour : cela implique que l’on part du principe que le fait
religieux a connu un déclin. Mais c’est à relativiser : en occident
et notamment en France, fort mouvement de laïcisation et de
sécularisation mais ce n’est pas le cas en orient ni dans les
anciens pays communistes, qui connaissent un fort regain de
ferveur religieuse. Par ailleurs, développement en occident de
nouvelles formes de spiritualité. De plus, les pèlerinages
traditionnels restent très fréquentés ;
– Sera-t-il : Quels éléments peuvent indiquer un tel mouvement
dans le futur ?
🠶 Introduction :
– Définition des termes ;
– Évolution historique en occident (notamment en France) et
comparaison avec d’autres parties du monde ;
– Actualité (déchristianisation et sécularisation, mais
développement de l’islam et du bouddhisme, développement de
nouvelles spiritualités…)
– Problématique ;
– Annonce du plan.
I. Une forte et ancienne sécularisation de la société en
occident
A. La remise en cause des dogmes religieux
– affirmation de la liberté religieuse et de conscience, de la
séparation de l’État et des cultes et, en France, de la laïcité ;
– affirmation de la liberté individuelle ;
– conséquences du développement des sciences et contestation
des dogmes religieux sur l’origine du monde ;
B. Spiritualité et matérialisme
– conséquences du matérialisme dans la société de
consommation ;
– la quête de sens (morale religieuse et/ou morale laïque ?) ;
– la désaffection envers les religions traditionnelles et diminution
de la pratique religieuse.
II. Un retour du religieux sous des formes nouvelles
A. L’émergence de nouvelles religions
– développement de l’islam en raison de l’immigration ;
– développement du bouddhisme dans la mouvance de la
contestation de la société de consommation ;
– développement de nouvelles spiritualités (sectes…).
B. La nécessité de proclamer des valeurs communes
dans la société
– la pacification des conflits religieux par la laïcité ;
– concurrence entre charité des religions et solidarité dans l’état
providence comme valeurs de cohésion de la société ;
– la concurrence entre principes républicains et religieux
(éducation, famille, laïcité…).
Chapitre IX
La famille

Bibliographie
• B. Cyrulnik « Sous le signe du lien », Hachette Pluriel, 2010 ;
• S. Hefez « Quand la famille s’emmêle », Hachette Pluriel,
2011 ;
• F. de Singly « Sociologie de la famille contemporaine »,
Armand Colin, 4e édition, 2010.

I Définitions

🠶 La famille (latin familia) désigne, selon Larousse, l’ensemble des


générations successives descendant d’un même ancêtre (lignes) ;
dans un sens plus restreint, la famille désigne l’ensemble formé par
les parents et les enfants (ou famille nucléaire) ou le groupe formé
par trois générations : enfants, parents et grands-parents (famille
élargie).
🠶 La parenté : ensemble des personnes unies par les liens du sang
(famille biologique) ou de l’alliance (belle-famille).
Selon plusieurs sondages concordants, une majorité de français
qualifie la famille de lieu essentiel d’épanouissement, de lien social
et de solidarité. Particulièrement en période de crise (économique ou
sociale), la famille apparaît comme étant un refuge et de
transmission de valeurs. De plus, une majorité de Français effectue
des recherches généalogiques, ce qui souligne aussi un
attachement à l’institution familiale comme facteur d’identité et de
continuité et de volonté de l’individu de s’inscrire dans l’histoire d’une
lignée. La célèbre citation d’André Gide : « Familles, je vous hais »,
qui a pu parfois être représentative d’une révolte de la jeunesse face
aux contraintes sociétales et familiales, apparaît aujourd’hui comme
très minoritaire.
La parentalité désigne un ensemble d’informations, d’ateliers ou
d’initiations diverses proposées aux parents inquiets par l’éducation
de leurs enfants par des collectivités territoriales ou des associations
avec l’appui de divers professionnels de l’enfance (voir ci-dessous).
Le site « Mille jours » de Santé publique France (ministère de la
Santé), qui propose des supports concernant les deux premières
années de la vie de l’enfant, relève du même objectif.

II Évolution historique

Durant des siècles et jusqu’à la Ve République, seule la famille


« légitime », c’est-à-dire issue du mariage était reconnue par les
pouvoirs publics et par les autorités religieuses à la fois sur le plan
moral (la « bâtardise », c’est-à-dire l’absence de filiation issue du
mariage est socialement stigmatisée, comme en a longtemps
témoigné la littérature ou le cinéma : par exemple, Jean Giono : Un
de Baumugnes, 1929, repris par Marcel Pagnol dans le film Angèle,
1934) et sur le plan juridique (les enfants non issus du mariage
étaient soumis à un régime plus défavorable en matière
successorale). Il est significatif que le recueil des textes normatif
afférent s’intitule le code de l’action sociale et des familles (ancien
code de la famille et de la natalité française, institué en 1939), le
pluriel soulignant bien la variété des situations familiales. En France,
depuis l’entre-deux-guerres, il existe toujours un ministère ayant
dans ses attributions la famille et le suivi des politiques familiales.
L’État a développé des politiques destinées à soutenir la natalité et
d’aider les familles les plus pauvres dont l’ampleur et les modalités
nourrissent de substantiels débats, notamment lors des élections
présidentielles ou législatives. La controverse porte notamment sur
le point de savoir si les aides ainsi fournies doivent ou non être
dépendantes du montant du revenu des bénéficiaires (modulation
des allocations familiales en fonction du revenu en 2014).
Sous l’Ancien régime, la « solidité » désignait les liens de solidarité
élargie existant au sein d’un groupe donné composé à la fois de
parents par le sang, d’alliés et de membres du groupe
communautaire auquel appartenait les intéressés (métier,
corporation, paroisse, confrérie…). La « solidité » constituait une
forme d’assurance collective du groupe, notamment face à certains
évènements (décès, veuvage, orphelins, formation, succession…),
les intérêts des individus étaient subordonnés à ceux du groupe et
les jeunes aux plus âgés (voir Jean Delay, Avant mémoire,
Gallimard, 1979, en particulier les tomes 1 et 2). La majorité étant
alors fixée à 25 ans, les enfants étaient longtemps sous la tutelle de
leurs parents. Avant 1789, et la proclamation de la liberté
individuelle, la famille était une communauté parmi les autres
(paroisse, corporation…) dont l’individualité des membres était
largement méconnue au profit de l’intérêt collectif (les pièces de
Molière témoignent des difficultés de concilier les intérêts
patrimoniaux défendus par les familles avec l’inclination des
sentiments éprouvés par les jeunes). Dans les milieux pauvres, la
famille était avant tout une unité de production économique
favorisant la solidarité entre les membres dans la survie au moyen
d’une spécialisation dans les tâches, aux champs comme à l’atelier
(voir Émile Zola, Germinal, 1885 et La terre, 1887), en fonction de
l’âge et de la force physique de chacun. L’Oustaou (propriété
collective d’un domaine agricole par une famille élargie sous
l’autorité d’un ainé, forme de propriété ayant existé avant 1789,
notamment en Languedoc, remise en cause par l’individualisme
proclamé par le Code civil mais ayant parfois survécu jusqu’à la fin
du xixe siècle), décrit par Emmanuel Le Roy-Ladurie constituait aussi
une forme de vie familiale élargie collective (Les paysans de
Languedoc, thèse, 1966).
La Révolution puis le Code civil de 1804 ont eu pour effet
d’introduire la liberté individuelle dans le droit de la famille. Dès
1790 l’état-civil (tenue des registres de naissances, mariages et
décès) a été assuré par les communes et non plus par les paroisses.
En 1792, le mariage devint un contrat civil pouvant être rompu (le
divorce, institué en 1792, confirmé en 1804 fut aboli en 1816 et
rétabli en 1884, mais seulement pour faute). Le droit de la famille est
resté très stable durant environ un siècle et demi. Le développement
de l’État providence a permis la mise en place de la scolarité
obligatoire, laïque et gratuite pour tous les enfants des deux sexes
jusqu’à 12 ans (1881 et 1882) la création du sursalaire familial
(1932) et des allocations familiales (1938). Le préambule de 1946,
dans le cadre des principes sociaux nécessaires à notre temps
devant compléter les principes de 1789 a affirmé le principe de
l’égalité entre hommes et femmes ainsi que le droit de la famille au
développement et reconnu divers droits spécifiques en matière de
santé (mère, enfant) et d’éducation (enfant).

III La famille aujourd’hui

Selon l’INSEE, en 2019, la France comptait 29 millions de


ménages, composés en moyenne de 2,2 personnes. 25 % des
familles sont monoparentales. Sur 10 familles, 7 ont à leur tête un
couple marié. Environ 24 millions de personnes ont entre 0 et
29 ans, environ 24 millions ont entre 30 et 60 ans et environ
18 millions ont plus de 60 ans. La population totale en France est
d’environ 67 millions.
Le droit de la famille a connu un véritable bouleversement sous la
V République, en raison des évolution des sociétés occidentales (et
e

pas seulement de la société française), notamment du


développement de la liberté individuelle et du droit des femmes,
d’une part, de l’effondrement des valeurs religieuses, d’autre part :
– remplacement de la puissance paternelle par l’autorité parentale
(1970) ;
– création du divorce par consentement mutuel (1975) ;
– institution de l’autorité parentale conjointe (1987 pour les
naissances hors-mariage et 1993 quelle que soit la filiation ou en
cas de divorce) ;
– diverses mesures au niveau de l’État comme des collectivités
territoriales et de certaines entreprises pour faciliter la conciliation
de la, vie familiale et de l’exercice d’une profession, notamment
en faveur des femmes (crèches, garderies, aides diverses pour
un emploi familial à domicile…) ;
– institution du PACS (Pacte civil de solidarité), un contrat d’union
civile ouvert aux couples hétérosexuels et homosexuels (1997) ;
– congé de paternité (2001, porté à 28 jours en 2021) ;
– garde alternée par les deux ex-conjoints des enfants mineurs
après une séparation (2002) ;
– délégation de l’autorité parentale au beau-parent d’un enfant
mineur avec l’accord des deux parents (2002) ;
– disparition du « nom patronymique » (c’est-à-dire du nom
transmis par le père) et transmissibilité possible du nom du père
ou de la mère (2003) ; un projet de loi en cours de discussion, s’il
est adopté, permettrait à chaque individu majeur, une fois dans
sa vie et sans devoir justifier sa demande par un motif légitime,
d’accoler le nom de ses deux parents ou d’opter pour le nom de
sa mère plutôt que celui de son père (jusque-là, il n’était possible
de changer de nom qu’au terme d’une longue procédure et sous
réserve d’exposer un motif légitime, comme, par exemple porter
un nom considéré comme déshonoré ou ridicule) ;
– égalité entre toutes les filiations : légitime, naturelle, adultérine…
(2004) ;
– droit de visite d’un ancien beau-parent avec l’enfant mineur de
son ex-conjoint avec lequel il a tissé des liens affectifs (2013) ;
– adaptation du droit des successions au développement du
nombre des familles recomposées (2006) ;
– ouverture de l’adoption aux couples homosexuels (CEDH,
2008) ; ouverture du mariage aux homosexuels (2013) ;
– reconnaissance du lien de filiation d’un enfant dans cette
situation avec ses parents, biologique pour l’un et naturelle pour
l’autre ;
– reconnaissance du droit pour des femmes seules ou des couples
de femmes de bénéficier de la procréation médicale assistée
(PMA) avec maintien de l’interdiction de la gestation pour autrui
(GPA) en France, c’est-à-dire du recours à une mère porteuse
(2021), bien que les GPA accomplies à l’étranger puissent faire
l’objet d’une régularisation en termes de filiation ;
– droit pour des enfants nés par mère porteuse à l’étranger d’un
parent français et bien que le recours à la GPA soit interdit aux
ressortissants français depuis 1994 d’obtenir la nationalité
française (CEDH, 2014, Cour de cassation, 2015).
La législation uniquement qui réserve femmes, seules ou en
couple, le recours à la PMA introduit une différence de traitement
entre les couples de même sexe au détriment de ceux composés de
deux hommes.
La famille issue du mariage est désormais minoritaire en France et
n’est plus le modèle unique ou dominant, sans être pour autant
marginalisée (elle représente encore environ 40 % des familles).
Des relations familiales alternatives, parfois jadis marginalisées par
la société bourgeoise (union-libre), parfois nouvelles (PACS) se sont
développées après la seconde guerre mondiale avec la libéralisation
des mœurs. La société traditionnelle et ses valeurs ont été
progressivement remises en cause en raison de divers facteurs tels
que l’exode rural (fin du poids, en regard des autres dans une petite
communauté), l’effondrement de la pratique religieuse et de
l’influence des cultes sur la vie familiale, le développement des
formes alternatives d’union (notamment entre personnes de même
sexe) et du divorce, l’émancipation des femmes et l’égalité des
sexes. Les rapports entre les membres de la famille sont davantage
fondés sur l’affectivité qu’autrefois. La famille, jadis très hiérarchisée
et fondée sur le principe d’autorité (du père, puis des deux parents)
repose aujourd’hui, dans la plupart des cas, sur l’affirmation de
l’égalité (entre les parents mais aussi entre les garçons et les filles
ou en matière d’orientation sexuelle ; à noter toutefois que si constat
vaut pour la grande majorité des familles, certains groupes
minoritaires restent attachés à une répartition traditionnelles des
rôles entre les membres de la famille, ce qui constitue un enjeu
majeur pour l’État dans la lutte contre le séparatisme) ainsi que de
l’autonomie, de la personnalité et de la liberté de choix des enfants,
notamment quant à leur avenir.
Deux questions importantes aujourd’hui :
– d’une part débat sur les conséquences sociales du
développement du nombre des familles monoparentales,
notamment en termes de précarité sociale, d’accès à l’éducation
et aux loisirs, de citoyenneté, de développement des incivilités et
des violences (parents n’exerçant parfois pas suffisamment leur
autorité et absence ou insuffisance de systèmes de garde
alternatifs) ;
– d’autre part, débat sur la place des pères, dont le rôle a été
relativisé, à la fois du fait de l’affirmation du principe d’égalité des
sexes et de la critique des valeurs masculines dans une partie la
société et en raison du développement important du nombre de
divorces ou de séparations qui ont longtemps abouti à confier la
garde exclusive des enfants mineurs à la mère, le père ayant
seulement un droit de visite plus ou moins régulier et pas toujours
exercé dans des conditions satisfaisantes, notamment en cas
d’éloignement géographique. La mise en place en 2002 d’un
système de garde alternée des enfants mineurs par les deux
parents habitant à proximité l’un de l’autre et permettant à l’enfant
de fréquenter le même établissement scolaire tout en ayant une
résidence partagée alternée avec ses deux parents avait pour
objet de favoriser une plus grande association des pères séparés
à l’éducation de leurs enfants. Si elle a permis de mieux garantir
le droit de la plupart des pères de conserver des liens actifs et
affectifs en participant à la garde et à l’éducation de leurs
enfants mineurs, cette réforme a été critiquée en raison de la
relative instabilité du cadre de vie qu’elle génère et des
conséquences qui peuvent parfois en résulter, notamment au
plan scolaire.

IV La parentalité

L’absence ou l’insuffisance d’autorité de certains parents envers


leurs enfants sont considérées comme l’une des causes de
l’augmentation de la violence et des incivilités dans notre pays et
obligent parfois l’Éducation nationale à pallier ce défaut en se
substituant à la carence familiale pour initier les élèves aux
comportements collectifs adéquats qui devraient être inculqués en
famille, ainsi qu’aux principes de l’identité nationale (laïcité, égalité
entre hommes et femmes…). Il existe, dans le cadre communal ou
associatif, une initiation à la « parentalité », permettant aux parents
inquiets par l’éducation de leurs enfants de participer à des ateliers
de discussions et d’échanges d’expériences avec d’autres parents
ou de conseils fournis par des professionnels tels que des
psychologues, des pédiatres ou des éducateurs.
Par ailleurs, les communes mettent également en œuvre des
mesures locales d’aide aux familles (notamment au travers de leurs
compétences en matière d’entretien d’établissements scolaires ou
de crèches, d’équipements culturels ou sportifs, d’espaces verts
ainsi que des actions du centre communal d’action sociale). Le
département contribue à la politique familiale au travers de son rôle
en matière d’instruction et de versement de diverses aides sociales.
Les départements et les régions jouent un rôle semblable en matière
de collèges et de lycées.

V L’enfance et la jeunesse

L’enfance est la période de la vie qui se situe entre la naissance et


la puberté (entre 0 et environ 12 ans), qui caractérise un être humain
en développement (Larousse).
L’adolescence, notion apparue au xviiie siècle, est l’âge
intermédiaire entre l’enfance et la jeunesse (entre environ 13 et
20 ans) (Larousse).
Selon le Larousse, la jeunesse est la période la vie comprise entre
l’enfance et l’âge mûr (qui n’est pas encore la vieillesse) : elle exclut
donc l’enfance mais intègre l’adolescence ainsi que le jeune adulte
avant l’âge mûr. On appelle quelquefois « adulescent », les jeunes
adultes qui sont autonomes (travail rémunéré, parfois logement…)
mais conservent un mode de vie ressemblant à celui des
adolescents (loisirs, proximité avec les parents…).
Selon l’INSEE, en 2022, la population française comprend environ
24 millions d’enfants et de jeunes dont 11 millions de moins de
15 ans, près de 4 millions entre 15 et 19 ans, 3,9 millions entre 20 et
24 ans et 3,7 entre 25 et 29 ans.
Depuis 1936, il existe un département ministériel spécifique
responsable de la jeunesse, le plus souvent rattaché aux sports et
distinct de l’instruction publique ou de l’éducation nationale et des
universités, qui était auparavant le seul ministère s’occupant de la
jeunesse. Il ne faut toutefois pas oublier les actions du ministère de
la défense en direction de la jeunesse au travers de la gestion de la
conscription au temps du service militaire obligatoire (jusqu’en 2002)
et, de nos jours, de l’accès aux carrières militaires volontaires
comme engagés ou comme réservistes. Depuis 2010, il existe
l’Agence du service civique, qui est chargée du suivi des jeunes
effectuant un service civique volontaire de 6 à 12 mois ouvert à tous
les jeunes des deux sexes entre 16 et 25 ans, prolongeables dans
certains cas jusqu’à 30 ans et permettant des engagements dans le
domaine de l’intérêt général en France (écoles, associations, centres
d’insertion, sport, culture…) ou à l’étranger, avec une forte
dimension humanitaire et d’aide à la personne.
Dans toutes les collectivités territoriales, il existe un service en
charge de la jeunesse (souvent distinguée de l’enfance, parfois
rattachée au sport). De nombreuses entreprises et structures
s’intéressent à la jeunesse, soit en tant que cible marketing
prioritaire, soit comme objet d’études ou pour adapter les services
proposés (exemple : offres de prix spécifiques en faveur des jeunes).
Enfin, différentes organismes professionnels ou syndicaux ont créé
des groupes spécifiquement ouverts aux jeunes (jeunes agriculteurs,
jeunes avocats…). Il y a des actions publiques en faveur de la
jeunesse dans les pays libéraux.
Par ailleurs, la jeunesse est souvent placée au centre des
programmes électoraux des différents partis politiques lors des
élections (chômage, formation, études, loisirs, culture, sport…),
notamment lors de l’élection présidentielle, mais avec finalement peu
de réalisations concrètes. Malgré les effets du Covid sur les jeunes,
la jeunesse n’a pas été un thème développé par les candidats aux
élections de 2022). La question de la jeunesse est par ailleurs
largement traités dans la correction du premier exemple de
dissertation : Avoir 20 ans en 2021 et nous renvoyons à ces
développements sur ce thème.

VI La vieillesse

On désigne par la vieillesse, l’ensemble des personnes âgées et la


dernière période de la vie humaine précédant la mort, caractérisée
par un ralentissement des fonctions et une diminution de la force
physique et des facultés mentales (Larousse).
Selon l’INSEE (2022), environ 18 millions de personnes ont plus de
60 ans, dont 6,6 plus de 75 ans et 1,5 plus de 85 ans. Il y a
16,7 millions de retraités en France, dont environ 635 000 personnes
bénéficient de l’ASPA (voir ci-dessous). Jadis reconnue comme
symbole de l’expérience, de la sagesse et de l’expérience. Selon un
proverbe africain, la mort d’une personne âgée équivaut à l’incendie
d’une bibliothèque), la vieillesse, dans un contexte sociétal
promouvant le rêve de la jeunesse et de la beauté éternelles
(volonté de paraître plus jeune au travers de la pratique sportive, des
soins divers, de la chirurgie esthétique…), est aujourd’hui souvent
appréhendée avant tout comme une charge pour les familles et la
société. Cependant, les grands-parents jouent la plupart du temps,
un rôle de plus en plus important dans l’éducation de leurs petits-
enfants (garde pendant le temps de travail des parents ou durant les
vacances, transmissions d’expériences et de valeurs…). De plus, les
retraités, lorsqu’ils disposent de moyens suffisants (ce qui n’est pas
le cas de tous car il existe de fortes disparités), ont un rôle d’aide
financière en faveur de leurs descendants et contribuent à faire de la
famille un lieu de solidarité (voir ci-dessus). Par ailleurs, environ
5 millions de personnes âgées utilisent une partie de leur temps libre
pour faire du bénévolat dans le cadre d’associations, ce qui
constitue également une contribution à la solidarité.
Le nombre important de personnes âgées (on parle de Papy boom
pour qualifier l’arrivée à la retraite des classes d’âges nombreuses
du Baby boom) et l’importance des enjeux relatifs à cette tranche
d’âge (voir ci-dessous) sont soulignés par l’existence d’un secrétariat
d’État chargé de ce secteur. Dans toutes les collectivités territoriales,
il existe un service en charge des personnes âgées. De nombreuses
entreprises et structures s’intéressent au troisième âge, soit en tant
que cible marketing prioritaire, soit comme objet d’études ou pour
adapter les services proposés (exemple : offres de prix spécifiques
en faveur des personnes âgées). La question de la dépendance des
personnes âgées est devenue centrale en raison du rallongement de
la durée de la vie et de l’augmentation du nombre de personnes
âgées dépendantes. Il existe 2125 structures de soins à domicile (20
places pour 1 000 personnes ayant vocation à y être accueillie en
raison de leur situation de dépendance) permettant de prendre soin
de personnes âgées dépendantes demeurant à leur domicile ou
hébergées dans leurs familles. Elles emploient environ 126 600
personnes.
La plupart des personnes âgées demeurent dans leur propre
domicile. La généralisation de la famille nucléaire (deux générations
vivant sous le même toit) et l’éparpillement géographique des
familles et des générations ont pour conséquence que, dans la
plupart des cas, les personnes âgées ne pouvant plus demeurer
seules ne sont plus accueillies au sein de leur famille mais confiées
à des organismes :
– les maisons de retraites accueillent des personnes âgées non
dépendantes, c’est-à-dire ne voulant plus vivre seules à domiciles
mais ne nécessitant pas de soins ;
– les EHPAD (Établissements d’Hébergements pour Personnes
Âgées Dépendantes) sont des structures hospitalières accueillant
des personnes âgées malades dépendantes (hébergement,
loisirs et soins divers). Ils sont ouverts aux personnes de plus de
60 ans ayant besoin de recevoir des soins (102 places pour
1 000 personnes ayant vocation à y être hébergées).
Outre la question du coût de l’accueil pour les intéressés et leurs
familles, en dépit des diverses aides existantes (notamment l’ASPA,
voir ci-dessous, l’APA, Allocation Personnalisée d’Autonomie,
l’Allocation simple et l’Allocation supplémentaire d’invalidité versées
par les départements ainsi que la possibilité de bénéficier d’une
aide-ménagère en cas de maintien à, domicile), se posent celles de
l’insuffisance de l’offre de places au regard des besoins (voir les
chiffres ci-dessus), de la précarisation de certaines personnes
hébergées dont la dignité et la santé ne sont pas toujours
respectées (maltraitances diverses). De plus, beaucoup de
personnes âgées, qu’elles soient à domicile ou en institutions
souffrent de solitude. Ce dernier point a été particulièrement
manifeste lorsque, durant l’épidémie de Covid, les visites ont été
interdites pour des raisons sanitaires, au demeurant
compréhensibles, mais prises au détriment du bien-être moral et
psychique de beaucoup de pensionnaires.

L’âge légal de départ à la retraite pour bénéficier d’une pension


complète est de 62 ans depuis 2010 avec quarante-deux années de
cotisations (le système français de retraite en France est plus
longuement exposé dans le chapitre consacré au travail). La retraite
repose sur un système de répartition fondé sur la solidarité entre les
générations (les actifs paient les pensions des retraités, qui avaient
eux-mêmes contribué pour leurs ainés durant leur période d’activité).
Il existe à la fois un régime général ouvert aux salariés et divers
régimes spéciaux (marins, professions libérales, fonctionnaires,
salariés de la SNCF, d’EDF…), complété par des mécanismes de
retraites complémentaires obligatoires (par exemple ARRCO et
AGIRC pour les salariés du privé), d’autres sont facultatifs et
reposent sur une épargne volontaire du bénéficiaire (assurances
privées, mutuelles…). Il existe une retraite minimale de solidarité
instituée en 1956, l’ASPA (Allocation de Solidarité aux Personnes
Âgées, autrefois appelée minimum vieillesse), versée aux personnes
n’ayant pas ou peu cotisé pour leurs retraites (carrières tardives ou
avec des interruptions), d’un montant de 906,81 euros pour une
personne seule et de 1407,82 euros pour un couple et qui peut être
cumulée avec un emploi. Il est envisagé de porter l’âge de la retraite
à 64 ou 65 ans en 2022 ou 2023 de manière progressive.

VII L’héritage

L’héritage peut s’envisager sous deux aspects :


– d’une part, un héritage moral reposant sur la transmission par les
personnes âgées de l’histoire et des valeurs de la famille, du
milieu professionnel ou de la Nation ainsi qu’une certaine
conception de la vie et de l’éthique à leurs descendants ;
– d’autre part, un héritage matériel reposant sur la transmission de
biens sous diverses formes (immeubles, meubles, sommes
d’argent). Ce dernier donne lieu à un intense débat quant à la
fiscalité appliquée (droits de successions). On peut en effet
opposer à ce propos deux logiques contradictoires :
• soit, privilégier le droit et la légitimité de la transmission par les
ainés à leurs descendants, du patrimoine constitué par le travail
et les économies de toute une vie ;
• soit privilégier la participation du patrimoine privé des plus
riches à la solidarité nationale par le paiement de prélèvements
fiscaux, toute la difficulté étant de trouver un taux d’imposition
non confiscatoire et d’établir à quel niveau le législateur estime
se trouver la richesse, qui est une notion relative.
Cette question est abordée à l’occasion de l’élection présidentielle,
opposant les partisans de la transmission large et ceux de la fiscalité
de solidarité avec querelle sur les critères patrimoniaux de valeur et
de liens de parenté (ascendants et collatéraux, conjoint, absence de
parenté) à retenir.

Sujet de dissertation : « La famille est-elle encore une


valeur ? »
1. Définition des termes
– Famille : (latin familia) désigne l’ensemble formé par les parents
et les enfants et constituant une famille nucléaire comprenant
seulement deux générations (Larousse) ;
– Encore : ici cela sous-entend que la famille fut jadis une valeur et
suggère qu’elle ne le serait peut-être plus ;
– Valeur : Ce qui est posé comme étant beau, bien et vrai soit d’un
point de vue personnel, soit selon les critères de la société et qui
est donné comme un idéal à atteindre ou à défendre (Larousse).

2. Analyse
– Idéalisation de l’image de la famille dans les romans, les médias,
la publicité avec la question du maintien de certains stéréotypes,
notamment liés au genre et la nécessité de protéger la sensibilité
des enfants mineurs face à certaines images ; la famille est l’une
des principales cibles de la société de consommation (on est loin
de la célèbre formule d’André Gide : « Familles, je vous hais ») ;
– Exode rural et émancipation du lien avec les communautés
d’origine ;
– Relativisation de l’influence des religions, notamment en matière
familiale ;
– Développement du principe d’égalité ;
– La famille, jadis fondée sur l’autorité du pater familias (notion de
puissance paternelle entre 1804 et 1965), repose aujourd’hui sur
un équilibre théorique entre les époux en tant que père et mère
(notion d’autorité parentale) même si la question de la place des
pères divorcés dans l’éducation de leurs enfants a été longtemps
problématique et n’est qu’imparfaitement réglée par la notion de
garde conjointe ; débat plus large sur la place du père aujourd’hui
dans la famille ; question des difficultés, matérielles comme
éducatives, rencontrées par les familles monoparentales ; débat
sur la nécessaire autorité dans l’éducation en famille (qui ne doit
pas être un autoritarisme) et dont les carences dans certaines
familles ont parfois accusé d’être l’une des origines du
développement de la violence et des incivilités dans le pays ;
débat sur la notion de parentalité ;
– La famille lieu de transmission de valeurs, de mémoire, de rituels,
d’héritages moraux et comportementaux ; développement de la
pratique populaire de la généalogie qui témoigne de cet
attachement ;
– Égalité entre hétérosexuels et homosexuels en matière de
mariage et d’adoption ; ouverture de la PMA aux femmes seules
ou en couple (mais pas aux hommes, n’est pas un facteur de
discrimination ?) ;
– La famille élément de stabilité dans une société changeante et
fracturée du fait de la mondialisation et des crises économiques,
sociales, morales ;
– Vie familiale beaucoup plus fondée sur l’affection et beaucoup
moins sur l’idée d’obéissance et de hiérarchie qu’autrefois ;
– Lien entre natalité élevée et soutien public à la possibilité pour
les femmes de concilier maternité et travail (crèches, allocations
diverses…) ;
– Respect plus étendu de l’autonomie des enfants, notamment
quant aux choix de leur vie ; plus grande égalité entre les garçons
et les filles dans l’éducation, comme dans le choix des études ou
des carrières ;
– Égalité des droits en matière familiale entre hétérosexuels et
homosexuels ;
– Aspiration à la liberté individuelle et limitation du principe
d’autorité ;
– Émancipation des femmes ; Remplacement de la puissance
paternelle par l’autorité parentale et égalité du père et de la mère
dans la direction de la famille ; Limitation de l’autorité dans la
famille et débat sur la parentalité ;
– Baisse du nombre de mariages et augmentation de formes
alternatives d’unions (union libre, PACS) ; Augmentation des
divorces, des séparations et des familles monoparentales ;
– Question de la compatibilité entre la vie familiale et la vie
professionnelle ;
– La famille lieu de solidarité, face aux difficultés de l’existence
comme entre les générations (garde d’enfants, aides aux
personnes handicapées ou âgées, transferts de biens ou d’argent
des plus âgés vers les plus jeunes de la famille) ; la famille
d’aujourd’hui, est essentiellement nucléaire (deux générations
sous le même toit), ce qui peut parfois rendre difficile la mise en
œuvre concrète cette solidarité ; mais aussi question du sort des
personnes isolées ou âgées, particulièrement en milieu urbain ;
rôle révélateur de la crise sanitaire sur le drame des personnes
décédées seules parce que leurs familles se voyaient interdire de
les visiter, de se recueillir corps présent après leur trépas et
d’organiser les obsèques dignement ;
– Renforcement de la famille par les politiques familiales de
redistribution sociale et de solidarité menées par l’État, les
collectivités territoriales et diverses associations mais
interrogation sur leur devenir face à la crise des finances
publiques ; débat sur le conditionnement de l’accès aux
allocations familiales à des critères de revenu ; question sur la
protection donnée aux immigrants clandestins mineurs isolés qui
serait détournée au profit de majeurs et constituerait une
incitation à la migration illégale ;
– Les politiques publiques d’aide à la famille permettent à la France
(suivie pas les États scandinaves, eux aussi protecteurs en
matière familiale), même si le renouvellement des générations
n’est plus assuré, d’être l’État le plus fécond de l’Union
européenne ;
– Certains États confrontés à une natalité basse (Allemagne, Italie,
Hongrie…) s’efforcent de s’inspirer du modèle français mais sans
toujours vouloir y mettre les moyens financiers.
3. Problématique
La famille n’est plus seulement conçue au sens de celle issue du
mariage, devenue minoritaire, mais comporte différentes modalités
qui témoignent du dynamisme de cette notion.

4. Plan
🠶 Introduction :
– Définitions ;
– Rappel historique ;
– Actualité (PMA pour les couples de femmes ou les femmes
seules) ;
– Problématique ;
– Annonce du plan.
I. La famille traditionnelle issue du mariage ne constitue plus
le modèle dominant
A. Les évolutions de la société depuis la Libération ont des
conséquences sur la conception de la famille
– Exode rural et émancipation du lien avec les communautés
d’origine ;
– Relativisation de l’influence des religions, notamment en matière
familiale ;
– Développement du principe d’égalité ;
– Aspiration à la liberté individuelle et limitation du principe
d’autorité ;
– Émancipation des femmes.
B. Les mutations de la famille
– Remplacement de la puissance paternelle par l’autorité parentale
et égalité du père et de la mère dans la direction de la famille ;
– Limitation de l’autorité dans la famille et débat sur la parentalité ;
– Baisse du nombre de mariages et augmentation de formes
alternatives d’unions (union libre, PACS) ;
– -Augmentation des divorces, des séparations et des familles
monoparentales ;
– Égalité des droits en matière familiale entre hétérosexuels et
homosexuels.
II. Sous différentes formes, la famille demeure une valeur que
la société
A. La famille, élément d’enracinement et de stabilité
– La famille lieu de transmission de valeurs, de mémoire, de rituels,
d’héritages moraux et comportementaux ; développement de la
pratique populaire de la généalogie qui témoigne de cet
attachement ;
– La famille élément de stabilité dans une société changeante et
fracturée du fait de la mondialisation et des crises économiques,
sociales, morales ;
– Question de la compatibilité entre la vie familiale et la vie
professionnelle ;
– La famille lieu de solidarité, face aux difficultés de l’existence
comme entre les générations (garde d’enfants, aides aux
personnes handicapées ou âgées, transferts de biens ou d’argent
des plus âgés vers les plus jeunes de la famille) ; la famille
d’aujourd’hui, est essentiellement nucléaire (deux générations
sous le même toit), ce qui peut parfois rendre difficile la mise en
œuvre concrète cette solidarité ; mais aussi question du sort des
personnes isolées ou âgées, particulièrement en milieu urbain ;
rôle révélateur de la crise sanitaire sur le drame des personnes
décédées seules parce que leurs familles se voyaient interdire de
les visiter, de se recueillir corps présent après leur trépas et
d’organiser les obsèques dignement ;
– Idéalisation de l’image de la famille dans les romans, les médias,
la publicité avec la question du maintien de certains stéréotypes,
notamment liés au genre et la nécessité de protéger la sensibilité
des enfants mineurs face à certaines images ; la famille est l’une
des principales cibles de la société de consommation (on est loin
de la célèbre formule d’André Gide : « Familles, je vous hais »).
B. La famille, cadre protecteur de l’égalité et de la liberté
individuelle
– La famille, jadis fondée sur l’autorité du pater familias (notion de
puissance paternelle entre 1804 et 1965), repose aujourd’hui sur
un équilibre théorique entre les époux en tant que père et mère
(notion d’autorité parentale) même si la question de la place des
pères divorcés dans l’éducation de leurs enfants a été longtemps
problématique et n’est qu’imparfaitement réglée par la notion de
garde conjointe ; débat plus large sur la place du père aujourd’hui
dans la famille ; question des difficultés, matérielles comme
éducatives, rencontrées par les familles monoparentales ; débat
sur la nécessaire autorité dans l’éducation en famille (qui ne doit
pas être un autoritarisme) et dont les carences dans certaines
familles ont parfois accusé d’être l’une des origines du
développement de la violence et des incivilités dans le pays ;
débat sur la notion de parentalité ;
– Égalité entre hétérosexuels et homosexuels en matière de
mariage et d’adoption ; ouverture de la PMA aux femmes seules
ou en couple (mais pas aux hommes, n’est pas un facteur de
discrimination ?) ;
– Vie familiale beaucoup plus fondée sur l’affection et beaucoup
moins sur l’idée d’obéissance et de hiérarchie qu’autrefois ;
– Lien entre natalité élevée et soutien public à la possibilité pour
les femmes de concilier maternité et travail (crèches, allocations
diverses…) ;
– Respect plus étendu de l’autonomie des enfants, notamment
quant aux choix de leur vie ; plus grande égalité entre les garçons
et les filles dans l’éducation, comme dans le choix des études ou
des carrières ;
– Renforcement de la famille par les politiques familiales de
redistribution sociale et de solidarité menées par l’État, les
collectivités territoriales et diverses associations mais
interrogation sur leur devenir face à la crise des finances
publiques ; débat sur le conditionnement de l’accès aux
allocations familiales à des critères de revenu ; question sur la
protection donnée aux immigrants clandestins mineurs isolés qui
serait détournée au profit de majeurs et constituerait une
incitation à la migration illégale ;
– La dernière phrase de la dissertation peut être relative au constat
que, grâce à ces politiques, la France, même si le renouvellement
des générations n’est plus assuré, reste l’État le plus fécond de
l’Union européenne (suivie par les pays scandinaves, eux aussi
protecteurs en la matière) et que certains États confrontés à une
natalité basse (Allemagne, Italie, Hongrie…) s’efforcent de
s’inspirer du modèle français mais sans toujours vouloir y mettre
les moyens financiers.
Chapitre X
Le système éducatif en France,
l’« École »

Bibliographie
• C. Baudelot et R. Establet dans « Le niveau monte » (1989) ;
• H. Buisson-Fenet : « L’administration de l’éducation nationale »,
PUF QSJ, 2008 ;
• B. Compagnon, A. Thevenin, « Histoire des instituteurs et des
professeurs de 1880 à nos jours », Perrin, 2010 ;
• J.-C. Ruano-Borbalan (dir), « Éduquer et former. Les
connaissances et les débats en éducation et en formation »,
Éd. Sciences humaines, 2001 ;
• M. Ozouf, « Composition française, retour sur une enfance
bretonne », Gallimard, 2009 ;
• H. Pena-Ruiz, « Qu’est-ce que l’école ? », Gallimard, « Folio
Actuels », 2005.

I Définition

À l’époque où elle était réservée à quelques privilégiés, l’étude était


considérée comme le loisir savant de l’homme cultivé qui se retirait
des activités de la cité. À Rome, on opposait le negotium
(l’occupation professionnelle) à l’otium (le loisir savant, tel que
pratiqué par Cicéron).
En France, la nostalgie du temps glorieux et mythifié des
« hussards noirs de la République » (Charles Péguy) des écoles
communales d’avant 1914 a pour conséquence que, dans les débats
publics, on désigne volontiers sous le nom « École » (grec schôlè,
loisir), l’ensemble du système éducatif, c’est-à-dire l’enseignement
primaire, secondaire et universitaire. Ainsi, la question de l’École
concerne à la fois l’enseignement public et l’enseignement privé, la
formation initiale et la formation continue, la formation académique
et la formation professionnelle.
Le 13e alinéa du préambule constitutionnel de 1946 énonce que
« La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à
l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture.
L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les
degrés est un devoir de l’État ». L’Éducation nationale est donc un
service public constitutionnel que l’État a l’obligation d’assurer.
Toutefois, une partie de l’activité d’enseignement est assurée par
des établissements privés, parfois partenaires à divers degrés de
l’État (voir ci-dessous).

II Évolution historique

La connaissance de l’évolution historique est indispensable pour


comprendre les enjeux actuels de l’enseignement en France.

A. Avant 1789
Avant 1789, l’enseignement ne faisait pas partie des compétences
exercées par l’État mais relevait de l’initiative privée. Les familles qui
le désiraient et en ayant les moyens pouvaient recourir à des
établissements d’enseignement, souvent tenus par des religieux
catholiques ou faire appel à des précepteurs privés. L’ordonnance
du 13 décembre 1698 a imposé l’instruction obligatoire gratuite
jusqu’à 14 ans dans des écoles paroissiales. Toutefois, l’étude des
registres paroissiaux et notariés souligne de fortes disparités
d’alphabétisation selon les régions et les classes sociales ce qui
indique que ce texte ne fit pas l’objet d’une application générale. Au
niveau local, certaines paroisses ou communes, notamment dans
les Alpes où la longueur de l’hiver permettait de ne pas recourir au
travail des enfants, recrutaient un maître d’école chargé d’apprendre
les rudiments de la lecture, de l’écriture et du calcul, qui était
rémunéré en partie par les familles et en partie par l’impôt selon des
modalités définies par contrat. L’enseignement professionnel
reposait essentiellement sur l’apprentissage auprès de
maîtres expérimentés, rémunérés pour ce faire, parfois dans le
cadre du compagnonnage ou des corporations, le plus souvent par
contrat à l’atelier ou la boutique. La première école d’ingénieurs, les
Arts et métiers fut créée sur initiative privée en 1780.
Pendant la Révolution, l’intention du nouveau régime était de
favoriser l’instruction du peuple et la formation des citoyens (rapports
de Condorcet en 1792 et de Lakanal en 1793, projets de
l’Assemblée nationale en 1793, création de l’École normale
supérieure et de l’École polytechnique en 1794, des facultés de
médecine et de droit…) mais sans parvenir à la mise en place d’un
enseignement primaire de masse.

B. Premier Empire
L’organisation administrative de l’enseignement public a été mise
en œuvre sous le nom d’Université de France en 1808 (affirmation
du monopole de l’État dans la collation des grades universitaires ;
création des diplômes du baccalauréat, de la licence et du doctorat
délivrés dans les facultés ; création d’une administration spécifique
placée sous la direction d’un membre du gouvernement, division du
territoire national en académies dirigées par un recteur aidé
d’inspecteurs, création des lycées et des facultés de lettres, de
sciences et de théologie…). Cette organisation était destinée à
favoriser la formation de cadres pour l’armée, l’administration, le
commerce et l’industrie sans mettre en œuvre un système éducatif
permettant l’instruction du peuple. L’enseignement primaire était
soumis à un contrôle de la part des recteurs mais continuait à
relever essentiellement d’une initiative privée ou locale. Par ailleurs,
de nombreuses congrégations religieuses se consacraient à
l’enseignement primaire et secondaire et les catholiques défendaient
le principe de la liberté de l’enseignement et donc la limitation de
l’action de l’État en la matière. Les collèges relevaient de l’initiative
des communes.

C. De la Restauration au Second empire


En 1816, la capacité d’enseigner fut soumise à l’obligation d’un
diplôme d’État, le certificat de capacité (auparavant toute personne
sachant lire, écrire et compter pouvait ouvrir une école). En 1833, la
loi Guizot fit obligation à chaque commune de plus de 500 habitants
de financer le fonctionnement d’une école primaire de garçons. En
pratique, la mise en application de cette obligation fut variable. En
1851 la loi Falloux obligea les communes de plus de 800 habitants à
ouvrir une école de fille (seuil abaissé à 500 en 1867 par la loi
Duruy). Ainsi, les communes rurales peu peuplées n’étaient
soumises à aucune obligation en matière scolaire, ce qui constituait
une flagrante inégalité, le choix d’ouvrir un établissement relevant de
la volonté des édiles, de la présence d’une congrégation
enseignante ou de l’initiative privée. Au demeurant, même dans
l’enseignement public, les familles devaient régler une rétribution
scolaire pour chaque élève (sauf octroi d’une bourse), car la dotation
communale ne couvrait pas tous les frais. En 1851, le rôle de
l’enseignement catholique fut renforcé par la loi Falloux.

D. Les lois Jules Ferry


La défaite de 1870 fut l’occasion d’un choc en matière d’éducation
car il apparut que l’une des causes de la défaite était liée à
l’instruction insuffisante de la plupart des soldats français, dont
beaucoup parlaient une langue locale et non le français ou étaient
dans l’incapacité de pouvoir lire une carte ou des panneaux,
d’utiliser une boussole. De plus, le sentiment national était plus
répandu dans l’armée allemande, grâce au patriotisme des
instituteurs, que dans les troupes françaises. C’est à la suite de ce
traumatisme que Taine et Fustel de Coulange, notamment, ont
réfléchi sur la notion de nation (voir le chapitre sur la Nation). La
mise en place de l’enseignement primaire, obligatoire, gratuit et laïc
par Jules Ferry (1832-1893) dans les lois de 1881 et 1882
poursuivait un quadruple objectif :
– Mettre concrètement en œuvre l’instruction primaire du peuple,
envisagée lors de la Révolution mais non réalisée en raison des
circonstances. Cet objectif a été parfaitement atteint puisqu’en en
1900, seulement 5 % des conjoints et des conscrits ne savaient
pas signer.
– Avec la mise en place du suffrage universel direct masculin dans
le cadre d’une république parlementaire libérale, former des
citoyens actifs et éduqués, capables à la fois de lire les affiches
électorales ou les journaux et d’avoir les connaissances
suffisantes pour comprendre les enjeux électoraux.
– Favoriser l’unité nationale autour de la République et de la
Nation ; partager des valeurs de 1789 et préparer moralement les
jeunes écoliers à l’idéal de la défense de la Patrie (si 1870 fut la
victoire de l’instituteur allemand, 1914 a constitué la revanche de
l’instituteur français).
– Donner au peuple l’éducation nécessaire pour pouvoir travailler
dans le cadre de la révolution industrielle et scientifique en cours
(Les paysans et les ouvriers ne pouvaient plus se contenter de
reproduire routinièrement les gestes de leurs aïeux mais devaient
acquérir une culture suffisante pour pouvoir utiliser à bon escient
les nouvelles techniques : les fractions pour doser engrais et
insecticides, la physique pour comprendre l’emploi de l’énergie à
vapeur ou électrique, la capacité de lire et comprendre un plan,
une notice technique…).
Par ailleurs, la IIIe République, l’État s’est efforcé de réglementer et
de contrôler l’activité de l’enseignement privé. Ce dernier pouvait
être assuré par des personnes privées mais sous le contrôle de
l’État, qui s’est progressivement renforcé, ce qui a suscité diverses
crises (contestation dans les années 1880, par les catholiques, des
lois Jules Ferry instituant l’école « sans Dieu » ou « du Diable » ; en
1904, crise de l’interdiction d’enseignement pour les congrégations
religieuses et de la restriction de la capacité d’enseigner pour
certains de leurs membres…).

E. Les trois massifications


1. Première massification (années 1880-1900)
Les lois de 1881 et 1882 ont permis le premier mouvement de
massification, celui de l’enseignement primaire. Elles mirent en place
une instruction primaire obligatoire, gratuite et laïque pour tous les
enfants entre 6 et 12 ans (l’obtention du certificat de fin d’études
primaires, permettant d’occuper des postes tels qu’employé de
bureau, facteur ou gendarme). Il était possible de poursuivre des
études primaires au-delà de cet âge dans des cours
complémentaires ou des écoles primaires supérieurs jusqu’à 16 ans.
Ce cycle se concluait par le passage du brevet (actuel brevet des
collèges), qui permettait d’accéder à des emplois tels qu’instituteur,
receveur ou agent commercial). Seul l’enseignement secondaire
(collèges et lycées), avec apprentissage obligatoire du latin,
permettait de passer le baccalauréat (qui était indispensable pour la
poursuite d’études supérieures). Il demeurait payant, sauf obtention
de bourses délivrées sur des critères à la fois sociaux et de mérite
scolaire par l’État, les départements, les communes ou des
personnes privées), de même que l’accès à l’enseignement
supérieur. Ainsi, les classes populaires ou moyennes avaient de très
faibles opportunités pour y accéder. En 1900, 1 % d’une génération
avait le baccalauréat. À noter par ailleurs que l’enseignement est
alors délivré dans des établissements différents pour les garçons et
les filles avec des programmes, des diplômes et un personnel
enseignant différents (alignement des programmes en 1925).
2. Deuxième massification (années 1930-1960)
La deuxième massification est relative à la progressive
démocratisation de l’enseignement secondaire. Ce dernier, qui
auparavant était payant est devenu gratuit en 1933. Par ailleurs,
l’obligation scolaire a été portée à l’âge de 14 ans (1936) puis 16 ans
(1959). En 1939, 3 % seulement d’une classe d’âge obtenait le
baccalauréat. À partir de 1945, il y a eu une assimilation progressive
entre l’enseignement secondaire et l’enseignement primaire
supérieur (voir ci-dessus) avec le développement de l’école unique,
permettant une démocratisation de l’enseignement et, notamment,
l’accès au collège et au lycée. Ainsi, en 1950, la France comptait
6,5 millions d’élèves, dont un million dans l’enseignement
secondaire et à l’Université. Dix ans plus tard, en 1960, il avait plus
de 10 millions d’élèves en France.

3. Troisième massification (depuis les années 1960)


La troisième massification est relative au développement de
l’enseignement supérieur. Entre 1950 et 1960 on est passé de
200 000 à 310 000 étudiants. En 1960, 10 % d’une classe d’âge
obtenait le baccalauréat et pouvait accéder à l’enseignement
supérieur. Les années 1960-1990 se caractérisent pas
l’augmentation du nombre des bacheliers (création, dans la
continuité de l’école unique, du collège unique unifiant
l’enseignement secondaire en supprimant les filières en 1975 ;
objectif de 80 % d’une classe d’âge devant obtenir le baccalauréat et
création des baccalauréats professionnels en 1985 ; en 2020,
93,8 % de bacheliers), ce qui entraîne mécaniquement une
augmentation du nombre de personnes pouvant accéder à
l’enseignement supérieur. Cela a nécessité un considérable effort de
l’État dans la construction ou l’extension de campus universitaires, à
Paris, en province et outre-mer, ainsi que dans le recrutement de
personnels et dans la mise en place de bourses d’études.
L’augmentation considérable du nombre des étudiants pose la
question de la démocratisation et de l’égalité des chances. Selon
Pierre Bourdieu (1930-2002), l’échec scolaire plus marqué dans les
milieux défavorisés résulterait du patrimoine culturel dont bénéficient
les enfants issus de milieux privilégiés et permettant la perpétuation
des privilèges de classe (Les héritiers, 1964 et La reproduction,
1970), le système scolaire favorisant la reproduction d’une certaine
culture et de l’élite favorisant l’entre-soi. Ces conclusions ont été
critiquées par Raymond Boudon (1934-2013) dans L’inégalité des
chances (1973), selon qui, ce sont les choix individuels pas toujours
pertinents des intéressés qui expliquent l’échec scolaire. Derrière
ces débats, se pose la question de l’égalité des chances (l’accès des
classes populaires à l’enseignement supérieur relève-t-elle d’une
obligation de moyens fournis par l’État pour permettre la préparation
des examens dans de bonnes conditions matérielles ou d’une
obligation de résultat en termes de nombres de diplômés avec
l’instauration de quotas ou d’équivalences ou la mise en place de
parcours de sélection spécifiques ?). la volonté de renforcer le
système éducatif en banlieue dans le cadre de la politique de la ville
a conduit l’État a mettre en place des objectifs d’éducation prioritaire
(création des ZEP (zones d’éducation prioritaire en 1982, dont le
dispositif a été modifié à diverses reprises) en fournissant davantage
de moyens aux établissements situés en banlieue pour lutter contre
l’échec scolaire et assurer l’égalité des chances avec des résultats
généralement considérés comme mitigés au regard des moyens mis
en œuvre.

4. Le débat sur le niveau


Se pose aussi la question de savoir si le niveau et la qualité de
l’enseignement sont menacés par la massification et l’augmentation
du nombre d’élèves : le fait qu’en 2020, 93,8 % des élèves soient
titulaires du baccalauréat doit-il être analysé comme signifiant que
tous les lauréats ont le niveau requis pour obtenir ce diplôme ou
comme voulant dire que les standards d’exigence ont baissé pour
faciliter l’augmentation du nombre d’admis ? Faut-il considérer que
le niveau général est en baisse ou en hausse ? Compte tenu de
l’évolution des savoirs, notamment scientifiques, un élève
d’aujourd’hui a des connaissances qui étaient inimaginables à
l’époque de Jules Ferry. Ainsi, C. Baudelot et R. Establet dans Le
niveau monte (1989) ont constaté, d’une part, qu’il existe un discours
alarmiste récurrent sur la baisse du niveau depuis au moins le début
de la massification, d’autre part, que le niveau monte, notamment
avec l’apparition de nouvelles matières qui n’étaient pas enseignées
autrefois (langues étrangères, nouvelles technologies, disciplines
scientifiques…). Ils constatent toutefois que cette montée du niveau
n’est pas générale et que l’écart se creuse entre une élite de plus en
plus performante et une masse de moins en moins bien formée.
Cela n’empêche pas que certains savoirs, comme la lecture,
l’orthographe ou le calcul soient moins bien maîtrisés par les élèves
aujourd’hui que par ceux de la même classe d’âge d’il y a 50 ou
100 ans (voir le test consistant à faire subir à des collégiens
d’aujourd’hui les épreuves du certificat d’études primaire dans les
années 1930 ou 1950 qui montre un net affaissement des
connaissances des savoirs de base comme de culture générale).
Ainsi existe-t-il aujourd’hui environ 3 millions d’illettrés, c’est-à-dire
de personnes incapables de pouvoir lire et comprendre un texte.
Dans le classement international PISA (qui mesure la performance
d’acquisition de connaissances des élèves de 70 pays), la France
est classée en moyenne 26° sur 70 (2019), et a vu ses
performances régulièrement baisser depuis le premier classement
en 2001, notamment en matière de lecture et de mathématiques.
D’autres classements internationaux traduisent une tendance
semblable.

5. Le débat sur l’accroissement des violences en milieu


scolaire
On assite à une forte médiatisation de faits de violences en milieu
scolaire (voir le chapitre sur la violence), que ce soit entre élèves
(harcèlement, rixes entre bandes rivales…) ou contre le personnel
(violences ou insultes de la part d’élèves ou de parents). Il est
difficile de mesurer si ces phénomènes, qui sont au demeurant
préoccupants et condamnables, sont effectivement en hausse du fait
de la crise de l’autorité qui touche notre société ou s’il s’agit
d’évènements en nombre constant mais plus fortement
qu’auparavant portés à la connaissance du public du fait des
nouvelles technologies (portables, internet…) et de leur
médiatisation par les victimes ou les auteurs.
Il existe par ailleurs un débat récurrent sur le retour du port de
l’uniforme à l’école (qui n’est pas nécessairement une tenue de type
militaire ou une blouse grise mais peut être aussi un T-shirt au nom
de l’établissement), considéré par ses partisans à la fois comme un
élément d’égalité (afin de limiter le risque de marginalisation ou de
harcèlement de certains élèves, notamment par rapport au port de
vêtements de marques pouvant constituer une forme de
différenciation sociale), d’identité (tous les élèves portant le même
vêtement auraient un sentiment d’appartenance) et d’intégration (les
différences sociales sont atténuées). Les opposants à ce projet en
dénoncent le passéisme supposé (le port d’un uniforme est pourtant
encore pratiqué dans de nombreux États développés) et le caractère
contraignant.

6. Le débat sur la laïcité


Depuis quelques années, la question de la laïcité dans
l’enseignement est à nouveau posée (voir le chapitre sur la laïcité).
Le débat ne porte plus sur les relations entre enseignement public
ou privé, ni sur l’absence d’enseignement religieux dans
l’enseignement public. Depuis quelques années, ont éclaté en
milieux scolaire des incidents à l’occasion desquels, d’une part,
certaines familles ont demandé la prise en compte de leurs
spécificités religieuses dans le cadre du service public éducatifs
(interdits alimentaires, jours de congé rituels, refus de la mixité, refus
de suivre certains cours comme le sport ou les sciences de sa vie au
nom de principes religieux…), d’autre part certains élèves ont tenté
d’imposer la prééminence de principes religieux dans l’espace
scolaire (port ostensible de signes religieux dans l’établissement,
remise en cause des savoirs enseignés au nom de principes
religieux…).

7. Éducation et situation sanitaire


La situation sanitaire née du développement de l’épidémie de
Covid 19 a eu des conséquences importantes sur le système
éducatif primaire, secondaire et supérieur, puisque les
établissements ont d’abord été purement et simplement fermés
(confinements) puis ouverts avec des restrictions (jauges, c’est-à-
dire nombre maximal d’élèves réunis en classe, les autres devant
travailler chez eux, en ligne ou par correspondance ; interdiction de
certaines activités telles que le sport en intérieur ; obligation du port
du masque dans certains lieux ou circonstances…) et, enfin, ont
fonctionné presque normalement avec possibilité de restrictions au
cas par cas dans chaque classe en fonction de l’évolution sanitaire
(confinement des seuls élèves contaminés ou cas contacts). L’État
s’est efforcé d’assurer rapidement la continuité du service public par
l’envoi de cours et documents par mails puis le développement de
plateformes permettant l’enseignement à distance (télétravail pour
les personnels administratifs et téléenseignement pour maîtres et
élèves). Sauf lors du premier confinement, les pouvoirs publics ont
fait le choix du maintien de l’ouverture des établissements avec des
modalités d’adaptation en fonction de la situation permettant la
poursuite des enseignements en groupes restreints ou en ligne en
cas de contamination dans une classe. Un protocole et cadre de
fonctionnement a été publié par le ministère, qui organise la scolarité
en primaire et secondaire, liste les activités autorisées et définit les
modalités de mise en œuvre en fonction de quatre niveaux de
situation épidémique.
Par ailleurs, la période épidémique a encore souligné les disparités
sociales au sein de l’enseignement, notamment quant à la possibilité
pour les élèves issus de milieux populaires de pouvoir disposer d’un
lieu pour travailler, d’un ordinateur ou d’un accès internet à domicile.
Pour l’occasion, des collectivités territoriales ont mis du matériel
informatique à disposition de certains élèves. Après un premier
constat, en 2020, d’un effet négatif de cette situation sur
l’apprentissage par les élèves, une étude publiée en 2021 par le
ministère de l’éducation, relativise cet impact, sauf en cours
préparatoire, pour ceux n’ayant pas pu bénéficier de l’apprentissage
continu des bases élémentaires.

III Le système scolaire aujourd’hui

A. Rôles respectifs de l’État et des collectivités


territoriales
L’État, au travers du ministère de l’éducation nationale est chargé
de la définition de la politique éducative de la nation. Il comprend,
d’une part, des services centraux avec différentes directions
(enseignement primaire, enseignement secondaire, enseignement
supérieur, ressources humaines…) et, d’autre part, des services
déconcentrés, placés sous la responsabilité de recteurs (qui sont
nommés par le président de la République) dans le cadre
d’académies (qui regroupent plusieurs départements). L’État adopte
les lois relatives à l’organisation de l’enseignement primaire,
secondaire et supérieur, fixe les programmes et organise les
relations entre l’enseignement public et l’enseignement privé sous
contrat. Il organise les modalités de recrutement du personnel de
l’enseignement (public ou privé) et en assure la rémunération et le
paiement des pensions. Il assure des missions d’inspection et de
direction. L’État dispose du monopole de la collation des grades
universitaires nationaux (licence, master, doctorat). À noter que le
nom du ministère de l’instruction publique a été transformé en 1932
en ministère de l’éducation nationale. Au-delà de l’anecdote du nom,
cette évolution témoigne d’un changement de conception des
missions conférées à ce service public car on est passé de
l’instruction (faire acquérir à l’aide de signes des connaissances
définies dans un programme) à l’éducation (au-delà de l’acquisition
de connaissances, apprentissage de la vie sociale et des valeurs
civiques aux enfants en complément des familles pour, selon la
formule célèbre d’Émile Durkheim « une socialisation systématique
de la jeune génération »).
Les collectivités territoriales n’ont aucune compétence en matière
de pédagogie, de direction des personnels enseignants et
d’administrations du service public de l’enseignement. Elles ont
seulement un rôle matériel et financier d’équipement.
La commune assure la construction, l’entretien, la réparation la
reconstruction et la mise à disposition des écoles publiques
maternelles et élémentaires (premier degré) et recrute le personnel
technique d’accompagnement. Les départements et les régions ont
la même compétence, respectivement pour les collèges et les lycées
(second degré) et sont compétents pour le recrutement des
personnels techniciens et ouvriers de service (TOS) qui y travaillent.
Les collectivités territoriales sont responsables de la sectorisation en
cas de pluralité d’établissement sur un même territoire (un élève est
inscrit dans tel établissement en fonction de son, adresse, sauf cas
dérogatoire, par exemple en raison d’une option particulière ou d’une
langue rare qui n’est pas enseignée partout). Collèges, lycées (et
universités) ont le statut d’établissement public administratif, mais ce
n’est pas le cas des écoles élémentaires (réponse ministérielle à la
question écrite n° 27346, JO Sénat 2000, p 3849).
Les trois niveaux de collectivités peuvent coopérer pour financer la
création d’établissements universitaires. Par ailleurs, les collectivités
territoriales vont également intervenir pour la mise à disposition
d’installations sportives dans et hors le temps scolaire (voir le
chapitre sur sport) ainsi que pour des actions en matière culturelle
comme la mise à disposition d’ouvrages, le subventionnement
d’actions en matières culturelle (offrir à des élèves des places au
théâtre, à l’opéra, pour une exposition…) ou pour lutter contre la
fracture numérique (mise à disposition gratuite d’un ordinateur).
L’un des points de friction entre l’État et les collectivités
territoriales, singulièrement les communes et les intercommunalités,
est celui de la carte des établissements sur l’ensemble du territoire,
particulièrement en zone rurale. En effet, la fracture territoriale est
particulièrement nette en matière d’éducation.
D’une part, la faible population de certaines communes ne permet
pas de justifier le maintien d’une école, même à classe unique au
village car la rationalisation de l’utilisation des moyens conduit à
financer d’abord les zones dans lesquelles il y a le plus d’élèves, ce
qui peut paraître justifier la fermeture de classes rurales et le
regroupement des élèves de plusieurs communes dans des écoles
de secteur (Regroupement pédagogique dispersé, qui concerne
plusieurs communes ou Regroupement pédagogique rassemblant
en un seul lieu tous les élèves d’une seule commune en cas de
dispersion de l’habitat), sous réserve d’une organisation efficace et
peu onéreuse pour les familles par les pouvoirs publics du transport
scolaire (région) et de la cantine (commune ou intercommunalité).
D’autre part, la fermeture des services publics (et d’abord de
l’école) dans une commune au motif de l’insuffisance de sa
population peut avoir pour conséquence d’accroître encore la
diminution de son attractivité et contribuer à la baisse et au
vieillissement de sa population, les familles hésitant alors à rester ou
à s’installer.
Enfin, la fracture territoriale est également en cause en ce qui
concerne les options offertes dans le secondaire : certaines
spécialités peu choisies sont regroupées dans quelques
établissements, généralement situés dans des zones urbaines ou
péri-urbaines suffisamment peuplées.

B. Enseignement public général


À l’heure de la massification de l’enseignement, qui voit l’essentiel
d’une génération suivre un parcours primaire, secondaire et post-
baccalauréat avec des succès inégaux et alors que le chômage
reste élevé, faut-il avant tout d’inculquer aux élèves un socle
commun de connaissances (savoirs fondamentaux : écrite, lire,
compter, histoire, éducation physique et sportive… et,
éventuellement l’initiation à la citoyenneté ou à l’environnement…)
ou bien, même dans les filières générales, faut-il envisager une
formation plus pratique permettant de faciliter l’insertion des élèves
dans la vie professionnelle, notamment par le suivi de stages ou
d’enseignements orientés vers certaines compétences utiles dans le
monde du travail ? Si le développement des filières professionnelles
dans le secondaire et le supérieur (Instituts universitaires
technologiques) permet une certaine professionnalisation et institue
un lien entre le monde académique et celui du travail, trop de
formations secondaires générales et universitaires restent
cantonnées à des enseignements exclusivement académiques sans
réelles professionnalisations. Par ailleurs, l’enseignement public doit-
il se limiter à une fonction d’instruction (les savoirs fondamentaux
déjà évoqués) ou faut-il y intégrer aussi des éléments d’éducation,
en complément des familles, qui sont parfois défaillantes ?

Depuis la réforme de 2019, l’enseignement est obligatoire entre 3


et 16 ans (avant 2019, à partir de 6 ans). L’instruction obligatoire
peut être donnée dans des écoles maternelles et élémentaires
(premier degré) ou dans des établissements secondaires (collèges
et lycées) de l’enseignement public ou privé (voir ci-dessous). Il est
possible également de recevoir l’enseignement à domicile mais dans
des conditions strictement limitées qui ont été fortement encadrées
par la loi de 2021 renforçant les principes de la République pour
lutter contre le séparatisme (par dérogation, l’enseignement à
domicile peut être autorisé après, d’une part, enquête du maire qui
vérifie pourquoi ce mode d’enseignement est choisi et s’il est
compatible avec la vie de famille et, d’autre part, une inspection
pédagogique par les services de l’Éducation nationale, qui s’assure
de la progression de l’élève, au moins une fois par an).
En 1810, il y avait 60 000 enfants scolarisés. En 2020 il y avait
plus de 12 250 000 élèves dont environ 6 500 000 en premier degré
(maternel et primaire) et environ 5 700 000 dans le second degré
(collèges et lycée) avec plus d’un million d’agents, dont près de
900 000 enseignants (avant la chute du communisme, une
plaisanterie prétendait que si l’Armée rouge était le premier
employeur du monde avec un million de militaires, le ministère
français de l’Éducation nationale était le deuxième !). Il existe près
de 60 000 établissements d’enseignement public dont environ
49 000 écoles, 7 000 collèges et 3 700 lycées (dont 2 000 lycées
professionnels). En 1900, 1 % d’une génération avait le
baccalauréat, 3 % seulement en 1939., 10 % en 1950 et 93,8 % en
2020 (bac général, professionnel ou technologique). Par ailleurs,
88 % obtiennent le brevet des collèges. En raison de la fracture
territoriale évoquée plus haut, se pose la question du maintien
d’établissements de qualité sur l’ensemble du territoire et notamment
le problème de l’accès aux différentes spécialités et options. Les
internats d’excellence permettent à des enfants venus de ces
territoires et remplissant des critères sociaux et académiques de
pouvoir étudier dans des établissements en étant logés. Par ailleurs,
developpements dans les zones sensibles, de l’éducation
prioritaire, qui permet d’augmenter les moyens humaines et
financiers (plus d’enseignants, classes moins nombreuses…).
Le budget de l’Éducation nationale représente en 2021, hors
pension, un peu plus de 55 milliards d’euros (76 milliards avec le
versement des retraites) et constitue le premier poste financier de
l’État. L’État assure le paiement de 55 % des dépenses globales en
faveur de l’enseignement, le reste étant supporté par les collectivités
territoriales (qui sont propriétaires des bâtiments), les associations,
les entreprises (taxe d’apprentissage notamment) et les familles. Le
coût moyen annuel d’un élève est de 7 000 euros en primaire,
8750 euros au collège, 11 300 euros au lycée (12 740 en lycée
professionnel en raison de certains équipements) et de 15 710 euros
en classe préparatoire aux grandes écoles. À l’occasion de la crise
du Covid 19, l’État a consenti un effort particulier pour assurer la
continuité pédagogique par l’enseignement en ligne durant le
premier confinement puis pour assurer l’ouverture des classes et
l’enseignement en présentiel avec mise en place de mesures
sanitaires diverses (jauges d’occupation des classes, alternance de
cours en ligne et en classe, port du masque, restriction de certaines
activités…).

Il y a plus de 2 600 000 étudiants en France, dont 358 000


étudiants étrangers. Le coût moyen de formation par étudiant est de
11 530 euros mais avec des disparités importantes car les frais de
scolarités de certaines grandes écoles peuvent avoisiner les
50 000 euros. Depuis quelques années des dispositifs publics et
privés d’aides existent mais il y a une situation préoccupante de
précarité chez de nombreux étudiants, dont certains doivent concilier
leur poursuite d’études avec l’occupation d’un travail alimentaire. La
crise du Covid 19, en raison des confinements ainsi que des
fermetures d’établissements et de l’isolement qui en ont résulté a
révélé une hausse importante du malaise chez de nombreux
étudiants. Le taux d’échec à l’université au bout de 4 ans d’études
est de 60 % (2017) essentiellement dans les filières ne pratiquant
pas de sélection à l’entrée. 60 % des étudiants ne passent pas en
troisième année. Ce chiffre préoccupant est sans doute une
illustration du constat de la baisse du niveau des élèves du
secondaire entrant à l’université pour certaines connaissances
(maîtrise du français, des langues étrangères, notamment écrite,
culture générale insuffisante, culture scientifique inégale selon les
sections…). Il illustre également la nécessité d’une amélioration du
service de l’orientation, dans le secondaire comme dans le supérieur
et d’une meilleure information sur les études et les formations (voir
les difficultés rencontrées sur l’application Parcoursup lors de
l’inscription des futurs bacheliers à l’université). Par ailleurs, se pose
également la question de la sélection à l’entrée de l’université, qui
permettrait, en orientant les élèves vers des filières en fonction de
leurs résultats de limiter en amont les risques d’échec mais cela
n’est possible que sous réserve que des formations équivalentes
dans l’ensemble des établissements secondaires soit assurée sur
l’ensemble du territoire. Or, des classements présentés par la presse
comparent les établissements, notamment en fonction du nombre de
filières ouvertes, du tutorat proposé et des résultats aux examens,
ce qui souligne une inégalité territoriale de fait entre les élèves.
Le budget total de l’enseignement supérieur est plus de
32 milliards d’euros. L’État finance les deux-tiers du coût de
l’enseignement supérieur mais il existe de nombreuses formations
privées, soit dans un cadre universitaire (Instituts catholiques,
notamment), soit de grandes écoles (près de 20 % des étudiants
sont inscrits dans des établissements privés). Les chiffres
mentionnés ci-dessus émanent du site du ministère de l’Éducation
nationale. En 2022 le président de la République a souligné le coût
financier élevé de l’accueil des étudiants à l’université par rapport au
nombre d’étudiants qui réussissent les examens et poursuivent leurs
études et indiqué souhaiter la mise en place d’une réforme portant
notamment sur l’augmentation des droits d’inscription.

C. Enseignement privé
Les relations entre enseignement public et privé, longtemps
conflictuelles (voir ci-dessus l’historique) et traversées de crises
périodiques jusque dans les années 1990, sont aujourd’hui
largement pacifiées.
L’un des éléments de débat a longtemps été celui du financement :
faut-il considérer que l’argent public ne doit aller qu’à l’enseignement
public ou bien que, l’ensemble des parents étant des contribuables
et jouissant de la liberté de l’enseignement pour leurs enfants,
doivent avoir la liberté de choisir entre les deux filières ? Dès 1931,
un système de financement de certains établissements privés a été
mis en place. Le financement de l’enseignement privé repose sur le
versement de frais d’inscription par les familles (avec les possibilités
de bourses), complété pour les établissements sous contrat (voir ci-
dessous) par les aides publiques. Le régime actuel repose sur la loi
Debré (1959) et la loi Gatel (2018). L’enseignement privé sous
contrat participe au service public de l’enseignement puisque ses
maîtres font partie des jurys d’examen et que leurs établissements
peuvent servir de centre d’examen, comme c’est le cas dans le
secteur public.
L’ouverture d’un établissement d’enseignement privé est soumise à
une déclaration préalable déposée par le fondateur auprès du
recteur d’Académie, qui la transmet au maire de la commune siège
de l’établissement, au procureur de la République et au préfet. Dans
un délai de trois moi, ces différentes autorités font une enquête.
Elles ne peuvent s’opposer à l’ouverture que si elles démontrent que
l’établissement projeté n’a pas un caractère scolaire ou technique
(par exemple, il opère dans le secteur du loisir, ce qui relève d’une
autre procédure) ou que l’ordre public ou la protection des mineurs
ne sont pas garantis (par exemple, constat de risques de dérives
sectaires) ou en raison du défaut ou de l’insuffisance des titres
universitaires du directeur et/ou du personnel enseignant ou de
certaines condamnations pénales subies par le directeur ou les
enseignants. Après cinq années d’exercice, un établissement peut
demander à être lié à l’État par contrat. Le personnel enseignant des
établissements sous contrat est recruté dans le cadre de concours
spécifiques comparables à ceux de l’enseignement public. Ils ont le
statut d’agents publics (et non de fonctionnaires). Leur recrutement
et leur carrière relèvent des services du rectorat. Dans
l’enseignement confessionnel, les professeurs relèvent également
des services de leur culte (délégué diocésain à l’enseignement, par
exemple, pour les catholiques).

Il existe trois types d’établissements privés en France :


– Établissement sous contrat d’association au service public de
l’enseignement : c’est le régime le plus répandu. Il s’applique
dans le premier et le second degré. Il accueille les enfants sans
distinction d’origine, d’opinion ou de religion. L’enseignement est
organisé conformément aux programmes et aux horaires de
l’enseignement public. Le personnel est composé d’agents
publics rémunérés par l’État. L’établissement bénéficie du
financement des infrastructures par les collectivités territoriales.
Un contrôle administratif est exercé par la préfecture (contrôle
sanitaire et de protection des mineurs) et un contrôle
pédagogique par le rectorat (acquisition du socle commun de
compétence et inspection des enseignants).
– Établissement sous contrat simple : il s’applique aux écoles
maternelles et élémentaires et aux établissements accueillant des
élèves handicapés qui en demandent le bénéfice et implique
l’accueil des enfants sans distinction d’origine, d’opinion ou de
religion. L’enseignement est organisé par référence aux
programmes et aux horaires de l’enseignement public et non
conformément à eux, ce qui laisse une plus grande liberté
pédagogique qu’avec le contrat d’association. Par contre, le
bénéfice d’un financement des infrastructures par les collectivités
territoriales est possible mais pas obligatoire Le personnel est
également rémunéré par l’État. Un contrôle administratif est
exercé par la préfecture (contrôle sanitaire et de protection des
mineurs) et un contrôle pédagogique par le rectorat (acquisition
du socle commun de compétence et inspection des enseignants).
– Établissement hors contrat : il a l’obligation de permettre aux
élèves d’acquérir le socle commun de compétences mais
bénéficie de la liberté pédagogique et n’est obligé de suivre, ni
les programmes, ni les horaires officiels de l’éducation nationale.
Les enseignants sont recrutés et rémunérés par l’établissement,
sans participation de l’État. Un contrôle administratif est exercé
par la préfecture (contrôle sanitaire et de protection des mineurs)
et un contrôle pédagogique par le rectorat (acquisition du socle
commun de compétence).
Les établissements privés préparent, dans les mêmes conditions
que les établissements publics, les élèves aux examens et concours.
Ils bénéficient, sous réserve des engagements résultants du contrat
par lequel ils sont éventuellement liés à l’État, du respect de leur
caractère propre (exemple : un établissement privé confessionnel
n’ayant pas de caractère laïc, il peut organiser un enseignement
religieux et des cérémonies cultuelles mais, s’il est lié à l’État par
contrat, l’assistance à ces activités n’est pas obligatoire et le choix
des élèves ne peut pas se faire sur un critère confessionnel ou de
pratique religieuse ; par contre, un établissement hors contrat peut
intégrer l’enseignement et la pratique religieux dans le programme
suivi par les élèves).

Aujourd’hui, près de 20 % des élèves sont inscrits dans


l’enseignement privé. Parmi eux, 97 % sont dans l’enseignement
sous contrat, 3 % dans l’enseignement hors contrat. Bien qu’il existe
aussi des établissements privés non confessionnels ou ouverts par
les différentes religions pratiquées en France, 97 % des
établissements privés relèvent de l’enseignement catholique.

D. Enseignement et handicap
La loi du 11 février 2003 sur l’égalité de droit et des chances des
personnes handicapées dispose que tout enfant ou adolescent
handicapé ou atteint d’une maladie invalidante a le droit de s’inscrire
dans l’établissement de son lieu de résidence au même titre que les
valides. Selon le principe de l’inclusion, les enfants handicapés
doivent, dans la mesure où leur état de santé le permet, être
accueillis en milieu scolaire ordinaire. C’est à l’établissement de
s’adapter à l’enfant. Ce droit à être scolarisé est mis en œuvre selon
une procédure précise. Les médecins (généraliste et spécialistes)
qui suivent l’enfant formulent des recommandations relatives aux
besoins spécifiques de l’enfant handicapé dans le cadre de sa
scolarité auprès de la MDPH (Maison départementale des
personnes handicapées) et c’est cette dernière qui décide des
modalités d’accueil de l’intéressé selon diverses formules :
– soit en milieu scolaire ordinaire avec présence d’un AVS (Aide de
vie scolaire) ou dans une classe ULIS (Unité Localisée pour
l’Inclusion Scolaire) ;
– soit dans un établissement spécialisé comprenant un volet
éducatif et un suivi médical, appelé IME (Institut Médico Éducatif)
ou ITEP (Institut Thérapeutique Éducatif et Pédagogique).
Environ 400 000 élèves handicapés sont scolarisés en milieu
ordinaire et environ 80 000 en établissements spécialisés, encadrés
par 125 000 professionnels avec un budget de 3,3 milliards d’euros.
Environ 11 000 enfants handicapés ne sont pas scolarisés, faute de
structure pour les accueillir.
L’accueil des enfants handicapés est effectué dans l’enseignement
public et dans l’enseignement privé.

E. Enseignement professionnel et technologique


Après avoir longtemps reposé essentiellement sur l’apprentissage
auprès de professionnels ou dans le cadre d’établissements privés
spécialisés, l’enseignement professionnel a progressivement été
organisé. Outre les écoles d’arts et métiers fondées pour la plupart
au cours du xixe siècle (mais la première dès 1780), il fut créé en
1865 un enseignement secondaire spécial, destiné à la formation
professionnelle dans les domaines du commerce et de l’industrie
dans le cadre des collèges et lycées (voir ci-dessus). En 1892, les
sections pratiques des écoles primaires supérieures (voir ci-dessus)
furent rattachées au ministère du commerce et chargées de donner
une formation à la fois générale et professionnelle aux futurs chefs
d’entreprises individuelles dans le cadre du système primaire. En
1911, le CAP (certificat d’aptitude professionnelle) et en 1919 des
cours professionnels gratuits et obligatoires (actuels centres
d’apprentissages) pour les jeunes employés du commerce et de
l’industrie âgée de 14 à 18 ans furent institués.
Aujourd’hui, l’enseignement professionnel est délivré soit dans des
établissements spécifiques (lycée professionnels et technologiques),
soit dans des sections technologiques et professionnelles au sein
d’un établissement d’enseignement général. Ces établissements
permettent des formations en alternance entre études et stages et la
préparation de diplômes variés : lycées des métiers (bac + 3,
notamment DUT, Diplôme universitaire technologique), lycée
professionnel (cycle seconde, première, terminale : baccalauréat
technologique ou professionnel, créé en 1985 ; cycle à partir de la
troisième : BEP ou brevet d’enseignement professionnel ; CAP ou
certificat d’aptitude professionnel ; il existe environ 250 spécialités
de CAP).

F. Formation continue
La formation continue est celle qui est suivie tout au long de la vie
par des personnes après leur formation initiale (études). Elle est
assurée aussi bien ans des structures publiques que privées. Elle
peut être déclenchée à l’initiative de l’employeur ou du salarié ou
dans le cadre d’une recherche d’emploi. La première loi en la
matière a été adoptée en 1939. Le principe du droit à la formation
professionnelle a été affirmé dans le préambule constitutionnel de
1946. Le régime juridique relève des lois du 4 mai 2004 et du
5 septembre 2018. Outre l’affirmation d’un droit individuel à la
formation, il est possible de demander une validation des acquis
d’expérience permettant d’obtenir des équivalences de crédits
universitaires sur la base de l’expérience professionnelle.
Il existe des dispositions spécifiques pour la formation continue
dans la fonction publique.

Sujet de dissertation : « L’égalité des chances vous


paraît-elle être assurée dans le système éducatif
français ? »
1. Analyse synthétique
🠶 Définitions :
– Égalité des chances : principe selon lequel l’accès aux
formations et aux diplômes doit reposer exclusivement sur le
mérite à l’exclusion de tout autre critère (classe sociale, moyens
financiers, relations sociales…). Il est à la base de l’élitisme
républicain depuis la révolution (principe d’égalité garanti par
l’article 1er de la déclaration de 1789, article 13 selon lequel
seules les facultés, c’est-à-dire la capacité, droit présider au choix
des agents publics ; préambule de 1946 qui garantit le droit à un
enseignement public laïc et à la formation professionnelle. La
recherche de l’égalité des chances constitue pour l’État une
obligation de moyens (créations de bourses ; couverture
nationale d’établissements permettant la formation de tous les
élèves…) et non de résultats (obligations de quotas de personnes
ayant telle origine sociale, tel profil, tel revenu, telle origine…)
mais tendance depuis quelques années à prévoir des dispositifs
spécifiques pour certains territoires (ZEP, plan banlieue,
recrutements spécifiques dans certaines grandes écoles en
fonction de critères alternatifs, mise en place de financements
spécifiques et de formations renforcées pour les candidats
remplissant certaines conditions…) ;
– Système éducatif français : ensemble des institutions publiques
et privées, de formation initiale et continue, généralistes, du
primaire, su secondaire et du supérieur.
Il faut également aborder les points suivants (développés ci-
dessus) : débats sur le niveau des élèves et étudiants, l’orientation,
l’inégalité territoriale, la sélection à l’entrée de l’université, de la
professionnalisation dans le cadre de l’enseignement général,

2. Problématique
Si l’égalité des chances est un objectif fondamental de l’État
français, sa mise en œuvre concrète se heurte aux rigidités
institutionnelles et financières.
🠶 Introduction :
– Définitions ;
– Évolution historique (affirmation de l’égalité des chances dès la
révolution puis mise en œuvre progressive par la République à
partir de Jules Ferry) ;
– Actualité (très grand nombre de titulaire du baccalauréat et du
brevet mais difficulté d’accès, et surtout de diplomation, à
l’université…) ;
– Problématique : Si l’égalité des chances est un objectif
fondamental de l’État français, sa mise en œuvre concrète se
heurte aux rigidités institutionnelles et financières.
I. L’égalité des chances, un objectif fondamental et ambiguë
A. Un objectif fondamental (rappel que l’égalité des chances
résulte de l’affirmation du principe d’égalité, du droit à l’éducation,
des conséquences des trois massifications…)
B. Un objectif ambigu (effort budgétaire considérable avec des
résultats difficilement mesurables ; obligation de moyens ou de
résultats pour l’État ; question de la sélection préalable des
étudiants ; mieux organiser l’orientation des élèves ; favoriser les
passerelles entre formations et les équivalences ; quel équilibre
entre les critères académiques et les critères sociaux…)
II. Une mise en œuvre compromise par certaines rigidités
A. La dimension territoriale (sectorisation dans l’enseignement
primaire et secondaire ; enseignement public et enseignement
privé ; création des ZEP ; mise en place de parcours spécifiques
dédiés à certains publics difficultés liées à Parcoursup…)
B. La dimension institutionnelle (nécessité de concilier l’aspect
national et unitaire de l’Éducation avec une adaptabilité aux
publics et territoires spécifiques ; rationaliser les différentes aides
proposées ;…).
Chapitre XI
Art, culture et médias

Bibliographie
• J-M. Auby : « Droit de la culture », Berger-Levrault, 2016 ;
• D. Lecourt (et autres) : « Aux sources de la culture française »,
La Découverte, 1997.

I Définition

La culture est « l’enrichissement de l’esprit par des exercices


intellectuels » (Larousse) et désigne l’ensemble des valeurs
communes au sein d’un groupe. La liberté artistique se rattache à la
liberté d’expression garantie par les articles 10 et 11 de la
Déclaration de 1789.

L’art (latin artis, habileté) désigne l’ensemble des procédés,


connaissances et règles intéressant l’exercice d’une activité
quelconque (« règles de l’art », « art de la table »…), ainsi que la
création d’objets ou de mises en scène spécifiques destinées à
produire chez l’homme un état particulier de sensibilité plus ou
moins lié au plaisir esthétique. (Larousse). Cela désigne aussi le
caractère de l’ensemble des œuvres artistiques (art français, italien,
impressionniste…). Les « beaux-arts » désignent les arts dans
lesquels la conception intellectuelle et l’inspiration dominent, par
oppositions aux « arts mécaniques » (Larousse).

Architecture, sculpture, peinture, musique, danse, poésie


constituent les 6 premiers arts (cités dans cet ordre par Hegel, dans
Esthétique). On appelle 7° art le cinéma (Riccio Canudo, 1912) ; 8e
art la photographie et/ou télévision ; et 9° art : la bande dessinée
(Francis Lacassin, 1971). On désigne parfois les jeux vidéo comme
étant le 10° art. Le chant et le théâtre ne sont pas spécifiquement
identifiés car ils sont compris dans la poésie.
La notion de culture s’est progressivement élargie, au-delà des arts
entendus strictement, au profit de manifestations nouvelles (notion
d’« arts de la rue » pour qualifier de nouvelles disciplines en matière
de graphisme, arts plastiques, musique, danse… qui, au
départ étaient pratiquées par des amateurs et sans reconnaissance
officielle, voire parfois illégalement, comme par exemple pour les
tags sur des propriétés privées ou publiques et qui depuis quelques
années bénéficient de soutiens institutionnel en raison de
l’augmentation de leur public).

Les médias sont les procédés permettant la distribution, la diffusion


ou la communication d’œuvres, de documents ou de messages
sonores ou audiovisuels : presse, cinéma, affiche, radiodiffusion,
télédiffusion, vidéographie, télédistribution, télématique,
télécommunications (Larousse)

II Évolution historique

A. Art et culture
À toutes les époques et dans la plupart des pays, les souverains,
puis les États, ont par goût et par volonté d’affirmation et d’illustration
de leur puissance, utilisé les arts et les artistes par une
instrumentalisation qui n’est pas sans rappeler le phénomène
constaté à propos du sport (voir le chapitre sur le sport).
Sous l’Ancien-Régime, si une partie des acquisitions étaient
effectuées personnellement par le roi pour ses propres collections,
déjà beaucoup d’œuvres étaient achetées pour soutenir l’art et servir
à l’expression de la magnificence et de la puissance de l’État,
certaines étant visibles par le public.
Lors de la Révolution, l’intégration des biens de la couronne au
domaine public, la nationalisation des biens du clergé, la
confiscation de ceux appartenant à certaines familles nobles et des
œuvres pillées lords des campagnes militaires ont été à l’origine de
la création de musées ouverts au public dans un but d’éducation du
peuple l’État à Paris comme en province.
Il existe depuis fort longtemps en France une administration
spécifique dans le domaine des arts et de la culture.
Dès l’Ancien Régime, la monarchie avait créé des postes de
Surintendants, administrateurs chargés à la fois de veiller au respect
des canons de l’art officiel tels qu’ils étaient définis par les différentes
académies sous le regard du roi et d’assurer le suivi de la réalisation
des commandes d’État (musique, peinture, architecture,
sculpture…).
À partir de la Révolution et au xixe siècle, les beaux-arts furent
rattachés au ministère de l’instruction publique. Sous
la IIIe République il exista, comme pour le sport, un commissariat
général ou un haut-commissariat, puis un secrétariat d’État aux
beaux-arts, dont les compétences portaient essentiellement sur
l’organisation de l’enseignement artistique, la gestion des grands
établissements culturels (musées, théâtres et opéra nationaux…) et
la protection du patrimoine. Les acquisitions d’œuvres par l’État
témoignaient d’un conformisme officiel en faveur d’une certaine
conception du goût qualifiée de « bourgeoise » par ses détracteurs
(on qualifiait ironiquement de « peintres pompiers » les artistes
retenus pour des commandes officielles de représentation
d’évènements officiels ou historiques, dans lesquels étaient souvent
représentés des personnages casqués). Certains courants
artistiques très novateurs furent d’abord écartés par les instances
officielles. Cela fut, par exemple le cas de l’Impressionnisme
(institution du Salon des refusés sous le Second empire pour
accueillir les artistes non admis au Salon officiel), mais la même
remarque peut être faite en matière de musique (polémiques sur la
musique « expérimentale »), de danse (accueil mitigé des Ballets
russes) ou d’arts plastiques (débats sur le cubisme et les débuts de
l’art abstrait) car on a constaté aussi pour ces disciplines au début
du xxe siècle, une certaine retenue, voire hostilité, des instances
officielles.
Depuis quelques années de nouvelles formes d’expression
artistique ce sont développées. D’abord issues de la pratique
spontanée d’artistes indépendants, elles ont peu à peu acquis une
reconnaissance par le public et par les institutions culturelles
(rock’n’roll dans les années 1950 et 1960, Rap, Street-art,
Graphisme, Hiphop dans les années 1980 et 1990…).

B. Médias
L’écriture est apparue dans l’Antiquité en Eurasie, à l’époque des
Sumériens avec différents modes de transcription (alphabets). À
noter qu’en Amérique, les populations pré-colombiennes ont de leur
côté développé leurs propres systèmes d’écriture (Cris, Mayas…).
Les livres furent d’abord édités sous forme de manuscrits,
reproduits dans des ateliers de copistes dans les villes universitaires
ou dans des monastères. À l’origine, les livres étaient presque
exclusivement religieux (Bible veut dire livre) malgré la diffusion de
quelques ouvrages profanes (fabliaux et récits de chevalerie,
poésies). Il existait par ailleurs quelques techniques d’imprimerie,
venues de Chine, pour la reproduction de textes courts ou d’images
gravés sous forme lithographique (sur des pierres) ou
xylographiques (sur un bois). L’invention attribuée à Gutenberg vers
1455 n’est pas l’imprimerie en elle-même mais l’utilisation de lettres-
types mobiles en métal permettant de reproduire facilement et
rapidement des textes et de refondre les caractères usés. Plusieurs
ateliers en France, Allemagne, Italie et Angleterre menaient
d’ailleurs de semblables recherches à cette époque.
L’imprimerie fut d’abord utilisée pour la diffusion de la pensée
religieuse (les premiers livres imprimés étaient des Bibles ou des
commentaires de celle-ci) puis son utilisation s’est étendue à des
sujets profanes (romans, pièces, satires…) puis à un usage
administratif (textes juridiques, codes, lois, jugements…). Le
développement des techniques d’imprimerie a favorisé une
reproduction plus rapide, à plus grande échelle et à moindre coût
des imprimés. Le livre fut longtemps un objet cher et rare.
Théophraste Renaudeau et Benjamin Franklin ont cherché à
démocratiser la lecture par le développement de la presse et
d’ouvrages moins chers. Au xixe siècle apparition et au xxe
développement des ouvrages en éditions populaires « de poche ».
Au plan des principes, sous l’Ancien régime, les imprimeurs et les
libraires étaient soumis à une autorisation préalable « le privilège du
Roy » et le pouvoir royal luttait contre la diffusion clandestine
d’œuvres interdites par les colporteurs. La garantie de la liberté
d’expression fut progressivement revendiquée dans le cadre des
Lumières. Les révolutions en Angleterre, aux États-Unis et en
France (1789, 1830 et 1871) furent inspirées et soutenues par des
écrivains (Locke, Montesquieu, Voltaire, Diderot, Rousseau…), des
ouvrages et la diffusion de la presse. Si les principes de la liberté
d’opinion, d’expression et d’imprimer fut affirmée par la Déclaration
de 1789 sous réserve de répondre des abus de son usage dans le
cadre de la loi, il fallut attendre le régime libéral de la IIIe République
pour permettre la mise en œuvre concrète de la liberté de la presse
(loi du 29 juillet 1889) et sa pérennisation (sauf durant les deux
guerres mondiales) et par les grandes déclarations internationales et
européennes. Cette liberté est directement l’expression du caractère
libéral au plan politique de l’État. Aujourd’hui, le livre comme la
presse doivent faire face à l’enjeu du numérique (voir ci-dessous).
En matière de radio et de télévision, création en 1927 par le
gouvernement Poincaré du service de radiodiffusion, rattaché aux
PTT. Ce poste public était en concurrence avec des sociétés privées
financées par la publicité. Peu avant la Seconde guerre mondiale,
l’État prit le contrôle de l’ensemble des sociétés, dans la perspective
de la nécessité du contrôle de l’information en cas de conflit.
Le premier grand évènement retransmis par la télévision furent les
Jeux olympiques de Berlin (1936) par la retransmission d’images
dans les salles de presse de la capitale allemande. En France, les
premières émissions de télévision furent diffusées à Paris à partir du
4 janvier 1937 (une centaine de postes) quelques heures par jour.
En 1945, l’État a procédé à l’érection en monopole de la radio et de
la télévision. En 1949 fut créé une régie d’État, la RTF
(Radiodiffusion et télévision française), devenue en 1964 l’ORTF
(Office de radiodiffusion Française) avec une personnalité morale
limitée, ayant une mission de service public (avec trois missions, qui
existent toujours : informer, cultiver, distraire) et financé par le
paiement d’une redevance par les usagers. Dans les années 1950,
la création de société de radios commerciales de droit étranger
émettant hors du territoire national mais dans le capital desquelles
l’État français était présent (RTL, RMC et Europe 1) a permis le
passage du monopole à une concurrence limitée.
En 1974, fut décidé l’éclatement de l’ORTF et la création de
sociétés anonymes dont le capital était détenu à 100 % par l’État
(TF1, Antenne 2 et FR3) avec institution d’une concurrence entre
ces chaînes dans le cadre du monopole avec un financement mixte
(perception de la redevance audiovisuelle et recettes publicitaires,
dont le montant varie en fonction de l’audience, apparition de la
notion d’audimat).
Depuis 1982, il y a eu en France, sur le modèle pratiqué dans
l’ensemble des démocraties occidentales, une ouverture progressive
à la concurrence de la radio et de la télévision. Désormais, il existe
d’une part un service public d’État et d’autre part un secteur
commercial privé (voir ci-dessous).
Enfin, apparition des activités numériques : Internet est un réseau
qui a été testé aux États-Unis en 1972 et s’est developpé
mondialement dans les années 1990 (voir le chapitre sur la
Mondialisation) et permet la communication en ligne d’information
mais dont le developpement est lié à l’existence d’équipement
suffisant (voir la question de la fracture territoriale). La CNIL
(Commission Nationale Informatique et Liberté) est une autorité
administrative indépendante créée en 1978 qui veille à la protection
des données personnelles sur les fichiers informatiques.

III État actuel de la question

A. Ministère de la culture
Le ministère de la culture, sous cette appellation, a été institué en
1959 par le général De Gaulle. Son premier titulaire fut André
Malraux (1901-1976), qui constitue encore la référence de cette
fonction. Aux termes du décret du 24 juillet 1959, le ministère de la
culture a pour mission de rendre accessibles les œuvres capitales
de l’humanité et d’abord de la France, au plus grand nombre
possible de français, d’assurer la plus vaste audience à notre
patrimoine culturel et de favoriser la création des œuvres d’art et de
l’esprit qui l’enrichissent. Le décret du 10 mai 1982 a précisé que le
ministère de la culture doit permettre à tous les Français de cultiver
leur capacité d’inventer et de créer, d’exprimer librement leur talent
et de recevoir les formations artistiques de leur choix, ainsi que de
préserver le patrimoine et d’encourager la création. Il apparaît ainsi,
que le ministère a pour mission la protection du patrimoine,
l’encouragement de la création et l’organisation de l’enseignement
artistique (délivrance de diplômes…).
L’administration centrale du ministère comprend différentes
directions thématiques (architecture et patrimoines, livre, musique et
danse, arts plastiques, musées…). L’administration déconcentrée
est constituée dans les territoires par les DRAC (Directions
régionales de l’action culturelle). Par ailleurs, différents
établissements publics administratifs culturels sont rattachés au
ministère (Musées du Louvre, Opéra de Paris, Bibliothèque
nationale ; Centre national du livre ; Centre national de la musique ;
Centre national du cinéma, le Centre national des monuments
historiques et des sites…). Les Archives de France lui sont
rattachées.

Le ministère de la culture est également compétent en matière de


communication audiovisuelle. À ce titre, il assure :
– D’une part, la tutelle du secteur public de la radio-télévision,
chargé d’une mission de service public (qui implique notamment
des obligations particulières en matière de traitement pluraliste de
l’information et de fourniture de programmes permettant
« d’informer, de cultiver et de distraire » les usagers, selon la
formule en usage depuis 1945, dans le cadre de cahiers des
charges). Ce service public est financé par une taxe spécifique
(la redevance audiovisuelle). Il comprend, des sociétés
anonymes dont 100 % des actions appartiennent à l’État (Groupe
France-Télévision, Groupe France Inter, SFP ou Société
française de production) et des établissements publics (INA ou
Institut national de l’Audiovisuel). Arte, qui relève d’un traité
franco-allemand et la Chaîne parlementaire, qui est indépendante
de l’État en raison de la séparation des pouvoirs, relèvent de
statuts particuliers ;
– D’autre part, l’attribution d’autorisations de diffuser au titre du
secteur privé de l’audiovisuel. Ce dernier est composé
essentiellement de sociétés commerciales (télévision et radios) et
parfois, d’associations (quelques radios) qui interviennent sur
différents supports (réseau hertzien de la TNT, câble, satellite).
Outre l’autorisation d’émettre, qui définit le type de support, les
plages horaires et les thématiques abordées, chaque entreprise
est liée juridiquement par une convention qu’elle doit respecter.
L’ARCOM (Autorité de Régulation de la Communication
Audiovisuelle et numérique) est une autorité administrative
indépendante mise en place le 1er janvier 2022 (fusion entre le C.S.A
(Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) et la HADOPI (Haute autorité
pour la défense des œuvres et de la protection des droits aux
internets). L’ARCOM est chargée de veiller au respect de la
législation par le secteur public comme par le secteur privé de
l’audiovisuel. Il est également chargé d’instruire les demandes
d’autorisation d’émettre dans le secteur privé et d’auditionner les
candidats aux postes de direction dans l’audiovisuel public et de
veiller au respect du droit d’auteur.

Sous la Ve République, s’est développée la notion de « politiques


culturelles », c’est-à-dire d’actions priorisées par l’État (création des
Maisons de la culture ; du musée d’art contemporain de Beaubourg,
initié par le président de la République Georges Pompidou (1911-
1974) avec un élargissement du champ culturel, c’est-à-dire des
matières considérées comme participant à la « culture » avec mise
en place d’évènements festifs destinés à populariser et démocratiser
la culture (Fête de la musique, Journées du patrimoine, Nuit des
musées…). Par ailleurs, le ministère de la culture participe
financièrement au soutien de nombreuses industries culturelles. Par
exemple, diverses aides existent en faveur du cinéma (subvention,
avances sur recette ou crédit d’impôt pour la production
cinématographique), du spectacle vivant (théâtres nationaux,
subventions de manifestations…), du livre (soutiens financiers divers
à la publication d’ouvrages par la Direction du livre et prix unique du
livre, voir ci-dessous), de la presse (tarifs réglementés en matière
d’acheminement postal ou de papiers de presse, nombreuses aides
financières, notamment en faveur du maintien du pluralisme ou en
matière de diffusion…).

Le ministère de la culture, en partenariat avec les collectivités


territoriales (Fonds régionaux d’art contemporain : environ 25 000
œuvres), divers établissements publics et des partenaires privés
(entreprises, fondations…) passe des commandes d’œuvres d’art
contemporain, soit pour les exposer dans des musées (Fonds
national d’art contemporain, environ 100 000 œuvres), soit pour les
placer dans l’espace public dans des lieux non institutionnels (en
collaboration avec le conseil national des œuvres dans l’espace
public, créé par le décret du 24 août 2016). Outre que le choix de
certaines œuvres ou de certains emplacements est régulièrement
contesté (voir les polémiques sur l’exposition d’œuvres
contemporaine au château de Versailles ; parfois, comme pour la
pyramide du Louvre ou le plafond de l’Opéra de Paris, le temps fait
son œuvre et éteint les débats), on peut s’interroger sur le risque du
maintien, au travers de tels financements, d’une certaine forme d’art
officiel, conforme au goût des dirigeants, pas bien différent dans
son essence du goût royal de l’Ancien régime ou du goût bourgeois
de la fin du xixe siècle, même s’il se pique d’avant-gardisme. Selon le
critique D-H. Kahnweiller : « L’État ne peut pas avoir de goût, ce
serait un miracle que les gens qui dispose des fonds servant à aider
les peintres aient du goût » (1961). Le débat sur la conciliation entre
tradition et modernité ne porte pas seulement sur les arts plastiques
mais aussi, par exemple, sur le choix des mises en scène ou des
décors « revisités » de certaines œuvres classiques de théâtre ou
d’opéra. En outre, la question est également posée en matière
d’architecture et de patrimoine comme le montre la discussion
autour de la restauration de la Cathédrale Notre-Dame de Paris
entre partisans d’une restitution à l’identique et adeptes de
l’introduction d’œuvres contemporaines.
En matière de patrimoine, le corps des urbanistes de l’État
comprend notamment les architectes des bâtiments de France. Il a
pour mission l’entretien et la protection du patrimoine public (mais
aussi privé, s’agissant de monuments historiques), ainsi que des
missions d’expertises.

La politique culturelle internationale est un élément de soft


power pour l’État dans le cadre d’actions conjointes du ministère de
la culture et de celui des affaires étrangères et de la francophonie
(recrutement d’attachés culturels, rôle de l’Alliance française et de
l’Organisation internationale de la francophonie dans la promotion et
la langue et de la culture française par l’organisation d’expositions et
de rencontres, initiatives du type du prêt d’œuvres à des musées
étrangers ou de la création d’une annexe du Musée du Louvre à Abu
Dhabi…).

En 2021, le budget de la culture (hors audio-visuel : en 2018, le


budget de l’audio-visuel public était de 3,9 milliards d’Euros) se
monte à 3,8 milliards d’Euros, en hausse de 4,8 % par rapport à
2020. Dans le cadre de la crise sanitaire et de la compensation des
conséquences du confinement et de la fermeture de divers
établissements, le ministère de la culture a été amené à verser des
compensations aux professionnels de la culture pour les pertes
d’exploitation en résultant. Environ 20 millions d’euros sont alloués à
l’achat d’œuvres contemporaines. Le soutien au patrimoine
représente, au niveau du ministère, environ 1 milliard d’euros, dont
une partie relève des aides exceptionnelles à l’emploi pour
compenser les pertes d’exploitation en raison des fermetures de
visites occasionnées par la crise sanitaire).
Comme le sport, la culture est un des outils utilisés dans le cadre
de la politique de la ville.

B. Actions des collectivités territoriales


À la suite des lois de décentralisation, l’action culturelle des
collectivités territoriales, a connu un fort développement. Le cadre
juridique généralement retenu est celui de l’EPCC (Établissement
public de coopération culturelle). Cette activité culturelle est
complémentaire des actions menées par les services déconcentrés
du ministère de la culture (DRAC), dans le cadre de coopérations
diverses et de cofinancements. Par ailleurs, les collectivités
territoriales sont amenées à coopérer dans la gestion et le
financement de divers équipements ou évènements culturels
(notamment pour des festivals, conférences ou des aides à la
réalisation de films). Enfin, de nombreuses actions culturelles sont
effectuées dans le cadre des métropoles ou des établissements de
coopération intercommunale.
Elles ont un rôle essentiel, en complément avec celui de l’État en
matière de politique du livre et de bibliothèques publiques
(bibliothèques municipales ; bibliothèques départementales
centrales de prêts, qui alimentent ces dernières) ainsi que pour
l’organisation ou le subventionnement de nombreuses
manifestations culturelles.

Les collectivités territoriales assurent la gestion et la mise à


disposition du public et des chercheurs (dans le respect des règles
de communicabilité fixées par l’État) des archives publiques placées
sous leur sauvegarde. Elles peuvent créer et gérer des musées et
des expositions. Elles peuvent subventionner ou organiser des
spectacles ou des festivals. Par ailleurs, la loi du 13 août 2004
dispose que les collectivités territoriales peuvent être propriétaires
de monuments classés ou inscrits appartenant à l’État ou au Centre
des monuments nationaux. Ainsi, la commune assure
essentiellement un service de proximité en matière culturelle
(bibliothèques, enseignement artistique dans le cadre d’un
interventionnisme redistributif…). Le département adopte et met en
œuvre schéma départemental de développement des
enseignements artistiques de musique, danse et art dramatique en
collaboration avec les communes. Les régions sont chargées
d’effectuer l’inventaire du patrimoine culturel et artistique régional.

C. Action des associations


De très nombreuses associations de la loi du 1er juillet 1901
interviennent en matière culturelle, comme d’ailleurs pour le sport.
Tout d’abord, il peut exister des musées privés sous forme
associative ou de fondations. Ensuite, diverses associations
regroupent les professionnels, les pratiquants ou les amateurs de
l’ensemble des activités culturelles tant en matière d’enseignement
que d’organisation de spectacles ou d’expositions. Elles sont
financées par les cotisations des membres ainsi que par le fruit de
prestations exceptionnelles (spectacle ou exposition annuelle,
buvette…). Certaines peuvent bénéficier de subventions, notamment
des collectivités territoriales (voir ci-dessus).

D. Action du secteur privé commercial


Bien que subventionnée par les personnes publiques et parfois
directement assurée en régie par ces dernières, l’activité culturelle
relève aussi du domaine des entreprises libérales.
Tout d’abord, même si la plupart des musées privés sont sous
forme associative, rien ne s’oppose à ce que certains soient en
forme de société, mais cela implique alors que leur exploitation soit
rentable.
Ensuite, de nombreuses activités d’enseignement et de formation
culturels (arts plastiques, musique et chant, danse…) sont
effectuées par des personnes privées, souvent sous forme d’activité
libérale ou d’auto-entrepreneur, parfois dans le cadre de sociétés
commerciales.
Enfin, on trouve également des entreprises commerciales dans le
domaine du spectacle vivant (salles de spectacles, tels que les
théâtres ou cafés-théâtres), de la diffusion cinématographique
(salles de cinéma), de la production (cinéma, théâtre, opéra, radio-
télévision), du commerce d’œuvres d’art (galeries et marchands
d’art, antiquaires, brocanteurs…), de l’édition (livres, périodiques
artistiques ou culturels, musique), du commerce de librairie
(commerçants indépendants ou grandes enseignes) et des médias,
écrits comme audio-visuels (radio, télévision…) et de production
artistique (métiers d’art, artisans spécialisés dans certains domaines
tels que la restauration ou la création d’œuvres : ébénistes, doreurs,
bronziers…).

IV Le domaine particulier du livre

A. Historique
Voir ci-dessus.

B. Les éléments en débat


Le livre a toujours connu diverses menaces, notamment liées à la
fragilité de son matériel constitutif, parchemin ou papier (feu,
pourrissement, rongeurs, vers…) mais aussi à la volonté des
pouvoirs de s’opposer à la libre diffusion des idées (voir Umberto
Ecco, « Le nom de la rose », 1979, voir aussi Michel Onfray
« Autodafés, l’art de détruire les livres, Presses de la cité, 2021…) :
censure, autodafés dès le Moyen-Âge et jusqu’au Nazisme et
Daech, remise en cause du principe de la liberté d’expression,
question du débat entre le « politiquement correct » et la liberté
d’expression… Au demeurant, avant la scolarisation obligatoire en
1881-1882, la plupart des Français ne savaient pas lire et le livre
était peu diffusé (peu de bibliothèques publiques mais existence de
« cabinets de lectures » dont l’abonnement était accessible). Par la
suite, nombreuses politiques publiques au niveau national et local
pour soutenir la lecture : prix du livre (loi Lang de 1981 : le prix du
livre neuf est fixé par l’éditeur avec possibilité d’un rabais de 5 % par
le revendeur, ce qui permet de protéger les librairies traditionnelles
de la concurrence des grandes surfaces ou des grandes enseignes
de produits culturels), bibliothèques, animations et manifestations
diverses, diverses, soutiens au secteur de l’édition, notamment d’art
ou scientifique, versement d’aides aux familles pour l’achat des
livres scolaires… Par ailleurs, au niveau international, action de
l’UNESCO en faveur du livre, notamment scolaire et universitaire ou
scientifique, mais aussi de la protection des livres anciens et des
bibliothèques (cf. l’action menée récemment pour la sauvegarde de
manuscrits anciens à Tombouctou).
En même temps, le livre a toujours été l’objet de passions et de
débats, dans l’ensemble des classes de la société (passion de la
lecture mais aussi de la bibliophilie de la recherche d’éditions rares,
d’auteurs peu connus, de thèmes originaux…). Par ailleurs,
fréquentes tentatives de lutter contre des idées non par le débat et
l’argumentation mais par la destruction de livres (autodafés) et la
persécution des auteurs (notamment par l’Inquisition et par
l’institution du « Privilège du Roy avant 1789 soumettant la
publication et la diffusion d’ouvrages à autorisation et destruction des
ouvrages de contrebande, notamment diffusés par les colporteurs :
cela n’empêcha pas pour autant la diffusion des philosophes des
Lumières ; plus récemment : autodafés et persécution d’auteurs par
les nazis, interdiction d’ouvrages et persécutions d’auteurs dans les
régimes communistes (les dissidents, notamment écrivains tels
Alexandre Soljenitsyne ; plus récemment, débat sur la dénonciation
du « politiquement correct » dans les sociétés occidentales et sur la
censure exercée par les GAFA, voir le chapitre sur la
Mondialisation).
En 2021, la vente de livre a connu une hausse de 19 % par apport
à 2019 (avant les confinements) et 545 nouveaux livres sont parus. Il
existe environ 22 000 points de vente de livres dont 3 300 librairies
en France, ce qui représente 80 000 emplois. Le chiffre de vente des
éditeurs hors livre scolaire est de 2,6 milliards d’euros. Environ
55 000 personnes travaillent comme écrivains, traducteurs et
illustrateurs (chiffres du ministère de la culture).
Certains livre ont marqué une époque (ex : les œuvres publiées
dans le cadre de la clandestinité pendant la Résistance, comme « Le
silence de la mer », de Vercors) ou des générations (voir les œuvres
« classiques » de l’Antiquité au xixe siècle encore largement lues et
connues de nos jours). Impact des grands auteurs politiques : Marx,
Tocqueville, De Gaulle… La diffusion du nazisme a largement
découlé de celle de l’ouvrage d’Adolf Hitler « Mein kampf » et de
celui d’Alfred Rosenberg « Le mythe du xxe siècle ». De même, poids
des ouvrages de Lénine (et de Staline avant la déstalinisation) dans
les pays communistes. Voir aussi la remise en cause, notamment
aux États-Unis, dans certaines universités par des groupes ultras
féministes ou racialistes de l’enseignement d’œuvres classiques de
la culture occidentales au prétexte qu’elles contiendraient des
propos considérés offensants à l’égard de certaines minorités
(exemples récents : l’Illiade, l’Odyssée, le Discours de la méthode, le
Prince, Les fourberies de scapin, le livre de Voltaire sur Mahomet…
notamment). Voir aussi le débat sur le caractère raciste et hostile
aux femmes des albums de Tintin (notamment Tintin au Congo ou
Les bijoux de la Castafiore) et de la limitation éventuelle de leur
diffusion. Cela pose bien la question de la censure, même sous une
forme moins violente qu’un autodafé. Le développement de cette
« culture woke » (volonté du bannissement de certains ouvrages
considérés comme offensants par des minorités) témoigne de la
fragilité de la liberté d’expression et d’opinion, même au sein d’une
société libérale.
Par ailleurs, la crise du livre s’inscrit dans la notion plus large de
« crise de la culture » (Hannah Arendt, 1961) : Selon Hannah
Arendt, la culture de masse transforme l’objet culturel en loisir dans
le cadre de la société de consommation ; dès lors, la massification
de la culture rend nécessaire le renouvellement des objets culturels
qui cessent d’être des œuvres d’art pour devenir des objets de
consommation voir les récentes évolutions de l’art contemporain,
notamment pour les arts plastiques ; on parle de « produits
culturels » pour désigner les productions culturelles destinées à la
consommation de masse.
Dans la société de masse, le livre est destiné à devenir lui aussi un
objet de consommation (cf. les éditions à bon marché qui permettent
de toucher un plus vaste public mais banalisent l’objet « livre »). Il
perd alors son caractère particulier (voire sacré ?) d’objet culturel et
devient en effet un simple objet de consommation courante (des
livres sont vendus en Grandes surfaces comme des légumes ou des
boites de conserve, livre à 1 euro permettant la diffusion de livres
dont le droit d’auteur est tombé dans le domaine public et qui ne
sont pas destinés à être nécessairement conservés ; développement
des « boites à livres », dans lesquelles les lecteurs déposent des
livres déjà lus et récupèrent ceux laissés par d’autres, ce qui permet
un accès au livre à moindre coût et une circulation des idées mais
renforce le sentiment de désacralisation du livre dans la société
contemporaine).
Internet est-il le symbole de la fin ou du renouveau du livre et de la
lecture ? Il était annoncé que le numérique serait la fin du support
papier et pourtant la consommation de papier est en hausse (aspect
environnemental de la question : d’un côté, le livre est édité sur du
papier, ce qui pollue et peut contribuer à la diminution des
ressources en cas de mauvaise gestion des forêts mais quid des
pollutions induites par la dématérialisation et l’informatique du fait de
l’utilisation de métaux rares, de batteries, d’énergie électrique… ?).
De plus un livre dématérialisé (exemple : un roman ou un cours)
reste un livre, que l’on peut toujours imprimer. Enfin, la numérisation
d’ouvrages anciens ou rares ou fragiles et leur mise en ligne
permettent à la fois d’en faciliter l’accès (démocratisation de l’accès
à des documents précieux dont seuls les spécialistes peuvent
consulter les originaux) et d’en garantir le caractère pérenne (ici
donc la numérisation ne menace pas mais protège le livre de
papier).
Par contre, se pose la question de la fiabilité des sources (une
encyclopédie en ligne, à laquelle chacun peut participer et exprimer
ses idées et ses connaissances en dehors d’un cadre académique
parfois intimidant et socialement fermé, si elle permet un partage du
savoir et présente un caractère ludique est-elle aussi fiable qu’une
encyclopédie sur papier rédigée par des auteurs spécialisés ?) et sur
les risques pour le droit d’auteur et l’illusion de la fausse gratuité
(même débat à propos du cinéma ou de la musique). De plus,
internet fonctionne sur un mode instantané, sans réel recul ou
réflexion, ce qui est une différence avec le livre classique, moins lié
par l’instantanéité.
On constate l’attachement d’une nette majorité de la population
aux livres « traditionnels ». Il y a des débats sur les éventuelles
conséquences sanitaires d’une utilisation trop précoce et trop longue
d’internet et des autres techniques nouvelles de communication
(troubles de l’attention, problèmes de vue, exposition à des maladies
telles que l’épilepsie pour des publics fragilisés…). Diverses
expériences démontrent qu’il est plus facile d’assimiler un document
écrit ou imprimé que figurant sur un écran.
Malgré le développement de la mondialisation (voir le chapitre sur
ce sujet), dont l’effet en matière culturelle est de permettre le
développement d’une culture commune grâce aux nouveaux
moyens de communication qui devraient favoriser la liberté
d’expression dans le monde, il existe toujours des menaces
politiques sur la liberté d’imprimer et de lire dans différents régimes
(Daesh, certaines monarchies du golfe, Corée du Nord et divers
régimes autoritaires…). Par ailleurs, dans les démocraties libérales,
le développement de mouvements tels que le wokisme ou la Cancel
culture (voir les chapitres sur l’école et le système éducatif, la
Nation, l’identité et la mémoire), qui prétendent détruire, interdire ou
réinterpréter des œuvres majeures du passé au nom de conceptions
morales, au demeurant légitimes (défense de minorités, lutte contre
diverses formes de discriminations) mais sans tenir compte du
contexte dans lequel elles furent réalisées et en menaçant la liberté
d’expression et d’analyse, ainsi que l’indépendance de la recherche
universitaire, constituent une résurgence inquiétante de pratiques
que l’on croyait révolues, telles que les autodafés ou la réécriture de
l’histoire par la volonté d’effacer ce qui a existé dans le passé pour
en nier l’existence, ce qui est la négation même du débat intellectuel
et de la confrontation d’arguments.
Sujet de dissertation : À quoi bon sauver les livres ?
(Commissaire aux armées, 2018)
1. Définition des termes
🠶 Livres : ensemble de feuilles reliées (Larousse), imprimées ou
non. Évidemment, le sujet porte sur le livre imprimé et plus
largement sur la transmission écrite.
🠶 Sauver : soustraire à un danger mortel (Larousse) ; cela suggère
que le livre est menacé de disparition ; attention de ne pas prendre
cela pour une vérité et de savoir relativiser et contextualiser.
🠶 À quoi bon : cela suggère que le livre n’est pas seulement en
danger mais qu’il est déjà en train de disparaître effectivement et
qu’il est peut-être déjà trop tard ; ici encore, il s’agit de ne pas se
précipiter en besogne mais de savoir relativiser et contextualiser.
Malgré l’orientation du libellé du sujet, le livre apparaît-il aujourd’hui
comme étant véritablement menacé ?
Le sujet est vraisemblablement inspiré du titre du livre : « Sauver
les livres et les hommes », Grasset, 2017 (Romain Gubert et
Michaeel Najeeb racontent comment ce dernier a sauvé de la
destruction des manuscrits chrétiens menacés par Daech en Irak).
Consulter également le numéro spécial de Sciences humaines sur le
livre (2019 ainsi que celui sur la littérature (2021).

2. Historique rapide
Voir ci-dessus.

3. Éléments d’analyse
Voir ci-dessus, les éléments en débat.

4. Problématique
Bien qu’il ne soit plus le seul vecteur de transmission des idées, le
livre (et plus largement l’ensemble du secteur imprimé) demeure un
outil essentiel de culture et d’information.
5. Plan
🠶 Intro : définitions, historique, actualité, dimension de liberté
fondamentale, problématique et plan ;
I. Le livre est exposé à la concurrence de nouveaux outils de
communication
A. Le livre face aux nouvelles technologies (les nouvelles
technologies ont été d’abord vues comme une menace pour le
livre avec le risque de disparition du support papier ; la
dématérialisation permet une plus grande diffusion, à moindre
coût, ; débat sur le caractère écologique car si cela permet
d’économiser le papier, l’usage d’internet a un coût
environnemental élevé ; la numérisation permet d’assurer la
sauvegarde d’ouvrages anciens ou classiques à la fois contre les
prédateurs naturels du papier, les incendies et inondations, les
destructions volontaires…)
B. La remise en cause du livre comme symbole de la « crise de la
culture » (baisse de la lecture au profit du cinéma puis de la radio
et de la télévision, enfin de l’usage des tablettes, I-phone et
ordinateurs ; possibilité de trouver les informations sur internet et
non dans un livre avec par exemple la disparition des grandes
encyclopédies classiques ; atténuation du caractère précieux,
d’une part par la baisse des prix : paradoxe des éditions à bas
prix ou de la vente en grande surface qui favorisent la
démocratisation et la diffusion du livre mais en font un simple
objet de consommation ordinaire ayant perdu son caractère sacré
d’autrefois.
II. Le livre demeure un outil essentiel de transmission
A. Le livre demeure le symbole de la transmission de la culture (le
livre conserve son aura de symbole de la culture et de
l’instruction ; offrir un livre reste un acte courant pour les
anniversaires et autres ; recours encore fréquent aux livres et
supports écrits, même sous forme dématérialisée, dans le
domaine des études dans les différents cycles ; importance de la
participation des écrivains aux débats publics ; la France reste
une Nation littéraire dans laquelle le débat d’idées est notamment
nourri par les écrivains ; particularité politique française de la
publication de livres, parfois fort peu vendus d’ailleurs, par les
responsables politiques) ;
B. Le livre représente l’une des grandes politiques publiques de
l’État comme des collectivités territoriales (direction du livre du
ministère de la culture ; loi sur le prix unique du livre ;
subventions diverses par l’État et les collectivités territoriales pour
aider à l’impression, organiser des évènements et des
rencontres ; les achats par les bibliothèques publiques
constituent aussi un paradoxe : d’un côté cela permet la diffusion
de l’œuvre mais d’un autre côté limite les achats par les
particuliers…).
Chapitre XII
Le sport

Bibliographie
• P. Bayeux : « Le sport et les collectivités territoriales », PUF,
QSJ ;
• S. Gérald : « Droit du sport », PUF, QSJ ;
• Th. Terret : « Histoire du sport », PUF, QSJ ;
• L. Turcot : « Sports et Loisirs. Une histoire des origines à nos
jours ». Paris, Gallimard, 2016. (Coll. Folio Histoire Inédit).

I Définition

« Sport » est un terme anglais qui a été transposé tel quel en


français à la fin du xixe siècle. Il a pour origine un ancien mot français
desports ou déport qui signifiait amusement ou délassement et
désignait à la fin du Moyen-Âge et durant la Renaissance des
activités ludiques telles que le jeu de paume.
Le sport est défini, d’une part, comme une activité physique visant
à améliorer sa condition physique et, d’autre part, comme l’ensemble
des exercices physiques se présentant sous forme de jeux
individuels ou collectifs soumis à des règles, dans le cadre de loisirs
ou de compétitions, ainsi que chacune des formes particulières de
cette activité (Larousse).
École de volonté, de patience et d’efforts, le sport véhicule des
valeurs éducatives que l’on retrouve dans les principes de
l’olympisme moderne : « Plus loin, plus haut, plus fort » et « Que le
meilleur gagne mais l’essentiel est de participer ». On verra plus loin
que ces principes éducatifs largement reconnus sont menacés par la
marchandisation et l’instrumentalisation du sport par des intérêts
économiques et politiques.

II Évolution historique

L’activité physique et l’entraînement ont été pratiqués dès


l’Antiquité (Jeux olympique en Grèce, pendant environ mille ans
avec une connotation religieuse dans le cadre du culte de Zeus). Ils
l’ont encore été durant le Moyen-Âge et la Renaissance au titre de la
préparation des militaires au combat (joutes, tournois, tirs à l’arc,
courses) et comme activité de délassement physique (jeux de
balles).
La renaissance des activités sportives en occident est apparue
d’abord en Grande-Bretagne au cours du xixe siècle dans les
universités qui associaient formation intellectuelle et éducation
physique (le terme « record » vient de l’anglais to record, « se
souvenir » en référence aux compétitions organisées pour l’honneur
entre élèves ou entre institutions) ainsi que dans le cadre de la
sociabilité des clubs. C’est dans cette période que les règles du jeu
de sports tels que le football, le rugby, le tennis, le golf, le cricket, la
boxe, le yachting, ou l’athlétisme ont été progressivement codifiées.
En France, l’analyse des conséquences de la défaite de 1870 et
des moyens de la revanche contre l’Allemagne a conduit au
renforcement du système éducatif (voir le chapitre sur l’école) et au
développement de l’éducation physique et sportive dans le cadre
des lois Jules ferry (1881 et 1882) d’abord dans un but de
préparation militaire puis avec un objectif de santé publique. Par
ailleurs, la loi du 1er juillet 1901 relative à la liberté d’association a
notamment permis, en créant un cadre juridique doté de la
personnalité morale avec de formalités simples, la démocratisation
et le développement de la pratique sportive sur l’ensemble du
territoire national et dans chaque commune et au travers de
fédérations nationales rassemblant les pratiquants amateurs,
comme professionnels, de chaque discipline.
À la fin du xixe siècle deux conceptions principales sont apparues
en matière sportive : d’une part, l’école dite de la Gymnastique
fonctionnelle (dite parfois suédoise car beaucoup pratiquée en
Europe du nord) a défendu l’idée d’une pratique sportive fondée sur
la santé et le bien-être, reposant sur le plaisir dans l’effort et la
volonté de progresser, sans esprit de compétition et avec une
décomposition analytique des mouvements ; d’autre part,
l’hébertisme, méthode d’éducation physique complète dite
« naturelle » favorisant le développement de la force musculaire
dans un but de compétition et de combat (du nom de Georges
Hébert (1875-1957), officier qui mit au point une méthode
d’entraînement à destination des militaires inspirée par les exercices
des soldats antiques et des guerriers d’outre-mer).
Outre, la pratique du sport en tant que loisir, qu’activité de
compétition ou qu’activité professionnelle, on a assisté au cours
du xxe siècle au développement du sport en tant que spectacle,
devenu un divertissement au même titre que le cinéma, la télévision
ou les parcs de loisirs. Cet engouement a été facilité par la
démocratisation des médias (presse, avec des titres spécialisés
dans le sport ; reportages sur de grands évènements au cinéma, à la
radio, à la télévision, avec ici aussi des chaînes spécialisées, sur
internet…). Il est d’ailleurs significatif que Pierre de Coubertin (1863-
1937), créateur des Jeux olympiques modernes en 1896 et Henri
Desgrange (1865-1940), fondateur du Tour de France en 1903, aient
été journalistes. Ce développement du sport-spectacle a aussi été
facilité par la création et la popularisation d’évènements sportifs
internationaux, retransmis dans l’ensemble des pays et permettant
une communion des amateurs au-delà des frontières et des classes
sociales (création des Jeux olympiques modernes en 1896, de la
Coupe du monde de football en 1928…). Le sport spectacle génère
des bénéfices considérables (vente des droits audiovisuels, produits
dérivés, salaires de joueurs, revenus publicitaires, vente de journaux
et de reportages…) et contribue au développement d’une économie
du sport.
En effet, le sport est devenu une activité économique libérale.
Certains athlètes ne sont plus des amateurs ayant un métier à
l’extérieur mais exercent leur activité sportive de manière
professionnelle. Avec la démocratisation de la pratique du sport et
l’image positive qui s’y rattache (notamment au travers de la mode,
dans laquelle le port de vêtements ou de chaussures de sport est
devenu une tendance de style à la mode), s’est développée une
économie du sport avec la fabrication, à l’échelle planétaire,
d’équipements variés générant une activité et des bénéfices
considérables et posant de difficiles problèmes éthiques (travail des
enfants, respect des droits des travailleurs, respect de
l’environnement…). De même, la médiatisation du spectacle sportif
pose la question de la gestion et de la marchandisation des droits de
diffusion des disciplines les plus populaires (football, tennis…) ainsi
que des produits dérivés, qui sont vendus très cher, et de l’accès
aux images dans le cadre des émissions d’information sportive (l’une
des missions du service public audiovisuel en France est d’assurer
la diffusion d’images de l’ensemble des disciplines sportives.).
Enfin, il existe un risque d’instrumentalisation du sport par les
autorités politiques. Cela concerne avant tous les régimes
dictatoriaux (Jeux olympiques de 1936 en Allemagne, de 1980 en
URSS, de 2022 en Chine… Coupes du monde de football de 1934
en Italie, de 1978 en Argentine…). Toutefois, la tentation peut exister
dans les démocraties libérales, au niveau des dirigeants nationaux
comme des élus locaux, de chercher à profiter d’éventuelles
retombées positives sur leur popularité de l’obtention de
l’organisation d’évènements sportifs (Jeux olympique de Grenoble
en 1968, d’Albertville en 1992, de Paris en 2024…). De même, lors
de la Coupe du monde de football en 2010 en Afrique du Sud, la
justification du choix du pays hôte a reposé à la fois sur des critères
sportifs et sur des préoccupations géopolitiques (première
organisation d’un évènement de nature mondiale en Afrique,
hommage à la fin de l’apartheid), ce qui constitue aussi une forme
d’instrumentalisation du sport. En 2022, en raison du déclenchement
de la guerre contre l’Ukraine par la Russie, les équipes de cette
dernière ont été exclues de la plupart des manifestations
internationales et suspendues de la participation à diverses
institutions sportives.

La marchandisation et l’instrumentalisation du sport sont-elles


compatibles avec l’idéal sportif tel qu’il a été défini ? La course en
avant à la performance pour la performance dans un but
économique ou politique peuvent aboutir à des conduites
condamnables à l’opposé des valeurs du sport (corruption, tricheries
diverses, dopage…).

Depuis 1960, les Jeux paralympiques sont organisés à la suite des


Jeux olympiques d’été ou d’hiver et accueillent des compétitions
auxquelles participent des athlètes handicapés (les premières
épreuves sportives opposant des handicapés furent organisées
après la Seconde guerre mondiale par des anciens combattants).

III Dimension institutionnelle

A. Le rôle de l’État
Les États ont progressivement mis en place, une administration
chargée du sport. En France, création sous la IIIe République d’un
commissariat général (ou haut-commissariat) chargé des activités
sportives. En 1936, a été créé un ministère de la Jeunesse et des
sports (actuellement, ministère délégué placé auprès du ministre de
l’Éducation nationale). Il comprend à la fois une administration
centrale et des services déconcentrés (directions régionales ou
départementales du sport et des loisirs, services d’inspection et de
direction), plus un réseau de divers établissements publics (CREPS :
Centre de ressources et d’expertises sportives ; INSEP : Institut
national du sport et de la performance…). Il a la responsabilité de
définir les grands objectifs de la politique nationale du sport, d’en
fixer le cadre et le régime juridique et de veiller au respect de l’intérêt
général. Depuis 2004, les principaux textes législatifs et
réglementaires relatifs au sport sont regroupés dans un code du
sport.
La politique sportive de l’État porte sur :
– Le développement de la pratique du sport amateur avec une
attention particulière aux publics qui ne pratiquent aucune activité
(le sport comme facteur de santé et de bien-être ; célébration des
valeurs et de l’éthique du sport) ;
– L’encouragement de la pratique du sport par les handicapés ;
– L’organisation du sport de haut-niveau ;
– La promotion des métiers du sport et le développement de
l’emploi sportif ;
– La lutte contre les dérives de l’activité sportive (dopage ;
tricheries ; racisme ; discriminations) ;
– Rayonnement international du sport français ;
– Prise en compte du développement durable dans les activités et
équipements sportifs.
L’État, au travers du ministère, délivre les diplômes et titres des
moniteurs, animateurs sportifs et arbitres. Il fixe les conditions
générales d’organisation du sport en France, notamment en termes
de sécurité et de réglementation générale. Il est compétent en
matière d’organisation de l’activité sportive (amateurs,
professionnels, loisir, compétitions…) en partenariat avec les
collectivités territoriales et les associations (la loi no 84-610 du
16 juillet 1984 dispose que l’État, les collectivités territoriales et leurs
groupements, les associations, les fédérations sportives, les
entreprises et leurs institutions sociales contribuent à la promotion et
au développement des activités physiques et sportives).

B. Le rôle des collectivités territoriales.


Il existe toujours dans les exécutifs locaux un adjoint ou un vice-
président en charge du sport et de la gestion des équipements.
Les compétences des collectivités territoriales en matière sportive
sont définies par les articles L. 312-3 du Code de l’éducation
(équipements sportifs destinés aux enseignements obligatoires dans
les enseignements maternels et primaires). Par ailleurs, les
différents niveaux de collectivités peuvent intervenir en matière
sportive. La loi no 98-657 du 29 juillet 1998 affirme le principe
d’égalité dans l’accès aux pratiques sportives comme activités
d’intérêt général et le rôle des collectivités territoriales. La loi no 99-
533 du 24 juin 1999 reconnaît que le sport est un élément
structurant et un facteur de cohésion sociale sur les territoires. La loi
du 11 février 2005 sur l’égalité de droit et des chances en faveur des
personnes handicapées prévoit l’accueil de ces dernières en matière
sportive.
Les communes, dans le cadre de la clause générale de
compétence, peuvent subventionner les associations et clubs
sportifs amateurs et les clubs professionnels. Elles assurent la
construction, la mise à disposition et l’accès à des équipements et
de locaux pour les associations sportives domiciliées sur leur
territoire et permettent l’accès et l’accueil du public à l’occasion
d’évènements particuliers. Elles peuvent organiser le transport des
élèves sur les lieux d’entraînement et de pratique. Par ailleurs, la
commune, en tant qu’elle est chargée de la construction, l’entretien
et l’équipement des écoles primaires, est compétente en matière de
sport scolaire, aussi bien durant la période des cours (animation
d’activités sportives) que durant les vacances scolaires. Dans le
cadre d’un interventionnisme social (voir le chapitre sur l’État), les
communes vont financer l’enseignement de certaines disciplines
dans le cadre d’écoles municipales (comme en matière
d’enseignement artistique et culturel), généralement en prévoyant
une modulation du montant des cotisations en fonction de critères
sociaux (revenus, nombre d’enfants dans la famille, nombre
d’enfants inscrits…). Désormais, beaucoup de ces activités
municipales sont organisées dans le cadre des services communs
des intercommunalités.

Les départements (qui ne bénéficient plus de la clause générale de


compétence) en tant qu’ils sont chargés de la construction,
l’entretien et l’équipement des collèges, sont compétents pour les
équipements et installations sportifs de ces derniers, tant pendant la
période scolaire que durant les vacances.

Les régions (qui ne bénéficient plus de la clause générale de


compétence) en tant qu’elles sont chargées de la construction,
l’entretien et l’équipement des lycées, sont compétentes pour les
équipements et installations sportifs de ces derniers, tant pendant la
période scolaire que durant les vacances. Elles peuvent assurer la
formation d’animateurs et de moniteurs.

Par ailleurs, départements et régions peuvent mener différentes


actions complémentaires (organisation ou subventionnement
d’évènements sportifs ou de clubs ; subventionnement de la
construction d’équipements sportifs, notamment pour la pratique
professionnelle ou de haut niveau. Au-delà des compétences
propres indiquées ci-dessus, en matière sportive comme dans
beaucoup d’autres, le maître-mot est celui de la coopération et des
co-financements, non seulement entre collectivités territoriales de
différents niveaux mais aussi avec les services de l’État.

C. Le rôle des associations


Les associations sportives sont soumises au statut général des
associations de la loi du 1er juillet 1901 et ne peuvent donc
poursuivre qu’un objet non lucratif. Elles sont financées par les
cotisations versées par les membres et par les recettes
occasionnelles obtenues à l’occasion d’un évènement particulier
(buvette, fête annuelle…) non régulier (sinon cela devient une
exploitation commerciale) et, éventuellement, par l’obtention de
subventions publiques (une subvention ne constitue jamais un droit
et peut toujours être refusée ou non renouvelée par l’organisme
verseur). Elles ont l’obligation de souscrire une assurance, tant pour
leurs membres que pour leurs équipements. Elles doivent respecter
les dispositions légales en matière de recrutements d’animateurs
diplômés. Celles qui s’adressent à des mineurs sont soumises à des
dispositions spécifiques pour garantir la protection de ces derniers.
L’organisation d’une manifestation sportive sur la voie publique
(course, démonstration…) nécessite l’obtention d’une autorisation
administrative préalable, comme pour toute autre manifestation.
Le mouvement sportif rassemble 15,7 millions de licenciés,
3 millions de bénévoles et est constitué d’environ 250 000
associations sportives, affiliées aux fédérations nationales qui
regroupent les pratiquants d’une même discipline sportive. Ces
dernières sont regroupées au sein du Comité national olympique et
sportif. Juridiquement, une fédération est une association dont l’objet
est de regrouper et de coordonner d’autres associations ayant un
objet similaire.

D. Le sport, révélateur des contradictions de la société


française
Le sport est l’un des rares domaines dans lesquels la société
française, dont l’imaginaire collectif repose sur la défense stricte du
principe d’égalité, admet sans réserve la possibilité de compétitions,
de classements, de performances, de critères d’excellence, de prix
ou de médailles. De telles notions sont totalement récusées dans
d’autres domaines comme par exemple l’éducation, qui repose au
contraire sur la notion d’égalité des chances (voir le chapitre sur
l’École et le système d’éducation) le travail ou la fonction publique,
dans lesquels les systèmes de rémunération ou de promotion fondés
sur le mérite (primes, promotions…) sont regardés avec suspicion et
soumis à des règles strictes (voir les chapitres sur le travail et sur la
fonction publique).
Enfin, malgré le principe de l’égalité des sexes, la plupart des
épreuves sportives sont organisées en séparant, que ce soit en
individuel ou par équipe, les hommes et les femmes, avec
établissement de palmarès distinct.
En dehors des cérémonies militaires officielles, les enceintes
sportives à l’occasion de rencontres internationales sont parmi les
rares lieux dans lesquels le peuple brandit encore le drapeau
tricolore et chante toujours l’hymne national (des incidents à
l’occasion desquels la Marseillaise a été sifflée ont toutefois été
parfois rapportés).

Sujet de dissertation : « Sport, argent et politique »


1. Définition des termes
– sport : voir ci-dessus ;
– argent : désigne à la fois l’argent public et l’argent issu des
activités commerciales ;
– politique : question de l’instrumentalisation du sport par les États,
les collectivités territoriales mais aussi les grandes entreprises
menant une politique commerciale.

2. Problématique
Les valeurs du sport sont-elles compatibles avec les objectifs
poursuivis par les acteurs politiques ou commerciaux ?
I. Une apparente contradiction
A. Les idéaux du sport
Le sport repose sur une éthique et est considéré comme une école
de vie et un moyen d’éducation (effort, mérite, respect d’une éthique
et de valeurs). Outre que l’éducation physique et sportive est
enseignée dans le cadre de l’Éducation nationale, le sport constitue
l’une des actions majeures de la politique de la ville en raison de la
transmission de valeur qu’il permet.
Reprendre les principales distinctions : sport
amateur/professionnel/loisir/compétition ; actions de l’État/des
collectivités territoriales/ du secteur associatif ; professionnalisation
et commercialisation de l’activité du sport au travers du sport
spectacle et de l’économie du sport (équipementiers…) avec, à la
fois, des idéaux communs et des spécificités (notamment en termes
de financement et de rentabilité).
B. Les écueils de la politisation et de l’argent
Cependant, risque de la politisation du sport, non seulement par
les dictatures (jeux olympique de 1936 en Allemagne, de 1980 à
Moscou…) mais aussi par les régimes libéraux (instrumentalisation
du sport, par exemple au travers de la recherche par les états ou les
collectivités d’obtenir l’organisation de tel évènement sportif…).
Une instrumentalisation du sport par l’argent avec risque d’un
détournement de l’idéal sportif en soutien à la recherche du profit ;
question du dopage ou de la triche, avec la recherche de records
obtenus frauduleusement pour améliorer les performances,
quelquefois dans un but commercial ou économique ; question de
l’économie du sport ; question de la fabrication des équipements
dans des pays pauvres avec le risque d’une exploitation économique
des enfants.
II. Une nécessaire conciliation
A. Un financement public et privé de l’activité sportive
Il est utopique de penser que le financement du sport ne peut
reposer que sur des subventions publiques ou associatifs dans le
cadre de l’amateurisme. La professionnalisation et la médiatisation
du sport en tant que spectacle est une réalité incontournable. Il est
nécessaire d’assurer un contrôle public et une transparence du
financement du sport par le secteur commercial et de lutter contre
les messages publicitaires à connotation sportive qui détournent
l’esprit du sport ou la protection de la santé.
B. La mise en place de garde-fous
Lutte contre le dopage, la corruption, les tricheries par un
renforcement des contrôles et des sanctions, tant sportives,
administratives que pénales ; contrôle des subventions ;
développement du rôle du ministère du sport et rôle d’initiative, de
gestion et de contrôle de l’ensemble des institutions publiques
(nationales, locales) et associatives (clubs, fédérations…) du sport.
Chapitre XIII
La santé et la sécurité sociale

Bibliographie
• B. Marrot : « L’administration de la santé en France »,
l’Harmattan, 2000 ;
• R. Lejarge et H. Debiève : « La santé publique en 13 notions »,
Dunod, 2017 ;
• R. Lelièvre : « La fonction publique hospitalière », Studyrama,
2011 ;
• A. Morelle et D. Tabureau : « La santé publique », PUF, QSJ,
2022 ;
• D. Stingre : « La fonction publique hospitalière », PUF QSJ,
2008.

I Définition

Selon une célèbre formule, la santé n’a pas de prix mais elle a un
coût. La santé est définie comme étant l’état de bon ou de mauvais
fonctionnement de l’organisme et, plus largement, l’état sanitaire des
membres d’une collectivité (Larousse). Selon l’Organisation
Mondiale de la Santé (1946), la santé est « un état complet de bien-
être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une
absence de maladie ou d’infirmité ». Il apparaît donc que la santé est
un objectif idéal auquel il est impossible de parvenir définitivement.
Les politiques de santé publiques portent à la fois sur la prévention
et sur les soins. La France a consacré 11,7 % de son PIB aux
dépenses de santé (2017). La dépense annuelle de santé
représente près de 3 000 euros par an et par habitant en France. En
2021, le montant du déficit de la sécurité sociale est estimé à
environ 44 milliards d’euros (en augmentation, du fait de l’impact de
la crise sanitaire) contre environ 5 milliards en 2019.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS), dont le siège est dans
le canton de Genève, a été créée en 1948 relève des Nations Unies.
Elle est chargée d’assurer à l’ensemble de la population mondiale le
plus haut niveau possible de protection de la santé. Elle organise
des programmes de coopération, de formation, de vaccinations et de
soins, de lutte contre les épidémies, de références documentaires.

II Évolution historique

Sous l’Ancien régime, il existait une médecine de ville assurée par


des praticiens formés dans des facultés rémunérés par leurs
patients (certains offrant des soins gratuits aux plus pauvres). En
pratique, la prise en charge de la santé relevait essentiellement des
familles dans le cadre de la solidarité entre ses membres. Au plan
institutionnel, l’Église catholique et, dans une moindre mesure,
certaines villes ouvraient et géraient des lieux de soins et œuvraient
en période épidémique (premières actions publiques lors de la peste
noire de 1347). Parfois, des donations émanant de personnes
privées permettaient de financer la création d’institutions de soins.
L’État ne s’occupait pas des questions médicales, à la notable
exception de l’institution des Invalides sous Louis XIV en faveur des
anciens combattants blessés. Par ailleurs, les institutions
hospitalières étaient aussi parfois destinées, jusqu’au milieu
du xixe siècle, à enfermer sous prétexte sanitaire certains marginaux
jugés indésirables sur la voie publique (Michel Foucaud).
Après la Révolution, l’État gendarme libéral s’est d’abord peu
préoccupé de questions de santé, sauf en matière épidémique et de
santé militaire. Au cours du xixe siècle, les progrès de la chimie et de
l’hygiène, la prise en compte de la situation sanitaire des pauvres
travailleurs dans le cadre de la Révolution industrielle et le
développement de l’État providence dans un aspect d’État
« hygiéniste » (Pierre Rosanvallon) ont eu pour effet de développer
l’intervention publique en matière de santé. D’une part, l’institution
du service militaire obligatoire (1872) et de l’instruction obligatoire
jusqu’à 12 ans (1882) ont eu pour effet de permettre aux pouvoirs
publics de contrôler à grande échelle l’état de santé de toute une
génération et de mettre en place des programmes de vaccination
obligatoire. D’autre part, le socialisme municipal (voir le chapitre sur
l’État) a conduit certaines municipalités à développer des
programmes de soins gratuits en faveur de la population pauvre
ainsi que des installations sanitaires collectives (bains-douches).
Enfin, à partir du Second-Empire le développement du mutualisme a
permis l’ébauche d’une socialisation des risques par la mise en
place de mécanismes de solidarités pour faire face aux
conséquences de la maladie ou du décès. Par ailleurs, notamment
sous l’impulsion du mouvement du « catholicisme social » (voir le
chapitre sur l’État), certains chefs d’entreprises désireux de mettre
en œuvre dans la Cité la charité prônée dans les Évangiles ont
développé en faveur de leurs employés diverses prestations
(logements, dispensaires, écoles…).
De telles actions furent parfois dénoncées par les syndicats
comme étant du « paternalisme » et comme étant un moyen utilisé
par le patronat pour imposer de bas salaires et limiter les
mouvements sociaux.
Certaines grandes entreprises dont les travailleurs étaient
davantage exposés à des risques de santé (mines, chemins de fer,
Michelin…), dans le cadre de leur politique sociale (parfois, qualifiée
de « paternaliste ») ont mis en place des institutions de santé avec
des dispensaires et un personnel médical propre en faveur de leurs
salariés.
La loi du 9 avril 1898 sur les accidents du travail a institué sur le
fondement du risque professionnel un mécanisme d’indemnisation
forfaitaire du travailleur victime soit par l’employeur, soit par des
caisses mutualistes. En 1910 certaines maladies professionnelles
(telles que le saturnisme, empoisonnement au plomb) sont soumises
au même régime. Un régime général de réparation des maladies
professionnelles a été institué par la loi du 25 octobre 1919.
Création en 1920 du premier ministère ayant la santé pour objet
(alors appelé ministère de l’Hygiène).
Création du premier régime complet d’assurance (accident,
maternité, chômage, santé) pour les travailleurs du commerce et de
l’industrie par la loi du 5 avril 1928 et celle du 30 avril 1930.
En 1942, création des services médicaux d’entreprises. En 1946,
les médecins du travail, qui interviennent en entreprise, sont
institués (une spécialité d’hygiène au travail avait été créée dès
1933). Dans le cadre de la mise en place de l’État providence
économique, social et culturel, le préambule constitutionnel de 1946
affirme le principe d’un droit à la santé garanti, notamment à l’enfant,
à la femme et au vieux travailleur. En pratique, au-delà de cette
énumération, cela signifie que ce droit est en réalité garanti à tous,
sans condition de nationalité.
Création, sur la base de la charte du Conseil national de la
Résistance, d’un système généralisé de sécurité sociale applicable à
tous les actifs (ordonnances des 14 et 19 octobre 1945) avec
maintien des régimes spéciaux (SNCF…). Par la suite, création en
1967 de la séparation du risque financier en trois branches dans la
sécurité sociale (santé, vieillesse, famille) avec création de caisses
séparées. Malgré ces initiatives, la différence d’espérance de vie
entre les 5 % de la population les plus riches et les 5 % les plus
pauvres est encore de 13 ans.

III Situation actuelle

A. Système de santé
1. Au niveau de l’État
La santé relève, au niveau de l’État, du ministère des solidarités et
de la santé (ce qui comprend aussi la sécurité sociale). Ce ministère
est complété par un ministère délégué en charge de l’autonomie et
un secrétariat d’État en charge de l’enfance et des familles. Il existe
par ailleurs un secrétariat d’État chargé des handicapés, directement
placé auprès du premier ministre. Les objectifs nationaux de
dépense d’assurance maladie (ONDAM) sont votés chaque année
par le Parlement. Ils fixent le pourcentage d’augmentation des
dépenses de santé financées par l’assurance-maladie accordé aux
établissements de santé et permettent de déterminer les tarifs des
différents soins.
Les politiques de santé publique portent à la fois sur la prévention
(lutte contre l’obésité ; programmes de vaccinations ; médecine du
travail ; médecine scolaire et universitaire ; campagnes d’information
en matière d’alimentation, d’encouragement à l’exercice physique,
de lutte contre les addictions diverses ; sécurité routière…) ; et sur
les soins (praticiens privés en cabinet ou médecine en
établissements de soin, soit public, soit privé).
En matière de santé, comme d’éducation, s’il existe du fait de la
tradition de l’État providence un important service public de la santé,
reposant principalement sur l’hôpital public et sur les structures
municipales, l’offre de soin repose également sur des praticiens
privés de l’ensemble des métiers concernés (médecine de ville
composée médecins généralistes ou spécialistes libéraux exerçant
en cabinet ; dentistes, praticiens paramédicaux, infirmiers libéraux,
cliniques privées comprenant comme l’hôpital public des services de
chirurgie, de dialyse, d’imagerie médicale…). Il est à noter que les
diplômes et titres professionnels sont exclusivement délivrés par
l’État en vertu du monopole qu’il exerce en matière de collation des
grades universitaires. De même l’ouverture des cabinets et cliniques
est soumis à un contrôle par les services de l’État et par les ordres
professionnels.
La fonction publique hospitalière représente environ 1 200 000
agents fonctionnaires et contractuels dont, environ trois-quarts de
femmes, qui relèvent à la fois du statut général de la fonction
publique (loi 83-634) et d’un statut spécifique (loi 86-33). Il y a
environ 4 500 établissements employeurs, essentiellement des
établissements publics de santé (centres hospitaliers ; centres
hospitaliers régionaux et centres hospitaliers universitaires) et des
établissements publics sociaux et médico-sociaux (établissements
relevant de l’aide sociale à l’enfance, établissements prenant en
charge des personnes handicapées, des mineurs, des personnes
âgées, des personnes en difficulté, des demandeurs d’asile…)
Le ministère comprend différentes directions centrales (les trois
plus médiatisées étant celles de la santé, de la sécurité sociale et de
la cohésion sociale). Il comprend également des organes
déconcentrés dans les territoires à la fois en matière de santé et de
solidarité. D’une part, il existe des ARS (Agences régionales de
santé) chargées de définir des projets régionaux de santé
transversaux. D’autre part, il existe des DREETS (Directions
régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités),
regroupées depuis 2021 avec les DIRRECTE (Directions régionales
des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail
et de l’emploi), chargées de la prévention et de lutte contre les
exclusions et de protection des personnes vulnérables ainsi que de
l’accompagnement des entreprises et des mutations économiques.
Enfin, il est annoncé depuis 2019, dans un souci de plus grande
lisibilité des services disponibles, de déployer dans le futur des
directions régionales.
Depuis quelques années, notamment pour lutter contre la fracture
médicale et les déserts médicaux (zones rurales ou de banlieues
dépourvues de praticiens médicaux ou paramédicaux)
développement de la téléconsultation (le praticien reçoit le patient en
ligne avec un matériel adapté et peut l’interroger et le conseiller).

2. Au niveau des collectivités territoriales


Au niveau local, les communes assurent un service social de
proximité avec, d’une part, les CCAS (Centres communaux d’action
sociale) qui instruisent les demandes d’aide sociale qui sont ensuite
transmises au département (voir le chapitre sur l’État et
l’organisation territoriale). Il existe par ailleurs des centres de santé
(encore parfois appelés de leur ancien nom, « dispensaires »).
Certains centres sont institués par des communes, d’autre part la
Croix rouge, des associations ou des mutuelles. Les centres
élaborent leur projet de santé et leur règlement intérieurs avec
l’ARS, avec laquelle ils sont liés par une convention, le contrat
pluriannuel d’objectifs et de moyens. Il en existe plus de 2200 dont
455 sont pluriprofessionnels (médecin, dentiste, infirmier,
paramédical…). Ils sont surtout établis en milieu urbain, sauf les
centres infirmiers, majoritairement présents en zone rurale. Ils ont
l’obligation de pratiquer les tarifs conventionnés du secteur 1 de la
sécurité sociale et le tiers payant. Le personnel est salarié. Il ne faut
pas les confondre avec les Maisons de santé pluriprofessionnelles
(MSP), qui regroupent des praticiens libéraux bénéficiant de la
liberté tarifaire. Il existe également des hôpitaux municipaux.

B. La Sécurité sociale
La sécurité sociale est organisée en plusieurs branches :
– Maladie/maternité/invalidité/décès ;
– Accidents du travail ;
– Maladies professionnelles ;
– Vieillesse (retraites) ;
– Famille.
Elle comporte un régime général ouvert à tous les assurés sociaux,
sauf ceux qui relèvent de régimes particuliers (agriculteurs ;
professions libérales ; cheminots ; agents d’EDF ; fonctionnaires).
Ce régime général offre une protection de base complétée par des
régimes complémentaires, dont certains sont obligatoires (régime
complémentaire des salariés du secteur privé), d’autres facultatifs
(mutuelles, assurances…). En fonction des soins ou des
médicaments concernés, le montant du remboursement correspond
à des pourcentages variables, un complément pouvant être versé
par des organismes extérieurs à la sécurité sociale (mutuelles,
assurances…), avec un reste à charge qui est par conséquent
variable d’un assuré à l’autre en fonction de la couverture
complémentaire dont il bénéficie. Les personnes atteintes
d’affections de longue durée peuvent bénéficier d’une prise en
charge à 100 % pour les soins liés à cette maladie.
Il existe un régime particulier de sécurité sociale dans les
départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, hérité de
la période de l’annexion entre 1871 et 1918.
Par ailleurs, il existe des politiques d’action sociale diverses mises
en œuvre par les départements (protection maternelle et infantile ;
aide à l’enfance ; aide aux familles ; aides aux personnes
vulnérables comme les personnes âgées ou les handicapés ;
Revenu de Solidarité Active, prise en charge des migrants mineurs
isolés…).
Si la France compte 67 millions d’habitants éligibles au bénéfice de
la sécurité sociale, il y a 75 millions de titulaires de la carte Vitale
recevant des prestations, soit 8 millions de fraudeurs probables. Le
principal moyen pour les rechercher est le croisement de fichiers
informatiques, comme en matière de fraude fiscale.
C. Le débat sur la situation de l’hôpital public
La crise hospitalière a été fortement aggravée par la situation
sanitaire due à l’épidémie de Coronavirus qui a souligné les
difficultés de l’hôpital public, en dépit de l’extrême dévouement de
l’ensemble des personnels concernés, de pouvoir accueillir
simultanément l’ensemble des malades nécessitant une
hospitalisation. Toutefois, cette crise avait déjà auparavant été
plusieurs fois évoquées à l’occasion de conflits sociaux, provoqués
notamment par les conséquences sur le fonctionnement des
services du passage au temps de travail de 35 h hebdomadaire,
conduisant à de nombreuses heures complémentaires pas toujours
payées et par la question du manque d’attractivité des carrières et
plus particulièrement des salaires.
Il y existe 4 500 établissements hospitaliers publics (centres
hospitaliers ; centres hospitaliers régionaux et centres hospitaliers
universitaires) et environ 1 000 établissements hospitaliers privés
(cliniques). Les praticiens de ces derniers peuvent, soit pratiquer les
tarifs conventionnés de la sécurité sociale, soit pratiquer des
honoraires libres.
Il y a actuellement 400 000 lits disponibles en France (secteurs
public et privé) mais 120 000 sont fermés en raison du manque de
personnel. Depuis 1998, 100 000 lits ont été fermés dans l’hôpital
public (on est passé de 487 720 à 386 835). Encore en 2020,
pendant la crise sanitaire, 5 700 lits ont été fermés (chiffres :
ministère de la santé). Il y a 5,4 lits pour 1 000 habitants en France
(0,53 en Inde, 2,42 au Royaume-Uni, 2,8 aux États-Unis, mais il y en
a plus de 12 au Japon, 8 en Russie et 7 en Allemagne et en
Autriche). Cette diminution s’explique en partie par le progrès de la
médecine qui permettent que de nombreuses opérations puissent
être réalisées en ambulatoire, c’est-à-dire sur la journée et sans
hospitalisation. La crise de l’hôpital public est aussi le résultat de la
mise en œuvre, dans le cadre de la RGPP (voir le chapitre sur la
dépense publique et celui sur le service public) de mesures de
gestion de l’activité du service public hospitalier de règles inspirées
de celles du secteur privé de la santé. La réforme du financement de
l’hôpital en 2004 a mis en place le système du financement à
l’activité dit T2A qui permet de fixer le tarif des séjours hospitaliers
en fonction du coût de production des soins. Ce coût est évalué par
l’ATIH (Agence technique de l’information sur l’hospitalisation) sur la
base des données comptables fournies par un panel
d’établissements mais il semble que le tarif des séjours de certains
établissements ne soit pas équivalent aux coûts de production
évalués par l’ATIH en raison des caractéristiques sociales ou
sanitaires des patients, ce qui pénalise financièrement ces hôpitaux.
C’est en raison de l’insuffisance du nombre de lits de réanimation
disponibles du fait de la politique de fermeture initiée en 1998 et
poursuivie depuis que, lors de l’épidémie de Covid, l’État a géré la
pénurie en imposant plusieurs confinements puis en mettant en
œuvre une politique de vaccination qui, pour être en principe
seulement incitative est néanmoins fortement coercitive (institution
du passe sanitaire en 2021 puis du passe vaccinal en 2022, limitant
l’accès à certains lieux pour les non-vaccinés). Bien qu’une nette
majorité de la population ait été vaccinée (plus de 90 %), il existe
une polémique concernant la minorité de personnes refusant de se
faire vacciner, en raison du risque d’engorgement des hôpitaux par
des non-vaccinés atteints du Covid et du report des interventions
relatives à d’autres pathologies. Certaines voix se sont élevées pour
réclamer à l’égard des non-vaccinés en cas de contamination et
d’hospitalisation, soit l’écartement pur et simple des soins, soit
l’obligation de participer financièrement aux frais (comme cela était
envisagé ailleurs, par exemple au Québec). Outre qu’une telle
politique serait vraisemblablement en contradiction à la fois l’éthique
du médecin telle que définie dans le Serment d’Hippocrate et avec
les principes constitutionnels de solidarité et de droit à la santé,
s’agissant de surcroît d’une vaccination qui n’est pas légalement
obligatoire, il existe, si ces mesures étaient adoptées, le risque de
créer un précédent affectant la conception même de notre système
de santé et de ses valeurs : verra-t-on demain les personnes
exposées à diverses addictions (tabac, alcool, drogues…) ou
pathologies (obésité, diabète, hypertension…), celles ne pratiquant
aucune activité physique ou celles pratiquant des activités exposant
à des risques (parapente, spéléologie, alpinisme…) ou sans
respecter les règles de sécurité (non port du casque en moto, à vélo
ou à sky ; non port de la ceinture de sécurité ou non-respect des
limitations de vitesse avec un véhicule à moteur…) se voir opposer
un refus de soins ou imposer une participation financière en raison
du coût entraîné par les conséquences de leur mode de vie ou de
leur état de santé et de l’encombrement des services qui en
résulte ? La crise sanitaire du Covid est une illustration de la peur
du risque et de la recherche de la sécurité à tout prix de la société
française, s’agissant d’une maladie certes parfois mortelle, mais
dont le taux de léthalité réel, selon l’Institut Pasteur, était de 0,7 %
(2020) avec d’importantes disparités par tranches d’âge (13 % de
décès chez les plus de 80 ans) ou en fonction de certaines fragilités
ayant conduit à d’importantes restrictions touchant l’ensemble de la
population, plutôt qu’à privilégier des mesures de protections en
faveur des seules catégories plus exposées que la population
générale.
Les conditions matérielles et morales d’exercice professionnel
dans le secteur public de la santé conduit à une diminution du
personnel sous l’effet d’une double crise des vocations (départ
d’agents en poste vers le secteur privé ou de nouvelles carrières en
dehors de la santé d’une part, baisse du nombre de candidats au
recrutement, d’autre part). En 2021 a été signé un accord dit « Ségur
de la santé » qui prévoit des investissements dans le système de
santé et, notamment l’hôpital public ainsi que des revalorisations en
termes de salaires et de déroulement des carrières.
Le débat en matière de santé porte également sur les
conséquences en la matière de la politique d’immigration de la
France (voir le chapitre sur la mondialisation).
– D’une part, les migrants clandestins bénéficient de l’Aide
médicale d’État (AME), qui leur permet un accès aux soins sous
conditions de ressources et de résidence pour un an
renouvelable avec un taux de 100 % pour la plupart des
prestations médicales ; ce dispositif permet de s’assurer qu’un
étranger, même en situation irrégulière, peut avoir accès à des
soins en cas d’urgence ou en cas de maladie contagieuse mais
son maintien est contesté, en raison de son coût (1,5 milliards
d’euros par an), pour les autres soins.
– D’autre part, un ressortissant étranger peut obtenir un titre de
séjour provisoire renouvelable au titre de son état de santé pour
lui-même et accompagné de son conjoint et de ses enfants
mineurs et venir en France recevoir des soins en France si le
défaut de soin est susceptible d’entraîner des conséquences
d’une exceptionnelle gravité et si les soins adéquats ne sont pas
disponibles dans l’État de nationalité ou de résidence du
demandeur.

Sujet de dissertation : L’égal accès aux soins : mythe ou


réalité ?
1. Analyse synthétique
– Le préambule constitutionnel de 1946 affirme le principe d’un
droit à la santé garanti, notamment à l’enfant, à la femme et au
vieux travailleur. En pratique, au-delà de cette énumération, cela
signifie que ce droit est en réalité garanti à tous, sans condition
de nationalité ;
– Prévention et soins dans le système de santé ;
– Sécurité sociale en France (un régime général ouvert à tous les
assurés sociaux, sauf ceux qui relèvent de régimes particuliers
(agriculteurs ; professions libérales ; cheminots ; agents d’EDF ;
fonctionnaires) avec protection de base complétée par des
régimes complémentaires, dont certains sont obligatoires (régime
complémentaire des salariés du secteur privé), d’autres facultatifs
(mutuelles, assurances…). En fonction des soins ou des
médicaments concernés, le montant du remboursement
correspond à des pourcentages variables, un complément
pouvant être versé par des organismes extérieurs à la sécurité
sociale (mutuelles, assurances…), avec un reste à charge qui est
par conséquent variable d’un assuré à l’autre en fonction de la
couverture complémentaire dont il bénéficie. Les personnes
atteintes d’affections de longue durée peuvent bénéficier d’une
prise en charge à 100 % pour les soins liés à cette maladie ;
– Aide médicale d’État (AME) en faveur des migrants et des
mineurs isolés à un taux de 100 % ;
– Titre de séjour provisoire renouvelable pour étrangers au titre de
leur état de santé ; couverture à 100 % pour les personnes ayant
une affection de longue durée ;
– Couverture à 100 % pour les personnes ayant une affection de
longue durée ;
– organisation du service public de la santé et de la sécurité
sociale (voir ci-dessus) ;
– Crise de l’hôpital public (diminution du nombre de lits, voir ci-
dessus) ;
– Conséquences de la fracture territoriale (voir le chapitre sur ce
sujet) : effets de la métropolisation qui conduit à concentrer
population, moyens de transports et équipement dans les zones
les plus peuplées et multiplication des territoires soit peu peuplés
(zones rurales, zones de montagne et zones rurbaines), soit
confrontés à une situation sociale difficile (banlieues…) ;
– Conséquences de la crise des finances publiques (voir le
chapitre sur ce thème) : crise de l’État providence ; diminution
des ressources publiques pour l’hôpital ; effets de la RGPP et de
la réforme de l’hôpital de 2004 (voir ci-dessus) ; augmentation du
coût de certains matériaux et soins ; remboursement par la
sécurité sociale et par les mutuelles et assurances (inégalité
d’accès à ces dernières car ce n’est pas un système de
solidarité).

2. Problématique
La volonté politique et juridique de faciliter l’égal accès aux soins
se heurtent à des difficultés concrètes de mise en œuvre.
🠶 Introduction :
– Définition des termes : il est préférable ici d’avoir une approche
large de la notion d’accès aux soins : possibilité de pouvoir
effectivement accéder aux services de santé, à la fois en termes
de soins (médecine curative) mais aussi de prévention (médecine
préventive et campagnes diverses de sensibilisation, voir ci-
dessus) ;
– Historique (voir ci-dessus) ;
– Actualité (crise sanitaire et impact sur l’hôpital, voir ci-dessus) ;
– Problématique (voir ci-dessus) ;
– Annonce du plan.
I. L’égal accès aux soins est garanti
A. Le principe du droit à la santé et à la sécurité sociale (le
préambule constitutionnel de 1946 affirme le principe d’un droit à
la santé garanti, notamment à l’enfant, à la femme et au vieux
travailleur, ce qui signifie que ce droit est en réalité garanti à tous,
sans condition de nationalité ; organisation du service public de
santé (voir ci-dessus) ; sécurité sociale ouverte à tous avec le
régime général ;
B. Les modalités du droit à la santé et à la sécurité sociale
(existence de régimes particuliers et remboursement selon des
taux variables en fonction de la maladie et de la situation
prévention et soins ; aide médicale d’État (AME) en faveur des
migrants et des mineurs isolés (voir ci-dessus) à un taux de
100 % ; titre de séjour provisoire renouvelable pour étrangers au
titre de leur état de santé ; couverture à 100 % pour les
personnes ayant une affection de longue durée).
II. Les difficultés concrètes de mise en œuvre
A. Les conséquences de la fracture territoriale (effets de la
métropolisation qui conduit à concentrer population, moyens de
transports et équipement dans les zones les plus peuplées et
multiplication des territoires soit peu peuplés (zones rurales,
zones de montagne et zones rurbaines), soit confrontés à une
situation sociale difficile (banlieues…) ;
B. Les conséquences de la crise des finances publiques (crise de
l’État providence ; diminution des ressources publiques pour
l’hôpital ; effets de la RGPP et de la réforme de l’hôpital de 2004
(voir ci-dessus) ; augmentation du coût de certains matériaux et
soins ; remboursement par la sécurité sociale et par les mutuelles
et assurances (inégalité d’accès à ces dernières car ce n’est pas
un système de solidarité nationale).
Chapitre XIV
Le travail

Bibliographie
• C. Besser et S. Collac : « Le genre du capital », La Découverte,
2019 ;
• Y Jeanneau : « La législation du travail », Repères pratiques,
2020 ;
• J. Jung et autres : « Le travail », Garnier Flammarion, 2018 ;
• N. Lepeyre : « Le nouvel âge des femmes au travail », La
Découverte, 2020 ;
• D. Méda : « Le travail », PUF, QSJ, 2005.

I Définitions

On distingue travail et emploi (les deux termes rentrent d’ailleurs


dans l’appellation officielle du ministère en charge de ce secteur) :
🠶 Travail : Activité de l’homme appliquée à la production, la création,
l’entretien de quelque chose (travail manuel, intellectuel…) ; activité
professionnelle régulière rémunérée ; exercice d’une activité
professionnelle et lieu dans lequel elle s’exerce ; activité laborieuse
de l’homme considérée comme facteur essentiel de la production et
de l’activité économique (Dictionnaire Larousse). Le mot travail (qui
désigne aussi en médecine les douleurs de l’accouchement) dérive
d’un mot latin relatif à un instrument de torture (le tripalium). En
principe le travail donne lieu à une rémunération, mais ce n’est pas
un critère déterminant de qualification car il existe des activités non
rémunérées (bénévolat, participation du conjoint ou des enfants à
l’activité du chef d’entreprise individuelle…).
Le travail a une image double à la fois positive et négative :
– d’une part, le travail peut être un facteur d’épanouissement
personnel, de réalisation, de développements de relations avec
autrui. Il est aussi un facteur de liberté (il permet d’avoir des
interactions sociales et d’être rémunéré). Certaines personnes
affirment rechercher un travail ayant un « sens » ,c’est-à-dire
correspondant à une certaine éthique ou représentatifs de
certaines valeurs et pour lequel elles sont prêtes à accepter une
moindre rémunération (exemple : travail en milieu associatif,
généralement moins rémunérateur qu’en entreprise mais porteur
de valeurs). D’ailleurs, beaucoup d’entreprises communiquent sur
leurs valeurs internes (préservation de l’environnement, du lien
social, lutte contre les discriminations…). Les métiers de la
fonction publique, au travers de la notion de service public et de
protection de l’intérêt général sont parmi ceux dont les salariés
mettent en avant le sens des fonctions exercées pour expliquer
leur vocation, qui n’est pas seulement une carrière (on est loin de
l’image caricaturale du choix fondé principalement sur la stabilité
de l’emploi). Le critère du niveau de rémunération ou d’avantages
professionnels (voiture de fonction…) ne sont pas les seuls
éléments de choix d’un milieu professionnel.
– d’autre part, le travail peut être aliénant, lorsqu’il concerne des
tâches répétitives, épuisantes (exposition au bruit, à la
poussière…), mal considérées socialement et/ou peu
rémunérées, dangereuses pour la santé avec les accidents et les
maladies professionnelles ou avec des horaires lourds, élastiques
ou décalés… Par ailleurs, un travail trop prenant, quelle que soit
par ailleurs la rémunération, peut avoir des conséquences
négatives sur la vie personnelle et familiale. Les nouvelles
générations, plus que les précédentes, semblent d’ailleurs
chercher à mieux équilibrer vie personnelle et vie professionnelle
afin d’être plus épanouies. Par ailleurs, il existe une différence
d’espérance de vie entre les 5 % des français les plus riches et
les 5 % les plus pauvres de 13 ans (2021).
En 2014, selon l’IFOP, 56 % des français ressentaient le travail
comme une contrainte nécessaire pour subvenir à ses besoins.
44 % le considèrent comme un moyen de s’épanouir (51 % en
2006…). En termes de pouvoir d’achat, 38 % des français gagnent
moins de 2 000 Euros par mois, et 35 % ont un découvert bancaire à
partir du 10 du mois (2022).
– Emploi : selon le Bureau International du Travail (BIT) une
personne en emploi est une personne âgée d’au moins
quinze ans et qui a effectué au moins une heure de travail
rémunéré au cours semaine donnée ou absente sous certaines
conditions (maladie, congé annuel, formation, maternité…). Cela
concerne toutes les formes d’emploi (salarié, dans le secteur
public ou privé, travailleur indépendant, profession libérale…),
déclaré ou non.
– Chômage : cette notion désigne l’ensemble des personnes de
plus de quinze ans qui n’ont pas d’emploi et en recherchent un
(en France les chiffres du chômage proviennent, d’une part, des
statistiques de Pôle emploi, d’autre part, de celles de l’INSEE).
En 2021, il y avait en France 5,5 millions de chômeurs, soit
3,3 millions de personnes de catégorie A (sans emploi, 7,4 % de
la population active) et 2,2 millions de personnes en catégorie B
ou C (activité réduite).
– Intégration sociale : elle constitue l’une des fonctions du système
social en assurant la coordination des diverses fractions de ce
dernier afin d’assurer le bon fonctionnement de l’ensemble grâce
à un taux élevé de cohésion sociale. Le travail, par les
connaissances qu’il permet de lier comme par le salaire qu’il
procure est un moyen d’intégration (la perte ou le refus du travail,
sauf pour ceux qui ont d’autres moyens d’existence, signifient la
perte de revenus, au-delà des aides versées aux chômeurs). En
même temps, les conditions trop difficiles de travail, la survenue
de maladies professionnelles, l’absence de considération à
l’égard de certaines professions peuvent conduire à l’isolement.
Par ailleurs nombreuses pathologies liées au travail (burn-out,
surmenage, accidents divers…) et développement d’une branche
particulière de la médecine sur le stress au travail. De plus,
conséquences parfois désastreuses pour la santé des conflits
auxquels on est confronté dans le cadre du travail (avec :
l’employeur, les cadres, les collègues, les clients ou usagers, les
fournisseurs…). Les personnes sans travail ont le sentiment
d’être exclues de la société.
– Formation continue : La formation continue est celle qui est suivie
tout au long de la vie par des personnes après leur formation
initiale (études). Elle est assurée aussi bien dans des structures
publiques que privées Elle peut être déclenchée à l’initiative de
l’employeur ou du salarié ou dans le cadre d’une recherche
d’emploi (voir le chapitre sur le Système éducatif en France).

II Aspects historiques

Dans la Bible, la fin du Paradis terrestre signifie que l’homme doit


gagner son pain à la sueur de son front (donc travailler pour
subvenir à ses besoins et non simplement jouir des largesses de la
Nature). Le travail apparaît donc comme étant un élément d’effort,
voire de souffrance. En même temps il y a, notamment dans la
civilisation judéo-chrétienne une valorisation du travail, en tant que
moyen de réalisation personnelle comme de témoignage d’habileté,
d’efforts, d’intelligence (satisfaction du travail bien fait ; notion de
« chef d’œuvre » qui, dans le Compagnonnage, couronne la fin de
l’apprentissage et ouvre l’accès à la dignité de maître en son métier
par la démonstration par le candidat de sa capacité à maîtriser
l’ensemble des pratiques de son art)…
Comme l’a montré Georges Dumézil (1898-1986) dans ses études
de mythologie comparée, l’activité humaine était organisée de
manière tripartite dans la civilisation indo-européenne entre trois
fonctions : les prêtres, les guerriers et les travailleurs. Ces derniers
étaient chargés de produire les biens et les services nécessaires à
ceux qui priaient et à ceux qui combattaient et se situaient donc au
bas de l’échelle sociale, leur activité, quoiqu’indispensable, étant la
moins valorisée. Une telle structure a perduré en France jusqu’en
1789 avec les représentants des trois « ordres » (clergé, noblesse et
tiers-état, c’est-à-dire n’appartenant pas aux deux autres et
composés essentiellement des travailleurs et de la bourgeoisie),
réunis lors des États généraux.
Sous l’Ancien Régime, il était interdit aux nobles, à peine de
dérogeance (perte de l’état de noble), de pratiquer le negotium
(travailler dans le commerce et l’artisanat ou d’exercer un métier
manuel, sauf quelques rares exceptions : agriculture, commerce
colonial, industrie du verre…). Seules les carrières dans l’armée, la
justice et l’administration ou l’otium (le loisir savant tel que pratiqué
par Cicéron ou Montaigne) étaient envisageables. Les différentes
professions artisanales, commerciales et manuelles, réunies dans
les différentes villes du royaume en « corporations » (structure
représentative obligatoire chargée à la fois de l’organisation interne
d’une profession, de la définition des règles professionnelles et des
relations de la profession avec les pouvoirs publics). C’est la
suppression des corporations en 1791 (loi Le Chapelier et décret
d’Allarde, reprenant le principe d’un édit de Turgot pris puis rapporté
en 1776) qui a permis l’institution d’un régime libéral de l’activité
économique avec la mise en œuvre de la liberté d’entreprendre et
de la liberté professionnelle garanties aux personnes privées (l’État
libéral minimum se chargeant seulement des limitations garantissant
l’ordre public, la santé publique ou la sécurité publique ou à motif
fiscal). La loi Le Chapelier précitée a interdit aux salariés (ouvriers)
de se regrouper pour peser sur les conditions de travail. Il faudra
attendre la IIIe République et le vote des lois de 1884 et de 1901
pour que soient autorisés les syndicats professionnels et les
associations (dont beaucoup interviennent dans le domaine du
travail, notamment pour la formation).
Le droit au travail fut affirmé en 1793 et en 1848. Néanmoins, au
cours du xixe siècle, en raison du développement de la révolution
industrielle, les salariés ont en fort peu de droits (interdiction du
travail des enfants de moins de 12 ans, interdiction du travail de nuit
pour les femmes…). La reconnaissance de l’autorisation des
syndicats (1884) a favorisé l’émergence de droits pour les salariés :
– loi de 1898 sur l’indemnisation des accidents du travail ;
– rédaction en 1906 du Code du travail (auparavant le régime
juridique du contrat de travail était celui d’un contrat du Code civil
en dehors de quelques particularités peu protectrices du salarié) ;
– institution en 1906 de l’inspection du travail ;
– loi de 1910 sur l’indemnisation des maladies professionnelles ;
– création en 1928 et 1930 d’un système d’assurance ;
– mise en place en 1936 des quarante heures de travail
hebdomadaire et généralisation des congés payés (certains
secteurs, comme l’administration ou quelques services publics
bénéficiaient déjà de congés payés mais la loi de 1936 a étendu
ce droit à l’ensemble des salariés) ;
– institution en 1936 des délégués syndicaux ;
– création en 1946 de la médecine du travail.
Le préambule de 1946 affirme à la fois le droit au travail et à la
formation (et à une indemnisation en cas de perte de son emploi) et
l’obligation de travailler, ainsi que le droit au repos pour les vieux
travailleurs.
Il existe un vif débat autour de la réduction du temps de travail.
La question de son maintien ou de sa remise en cause est l’un des
thèmes de la campagne présidentielle et législative de 2022. Le
temps de travail a été fixé à 40 heures hebdomadaires (1936),
39 heures (1982) puis 35 heures (1998). Cette mesure, qui prend en
considération les gains de productivité dus au développement du
machinisme et de la robotisation constitue une conquête sociale en
favorisant la vie de famille et en donnant davantage de loisirs aux
salariés. Elle a été critiquée comme remettant en cause le principe
même de la valeur intrinsèque du travail pour la société et pour
l’individu. Par ailleurs, elle a justifié une politique salariale très stricte
et peu incitative dans beaucoup de secteurs. Elle est accusée de
peser sur la productivité de l’économie et donc indirectement sur les
performances et les ressources fiscales de l’État. Enfin, on lui
attribue une partie au moins de la responsabilité du fonctionnement
défaillant de certains services publics (dont l’hôpital ou la police).
Le télétravail, c’est-à-dire l’activité professionnelle sur internet
effectuée en dehors du lieu de travail, s’est progressivement
développé avec la généralisation de l’informatique individuelle et des
réseaux sociaux. Il ne peut être pratiqué que pour les activités
pouvant être dématérialisées et ne concerne donc pas tous les
secteurs professionnels. Outre l’avantage de faciliter la mobilité
géographique (on peut travailler comme au bureau lors de
déplacements professionnels), le télétravail peut faciliter la
conciliation entre vies professionnelle et familiale (sous réserve
toutefois de respecter le temps de travail et la division entre le temps
du travail et celui de la vie privée, afin de ne pas devenir envahissant
et aliénant). Il s’est généralisé à l’occasion de l’épidémie de Covid
(confinements puis mesures de restrictions sociales) et a contribué
au maintien de l’activité dans certains secteurs économiques lors de
la crise sanitaire. La notion de « Brown-out », apparue en 2022,
désigne l’impossibilité ou la grande difficulté pour un travailleur de
revenir, après la fin du confinement ou la diminution des heures en
télétravail, aux conditions de travail antérieures.
Enfin, se pose la question des conséquences des progrès du
machinisme, de la robotisation et de la dématérialisation. Si ces
techniques permettent de diminuer la pénibilité du travail et le
développement de la productivité, elles limitent considérablement le
nombre de travailleurs nécessaires à l’accomplissement d’une tâche.
Par ailleurs, alors qu’autrefois de nombreux salariés pouvaient
occuper un emploi (certes mal rémunéré et pénible mais leur
permettant d’être indépendants et d’avoir des interactions sociales)
comme « journaliers » (c’est-à-dire employés sans qualification et
recrutés en fonction des besoins pour accomplir des tâches
répétitives) dans l’agriculture, l’industrie ou le commerce, la
restauration, et les travaux publics, le développement du
machinisme limite le besoin de recourir à leurs services. Cela pose à
la fois la question de la formation et de la reconversion
professionnelles (permettre à chacun de suivre une formation lui
permettant d’accéder à un emploi après l’obtention d’un diplôme ou
d’une certification), celle de la solidarité face au chômage (taux de
chômage beaucoup plus élevé chez les travailleurs non qualifiés) et
celle de la politique d’immigration. L’immigration économique est
désormais limitée à l’entrée en France de travailleurs étrangers
exerçant des métiers « en tension » (voir dans le chapitre sur la
mondialisation, les développements sur l’immigration).

III Situation actuelle

A. Au niveau international
La conférence de Berlin (1890) et celle de Bâle (1901), ont
constitué les premières tentatives de définition de standards
minimaux applicables dans l’ensemble des pays industrialisés.
Créée en 1919 dans le cadre de la Société des Nations,
l’Organisation internationale du travail (OIT) est depuis 1946 un
organisme spécialisé de l’Organisation des nations Unies
représentée par le Bureau International du Travail. Elle est
composée de manière égalitaire de représentants des États, des
organisations patronales et des syndicats de travailleurs. Elle a son
siège à Genève et regroupe 187 États membres. Elle promeut la
justice sociale et les droits de l’Homme, dont les droits du et au
travail. Elle est un observatoire international des conditions de travail
dans le monde et publie de nombreuses statistiques et études
documentaires. Elle favorise la coopération des États en matière du
développement et de la définition de standards sociaux minimaux
communs. Ainsi, en 2002 puis en 2008 elle a adopté un rapport sur
la nécessité de donner une dimension sociale à la mondialisation,
mais sans effet pratique.
Au niveau européens, la définition de standards communs en
matière sociale est effectuée par le Conseil de l’Europe (voir le
chapitre sur l’Europe et celui sur les droits de l’Homme).

B. En France
1. Au niveau de l’État
L’article L. 2251-1 du Code général des collectivités territoriales
(CGCT) dispose que c’est l’État qui est responsable de la politique
économique et sociale de la Nation et de la défense de l’emploi. Il
est acteur de l’intégration sociale.
Le ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion a été créé en
1906. Il comprend un ensemble de directions centrales (dont les
principales sont celles du travail, de l’emploi et des affaires sociales).
Il existe un ministre délégué chargé de la formation. Depuis 2021 les
DREETS (Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail
et des solidarités) sont les organes déconcentrés à la fois du
ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion et du ministère de la
santé et des solidarités, regroupées avec les DIRRECTE (Directions
régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation,
du travail et de l’emploi), chargées, pour ce qui concerne le travail,
de l’accompagnement des entreprises et des mutations
économiques et de la définition et du suivi des politiques publiques
en matière d’emploi et de chômage.
Par ailleurs, il existe un établissement public administratif créé en
2008, Pôle emploi (qui résulte de la fusion de l’ANPE, compétente
en matière de recherche d’emploi et des ASSEDIC, compétentes en
matière d’indemnisation). Pôle emploi assure la mission du service
public de l’emploi en France. Il est en charge, d’une part, de la
gestion, du suivi et de l’indemnisation des personnes sans emploi et,
d’autre part, de l’aide au retour à l’emploi (suivi des dossiers, bilans
de compétences, formations, propositions d’emplois…). Le régime
de l’indemnisation du chômage a été modifié en 2021 (ouverture ou
recharge du droit à indemnisation après 6 mois d’activité au lieu de
4 mois auparavant ; mise en place de la dégressivité de
l’indemnisation dans certaines conditions au bout de 6 mois au lieu
de 8).

2. Au niveau territorial
Conformément à l’article L. 2251-1 du CGCT précité, les
collectivités territoriales ont un rôle résiduel, complémentaire de celui
de l’État en matière d’emploi, mais important et efficace car situé au
plus près du terrain.
D’une part, les régions, dans le cadre de leur compétence de
collectivité chef de file en matière de développement économique et
de formation professionnelle peuvent fixer des cadres d’actions,
auxquels les autres niveaux de collectivités peuvent participer dans
le cadre de contractualisations (voir le chapitre sur l’État et
l’organisation territoriale de la France). Par exemple, les régions
peuvent créer des primes régionales à la création d’emploi. Ces
actions sont complémentaires avec celles menées dans les
territoires par les organes déconcentrés de l’État, et notamment du
ministère du travail.
D’autre part, les communes et les établissements de coopération
intercommunale mènent des actions de terrain et de proximité en
matière de solidarité ou d’aide à la recherche d’emploi dans le cadre
de la clause de compétence générale et sous réserve de respecter
le domaine de l’État en la matière (organisation de foires aux
métiers, de journées d’information sur l’emploi…). Par exemple, il
peut exister des Maisons de l’emploi, chargées de :
– lutter contre le chômage ;
– d’assurer la cohésion sociale sur le territoire ;
– de définir les objectifs de développement et les besoins en main
d’œuvre du territoire ;
– d’assurer le lien, la continuité et la complémentarité entre la
politique nationale en matière d’emploi et celle du territoire.

3. Concernant le travail des femmes


Selon une formule célèbre, le travail aliène l’homme mais libère la
femme en ce sens que le xxe siècle a permis aux femmes d’accéder
à l’indépendance économique et financière par la généralisation du
travail et l’accès à l’ensemble des emplois exercés par les hommes
(toutefois, les femmes ont toujours travaillé mais souvent comme
collaboratrice de leurs parents ou époux, à des salaires moindres et
dans des tâches subalternes. La grande évolution depuis 1945 n’est
pas le travail féminin en tant que tel mais la possibilité pour les
femmes d’accéder à l’ensemble des carrières dans le secteur public
comme privé). La reconnaissance de l’égalité entre l’homme et la
femme est intervenue en 1946 (préambule constitutionnel). Il existe
depuis 1975 une législation en faveur de l’égalité (qui reste encore
en partie théorique) des salaires entre hommes et femmes. Malgré
de réelles avancées, à travail et poste égal il existe un écart de 9 %
au détriment des femmes (voir les développements sur l’égalité
entre hommes et femmes dans le chapitre relatif aux droits et
libertés). Cet écart monte à 25 % en fin de carrière et à 37 % pour
les retraités (conséquence des congés et des retards de carrière liés
à la maternité), cette inégalité est plus nette dans le secteur privé. Le
statut de la fonction public garantit un salaire égal quel que soit le
sexe de l’agent. En effet, le traitement est fixé réglementairement
selon la logique des grades, classes et échelons mais le problème
de l’égal accès aux emplois supérieurs reste posé. Depuis 2019 des
référents égalités sont mis en place dans l’ensemble des
administrations et des établissements publics. Par ailleurs, à la suite
d’une négociation entre l’État et les organisations syndicales
débutée en 2013 cinq axes ont été mis en place en 2019 :
– Renforcer la gouvernance des politiques d’égalité ;
– Créer les conditions d’un égal accès aux métiers et aux
responsabilités ;
– Supprimer les écarts de rémunération et de déroulement des
carrières ;
– Meilleure prise en compte des conséquences de la grossesse et
de la parentalité ;
– Renforcer la prévoyance et la lutte contre les violences sexuelles
et sexistes et les stéréotypes de genre.
La loi du 21 décembre 2021 relative à l’égalité en matière
professionnelle et économique prévoit l’instauration de quotas (40 %
de femmes dans les conseils d’administration des grandes
entreprises, 30 % dans les jurys et instances de l’enseignement
supérieur).

4. Concernant le travail des handicapés


La loi du 11 février 2005 sur l’égalité de droit et des chances en
faveur des handicapés affirme le principe d’égalité et de non-
discrimination. Environ 990 000 personnes handicapées disposent
d’un emploi dans des entreprises ordinaires ou dans des entreprises
adaptées. Les entreprises de 20 salariés et plus doivent comprendre
au moins 6 % de travailleurs handicapés (possibilité de s’exonérer
de l’obligation par le versement d’une compensation financière à
l’État). La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé est
accordée par une décision administrative par la Commission des
droits à l’autonomie des personnes handicapées. Le statut de
personne handicapée est obtenu par le constat médical de
l’altération de fonctions physiques, sensorielles, mentales et/ou
psychiques.

5. Concernant le système de retraite


Il y avait en 2021 environ 1,7 millions de retraités en France. En
France la retraite repose sur un système de répartition fondé sur la
solidarité entre les générations (les actifs paient les pensions des
retraités, qui avaient eux-mêmes contribué pour leurs ainés durant
leur période d’activité). Ce système mis en place en 1945 dans le
cadre de l’État providence à une époque de forte natalité et de
développement économique est fortement affecté de nos jours par
les effets de la baisse de la natalité (moins de cotisants), de
l’allongement de la vie (les titulaires de pensions en bénéficient plus
longtemps) et de la crise économique et financière, ce qui a
nécessité (et nécessitera dans un futur proche) des réformes. Il
existe à la fois un régime général ouvert aux salariés et divers
régimes spéciaux (marins, professions libérales, fonctionnaires,
salariés de la SNCF, d’EDF…). Par ailleurs, il existe des
mécanismes de retraites complémentaires, qui se rajoutent au
système de base, certaines obligatoires (par exemple ARRCO et
AGIRC pour les salariés du privé), parfois facultatives et fondée sur
une épargne volontaire du bénéficiaire (assurances privées,
mutuelles…). Enfin, au décès du titulaire de la pension, son conjoint
survivant bénéficie de la réversion de la moitié de son montant.
L’âge légal de départ à la retraite pour bénéficier d’une pension
complète est de 62 ans (60 ans entre 1982 et 2010, 65 ans avant
1982) et plus de quarante ans de cotisations (quarante pour les
personnes nées avant 1955 ; quarante et un pour les personnes
nées entre 1955 et 1957 ; quarante et un et six ou neuf mois pour
les personnes nées entre 1955 et 1960 en fonction de l’année de
naissance ; quarante-deux années pour les personnes nées en 1962
ou 1963 ; quarante-deux et quelques mois par tranches de trois mois
en fonction de l’année de naissance pour les personnes nées entre
1964 et 1972 ; quarante-trois ans pour les personnes nées en 1973
et après. Il est possible au salarié, sous certaines conditions, de
racheter des trimestres de cotisation afin de pouvoir bénéficier d’une
pension complète sans avoir suffisamment cotisé. À noter qu’il est
envisagé en 2022 de porter l’âge de départ à la retraite à 64 voire
65 ans.
Cependant, certaines catégories peuvent bénéficier d’un âge de
départ plus précoce (travail pénible, carrières longues, travailleur
handicapé…). Enfin, il est possible au salarié ayant atteint l’âge de la
retraite de poursuivre volontairement sa carrière jusqu’à 67 ans en
bénéficiant en échange d’une augmentation proportionnelle de sa
pension au jour de son départ. Le départ à 67 ans permet d’avoir
une pension sans décote ni malus mais pas nécessairement
complète, en fonction du nombre de trimestres cotisés.
Il existe une retraite minimale de solidarité instituée en 1956,
l’ASPA (Allocation de Solidarité aux personnes Âgées, autrefois
appelée minimum vieillesse), versée aux personnes n’ayant pas ou
peu cotisé pour leurs retraites (carrières tardives ou avec des
interruptions), d’un montant de 906,81 euros pour une personne
seule et de 1407,82 euros pour un couple. Environ
635 000 personnes bénéficient de l’ASPA.

Les retraités, y compris les titulaires de l’ASPA, peuvent cumuler


leur pension avec une activité professionnelle (cumul emploi-retraite)
à condition de ne pas doubler le montant de leur pension.

Les CARSAT (Caisses Régionales d’Assurance Retraite et de


Santé au Travail) sont chargées d’assurer le paiement des retraites
de base. Les retraites complémentaires sont versées par divers
organismes (exemple : ARRCO et AGIRC déjà mentionnés).

Sujet de dissertation : Le travail favorise-t-il l’intégration


sociale ?
🠶 Travail (voir ci-dessus)
🠶 Favoriser : rendre possible, réalisable avec une plus grande
chance de succès.
🠶 Intégration sociale : voir ci-dessus)
1. Problématique
Le travail peut être à la fois un moyen d’intégration et une forme
d’aliénation de sorte qu’une régulation des conditions de son
exercice doit être mise en place par l’État et les partenaires sociaux.
2. Plan
🠶 Introduction :
– Définitions
– Historique (voir ci-dessus)
– Actualité et débat sur le rôle de l’État providence dans le cadre
d’une économie mondialisée et alors même que certaines des
réformes en matière de travail mises en place au xxe siècle sont
contestées au motif qu’elles ont un coût économique trop
important au regard des nécessités de la compétitivité
économique.
I. Le travail moyen d’intégration sociale
A. Le travail comme facteur d’épanouissement : satisfactions que
procure le travail en termes de réalisation personnelle (plaisir du
« travail bien fait » ou de « la belle ouvrage », sentiment d’utilité
sociale de son activité ou d’intérêt personnel pour ce que l’on
fait…) ; le travail permet des occasions de rencontre à l’extérieur
du cercle familial, amical, territorial habituel, de se confronter à
d’autres modes de pensées ou opinions… ; libération de la
femme qui est passée par le travail…
B. L’intégration sociale passe par l’intégration économique : le
travail entraîne la perception d’un revenu qui permet à l’individu
d’assurer la satisfaction de ses besoins et de ceux de sa famille,
indispensables (se nourrir, se vêtir, se loger…) comme
nécessaires (loisirs, vacances. ;), voire superflus (tout ce qui n’est
ni indispensable, ni nécessaire), au regard des autres membres
de la société ; indépendance financière des femmes par la
généralisation du travail féminin et l’ouverture de l’ensemble des
carrières… ; voir Marx, pour qui le travailleur qui ne peut pas
disposer de loisirs est moins qu’une bête de somme… et Voltaire,
pour qui le travail éloigne de nous trois grands maux, l’ennui, le
vice et le besoin (Candide, 1759).
II. De nécessaires régulations
A. Diverses mesures de protection : Pour que le travailleur soit
intégré à la société, il faut que sa vie ne soit pas uniquement
centrée sur son activité et qu’il existe des protections vis-à-vis de
son employeur comme des aléas de l’existence ; par exemple :
droit du travail, droit syndical, médecine du travail (lutte contre les
maladies du travail et les accidents, contre les différentes formes
de discrimination au travail qui peuvent être aliénantes, contre le
harcèlement, mesures diverses pour permettre la formation,
l’évolution ou le changement des carrières et donc l’intérêt de
continuer à travailler, mesures pour limiter le caractère pénible ou
répétitif de certaines tâches, comme le travail à la chaîne ou
l’exposition au bruit ou introduire des mécanismes de
compensation, notamment par l’avancement de l’âge de la
retraite pour, les emplois les plus pénibles…).
B. L’équilibre entre la vie au travail et la vie privée : limitation de la
durée du temps de travail, question du respect du repos
dominical et du droit au loisir et au repos (garanti par le
préambule de 1946), prise en compte des contraintes familiales
(crèches, maladie des enfants…), non pénalisation des parents
dans leurs carrières (notamment les femmes)…
🠶 Phrase de conclusion et ouverture : quel avenir pour l’intégration
sociale par le travail si de plus en plus de tâches peuvent être
assumées par des robots ou dématérialisées ? quel avenir pour les
travailleurs non ou peu qualifiés ? vers une société du travail
essentiellement composée de « cols blancs » ?…
Chapitre XV
Le service public

Bibliographie
• J-M. Auby : « Les services publics en Europe », PUF QSJ,
1998 ;
• J. Chevalier : « Le service public », PUF, QSJ, 2018 ;
• F. Larat et Ch. Chauvigné : « Vivre les valeurs du service
public », EHESP, 2016 ;
• J-M. Rainaud : « La crise du service public français », PUF
QSJ, 1998.

I Définition

Un service public est un service d’intérêt général assuré, soit


directement par une personne publique, soit par une personne
privée ayant reçu délégation d’une personne publique, soumis à des
règles juridiques spécifiques, différentes de celles du secteur privé
sous le contrôle du juge administratif. Ce terme est utilisé soit pour
désigner une activité (service public de l’enseignement, de la
santé… on parle alors de critère matériel) soit pour désigner des
organes et/ou moyens humains et matériel (telle institution, par
exemple la société France télévision, est un service public, on parle
alors de critère organique).
Les principes fondamentaux du service public (appelés « lois » de
Rolland), sont :
– le principe d’égalité dans et face au service public au bénéfice de
l’usager ;
– l’adaptabilité (le service public n’est pas figé mais doit évoluer
avec la réalité des besoins d’intérêt général afin de satisfaire les
usagers) ;
– la continuité (le besoin d’intérêt général étant constant, il doit être
assuré en permanence, avec des exigences variables selon les
services en cause puis que la continuité n’est pas appliquée de la
même manière à l’hôpital ou dans un service d’incendie que dans
une bibliothèque ou un établissement d’enseignement).
Par ailleurs, les services publics, qui sont même parfois gratuits
(exemples : dépôt de plainte au commissariat, demande de carte
d’identité…) sont souvent soumis à un principe de moindre coût (la
participation pécuniaire de l’usager ne représente qu’une partie du
coût de la prestation dont il bénéficie, la différence avec le coût réel
étant financée par l’impôt ; exemples : prix des repas dans une
cantine scolaire, frais d’inscription à l’université, redevance
audiovisuelle…).
En 1986 (décision relative à la loi de privatisation d’entreprises
publiques), le Conseil constitutionnel a reconnu l’existence de
« services publics constitutionnels », insusceptibles de pouvoir être
privatisés. Il n’a toutefois donné ni liste, ni critères. On peut supposer
qu’il s’agit notamment des services régaliens comme la police ou la
justice et des services mentionnés dans le préambule constitutionnel
de 1946 tels que l’éducation nationale, la santé, la sécurité sociale.
À noter que, pour certains services publics, la puissance publique
conserve la maitrise et la gestion des fonctions régaliennes ou étant
l’objet même de l’activité d’intérêt général tout en délégant certaines
tâches matérielles à des prestataires privés (exemples : la
restauration collective, le transport des agents…).
Il existe des services publics nationaux (tous les services régaliens
tels que police et justice, plus d’autres domaines comme l’éducation
nationale, la santé…) et des services publics locaux (qui permettent
d’assurer un intérêt local) dont certains sont obligatoires et doivent
être nécessairement prévus sur le budget concerné dans le cadre
d’un équilibre réel (enlèvement et traitement des ordures
ménagères, lutte contre l’incendie…) et d’autres sont facultatifs
(création d’une bibliothèque, d’un centre de loisirs…).

II Évolution historique

Certains services publics sont apparus avec la création des


principales administrations à partir du Premier empire (services
fiscaux, université, police, armées…). Avec le développement de
l’État providence, d’autres services publics sont apparus au fur et à
mesure des besoins, créés par l’État ou les collectivités territoriales
(socialisme municipal), notamment dans le domaine économique,
social et culturel. Le juge administratif a progressivement dégagé les
critères du service public et en a précocement consacré le nom.
On distingue entre, d’une part, les SPA (services publics
administratifs), qui correspondent aux activités traditionnelles de
l’État gendarme et qui sont soumis à un régime de droit public,
généralement dans le cadre d’un monopole (exemples : armée,
diplomatie, justice, enseignement et recherche, services fiscaux…)
ou sous la forme juridique d’un EPA (établissement public
administratif (exemples : une université, un lycée, le Musée du
Louvre, l’Opéra de Paris…) et, d’autre part, les services publics
industriels et commerciaux, apparus au commencement du
développement de l’interventionnisme public dans le cadre de l’État
providence, dont le mode fonctionnement est proche de celui d’une
entreprise privée avec un régime juridique mixte comprenant des
éléments de droit public (statut de l’entreprise, statut du dirigeant…)
et de droit privé (personnel, contrats, responsabilité…). Avec les
nombreuses privatisations entreprises depuis 1986, notamment en
application du principe de libre concurrence dans le cadre de l’Union
européenne, plusieurs activités qui étaient jadis sous la forme
d’EPIC (établissement public gérant une activité industrielle et
commerciale) sont désormais des sociétés anonymes (Air-France,
La Poste, France-Télécom…) dont le mode de fonctionnement est
pratiquement aligné sur celui des entreprises privées, sous réserve
du maintien de quelques particularités de droit public.
La crise de l’État providence, consécutive à la crise pétrolière de
1973 a été révélatrice d’une crise des services publics en France
(voir le chapitre sur l’État) en raison de la brusque augmentation du
nombre de bénéficiaires d’aides dans un contexte de mutations
économiques a provoqué une crise des finances publiques limitant
les possibilités d’interventions des personnes publiques. De plus, les
interventions de l’État providence n’ont pas permis de résoudre la
crise économique, ce qui a posé à la fois la question de son
efficacité et de son coût. Par ailleurs, en raison des conséquences
de la mondialisation de l’économie et de l’impact de la concurrence
étrangère dans le cadre d’une économie ouverte, l’État a renoncé à
de nombreuses interventions (privatisations, ouverture à la
concurrence de services publics…) tout en essayant de diminuer la
pression fiscale sur les entreprises, ce qui le prive de recettes et
limite plus encore ses possibilités d’actions. Enfin, la crise de l’État
providence et des services publics est aussi une crise intellectuelle :
alors que le modèle français d’interventionnisme public était
dominant des années 1930 aux années 1970, notamment dans le
cadre du consensus né de la charte du Conseil national de la
Résistance en 1944, il a été vigoureusement contesté par la doctrine
du nouveau management public (voir ci-dessous).

III Le service public aujourd’hui


La doctrine du management public est apparue aux États-Unis
dans les années 1970, puis s’est progressivement développée dans
de nombreux États à la faveur de la mondialisation. Elle a eu un
impact particulier dans l’Union européenne, et donc en France, suite
à la décision d’ouvrir à la concurrence et de privatiser des activités
d’intérêt général jusqu’alors assurées sous forme de service public.
Dans cette doctrine, on considère que les activités de service
présentent des contraintes communes en termes de conception,
d’organisation ou de gestion, qu’elles soient gérées par une
personne publique ou par un entrepreneur privé. Ainsi, le caractère
spécifique de l’activité d’intérêt général par rapport à celle reposant
sur un objectif lucratif est considéré comme secondaire au regard
des contraintes communes. Surtout, il est considéré que les services
publics, qui reposent pourtant sur la notion de satisfaction de l’intérêt
général en dehors de toute notion de lucre ou de rentabilité,
présentent des résultats insuffisants. Par conséquent, la recherche
d’une gestion plus efficace et plus efficiente des services publics
repose sur l’acclimatation de méthodes inspirées de celles existant
dans le secteur privé (diminution des coûts, externalisation de
certaines activités considérées comme annexes par rapport à
l’activité principale, recherche de performance, de modernisation,
d’innovation, promotion de la qualité de l’offre dans une logique
concurrentielle, substitution de la notion de « client » à celle
d’« usager »…) afin d’améliorer le ratio entre le coût et la qualité du
service proposé. Pourtant, les « lois de Rolland » qui synthétisent les
principes fondamentaux du service public à la française (voir la
définition) permettaient déjà de contraindre le gestionnaire d’un
service public à prendre en considération des critères tels que
l’évolution de la demande ou la satisfaction des bénéficiaires du
service.
De nombreuses études soulignent l’attachement d’une nette
majorité de français au maintien des services publics, notamment
par référence au principe d’égalité et de solidarité dont il est le
soutien (ce qui n’empêche pas aussi de nombreuses critiques sur
les insuffisances de l’offre, notamment en matière de transports
ferroviaires). Par ailleurs, partis politiques et organisations
syndicales affirment régulièrement la nécessité de protéger et de
développer les services publics. Enfin, la crise sanitaire a été
l’occasion de constater que l’ensemble des services publics ont
œuvré pour assurer la continuité de nombreuses activités
essentielles, notamment dans les domaines de la santé et de
l’éducation. Malgré cela, la conception traditionnelle du service
public à la française connaît depuis quelques années de réels
aménagements inspirés par le mouvement du nouveau management
public. Par exemple, à l’occasion de la mise en œuvre de la
déréglementation des activités de réseaux dans le cadre de l’Union
européenne, divers anciens services publics en monopoles érigés
par l’État providence (téléphone, électricité, gaz, transport aérien,
chemins de fer…) ont été privatisés, ces secteurs étant ouverts à la
concurrence. De même, en 2007, la révision générale des politiques
publiques (RGPP) a été mise en place puis, en 2012, la
Modernisation de l’action publique (MAP).

La RGPP visait notamment à réduire progressivement


l’augmentation des dépenses publiques et à rééquilibrer les comptes
publics, en particulier par la réduction des effectifs de fonctionnaires
(le projet était de ne remplacer que la moitié des fonctionnaires
partant en retraite), la simplification et la modernisation du
fonctionnement de l’État (notamment par la mise en place de critères
communs à l’ensemble des administrations afin de favoriser des
comparaisons et la rationalisation des actions), le recentrage des
services publics sur leurs missions principales et la promotion de la
culture du résultat et de l’efficacité (entretiens personnalisés,
systèmes de primes…).
La crise de l’autorité de l’État (voir le chapitre sur l’État), comme
l’impact des effets de la crise sanitaire, s’expliquent en partie par les
importantes diminutions d’effectifs dans les forces de sécurité et le
personnel hospitalier. Ce constat a d’ailleurs conduit l’État à de
nouveau augmenter les recrutements dans certains secteurs (police,
justice…). Par ailleurs, ces politiques n’ont pas véritablement permis
une réduction des dépenses et du déficit publics. Enfin, il est à noter
que si, dans certaines administrations, les recrutements de titulaires
ont baissé d’environ 8 %, le nombre d’agent contractuels a
augmenté de 20 % en moyenne (au-delà de la question statutaire, la
pression salariale est constante, voire en augmentation).

IV La fracture territoriale

L’un des enjeux essentiels en matière de services publics est de


surmonter la fracture territoriale (voir le chapitre sur l’État), c’est-à-
dire l’écart de développement et d’équipement de plus en plus
marqué entre les zones métropolitaines et la France périphérique
(Christophe Guilluy, 2014).
– Jusqu’en 1931, la France était un pays dont la population vivait
en majorité en zone rurale.
– Lors du recensement de 1935, pour la première fois, la majorité
de la population française était urbaine. Ce phénomène s’est
poursuivi et aggravé depuis, notamment du fait de l’exode rural
après-guerre, du développement de vastes zones d’activité et de
logements (grands ensembles en banlieue) autour des grandes
villes.
– Le Commissariat général au plan, qui a fonctionné de 1946 à
2006, avait pour mission d’animer et de coordonner les actions
de l’État, de divers établissements publics des collectivités
territoriales et des grandes entreprises publiques comme privées
dans le cadre d’une planification incitative (c’est-à-dire compatible
avec un État libéral au plan économique comme politique) à la
fois dans le domaine économique et dans celui de
l’aménagement du territoire.
– La forte inégalité de croissance et de développements
économiques des régions française fut souligné dès 1947 (J-F.
Gravier, Paris et le désert français).
– Sous la Ve République, la volonté de mettre en place un État
aménageur chargé de définir une stratégie d’équipement et de
peuplement du territoire national dans le cadre de la planification
fut l’occasion de nombreuses opérations de grande envergure
(aménagement de la région parisienne par Paul Delouvrier (1914-
1995); aménagement du bas-Rhône, de la Camargue et du
Languedoc par Philippe Lamour (1903-1992) ; création de
barrages hydroélectriques dans les Alpes…) avec création d’une
administration spécialement vouée à l’aménagement du territoire
(voir ci-dessous).
– Avec la crise de 1973, dans certaines parties du territoire, dont la
prospérité était assurée par la présence d’activités industrielles
remontant à l’époque de la révolution industrielle (textile,
charbon, sidérurgie…), la concurrence étrangère (moins chère et
mieux équipée) a eu pour effet la fermeture de nombreux
établissements et l’augmentation du chômage sans que les
activités traditionnelles puissent être durablement remplacées par
d’autres permettant de maintenir l’emploi (Nord, Lorraine…).
– Dans les années 1980, le constat des difficultés économiques et
d’intégration dans les zones urbaines et de banlieues a conduit à
la mise en place, à partir des années 1980, de la politique de la
ville. Les communes rurales sont notamment affectées par la
question de l’offre scolaire (fermeture des établissements n’ayant
pas assez d’élèves et donc nécessité de rationaliser avec les
autres communes, ainsi que le département et la région pour un
support financier, le transport et l’accueil) et de la fermeture ou du
maintien de divers services (impôts, gendarmerie…).
– Depuis les années 1960, la réduction importante du nombre
d’exploitations agricoles (la France a perdu 100 000 exploitation
entre 2010 et 2020 et dispose aujourd’hui de 389 000
établissements) ; le nombre d’hectares exploités, environ
26 millions, reste stable ) dans les zones rurales et l’insuffisance
des activités de substitution (tourisme essentiellement) en a aussi
réduit l’attractivité.
– La réduction de la population, tant dans les zones rurales que
dans les anciennes zones industrielles en perte d’activité, a
entraîné une réorganisation administrative, cherchant à concilier
le principe d’égalité territoriale et d’unité de la République pour
assurer le service aux populations avec la nécessité, dans un
cadre contraint du fait de la crise des finances publiques, de
renforcer les services publics dans les zones à forte population.
– depuis les années 1990, la « métropolisation », c’est-à-dire la
concentration autour de grandes villes centres (Paris, Lyon,
Marseille, Nice, Toulouse, Bordeaux, Strasbourg…) d’activités
économiques diverses, des services publics, des institutions
culturelles, de transports ou de santé et la mise en place
d’organismes de coopération intercommunale plus ou moins
intégrateurs (voir le développement consacré aux collectivités
territoriales dans le chapitre sur l’État).
– Depuis la révision de 2003, l’article 72-2 de la Constitution prévoit
un mécanisme de péréquation destiné à favoriser l’égalité entre
les collectivités territoriales. Il s’agit d’atténuer les disparités
financières entre les collectivités territoriales en tenant compte de
leurs ressources et de leurs dépenses. D’une part, l’État doit
répartir équitablement les subventions et dotations qu’il accorde
entre les diverses collectivités (péréquation verticale) ; d’autre
part, il doit y avoir partage des ressources fiscales entre les
collectivités (péréquation horizontale, c’est-à-dire que les
collectivités les plus riches reversent une partie de leurs
ressources aux plus pauvres, notamment en matière de
péréquation des ressources propres et des droits de mutation).
La notion de fracture territoriale traduit cette forte disparité, sur le
territoire national, entre, d’une part des zones métropolitaines
densément peuplées et d’autre part des zones rurales ou rurbaines
(rurales situées à la périphérie d’une zone urbaine et empruntant
des caractéristiques aux deux situations) et de la nécessité de
permettre partout une présence équilibrée et adaptée des services
publics. La résolution de la fracture territoriale nécessite à la fois la
poursuite de la politique de la ville, du renforcement de la
coopération intercommunale et de l’aménagement du territoire avec
mutualisation des services publics.
L’un des points de friction entre l’État et les collectivités territoriales
et particulièrement les communes et les intercommunalités, est celui
de la carte des services publics dans l’ensemble du territoire,
particulièrement en zone rurale.
D’une part, la faible population de certaines communes ne permet
pas de justifier le maintien des services publics étatiques (école,
gendarmerie, perception, bureau de poste…) car la rationalisation de
l’utilisation des moyens conduit à financer d’abord les zones dans
lesquelles il y a le plus d’usagers, ce qui peut paraître justifier la
fermeture de services en zone rurale au profit du regroupement de
services dans une maison des services publics, de l’usage de
guichets ambulants (une administration foraine est présente à date
régulière dans les locaux de la mairie pour aider à
l’accomplissement de démarches) ou du guichet unique (la dernière
administration présente ou un particulier ou une entreprise habilités
peuvent accueillir certains services).
D’autre part, la fermeture des services publics dans une commune
au motif de l’insuffisance de sa population peut avoir pour
conséquence d’accroître encore la baisse de son attractivité et
contribuer à la baisse et au vieillissement de sa population, les
familles hésitant alors à rester ou à s’installer. En ce cas, ce sont les
communes rurales en périphérie des agglomérations (communes
rurbaines) et donc des services, sont les plus susceptibles de
stabiliser, voire d’augmenter leur population et ainsi de conserver ou
d’accueillir à nouveau des infrastructures publiques.
La question de la fracture territoriale se pose aussi pour l’outre-mer
par rapport à la métropole (voir par exemple en matière de santé
publique à l’hôpital).

Il existe diverses initiatives pour limiter la fracture territoriale :


– Depuis 2015, sous l’impulsion de la caisse des dépôts, existe un
réseau de maisons de services au public (environ 2000, sous
forme d’associations ou de groupements d’intérêt public), qui
permettent l’accueil du public et l’accompagnement des usagers
pour accomplir différentes démarches, notamment dans le cadre
de l’administration dématérialisée (accomplissement de diverses
formalités en ligne). Elles sont surtout ouvertes en zone rurale
mais, il peut en exister en banlieue, notamment au travers de
structures crées par les intercommunalités ou les départements.
– Le réseau de La Poste est sollicité pour offrir des services autres
que ceux de son objet principal (transport de médicaments,
visites aux personnes isolées ou à mobilité réduite…).
– En matière de santé, la réduction de la fracture territoriale passe
par des modalités telles que l’exercice regroupé (des
professionnels du secteur médical et paramédical exerçant
diverses spécialités se regroupent, notamment dans le cadre de
maisons médicales) ou par le développement de la
téléconsultation (en ligne). Par ailleurs, certaines
intercommunalités créent des dispensaires.
– En matière de justice, il existe des maisons de la justice et du
droit, qui sont des établissements judiciaires de proximité,
chargés de l’information sur les droits et les procédures
(possibilité de consulter des praticiens lors de permanences) et
de la résolution amiable de certains conflits (médiation pénale,
rappel à la loi, règlements de certains litiges civils, notamment en
matière de consommation ou de logement…). Elles sont surtout
présentes dans les quartiers des grandes agglomérations et dans
les chefs-lieux de département et, parfois d’arrondissement. Il en
existe environ 150.
– Depuis 2020, un Haut-commissaire au plan est chargé d’animer
et de coordonner les travaux de planification et de réflexion
prospective de l’État pour éclairer les personnes publiques sur les
enjeux démographiques, économiques, sociaux, sanitaires et
culturels. Il s’appuie notamment sur France stratégie.
– Créé en 2013, France stratégie est un établissement public placé
auprès du premier ministre qui reprend la plupart des missions du
Commissariat général au plan déjà évoqué. Il est chargé d’animer
et de coordonner les actions publiques dans le domaine de
l’action économique et de l’aménagement du territoire en
éclairant les pouvoirs publics sur l’anticipation des besoins futurs
en matière d’équipements et de développement. Il s’appuie sur et
coordonne divers autres organismes publics (Conseil d’analyse
économique, Conseil d’orientation pour l’emploi,
Conseil d’orientation pour les retraites, Haut conseil pour le
climat, Haut conseil pour la famille et l’enfance…).
– En 2020, création de l’ANCT (Agende nationale pour la cohésion
des territoires), qui a fusionné les activités de trois anciens
organes en charge de l’aménagement du territoire et qui est la
lointaine héritière de la DATAR (Délégation à l’aménagement du
territoire et à l’action régionale) créée dans les années 1960, ce
qui démontre une certaine constance de la volonté de l’État d’être
un aménageur. Elle est chargée de faciliter l’accès des
collectivités territoriales aux ressources leur permettant de
financer leurs projets (ingénierie technique et/ou financière,
recherche de subventions et/ou de partenariats…). Elle
développe divers programmes de soutien pour renforcer la
cohésion des territoires, notamment en matière de transition
numérique, de transition écologique et de populations.
– Les services présentés ci-dessus sont des administrations de
missions, qui disposent de peu de moyens propres et doivent,
pour la réalisation des projets qu’elles promeuvent, s’appuyer sur
l’ensemble des administrations existantes. Au regard du nombre
et de la proximité des missions que remplissent ces structures,
faut-il considérer ce véritable « millefeuille » de la stratégie
prospective comme un moteur ou comme un frein pour une
action territoriale efficace ?
On évoque, à propos de la fracture territoriale, la notion de
« diagonale du vide » ou de « diagonale des densités » : cela
désigne la bande de territoire allant de la Meuse aux Landes, dans
laquelle les densités de population sont faibles par rapport à la
moyenne du pays et qui sont confrontés aux enjeux déjà évoqués :
chute et vieillissement de la population, isolement et difficultés de
transports, difficulté de maintenir les services et les équipements
publics, faiblesse des offres d’emploi…

V La politique de la ville

La politique de la ville est un autre moyen pour essayer de réduire


la fraction territoriale. Il s’agit d’une politique de cohésion urbaine
instituée à partir des années 1980 et destinée à la « banlieue »
(ensemble de quartiers défavorisés qui se caractérisent par un écart
de développement économique et social par rapport au reste de leur
agglomération) dans une perspective de solidarité.
Elle est mise en œuvre au niveau national et local. Le régime
juridique actuel est défini par la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de
programmation pour la ville et de cohésion urbaine avec
identification de quartiers prioritaires de politique de la ville en
métropole et outre-mer et définition de quatre grands objectifs :
– mise en place d’un Programme national de renouvellement
urbain permettant la mise en œuvre d’actions diverses
d’aménagement ou d’actions sociales ;
– mise en place de mesures de démocratie participative (voir le
chapitre sur la démocratie) pour les habitants concernés ;
– définition des quartiers éligibles par référence au critère du
revenu moyen par habitant ;
– création, au niveau municipal et intercommunal, des contrats de
ville.
La loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbain) du
13 décembre 2000 modifie le droit de l’urbanisme et du logement
dans une perspective de mixité sociale. Sa principale disposition
(article 55) impose notamment dans les communes de plus en plus
de 3 500 habitants (ou plus de 1 500 dans l’agglomération
parisienne) un quota de 25 % de logements sociaux au regard des
résidences principales. Il existait en 2020 environ 1 100 communes
ne respectant pas cette obligation et qui doivent verser une
compensation financière à l’État.
Le financement est assuré au travers d’une filiale spécialisée de la
Caisse des dépôts et consignation, CDC Habitat, qui est un
opérateur immobilier dans le domaine du logement social (mais n’est
pas le seul). Par ailleurs, les fonds déposés à la caisse d’épargne
sont, notamment utilisés pour financer le logement social.
La politique de la ville ne se limite pas à une politique de
rénovation et de construction d’habitat. Elle comprend également
des actions en matière d’aide à la création d’entreprises et d’emploi,
à l’éducation, à l’information, à la mise en place de structures
culturelles et sportives…
Selon le rapport Borloo (2018), le coût total de la politique de la
ville se monterait à 48 milliards d’euros en une quarantaine
d’années. Le bilan de la politique de la ville apparaît comme mitigé
au regard des sommes engagées par rapport au résultat. En effet,
malgré un réel effort collectif, et en dépit de quelques réussites, il
apparaît qu’il demeure encore de nombreuses zones qui restent
marquées par des difficultés économiques, sociales et scolaires.
Elles constituent un terrain favorable à la violence, à diverses
discriminations et au séparatisme.

Sujet de dissertation : Quel service public au xxie siècle ?


1. Définition des termes du sujet
– Service public : service d’intérêt général assuré par une
personne publique directement pou par une personne privée
délégataire ; rappel de la distinction SPA et SPIC et des critères
organique et matériel ; NB : ici service public est au singulier, il
faut donc traiter de la notion en général et non traiter des
différents services publics.
– xxi
e
siècle : il faut aborder le sujet aujourd’hui, l’historique est
nécessairement en introduction.

2. Analyse synthétique
– La notion de service public a évolué par rapport à la conception
traditionnelle héritée de l’État providence ;
– Déréglementations effectuées dans le cadre de la mondialisation
et de la construction européenne (ouvertures à la concurrence et
changement de statuts pour les activités en réseaux, limitation
des interventions de l’État au nom de la concurrence libre et non
faussée… ; cela concerne essentiellement les anciens SPIC) ;
– Développement de nouvelles méthodes de gestion inspirée de
celles des entreprises (RGPP, MAP, modernisation des RH,
recours à la contractualisation…) ;
– Malgré cette évolution, la notion de service public reste
importante en France ;
– Large adhésion de l’opinion publique, des partis politiques des
syndicats au maintien de ce particularisme ;
– Les services publics administratifs constituent l’armature de l’État
(notion de SPA, principaux domaines : régalien, éducation,
culture, recherche, santé, justice, sécurité, finances publiques ;
maintien des principes issus des lois de Rolland…) ;
– Le service public est un moyen essentiel pour lutter contre la
fracture territoriale (assurer l’universalité du service public sur
tout le territoire, dématérialisation, rapprochement de l’usager par
les maisons de service au public, les maisons de la justice et du
droit, les maisons médicales…), aussi bien au niveau de la
ruralité que des banlieues (politique de la ville), de la métropole
que de l’outre-mer… Rôle de l’ANCT.

3. Problématique
Si elle a évolué en raison du contexte international, la notion de
service public reste essentielle en France
🠶 Introduction :
– Définition ;
– Historique ;
– Actualité ;
– Problématique ;
– Annonce du plan.
I. La notion de service public a évolué
A. En raison des dérèglementations effectuées dans le cadre de la
mondialisation et de la construction européenne (ouvertures à la
concurrence et changement de statuts pour les activités en
réseaux, limitation des interventions de l’État au nom de la
concurrence libre et non faussée… ; cela concerne
essentiellement les anciens SPIC) ;
B. En raison du développement de nouvelles méthodes de gestion
inspirées de celles des entreprises (RGPP, MAP, modernisation
des RH, recours à la contractualisation…).
II. La notion de service public reste essentielle
A. Les services publics administratifs constituent l’armature de
l’État (notion de SPA, principaux domaines : régalien, éducation,
culture, recherche, santé, justice, sécurité, finances publiques ;
maintien des principes issus des lois de Rolland…) ;
B. Service public et lutte contre la fracture territoriale (assurer
l’universalité du service public sur tout le territoire, action dans la
ruralité, politique de la ville, rôle de l’ANCT ; actions en métropole
et outre-mer dématérialisation, rapprochement de l’usager par les
maisons de service au public, les maisons de la justice et du
droit, les maisons médicales…) ; la population, les partis et les
syndicats restent très attachés au maintien du service public et
des services publics.
Chapitre XVI
La fonction publique

Bibliographie
• H. Buisson-Fenet : « L’administration, de l’éducation
nationale », PUF, QSJ, 2008 ;
• E. Aubin : « Droit de la fonction publique », Gualino, 2021 ;
• F. Colin : « Droit de la fonction publique », Gualino, 2021,
« Gestion des ressources humaines dans le fonction
publique », Gualino, 2022 ;
• P. David et F. Espinasse : « Droit de la fonction publique
territoriale », Documentation française, 2021 ;
• R. Lelièvre : « La fonction publique hospitalière », Studyrama,
2011 ;
• M. Pochard : « Les 100 mots de la fonction publique », PUF,
QSJ, 2011 ;
• D. Stingre : « La fonction publique hospitalière », PUF QSJ,
2008 ;

I Définition

La Fonction publique, au sens strict, est composée de l’ensemble


des agents soumis au statut général de la fonction publique dans
ses trois branches (État, collectivités territoriales et hospitalière).
Cette notion ne peut pas être confondue avec les concepts plus
larges de « secteur public » ou « d’agents publics ». Au plan
juridique, les salariés de services publics industriels et commerciaux
(voir le chapitre sur le service public) soumis à un statut particulier
(SNCF, RATP, EDF…) n’appartiennent pas à la fonction publique.
Toutefois, certains économistes, partant du constat, d’une part, que
fonctionnaires, agents publics et salariés à statut spéciaux travaillent
pour le secteur public, d’autre part que leurs salaires et traitements
sont, directement ou indirectement à la charge des finances
publiques incluent ces trois catégories au sein de la fonction
publique. Avec le développement de la RGPP (voir les chapitres sur
l’État, la Dépense publique et le service public), l’objectif était de
diminuer le recrutement de fonctionnaires (non remplacement d’un
fonctionnaire sur deux). Toutefois, la nécessité de faire face à
l’augmentation des besoins dans certains secteurs (police, justice,
santé publique…) a conduit à augmenter le nombre de postes offerts
dans ces ministères. Par ailleurs, le recrutement d’agents publics
contractuels a augmenté de 20 % en 2018 et 2019 (même s’ils ne
sont pas soumis au statut de la fonction publique, ils sont rémunérés
sur des budgets publics).

II Évolution historique

L’apparition d’une « fonction publique » est contemporaine de la


construction de l’État (règne de Philippe le bel, 1285-1314 durant
lequel apparaissent les « légistes », qui conseillent le roi dans
l’administration du royaume). Le souverain a besoin de personnels
pour exécuter matériellement les instructions données par le pouvoir
politique (« régalien » vient de « regus », le roi et, par extension, le
pouvoir étatique). Sous l’Ancien régime, il existe une grande variété
de statuts (principale distinction entre les « officiers », titulaires d’une
charge qu’ils achètent et les « commissaires », titulaires d’une
commission, c’est-à-dire d’une nomination provisoire et révocable).
Sous Louis XIV, tentative de rationalisation et de centralisation de
l’administration avec la création des « intendants », préfiguration des
préfets.
La déclaration de 1789 pose des principes encore applicables de
nos jours. Certains, concernent directement l’organisation
administrative, tels l’article 1er, selon lequel « les hommes naissent et
demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne
peuvent être fondées que sur l’utilité commune », l’article 6, qui
énonce que « la Loi est l’expression de la volonté générale. Tous les
Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs
Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit
qu’elle protège, soit qu’elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à
ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et
emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que
celle de leurs vertus et de leurs talents » et l’article 15, qui dispose
que « la Société a le droit de demander compte à tout Agent public
de son administration ».
En l’An VIII création des préfets et de l’administration préfectorale,
durant le Premier empire création de l’administration fiscale, des
services de l’Université (enseignement)…Napoléon a
professionnalisé la fonction publique et lui a donné un cadre
juridique (notion de cadre, d’emploi, d’avancement, de grade, règles
relatives à la carrière, apparition du droit disciplinaire…)
Au cours du xixe siècle, construction progressive et en fonction des
besoins administratifs de diverses administrations par chaque
ministère sans réelle unité ou coordination et donc multiplication de
statuts divers. Les principes de 1789 ayant alors une simple valeur
législative ne sont pas véritablement appliqués, les fonctionnaires
ont un statut précaire et les nombreux changements de régime
politique ont souvent pour conséquence des révocations de
fonctionnaires jugés pas assez sûrs pour le nouveau pouvoir
(obligation de prestation d’un serment de fidélité aux nouvelles
autorités). Commencement progressif d’unification des principes
juridiques à partir de la IIIe République au travers de la jurisprudence
du Conseil d’État (droit disciplinaire, droits de la défense, carrière,
droit syndical…).
Il y eut plusieurs tentatives inabouties de création d’un statut
général sous la IIIe République. Le régime de Vichy publie le premier
statut général de la fonction publique (1941) afin de mieux contrôler
une administration suspectée d’être trop proche de la IIIe République
et institution d’un serment d’allégeance à la personne du Maréchal
Pétain.
À la Libération, adoption du premier statut général des
fonctionnaires (État) par la loi du 19 octobre 1946 puis par la loi du
28 avril 1952 (communes et départements), et par le décret du
20 mai 1955 (agents hospitaliers). Ce statut a été reformulé dans le
cadre de l’ordonnance du 4 février 1959 (codification avec des
articles L et R afin de tenir compte de la répartition des compétences
entre le législateur et le pouvoir réglementaire, autonome ou
d’application, du fait de l’adoption de la Constitution du 4 octobre
1958).
Entre 1983 et 1986 adoption d’une réforme globale du statut par
l’adoption des quatre lois toujours en vigueur : loi du 13 juillet 1983,
portant droits et obligations des fonctionnaires, communes aux trois
fonctions publiques, lois du 11 janvier 1984, du 26 janvier 1984 et du
9 janvier 1986, portant dispositions statutaires relatives,
respectivement, à la fonction publique de l’État, à la fonction
publique territoriale et à la fonction publique hospitalière.

III Situation actuelle

La fonction publique emploie en tout 5,63 millions d’agents (2020).


La fonction publique d’État comprend environ, 2,4 millions d’agents
(dont 18 % de contractuels). La fonction publique territoriale
comprend 1,9 millions d’agents (dont 20 % de contractuels). 77 %
d’entre eux travaillent pour des communes. La fonction publique
hospitalière comprend 1,17 millions d’agents (dont près de 30 % de
contractuels). La fonction publique emploie environ un salarié sur
cinq en France (source de ces différents chiffres : site Vie publique).
Il existe un débat récurrent sur le nombre de fonctionnaires et
d’agents publics en France, souvent jugé excessif par rapport aux
autres États. Notre pays à une tradition d’interventionnisme public
dans le cadre d’un État unitaire (voir le chapitre sur l’État) dans
lequel certaines fonctions exercées ailleurs par le secteur privé le
sont majoritairement chez nous par le service public (enseignement,
santé, transports publics…). De plus, le lieu commun consistant à
estimer qu’il y a trop de fonctionnaires en France, s’oppose au
constat généralement admis selon lequel notre pays manque
d’enseignants, de personnels de santé, de policiers et de
gendarmes, de pompiers… L’enjeu est donc moins celui du nombre
des fonctionnaires que de leur répartition dans les services et de leur
spécialisation (question, notamment, du poids respectif, dans la
plupart des administrations, des agents assurant les missions de
terrain et des services annexes, parfois accusés de constituer des
freins bureaucratiques mais dont le rôle, en matière de contrôle, de
comptabilité, de ressources humaines… est pourtant indispensable).
Le statut des fonctionnaires est défini par la loi du 13 juillet 1986.
L’accès à la fonction publique s’effectue essentiellement par
concours qui, en dehors des emplois de souveraineté (armée,
justice…) sont également ouverts aux ressortissants de l’Union
européenne, voire d’États-tiers. Des recrutements sur entretien sont
possibles pour la catégorie C. Il existe également des recrutements
par voie contractuelle (ouverts sur des missions correspondant aux
trois catégories (voir ci-dessous). Ces contractuels ont des statuts
variés (vacataires, auxiliaires, contrats aidés, agents publics…),
différents de celui de la fonction publique et assurent des missions
variées (professeur de l’enseignement privé sous contrat,
enseignants contractuels de l’enseignement public, surveillants
d’internat, divers postes administratifs dans les trois fonctions
publiques…).
Une réforme de la fonction publique est en cours depuis 2021
(Projet Montchalin). Outre le remplacement de l’ENA (École
Nationale d’Administration) par l’ISP (Institut du Service Public, qui a
vocation à permettre une formation de tronc commun à l’ensemble
des cadres supérieurs A+ des trois fonctions publiques et des
secteurs administratifs comme techniques) a été mis en place un
programme de renforcement de l’égalité des chances dans le
recrutement des fonctionnaires de catégories A et B avec la
transformation des CPI (classes préparatoires intégrées) en
« classes Talents » au bénéfice de candidats remplissant à la fois
des critères sociaux (revenus), géographiques (zones urbaines
difficiles et zones rurales), de niveau et de motivation. Outre le
développement de la possibilité de promotion de fonctionnaires déjà
en poste par la voie de concours internes, il est prévu de renforcer la
gestion des activités l’administration selon une logique par métiers et
pas seulement par corps ou par grade (voir ci-dessous).
Bien que l’État dispose de nombreux fonctionnaires aux spécialités
variées et de diverses institutions ayant une vocation d’expertise, il a
parfois recours à des cabinets privés pour des missions de conseil
dont l’objet ne parait pas étranger à un différent de celui des services
dont il dispose. Cette pratique est inspirée des méthodes du
Nouveau Management Public (voir le chapitre sur l’État).
La fonction publique est divisée en corps, qui sont répartis entre
trois catégories :
– Catégorie A : recrutement à bac + 3 au moins en externe (Bac +
4 ou 5 pour certains concours) ; il existe aussi un recrutement
interne ou, parfois, un recrutement au choix. Il s’agit d’un corps
d’encadrement et de conception (attachés) dont les membres
peuvent évoluer en A prime (attaché principal). Les emplois de
cadres supérieurs sont dits A+ (magistrats, inspecteurs généraux,
administrateurs…).
– Catégorie B : recrutement au niveau du bac ou de bac + 2. Il
s’agit d’un corps d’encadrement intermédiaire dont les titulaires
encadrent des équipes ou des services (secrétaire administratif,
contrôleur des impôts, greffier…).
– Catégorie C : recrutement au niveau du brevet des collèges, du
CAP ou du BEP sur concours ou sur entretiens (adjoints
administratifs, agents techniques…).
– La catégorie D, qui existait auparavant a été mise en extinction à
partir de 1990.
Entre 2005 et 2010 on est passé de 685 à 380 corps (par fusion ou
mise en extinction) puis à 327 en 2014 et leur nombre doit encore
diminuer. Un corps regroupe les fonctionnaires soumis aux mêmes
règles et constituant un statut particulier (dans la fonction publique
territoriale on parle de cadres d’emploi). Il est divisé en classes et en
échelons. Bien que les corps soient maintenus comme cadres
d’emploi permettant de définir les missions et les rémunérations,
l’objectif des ministres successifs est de simplifier et de rationaliser
le fonctionnement de l’administration, notamment par l’adoption
d’une logique de « métier » , déjà très développée dans la fonction
publique territoriale. Il s’agit d’aménager la logique de grade et de
corps par une spécialisation technique autour de savoirs faire et de
savoirs être, avec mise en place de primes adaptées. En 2022,
l’annonce de la suppression de deux des plus anciens et prestigieux
corps, le corps préfectoral et le corps diplomatique, au nom d’une
gestion plus flexible de la haute fonction publique à partir d’un vivier
d’agents supérieurs potentiels choisis parmi les fonctionnaires A+, a
suscité de nombreuses critiques et inquiétudes (risque accru de
politisation, moindre spécialisation, clientélisme…).
La rémunération des fonctionnaires est fondée sur un système
indiciaire applicable pour chaque grade et variable selon, la classe
(avancement au choix) et l’échelon (avancement à l’ancienneté) de
l’intéressé. Elle peut être complétée par diverses primes dont le
nombre et le montant varie d’un corps à l’autre et en fonction des
contraintes du poste occupé, ce qui conduit, à grade et indice égal à
de parfois fortes disparités entre les agents de services différents.
Les fonctionnaires sont titulaires de droits (à la rémunération, aux
congés, à pension, à la protection fonctionnelle en cas de menaces,
égalité et non-discrimination…). Ils bénéficient de la liberté
d’expression, de la liberté de conscience et d’opinion, de la liberté
syndicale (sauf les militaires), du droit de grève (sauf dans certains
services comme l’armée, la police, l’administration pénitentiaire…) et
du droit à la participation à la détermination des conditions de travail
dans le cadre d’organismes paritaires.
Les fonctionnaires sont soumis à diverses obligations :
désintéressement (ne pas compromettre leur indépendance),
exclusivité (ils doivent se consacrer uniquement à leur emploi public
mais il existe des exceptions, notamment pour les activités
d’enseignement ou de publication d’ouvrages), loyauté envers l’État,
obéissance hiérarchique (mais devoir de refuser d’obéir à un ordre
manifestement illégal), obligations de discrétion professionnelle
(obligation du secret professionnel), de neutralité, de réserve (ce qui
encadre la liberté d’expression), de dignité, d’impartialité, d’intégrité,
de probité et de respect de la laïcité.
Le non-respect de ces obligations peut entraîner des sanctions. La
procédure doit respecter le principe du contradictoire et les droits de
la défense (possibilité de consulter son dossier et d’être assisté d’un
conseil). Il existe quatre groupes de sanctions disciplinaires, qu’il est
très utile de connaître dans la perspective des épreuves orales pour
illustration dans le cadre des mises en situation :
– premier groupe (avertissement, blâme, exclusion temporaire de
trois jours maximum) ;
– deuxième groupe (radiation du tableau d’avancement,
abaissement d’échelon, exclusion temporaire de 4 à 15 jours,
déplacement d’office) ;
– troisième groupe (rétrogradation au grade immédiatement
inférieur, exclusion temporaire entre 16 jours et deux ans) ;
– quatrième groupe (mise à la retraite d’office, révocation).
En dehors des sanctions de la première catégorie, la réunion d’un
conseil de discipline est obligatoire. Des recours contentieux devant
le juge administratif sont ouverts.
Le débat sur les retraites (voir le chapitre sur le travail) a été
l’occasion de s’interroger sur la pertinence de l’existence d’un
régime de retraite spécifique pour la fonction publique comprenant
certains avantages par rapport au secteur privé (notamment : calcul
de la retraite sur les six derniers mois de traitement et non sur les dix
dernières années de travail). Malgré diverses annonces tendant à
aligner le régime des fonctionnaires sur celui des salariés du secteur
privé, la distinction a été maintenue. En effet, le particularisme du
système de retraite des fonctionnaires s’explique par le fait que ces
derniers, particulièrement concernant les cadres, perçoivent des
rémunérations inférieures à celles du privé à niveau d’études égal et
qu’il convient donc d’éviter une forte décote lors du calcul du
montant de la pension.

Sujet de dissertation : La fonction publique doit-elle être


à l’image de la société française ? (IRA, concours
externe 2008)
1. Définition des termes du sujet
– Fonction publique : ensemble des agents soumis au statut
général de la fonction publique dans ses trois branches (État,
collectivités territoriales et hôpital), à ne pas confondre avec
« secteur public » ou « agents publics » ; en principe, il semble
préférable de retenir une définition stricte et de ne pas aborder
les statuts spéciaux (cheminots, EDF ; RATP…) afin d’avoir une
définition suffisamment rigoureuse. Attention : le statut des
militaires est spécifique, ils ne sont pas fonctionnaires ; par
contre, les magistrats sont des fonctionnaires mais avec un statut
particulier (notamment en termes de garantie de leur
indépendance).
– Doit-elle : obligation ou souhait ? Possible ? Nécessaire ?
Indispensable ?
– « être à l’image » : similarité ? identité ? transposition ?
application, égalitaire des principes constitutionnels ? quelle
ampleur ? Le droit français ne connaît qu’une seule catégorie :
les citoyens (ou les citoyens européens pour les postes de la
fonction publique non liés à l’exercice de prérogatives
souveraines), les « communautés » ou « groupes » ne
bénéficient d’aucune reconnaissance publique et ne peuvent
constituer que des éléments d’identité privée d’un individu. De
même, on ne connaît que la France en tant que Nation et État,
pas les identités régionales (l’« auvergnerhonalpisation », par
exemple, des emplois publics dans la région Auvergne-Rhône-
Alpes, n’est pas envisageable, contrairement à ce qui peut exister
dans certains États régionaux ou fédéraux (exemple : en
Catalogne, il est possible d’imposer le recrutement de
fonctionnaires parlant à la fois castillan et espagnol pour les
postes d’emplois en contact avec le public ; toutefois, par
exception, il a été procédé en Nouvelle-Calédonie, qui a un statut
spécifique parfois dérogatoire du droit commun à une
« océanisation » de certains emplois). D’ailleurs, si les langues
régionales appartiennent au patrimoine de la France (article 75-1
de la Constitution) et peuvent bénéficier d’un enseignement
optionnel ou de subventions pour le soutien des cultures qu’elles
représentent, seule la langue française est celle de la République
et du service public (article 2 de la Constitution), donc de l’État.
– Société : la société française contemporaine (une allusion peut
être faite en introduction à la pratique de la discrimination positive
aux États-Unis mais la dissertation doit être centrée sur le cas
français).

2. Analyse et synthèse
Les principes contenus dans la déclaration de 1789 et dans le
statut général permettent d’assurer le recrutement des
fonctionnaires par la voie du concours (ou de l’examen professionnel
pour la promotion) et donc dans le respect du principe d’accès
égalitaire.
Le principe d’égalité s’oppose en droit à la mise en place de
discriminations positives, sauf pour quelques exceptions très
particulières : quotas d’emplois en faveur des handicapés (loi du
10 juillet 1987 ; cela concerne les administrations et les entreprises
de plus de 20 salariés) ; quotas en faveur des femmes dans le cadre
de la « parité » (en matière électorale, de composition de jurys, de
participation aux organes dirigeants d’entreprises…) ;
discriminations en matière territoriales (zones franches, éducation
prioritaire…). Par conséquent, la prise en compte de la diversité
dans le souci légitime de permettre à certaines populations de
réussir les concours ne peuvent prendre que la forme d’un
renforcement de l’offre d’études et d’aides à la poursuite d’études
mais pas la forme de quotas d’emplois.
Au-delà de la question des concours, se pose celle de mettre en
place un système d’enseignement performant sur l’ensemble du
territoire et permettant à l’ensemble des candidats de disposer de
chances égales pour pouvoir réussir leurs études comme les
concours grâce à leurs talents.

3. Rappel de l’ouvrage, Les héritiers (Pierre Bourdieu et


Jean-Claude Passeron)
Cet ouvrage d’analyse sociologiques (enquêtes, statistiques,
entretiens…) paru en 1964, qui souligne l’inégalité des différents
groupes sociaux face à la culture et à l’éducation. L’école, présentée
depuis Jules Ferry comme ayant démocratisé l’accès de tous à
l’instruction est analysée comme reproduisant les inégalités sociales
au détriment des classes défavorisées.
L’ouvrage constate la surreprésentation des bons élèves dans les
milieux favorisés (soit favorisés par la fortune : enfants issus des
professions libérales, commerciales ou industrielles ; soit favorisés
culturellement : enfants issus du milieu enseignant). Certains
étudiants issus d’un milieu familial pauvre ne disposeraient pas du
vocabulaire nécessaire à la fréquentation et à l’appropriation d’une
culture générale et classique, contrairement aux « héritiers »
(étudiants issus de milieux favorisés), qui constituent une aristocratie
scolaire s’appropriant les parcours les plus brillants menant aux
professions les plus considérées.
Selon les auteurs, la sélection opérée dans le cadre des différentes
épreuves de type académique, privilégient les héritiers au détriment
des classes populaires, ces derniers étant conduits, en plus de
l’acquisition de méthodologie et de connaissance, à subir une
véritable acculturation pour s’approprier les codes divers (sociaux,
vestimentaires, langagiers…) du groupe dominant.
Ce livre a eu une influence considérable sur la sociologie de
l’éducation et sur la réflexion des politiques et des enseignants,
notamment en matière de concours administratifs (sa philosophie
inspire directement la réforme Montchalin en 2021 : programme de
renforcement de l’égalité des chances dans le recrutement des
fonctionnaires de catégories A et B au bénéfice de candidats
remplissant à la fois des critères sociaux, géographiques, de niveau
et de motivation et développement de la possibilité de promotion de
fonctionnaires déjà en poste par la voie de concours internes.
🠶 Introduction :
– Définition ;
– Historique ;
– Actualité ;
– Problématique ;
– Annonce du plan.

4. Problématique
S’il est souhaitable qu’il n’existe pas une « caste administrative » et
donc que les fonctionnaires soient issus de l’ensemble des classes
sociales, cet objectif ne peut être réalisé que dans le respect des
principes constitutionnels par la démocratisation de la formation tant
initiale que continue.
– définition des termes ;
– historique (ancien régime, 1789 ; IIIe République ; statut de
1946 ; réforme de 1982 ; RGPP ; baisse des effectifs pour des
raisons comptables mais le besoin de services publics reste
élevé dans la société française (voir la fameuse formule : il y a
trop de fonctionnaires en France mais pas assez de policiers, de
personnels de santé, d’enseignants…) ;
– problématique.
I. Recrutements et promotions dans l’administration
reposent sur le principe d’égalité
A. Affirmation du principe d’égalité en matière de fonction publique
(rappel des textes et principes applicables ; indication que c’est
une exigence cardinale dans la société française ; égalité et
équité, les modalités générales des discriminations positive en
France…) ;
B. Mise en œuvre du principe d’égalité dans la fonction publique
(rappel des dispositions du statut en matière de recrutement et de
carrière ; système des échelons à l’ancienneté garantissant d’une
carrière minimale sauf sanction ; mécanismes de lutte contre les
discriminations…).
II. Recrutements et promotion dans la fonction publique
reposent sur le principe du mérite
A. Le concours, moyen objectif et égalitaire de détermination du
mérité (le concours reste la seule vois de recrutement
garantissant le respect des principes de la déclaration de 1789
car ils assurent la neutralité de l’épreuve et permettent la
vérification ; même les recrutements de contractuels ou par voie
d’entretiens doivent respecter l’égalité, la non-discrimination, la
vérification de la capacité…) ;
B. La nécessaire adaptation du système de formation et de
préparation (introduction de quelques éléments d’équité : prépas
talents ; voies de recrutement spécifique pour les handicapés ;
adaptation des postes de travail ; principes de non-
discrimination, ; développement des concours internes pour
favoriser la promotion ; recrutements ou promotions non fondés
seulement sur les connaissances universitaires mais aussi sur
l’expérience etr la valorisation des savoirs-être…)
Chapitre XVII
La dépense publique

Bibliographie
• M. Baslé : « Le budget de l’État », La découverte, 2020 ;
• F. Facchini : « Les dépenses publiques en France », De Boeck,
2021 ;
• A. Verdier-Molinié : « Le véritable état de la France », Hors
collection, 2022.

I Définition

On appelle dépenses publiques l’ensemble des dépenses


effectuées par les personnes publiques qui sont financées par le
biais des prélèvements obligatoires et de l’emprunt.
Les prélèvements obligatoires comprennent : l’impôt (voir ci-
dessous), les redevances (financement de services publics), les
revenus du domaine public ou privé et les cotisations sociales.
Un impôt est une prestation pécuniaire sans contrepartie
déterminée mise à la charge des contribuables (personnes
physiques ou morales) en fonction de leur capacité contributive
financière et destinée à financer les dépenses publiques. Il peut être
direct (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés…) ou indirect
(Taxe sur la valeur Ajoutée, Taxe intérieure sur les produits
énergétiques…).
On distingue habituellement entre les dépenses de fonctionnement
(paiement des charges courantes : salaires, immobilier… Il s’agit des
charges fixes inhérentes à la structure) et celles d’investissement
(financement d’équipements ou de biens ou remboursement
d’emprunts en capital, destinés à la satisfaction de l’intérêt général
entraînant une modification de la composition ou de la consistance
du patrimoine).

II Évolution historique

La France étant un pays doté d’une tradition interventionniste, la


question de la dépense publique y est récurrente. Ainsi, la fin de
l’Ancien régime a coïncidé avec une grave crise des finances
publiques contraignant le roi à convoquer les États généraux pour
adopter de nouveaux impôts. De même, l’État a dû faire face à une
hausse des dépenses (notamment militaires) durant l’Empire.
Surtout, alors que le coût de l’État providence durant les Trente
glorieuses put être financé grâce à la croissance économique, la
crise économique de 1973, dont le résultat fut une augmentation des
dépenses de solidarité (chômage…) et une diminution des recettes,
a entraîné à la fois la crise de l’État providence et celle des finances
publiques.

III Organisation administrative


Le ministère de l’économie, des finances et de la relance est
assisté de deux ministères délégués (relances et comptes publics ;
industrie) et de deux secrétariat d’État (cohérence territoriale ;
économie sociale et solidaire).
Au plan central, il y a dix directions, dont les plus importantes sont
celles des finances publiques, du trésor, des douanes et des droits
indirects, de la concurrence, des achats, des participations de l’État,
et de l’INSEE. La direction des Finances publiques à fusionné en
2008 les services d’imposition et de comptabilité.
Au plan déconcentré, sous la direction d’administrateurs généraux
des finances publiques (anciens trésoriers payeurs généraux) il
existe, d’une part, des directions régionales des finances publiques
(DIRCOFI), compétentes en matière de comptabilité publique et de
gestion financière, d’autre part, des Directions des services fiscaux
(DSI), compétentes en matière de prélèvements et de fiscalité avec
des CDI (Centres Départementaux des Impôts, concernant la
fiscalité des particuliers) et des SIE (fiscalité des personnes
morales).

IV État actuel de la question

La France comprend 38,3 millions de foyer fiscaux et 16,6 millions


de contribuables imposés.
A. Les recettes publiques
Depuis 1974, soit près d’un demi-siècle, aucun budget de l’État n’a
été adopté en équilibre (par contre, le budget des collectivités
territoriales doit être adopté en équilibre réel, c’est-à-dire en incluant
les dépenses obligatoires telles que les salaires ou les intérêts de la
dette).
Les impositions de toute nature (État et collectivités locales)
représentent 45,8 % du PIB. La rentabilité des prélèvements de
toute nature est liée à l’état de l’économie nationale. En 2021, le
taux de croissance a été de 7 % (il était de -8 % durant la crise
sanitaire).

1. Les recettes de l’État


Les prévisions budgétaires pour 2022 estiment le montant des
recettes de l’État à 247,6 milliards d’euros (ministère des finances) :
– Impôt sur le revenu des personnes physiques : 102,9 milliards
d’euros (23 % des recettes) ;
– Impôt sur les sociétés : 65,8 milliards d’euros (16 % des
recettes) ;
– Taxe sur la Valeur Ajoutée : 163,8 milliards d’euros (38 % des
recettes).
Le reste des recettes est composé du produit de diverses taxes
(produits énergétiques, électricité, sur les véhicules de société…).

2. Les recettes des collectivités territoriales


Une collectivité territoriale ne peut pas créer un impôt nouveau,
seul l’État peut le faire. Elle peut fixer le taux des impôts locaux par
délibération dans les limites de plafonds de montant et
d’encadrement de la variation des taux.
Les principaux impôts locaux sont :
– Taxe d’habitation, payée par les occupants d’un local d’habitation
et en cours de suppression pour la résidence principale (certains
contribuables en sont déjà exonérés en fonction de leurs
revenus ; elle doit disparaître pour tous les contribuables en
2023 ; l’État compense par une dotation fondée sur le dernier
montant de taxe prélevée, la perte de revenu subi par les
collectivités mais cela constitue une certaine remise en cause de
leur autonomie financière) ; Par contre, elle est maintenue pour
les résidences secondaires ;
– Taxe foncière sur les propriétés bâties, payée par le propriétaire ;
– Taxe foncière sur les propriétés non bâties, payée par le
propriétaire ;
– Cotisation économique territoriale (qui comprend la contribution
foncière des entreprises et la cotisation sur la valeur ajoutée des
entreprises), autrefois appelée Patente, puis Taxe
professionnelle, c’est un impôt qui pèse sur les entreprises et
peut avoir une incidence, à la fois sur l’attractivité d’un territoire et
sur la productivité d’une activité ;
– Taxe sur les ordures ménagères.
Les collectivités territoriales perçoivent par ailleurs un pourcentage
sur certaines taxes (taxes sur l’électricité, les produits
énergétiques…). Elles peuvent percevoir des redevances. Elles
reçoivent de l’État diverses dotations financières (fonctionnement…).
Depuis 2003, l’article 72-2 de la Constitution prévoit, en termes de
ressources, un système de péréquation pour favoriser l’égalité entre
les collectivités territoriales et lutter contre la fracture territoriale (voir
le chapitre sur le service public). Les transferts de compétences de
l’État vers les collectivités territoriales doit s’accompagner du
versement des ressources correspondantes.

B. Les dépenses publiques


L’État-providence « à la française » demeure dynamique et joue
toujours son rôle d’amortisseur des effets des crises malgré l’état de
l’endettement public. Comme on le verra ci-dessous, 46 % des
dépenses publiques en France sont des dépenses sociales. Par
ailleurs, la protection du pouvoir d’achat est au cœur de la logique
de l’État providence. Le pouvoir d’achat est déterminé par la
comparaison entre les revenus d’un ménage et le montant de
l’inflation (1,6 % en 2021, 0,5 % en 2020), calculé par membre (unité
de consommation). L’augmentation de certains prix (électricité, gaz,
essence, produits frais, céréales…) pèse lourdement sur les
ménages les plus modestes, ce qui conduit l’État providence à
mettre en place des prestations de soutien versées aux personnes
au chômage ou à faibles revenus (inflation, énergie…).

Selon l’INSEE, en 2020, la dépense publique se montait à


1422 milliards d’euros (contre 1349 en 2019) et représentait 66,8 %
du PIB. La ventilation de cette dépense publique s’opère ainsi :
– 23 % provient de l’État ;
– 7 % provient de divers établissements publics administratifs ;
– 20 % provient des collectivités territoriales ;
– 46 % provient des dépenses sociales. Ce dernier point souligne
le poids de l’État providence interventionniste et montre les
conséquences des politiques redistributives sur la dépense
publique dans notre pays. Les dépenses sociales représentent
32 % du PIB en France (contre une moyenne de 20 % dans
l’OCDE), les dépenses de santé 8,5 % du PIB et les retraites
13 %.
Selon l’Institut Montaigne, la ventilation de la dépense publique par
fonction représente (chiffres de 2013) :
– Protection sociale : 42,6 % ;
– Santé : 14,7 % ;
– Enseignement : 10,8 % ;
– Culture : 2,5 % ;
– Protection de l’environnement : 1,9 % ;
– Services généraux des administrations publiques : 11,5 % ;
– Ordre et sécurité publique : 3,1 % ;
– Défense : 3,2 % (le contexte d’insécurité internationale né de la
guerre en Ukraine devait conduire dans les prochaines années à
une augmentation des dépenses militaires) ;
– Affaires économiques : 6,2 % ;
– Logement : 3,4 %.
À noter qu’il ressort de la ventilation par nature de la dette publique
que représentent notamment :
– Salaires des fonctionnaires : 23,6 % ;
– Prestations sociales : 45,7 % ;
– Investissements : 5,6 % (d’une part cela souligne le poids des
dépenses de fonctionnement par rapport à celles
d’investissements ; d’autre part, l’essentiel de ces
investissements émanent des collectivités territoriales) ;
– Charge de la dette (paiement des intérêts) : 4,7 % ;
– Subventions diverses : 9,7 %.
Le montant de la dette représente près de 120 % du PIB
(2650 milliards d’euros) avec un déficit public de 211,5 milliards
d’euros (9,2 % du PIB). La dette est détenue à 64 % par des
personnes qui ne résident pas en France. Le taux des prélèvements
obligatoires est égal à 44,7 % du PIB. Ces chiffres traduisent une
lente dégradation des finances publiques en France, même si les
effets de la crise sanitaire (versement d’aides aux entreprises en
difficulté, notamment en raison des confinements) en expliquent
l’aggravation en 2020 et 2021. À noter que malgré ces dépenses
élevées, les personnes publiques privent à faire face à l’entretien de
leur patrimoine. Ainsi, le rapport 2022 de la Cour des comptes
souligne le mauvais état général des voies de circulation en France,
faute de financements pour les entretenir. De même, une partie des
dépenses de réparations de monuments appartenant au patrimoine
historique du pays sont financés par l’organisation d’un Poto. Malgré
le montant élevé de la dette publique, la France conserve une
certaine attractivité au niveau international, d’une part en raison de
la qualité des services publics et du système de redistribution,
d’autre part parce que le prélèvement de l’impôt est effectif et
efficace et donne confiance aux créanciers d’être remboursés. Par
ailleurs, la France est, à hauteur de 10 milliards d’Euro, contributeur
net au budget de l’Union européen (elle verse 10 milliards de plus
que ce qu’elle reçoit).
En 2018, les dépenses des administrations publiques locales ont
progressé de 2,4 %. (entre 5,5 milliards d’euros en région Île-de-
France et 1324 en région centre).
Contrairement à l’orthodoxie financière hostile à la dépense
publique en vigueur dans le cadre de l’État gendarme, il est admis
qu’une forte dépense publique n’est pas nécessairement en soi une
mauvaise chose. Par exemple, une dette publique fondée sur des
investissements est un gage de bonne gestion prévisionnelle et
constitue un pari sur l’avenir collectif. Malheureusement, il ressort
des chiffres précités que l’essentiel de la dépense publique en
France concerne le fonctionnement.
De surcroît, malgré un niveau élevé, les prélèvements obligatoires
(plus de 45 % du PIB) ne permettent pas de faire face à l’ensemble
des dépenses, ce qui conduit l’État à beaucoup emprunter (la dette
représente 120 % du PIB).
Enfin, se pose la question de l’impact de la fraude sur les recettes
publiques, ce qui a évidemment une incidence sur la capacité à
pouvoir dépenser.
On estime que la fraude fiscale, qui est illégale et consiste à ne pas
faire de déclaration ou à ne pas tout déclarer, représente environ
200 milliards d’euros par an Toutefois, la difficulté d’appréhender la
fraude fait que ce chiffre est probablement minoré (chiffres 2017
cités par Alternatives économiques). Depuis 2021, l’administration
fiscale a développé des outils numériques permettant de croiser de
nombreux fichiers informatiques afin de s’assurer de la cohérence
des déclarations individuelles et de mieux appréhender les
fraudeurs. L’évasion fiscale, qui consiste à utiliser tous les moyens
légaux permettant de réduire la masse imposable du contribuable a
également un coût pour l’administration mais, contrairement à la
fraude est légale (abattements, exemptions, niches fiscales…).
En matière sociale, on constate que si la France compte
67 millions d’habitants éligibles au bénéfice de la sécurité sociale, il
y a 75 millions de titulaires de la carte Vitale recevant des
prestations, soit 8 millions de fraudeurs probables, qui sont
également recherchés par le croisement de fichiers.

Sujet de dissertation : « Faut-il gérer l’État comme un


bon père de famille ? »
Le terme « bon père de famille » est un dérivé du Bonus pater
familias du droit romain. Il signifie faire preuve d’une conduite
prudente, attentive et raisonnable, en assurant la préservation des
intérêts qui nous sont confiés. En ce sens, ce terme a été introduit
depuis 1804 dans différents codes français : code civil, code de la
concurrence, code rural, code de l’urbanisme et code de la
construction. La loi n° 82-526 du 26 juin 1982 a remplacé « en bon
père de famille » par « paisiblement » à propos de l’occupation des
locaux loués par le locataire. Surtout, la loi n° 2014-873 du 4 août
2014 a purement supprimé de l’ensemble des codes précités, au
nom de la dénonciation de stéréotypes de genre, la référence au
« bon père de famille » remplacé dans les textes concernés par
« raisonnable » ou « raisonnablement ».
Le terme « bon père de famille » ne figure donc plus dans les
textes. Pour autant, il reste encore la référence à l’idée d’une gestion
prudente et raisonnable, inspirée par la volonté de protéger les
intérêts dont on a la charge (ce que les termes « paisible » ou
« raisonnable » ne rendent qu’imparfaitement, la notion de « bon
père de famille » ayant permis une appréciation très fine au cas par
cas par la jurisprudence).
Du coup, il convient d’interpréter le sujet comme posant la question
de savoir si un État responsable est soumis aux mêmes règles de
gestion qu’un particulier raisonnable (le bon père de famille).
🠶 Introduction :
– Définition des termes : État (Max Weber), bon père de famille
(voir ci-dessus) ;
– Évolution de la question (voir ci-dessus) ;
– État actuel.
🠶 Problématique : Un État est-il soumis aux mêmes règles de
gestion qu’un particulier ?
I. Comme un particulier, l’État est tenu à une obligation
de gestion raisonnable de ses deniers
A. La définition d’un ratio réaliste entre les ressources et les
dépenses
(La question n’est pas de dépenser le moins possible mais, le
mieux possible et donc de faire des choix qui soient réalistes par
rapport à la situation économique et financière…)
B. Le financement des investissements d’innovation
et d’avenir peut conduire à un endettement
s’il reste maîtrisé
(Sur la base de l’évaluation précitée, il s’agit de faire des choix
d’action et d’investissements qui permettent une bonne gestion sans
sacrifice des intérêts de l’avenir…)
II. Contrairement à un particulier, l’État, en raison même
de sa nature, dispose de prérogatives régaliennes
A. L’État a le privilège de lever l’impôt et de déterminer
des priorités au travers de sa politique fiscale
(Il a une certaine maîtrise de ses ressources au travers de l’impôt,
il peut privilégier ou non tel secteur, telle activité…, NB : ce modèle,
qui correspondait à celui de l’État nation et de l’État providence est
évidemment marginalisé dans le cadre de la mondialisation et des
partages de souveraineté dans un cadre régional comme l’Union
européenne).
B. L’État demeure quelle que soit sa situation financière
(Il ne peut pas faire faillite, il a la possibilité de négocier des
rééchelonnements de ses dettes avec ses créanciers, il peut utiliser
l’arme monétaire ; les États membres de l’Euro ne disposent plus de
cette possibilité…).
Chapitre XVIII
La violence

Bibliographie
• R. Aron : « Guerre et paix entre les nations » (1962) ;
• H. Arendt, « La crise de la culture » (1958) ;
• P. Bourdieu : « Surveiller et punir » (1975) ;
• E. Brenner (dir.), « Les territoires perdus de la République »,
2002 et 2015 ;
• C. VonClauzevitz : « De la guerre » (1827) ;
• M. Foucault : « Surveiller et Punir » (1975) ;
• J. Fourquet : « l’archipel français » (2019) ;
• F. Fukuyama : « La fin de l’histoire » (1992) ;
• R. Girard : « La violence et le sacré » (1972) ;
• S. Huntington : « Le choc des civilisations » (1996) ;
• R. Muchembled, « Une histoire de la violence » (2008) ;
• L. Obertone : « la France orange mécanique » (2013) ;
• M. Weber : « Le Savant et le Politique » (1917).

I Définitions
Violence : du latin violentia, « caractère emporté, farouche »
(Larousse). Se dit de l’abus de la force pour contraindre quelqu’un à
quelque chose (« faire violence à quelqu’un »). En droit pénal
(articles L 222-7 et suivants et R 625-1 du Code pénal) les violences
sanctionnables peuvent être physiques, psychiques, corporelles,
matérielles, morales… ce qui illustre la grande diversité des cas
possibles de violences envers les individus. Il existe des règles
spécifiques avec peine aggravées pour les violences envers les
enfants mineurs, les personnes fragiles ou les dépositaires de
l’autorité publique.

L’État a pour vocation d’assurer l’ordre public et la sécurité


publique est donc de lutter contre la violence. Il dispose du
monopole de la violence légitime (Max Weber) qui lui permet de
disposer des moyens légaux d’assurer l’application des mesures
normatives qu’il a adoptées, si nécessaire par la contrainte et la
force (voir la notion d’exécution forcée ou de privilège du préalable
en droit français). Il s’est construit en opposition à la féodalité, qui
repose sur le principe d’une privatisation de la violence légitime.
La notion de civilisation, implique d’une part, la volonté
d’institutionnaliser la violence légitime au travers de procédures
publiques assurées par le souverain ou ses représentants, d’autre
part, de substituer au recours systématique à la violence des voies
pacifiques de résolution des conflits (procès, conciliations,
indemnisation, expression de regrets…).

La non-violence consiste à employer des moyens de lutte ou à


exprimer des revendications sans recourir à des armes ou à la
contrainte physique (boycott de certains produits ou services,
rassemblements pacifiques au cours desquels seule une résistance
passive est opposée aux forces de l’ordre…).
II les différents aspects de la violence

A. Aspects internationaux sur la violence


Ici se pose la question du recours à la guerre par les États. Selon
Carl Von Clauzewitz (1780-1831), la guerre est la continuation de la
politique par d’autres moyens (De la guerre, 1827). Cette conception
fut classique durant des siècles et a longtemps correspondu à la
réalité des relations entre les États, qui n’hésitaient pas à recourir à
la guerre pour faire prévaloir leurs revendications, notamment en
matière territoriale et permettait d’user d’une diplomatie de la
menace de rétorsions armées en cas de non-accord. Au Moyen Âge,
l’Église s’efforça d’imposer la « paix de Dieu », (trêves obligatoires,
notamment en période de récoltes ou de grandes fêtes chrétiennes)
et la notion de « guerre juste » (reprise d’Aristote : idée d’une
violence nécessaire justifiée pour éviter des injustices
insupportables). La question de la limitation ou de l’interdiction du
recours à la guerre est apparue au cours du xixe siècle en raison de
la terrifiante progression des armements et du risque de destruction
de l’humanité pouvant en résulter. Ce débat a été renforcé
au xxe siècle avec les conséquences désastreuses des deux guerres
mondiales et l’augmentation significative du nombre d’États et donc
de conflits potentiels. L’attaque et l’invasion de l’Ukraine par la
Russie en 2022, notamment en raison d’un conflit portant sur des
territoires ukrainiennes ayant une population russophone démontre
que le risque de conflit armés n’a pas disparu, notamment en
Europe, malgré les espoirs et les initiatives nés depuis 1945.
Le recours à certains armements est interdit par le droit
international. (balles à fragmentation, gaz de combat, mines
antipersonnel…). En 1928, le Pacte Briand-Kellog tenta, sans
succès, de prohiber le recours à la guerre d’agression et n’empêcha
pas le déclenchement de la seconde guerre mondiale en 1939. La
Charte des nations Unies, adoptée dans le but de préserver le
maintien de la paix et la sécurité internationale (article 1), prohibe le
recours à la force armée (article 2-54) sauf en cas de légitime
défense (riposte proportionnée à une agression préalable) et affirme
l’obligation pour les États de recourir à des moyens pacifiques de
règlement des différends, tels que le recours à la négociation, au
juge international, à l’arbitrage, aux bons-offices ou à la médiation
(article 2-53). Enfin, le Conseil de sécurité dispose de la possibilité
d’intervenir par l’envoi de troupes internationales fournies par les
États-membres (Casques bleus) en cas de conflit armé menaçant la
paix internationale (interventions en Irak, Libye, Somalie, Serbie,
Chypres…). Le récent contexte du conflit entre la Russie et l’Ukraine
souligne tragiquement que le risque de conflits interétatiques
demeure, y compris en Europe, malgré l’existence d’organisations et
de procédures destinées à en éviter le déclenchement.

B. Aspects de droit interne sur la violence


1. Les différents types de violence
On distingue entre plusieurs formes de violence :
– Violence physique : acte d’agression ou d’atteinte à l’intégrité
corporelle d’autrui (coups, blessures, violences envers les
mineurs, les femmes…) ;
– Violence morale : maltraitance psychologique dévalorisante
envers un individu (harcèlement moral, dévalorisation
systématique, injures…) ;
– Violence institutionnelle : abus de la contrainte à l’égard de
personnes vulnérables ou en situation de faiblesse par et dans le
cadre des institutions les accueillant ; insultes ou violences
envers les enseignants ;
– Violence symbolique : pouvoir d’imposer comme étant légitime
un système de valeur ou de pensées à des personnes par
l’intermédiaire des médias ou du système éducatif, comparable à
une propagande abusive pour faire accepter le système social
établi et ses hiérarchies ;
– Violences sociales : actes de violence dont l’origine se trouve
dans les dysfonctionnements supposés de la société
(manifestations violentes, parfois spontanées et non autorisées,
agressions contre les forces de l’ordre dans le cas de conflits
sociaux ou de revendications sociales…) ;
– Violences routières : graves atteintes au respect du Code de la
route conduisant à des dommages corporels graves ou au décès
de la victime et sanctionnés pénalement ;
– Violences politiques : atteintes à l’intégrité corporelle de
personnes physiques ou à l’intégrité d’institutions ou de bâtiments
justifiées par des motifs politiques ou par la dénonciation de la
politique suivie par les autorités en place agression de forces de
l’ordre pour motifs politiques, attentats…).

2. Chiffres relatifs à l’état de la violence en France en 2020


(source : ministère de l’intérieur)
a. Violences sexuelles
– 3 et 11 % des agressions représentent respectivement les viols
et les tentatives de viols. En 2019, la hausse des viols avait été
de +12 %. Leur nombre a doublé depuis 2016, sans doute en
raison d’une meilleure information et d’un plus grand nombre de
victimes qui portent plainte ;
– Plus de 50 % des victimes sont des mineurs.
b. Homicides
– 863 victimes d’homicides en 2020 (dont 7 victimes d’un attentat
terroriste) ;
– Un tiers environ des victimes sont des femmes ;
– Deux tiers des victimes de coups et blessures volontaires sont
des hommes ;
– 85 % des auteurs de tels faits sont des hommes (majoritairement
âgés entre 18 et 29 ans) ;
– 85 % des victimes de violences intrafamiliales sont des femmes.
c. Vols et cambriolages
– En raison du confinement, le taux des vols et des cambriolages
de logements et de véhicules a significativement baissé (-13 %
pour les vols de véhicules ; -20 % pour les vols dans les
logements ; -24 % pour les vols sans violence à l’encontre de
personnes…) ;
– 45 % des vols violents sans armes sont commis par des
mineurs ;
– 40 % des vols de véhicule sont effectués par des mineurs ou de
jeunes adultes ;
– les escroqueries ont augmenté de 3 % (+ 11% en 2019).
Par comparaison, on a relevé en 2019 un peu plus de 60 000 vols
sans violence, 21 000 coups et blessures, 31 000 escroqueries, plus
de 4 500 agressions sexuelles (ministère de l’intérieur). Par ailleurs,
65 % des plaintes déposées aboutissent à un classement sans suite,
notamment faute de preuve suffisante ou en raison de la
prescription.

En 2018, il y a eu un fait de violence gratuite toutes les


44 secondes (INSEE). En 2021 on a relevé environ 750 agressions
par jour. Cette même année, on a déjoué en France 37 attentats
islamistes, 8 attentats de groupe d’ultra-droite et 1 de l’ultra-gauche.
Les crimes et délits à caractère raciste ont connu une augmentation
de 16 % en 2021. Les étrangers repésentent 18 % des plaintes
déposées contre un acte. En 2019, plus de 66 000 jeunes de moins
de 15 ans ont été impliqués dans des faits de violence (chiffre du
ministère de l’intérieur, 2022).

III Le débat sur l’autorité de l’État face au


développement de la violence
Depuis plusieurs années, l’ensauvagement de la société,
l’augmentation des faits divers violents et du nombre des attentats
sur le territoire national comme dans le monde, la sur-information
née du développement de chaînes d’informations permanentes et
d’internet suscite un débat récurrent sur la violence dans la société
française. On note également depuis quelques années, et
particulièrement dans le contexte de la crise sanitaire, une
augmentation du nombre des violences faites à l’encontre d’élus, ce
qui constitue une préoccupante remise en cause de la démocratie
représentative.

Depuis une cinquantaine d’années l’autorité de l’État en matière de


sécurité est l’objet de discussions. Cela rejoint, plus largement, les
interrogations sur un éventuel déclin de la France. La crise de
l’autorité constitue une menace, non seulement pour l’ordre public
ou l’intérêt général, mais plus largement pour le lien social. Les
institutions qui représentaient jadis l’autorité sont aujourd’hui
contestées :
– L’autorité des décisions de l’État prises au nom de l’intérêt
général est de plus en plus souvent remise en cause et on
assiste à une hausse des violences à l’encontre des
représentants de l’autorité publique (policiers, gendarmes,
militaires, magistrats, élus, enseignants…).
– L’autorité judiciaire, comme d’ailleurs les forces de l’ordre sont de
plus en plus contestées. Elles voient l’efficacité de leurs actions,
et donc leur autorité, être affaiblies, par l’insuffisance chronique
de moyens, par le développement de procédures et garanties
destinées à protéger les libertés individuelles mais pas toujours
adaptées à l’augmentation du nombre d’actes illégaux ou
contraires à l’ordre public dans la société (notion de contentieux
de masse).
Par ailleurs, il a été constaté une augmentation des violences
familiales, particulièrement à l’égard des femmes et des mineurs,
ainsi que des délits de nature sexuelle. La question de la hausse des
violences en France est liée avec celle du rôle de la justice et de
l’insuffisance de la réponse pénale, considérée par certains comme
laxiste, face aux faits de la violence quotidienne. Ainsi, selon un
sondage paru en octobre 2021, 92 % des sondés estiment que la
justice n’est pas assez sévère, notamment dans la sanction de la
petite délinquance (CSA). Pourtant, entre 2004 et 2012, on constate
une augmentation des peines par types de délits, en particulier pour
les petits délits pénaux. En moyenne, 550 000 condamnations pour
délits sont prononcées chaque année. Les délits routiers
représentent 3,2 % du total. Environ 50 % des délits sont
sanctionnés par une peine de prison. 35 % des peines de prison
prononcées condamnent le prévenu à de la prison ferme. 96 % des
peines de prison prononcées sont inférieures à trois ans, 78 %
inférieures à un an et 56 % inférieures à six mois. Depuis 12 ans, le
volume de condamnation à de la prison ferme a augmenté de 32 %
(source : ministère de la justice). Toutefois, les peines de prison
inférieures à 2 ans (un an pour les infractions commises depuis le
24 mars 2020) peuvent ne pas être exécutées et faire l’objet
d’aménagements de peine, c’est-à-dire de peines alternatives à la
prison sous le contrôle d’un juge (travaux d’intérêt général, suivi
socio-judiciaire, surveillance électronique…). Le taux de récidive
légale en 2018 était de 14,2 %. Dans 80 % des cas de récidive,
l’auteur des faits est condamné à une peine de prison ferme, mais
pas forcément lors de la première récidive ou du premier fait grave.
Il est toutefois souligné par les syndicats de policiers et par une
partie de l’opposition que certains délinquants multirécidivistes,
plusieurs fois condamnés à des peines de prison, n’ont de fait jamais
été incarcérés en raison des aménagements successifs de peine
dont ils ont bénéficié et dénoncent une réponse pénale inadaptée en
raison de sa faiblesse même. La volonté de ne pas envoyer des
primo-délinquants en prison et de les soumettre à des sanctions
alternatives ou à des mesures éducatives (mineurs) est justifiée par
ses partisans comme permettant d’éviter une promiscuité trop
précoce en détention avec des criminels plus chevronnés
transformant ces établissements en « école du crime ». Les 191
établissements pénitentiaires de France disposent de 60 385 places
et ont un taux de surpopulation carcérale de 116 % avec
62 673 détenus en 2021 (29 482 détenus en 1977 !). Certains
centres pénitentiaires sont encore vétustes, bien qu’un effort de
construction ou de réhabilitation ait été mené ces dernières années.
Les cellules font en moyenne 9 m2 et accueillent parfois trois
détenus, dont l’un doit dormir par terre sur un matelas. Par
conséquent, la question de l’incarcération effective des personnes
condamnées à des peines de prison ferme ne peut pas être résolue
sans un programme volontariste de construction d’un nombre
suffisant de places supplémentaires. Par ailleurs, la lutte contre la
récidive et la nécessité de l’éducation des délinquants nécessitent
aussi un accroissement des moyens donnés à la formation et à la
réinsertion des personnes condamnées, dans un contexte de crise
financière de l’État (la gestion de certains établissements est déjà
confiée à des entreprises privées dans le cadre de délégations de
service public ou de partenariats public-privé).

Si l’actualité récente abonde en exemples dans lesquels l’autorité


de l’État a pu paraître menacée, voire remise en cause
(manifestations très violentes, opposition à des décisions légales…)
et les actes de violence augmenter il convient de nuancer ce
constat :
– d’une part, il a toujours existé dans la société des mouvements
violents ou hostiles envers les institutions, et notamment envers
les enseignants, la police, la justice ou l’armée. Autrement dit, la
situation actuelle témoigne plus de l’augmentation ou de
l’affermissement de telles actions que de leur apparition. Tous les
sondages montrent que la « majorité silencieuse » soutient le
maintien de l’ordre public et les forces qui y contribuent. Par
ailleurs, ce phénomène n’est pas exclusivement français et existe
dans les démocraties comparables. Ces actes relevant d’une
violence systématique sont préoccupants mais ne témoignent
pas d’un embrasement de la société en France. Le phénomène
de remise en cause de l’autorité de l’État, dont l’amplitude ne doit
pas être négligée et qui doit être combattu, est d’autant plus
fortement ressenti du fait de l’accès instantané à l’information de
nos jours. Par ailleurs, il est difficile d’évaluer l’ampleur de cette
augmentation : y a-t-il effectivement davantage d’actes violents
ou bien les victimes sont-elles plus enclines qu’autrefois à
témoigner ou à déposer plainte ? Filmer et publier à tout moment
avec un téléphone portable un acte de violence dont on est
auteur, victime ou témoin contribue fortement à donner une
audience et une publicité à des évènements qui, auparavant
n’auraient été connus que des personnes directement impliquées
alors que c’est désormais toute la société qui peut y assister,
surtout lorsque l’information est relayée par les médias nationaux.
Enfin, il y a encore interrogation sur le point de savoir si ces
manifestations de violence constituent simplement un
épiphénomène touchant une faible minorité très active ou une
manifestation de masse impliquant une part notable de la
population, notamment de la jeunesse.
– d’autre part, même si la situation de la sécurité est préoccupante
et que les violences gratuites sont plus fréquentes (L. Obertone :
« la France orange mécanique », (2013), le pays reste encore
globalement sûr malgré tout. En effet, en dépit de nombreux faits-
divers soulignant une fragilisation du maintien de l’ordre public
dans certains territoires (voir : Emmanuel Brenner (dir), « Les
territoires perdus de la République », 2002 et 2015 ; J. Fourquet :
« l’archipel français », 2019), la France ne connaît pas une
insécurité chronique et n’est pas à feu et sang. Cela signifie que,
même si des améliorations sont indispensables pour lutter contre
certaines manifestations de violence (trafic de drogues, rixes,
viols et agressions sexuelles, homophobie, violences diverses,
violences routières, agressions contre les agents des services
publics…) et que des moyens, à la fois financiers et juridiques
doivent être envisagés dans le cadre de politiques de lutte contre
l’insécurité (augmentation d’effectifs pour assurer des missions
de prévention comme de répression, dotations en matériels
divers…), l’État remplit malgré tout globalement assez bien sa
mission de garantie de l’ordre public et de la sécurité publique.
Un sondage réalisé en 2022 indique que 32 % des Français sont
favorables à l’arrivée au pouvoir d’un homme fort qui gouvernerait en
dehors du parlement et que 71 % craignent qu’il soit impossible de
résoudre pacifiquement les différents à l’intérieur de la société
française. Cela souligne l’inquiétude d’une partie notable de nos
concitoyens face aux évolutions récentes de la société et le risque
de la remise en cause du caractère libéral de l’État.

Sujet de dissertation : Peut-on espérer une société sans


violence ?
1. Définition des termes du sujet
🠶 Violence : du latin violentia, « caractère emporté, farouche ». Se
dit de l’abus de la force pour contraindre quelqu’un à quelque chose
(« faire violence à quelqu’un »).
🠶 Société : il s’agit de la société française actuelle, de sorte que
l’exposé historique sera forcément réduit à quelques éléments
principaux et en introduction ;
🠶 Peut-on espérer : peut-on/ doit-on ? (est-ce nécessaire, utopique,
indispensable… ?) Espérer/ espoir : attendre avec confiance la
réalisation de quelque chose.

2. Analyse
Aspects historiques de la question : État de nature et loi de la
jungle (cf. Rousseau et le discours sur l’origine des inégalités) ;
Création de sociétés pour limiter la vengeance privée parla règle de
droit ; Notion de Pax Romana dans l’Antiquité (L’Empire gagne la
guerre puis impose des conditions de paix dures avant de
progressivement étendre la citoyenneté romaine, apparition de la
société gallo-romaine) ; Paix de Dieu au Moyen-Âge (jours où la
guerre est interdite par l’église, obligation de respecter les moissons,
interdiction du pillage, idéal de la chevalerie… et réalités de guerres
fréquentes et violentes) ; Révolution de 1789 et Terreur ; guerres
napoléoniennes ; colonisation (à la fois guerre de conquête et
empreinte d’un idéal de civilisation), guerres mondiales ; Société des
nations (1919) ; Pacte Briand-Kellog (1928) ; Organisation des
nations unies (1945) ; Esprit de Munich (1938) ; Guerre froide ; la
sécurité collective ; décolonisation ; le recours aux attentats (ex
11 septembre 2001) ; guerre en Yougoslavie, Kosovo, Ukraine, Irak,
Syrie…

Actualité de la question : attentats terroristes, violences lors de


manifestations (cf. loi travail…), loi sur le renseignement, loi sur la
sécurité intérieure ; violences policières en Catalogne (…), crise
ukrainienne…
cf. aussi des évènements plus lointains : les négociations sur le
nucléaire iranien ; les événements de janvier 2015 ; la situation au
Burundi ;

Violence des autorités : question de l’utilisation de la force (et donc


de la violence ?) par les forces de l’ordre face à des manifestants
parfois eux-mêmes très violents (Zadistes…) ;

Violences privées : (violences familiales, conjugales, agressions


diverses (…), violences de personnes privées lors de manifestations
qui dégénèrent, bizutage dans certaines grandes écoles ;

Violences sociales : poids des conséquences de la crise


économiques et des décisions des dirigeants pour les personnes qui
perdent leur emploi, sont surendettées (…)

Violence de la nature : ouragans, tsunami, tremblements de terre,


avalanches (…).
Aspects juridiques de la question : L’État est chargé d’établir la
sûreté et la paix civile. Il lutte contre la violence (raison d’être de
l’État gendarme au travers de la police et de la justice) mais peut
être lui-même violent (répression des atteintes à l’ordre public, peine
de mort…). Rôle central du droit et de la procédure pénale (seule
l’infraction définie peut être réprimée dans les limites de la loi
pénale) Rôle essentiel des libertés publiques et fondamentales
(constitutionnelles et internationales) pour assurer le « vivre
ensemble » et limiter les conséquences de la protection de l’ordre
public (qui n’est pas un ordre moral). L’État providence s’efforce de
lutter contre certaines formes de violences sociales par la mise en
place de la justice sociale redistributive. Voir la loi sur la sécurité
intérieure et la question de l’état d’urgence.

Ouvrages auxquels on peut faire référence sur la question :


« Guerre et paix entre les nations » de Raymond Aron (1962) ;
théorie du bouc émissaire et de la violence sacrificielle chez René
Girard (« La violence et le sacré ») ; la violence symbolique de
Pierre Bourdieu ; le monopole de la violence physique de l’État décrit
par Max Weber (« Le Savant et le Politique » ; « Économie et
société ») ; les types de domination (Weber, « Économie et
société ») ; « Surveiller et Punir » de Michel Foucault (1975) ; Etude
et explication de la violence par Freud ; Robert Muchembled, « Une
histoire de la violence » (2008) ; Hannah Arendt, « La crise de la
culture » (1958). « Le choc des civilisations » de Samuel
Huntington ; « La fin de l’histoire » de Fukuyama. Envisager la
question de la pensée anarchiste (la violence contre l’État ; les
travailleurs usent de la violence pour s’opposer à la violence de
l’État).

Lister et reprendre les notions de paix, guerre, de guerre juste,


force, droit, règles, sécurité nationale, sûreté, sentiment d’insécurité,
vivre ensemble, contrainte, voie de fait, contrat social, communauté,
libertés publiques, ordre public, domination, bouc émissaire,
transgression, violation, anarchisme, chaos, désordre…

Sur cette base, dresser une typologie de la violence : la violence


physique/psychologique ; la violence naturelle/humaine ; la violence
volontaire/involontaire ; la violence réelle/symbolique ; la violence
privée/publique ; la violence gratuite/nécessaire (…).

3. Synthèse
– les origines de la violence ;
– il n’existe pas une seule forme de violence ;
– il existe au profit de l’État un monopole de la violence qui n’a pas
vocation à disparaître (notion de contrainte légitime) ;
l’encadrement de la violence revêt plusieurs formes : la
prévention, la lutte et la réparation ;
– le droit a vocation à réguler la violence ;
– la disparition de la violence s’inscrit dans l’évolution des sociétés
(la société a pour objet, notamment, de limiter et d’organiser la
violence) ;
– la violence naturelle ne disparaît pas ;
– les violences persistent aujourd’hui ;
– la violence est incontournable ;
– l’existence de règles peut conduire à la violence (refus des
règles) mais aussi protège de la violence ;
– rôle de la police et de la justice face à la violence ;
– au-delà de la fonction instrumentale, la violence a une fonction
d’expression ;
– (…)

4. Problématique
Une société sans violence constitue-t-elle une perspective
raisonnable pour la France ? Peut-on se passer de la violence ?

5. Plan sommaire (ne sont indiqués que les points


principaux, reprendre les éléments de l’analyse et de la
synthèse ci-dessus)
🠶 Introduction :
– Définition des termes ;
• historique ;
• actualité ;
– Problématique : Une société sans violence constitue-t-elle une
perspective raisonnable pour la France ?
I. L’idéal d’une société pacifiée sans violence
A. La société lutte contre la violence individuelle
– La loi de la société contre la loi de la jungle ;
– Mise en place des règles de droit pour lutter contre la
vengeance ;
– Volonté de civiliser pour lutter contre la violence et d’interdire
diverses pratiques (vengeance, mort violente…) ;
– Recherche de la prévention, de la solidarité et de l’apaisement
des conflits.
B. La société dispose d’un pouvoir de violence
institutionnelle
– Maintien d’une violence résiduelle (il existe des individus violents
malgré tout) qui nécessite une intervention des pouvoirs publics ;
– Violence des relations à l’intérieur de l’État (conflits divers qui
peuvent dégénérer, violence sociale à l’égard de certains
groupes…) ;
– Violence des relations entre États (guerres, représailles,
tentatives d’organiser la société internationale, qui ont amélioré la
situation mais n’empêchent pas le maintien de nombreux
conflits).
II. La réalité d’une société qui limite l’impact de la violence
sans pouvoir la supprimer
A. La violence est inhérente à la vie
– Violences de la nature ;
– La conflictualité est à la base de la vie, humaine comme
animale ;
– Les conflits nécessitent d’être résolus, ce qui peut passer par des
voies pacifiques ou violentes selon le contexte et selon le degré
de maturité du groupe considéré ;
– L’État dispose d’ailleurs d’un pouvoir de contrainte légitime et
d’usage proportionné de la violence pour maintenir l’ordre et la
sécurité publics, ce qui constitue une forme de violence légitime
sous le contrôle de la loi et du juge.
B. Les réponses graduées de la société à la violence
– La violence ne peut pas être la seule réponse à la violence ;
– Notions de prévention, de proximité, de lien social… comme
moyens de lutter contre la violence ;
– Notions de réparations, de responsabilité, de dommages et
intérêts… comme moyens de compenser les conséquences de la
violence ;
– Le droit contre la violence et comme élément de résolution
pacifique des conflits d’intérêts (aspects de droit civil, pénal,
administratif, de droit des libertés fondamentales…).
🠶 Phrase de conclusion :
Il faut répondre à la question posée et indiquer que si la société
sans violence peut apparaître comme utopique, il reste l’espérance
d’une société qui limite la violence et en répare les conséquences
dommageables.
Chapitre XIX
Le déclin

Bibliographie
• J. Diamond : « Effondrement, comment les sociétés décident
de leur disparition » (2006) ;
• M. Maffesoli : « L’ère des soulèvements » (2021) ;
• J. Tainter : « The collapse of complex societies », publié en
France sous le titre « L’effondrement des sociétés complexes »
(1988, réédité en 2013) ;
• A. Touraine : « La fin des sociétés » (2013).

I Définitions

Le déclin est l’état de ce qui diminue de valeur, de grandeur,


d’éclat, de puissance (Dictionnaire Larousse). Il est synonyme de
décadence, d’abaissement, de déchéance et de décrépitude (Idem),
de crise plus ou moins lente. Son contraire est renaissance,
développement, croissance. Le sentiment du déclin traduit une
absence de confiance dans l’avenir.
La notion de « déclinisme » désigne différents courants de
pensées, majoritairement conservateurs, voire réactionnaires, qui
craignent ou prophétisent le déclin d’une société (voir aussi la
bibliographie générale citée plus loin).
La notion de « collapsisme » (ou « collapsologie » en tant qu’objet
d’étude), désigne différents courants de pensées qui annoncent un
effondrement imminent (collapsus) de la société industrielle (Rapport
Stevens, Club de Rome, 1972, sur les possibles conséquences sur
l’environnement de la croissance économique) et recommandent
aux individus de s’y préparer en anticipant la disparition des
structures collectives et l’apprentissage de diverses techniques de
survie (Pablo Servigne et Raphaël Stevens, « Comment tout va
s’effondrer, petit manuel de collapsologie à l’usage des générations
présentes », 2015 ; Yves Cochet : « Devant l’effondrement, essai de
’collapsologie’ » (2019)).
Un récent sondage (IPSOS, 2021) indique que 78 % estiment que
la France est en déclin, plus de la moitié d’entre eux estimant qu’il
est irréversible.
À noter que les tribunes publiques publiées au printemps 2021 par
un groupe d’officiers en retraite puis par des militaires d’active ont
dénoncé le « délitement » de la société et de la Nation françaises, ce
qui est un autre mot pour également parler du déclin.

II Aspects historiques

La notion de déclin est relative (déclin par rapport à qui, à quand, à


quoi ? Quelle sorte de déclin : politique, économique, social,
moral ?…) et est le plus souvent le symbole d’une mutation ou d’une
évolution qu’un effondrement brutal et définitif, sans espoir. Enfin, il
s’agit de voir les causes du déclin : guerre (internationale ou civile),
crise politique et/ou institutionnelle, crise économique ou sociale,
crise de civilisation (crise des valeurs, de ce qui fait sens pour la
communauté), crise environnementale, catastrophe naturelle… ou
plusieurs de ces éléments corrélativement ou successivement.
Le déclin est-il le révélateur d’une disparition progressive et
irrémédiable (Île de Pâques, Empire Maya, Empire Aztèque… ?),
d’une disparition avec maintien d’une vitalité culturelle sur
des siècles (les cités grecques et l’empire romain ont disparu en tant
qu’entités politiques et puissances mais ont conservé une empreinte
considérable sur la civilisation occidentale au travers des lettres
classiques, de l’histoire, de l’art, de l’influence du droit romain…
encore perceptible de nos jours ou d’une mutation permettant, après
l’affaissement, une renaissance de puissance (exemple : la Chine,
puissante jusqu’au xviiie siècle, connaît un long et constant
effondrement jusqu’à la première moitié du xxe, avant un
spectaculaire redressement à partir des années 1950 et de devenir
une incontournable puissance politique, économique, scientifique,
industrielle… dans le cadre de la mondialisation… ?).
– Edward Gibbon (1737-1794) : « Histoire du déclin et de la chute
de l’Empire romain » (1776), recueil de réflexions et d’étude
historique né de la contemplation des ruines du Forum à Rome
avec une recherche des causes de la décadence romaine et une
réflexion plus générale sur les causes de la décadence des
puissances.
– Paul Valery (1871-1945), notamment dans « La crise de l’esprit »
(1919) : « Nous autres, civilisations, savons maintenant que nous
sommes mortelles » (affaiblissement et épuisement de l’Europe
après la Première guerre mondiale).
– Thomas Mann (1875-1955), dans « Les Buddenbrook », (1901)
décrit le déclin d’une famille allemande dans le contexte des
soubresauts de l’Allemagne à la fin du xixe siècle.
– Joseph Tainter « The collapse of complex societies », publié en
France sous le titre « L’effondrement des sociétés complexes »
(1988, réédité en 2013), qui s’efforce, d’une part, de fournir une
grille d’analyse des disparitions de sociétés dans le passé
(Empire Maya1, Île de Pâques2…) et, d’autre part, d’anticiper des
effondrements futurs. Selon cet auteur, le développement ou la
disparition des sociétés repose sur la réussite ou l’échec des
institutions chargées de résoudre les problèmes auxquels telle
société est confrontée tout en assurant le maintien de ses
équilibres fondateurs fondamentaux.
– Jared Diamond « Effondrement, comment les sociétés décident
de leur disparition » (2006) : étude historique sur la disparition de
certaines civilisations (dont l’établissement des Vikings au
Groenland3 (cf. « Pourquoi les civilisations meurent-elles ? »,
Sciences Humaines, Grand dossier n° 13, décembre 2008, p 10
et suivantes).
– Alain Touraine « La fin des sociétés » (2013) : analyse des
différentes crises actuelles (école, État, autorité, sociale…) et
affirme que la fin n’est pas synonyme de déclin définitif mais
contient les éléments d’un renouveau.
– Michel Maffesoli, « L’ère des soulèvements » (2021) : selon cet
auteur les crises actuelles (école, autorité, justice…) témoignent
de la fin d’un cycle civilisationnel ayant débuté à la fin
du xviiie siècle avec les Lumières reposant sur l’individualisme et
le rationalisme et devraient conduire à un monde reposant
davantage sur les solidarités communautaires (cet auteur a, dans
d’autres ouvrages, analysé le phénomène des « tribus »).
– Alexandre Soljenitsyne : « Le déclin du courage » (1978,
discours à l’Université d’Harvard) : l’auteur dénonce la perte du
courage civique dans les démocraties occidentales et dans les
organisations internationales comme l’ONU.
La Révolution française est expliquée par le déclin de l’autorité
royale et de l’adhésion à la division, en trois états. Les contre-
révolutionnaires ont accusé la Révolution et l’Empire d’avoir précipité
le déclin de la France par la destruction des équilibres traditionnels
qui existaient avant 1789 (cf. Charles Maurras et les monarchistes
réclamant le retour aux contre-pouvoirs et à la décentralisation de
l’Ancien régime).
La « Révolution nationale » de Vichy entre 1940 et 1944 s’est
voulue comme une réaction à ce que ses partisans analysaient
comme étant le déclin de la France provoqué par les choix politiques
de la fin de la IIIe République (notamment lors du Front populaire).
Si le général De Gaulle a dénoncé le déclin connu par notre pays à
la fin des IIIe et IVe République, et a assimilé la victoire du « non » au
référendum de 1969 à celle des adversaires de la grandeur de la
France (et donc des partisans du déclin), il adopte des titres non
déclinistes dans ses mémoires pour parler de sa propre action :
« L’appel » « Le salut » (Mémoires de guerre 1954 et 1959) et « Le
renouveau » (Mémoires d’espoir, 1970).
À l’opposé l’idée de progrès est défendue par les libéraux (progrès
économique et scientifique principalement) et les socialismes
(progrès social et sociétal). À noter que cette passion du progrès,
très présente au xixe et dans la première moitié du xxe siècle, est
aujourd’hui relativisée par la prise de conscience des limites au
développement en raison des risques industriels, sanitaires,
environnementaux (notion de développement durable, écologie
politique… qui aboutissent à une remise en cause du caractère
nécessairement positif du progrès scientifique, économique,
industriel… et assigne au progrès l’obligation d’être raisonné et
raisonnable). À noter que le christianisme repose sur la notion
d’« espérance », c’est-à-dire dans la foi que les voies choisies par
Dieu vis-à-vis des hommes sont toujours positives car voulues par
Lui (l’espérance est par ailleurs l’un des grands principes du
gaullisme, comme école de courage et de confiance en l’avenir et
donc antidote au sentiment du déclin ou de la défaite).
La crainte du déclin de notre civilisation, de ses valeurs fondatrices
comme de ses institutions (voir les chapitres sur la Démocratie,
l’École et le système éducatif, l’État, Histoire et identités, Nation…),
notamment régaliennes est alimenté par les très rapides évolutions
depuis une cinquantaine d’années (voir le débat actuel sur les
conséquences, positives et/ou négatives, de la société nées du
mouvement de contestation de mai 1968 : Jean-Pierre Duteil : « Mai
1968, un mouvement politique », 2018 ; Luc Ferry et Alain Renaut :
« La pensée 68, essai sur un antihumanisme européen », 1985 ;
Pierre et Charlotte Rothman « Les années 1968 », 2018) que notre
société (pas seulement en France, d’ailleurs, mais dans l’ensemble
des pays occidentaux puis des autres pays qui, comme les
anciennes « démocraties » populaires ou certains États en voie de
développement tendent progressivement à en emprunter certains
traits : mutations de la famille (réduction du nombre de mariages et
augmentation des divorces, familles monoparentales, parentalité,
homoparentalité, gestion pour autrui ou GPA, procréation
médicalement assistée ou PMA…), individualisme (concilier les
droits de l’individu avec ses devoirs vis-à-vis de la société, respect
des intérêts collectifs et de l’intérêt général…), question du rapport
devant exister entre cohésion de la société, respect de la majorité et
droits des minorités, crise sociale (formation, chômage, retraites…),
crise sanitaire, enjeux environnementaux (pollution, disparition de
certaines espèces, crise climatique, réchauffement, épisodes météos
violents et inattendus tels que canicules, tornades, froids plus
extrêmes que jadis dans certaines zones…), enseignement (crise de
l’autorité des maîtres, apprentissages défectueux pour certaines
matières, certaines zones et certains publics, débats sur le
niveau…), immigration (immigration économique, réfugiés politiques
et déboutés du droit d’asile, perspective des réfugiés climatiques,
débats sur les frontières et sur le rôle de l’Europe, débat sur l’aide au
développement, cas particulier des mineurs…), laïcité (question des
valeurs, de la place de l’enseignement confessionnel, vivre
ensemble…), terrorisme, violences diverses (contre les
représentants de l’autorité, dans la vie quotidienne…), crise de
l’autorité (dans la famille, dans les rapports hiérarchiques, dans les
rapports avec les représentants de l’État…), crise de la justice
(effectivité des sanctions, nouvelles formes de violence, réforme de
la justice des mineurs… )… ; rappel du débat avorté sur l’identité
nationale pendant la présidence de Nicolas Sarkozy (à partir de
2007) puis le caractère limité aux questions d’environnement du
« Grand débat » mis en place après la crise des « Gilets jaunes »
(2019) ; rappel des termes du sondage et des tribunes déjà
évoquées.

III La crainte du déclin dans la société


française

Le sentiment du déclin peut résulter des excès de l’« État maman »


(voir le chapitre sur l’État). Ce dernier, qui repose sur l’intention, au
demeurant louable, de protéger la population par des mesures
incitatives mais parfois infantilisantes dans un but de santé publique
ou de sécurité (manger cinq fruits et légumes par jour…) conduit à la
peur du risque au sein de la société. Outre que le risque fait partie
de la vie, il est, à condition d’être raisonnable et bien évalué (la prise
de risque n’est pas synonyme d’imprudence), le moteur du progrès
scientifique et de l’innovation. Une société refusant le risque
s’expose à l’immobilité et au… risque du déclin. Ainsi, l’affirmation du
principe de précaution (charte de l’environnement intégrée au
préambule constitutionnel), qui part d’une bonne intention mais dont
la formulation générale porte un risque de sclérose pour la
recherche et l’innovation, est révélatrice d’une société qui veut des
protections par peur du risque. La réponse à la crise sanitaire du
Covid en est également une illustration : face à une maladie dont le
taux de léthalité réel était de 0,7 % (Institut Pasteur, 2020) avec
d’importantes disparités par tranches d’âge (13 % de décès chez les
plus de 80 ans) ou en fonction de certaines fragilités, d’importantes
restrictions des libertés (confinements généralisés) ont été imposées
à l’ensemble de la population, plutôt que de cibler des mesures
spécifiques destinées aux personnes potentiellement les plus
exposées ou effectivement contaminées, la société consentant
majoritairement à la limitation des libertés de tous au nom de la
sécurité. Au demeurant, ces mesures ont été prises pour faire face à
l’engorgement des services de réanimation (voir le chapitre sur la
santé).

En France, le ressenti d’un déclin a sans doute été renforcé par la


crise sanitaire : outre le sentiment d’angoisse face à un virus
inconnu, partagé par une part notable de la population, la
découverte des faiblesses d’un système de santé que l’ensemble de
la classe politique qualifiait de « meilleur du monde » a
vraisemblablement contribué au sentiment d’un déclassement de
notre pays. Cela a renforcé le sentiment d’un délitement du pays,
déjà ressenti en raison des différentes crises dont il a déjà été
question : crise économique et industrielle, crise sociale, crise
d’identité, question environnementale, crise migratoire, crise de la
laïcité, violences et fragmentation de la société, crise de l’autorité,
crise de la justice… D’ailleurs, selon un sondage IPSOS réalisé en
2021, 78 % des personnes interrogées estiment que la France est
en déclin, une majorité d’entre eux estime qu’il est irréversible.
Sans nier la profondeur et la réalité des crises diverses connues
par notre pays, on doit pourtant relever que l’État conserve son rôle
de puissance régalienne et n’apparaît pas aussi affaibli qu’il peut le
paraître en première approche. En effet, on ne constate pas de
désobéissance généralisée, le pays n’est pas à feu et à sang et
l’autorité de l’État est globalement respectée. Par ailleurs, l’État est
toujours en mesure de prélever les impôts et dispose ainsi de
ressources pour mettre en œuvre ses actions et conserver la
confiance de ses créanciers, l’autorité de l’administration est
respectée globalement (notamment durant la crise sanitaire), les
grandes institutions comme l’armée, la police, l’enseignement ou la
justice, même fragilisées fonctionnent, les services publics, la
redistribution sont toujours assurés…) mais selon un modèle
nouveau (RGPP, mutation des services publics, ouverture de
certains secteurs à la concurrence, l’État se bornant à rôle de
contrôleur et non plus d’entrepreneur…), nouveauté ne veut pas dire
nécessairement moins efficace…
Certes, les notions de territoires perdus de la République et de
zones de non-droit sont inquiétantes et constituent des alarmes sur
la cohésion de la société qui doivent conduire à la prise de mesures
énergiques pour en combattre les effets, par l’État et par les corps
intermédiaires (associations, partis, syndicats, institutions
religieuses…) afin de permettre une pleine restauration de l’autorité
de l’État. De même la crise des finances publiques est alarmante et
doit conduire à une gestion publique moins dépensière mais toujours
redistributive et protégeant l’initiative privée et le caractère libéral de
l’économie.
Voir sur la page de France Culture l’émission « Le déclin français,
durable obsession » :
https://www.franceculture.fr/emissions/concordance-des-temps/le-
declin-francais-durable-obsession. Cette émission étudie l’histoire du
déclin et démontre que la crainte du déclassement est une constante
de l’histoire politique française. Toutes les sociétés connaissent des
périodes d’ascension et d’autres d’affaiblissement mais le déclin
s’analyse en général comme traduisant la fin d’un cycle
(technologique : le déclin de la traction animale avec le
développement du moteur, le déclin du moteur thermique avec le
développement du moteur électrique… ; politique : déclin du
parlement sous la Ve République ; moral : déclin des valeurs
familiales traditionnelles…) et l’émergence d’un nouveau cycle avec
des valeurs différentes (sur la famille : le déclin de la famille
traditionnelle n’empêche pas le dynamisme des différentes sortes de
familles…).
On peut raccrocher à cette idée la formule de Michel Audiard (film
« Mort d’un pourri », 1977), qui souligne aussi le caractère récurrent
du débat sur le déclin en France : interrogé sur le fait que la France
serait sur le point de « craquer », un personnage répond que « - Si
nous parlons du même pays, je pense même que ça craque depuis
les derniers Valois. », ce qui souligne qu’en effet, depuis des siècles,
notre pays a connu de nombreuses crises de diverses natures qui
ont pu faire craindre son anéantissement mais qu’il s’est toujours
relevé (notion que l’on retrouve aussi dans le discours du général De
Gaulle à l’Hôtel de ville de Paris lors de la Libération en 1944, qui fait
écho à « la vraie France… la France qui se bat… la France
éternelle »).
Incontestablement, le thème du déclin constitue un véritable
phénomène d’édition puisque de nombreux livres sont parus sur ce
thème ces dernières années, soit dans le cadre d’un propos général,
soit d’un propos thématisé (déclin dans tel domaine) comme le
montrent quelques exemples ci-dessous, qui sont l’écume d’une
production très nombreuse :
– Edouard Balladur et Alain Duhamel : « Destin et déclin de la
Ve République » (2018) ;
– Nicolas Baverez : « La France qui tombe » (2003) ;
– Regis Boulon : « Déclin de la morale, déclin des idées » (2002) ;
– David Engels : « Le déclin de l’Union européenne et le déclin de
l’Empire romain » (2016) ;
– Alain Finkielkraut : « Qu’est-ce que la France ? 2007 et
« L’identité malheureuse », 2013 ;
– Robert Frank « Le traité du déclin » (2010) ;
– Éric Zemmour : « Le suicide français » (2014) et « Destin
français » (2018)….
L’ouvrage de Patrick Buisson (ex-conseiller de Nicolas Sarkozy )
« La fin d’un monde », (2021) est vendu avec le bandeau : « Oui,
c’était mieux avant ».
On s’interroge même sur le déclin de… la culture générale (Allan
Bloom : « L’âme désincarnée, essai sur le déclin de la culture
générale », 2018) !

Sujet de dissertation : Le déclin (INET, 2018)


Le sujet étant « Le déclin » sans autre élément, il est indispensable
de procéder à une délimitation pour ne pas s’éparpiller (voir les
éléments ci-dessus). Le sujet se prête particulièrement à une
approche transversale des grands thèmes de culture générale
(école, justice, service public, travail, laïcité…). On peut, soit traiter
du concept de déclin en général, soit centrer le propos sur la
question du déclin en occident et, notamment en France. C’est cette
dernière perspective qui est choisie pour l’exemple de plan ci-
dessous. Il est essentiel dans le traitement d’un tel sujet de ne
tomber ni dans le culte du passé mythifié d’un prétendu âge d’or
(« c’était mieux avant »), ni dans la célébration irréfléchie des soi-
disant bienfaits de la modernité à tout prix (« on vit une époque
formidable »). En particulier, il faut établir un diagnostic le plus
réaliste et le plus lucide de la période actuelle sans nier ni exagérer
les évolutions qui conduisent à s’interroger sur l’éventualité du déclin
de la société, des valeurs, de l’État…

1. Problématique
Si la France connaît des difficultés alarmantes, notamment d’ordre
sociétal et institutionnel, elle dispose toujours d’atouts qui lui
permettent de demeurer optimiste quant à sa capacité d’adaptation
pour demeurer une grande puissance.

2. Proposition de plan
🠶 Introduction :
– Définition (voir ci-dessus) ;
– Historique du concept de déclin et principaux auteurs(voir ci-
dessus) ;
– Déclin et renaissance (voir ci-dessus) ;
– Permanence du débat sur le déclin en France depuis au moins la
révolution de 1789 et restriction du sujet au cas de la France (voir
ci-dessus) ;
– Problématique et annonce de plan
I. Les difficultés traversées par la France nourrissent la crainte
du déclin
A. La remise en cause du modèle traditionnel français dans le
cadre de la mondialisation et de la construction européenne
(rappel et évolution, notamment dans le cadre de l’Union
européenne et de la mondialisation des principes du service
public, notamment pour certaines activités de nature économique
comme les activités en réseau), remise en cause de l’État
interventionniste au plan économique et social qui a débuté avec
la notion d’État providence, s’est développé au xxe siècle,
notamment lors des deux guerres mondiales, par la construction
européenne et la mondialisation, limitation des aides publiques
diverses, soumissions du législateur national aux dispositions
approuvées par des traités internationaux originels ou
dérivés…) ;
B. La France est confrontée à diverses crises auxquelles elle peine
à faire face et qui font craindre un déclin de sa civilisation, de ses
valeurs fondatrices, de ses institutions, notamment régaliennes :
mutations de la famille (réduction du nombre de mariages et
augmentation des divorces, familles monoparentales, parentalité,
homoparentalité, GPA…), individualisme (concilier les droits de
l’individu avec ses devoirs vis-à-vis de la société, respect des
intérêts collectifs et de l’intérêt général…), question du rapport
devant exister entre cohésion de la société, respect de la majorité
et droits des minorités, crise sociale (formation, chômage,
retraites…), crise sanitaire, enjeux environnementaux (pollution,
disparition de certaines espèces, crise climatique, réchauffement,
épisodes météos violents et inattendus tels que canicules,
tornades, froids plus extrêmes que jadis dans certaines zones…),
enseignement (crise de l’autorité des maîtres, apprentissages
défectueux pour certaines matières, certaines zones et certains
publics, débats sur le niveau, différence entre, d’une part la crise
de l’enseignement de masse telle qu’elle résulte de différents
classements internationaux comme des tableaux de bord sur
l’apprentissage des disciplines fondamentales et, d’autre part,
l’excellence qui demeure de la recherche scientifique de haut
niveau en France…), immigration (immigration économique,
réfugiés politiques et déboutés du droit d’asile, perspective des
réfugiés climatiques, débats sur les frontières et sur le rôle de
l’Europe, débat sur l’aide au développement, cas particulier des
mineurs…), laïcité (question des valeurs, de la place de
l’enseignement confessionnel, vivre ensemble…), terrorisme,
violences diverses (contre les représentants de l’autorité, dans la
vie quotidienne…), crise de l’autorité (dans la famille, dans les
rapports hiérarchiques, dans les rapports avec les représentants
de l’État…), crise de la justice (effectivité des sanctions,
nouvelles formes de violence, réforme de la justice des
mineurs… )… ; rappel du débat avorté sur l’identité nationale
pendant la présidence de Nicolas Sarkozy (à partir de 2007) puis
le caractère limité aux questions d’environnement du « Grand
débat » mis en place après la crise des « Gilets jaunes » (2019) ;
rappel des termes du sondage et des tribunes déjà évoquées.
II. La France, une grande puissance en mutation
A. L’État conserve son rôle de puissance régalienne (pas de
désobéissance généralisée, le pays n’est pas à feu et à sang et
l’autorité de l’État est globalement respectée même si les notions
de territoires perdus de la République et de zones de non-droit
sont inquiétantes et constituent des alarmes sur la cohésion de la
société devant conduire à des mesures énergiques, de la part de
l’État comme des collectivités territoriales et des corps
intermédiaires (associations, syndicats, religions…) pour en
combattre les effets afin de permettre une pleine restauration de
l’autorité de l’État ; l’autorité de l’administration est respectée
globalement (notamment durant la crise sanitaire), les grandes
institutions comme l’armée, la police, l’enseignement ou la
justice, même fragilisées, fonctionnent, les services publics, la
redistribution sont toujours assurés…) mais selon un modèle
nouveau (réglementation générale des politiques publiques,
mutation des services publics, ouverture de certains secteurs à la
concurrence, l’État se bornant à rôle de contrôleur et non plus
d’entrepreneur…), nouveauté ne veut pas dire nécessairement
moins efficace… l’État est toujours en mesure de prélever les
impôts et dispose ainsi de ressources pour mettre en œuvre ses
actions redistributives et conserver la confiance de ses
créanciers ; toutefois la crise des finances publiques est
alarmante, tout comme l’excessif endettement public, et doit
conduire à une gestion publique moins dépensière mais toujours
redistributive et protégeant l’initiative privée et le caractère libéral
de l’économie ; la recherche et la science en France, comme le
système universitaire d’excellence restent d’un niveau élevé et
compétitif…
B. La France exerce toujours une influence déterminante au plan
international (rôle qui demeure moteur en Europe, notamment en
matière militaire et en matière de diversité culturelle, et à l’ONU
avec le siège de membre permanent au Conseil de sécurité et
une diplomatie très active, rôle en Afrique notamment en matière
militaire et d’aide au développement, francophonie (actions des
pays ayant le français en commun et en faveur de la diversité
culturelle), rôle à l’UNESCO, puissance militaire et nucléaire, soft
power, prestige de la culture française qui demeure…) ; la France
reste l’une des principales puissances militaires en Europe (son
budget militaire reste élevé), développe ses troupes dans de
nombreux théâtres d’opérations extérieures, effectue diverses
missions militaires et humanitaires dans le cadre de l’ONU et
d’autres organisations internationales, dispose de l’arme
nucléaire…

1. Selon certains historiens l’effondrement de l’Empire Maya serait dû à une multiplicité de


facteurs sur plusieurs siècles : crise économique (perturbation des réseaux
commerciaux), crise sociale (remise en cause du rôle de l’élite), guerres civiles, invasions
étrangères, catastrophes naturelles et crise environnementale.
2. Selon certains historiens, les habitants de l’Île de Pâques auraient abattu tous les arbres
afin de transporter les blocs de pierre destinés à la sculpture des statues géantes en les
faisant rouler sur des rondins et leur civilisation aurait sombré en raison des
conséquences climatiques et environnementales (notamment en matière alimentaire) de
cette déforestation.
3. Les Vikings auraient disparu du Groenland après plusieurs siècles de présence,
contrairement aux Inuits, présents sur ce site avant et après l’établissement Viking, parce
qu’ils auraient voulu conserver leur mode de vie ancestral, notamment en termes
d’alimentation, et auraient refusé de profiter, pour des raisons culturelles, des abondantes
ressources en poisson, qui permettaient pourtant aux Inuits de vivre ; l’auteur fait un
parallèle avec la situation des Américains qui dépensent deux fois plus d’énergie que les
Européens pour un mode de vie comparable et n’ont pas conscience des enjeux
climatiques liés aux effets des hydrocarbures
Index1

Abstention : I ; IV ; XIX ;
Adolescence : IX ; X ; XII ;
Adulescence : IX ;
Apatrides : III ;
Art : III ; X ; XI ; Deuxième sujet corrigé ;
Audiovisuel : III : VIII ; XI ;
Blasphème : VIII ;
Cancell culture : IV ; VI ; VII ; X ; XI ; XVIII ;
Communes et intercommunalités : I, VI ; VIII ; X ; XI ; XIII
Constitution : I ;
Cultes : IV ; V ; VIII ;
Culture : III ; X ; XI ; Deuxième sujet corrigé ;
Collectivités territoriales : I, VI ; VIII ; X ; XI ; XIII ; XIV ; XVI ; XVII ;
Déclin : I ; VII ; XVIII ; XIX ;
Dématérialisation : I ; X ; XIV ; XV ; XVI ; XVII ;
Démocratie : I ; II ; IV ; V ; VII ; VIII ; XVIII ; XIX ;
Démocratie directe : IV ;
Démocratie indirecte : IV ;
Démocratie semi-directe : IV ;
Démocratie sociale : IV ; XIV ;
Département : I ; VI ; X ; XI ; XV ; X ; XII ; XVI ;
Dépense publique : XV ; XVI ; XVII ; par ailleurs, tous les chapitres
abordent les questions budgétaires relatives à leur objet principal
(budget) ;
Doctrines politiques : I ;
Droits de l’Homme : I ; II ; IV ; V ; VI ; XVIII ;
École et le système éducatif en France : VIII ; X ; XI ; XIII ; XV ;
Écriture inclusive : V ; X ; XI ; voir aussi la méthodologie de l’écrit ;
Élections : I ; IV ;
Enfance : IX ; X ; XII ;
Environnement : III ; XIX ;
État : I ; II ; VII ; XVI ; XVII ; XVIII ; XIX ;
État composé : I ;
État de droit : I ; II ; IV ; V ;
État gendarme : I ; XVIII ; XIX ;
État maman : I ; XIII ; XIX ;
État providence : I ; II ; III ; V ; IX ; X ; XI ; XII ; XIII ; XIV ; XV ;
XVII ; XIX ;
État unitaire : I ; IV ; VI ; VII ; XV ; XVI ;
État unitaire complexe décentralisé pluri-législatif : I ;
Europe : I ; II ; III ; IV ; XIX ;
Exclusion : I ; XIV ;
Famille : IX ; X ; XI ; XII ;
Femmes : I ; IV ; V ; VI ; VIII ; IX ; XIV ; XVI ; XVIII ;
Filiation : IX ;
Fonction publique : I ; X ; XI ; XII ; XIII ; XIV ; XVI ; XVII ;
Formation continue : X ; XIV ;
Fracture territoriale : I ; X ; XIII ; XV ; XVI ; XVII ;
GAFA : III ;
Gestation pour Autrui : IX ;
Handicapés : X ; XII ; XIII ; XIV ;
Héritage : VI ; IX ; XVII ;
Histoire : I ; VI ; X ; XI ; Art et culture ;
Homoparentalité : IX ;
Homosexualité : V ; IX ;
Hôpital public : XV ; XVI ;
Identités : VI ; VII ; VIII ; X ; XV ;
Immigration : III ; XIII ; XIV ;
Impôts et impositions de toute nature : XVII ;
Intercommunalités : I ;
Jeunesse : IX ; X ; premier sujet corrigé ;
Justice : I ; V ; XV ; XVI ; XVIII ;
Laïcité et religion : I ; IV ; V ; VIII ; XII ; XIII ;
Liberté d’expression : IV ; VI ; VII ; X ; XI ; XVIII ; XIX ;
Libertés fondamentales : I ; II ; IV ; V ; XVIII ;
Libertés publiques : I ; II ; IV ; V ; VII ; XVIII ;
Livre : III ; XI ;
Lois mémorielles : I ; VI ; VII ; VIII ; XI ;
Médias : III ; VIII ; XI ;
Mémoire : VI ; VII ; VIII ; X ; XV ;
Mondialisation : I ; II ; III ; XIV ; XIX ;
Nation : I ; II ; III ; VI ; VII ; X ; XIII ; XV ;
Parentalité : IX ;
Police : I ; V ; XV ; XVI ; XVIII ;
Politique de la ville : XV ;
Pouvoir d’achat : I ; XIII ; XIV ;
Presse : XI ;
Procréation Médicalement assistée : IX ;
Prison : I ; V ; XV ; XVI ; XVIII ;
Presse : III ; V ; VIII ; XI ;
Recettes publiques : XVII ;
Référendum : I ; IV ; XIV ;
Réfugiés : III ;
Région : I ; X ; XII ; XV ; XVI ;
Religion : VIII ;
Retraite : IX ; XIV ; XVI ;
Risque : I ; VII ; XII ; XIII ; XVIII ; XIX ;
Robotisation : XIV ;
Santé : III ; VIII ; XII ; XIII ;
Sécurité sociale : XIII ; XIV ; XVII ;
Séparatisme : IV ; VI ; X ; XII ;
Service public : I ; VII ; IX ; X ; XIII ; XIV ; XV ; XVI ; XVII ;
Souveraineté : I ; II ; III ; VII ; XV ; XIX ;
Système éducatif : X ;
Téléenseignement : X ; XIV ;
Télétravail : XIV ;
Travail : III ; V ; XIV ;
Troisième âge : IX ; XIII ;
Université : X ;
Vieillesse : IX ; XIII ;
Violence : I ; VII ; XII ; XIII ; XVIII ; XIX ;
Wokisme : IV ; VI ; VII ; X ; XI ; XVIII ;

1. Chaque chiffre romain renvoie au chapitre correspondant. Lorsque le chiffre est en gras,
le terme concerné y est traité à titre principal.
Table des matières

Sommaire
Table des abréviations
Avant-propos

Première partie
Méthodologie de la dissertation et de l’oral
Chapitre I. Bibliographie
I Dictionnaires et lexiques
II Histoire, histoire des idées politiques et philosophie
III Dossiers de presse

Chapitre II. Méthodologie de la dissertation de culture


générale
I Notion de culture générale
II Nature de l’épreuve
III Méthodologie
A. Définition des termes
B. Analyse synthétique du sujet
C. Problématique
D. Le plan
E. La rédaction
F. L’introduction
G. La conclusion
IV Exemples de sujets de dissertation traités
A. Premier sujet : « Avoir 20 ans en 2022 »
1. Définition des termes du sujet
2. Analyse synthétique
3. Problématique
4. Plan sommaire (reprendre les éléments de l’analyse synthétique)
B. Deuxième Sujet : La création artistique doit-elle être libre ?
1. Définition des termes du sujet
2. Problématique
3. Plan
C. Troisième sujet : La Résistance est-elle un idéal du xxie siècle ? (ENA
2016)
1. Analyse des termes du sujet
2. Analyse : Voir les éléments dans le corps du corrigé
3. Problématique

Chapitre III. Méthodologie de l’oral des concours


administratifs
I Bibliographie indicative
II Déroulement de l’épreuve
III L’esprit de l’épreuve
IV Les mises en situation
V Exemples de sujets de mise en situation

Deuxième partie
Thèmes relatifs à la société française
Chapitre I. L’État et l’organisation administrative de la
France
Bibliographie
I Définition de l’État
A. Un territoire
B. Une population
C. Un pouvoir souverain
1. Souveraineté interne
2. Souveraineté internationale
D. Effet de la réunion des trois éléments
II L’État dans les principales doctrines politiques
A. Les doctrines libérales
1. Le libéralisme proprement dit
2. Le libéralisme social
B. Les doctrines socialistes
1. Le socialisme utopiste pré-marxiste
2. Le socialisme marxiste
3. La social-démocratie
C. Les doctrines corporatistes
D. Les écologies
III Évolution de l’État
A. Aspects généraux
B. L’État gendarme (minimum)
C. L’État providence (interventionniste)
D. La crise de l’État providence
E. L’État maman
IV Les formes d’État
A. L’État unitaire
B. L’État composé
C. L’État régional
V L’État en France aujourd’hui
A. La France, État unitaire particulier
B. Le régime constitutionnel en France
1. Évolution constitutionnelle de la France (1791-1958)
2. Caractéristiques générales de la Ve République
a. Le président de la République
b. Le premier ministre et le gouvernement
c. Le pouvoir législatif
VI Les collectivités territoriales en France
A. Éléments généraux
B. Les communes et les intercommunalités
C. Les départements
D. Les régions
VII Le débat sur l’autorité de l’État
Sujet de dissertation : L’État est-il moral ? (ENA, 2017)

Chapitre II. L’Europe


Bibliographie
I Définitions
II Évolution historique
III Institutions de l’union européenne
A. Présentation générale
B. La commission européenne
C. Le parlement européen
D. Le conseil (conseil de l’Union européenne, ex-conseil des ministres)
E. Le conseil européen
F. La cour de Justice de l’Union européenne
Sujet de dissertation : Sentiment national et construction européenne

Chapitre III. Mondialisation, environnement, mouvements


migratoires
Bibliographie
I Définitions
II Évolution historique
III Enjeux actuels
A. Les aspects économiques et sociaux de la mondialisation
B. Les GAFA
C. L’organisation mondiale du commerce
D. Mondialisation de la culture et des médias
E. Mondialisation et protection de la santé
F. Mondialisation et protection environnementale
1. Aspects généraux
2. Évolution historique
3. Situation actuelle dans le monde
4. Situation actuelle en France
G. Mondialisation et mouvements de populations
1. Modalités générales
2. Situation en France
a. Aspects généraux
b. Réfugiés, apatrides et déboutés du droit d’asile
c. Immigration économique
d. Regroupement familial
e. Étudiants étrangers
f. Les titres de séjour en matière médicale
Sujet de dissertation : La mondialisation emporte-t-elle la fin des États ?

Chapitre IV. La vie démocratique


Bibliographie
I Définitions
II Démocratie directe ou indirecte
A. La démocratie indirecte (représentative)
1. Au niveau des élections européennes
2. Au niveau des élections nationales
3. Au niveau des élections locales
B. La démocratie directe
1. Au niveau national
2. Au niveau local
3. Dans la vie de l’entreprise
C. La démocratie semi-directe
D. La démocratie participative
III Démocratie et République en France
IV Le débat actuel sur la démocratie en France
A. Quelle formation pour le citoyen ?
B. L’abstention
C. Démocratie et crise sanitaire
Sujet de dissertation : Pensez-vous avec Winston Churchill que « Le
meilleur argument contre la démocratie est une conversation de cinq
minutes avec un électeur moyen » ?

Chapitre V. Les droits et libertés


Bibliographie
I Définitions
A. Distinction entre trois notions, proches mais non superposables
1. Les droits de l’Homme
2. Les Libertés publiques
3. Les Libertés fondamentales
B. Les trois générations de droits
1. Les droits de la première génération
2. Les droits de la deuxième génération
3. Les droits de la troisième génération
II Situation actuelle
A. Aspects généraux
B. La question des droits de la femme
1. Présentation générale
2. En matière politique
3. Dans l’administration
4. Féminisation des titres et fonctions et écriture inclusive
C. Les acteurs
D. Libertés et crise sanitaire
Sujet de dissertation : « Le droit à la différence »

Chapitre VI. Histoire, mémoires et identités


Bibliographie
I Définition des termes
II Évolution historique
III État de la question
A. Au niveau national
1. Au plan institutionnel
2. Au plan des politiques mémorielles
B. Au niveau local
Sujet de dissertation : L’État doit-il commémorer le passé ?
(ENA, concours externe 2018)

Chapitre VII. La Nation


Bibliographie
I Nation, patrie, république, identité nationale, communautarisme,
séparatisme (…) : des notions complexes et ambiguës
II La question de l’identité locale en France
Sujet de dissertation : Vous commenterez à la lumière de la société
actuelle la citation suivante : « Qu’est-ce que le nationalisme ? C’est un
patriotisme qui a perdu sa noblesse et qui est au patriotisme noble
et raisonnable, ce que l’idée fixe est à la conviction normale ». (Albert
Schweitzer, Décadence et renaissance de la culture, 1935)

Chapitre VIII. Religion et laïcité


Bibliographie
I Définitions
A. Religion
B. Laïcité
II Évolution historique
III État actuel de la question
A. Aspects généraux
B. Statut des lieux de culte
C. Cultes et associations
D. La laïcité dans les services publics et la fonction publique
1. Concernant l’administration
2. Concernant les agents publics
3. Concernant le service public de l’audiovisuel
E. Régimes particuliers
F. La question religieuse dans le secteur privé
G. Laïcité et organisation de l’enseignement en France
H. Actualité récente en matière de laïcité
1. Notion de blasphème
2. Débat sur la liberté d’expression
3. Débat sur le séparatisme
Sujet de dissertation : Le xxie siècle sera-t-il celui du retour du religieux ?

Chapitre IX. La famille


Bibliographie
I Définitions
II Évolution historique
III La famille aujourd’hui
IV La parentalité
V L’enfance et la jeunesse
VI La vieillesse
VII L’héritage
Sujet de dissertation : « La famille est-elle encore une valeur ? »

Chapitre X. Le système éducatif en France, l’« École »


Bibliographie
I Définition
II Évolution historique
A. Avant 1789
B. Premier Empire
C. De la Restauration au Second empire
D. Les lois Jules Ferry
E. Les trois massifications
1. Première massification (années 1880-1900)
2. Deuxième massification (années 1930-1960)
3. Troisième massification (depuis les années 1960)
4. Le débat sur le niveau
5. Le débat sur l’accroissement des violences en milieu scolaire
6. Le débat sur la laïcité
7. Éducation et situation sanitaire
III Le système scolaire aujourd’hui
A. Rôles respectifs de l’État et des collectivités territoriales
B. Enseignement public général
C. Enseignement privé
D. Enseignement et handicap
E. Enseignement professionnel et technologique
F. Formation continue
Sujet de dissertation : « L’égalité des chances vous paraît-elle être assurée
dans le système éducatif français ? »

Chapitre XI. Art, culture et médias


Bibliographie
I Définition
II Évolution historique
A. Art et culture
B. Médias
III État actuel de la question
A. Ministère de la culture
B. Actions des collectivités territoriales
C. Action des associations
D. Action du secteur privé commercial
IV Le domaine particulier du livre
A. Historique
B. Les éléments en débat
Sujet de dissertation : À quoi bon sauver les livres ? (Commissaire aux
armées, 2018)

Chapitre XII. Le sport


Bibliographie
I Définition
II Évolution historique
III Dimension institutionnelle
A. Le rôle de l’État
B. Le rôle des collectivités territoriales.
C. Le rôle des associations
D. Le sport, révélateur des contradictions de la société française
Sujet de dissertation : « Sport, argent et politique »
Chapitre XIII. La santé et la sécurité sociale
Bibliographie
I Définition
II Évolution historique
III Situation actuelle
A. Système de santé
1. Au niveau de l’État
2. Au niveau des collectivités territoriales
B. La Sécurité sociale
C. Le débat sur la situation de l’hôpital public
Sujet de dissertation : L’égal accès aux soins : mythe ou réalité ?

Chapitre XIV. Le travail


Bibliographie
I Définitions
II Aspects historiques
III Situation actuelle
A. Au niveau international
B. En France
1. Au niveau de l’État
2. Au niveau territorial
3. Concernant le travail des femmes
4. Concernant le travail des handicapés
5. Concernant le système de retraite
Sujet de dissertation : Le travail favorise-t-il l’intégration sociale ?

Chapitre XV. Le service public


Bibliographie
I Définition
II Évolution historique
III Le service public aujourd’hui
IV La fracture territoriale
V La politique de la ville
Sujet de dissertation : Quel service public au xxie siècle ?
Chapitre XVI. La fonction publique
Bibliographie
I Définition
II Évolution historique
III Situation actuelle
Sujet de dissertation : La fonction publique doit-elle être à l’image de la
société française ? (IRA, concours externe 2008)

Chapitre XVII. La dépense publique


Bibliographie
I Définition
II Évolution historique
III Organisation administrative
IV État actuel de la question
A. Les recettes publiques
1. Les recettes de l’État
2. Les recettes des collectivités territoriales
B. Les dépenses publiques
Sujet de dissertation : « Faut-il gérer l’État comme un bon père de
famille ? »

Chapitre XVIII. La violence


Bibliographie
I Définitions
II les différents aspects de la violence
A. Aspects internationaux sur la violence
B. Aspects de droit interne sur la violence
1. Les différents types de violence
2. Chiffres relatifs à l’état de la violence en France en 2020
(source : ministère de l’intérieur)
a. Violences sexuelles
b. Homicides
c. Vols et cambriolages
III Le débat sur l’autorité de l’État face au développement de la violence
Sujet de dissertation : Peut-on espérer une société sans violence ?

Chapitre XIX. Le déclin


Bibliographie
I Définitions
II Aspects historiques
III La crainte du déclin dans la société française
Sujet de dissertation : Le déclin (INET, 2018)

Index
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