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Le verbe « krinô »
Il existe, en grec ancien, le verbe « krinô » qui a donné naissance à
plusieurs mots, notamment l’adjectif « kritikos », « critique », et le
substantif « krisis », la « crise ».
Or, krinô est un verbe très curieux, et aussi très intéressant, pour nous,
aujourd’hui. Parce qu’il veut dire à la fois « séparer », « distinguer »,
« décider », « juger », ou encore « trancher », « expliquer ». On peut être
surpris d’une telle série de sens, et la trouver au premier regard hétéroclite.
Jusqu’au moment où l’on comprend que l’ensemble est cohérent.
Car ce verbe dit finalement que la pensée commence par séparer, par
écarter les uns des autres des éléments agglutinés pour pouvoir comprendre.
Il faut trancher dans ce qui est collé, compact, et donc confus. Il faut défaire
les plis, mettre à plat, pour faire le tri, choisir, décider, réorganiser.
C’est en ce sens-là que crise et discernement sont liés. La crise n’est pas
un chaos, même si elle commence par semer la confusion, par perturber les
habitudes. La crise est un révélateur, la possibilité d’un remaniement.
C’est un temps de bifurcation, un moment de décision. D’ailleurs, le
terme « krisis », en grec ancien, figure constamment dans le vocabulaire
médical, d’abord chez Hippocrate, bien plus tard chez Galien, le médecin
de Marc Aurèle, pour désigner ce moment de l’évolution d’une maladie où
le sort du patient « se décide », allant soit vers la guérison soit vers la mort.
Cette brève excursion dans l’étymologie peut nous servir.
Si nous appliquons sa leçon à ce que nous sommes en train de vivre,
nous voyons que la crise ouverte par le virus, en séparant des éléments
habituellement reliés, nous permet de les discerner autrement, et peut-être
de décider différemment.
On découvre autrement des éléments que l’on connaissait, par exemple :
que les personnes de grand âge sont plus vulnérables que les autres, qu’elles
doivent recevoir plus de protection que les autres, qu’elles ont besoin d’être
touchées, caressées, plus que les autres, qu’elles ne peuvent pas être
entièrement isolées pour être entièrement protégées, et qu’entre ces deux
impératifs, une tension existe qui demande de trouver, cas par cas, la
balance entre des éléments contraires.
Ces questions constituent les fils directeurs de ce volume.
Ce ne sont pas les seuls. Crise et discernement exigent de décider aussi
quels sont les moindres maux, les compromis acceptables, les options à
exclure. Voilà qui revient donc à séparer, à distinguer et à trancher, sans être
jamais absolument certain d’être dans le vrai, parce que l’éthique n’est pas
une science exacte,
Finalement, la question des limites est toujours au cœur de l’éthique, et
sur une multiplicité de registres : où sont les limites de nos possibilités
d’action ? Les limites de nos compromis ? Celles de nos consensus ? Celles
de notre clairvoyance et de notre aveuglement ?
Poser ces questions n’est pas une manière de restreindre notre champ de
réflexion et d’action, mais plutôt de trouver des points d’appui, des leviers
pour poursuivre dans de plus efficaces conditions. Même si les sujets sont
graves, parfois douloureux, même si cette crise a été marquée par plus de
10 000 décès en quelques mois dans les Ehpad et les établissements
médico-sociaux, même si culpabilités et désarrois furent aussi au rendez-
vous, et bien que les conséquences soient loin d’être derrière nous,
j’aimerais souligner que nous accompagne, malgré tout, une forme
particulière d’allant, une volonté d’avancer, de trouver des issues, de
réfléchir pour ne pas se résigner.
Cet allant permet d’être résolu, plus combatif que dépressif, pour
répondre au temps de crise et nous efforcer d’inventer ensemble des
solutions à ce qui ne va pas, à ce qui n’a pas été, au fil de cette épreuve.
Cette réflexion étant de part en part collective, je tiens à exprimer ma
vive gratitude à celles et ceux qui y ont participé, par leurs réponses aux
questionnaires préparatoires, leurs témoignages sur le site dédié, leur
présence à nos rencontres, réelles ou virtuelles, sans oublier, évidemment,
les auteurs, experts, collègues et amis qui ont accepté de mettre leurs
compétences respectives au service de cette réflexion éthique, qui ne fait
que commencer.
I
TÉMOIGNAGES
SUR LA VIE EN EHPAD AU TEMPS
DE LA COVID-19
Première tâche : écouter ceux qui vivent, chaque jour, sur place. Parce
qu’ils voient, éprouvent et savent, d’expérience, ce qui arrive. Parce qu’ils
peuvent en parler, dire tout ce qu’ignorent, bien souvent, ceux qui mènent
d’autres existences.
Mais leurs textes ne sont pas et ne peuvent pas être de purs et simples
témoignages. Ils ne se bornent pas à décrire, au contraire. Leurs
interventions questionnent nos responsabilités. Elles protestent contre les
manquements, les incohérences et les précipitations, interpellent les
pouvoirs publics et les institutions. Elles en appellent à la conscience et à
l’entendement de chacune et chacun d’entre nous.
La première de ces interventions est un dialogue qui s’est poursuivi à
distance, par échanges électroniques, entre Denise Maréchal, résidente dans
un Ehpad, et son cousin, le philosophe Pierre-Henri Tavoillot, qui a
participé de manière active, depuis leur début, aux travaux du groupe de
réflexion de Partage & Vie. On y découvrira notamment que l’intelligence
la plus aiguë, la plus lucide, sur les droits des résidents, leurs libertés et
leurs relations aux autres n’est pas forcément celle qu’on pourrait croire.
C’est sous la forme d’une lettre, mais adressée à tous, que Lynda
Gaillard-Tersin, directrice d’un Établissement d’hébergement pour
personnes âgées dépendantes (Ehpad) du groupe Partage & Vie, a choisi de
s’exprimer. Elle y exprime le paradoxe central du confinement : pour
protéger les personnes les plus vulnérables, les directives officielles les ont,
en fait, mises en danger. Isolées drastiquement, elles n’échappent au virus
que pour sombrer dans le désespoir. La directrice s’interroge donc sur cette
contradiction majeure de la sauvegarde qui s’inverse en nuisance et sur son
propre rôle dans cette situation ambiguë.
Dans l’établissement dirigé par Hakim Belkacem, ce ne sont pas des
personnes âgées qui résident, mais des enfants et des adultes en situation de
handicap. Et son constat va à contre-courant : contre toute attente, les effets
du confinement se sont révélés globalement bénéfiques. Les résidents se
sont montrés plus calmes, se sont alimentés de meilleur appétit, ont présenté
moins de pathologies qu’en temps normal, les équipes ont été plus soudées
et les familles plus confiantes… à tel point qu’il est envisagé d’en tirer les
leçons et de remanier les règles de vie.
Avec l’analyse que propose Marie-Odile Vincent, directrice d’Ehpad, se
font entendre de nouveau perplexité et déception. Car elle avait mis au point
une action collective sur la mort et la fin de vie rassemblant résidents,
personnels soignants et administration dont les effets bénéfiques, qui
commençaient à être visibles, ont été contrecarrés par l’application des
directives sanitaires. Elle plaide pour une concertation dans l’élaboration
des mesures sanitaires et pour une part d’autonomie laissée dans leur
application.
La sœur résidente et le cousin philosophe
1
Denise Maréchal et Pierre-Henri Tavoillot
Source : Insee, « Évolution du nombre de décès entre le 1er mars et le 30 avril 2020 », 26 juin 2020.
Figure 2. Nombre d’actes SOS Médecins et part d’activité pour
suspicion de Covid-19,
er
par jour et par classe d’âge depuis le 1 mars 2020 (France)
Source : « Covid-19. Point épidémiologique hebdomadaire du 11 juin 2020 », Santé publique France
(données issues de SOS médecins).
Figure 3. Nombre de passages aux urgences et part d’activité pour
er
suspicion de Covid-19, par jour et classe d’âge, depuis le 1 mars 2020
Source : « Covid-19. Point épidémiologique hebdomadaire du 11 juin 2020 », Santé publique France,
données issues de Oscour.
Les mois qui viennent de s’écouler nous auront fait mesurer à quel point
notre rapport au monde et aux autres ne passe pas seulement par le langage
mais aussi par les sens et par la perception, à l’image de ce duo que
formaient le directeur de la santé et son interprète, que nous retrouvions
rituellement chaque soir à la télévision, lors de ce désespérant comptage des
victimes de la Covid-19 : d’un côté, l’aisance professionnelle mais, il faut
l’avouer, un peu glaciale, autorisée par le langage naturel ou par ce que
Condillac eût appelé les « signes d’institution », de l’autre, ces gestes
infiniment complexes et touchants, mais de toute évidence aussi, épuisants,
rendus possibles par ce langage des signes de l’interprète, s’apparentant
davantage à un « langage d’action ». Le recours forcé au masque, les gestes
barrière imposés, le port conseillé de gants, l’attention à porter aux poignées
de porte ou d’ascenseur, le paiement sans contact, l’obligation de compter
davantage pour nos activités sur le virtuel que sur le présentiel nous auront
mis face à l’ampleur des nouvelles contraintes et des possibles
empiétements de notre espace perceptif intrapersonnel et social. Nous
sommes tous devenus des experts en proxémique, et les textes de Edward
T. Hall ou de Erving Goffman sont revenus faire un tour sur nos tables de
chevet.
De là à soutenir, comme certains, que ces intrusions auraient fait de
notre espace vital, que nous avons certes dû, pour mieux nous protéger,
réguler quitte à accepter, temporairement, d’être suivis à la trace par telle ou
telle application, un espace de « biopouvoir », de contrôle et de surveillance
intolérable… J’ai pour ma part du mal à accorder crédit aussi bien au
concept qu’à la chose. Il suffit du reste de voir avec quelle rapidité, à peine
lancé le signal du déconfinement, nombre de « Gaulois réfractaires » – ce
que nous sommes tous, pour la plupart – se sont empressés de s’égailler
dans la nature, de mettre bas le masque et de se regrouper sans beaucoup se
soucier des gestes barrière pourtant toujours en vigueur, pour être rassuré
sur ce point : non, notre espace social est loin d’être devenu un espace de
surveillance et de punition des corps, encore moins des esprits.
En revanche, et c’est, je crois, le sens de ce qui nous réunit aujourd’hui
et qui donne tellement raison aux travaux que nous avions menés avant la
pandémie dans le cadre de la fondation Partage & Vie, l’expérience que
nous venons de vivre – et qui n’est sans doute pas derrière nous – aura
permis de mesurer à quel point des consignes qui, pour tout un chacun, ne
relèvent guère au fond que d’une gêne relative, et souhaitons-le, provisoire,
peuvent devenir problématiques, voire vitales, dès lors qu’elles touchent des
personnes souffrant d’un handicap, ainsi que, naturellement, les personnes
âgées et, parmi elles, les résidents d’Ehpad qui paient, depuis le début, un si
lourd tribut à la maladie, et sur lesquelles, à l’initiative de Roger-Pol Droit,
certains d’entre nous avions attiré l’attention des pouvoirs publics, avant
même que nous ayons à comptabiliser autant de victimes 1. Ainsi, j’ai
encore en mémoire la réaction d’un sourd faisant observer que le port du
masque allait considérablement aggraver son quotidien, habitué qu’il était à
lire sur les lèvres. Mais que dire, bien sûr, des patients et soignants en
Ehpad, pour qui la pratique quotidienne des soins à donner et à recevoir
implique un contact tactile immédiat : comment se redresser dans son lit, se
lever, se laver, tenir son verre, sans s’appuyer sur les gestes d’une personne
aidante ? Comment dès lors se protéger et protéger l’autre ? Foin de
proxémique subtile ici et de « niveaux » de distanciation (intime,
personnelle, sociale, publique, pour reprendre les quatre niveaux distingués
par Hall). La notion même de distance physique plus ou moins bonne,
bientôt mesurée au centimètre près, n’a plus de sens. Quant au noli me
tangere, il fait un peu figure d’exhortation à la délicatesse réservée pour
l’essentiel aux bien-portants. Comment encore continuer à vivre, ou
simplement survivre – puisque cela, on ne le sait que trop, aura duré un
certain temps – sans qu’il soit possible d’avoir un contact autre que virtuel
avec l’entourage intime et familial, sans voir sourire ses proches, sans
éprouver la chaleur de leurs baisers ou de leurs caresses ?
Sans doute est-ce cette accumulation de pertes de contact, du toucher
physique aux contacts humains en tout genre, rendus désormais impossibles
du fait des mesures sanitaires, y compris jusqu’à leur dernier « souffle »,
pour les personnes qui, bien trop nombreuses, auront dû, seules, affronter la
mort, c’est cela, qui, je crois, rend ce moment particulièrement
insupportable et sur lequel il nous faut réfléchir et tenter d’apporter
quelques réponses, a fortiori, si la situation devait se prolonger.
Or s’agissant du toucher, on sait toute l’importance, pour la constitution
de soi 2, mais pas seulement, de celui-ci parmi les autres sens. Platon,
Aristote n’ont eu de cesse de le rappeler, et à leur suite, Pierre de Jean Olivi,
Thomas d’Aquin, Descartes, Berkeley, et tant d’autres. En effet, de tous les
sens, le toucher est, semble-t-il, le seul qui fasse connaître et l’objet
extérieur à l’origine de la sensation et l’impression sensible qui y
correspond : quand on touche la pointe d’une aiguille, on découvre dans le
même temps qu’elle est pointue (propriété objective) et que l’aiguille pique
(sous le coup de la douleur subjective que l’on ressent). Le toucher ne
donne sans doute pas une connaissance pleine de l’âme, mais il donne à
chacun, par un sentiment réflexif immédiat ou intime, la certitude de son
existence 3. Il donne aussi la certitude de la réalité environnante. C’est cette
bipolarité subjective et objective du toucher qui semble le distinguer de tous
les autres sens. D’où la confiance aveugle, d’ailleurs, que nous lui
accordons. Ne sont réels que les objets palpables, ceux que nous tenons en
main. On exige des preuves « tangibles », on demande à être pincé pour être
sûr de ne pas rêver. Se cogner contre un réverbère ôte tout doute à
l’idéaliste, comme le notait Berkeley si attentif à souligner, dans sa
Nouvelle Théorie de la vision, la prééminence des idées tactiles (plus
stables, plus directement liées aussi à nos sensations de plaisir et de peine,
et plus informatives) sur les idées visuelles. Le toucher, dira à sa suite
Condillac, dans son Traité des sensations est « le seul sens qui juge par lui-
même des objets extérieurs ». De même Buffon dans son Histoire naturelle,
ou Kant qui rappellera dans son Anthropologie d’un point de vue
pragmatique que « ce sens est le seul qui contribue à la perception externe
immédiate », ce pourquoi « il est aussi le plus important et celui qui nous
apporte les enseignements les plus sûrs. » Dans la même veine, Maine de
Biran verra dans le toucher « les signes de la langue mère ou primitive, au
moyen de laquelle une nature extérieure s’annonce ou se fait entendre ». On
trouverait dans la philosophie contemporaine maintes traces de cette
croyance en une plus grande objectivité du toucher. La vue est peut-être
plus détaillée et précise, mais elle échoue à se saisir des choses. C’est le
toucher, et non la vue, qui apparaît comme le critère naturel de la réalité
physique. Le plus fiable de tous, il exerce cette pression nécessaire à notre
connaissance de l’indépendance existentielle du monde par rapport à nous 4.
Ce diagnostic étant posé, que suggérer pour améliorer, dès que possible,
les choses ?
D’abord, comme on l’a dit, le contact, c’est le lien : Dieu merci, le droit
de visite est désormais rétabli, et sur ce plan, même si cela se passe derrière
une vitre, ou en respectant les gestes barrière, l’essentiel est sauf : après
tout, le langage reste possible, avec les richesses inépuisables qu’il autorise
non seulement pour la conversation et la communication, mais aussi pour
les infinies navigations à travers tout le spectre symbolique. Auxquelles il
convient d’ajouter celles que permettent les variations de l’espace plus
largement sémiotique, avec toute sa gamme de signes et d’interprétants,
affectifs, dynamiques, énergétiques, cette « sémiotique perceptive », si
subtilement déclinée chez les Anciens, au Moyen Âge, à l’époque moderne,
et encore aujourd’hui, sous l’impulsion des analyses aussi originales que
fécondes menées par un Charles Sanders Peirce. Il serait urgent d’explorer
plus avant cette sémiotique, pour mieux ancrer notre rapport au monde, ce
rapport dont les récents tournants (linguistique, puis cognitif notamment)
ont contribué à faire oublier que s’il passe certes par notre esprit, c’est par
un esprit qui perçoit et qui agit au moins autant qu’il ne représente 5.
Toutefois, sur ce plan, la personne âgée se trouve, ni plus ni moins sans
doute que tout un chacun, confrontée à l’apprentissage d’une nouvelle
socialité, sinon sans corps, du moins à distance, protégée par des écrans,
mais dont il est trop tôt pour dire si elle imposera vraiment de nouvelles
règles de civilité ou se traduira simplement par la redécouverte d’usages
anciens dont on a peut-être un peu vite oublié qu’ils pouvaient être
vertueux. Il n’empêche : on sait, notamment depuis les travaux de John
Bowlby, l’importance de la sécurité affective, de la tendresse et des
caresses, et plus particulièrement à certains âges de la vie ; ce pourquoi il
est fondamental d’exiger à tout le moins, pour les personnes âgées, les
visites, si nécessaires pour le respect des « attachements ».
Mais il importe aussi de rappeler à quel point, dans l’espace sensible
lui-même, on doit veiller à maintenir la qualité du toucher. Pour les raisons
que j’ai évoquées, et que la tradition spiritualiste et phénoménologique
française, comme l’avait rappelé Jacques Derrida dans son livre sur Le
Toucher consacré à Jean-Luc Nancy 6, de Condillac à Bergson, en passant
par Maine de Biran, Ravaisson, Husserl, Merleau-Ponty, ou Levinas a
élégamment magnifiées, mais aussi pour d’autres raisons, moins
métaphoriques, sur lesquelles les travaux récents menés notamment sur la
neurophysiologie de l’action, sur le mouvement, sur la proprioception,
comme ceux du regretté Marc Jeannerod (relisons Le Cerveau volontaire 7)
ont permis d’apporter un éclairage encore insuffisamment exploité. Sans
doute le toucher se définit-il par la relation privilégiée qu’il entretient avec
notre corps, soit en vertu d’une conscience préalable de ce corps qui nous
fait percevoir tactilement le monde extérieur, soit en vertu d’une heureuse
congruence spatiale entre les objets de notre conscience corporelle et notre
perception tactile. Mais l’on ne saurait trop sous-estimer la valeur
également sensori-motrice, active et intentionnelle (avec ses sensibles
propres et primaires) et donc proprement cognitive de cette modalité à bien
des égards « impalpable » qu’est le toucher, laquelle ne se résume
certainement pas au contact physique avec tel ou tel organe ni avec une
peau nue 8.
Enfin, je voudrais terminer en rappelant deux choses que notait déjà
Aristote dans le Traité de l’âme. La première est que, à la différence de la
vue, de l’ouïe, ou de l’odorat (également malmené par la Covid-19), « le
goût, lui aussi, se présente comme une sorte de toucher, parce qu’il porte
sur la nourriture ». Or « la nourriture, c’est le corps qu’on peut toucher. Le
son, en revanche, la couleur et l’odeur ne servent pas de nourriture et ne
produisent ni croissance ni dépérissement. Par conséquent, le goût constitue
nécessairement une sorte de toucher, parce qu’il est la sensation du tangible
qui peut faire office d’aliment » (434a). Tandis que les autres sens ont pour
but « le bien être », sans le respect du toucher, il sera impossible à l’animal
9
d’assurer sa conservation . Ce pourquoi, apporter tout son soin aux aliments
servis est nécessaire et non superflu. En second lieu, « sans le toucher, il est
exclu que l’animal possède aucun autre sens, puisque tout corps a la faculté
de tact, s’il est animé » (435a). À quoi il faut ajouter qu’il représente
comme « un équilibre de toutes les qualités tactiles », ce pourquoi – et cela
vaut tout particulièrement en situation de fragilité et de vulnérabilité,
comme l’est, sur tant de plans, le grand âge – « l’excès de tout sensible »
supprimant l’organe sensoriel, « l’excès d’intensité des tangibles ne détruit
pas seulement l’organe sensoriel, mais aussi l’animal, parce que c’est
l’unique sens qu’il soit nécessaire aux animaux de posséder », et que c’est
donc par lui que « se trouve définie la vie ».
Nous devons en permanence nous en souvenir.
III
À LA RECHERCHE DE SOLUTIONS
Dresser le constat des problèmes n’est qu’un point de départ.
Indispensable, mais insuffisant. Car le diagnostic n’est rien sans le remède.
Aux questions multiples que soulèvent les témoignages et analyses qui
précèdent, il est temps de chercher des réponses. Elles ne seront
évidemment ni intégrales ni définitives. Mais il s’agit d’ouvrir des pistes, de
frayer des voies pour agir autrement après avoir pensé différemment.
C’est ainsi que la philosophe Corine Pelluchon, qui a particulièrement
élaboré ces questions au cours de ses premiers ouvrages, propose de
réexaminer la notion d’autonomie pour permettre, en la comprenant plus
finement, de mieux l’adapter aux situations réelles de vulnérabilité et de
dépendance. Elle préconise alors d’« aller chercher » en chaque personne
les capacités disponibles selon les circonstances pour améliorer les
échanges et communications, au lieu de les considérer comme impossibles
ou rompus, comme on le croit souvent trop vite.
C’est sur un autre aspect, celui de l’angoisse spécifique engendrée par le
« compte à rebours » de la mort annoncée, que se penche le philosophe
Frédéric Worms. Cette souffrance temporelle n’est pourtant pas
irrémédiable, car il arrive, pour peu que l’environnement s’y prête, que l’on
accède encore à certains de ces moments « hors du temps » où l’approche
de la fin, bien qu’elle ne soit pas oubliée, est mise de côté et cesse de faire
souffrir. Encore faut-il que les institutions et établissements offrent la
possibilité de laisser éclore ces instants précieux.
Grande spécialiste des relations avec les personnes atteintes la maladie
d’Alzheimer, la psychiatre Véronique Lefebvre des Noëttes insiste pour sa
part sur les manières les plus favorables d’écouter, de dialoguer, de faire rire
aussi et de rétablir ainsi, malgré les masques et la Covid-19, une
communication que l’on jugeait perdue et qui se révèle finalement présente,
et peut-être plus facile qu’on ne se l’imagine, à condition de ne pas négliger
les petits faits, les moindres gestes, ni l’humour et la poésie.
Les solutions sont aussi juridiques, sociales et politiques, à condition
que ce soit l’éthique qui les inspire. Ce n’est donc pas uniquement du côté
des philosophes et des médecins qu’il convient de se tourner pour en
esquisser. C’est pourquoi Alain Cordier, ancien directeur de l’Assistance
publique, ancien vice-président du Comité consultatif national d’éthique et
membre du Collège de la Haute autorité de santé, préconise-t-il une série de
réflexions et de mesure pour tenir ensemble les différentes dimensions de
l’autonomie et de la dépendance.
Médecine, éthique et réflexion personnelle sont également au cœur des
paroles prononcées par Axel Kahn, actuellement président de la Ligue
contre le cancer, au cours des travaux conduits par Partage & Vie. Il insiste,
à juste titre, sur l’objectif crucial de préserver la vie dans sa plénitude au
sein même des restrictions imposées par l’âge et la vie en Ehpad. Bien qu’il
ait été rédigé avant la crise de la Covid, ce texte conserve une pleine
actualité.
Enfermement et vulnérabilité
Corine Pelluchon
LES CAPABILITÉS
Questionnement éthique
L’in-quiétude éthique laisse entrevoir que la vulnérabilité est ce qui
2
constitue l’autonomie en autonomie humaine .
Bien sûr, il ne s’agit pas, jamais, de pâtir sans agir. La souffrance et
l’autonomie réduite, qui enferment dans l’être-là du corps, appellent une
lutte sans merci avec l’espérance de vivre ou de vivre mieux. Il n’y a pas de
vie plus farouchement attachée à la vie que celle qui doit vaincre les
postures douloureuses, les gênes respiratoires, le quotidien compliqué…
L’autonomie altérée et la souffrance sont une rupture existentielle qui
subvertit absolument tout ordre établi. L’audace est d’essayer de percevoir
aussi dans l’im-maîtrisable que sont toutes formes de blessures
scandaleuses et béantes, dans cet impossible du possible, un sens qui ne se
réduit pas au néant. Car une vie humaine ne saurait se limiter à ce qui est
performant, à ce qui se veut supérieur, à ce qui est possible. Il s’agit de
chercher à découvrir aussi le sens de l’humain en comprenant que le faible
s’impose au fort. Tout engagement dans le soin et le prendre soin est le lieu
d’humanité par excellence parce que l’homme couché y oblige l’homme
debout.
Notre réflexion ne peut pas faire l’impasse de l’exigence de fraternité.
L’avenir de l’humanité ne se résume pas à l’affirmation sans limite d’une
liberté individuelle, en oubliant que la personne humaine ne vit et ne
s’invente que reliée à autrui et dépendante d’autrui.
L’ambition n’est pas de faire de l’autonomie une norme valorisée qui
peut se transformer, par moments, en une injonction normative
potentiellement violente pour les personnes. Il est aussi d’autres manières
de faire citoyenneté ensemble que nous avons à faire exister et valoriser.
C’est dans la responsabilité d’autrui que s’assume le subjectif énonce
Emmanuel Levinas. Autre manière de signifier le caractère décisif de notre
réponse au défi posé parce qu’elle dira le visage de notre société.
Il s’agit peut-être moins d’inclusion, qui réduit l’altérité, que de non-
exclusion. Nous ne ferons société que si nous savons recevoir tout ce
qu’une personne en situation d’autonomie altérée nous apporte.
Comme une invitation à chercher le sens de l’humain dans
l’impossibilité de passer son chemin en détournant son regard lorsqu’il
s’agit de solitude, de souffrance, de fragilité extrême. Une invitation à
détourner son pas vers celui qui appelle et qui nous oblige. C’est l’intuition
lévinassienne décisive qui veut que seul un moi vulnérable est capable
d’aimer.
J’aime à penser qu’il est possible d’entrevoir la merveille d’une telle
promesse lorsqu’une main s’offre en réponse à l’appel le plus mystérieux
d’un corps déchiré, ou lorsque le cri qui monte d’un handicap toujours
scandaleux bouleverse les certitudes suffisantes au point de faire surgir
l’impératif de la fraternité. Je me dis que c’est assurément là que doit se
chercher le visage de notre humanité toujours à construire. Et je sais, pour
l’avoir rencontré, que ce visage se trouve déjà en chaque professionnel et en
chaque aidant familial engagés dans l’accompagnement d’une personne en
rupture d’autonomie. C’est dans cette réalité d’humanité que se rencontre, à
mes yeux, le plus vrai signe d’espérance.
Éthique de la vie en Ehpad
Axel Kahn
Deux vers du poème Le Cimetière des fous, écris par Paul Éluard
en 1943 à l’« asile d’aliénés » de Saint-Alban-de-Limagnole, en Lozère.
L’anonymat de la mort des personnes internées, mises en terre sans nom,
achevait pour le poète l’entreprise de déshumanisation en laquelle consistait
alors l’internement. Cette pensée essentielle, l’un des préludes à la
révolution historique à Saint-Alban de la « psychothérapie institutionnelle »
et de la réhabilitation de l’humanité des personnes souffrant de désordres
psychiatriques, vaut pour les Ehpad.
Ne pas organiser le deuil des personnes défuntes, priver ceux qui les ont
côtoyées de la manifestation de leur peine, c’est signifier le peu de valeur
qu’elles avaient de leur vivant. Le peu de valeur des autres pensionnaires
encore présents que l’on escamotera de la même manière, en catimini,
lorsqu’elles ne seront plus. C’est là une violence extrême, la ritualisation de
la mort est toujours un hymne à la valeur de la vie, à l’importance de l’être
dont la disparition est un événement toujours considérable et triste.
La plus essentielle des visions éthiques d’un Ehpad est au total celle
d’un « lieu de vie » ardente où, malgré le poids du temps et de ses stigmates
sur les corps et dans les esprits, tout est mis en œuvre pour magnifier la
grandeur de l’être.
15 décembre 2019
IV
DU VIEILLISSEMENT
ET DE LA RÉSILIENCE
Aucune des interrogations qui nous occupent n’existerait, cela va de soi,
si nous ne vieillissions pas. Le vieillissement est la seule cause, à la fois
unique et multiforme, des questions que l’on voit se succéder. Encore faut-il
savoir de quoi il s’agit. Ce n’est pas si simple qu’on pourrait le penser. En
effet, dès qu’on demande en quoi consiste exactement le vieillissement, il
semble qu’on se retrouve dans la situation que décrit Augustin par rapport
au temps : quand on ne nous demande pas ce que c’est, nous le savons, et
dès qu’on nous le demande, nous ne le savons plus.
Heureusement, Yves Agid n’en reste pas là et parvient en peu de mots à
dire de manière claire et précise beaucoup de choses qui valent d’être
retenues et méditées. Sur le rôle central du cerveau dans le vieillissement,
sur les pathologies qui l’affectent, mais aussi sur son déclin naturel comme
sur les moyens de le retarder, il expose, en huit questions, ce que lui a
enseigné son itinéraire. Chef de service à la Salpêtrière, spécialiste de la
maladie de Parkinson, ancien membre du Comité consultatif national
d’éthique, Yves Agid est également cofondateur de l’Institut du cerveau et
de la moelle épinière (ICM), qui est actuellement l’un des tout premiers
centres mondiaux de recherche.
Boris Cyrulnik, neuropsychiatre, écrivain, auteur de nombreux ouvrages
et de plusieurs titres à grand succès, est connu pour avoir approfondi et
appliqué la notion de résilience, en l’adaptant à de multiples situations
concrètes. La question de la résilience au temps de la vieillesse est toutefois
particulière et relativement peu étudiée, car elle soulève des problèmes
particulièrement délicats de rapport à la mémoire comme à la perception du
temps. C’est pourquoi l’éclairage inédit qu’apporte ici Boris Cyrulnik se
révèle particulièrement précieux.
Qu’est-ce que vieillir ? Huit questions
importantes pour comprendre
le vieillissement
Yves Agid
La plupart des gens croient savoir ce que c’est que vieillir, chacun a son
idée. Pourtant comment connaître son propre vécu de la vieillesse puisqu’on
n’a jamais essayé ? Comme on vit beaucoup plus âgé aujourd’hui qu’hier,
comment savoir ce que sera le vieillissement de demain ?
Le vieillissement, c’est un « embouteillage de déficits » comme disait
Régis Debray. C’est la « diminution des fonctions de l’organisme avec le
passage du temps qui se traduit par une modification des organes du
corps ». Le vieillissement fait donc peur, raison de plus pour ne pas y
penser, d’autant que l’idée de vieillir est associée à la possibilité
d’affections « liées » au vieillissement, dont les maladies
neurodégénératives, et à la mort.
Ces quelques lignes ont pour but de démythifier les poncifs du type
« vieillir, c’est un naufrage » et d’aller contre quelques idées reçues en se
fondant sur ce qu’on sait de la science du vieillissement.
On prend de l’âge, est-ce à dire qu’on devient
vieux ?
Avant notre ère, l’espérance de vie ne dépassait guère 40 ans.
Aujourd’hui, l’espérance de vie d’un homme est d’environ 80 ans, celle
d’une femme de 85 ans. La raison en est, non pas que la longévité humaine
a augmenté mais que les progrès de la médecine font que les maladies sont
éradiquées aux âges extrêmes de la vie. Contrairement aux idées reçues, la
longévité humaine ne dépassera pas 110 ans, sauf rares exceptions. C’est,
du reste, le cas de tous les animaux dont la longévité va de quelques
minutes (les bactéries) à plusieurs siècles (le mollusque bivalve de l’espèce
Artica Islandica qui aurait vécu 507 ans).
D’où la proportion croissante de personnes très âgées, qui pose
aujourd’hui, et surtout pour l’avenir, des questions majeures de santé
publique. Il s’agit de tous les individus qui ont échappé aux maladies « liées
à l’âge », les unes non neurologiques (arthrose, hypertension artérielle,
diabète, insuffisance coronarienne, traumatismes, etc.), qui bénéficient de
traitement de plus en plus efficaces, les autres neurologiques (accidents
vasculaires cérébraux, maladies neurodégénératives, troubles de la marche
et chutes, dépression, perte d’acuité des organes des sens, incontinence
urinaire) avec des prises en charge qui restent, malheureusement,
essentiellement palliatives.
Références
Y. Agid, Je m’amuse à vieillir. Le cerveau maître du temps, Paris, Odile
Jacob, 2020.
S. de Beauvoir, La Vieillesse, Paris, Gallimard, 1998.
S. N. Burke, C. A. Barnes, « Neural Plasticity in the Ageing Brain »,
Nature Reviews. Neuroscience, 2006, vol. 7, no 1, p. 30-40.
Ch. Hei-man, K. Herrup, « Genomic Integrity and the Ageing Brain »,
Nature Reviews. Neuroscience, 2015, vol. 16, no 11, p. 672-684.
R. Debray, Le Plan vermeil : Modeste proposition, Paris, Gallimard, 2004.
Ch. Duyckaerts, B. Delatour, M.-Cl. Potier, « Classification and Basic
Pathology of Alzheimer Disease », Acta Neuropathologica, 2009,
o
vol. 118, n 1, p. 5-36.
D. H. Powell, D. K. Whitla, Profiles in Cognitive Aging, Cambridge,
Harvard University Press, 2014.
L. Robert, Les Secrets de la longévité, Paris, Louis Audibert Éditions, 2006.
M. Yeoman, Gr. Scutt, R. Faragher, « Insights into CNS Ageing from
Animal Models of Senescence », Nature Reviews. Neuroscience, 2012,
vol. 13, no 6, p. 435-445.
La résilience au cours de la vieillesse
Boris Cyrulnik
L’attachement âgé
Ce qui caractérise l’attachement âgé, c’est qu’il est associé à la perte et
à l’optimisation. La perte des capacités physiques est un deuil qui est
compensé par un modèle opératoire interne, enrichi par une longue histoire
de vie. Quand cette représentation de soi peut être partagée avec des
proches et quand les stéréotypes culturels ne font pas taire les âgés, le récit
prend l’effet d’un puissant facteur de protection 2). Quand le malheur arrive,
on peut mieux l’affronter. Ce coping est synchronique puisqu’il s’agit
d’affronter le malheur dans le temps présent, avec ce qui est en nous et ce
qui est autour de nous. Alors que la résilience sera diachronique quand il
faudra, après le coup, faire quelque chose de sa blessure, utiliser la mémoire
du malheur pour en faire une réflexion, une œuvre d’art, un partage
d’expérience ou un récit offert à ceux qu’on aime. Encore faudra-t-il que
notre entourage ne nous fasse pas taire et que la culture crée des lieux de
paroles. Les fêtes familiales, les rituels sociaux ou religieux, les romans, les
films ou les comédiens sont nos porte-parole. Ils offrent aux âgés des
occasions de s’exprimer et de remanier la représentation de leur passé (« …
de mon temps, c’était difficile, comme ce que vous avez vu dans ce beau
film qui vous a tant ému… »).
L’élaboration de la mémoire, même quand elle est encore douloureuse,
est un facteur de résilience, à condition que le récit parvienne à remanier la
représentation du passé en l’adressant à un proche 3. Quand le sujet n’y
parvient pas, la rumination, la répétition mentale, l’absence d’évolution de
la mémoire aggravent la douleur du retour intrusif des images et mènent au
syndrome psychotraumatique. Cette manière de poser le problème distingue
le coping où le sujet se cogne au réel contextuel alors que, la résilience,
c’est le remaniement de la représentation du réel passé.
Résilience impossible
L’adaptation fréquente après un trauma, c’est le déni (« c’est fini tout
ça, parlons d’autres choses »). Ce mécanisme de défense protège de la
souffrance mais empêche le travail de résilience. C’est pourquoi quand chez
l’âgé, la mémoire de travail s’altère (« où ai-je mis mes lunettes ? »), la
mémoire traumatique imprégnée par l’effroi resurgit « comme si ça venait
d’arriver ». La mémoire du syndrome psychotraumatique est trop rigide
pour aider à la symbolisation du malheur. Un travail de résilience aurait
utilisé la mémoire du malheur pour en faire une réflexion philosophique,
artistique ou sociale. Quand un événement tragique est « mis là pour »
représenter quelque chose qui n’est pas là (définition du symbole), la
connotation affective de l’événement malheureux se transforme et la
représentation évolue vers le plaisir de comprendre.
Quand le travail de résilience n’a pas pu se faire et quand la mémoire
âgée efface les souvenirs récents, ce processus libère la mémoire implicite.
On voit alors resurgir le trauma passé qui a été enfoui mais non résolu. Cet
effet palimpseste, où le premier texte écrit sur un parchemin persiste, alors
que s’effacent les textes suivants, caractérise la mémoire des âgés que l’on
n’a pas aidés à résoudre leur trauma.
Le trauma devient une nouvelle source de mémoire comme « le jour où
j’ai écrit ma première poésie sur le malheur d’être à Auschwitz », disait
Charlotte Delbo. Quand le trauma non résolu demeure enfoui grâce au déni,
l’effacement de la mémoire de travail de l’âgé, libère cette mémoire
15
implicite qui fait retour, à la surprise de tout le monde .
C’est ainsi qu’un nombre d’âgés retrouvent l’attachement au Dieu de
leur enfance. Quand ils avaient aimé Dieu de manière intense, ils croyaient
s’en être détachés pendant leur vie adulte, et cette empreinte affective
resurgit quand meurent leurs amis et quand ils pensent qu’ils vont à leur
16
tour affronter le réel de la mort . Mais quand leur attachement à Dieu était
sécure, souple et variable, cette manière de se sécuriser à Dieu resurgit dans
leur vieillesse. Primo Levi écrit : « Depuis lors, à une heure incertaine, cette
souffrance leur revient. Et si, pour l’écouter, il ne trouve personne, dans sa
poitrine le cœur lui brûle. Il revoit le visage de ses compagnons livides au
point du jour. » Cet effet palimpseste de la mémoire a donc une composante
biologique (l’empreinte) et une composante relationnelle (un malheur à
élaborer, un récit à partager, un souvenir à remanier).
La composante biologique s’observe aisément lors de l’aphasie des
polyglottes. La première langue, la plus facilement acquise entre le 20e et le
e
30 mois, est celle qui, lors des démences, persiste le plus longtemps. Il
n’est pas rare de voir un malade oublier la langue dans laquelle il a passé
toute sa vie, alors qu’il maîtrise encore sa langue maternelle qu’il croyait
avoir oubliée. Elle resurgit quand s’efface sa langue d’immigration.
La composante relationnelle de cet effet palimpseste s’observe quand,
en psychothérapie, un patient s’étonne de réveiller le souvenir de son
trauma dans ses cauchemars lorsqu’il est isolé, alors que lorsque sa famille
est réunie, le souvenir du trauma ne revient pas dans son monde mental.
La convergence de ces différentes sources de mémoire s’observe quand
il y a une cascade de traumas. Les survivants de la Shoah qui se sont
réfugiés en Israël supportent très mal les guerres répétées, alors que les
Sabras, nés dans ce pays n’ont que des souvenirs de victoires et ne sont pas
17
angoissés par ces conflits incessants .
Lors des éruptions répétées du Vésuve, les habitants qui ont été
soutenus lors des écoulements de lave précédents font très peu de
syndromes psychotraumatiques lors des nouvelles explosions, alors que
ceux qui ont été abandonnés ou rendus passifs par une aide administrative
dépersonnalisante fournissent un grand nombre de traumatisés.
Finalement, les travaux sur la résilience des âgés confirment que
l’attachement dure tant que dure la vie. Il prend des formes différentes selon
l’âge du sujet, son contexte familial et culturel, mais son effet tranquillisant
reste nécessaire.
Anticipation du passé
Chez les âgés le travail de résilience porte essentiellement sur l’avenir
du passé. Cette expression n’est pas une figure de rhétorique puisque l’âgé
va chercher dans son passé (il anticipe) une mémoire épisodique et
sémantique qu’il agence pour l’adresser à quelqu’un (il anticipe encore une
fois). Tant que ces facteurs de résilience, de remaniement de la mémoire et
de partage affectif peuvent fonctionner, l’âgé est protégé de la souffrance de
vivre (coping) et de la reviviscence du malheur passé (effet palimpseste).
Mais quand il a acquis préverbalement, un facteur de vulnérabilité
neuro-émotionnelle, et quand l’isolement affectif contextuel déchaîne cette
mémoire, l’âgé est à nouveau soumis au malheur passé, enfoui, non
maîtrisé. Le palimpseste de la mémoire resurgit et le fait souffrir comme si
ça venait d’arriver.
Conclusion
Un savoir morcelé ne peut pas rendre compte d’un tel processus. C’est
une équipe pluridisciplinaire qui peut tenter de comprendre, de prévenir et
de soigner la souffrance psychique des âgés.
Les travaux sur la résilience âgée sont encore peu nombreux mais,
quand une relation affective et sensée est possible, les praticiens constatent
18
une nette amélioration du confort mental de l’âgé .
V
L’idée qu’il y aurait un âge pour mourir est paradoxale. La mort est un
fait, tandis que l’âge où l’on pourrait mourir est aussi un sentiment de soi
qui résulte de l’appréciation complexe que chacun fait de son état physique
et psychique. Il existe à l’évidence un lien entre les deux, mais qui est établi
de façon statistique – par exemple : l’âge moyen auquel on meurt ou la
probabilité qu’on a de mourir quand on a dépassé 80 ans –, tandis que
chaque individu reste libre de définir ce lien pour lui-même.
Au cours du dramatique printemps de 2020, j’ai entendu à maintes
reprises suggérer qu’il y aurait un âge pour mourir ou, dit plus crûment,
qu’il n’était ni surprenant ni tragique de voir mourir une personne âgée. Or,
constater que les vieilles personnes sont, en temps ordinaires, beaucoup
plus nombreuses à mourir est une chose. Mais faire de l’âge un élément
décisif, voire l’unique élément, à prendre en compte lorsqu’en temps
d’épidémie et de rareté des ressources médicales on est contraint de décider
qui doit vivre et qui peut mourir en est une autre, bien différente.
Dans le récit de l’épidémie qui ravagea à Athènes à la fin du Ve siècle
avant l’ère chrétienne, au terme de la première année de la guerre du
Péloponnèse, l’historien grec Thucydide s’attachait à décrire non seulement
le cours de la maladie mais aussi ses conséquences morales : la confusion
des valeurs, la poursuite haletante des jouissances rapides, l’affaiblissement
progressif des normes humaines et l’incapacité de se soucier des
conséquences de ses actes alors qu’on se croit condamné à court terme.
Il arrive souvent dans des circonstances de crise que l’on observe un
affolement moral comparable à celui que décrit Thucydide. Ce fut le cas
lors de la phase aiguë de la crise sanitaire, économique, sociale et aussi
culturelle, provoquée par l’épidémie de la Covid-19. Comme si nous avions
été étourdis par la gravité des dilemmes auxquels nous faisions face :
dilemme entre des privations de liberté d’une ampleur rarement vue en
France (plus de liberté d’aller et de venir de façon anonyme, plus de liberté
d’exercer son activité) et la nécessité de se protéger de la maladie ; dilemme
entre l’injonction faite à la plupart de se confiner et les pressions adressées
à certains pour qu’ils continuent à travailler ; dilemme entre la
recommandation de se protéger et l’obligation d’une prise de risque
maximale pour ceux qui devaient assurer la poursuite des « activités
indispensables » (les soignants, les responsables de l’approvisionnement) et
qui n’avaient pas toujours les moyens de se protéger ; enfin dilemme de
décider qui doit vivre et qui laisser mourir et à quel âge. C’est de ce dernier
point que je voudrais parler.
L’âgisme sociétal
« Dans notre société, le vieillissement est conçu, vu et vécu comme un
processus disqualifiant. Tout se passe comme si l’aîné était méconnu,
invisible ou considéré comme un objet d’assistance, de commisération,
voire comme un parasite, comme s’il devenait un sous-adulte » (Professeur
Philippe Gutton, président de Old’Up).
Si la décision de prolonger le confinement des plus de 65 ans a
finalement été écartée en raison de son caractère discriminatoire, elle a
cependant réactivé toutes les représentations négatives sur la vieillesse et le
grand âge.
Il y a quelques années, j’avais cosigné avec Pascal Champvert une
tribune intitulée « Va t-on enfin s’intéresser aux vieux ? ». C’était au
lendemain d’un vaste mouvement de grève qui avait réuni syndicats de
salariés, retraités, familles, directeurs d’établissements. Une mobilisation
inédite, car il ne s’agissait pas d’un simple débat technique mais d’un
mouvement sociétal, dont l’enjeu était la dignité. Dignité des âgés, dignité
de ceux qui prennent soin d’eux. Il s’agissait plus largement du regard que
notre société porte sur tout ce qui touche au vieillissement.
Ce que nous sommes en train de vivre avec l’épidémie de Covid-19
révèle le regard dévalorisant que notre société a porté jusqu’à maintenant
sur le secteur de la vieillesse. La dévalorisation des métiers du soin et de
l’accompagnement des personnes âgées, portés la plupart du temps par des
femmes, aux valeurs humanistes, mais qui s’épuisent quand les conditions
de leur travail ne leur permettent plus de les incarner. Nous disions, Pascal
Champvert et moi, dans cette tribune, que nous pensions que l’âgisme
ambiant était à la racine de ce désintérêt des pouvoirs publics pour les
Français vieillissants, une population qui se vit comme exclue et qui a honte
de l’être.
Il y a quelques années, l’OMS avait fortement attiré l’attention sur cette
discrimination par l’âge, qui conduit à dévaloriser les vieux et le
phénomène même du vieillissement. A-t-on conscience des stéréotypes
qu’on entretient inconsciemment à l’égard de l’avancée en âge ? L’impératif
est d’être toujours jeune, dynamique, performant. Et ceux qui
expérimentent les contre-valeurs de la société – la lenteur, la disponibilité,
l’inaction – ont le sentiment de n’être plus bons à rien.
Ce regard sur la vieillesse déficitaire a été accentué par le confinement,
et la volonté affichée d’exclure les plus âgés du déconfinement.
La mise à l’épreuve
Dominique Monneron
Nous avons voulu placer cet ouvrage sous le signe de l’épreuve, pensée
dans ses différentes acceptions.
L’épreuve qui permet de confronter au réel, à l’immaîtrisé, à la relation
à l’Autre, le travail de la pensée, la réflexion éthique dans notre cas. Cette
épreuve des faits, cette épreuve de la résistance et de la solidité des
principes que nous avons énoncés, la crise épidémique de la Covid-19 nous
y a confrontés brutalement, inopinément, mais fort heureusement au
moment même où nous avions achevé un premier cycle de nos travaux
éthiques
L’épreuve également comme moment difficile, comme expérience de la
souffrance, de l’effort qu’exige cette confrontation au réel. Face à la
brutalité de cette crise, nous avons éprouvé notre capacité de résistance au
choc, notre solidité collective, fondée justement sur un esprit commun qui
nous anime et dont l’approche éthique est certainement le principal ciment.
L’épreuve enfin comprise comme une initiation, comme un moment
traversé dont on ressort transformé. Éprouvé par la violence de ce qui a été
vécu, par la difficulté éprouvée à faire face aux multiples exigences de la
vie quotidienne, par les sentiments et les sensations parfois douloureuses
éprouvées à titre personnel ou en équipe. Mais après ces moments difficiles,
la perception également que nous avons progressé en compréhension de
notre action, en savoir-faire et en savoir-être, faisant de chacun d’entre nous
et de nos équipes des professionnels éprouvés, ayant gagné en sagesse, en
compétence et en expérience.
Chez Partage & Vie, nous luttons, au quotidien, pour rendre concret le
droit à une vie pleinement humaine de toute personne qui se trouve dans
une forme de dépendance liée à l’âge, à la maladie et au handicap.
Alors que nous achevons l’élaboration de notre plan stratégique 2020-
2025, les échanges avec les collaborateurs auxquels cette élaboration a
donné lieu nous ont convaincus qu’ils étaient en attente d’un surcroît de
sens à leur vie professionnelle.
Cette Déclaration expose donc les principes éthiques qui guident nos
actions, les moyens que nous mettons en œuvre, et ceux que nous
souhaitons amplifier, ou créer, pour faire vivre cette éthique chaque jour.
Elle constitue un point de départ, un premier cadre, pour le travail
de fond que nous voulons accomplir.
Préambule
Pourquoi cette déclaration ?
Parce que nous sommes fiers de notre mission. Car elle ne consiste
pas simplement à héberger, laver, nourrir, habiller des personnes qui ne
peuvent plus le faire elles-mêmes, ou à organiser et soutenir les aides
qu’elles peuvent recevoir à leur domicile. Notre mission intègre
évidemment ces gestes, mais elle est aussi plus vaste et plus essentielle,
puisqu’elle doit permettre aux personnes dépendantes, par tous les moyens
possibles, de mener une vie pleinement humaine au sein des conditions
physiques et psychologiques qui sont les leurs. Nous sommes fiers de cette
haute responsabilité, et nous souhaitons préciser les choix que nous
endossons pour l’assumer. Cette mission est quotidiennement notre métier.
Parce que nous sommes des professionnels du soin, et de
l’accompagnement. La Fondation Partage & Vie est une institution à but
non lucratif, reconnue d’utilité publique, mais ceux qui y travaillent le font
à titre professionnel. Des aides-soignant(e)s aux directrices et directeurs,
des cuisinier(e)s aux responsables hôteliers, des médecins aux
infirmiers(ères), tous, en remplissant notre mission, exercent leur métier. La
singularité de notre travail est donc de combiner les exigences
professionnelles – leurs normes strictes, leurs critères techniques – avec la
dimension humaine et affective qui est indispensable, car elle seule donne
du sens et permet de réussir.
Parce que le grand âge et les vulnérabilités qui l’accompagnent sont
encore mal connus de l’opinion, et qu’il faut attirer l’attention sur leur
existence au sein d’une société qui a tendance à ne pas les considérer
suffisamment. En effet, les priorités généralement accordées au rendement,
à la productivité, à la suractivité tendent à reléguer trop souvent les
personnes qui ne sont plus jugées pleinement utiles dans une marge
considérée comme négligeable. Globalement, la primauté accordée aux
« jeunes », réputés actifs et créatifs, a placé les « vieux », jugés
improductifs et dépassés, dans des zones d’ombre où ils deviennent
invisibles. Il faut donc faire savoir et faire comprendre que la part de vie du
grand âge existe, avec sa dignité, sa plénitude, avec ses capacités à
continuer d’apprendre et à transmettre, malgré des capacités parfois
altérées.
Parce que le nombre de personnes âgées dépendantes est destiné à
s’accroître dans des proportions conséquentes, au cours des temps à
venir. Le séjour de ces personnes à leur domicile peut et doit être souhaité
et facilité. Mais il est impossible de l’envisager pour la totalité d’entre elles,
pour des motifs à la fois médicaux, sociaux et économiques. Nous
considérons donc que le maintien et le développement des Ehpad et des
autres institutions spécialisées est une nécessité absolue, et qu’intensifier
leur humanisation constitue une tâche de première urgence.
Parce que l’opinion demeure mal informée voire hostile envers ces
institutions. Les scandales liés à des maltraitances, les abus liés à l’appât
du gain, les méfaits provoqués par la standardisation des soins et leur
accélération ont occupé le devant de la scène médiatique, surtout à propos
des Ehpad. Dérives et défauts doivent évidemment être dénoncés et
combattus, mais ils ne doivent pas masquer les vraies réussites, ni les vrais
problèmes, éthiques et pratiques, de la situation actuelle. Nous considérons
qu’une information complète et une réflexion collective sont devenues
aujourd’hui indispensables. Ce n’est qu’à ces conditions que des
améliorations concrètes peuvent s’approfondir et s’intensifier.
Parce que la mort a fini par devenir invisible, écartée de manière
systématique des représentations collectives et des méditations
individuelles, il nous semble important de rappeler que nous l’affrontons
chaque jour. Ce « nous » regroupe évidemment toutes celles et ceux qui
travaillent auprès des personnes de grand âge. Toutefois, si l’on y réfléchit,
rien qu’un instant, ce « nous » regroupe aussi tous les êtres humains.
L’oubli de la mort, en ce sens, est un oubli de l’humanité. Rappeler son
existence et son horizon constitue un devoir éthique.
Parce que nous considérons que l’éthique n’est pas simplement un
discours, un supplément d’âme, une décoration en trompe-l’œil. Notre
action impliquant avant tout une relation personnelle entre personnes
accompagnées et personnes accompagnantes, l’éthique constitue bien, en
permanence, le point de départ et le point d’ancrage de nos actions. Elle
définit le cadre, le climat, l’atmosphère dans lesquels s’inscrivent les gestes
et les décisions du quotidien. Il nous semble donc nécessaire de préciser le
plus clairement possible les principes qui nous guident et les options qui
sont les nôtres, tout en laissant leur place aux solutions diverses à élaborer
en fonction des situations particulières qui surgissent chaque jour.
Parce que nous sommes convaincus que l’éthique n’est pas un
dogme rigide et détaillé, mais plutôt un état d’esprit, de cœur et de
discernement permanent. Elle ne se prescrit pas comme un décret ou un
règlement (il en existe bien assez !), mais elle s’invente à plusieurs, au jour
le jour. En se parlant, en assumant collectivement des choix, parfois en
tâtonnant, parfois en se trompant, mais toujours en donnant priorité à
l’attention aux autres, tout en se guidant sur des choix et des critères
explicites.
Parce que rendre la vie plus éthique est la même chose, en fin de
compte, que la rendre plus humaine, plus pleine et plus vivante.
Pour toutes ces raisons, la Fondation Partage & Vie a élaboré et rédigé
la présente Déclaration.
Le texte s’est nourri des réflexions d’un groupe d’experts, de nombreux
consultations et échanges avec les membres de la Fondation Partage & Vie,
dans le cadre d’une mission conduite par le philosophe et écrivain Roger-
Pol Droit (voir annexe).
Conclusion :
Tout ce qui reste à construire
Partage & Vie, tout en ambitionnant de devenir à sa manière une
référence en matière de grand âge et de dépendance, n’ignore ni l’ampleur
de la tâche ni le fait que les progrès à accomplir dépendent aussi, pour une
grande part, de transformations au long cours qui concernent l’ensemble de
la société.
La principale condition de cette évolution réside dans une modification
des mentalités et des regards sur le grand âge, qui exige de concevoir
une éducation multiforme du grand public.
Et comment faire ?
D’abord, il faut bien voir quelle est notre situation. Nous sommes
des professionnels du soin et de l’accompagnement et nous travaillons
dans une Fondation, Partage & Vie, reconnue d’utilité publique, à but
non lucratif. Que nous soyons aides-soignant(e)s, directrices ou
directeurs, cuisinier(e)s ou responsables hôtelier(e)s, médecins ou
infirmier(e)s, nous exerçons tous notre métier.
Pourtant, nos activités professionnelles ne sont pas comme les
autres. Parce que nous devons, à chaque instant, assumer aussi toute la
dimension humaine de notre mission. Nous devons par exemple tenir
compte du caractère et du parcours de chaque personne que nous
accompagnons, de ses préférences et de ses émotions.
Quoi d’autre ?
Il faut encore que nous ayons tous ceci en tête : un être humain n’est
jamais anéanti par la diminution de ses capacités. Cette personne qui se
déplace difficilement, ou qui a du mal à parler, ou qui semble ne plus se
souvenir a toujours en elle des souvenirs, des émotions, des préférences,
des refus… Elle continue à ressentir, à penser, à éprouver désagrément
ou bien-être, plaisir ou peine, joie ou tristesse. Donc à vivre
humainement. Et elle a droit à ce que nous mettions tout en œuvre pour
faire en sorte que sa vie soit la plus pleine qu’il est possible.
Crise et discernement
Enfermement et vulnérabilité
IV - Du vieillissement et de la résilience
Qu'est-ce que vieillir ? Huit questions importantes pour comprendre le vieillissement
La mise à l'épreuve
Z-Access
https://wikipedia.org/wiki/Z-Library
ffi
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