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http://books.openedition.org
Édition imprimée
Date de publication : 17 mai 2019
ISBN : 9782111293779
Nombre de pages : 248
Référence électronique
MATYJASIK, Nicolas (dir.) ; GUENOUN, Marcel (dir.). En finir avec le New Public
Management. Nouvelle édition [en ligne]. Paris : Institut de la gestion publique et du
développement économique, 2019 (généré le 20 mai 2019). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/igpde/5756>. ISBN : 9782111294493. DOI : ERREUR PDO
dans /localdata/www-bin/Core/Core/Db/Db.class.php L.34 : SQLSTATE[HY000] [2002]
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NICOLAS MATYJASIK
Nicolas Matyjasik est politiste. Docteur en science politique, il
enseigne à Sciences Po Lille où il dirige le master of science MPP. Il est
conseiller de femmes et d’hommes politiques et a notamment
coordonné le programme d’un candidat à l’élection présidentielle de
2017. Ses travaux de recherche portent sur les nouvelles pratiques
démocratiques (budgets participatifs, construction collaborative des
politiques publiques, économie sociale et solidaire, etc.) et la
modernité dans l’action publique. Il élabore une déconstruction du
tournant néolibéral des administrations publiques, en analysant les
outils de management qui s’y propagent depuis les années 1980. Il a
déjà publié plusieurs livres sur la réforme de l’État dont 2056 : quel
État du futur ! aux éditions La Tengo, 2017.
MARCEL GUENOUN
Directeur de la recherche à l’Institut de la gestion publique et du
développement économique, chercheur associé au Centre d’Études et
de Recherches en Gestion d’Aix-Marseille, il travaille sur les
systèmes de pilotage et la relation de service dans les organisations
publiques. Il a récemment participé au programme européen COST
« local Reforms in Europe ». Ses publications récentes : « Les
démarches de réduction des coûts dans les collectivités territoriales
françaises : enjeux et état des lieux », article co-écrit avec François
Meyssonnier et Emil Turc, Politiques et Management public, vol. 32/3,
2015, pp. 265-283 et avec David Carassus, et Younès Samali « La
recherche d’économies dans les collectivités territoriales : quels
dispositifs pour quelles rationalités ? Plus de contrôle ou plus de
pilotage ? » dans Gestion et management public, 2017/2, vol. 5 / no 4,
pp. 9 à 39, https://www.cairn.info/revue-gestion-et-management-
public-2017-2-page-9.htm.
NOTE DE L’ÉDITEUR
Le présent ouvrage est issu des 13e Rencontres internationales de la
gestion publique organisées le 14 mai 2014 intitulées « En finir avec
le New Public Management. De nouvelles perspectives pour l’action ».
De nombreux intervenants, venus de différents pays, ont apporté
leur témoignage et leur contribution.
SOMMAIRE
La fin de l’histoire du NPM ?
Marcel Guenoun et Nicolas Matyjasik
Le NPM déconstruit
NICOLAS MATYJASIK
Nicolas Matyjasik est politiste. Docteur en science politique, il enseigne à Sciences Po Lille
où il dirige le master of science MPP. Il est conseiller de femmes et d’hommes politiques et a
notamment coordonné le programme d’un candidat à l’élection présidentielle de 2017. Ses
travaux de recherche portent sur les nouvelles pratiques démocratiques (budgets
participatifs, construction collaborative des politiques publiques, économie sociale et
solidaire, etc.) et la modernité dans l’action publique. Il élabore une déconstruction du
tournant néolibéral des administrations publiques, en analysant les outils de management
qui s’y propagent depuis les années 1980. Il a déjà publié plusieurs livres sur la réforme de
l’État dont 2056 : quel État du futur ! aux éditions La Tengo, 2017.
Néo-management et action
publique
Le rôle des institutions
internationales dans la diffusion
du New Public Management
Magdaléna Hadjiisky
L’international en contexte ?
18 La diffusion internationale du NPM conduit à s’interroger, on le voit,
sur les pratiques et les méthodes d’assistance des OI. La vague du
NPM a été concomitante avec la méthode « one best way »
d’assistance internationale et d’aide au développement, qui
considère qu’un « bon » instrument d’action publique est
universellement valide. Cette concordance possède une logique
intrinsèque. Le managérialisme, dont la tradition remonte à l’œuvre
pionnière de Frederick Winslow Taylor (le père du « management
scientifique » ou « taylorisme ») conçoit le « management » comme
une activité générique et instrumentale, valable dans toutes les
formes d’organisation 33 . Cette conception du « management » a pu
aisément concorder avec (ou faciliter le choix en faveur) des
méthodes d’assistance internationale peu regardantes sur la
diversité des contextes économiques, historiques et sociaux.
19 Pourtant, nombre d’analyses mettent l’accent depuis longtemps sur
les difficultés d’une approche globalisante des savoirs et techniques
de gouvernement. L’ambition affichée des comparaisons
internationales à visée méliorative est de dégager les « meilleures
pratiques ». Or, la question demeure : est-il possible de proposer des
solutions qui soient « les meilleures » pour tous ? Le fonctionnement
de l’État est-il une donnée universelle ? John-Mary Kauzya
représentait la branche « administration publique et gouvernance »
de l’ONU pendant l’atelier : il a tenu à insister sur la faute grave
ayant consisté à faire des préceptes du NPM des instruments
universellement valables. Comment en effet fonder un partenariat
public-privé qui soit bénéfique à toutes les parties, dans un contexte
où le secteur privé est marqué par sa fragilité vis-à-vis des
multinationales ou des pratiques clientélaires des élites dirigeantes ?
L’ONU tente de mettre en œuvre une méthodologie non
standardisée, dictée par la demande des pays.
20 Les retours d’expériences des réformes se revendiquant du NPM ont
mis en lumière certains de leurs effets non anticipés, mettant en
cause le coût réel final du changement (études, coûts directs et
indirects de réorganisation) ou encore les biais engendrés par
l’absence de fiabilité des indicateurs de pilotage. Ces analyses et
retours d’expérience ont influencé les productions de certaines OI,
qui, depuis les années 2000, explicitent une prise de distance à
l’égard du New Public Management. Mise en cause à la fin des
années 1990 en raison de la politisation de son expertise 34 , l’OCDE
dénonce désormais certaines des « dérives » du processus qu’elle a
contribué à alimenter, comme en atteste le rapport Uses and Abuses of
Governance Indicators, mettant en garde contre le manque de
transparence des indicateurs de bonne gouvernance. De même, la
BM a mis en place ce qu’elle nomme un « processus
d’apprentissage » après avoir constaté les échecs des politiques
d’ajustement structurel et officiellement rejeté le modèle de la
convergence universelle sur lequel s’appuyait jusqu’alors sa stratégie
35
. L’ONU, jusque-là marginalisée dans ce domaine, réinvestit, à
partir de la seconde moitié des années 1990, le domaine de la
réforme de l’État en tentant de relégitimer le vocabulaire de
l’« administration publique », par contraste avec celui du
« management » 36 . Depuis la crise financière de 2008, la critique de
la managérialisation de l’administration est également fondée sur un
intérêt renouvelé pour la valeur publique (public value) de
l’administration 37 .
21 Le tableau est donc sans doute plus complexe que celui proposé par
la thèse de la standardisation. Si les analyses en termes de
standardisation décrivent finement les pratiques de sélection, de
cadrage et d’editing liées à la production de contenus au sein des
administrations internationales 38 , elles tendent à sous-estimer
d’autres contraintes plus politiques liées à la nécessité de répondre
aussi aux attentes, diversifiées, des États membres – même si ces
dernières peuvent être partiellement orientées. Les demandes en
faveur d’evidence-based policies viennent aussi des gouvernements,
qui y voient un moyen de fonder et/ou de légitimer leurs choix
politiques. Les logiques des gouvernements et des OI se renforcent
donc souvent mutuellement pour privilégier les méthodes
quantitatives au détriment des approches qualitatives. Les
interactions sont constantes entre délégués des États, secrétariats
des OI, et autres acteurs internationaux impliqués dans un même
domaine d’action publique. Il nous semble de ce point de vue plus
réaliste de constater l’existence d’une tension irréductible entre
l’uniformisation nécessaire à la dissémination et la contextualisation
indispensable pour respecter la diversité des États membres et
accroître les chances d’une co-construction des réformes.
22 Même si elle se vérifie, la standardisation des discours, enfin,
n’équivaut pas à une uniformité équivalente des pratiques. Une
recommandation internationale identique, même techniquement
précise, peut avoir, on le sait, des usages diversifiés selon les
contextes et les acteurs qui s’en saisissent ou qui y sont soumis 39 .
De fait, nombre d’études comparées mettent en doute la probabilité
d’une convergence internationale 40 , en insistant en particulier sur
les usages faits et les sélections opérées par les acteurs locaux dans
les processus de transfert 41 . À la manière des « standards » dans la
musique jazz, les « guides de meilleures pratiques » peuvent être
réinterprétées en fonction des voix et des instruments localement
disponibles.
23 Par leurs contraintes de fonctionnement et leur vocation propres, les
OI sont-elles « condamnées » à favoriser une standardisation
internationale des solutions d’action publique ? Ou peuvent-elles
développer des méthodes soucieuses d’adaptation au contexte de la
population concernée ? Face à la production de solutions clés en
main en grande série (one-size fits all), certains favorisent le « sur-
mesure » (tailored-made). Certaines OI tentent de diversifier leurs
approches : ainsi, l’OCDE-GOV propose d’un côté des productions
standardisées facilitant la comparaison interétatique (par exemple,
l’ensemble d’indicateurs publiés tous les deux ans dans Government at
a glance) et, d’un autre côté, des analyses centrées spécifiquement
sur un pays ou un groupe de pays (Country reviews). Dans un
document interne faisant le bilan des public governance reviews, le
secrétariat de GOV insiste ainsi sur l’importance de tenir compte de
la diversité des États, titrant une sous-partie « one size does not fit
all », pour affirmer « public governance is highly context-sensitive » 42 .
De nos jours, des démarches différentes sont valorisées dans la
plupart des OI : l’empowerment censé « responsabiliser » les acteurs
locaux 43 et la co-construction, visant à faire correspondre
l’assistance internationale aux besoins et spécificités des contextes.
Réussit-on à adapter les solutions proposées aux contextes
nationaux voire locaux ? Ou s’agit-il de vœux pieux destinés à
légitimer l’action des OI après les critiques des années 1990 ?
24 Le programme SIGMA (Support for improvement in governance and
management) de l’OCDE constitue un exemple intéressant de cette
tension entre l’uniformisation et la contextualisation des méthodes,
et l’usage différent des « standards » qui en découle. Fondé en 1992
en collaboration et avec le financement de l’UE, SIGMA a pour
mission d’accompagner les pays candidats et ceux du voisinage de
l’UE dans leur programme de réforme des institutions et de
l’administration publiques. Dès sa création, l’équipe ayant fondé
SIGMA a adopté une démarche demand-driven et contextualisée,
considérant que seule cette co-construction des réformes pouvait
assurer leur réalisation effective 44 .
25 Cette approche contextuelle permet en partie de comprendre
pourquoi SIGMA n’a pas adopté les préceptes et outils du NPM, alors
même qu’il a été fondé à une période où ceux-ci étaient en vogue à
l’OCDE. Dans le domaine de la fonction publique en particulier, les
conseillers de SIGMA mettaient leurs partenaires en garde contre les
projets d’allègement et de désinstitutionalisation d’administrations
publiques postcommunistes déjà passablement affaiblies. La priorité
était, selon eux, au contraire de consolider, pérenniser et
professionnaliser celles-ci 45 . Par la suite, les rapports rédigés par
l’équipe à la demande de la Commission européenne fondaient
l’excellence administrative en premier lieu sur la qualité de l’État de
droit, avant l’ouverture et la transparence, l’accountability et enfin
l’efficience 46 .
26 Fortement revendiquée par les fondateurs de SIGMA, la méthode
inclusive et contextualisée a-t-elle pu se pérenniser alors qu’elle est
coûteuse en temps et en personnel 47 et que ses résultats ne sont pas
aisément quantifiables ni objectivables ? En 1997, la Commission
européenne décide de faire de SIGMA non seulement un programme
d’assistance à la transition, mais aussi d’aide à la pré-adhésion.
SIGMA a été chargé alors de fournir des évaluations annuelles
thématiques par pays, dont cette dernière se servait comme source
pour la rédaction des chapitres politiques et administratifs de ses
rapports sur l’avancement des pays candidats. Ces nouvelles
procédures ont créé une tension importante dans les activités et
parmi le personnel de SIGMA. Elles établissent, d’une part, une
relation normative et asymétrique avec les pays partenaires. Elles
impliquent, d’autre part, l’existence de critères prédéfinis,
autrement dit d’étalons fixant les objectifs à atteindre. Logique dans
le cadre du processus de pré-adhésion, ce changement n’a pas été
sans conséquence. La relation prescriptive s’est progressivement
banalisée entre conseillers et gouvernements partenaires. En termes
de contenu, les productions de SIGMA évitent toujours la promotion
d’un « modèle » érigé comme tel. Ce qu’on a pu observer en
revanche, c’est la participation de SIGMA à la clarification des
critères d’adhésion dans ses domaines d’intervention. Sans
constituer des « modèles », ces productions tendent à définir (et sont
perçues comme) des « standards » européens 48 .
27 L’approche contextualisée de l’assistance internationale semble donc
difficile à légitimer sur le moyen terme. Les modes de
fonctionnement et d’évaluation internes des OI tendent en effet à
favoriser la rapidité opérationnelle et la mise à disposition
d’indicateurs quantitatifs.
Conclusion
28 En a-t-on fini avec le NPM ? La plupart des OI ont nuancé le discours
favorable à la managérialisation des administrations publiques,
désormais considéré comme « dépassé ». Une tendance forte
demeure cependant, en lien avec le néo-managérialisme : l’adoption
des outils de la gestion privée industrielle dans l’administration
publique. Nombre d’instruments désormais banalisés en sont issus,
tels le management qualité, le lean management, la comptabilité
analytique, la budgétisation à la performance, etc.
29 Certaines OI abordent depuis le milieu des années 2000 une ère post-
managériale qui reste encore à spécifier finement selon les cas.
D’autres néanmoins connaissent au contraire une montée des
arguments de type managérial, en particulier les OI concernées par
le secteur judiciaire 49 . La circulation des idées ne doit pas en effet
être analysée uniquement comme un voyage entre OI et États, mais
également entre les différentes organisations internationales, voire
plus largement entre les différents acteurs internationaux. De ce
point de vue, la progression des techniques inspirées du NPM dans
les OI à vocations judiciaire et humanitaire témoigne de l’influence
acquise progressivement par le cadrage économiciste dans des
domaines toujours plus variés de l’activité sociale.
NOTES
1. Stone (D.), “Transfert Agents and Global Networks in the ‘Transnationalization’ of
Policy”, Journal of European Public Policy, 2004, 11, 4, pp. 545-566.
2. PUMA est l’acronyme du service de l’OCDE spécialisé dans l’administration publique.
Créé en 1990 sous l’intitulé de Public Management, il a été depuis lors renommé Public
Governance (GOV). Dans un rapport de synthèse, intitulé Governance in Transition, le PUMA
préconisait un changement radical et urgent des « structures de gouvernance » de ses États
membres dans un sens managérial (OCDE-PUMA, 1995).
3. Pollitt (C.), Bouckaert (G.), Public Management Reform: a Comparative Analysis, New York,
Oxford University Press, 2000 (première édition).
4. Dolowitz (D.P.), Marsh (D.), “Learning From Abroad: the Role of Policy Transfer in
Contemporary Policy-Making”, Governance, 2000, 13, 1, p. 11.
5. En 1992, la BM cadrait les questions administratives en termes inspirés des théories du
« public choice », en parallèle avec la promotion de la « marketisation », World Bank, Governance
and Development, Washington D.C., World Bank, 1992, cité par Common (R.K.), Public
Management and Policy Tranfer in Southeast Asia, Thesis for the award of D. Phil., The
University of York, 1999.
6. Pollitt (C.), Bouckaert (G.), Public Management Reform… op. cit.
7. Kettl (D.F.), The Global Public Management Revolution, Washington D.C., Brookings
Institution Press, 2005 (2e édition), p. 1.
8. Sahlin-Andersson (K.), « Arenas as Standardizers », dans Brunsson (N.), Jacobsson (B.),
(eds.), A World of Standards, Oxford, Oxford University Press, 2000, pp. 100-114.
9. Mario Marcel est, depuis l’été 2014, Senior director du World Bank’s Governance Global
Practice à la Banque mondiale.
10. La plupart des spécialistes s’accordent pour souligner l’importance du renouveau des
sciences économiques pour caractériser le contexte intellectuel qui fut celui de l’essor du
NPM. Ce renouveau, qui a permis aux sciences économiques d’analyser le fonctionnement
de l’État, a été marqué en particulier par les théories économiques du « public choice »,
Buchanan (J.), Tullock (G.), The Calculus of Consent. Logical Foundations of Constitutional
Democracy, Indianapolis, Liberty Fund, Inc., first published 1962, des « coûts de la
transaction », Williamson (O.E.), The Economic Institutions of Capitalism, New York, Free Press,
1985 et de l’agence, Jensen (M.C) et Meckling (W.H.), “Theory of the Firm: Managerial
Behavior, Agency Costs and Ownership Structure”, Journal of Financial Economics, 3 (4),
October 1976, pp. 305-360.
11. Hood (C.), “Public Administration and Public Policy: Intellectual Challenges for the
1990’s”, Australian Journal of Public Administration, 1989, 48, p. 349.
12. Bezes (P.), « Le renouveau du contrôle des bureaucraties : l’impact du New Public
Management », Informations sociales, 126 (6), p. 28.
13. Risse-Kappen (T.), “Ideas Do Not Float Freely: Transnational Coalitions, Domestic
Structures, and the End of the Cold War”, International Organization, 1994, 48 (2), pp. 185-214.
14. Sur ce point, Roberts note qu’avant les années 1990, “many development specialists,
particularly those affiliated with major organizations like the World Bank, paid little
attention to the ways in which the design of state institutions affected economic growth.
But this changed in the 1990s. The World Bank in particular developed an enthusiasm for
the improvement of “institutional capability” in poorer nation” (Roberts, 2010, p. 15).
Landman (T.), Hausermann (J.), Mapmaking and Analysis of the Main International Initiatives on
Developing Indicators on Democracy and Good Governance, Essex, University of Essex, 2003.
15. Rouban (L.), « La fin du Welfare State aux États-Unis : le reaganisme et l’appareil d’État »,
RFSP, 1989, vol. 39, no 4, pp. 493-516 ; Denord (F.), « Le prophète, le pèlerin et le
missionnaire. La circulation internationale du néo-libéralisme et ses acteurs », ARSS, 2002,
no 145, pp. 9-20.
16. Expression renvoyant aux travaux d’un collectif rassemblé en 1989 à l’Institut
d’économie internationale de Washington, qui préconisait dix réformes (dont discipline
budgétaire, privatisation, déréglementation, etc.) pour surmonter la crise de la dette,
Williamson (J.), “What Washington Means by Policy Reform”, dans Latin American
Adjustement: How much Has Happened ?, Willianson (J.), Washington, Institue for International
Economics, 1990 ; et en 2003, pour un retour critique par l’auteur lui-même Kuczynski (P.-P.),
Williamson (J.), After the Washington Consensus : Restarting Growth and Reform in Latin America,
Washington, Institute for International Economics ; Savoie (D.J.), Thatcher, Reagan, Mulroney:
In Search of a New Bureaucracy, Pittsburg, Pittsburg University Press, 1994.
17. Dans certains cas, on le sait, ce prisme néoconservateur a été clairement revendiqué
(programme « Rolling back the State » pendant la période Thatcher).
18. Saint-Martin (D.), Building the New Managerialist State, Consultants and the Politics of
Public Sector Reform in Comparative Perspective, Oxford University Press, 2004.
19. Sahlin-Andersson (K.), Engwall (L.), (eds.), The Expansion of Managerial Knowledge. Carriers,
Flows, and Sources, Stanford, Stanford University Press, 2002.
20. Schwartz (H.), “Small States in Big Trouble. State Reorganization in Austria, Denmark,
New Zealand and Sweden in the 1980’s”, World Politics, 46, juillet 1994, pp. 527-528.
21. Ibid.
22. Peters (G. B.), The Future of Governing: Four Emerging Models, University Press of Kansas,
1996, pp. 115-116.
23. Pour une mise en perspective du cas américain par rapport aux cas français, allemand
et britannique, voir Lynn (L. E. Jr), Public Management, Old and New, Londres, Routledge, 2006 ;
Dreyfus (F.), L’invention de la bureaucratie. Servir l’État en France, en Grande-Bretagne et aux États-
Unis (xviiie-xxe siècle), Paris, La Découverte, 2000.
24. L’institutionnalisation différenciée de la dimension « publique » de l’administration de
l’État est par exemple aisément repérable à travers la variété des systèmes juridiques
nationaux, structurés ou non par l’existence d’un « droit public » spécifique. Pour un
plaidoyer informé et stimulant de l’utilité de recherches sociohistoriques portant sur les
limites de l’État et l’invention de clivages entre économique et politique, entre État et
marché, sphère publique et sphère privée sans substantialiser les « pôles de structuration »
ainsi dégagés, voir Gayon (V.), Lemoine (B.), « Argent public. », Genèses, 2010, 3, no 80.
25. Common (R.K.), Public Management and Policy Transfer in Southeast Asia, Thesis for the
award of D. Phil., The University of York, 1999, p. 96.
26. Sur ce point précis, je me permets de renvoyer à : Hadjiisky (M.), “Exploration of a
Conversion. New Public Management at the OECD-PUMA, 1970s-1980s”, présentation à la
conférence internationale Warden of the West. The OECD and the Global Political Economy, 1948 to
Present, université de Zurich, 27-29 août 2015.
27. Citons en particulier le travail d’une équipe de chercheurs scandinaves rassemblée
autour de Nils Brunsson et Bengt Jacobsson (université de Stockholm), paru dans l’ouvrage
dirigé par ces derniers, A world of standards, Oxford, Oxford University Press, 2002.
28. Ancelovici (M.), Jenson (J.), « La standardisation et les mécanismes du transfert
transnational », Gouvernement et action publique, 2012, 1, pp. 37-58.
29. Ibid., p. 41.
30. Larmour (P.), Foreign Flowers: Institutional Transfer and Good Governance in the Pacific
Islands, Honolulu, University of Hawaï Press, 2005, pp. 98-99.
31. Martens (K.), “How To Become an Influential Actor – The “Comparative Turn” in OECD
Education Policy”, dans Martens (K.), Rusconi (A.), Lutz (K.), (eds.), Transformations of the state
and global governance, Londres, Routledge, 2007, pp. 40-56 ; Grek (S.), “Governing by numbers:
the PISA effect in Europe”, Journal of Education Policy, 2009, 24 (1), pp. 23-37 ; Bardet (F.),
Helluin (J.-J.), « Comparer les performances des villes. Le Programme des indicateurs pour
les villes du monde de la Banque mondiale », Revue Française de Socio-Économie, 2010, 1 (5),
pp. 83-102.
32. Parmi les nombreuses études critiques, citons l’étude des indicateurs de gouvernance
de Tero Erkkilä et Ossi Piironen, qui analyse les voies de dépolitisation de questions
politiques par la mise en indicateurs (2014). Dans un autre domaine, S. Grek montre
comment la mise en indicateurs de l’éducation tend à délégitimer les savoirs locaux
concernant la pédagogie et les enseignements, pourtant conçus par certains comme « le
socle de l’idée d’État-nation elle-même », Grek (S.), “OECD As a Site of Coproduction :
European Education Governance and the New Politics of ‘Policy Mobilization’ ”, Critical
Policy Studies, 2014, 8 (3), p. 279.
33. Boston (J.), “Basic NPM Ideas and their Development”, dans Christensen (T.), Lagried (P.),
(eds.), The Ashgate Research Companion to NPM, Farnham, Ashgate, 2011, pp. 17-19.
34. Gayon (V.), « Le crédit vacillant de l’expert. L’OCDE face au chômage dans les
années 1990 et 2000 », Cultures & Conflits, 2009, no 75, pp. 53-73.
35. Cling (J.-P.), Razafindrakoto (M.), Roubaud (F.), « La Banque mondiale, entre
transformations et résilience. », Critique internationale, 2011, 4, no 53, pp. 43-65.
36. Bertucci (G.), Alberti (A.), « Le Programme des Nations unies sur l’administration
publique : Un programme en réinvention pour une réinvention de l’administration
publique », Revue Internationale des Sciences Administratives, 71 (2), 2005, pp. 359-376.
37. Pal (L. A.), Frontiers of Governance: The OECD and Global Public Management Reform,
New York, Palgrave Macmillan, 2012, p. 6 ; Denhardt (J.) et Denhardt (R.), The New Public
Service: Serving, not Steering, Armonk, New York, M.E. Sharpe, 2003.
38. Sahlin-Andersson (K.), “Arenas as Standardizers” dans Brunsson (N.), Jacobsson (B.), (eds.),
A world of standards, Oxford, Oxford University Press, 2000, pp. 100-114.
39. Radaelli (Cl. M.), “The Diffusion of Regulatory Impact Analysis. Best Practice or Lesson-
Drawing?”, European Journal of Political Research, 2004, 43 (5), pp. 723-747 ; “Diffusion Without
Convergence : How Political Context Shapes the Adoption of Regulatory Impact
Assessment” dans Knill (C.), (ed.), Cross-National Policy Convergence, 2006, pp. 161-179 ; Hood
(C.), “Individualized Contracts For Top Public Servants : Copying Business, Path-Dependent
Political Reingineering or Trobriand Cricket”, Governance, 1998, (4), pp. 443-462.
40. Hood (C.), “A Public Management for All Seasons!”, Public Administration, 1991, 69, pp. 3-
19 ; Hood (C.), “Individualized Contracts For Top Public Servants : Copying Business, Path-
Dependent Political Reingineering or Trobriand Cricket”, op.cit. ; Peters (B.G.), Pierre (J.),
(eds.), Politicians, Bureaucrats and Administrative Reform, Londres, Routledge, 2001 ; Christensen
(T.), Lægreid (P.), (eds.), New Public Management. The Transformation of Ideas and Practice,
Ashgate, Aldershot, 2002.
41. Hadjiisky (M.), « Européanisation et réforme de l’État. L’influence de l’Union
européenne sur la réforme des administrations publiques centrales tchèques (1993-2004) »,
dans Pasquier (R.), Baisnée (O.), (dir.), L’Europe telle qu’elle se fait. Européanisation et sociétés
politiques nationales, Paris, CNRS Édition, 2007, pp. 167-193 ; Bezes (P.), Réinventer l’État. Les
réformes de l’administration française (1962-2008), Paris, Presses universitaires de France, 2009 ;
Lozac’h (V.), « La déclinaison des doctrines du New Public dans les administrations est-
allemandes », Revue française d’administration publique, printemps 2012, no 141, pp. 207-222 ;
Eymeri (J.-M.), « Les réformes administratives en Europe : logiques managérialistes globales,
acclimatations locales », Pyramides, 2008, 15, pp. 71-94.
42. GOV/PGC, Strategic Insights from the Public Governance Reviews: Update, 2013, 4, p. 19.
43. Née dans les milieux contestataires américains, cette notion, reprise (et retraduite) par
les organisations internationales de développement à la fin des années 1990, est l’objet de
nombreux débats : Bacqué (M.-H.), « Empowerment et politiques urbaines aux États-Unis »,
Géographie, Économie, Société, 2006/1, vol. 8, pp. 107-124 et Calvès (A.-E.), « “Empowerment” :
généalogie d’un concept clé du discours contemporain sur le développement », Revue Tiers-
Monde, 2009, 4, 200, pp. 735-749.
44. L’assistance « demand driven » se distingue du conseil « supply driven », qui fournit un
service ou un produit préconstruit.
45. Cette assertion demande à être nuancée dans le domaine budgétaire, où SIGMA semble
avoir été davantage influencé par les outils managériaux.
46. oecd, « Principes européens d’administration publique », Sigma Papers, no 27, OECD
Publishing, 1999.
47. La nécessité d’une continuité et d’une présence fréquente sur le terrain implique des
besoins spécifiques en personnels.
48. hadjiisky (M.), « SIGMA : un programme international de renforcement des capacités
administratives en terres européennes (1992-2012) », Revue française d’administration
publique, 2017, 161 (1), pp. 73-88.
49. Dumoulin (L.), Delpeuch (Th.), « La justice : émergence d’une rhétorique de l’usager »,
dans Warin (P.), Quelle modernisation des services publics ? Les usagers au cœur des réformes,
Paris, La Découverte, 1997, pp. 103-129 ; Vigour (C.), « Justice : l’introduction d’une
rationalité managériale comme euphémisation du politique », Droit et société, 2006, 63-64,
pp. 425-455 ; Cappellina (B.), « Évaluer l’administration de la justice dans les pays européens.
Une co-construction entre Union européenne et Conseil de l’Europe », Revue française
d’administration publique, 2017, 161(1), pp. 59-72.
AUTEUR
MAGDALÉNA HADJIISKY
Maîtresse de conférences en science politique à l’Institut d’études politiques de Strasbourg,
où elle dirige le Master 1 de Science politique. Après avoir soutenu sa thèse de doctorat à
l’IEP de Paris sur la professionnalisation politique dans la République tchèque
postcommuniste, elle a consacré ses recherches à la problématique de la réforme des
administrations publiques en contexte post-autoritaire. Membre du laboratoire Sociétés,
Acteurs et Gouvernement en Europe (UMR 7363), dont elle codirige l’axe « Production,
circulation et critique des savoirs », Magdaléna Hadjiisky oriente ses travaux les plus
récents sur le rôle des acteurs internationaux, en particulier l’OCDE, dans la diffusion des
injonctions à « réformer l’État » depuis les années 1980. Parmi ses dernières publications :
Public Policy Transfer : Micro-Dynamics and Macro-Effects, codirigé avec Leslie A. Pal et
Christopher Walker, Edward Elgar Publishing, 2017 et avec Claire Visier, « Circulation des
modèles d’administration », numéro spécial, Revue française d’administration publique,
vol. 161, no 1, 2017.
Variété des transformations
des bureaucraties européennes :
une lecture par les instruments
de gestion
Philippe Bezes et Gilles Jeannot
Méthode
*Moyenne des appréciations de l’usage des outils de gestion sur une échelle de 1 à 7.
10 Le premier constat général est la présence marquée de la gestion par
les objectifs, dont les outils les plus basiques, le planning stratégique
(5,40) ou le management par objectif (5,30), atteignent un score
globalement élevé. Le fait que le premier outil ait une connotation
plus bureaucratique et le second plus managériale ne fait pas
vraiment de différence. On peut cependant remarquer que l’outil
« comptabilité de coûts » (4,34) est significativement moins répandu
dans les pays européens, déconnectant de fait la pratique du
management par les objectifs d’enjeux liés à des réformes des
procédures financières centrées sur les coûts 19 .
11 Le deuxième constat est que l’outil le plus diffusé dans les pays
européens est l’entretien d’évaluation qui est une traduction souple
du management par les objectifs en matière de gestion des
ressources humaines. On peut aussi souligner le fait que deux outils
de gestion des ressources humaines sont placés aux extrêmes de ce
tableau : l’entretien d’évaluation, le plus répandu, et la
rémunération à la performance, l’outil le moins diffusé dans les
États.
12 Les outils qui orientent les administrations vers les destinataires et
les publics – les démarches de qualité (4,35) ou les questionnaires
auprès des usagers (4,28) – sont moins utilisés que les outils de
pilotage stratégique. Ceci peut en particulier être lié au fait que ces
démarches ne sont pertinentes que si l’organisation administrative
offre des services à des usagers, voire à des clients.
13 Les outils les moins utilisés dans les pays européens sont la
contractualisation interne et le salaire à la performance, suivis de
près par le benchmarking. Ces instruments reposent sur des
mécanismes de type marché inspirés des critiques néolibérales
adressées aux bureaucraties, notamment par les travaux inspirés de
l’école du public choice, et promus, entre autres, par l’OCDE 20 .
Les formes variées du management par les objectifs et
par la performance
*« Dans quelle mesure l’énoncé suivant s’applique à votre organisation ? » : moyenne sur
une échelle de 1 à 7.
15 D’un point de vue global, l’existence d’un pilotage par les objectifs
semble constituer une caractéristique forte des organisations
administratives, puisque l’item « les buts sont clairs » obtient le
score le plus élevé (5,55) et que la communication de ces buts à
l’ensemble des personnels de l’organisation obtient également un
score élevé (5,38), signe d’une diffusion large de l’impératif de
pilotage par la performance. Par contraste, les usages incitatifs des
dispositifs de performance (récompense et sanction) obtiennent des
scores nettement moins élevés (3,02 et 3,03) : ce constat peut
témoigner du fait que les dispositifs de performance ne sont pas
toujours contraignants pour les pratiques, ce que mettent en
évidence de nombreux travaux empiriques (par exemple, Boussard
21
, qui parle d’indicateurs inertes, ou Moynihan 22 ) ou exprimer la
prudence des réformateurs vis-à-vis de mécanismes de type marché
reposant sur des systèmes d’incitation individualisés ou même
monétaires.
*« En pensant à votre domaine de politiques publiques sur les cinq dernières années,
comment évalueriez-vous la performance de l’administration dans ces domaines ? » :
moyenne sur une échelle de 1 à 7.
36 Pour les pays concernés, depuis les années 1990, par la transition
démocratique, la réforme administrative s’inscrit dans une histoire
plus récente, dont le développement est fort différent des autres
États. Les influences externes (rôle du FMI, poids des
conditionnalités liées à l’accession à l’Union européenne) y ont été
plus fortes et plus directes ; certaines ruptures ont été plus radicales.
À ce titre, les comparaisons directes avec les pays précédents
apparaissent peu pertinentes et il est préférable de présenter
séparément les résultats.
Tableau 7. Moyenne par pays
Conclusion
41 Ce chapitre propose des vues d’ensemble des dynamiques de
managérialisation qui ont affecté les États européens depuis des
décennies. Il le fait sur la base d’une enquête réalisée en 2012-2013
qui rend possible une comparaison à un moment précis, sans pouvoir
bénéficier d’une profondeur temporelle. Le traitement des données
proposé dans ce chapitre est fait à partir des simples moyennes et
constitue donc une première analyse qu’il faut bien sûr approfondir
avec des statistiques plus sophistiquées (voir le premier ouvrage
collectif tiré de l’enquête, Hammerschmid, van de Walle, Andrews,
Bezes 48 ). Même avec les limites d’une enquête par questionnaire et
en ne présentant ici que des résultats globaux, certaines conclusions
fortes s’imposent d’ores et déjà.
42 Le premier résultat de l’enquête Cocops est la mise en évidence
d’une relativement faible diffusion européenne des mécanismes de
type marché, inspirés par exemple des théories du public choice.
L’argument est assez robuste pour deux raisons. D’une part, il est
possible de le valider à travers deux questions formulées en des
termes différents : la question sur les outils et celle sur l’existence de
sanctions/récompenses individualisées en lien avec des instruments
de performance. Si on reprend la classique distinction de
Christopher Hood 49 et Peter Aucoin 50 analysant les deux
influences du New Public Management (le managérialisme et les
théories du public choice), on peut noter que les premiers
(planification stratégique et management par les objectifs) sont
beaucoup plus diffusés que les seconds (benchmarking, salaire à la
performance, contrats internes). De plus, les usages individualisés
des outils de performance (avec récompenses et sanctions) ne sont
pas les plus répandus et n’arrivent pas nécessairement en tête dans
les pays les plus exposés aux réformes néomanagériales. Ceci
suggère que ces pratiques de sanction (positive ou négative) peuvent
être associées à des rationalités très différentes, qui ne se réduisent
pas à une conversion des esprits à l’idéologie du marché. D’autre
part, les variations entre catégories d’outils utilisés au sein d’un
même pays (qui peuvent aller jusqu’à deux points) sont souvent
supérieures aux variations observées pour un même outil entre deux
pays (de l’ordre d’un point). Cette différence ne traduit plus
l’opposition ancienne entre la Grande Bretagne, considérée comme
le modèle des pays les plus néo-managérialisés et les autres pays
européens, car la Grande Bretagne est dépassée sur deux de ces
items par le Danemark et l’Italie. La réalité est donc beaucoup plus
hybride. Par ailleurs, les outils les plus mobilisés comme la
planification stratégique ou la gestion par objectifs sont ceux qui
peuvent prendre sens aussi bien dans une tradition bureaucratique
que dans une perspective NPM, ce qui, à ce titre, plaide pour une
certaine continuité.
43 Le second résultat, concernant les variations entre pays, confirme
l’opposition classique entre pays du Nord et pays du Sud, mais
bouscule sensiblement les positions au sein de ces ensembles. Le
résultat le plus étonnant concerne l’éclatement du groupe des pays
du Sud entre l’Espagne, qui apparaît, au vu des équipements en
outils de gestion, parmi les pays les moins engagés dans les réformes,
et l’Italie et le Portugal, qui affichent un engagement marqué sur
certains aspects. L’enquête apporte aussi les premières informations
sur les pays en transition, qui méritent de plus amples investigations
pour être remises en perspective dans le contexte particulier de ces
pays. Si on confronte les principales spécificités des pays qui
émergent avec les données et les monographies académiques
analysant les réformes menées dans ces pays, il ressort que ces
spécificités sont loin de correspondre aux derniers moments de la
réforme et peuvent traduire l’impact dans la durée de réformes
anciennes ou répétées ou même de traditions nationales antérieures
au NPM.
44 Le troisième résultat est la mise en évidence de variations
significatives internes aux pays liées aux types d’organisation, mais
aussi aux secteurs d’intervention. Si on retrouve une mesure de
l’effet propre aux agences dont les résultats sont sensiblement
différents des administrations centrales, on observe, de manière plus
originale, un effet sensiblement équivalent associé aux domaines
d’intervention des administrations et à des politiques publiques
singulières. Cela concerne les organisations relevant du secteur des
finances publiques plus contrôlées en raison des enjeux économiques
et budgétaires qu’elles portent, mais aussi celles des secteurs de
l’emploi et du social, globalement des politiques des États-
providence, où l’empreinte des politiques de rationalisation
gestionnaire semble particulièrement forte, vraisemblablement en
raison des forts enjeux de ces domaines de politiques publiques.
Dans ces cas, la managérialisation porte particulièrement, sur les
relations avec les destinataires de ces politiques, demandeurs
d’emploi ou ayants droit.
NOTES
1. Hood (C.), The Tools of Government, Chatham, Chatham House, 1986 ; Lascoumes (P.),
Le Galès (P.), (dir.), Gouverner par les instruments, Paris, Presses de Sciences Po, 2004.
2. Eyraud (C.), Le capitalisme au cœur de l’État : comptabilité privée et action publique,
Bellecombe-en-Bauges, Éditions du Croquant, 2013.
3. Ogien (A.), in L’esprit gestionnaire : une analyse de l’air du temps, Paris, Éditions de l’EHESS,
1995 ; Gay (P. Du), in Praise of Bureaucracy: Weber, Organization and Ethics, Londres, Sage, 2000.
4. Hibou (B.), La bureaucratisation du monde à l’ère néolibérale, Paris, La Découverte, 2012.
5. Meyer (J.W.), Drori (G.S.), Hwang (H.),“World Society and the Proliferation of Formal
Organizations”, dans Gili (S.), Drori (J.W.M.), Hokyu (H.), (eds.), Globalization and Organization.
World Society and Organizational Change, Oxford, Oxford University Press, 2006, pp. 25-49 ;
Bezes (P.) Les rationalisations des bureaucraties. Perspectives wébériennes sur la nouvelle gestion
publique, mémoire inédit d’habilitation à diriger des recherches, Paris, Sciences Po, 2014.
6. DiMaggio (P.), Powell (W.W.), “The Iron Cage Revisited: Institutionalized Isomorphism
and Collective Rationality in Organizational Fields”, American Sociological Review, 1983, 48, 2,
pp. 147‑160.
7. La recherche Cocops est financée par le 7e programme-cadre sous le numéro de
subvention 286887. Voir le site web du projet : http://www.cocops.eu.
8. Ce chapitre est la version en français, allongée et enrichie, de Jeannot (G.), Bezes (P.),
“Chapter 20. Mapping the Use of Public Management Tools in European Public
Administration” dans Hammerschmid (G.), Van de Walle (S.), Andrews (R.), Bezes (P.), (eds.),
Public Administration Reforms in Europe: The View from the Top, Edward Elgar, 2016.
9. Walker (R. M.), “An Empirical Evaluation of Innovation Types and Organizational and
Environmental Characteristics: Towards a Configuration Framework”, Journal of public
administration research and theory, 2007, vol. 18, pp. 591-615.
10. Greenan (N.), Mairesse (J.), « Réorganisations, changements du travail et
renouvellement des compétences », Revue économique, novembre 2006, vol. 57, no 6,
pp. 1177-1203.
11. Hood (C.), The Blame Game. Spin, Bureaucracy and Self-Preservation in Government,
Princeton, Princeton University Press, 2011.
12. Jeannot (G.), Guillemot (D.), “French Public Management Reform: An Evaluation”,
International Journal of Public Sector Management, 2013, 26, 4, pp. 283-297t
13. Lascoumes (P.), Le Galès (P.), “From the Nature of Instruments to the Sociology of
Public Policy Instrumentation”, Governance, 2007, 20 (1), pp. 1-21 ; Lascoumes (P.), Le Galès
(P.), (dir.), Gouverner par les instruments, Paris, Presses de Sciences Po, 2004.
14. Bezes (P.), “The Hidden Politics of Administrative Reform: Cutting French Civil Service
Wages With a Low-Profile Instrument”, Governance, 2007, 20, 1, pp. 23-56 ; Guillemot (D.),
Jeannot (G.), « Modernisation et bureaucratie. L’administration d’État à l’aune du privé »,
Revue française de sociologie, 2013, 54 (1), pp. 83-110.
15. Poister (T. H.), Mc Gowan (R.P.), “The Use of Management Tools in Municipal
Governement: a National Survey”, Public Administration Review, 1984, 44(3), pp. 215-223 ;
Brudney (J. L.), Hebert (T.), Wright (D. S.), “Reinventing Government in the American States;
Measuring and Explaining Administrative Reform”, Public administration review, 1999, 59, 1,
pp. 19-30.
16. Lægreid (P.), Roness (P.), Rubecksen (K.), Modern Management Tools in Norvegian State
Agencies: Regulation inside Government or Shopping Basket?, Stein Rokkan centre for social
studies, working paper 13, 2006 ; Kuhlmann (S.), Bogumil (J.) et Grohs (S.), “Evaluating
Administrative Modernization in German Local Government: Success or Failure of the New
Steering Model”, Public administration review, 2008, vol. 68, no 5, pp. 851-863 ; Torres (L.),
Pina (V.), Royo (S.), E-Government and the Transformation of Public Administration in EU
Countries: Beyond NPM or Just a Second Wave of Reforms?, Documento de trabajo 2005-01
Faculdad de Ciencias economicas y empresariales, Universidad de Zaragoza, 2005, 33 p. ;
Jeannot (G.), Guillemot (D.), “French Public Management Reform: An Evaluation”,
International Journal of Public Sector Management, 2013, op. cit.
17. Lægreid (P.), Roness (P.), Rubecksen (K.), Modern Management Tools in Norvegian… art.
cit. ; Jeannot (G.), Guillemot (D.), « Réformer par les outils ou par les hommes ? Un bilan
quantitatif de la “modernisation de la gestion” de l’État », Politiques et management public,
2010, 27.4, pp. 73-102.
18. Brunsson (N.), The Organization of Hypocrizy, the Decision and Action in Organizations, John
Wiley and son, 1982.
19. Le plus faible nombre de réponses sur cet item suggère qu’il a pu y avoir un problème
d’interprétation de ce qui était désigné dans la question.
20. Pollitt (C.), Bouckaert (G.), Public Management Reforms: an International Comparison,
Oxford, Oxford University Press, 2011 (3e éd.) ; Gingrich (J.R.), Making Markets in the Welfare
State. The Politics of Varying Market Reforms, Cambridge, Cambridge University Press, 2011.
21. Boussard (V.), « Quand les règles s’incarnent. L’exemple des indicateurs prégnants »,
Sociologie du travail, 2001, 43(4), pp. 533-551.
22. Moynihan (D.), The Dynamics of Performance Management: Constructing Information and
Reform, Washington D.C., Georgetown University Press, 2006.
23. Bezes (P.), Réinventer l’État. Les réformes de l’administration française, 1962-2008, Paris,
Presses universitaires de France, 2009.
24. Pollitt (C.), Talbot (C.), Unbundled Government: a Critical Analysis of the Global Trend to
Agencies, Quangos and Contractualisation, Londres, Routledge, 2004.
25. Rainey (H.G.), Bozeman (B.), “Comparing Public and Private Organizations: Empirical
Research and the Power of A Priori”, Journal of Public Administration Research and Theory,
2000, 10, 2, pp. 447-469.
26. Weishaupt (J. T.), “A Silent Revolution? New Public Management Ideas and the
Reinvention of European Public Employment Services”, Socio-Economic Review, 2010, 8,
pp. 461-486.
27. Mintzberg (H.), The Structuring of Organizations: A Synthesis of the Research, Prentice Hall,
Englewoods Cliffs, NJ, 1979.
28. Pour les exemples voir : Exworthy (M.), Halford (S.), (eds.), Professionals and the New
Managerialism in the Public Sector, Buckingham, Open University Press, 1999 ; Farrell (C.),
Morris (J.), “The ‘Neo-Bureaucratic’ State: Professionals, Managers and Professional
Managers in Schools, General Practices and Social Work”, Organization, 2003, 10, pp. 129-
156 ; Bezes (P.), Demazière (D.), “Introduction to the Special Issue. New Public Management
and Professionals in the Public Sector. What New Patterns Beyond Opposition?”, Sociologie
du Travail in English, octobre 2012, 54, suppl. 1, pp. 1-11.
29. Soss (J.), Fording (R.), Schram (S.F.), “The Organization of Discipline: From
Performance Management to Perversity and Punishment”, Journal of Public Adminstration
Research Theory, 2011, 21 (suppl. 2), pp. 203-232.
30. Pollitt (C.), Bouckaert (G.), Public Management Reforms: an International Comparison,
Oxford, Oxford University Press, 2011 (3e éd.) ; Goldfinch (S.), Wallis (J.), “Two Myths of
Convergence in Public Management Reform”, Public administration, 2010, 88, 4, pp. 1099-
1115.
31. Christensen (T.), Lægreid (P.), Transcending New Public Management. The Transformation of
Public Sector Reforms, Aldershot, Ashgate, 2007.
32. Self (P.), Governement by the Market? The Politics of Public Choice, Londres, Macmillan,
1993.
33. Wegrigh (K.), “Public Management Reform in the United Kingdom: Great Leaps, Small
Steps and Policies as Their Own Cause” dans Goldfinch (S.), Wallis (J. L.), (eds.), International
Handbook of Public Management Reform, Edward Elgar, 2011, pp. 137-154.
34. Hansen (H.F.), “NPM in Scandinavia” dans Christensen (T.), Laegreid (P.), The Ashgate
Research Companion to New Public Management, Ashgate, 2010, pp. 113-129.
35. Ibsen (C. L.), Larsen (T.P.), Madsen (J.S.) et Due (J.), “Challenging Scandinavian
Employment Relations: the Effects of New Public Management Reforms”, The International
Journal of Human Resource Management, 2011, 22, 11, pp. 2295-2310.
36. Binderkrantz (A.S.), Christensen (J.G.), “Delegation Without Agency Loss? The Use of
Performance Contracts in Danish Central Government”, Governance, 2009, 22, 2, pp. 263-293.
37. Yesilkagit (K.), de Vries (J.), 2004, “Reform Styles of Political and Administrative Elites
in Majoritarian and Consensus Democracies: Public Management Reforms in New Zealand
and the Netherlands”, Public Administration, 2010, 82, 4, pp. 951-974.
38. Hammerschmid (G.), Meyer (R.), “New Public Management in Austria: Local Variations
on a Global Theme?”, Public administration, 2005, 83, 3, pp. 709-723.
39. Ongaro (E.), Public Management Reform and Modernization, Trajectories of Administrative
Change in Italy, France, Greece, Portugal and Spain, Londres, Edward Elgar, 2009 ; Kikert
(W.J.M.), “Public Management Reform Continental Europe: National Distinctiveness” dans
Christensen (T.), Lægreid (P.), The Ashgate Research Companion to New Public Management,
Ashgate, 2010.
40. Ongaro (E.), “The Role of Politics and Institutions in the Italian Administrative Reform
Trajectory”, Public administration, 2011, 3, pp. 738-755.
Ongaro (E.), Public Management Reform and Modernization , op. cit.
41. Magone (J. M.), “The Difficult Transformation of State and Public Administration in
Portugal. Europeanization and the Persistence of Neo-Patrimonialism”, Public
Administration, 2011, vol. 89, no 3, pp. 756-782.
42. Ibid.
43. Nous remercions grandement Jan Meyer-Sahling pour la suggestion d’interprétations
et de références pour comprendre nos données.
44. Bouckaert (G.), Nakrosis (V.), Nemec (J.), “Public Administration and Management
Reforms in CEE: Main trajectories and Results”, The NISPAcee journal of Public Administration
and Policy, 2011, IV, 1, pp. 9-29.
45. Meyer-Sahling (J.H.), Sustainability of Civil Service Reforms in Central and Eastern Europe
Five Years after EU Accession, Sigma Paper, OECD, no 44, 2009.
46. Meyer-Sahling (J.H.), Civil Service Professionalisation in the Western Balkans, Sigma Paper
no 48, OECD, 2012.
47. Hajnal (G.), Public Sector Reform in Hungary: Views and Experiences from Senior
Executives, Country Report, COCOPS Research, 2013.
48. Hammerschmid (G.), Van de Walle (S.), Andrews (R.), Bezes (P.), (eds.), Public
Administration Reforms in Europe: The View from the Top, Edward Elgar, 2016.
49. Hood (C.), “A Public Management for All Seasons”, Public administration, 1991, 69, pp. 3-
19.
50. Aucoin (P.), “Administrative Reform in Public Management: Paradigms, Principles,
Paradoxes and Pendulums”, Governance, 1990, 3, 2, pp. 115‑137.
AUTEURS
PHILIPPE BEZES
GILLES JEANNOT
Sociologue, chercheur au LATTS, ses recherches portent sur le travail des fonctionnaires,
les évolutions du service public et des administrations en particulier face aux outils de
gestion. Après des travaux qualitatifs il a participé à deux enquêtes par questionnaire sur
l’usage des outils de gestion, l’enquête COI (changement organisationnel et informatisation)
pour la France et l’enquête Cocops pour l’Europe. Il a récemment publié : “Autonomy and
managerial reforms in Europe: let or make public managers manage?”, Public administration,
3-22, 2018, (avec Philippe Bezes).
Les cabinets de conseil dans la
Révision générale des politiques
publiques (RGPP)
Fabien Gélédan
Marché
Audits de modernisation 9,33 13,06 5,97 1,2 20,23
2006
Lot 1
14,52 10,34 11,3 2,82 38,98
McKinsey-Accenture
Marché Lot 2
4,37 4,04 5,24 1,45 15,1
2007 Capgemini-BCG
Lot 3
3,41 5,69 5,08 0,97 15,15
Ernst & Young
Lot 1 McKinsey-
6,58 3,63 10,21
Accenture2
Conclusion
18 Aux termes de cette description, il semble bien qu’on ne puisse
parler de « consultocratie » dans le cas français. Peut-on davantage
prétendre à une « mise sous perfusion idéologique 35 » ? Peut-être,
encore que l’expression prête à confusion. Car les modes de
pénétration des consultants dans les structures publiques, s’ils ne
sont pas dénués de motifs idéologiques, passent par des voies plus
complexes que la simple imprégnation discursive. Ils profitent
d’arrangements institutionnels et de systèmes de contraintes
complexes. Une exploration plus ethnographique 36 révélerait sans
doute de manière plus claire le poids des interactions localisées, des
contraintes contextuelles et des effets de passivité devant les
nouveaux outils gestionnaires. Quel que soit le jugement qu’on porte
par ailleurs sur le bilan de la RGPP, voire sur la pertinence de
l’intervention des cabinets de conseil externes, une chose est
certaine : entre 2007 et 2012, a émergé un marché important,
caractérisé par la mise en cohérence entre une offre jusqu’alors trop
générique et une demande tout juste naissante. Certes, les budgets
de conseil de la DGME ont été réduits à la faveur de l’alternance de
2012 pour être ramenés à des niveaux plus proches du statu quo ante.
Mais les consultants sont loin d’avoir été totalement absents de la
Modernisation de l’Action publique (MAP), même s’ils ont été
cantonnés à des tâches moins stratégiques et que leurs interventions
ont été menées à bas bruit. Ce qui frappe, néanmoins, si l’on élargit
un peu la focale, c’est qu’à côté des consultants classiques sont
apparus dans la période 2012-2017 une foule d’acteurs plus diverse :
designers, sociologues ou prêtres des méthodes de management
dites « agiles ». C’est que le vent de la réforme a tourné pour un
temps et qu’à la seule recherche d’économies budgétaires a succédé
un moment de tâtonnements désordonnés autour d’un nouveau mot
d’ordre : l’innovation. De ce moment dont on n’a pas encore vu la fin,
l’histoire demeure à écrire.
NOTES
1. Bonelli (L.) et Pelletier (W.), (dir.), L’État démantelé : enquête sur une contre-révolution
silencieuse, Paris, La Découverte, 2010.
2. Saint-Martin (D.), Building the New Managerialist State: Consultants and the Politics of Public
Sector Reform in Comparative Perspective, Oxford, Oxford University Press, 2004.
3. Les chiffres sont issus de l’étude annuelle de la Syntec. Ces proportions demeurent
limitées au regard de marchés comme la Grande-Bretagne où le secteur public constitue
environ 30 % du marché du conseil, Kipping (M.) et Saint-Martin (D.), “Between Regulation,
Promotion and Consumption: Government and Management Consultancy in Britain”,
Business History, juillet 2005, vol. 47, no 3.
4. Saint-Martin (D.), « Les consultants et la réforme managérialiste de l’État en France et en
Grande-Bretagne : Vers l’émergence d’une “consultocratie” ? », Canadian Journal of Political
Science/Revue canadienne de science politique, 1999, vol. 32, no 1.
5. Rouban (L.), « Les élites de la réforme », Revue française d’administration publique, 2010,
no 136, no 4, pp. 865-879.
6. Bezes (P.), « Le tournant néomanagérial de l’administration française » dans Borraz (O.),
Guiraudon (V.), (dir.), Politiques publiques, tome 1, La France dans la gouvernance européenne,
Paris, Presses de Sciences Po, 2008, pp. 215-254 ; Bezes (P.), Réinventer l’État. Les réformes de
l’administration française (1962-2008), Paris, Presses universitaires de France, 2009.
7. Henry (O.) et Pierru (F.), « Les consultants et la réforme des services publics », Actes de la
recherche en sciences sociales, 2012, vol. 193, no 3, p. 4.
8. Courpasson (D.), L’action contrainte : organisations libérales et domination, Paris, Presses
universitaires de France, 2000.
9. Descamps (F.), « Quand la direction du Budget faisait appel à un cabinet de conseil privé
pour sa propre réorganisation… », Revue française d’administration publique, 2009, vol. 131,
no 3, p. 513.
10. Crozier (M.), On ne change pas la société par décret, Paris, Grasset, 1978 ; Dupuy (F.), Thoenig
(J.-C.), L’administration en miettes, Paris, Fayard, 1985.
11. Berrebi-Hoffmann (I.), Grémion (P.), « Élites intellectuelles et réforme de l’État », Cahiers
internationaux de sociologie, 2009, no 126, no 1, pp. 39-59.
12. Bezes (P.), « État, experts et savoirs néo-managériaux », Actes de la recherche en sciences
sociales, 2012, no 193, no 3, pp. 16-37.
13. Bezes (P.), Réinventer l’État…, op. cit.
14. Berrebi-Hoffmann (I.), Grémion (P.), « Élites intellectuelles et réforme de l’État. », op. cit.
15. Rouban (L.), « L’inspection générale des Finances, 1958-2008 : pantouflage et renouveau
des stratégies élitaires », Sociologies pratiques, 2010, no 21, no 2, pp. 19-34.
16. Bezes (P.), Réinventer l’État. Les réformes de l’administration française (1962-2008), op. cit.,
pp. 377-388.
17. Bezes (P.), « Le modèle de “l’État-stratège” : genèse d’une forme organisationnelle
dans l’administration française », Sociologie du Travail, octobre 2005, vol. 47, no 4, pp. 431-
450.
18. Sahlin-Andersson (K.), “Arenas as Standardizers”, dans Brunsson (N.), Jacobsson (N.),
(dir.), A World of Standards, Oxford, Oxford University Press, 2000, pp. 100-113.
19. Crucini (C.), Kipping (M.), “Management Consultancies as Global Change Agents?:
Evidence From Italy”, Journal of Organizational Change Management, 2001, vol. 14, no 6 ; Saint-
Martin (D.), Building the New Managerialist State, op. cit.
20. Czarniawska (B.), “The Ugly Sister: On Relationships between the Private and the Public
Sectors in Sweden”, Scandinavian Journal of Management Studies, novembre 1985, vol. 2, no 2,
pp. 83-103.
21. Berrebi-Hoffmann (I.) et Grémion (P.), « Élites intellectuelles et réforme de l’État. », op. cit.
22. Voir le récit que fait Bezes (P) dans Réinventer l’État. Les réformes de l’administration
française (1962-2008), op. cit., pp. 388-420.
23. Cornut-Gentille (F.), Eckert (C.), Rapport d’information sur l’évaluation de la Révision
générale des politiques publiques (RGPP), Assemblée nationale, 2011.
24. Ces crédits correspondent à une part des dépenses d’intervention du programme 221,
« Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État ».
25. Dans la pratique, il s’agit aussi pour les associés des cabinets de conseil, d’un moyen
d’optimisation des marges qui permet, tout en mettant en avant une marque prestigieuse,
de faire travailler principalement des consultants issus du cabinet pratiquant les tarifs les
plus bas.
26. Rouban (L.), « Les élites de la réforme », op. cit., p. 875.
27. Il existe, bien sûr des règles de déontologie visant à limiter les conflits d’intérêts. Les
contractuels sont ainsi tenus à l’écart du dépouillement des réponses aux appels d’offres et
ne peuvent piloter des équipes de leurs anciens cabinets, ni rejoindre après leur passage à la
DGME, un cabinet qui a été leur prestataire.
28. Plusieurs disposaient néanmoins déjà de petites équipes dédiées au secteur public,
notamment Accenture, Capgemini ou Roland Berger. Les consultants mobilisés dans le
cadre de la RGPP ont, néanmoins, y compris au sein de ces cabinets, largement débordé les
effectifs de ces enclaves.
29. Saint-Martin (D.), Building the New Managerialist State, op. cit.
30. Ce chiffre pourrait toutefois être légèrement relevé car, s’il écarte avec raison les
prestations techniques liées à de grands projets informatiques, il ne prend pas en compte
les sommes dépensées dans le cadre de projets de qualité de service, comme la mise en place
du référentiel d’accueil Marianne.
31. Cornut-Gentille (F.) et Eckert (C.), Rapport d’information sur l’évaluation de la Révision
générale des politiques publiques (RGPP), op. cit. ; Bilan de la RGPP et conditions de réussite
d’une nouvelle politique de réforme de l’État, IGA/IGF/IGAS, 2012.
32. Pour une discussion plus générale sur l’audit comme instrument, voir les analyses de
Power (M.), The Audit Society: Rituals of Verification, Oxford, Oxford University Press, 1997.
33. Bezes (P.), « Morphologie de la RGPP », Revue française d’administration publique, 2010,
no 136, no 4, pp. 775-802.
34. Ogien (A.), L’esprit gestionnaire : une analyse de l’air du temps, Éditions de l’EHESS, 1995.
35. Henry (O.), Pierru (F.), « Les consultants et la réforme des services publics », op. cit.,
p. 14.
36. Comme le pratique par exemple Nicolas Belorgey dans L’hôpital sous pression : Enquête sur
le nouveau management public, La Découverte, 2010, ou Vincent Dubois, dans « Ethnographier
l’action publique. Les transformations de l’État social au prisme de l’enquête de terrain. »,
Gouvernement & action publique, 2012, no 1.
AUTEUR
FABIEN GÉLÉDAN
Après cinq années passées dans le conseil en management de 2009 à 2015 il a rejoint l’École
nationale d’administration pour contribuer à la modernisation de la formation et est
aujourd’hui directeur de la thématique « Transformation des organisations, Innovation et
Entrepreneuriat » à l’École polytechnique Executive Education. Fabien Gélédan est
également rattaché aux centres de recherche Dauphine Recherche et Management (équipe
MOST) et OCE Research Centre (EMLyon Business School).
Le NPM déconstruit
Lire la bureaucratisation
néolibérale avec Weber
Béatrice Hibou
Redéploiement du politique et
modes de gouvernement
2 C’est ce que j’appelle la « bureaucratisation néolibérale », de façon
très sérieuse et ironique à la fois 2 . Le sérieux renvoie à la
conceptualisation du processus décrit. La référence à la
bureaucratisation est directement liée au fait que ces formalités
procèdent d’une rationalisation et d’une professionnalisation, de la
volonté de calculabilité et de prévisibilité, de la recherche de
neutralité, d’objectivité et d’impersonnalité, etc., toutes
caractéristiques propres à la bureaucratie, comme l’avait analysée
Max Weber. Ce dernier considérait d’ailleurs les entreprises et les
banques (tout comme les clubs, les églises ou les partis politiques)
comme des prototypes de bureaucratisation qui en aucun cas ne se
limitaient à l’appareil administratif étatique, contrairement à ce que
la vulgate scientifique n’a cessé de laisser entendre et que le langage
courant a repris à son compte 3 . Si l’on accepte de comprendre ces
formalités comme une forme de bureaucratisation, on peut alors les
qualifier de néolibérales dans la mesure où ce qui les fonde est cette
référence au marché (et notamment son principe de concurrence) et
surtout à l’entreprise, et plus précisément encore à l’entreprise
managériale. Ces formalités sont en effet des abstractions
(puisqu’elles entendent non pas être la réalité, mais une élaboration,
une représentation mentale de la vie réelle) issues d’un certain
monde (le marché concurrentiel, la grande entreprise industrielle et
managériale), mais considérées comme universelles et donc comme
pertinentes pour l’ensemble de la vie en société.
« La bureaucratisation du monde »,
une lecture wébérienne du néolibéralisme
17 Préciser ma démarche et en expliciter davantage mon héritage
wébérien permet de clarifier ces idées et de lever quelques
malentendus. La référence à Weber peut apparaître paradoxale au
premier abord : n’y a-t-il pas anachronisme ? Et que peut apporter
aujourd’hui son analyse de la bureaucratie à la compréhension d’un
moment qui a précisément fait de sa distanciation d’avec la
bureaucratie l’un de ses leitmotivs ? En réalité, c’est avant tout la
démarche proposée par Max Weber et son questionnement
méthodologique qui peuvent nous aider à lever ces malentendus.
33
La bureaucratisation néolibérale, une « irréalité »
Conclusion
30 La palette des significations politiques de la bureaucratisation
néolibérale est aussi élargie par son interaction avec les autres mises
en forme, celles que j’ai nommé les « informalités » et qui elles aussi
sont singulières à chaque contexte. Le langage des formalités
néolibérales interfère avec d’autres langages, avec d’autres
processus, d’autres logiques d’action, d’autres consciences, d’autres
subjectivités ou imaginaires qui peuvent alimenter des oppositions
frontales ou des remises en cause plus insidieuses. Pour peu que l’on
entre dans la technicité de ces formalités, que l’on fasse attention
aux détails de leurs pratiques dans la vie quotidienne, que l’on
intègre leur diffusion dans une trajectoire plus longue et surtout
plurielle de l’exercice du pouvoir, on s’aperçoit qu’elles se heurtent
aussi à des imprévus, qu’elles entrent en conflit avec d’autres
préceptes ou répertoires d’action, qu’elles sont comprises
différemment selon les moments, les acteurs, les circonstances, les
situations. Surtout, elles contiennent en elles-mêmes des occasions
de contournement, des incohérences sur lesquelles jouer, des
insatisfactions qui rendent possibles, dans certaines occasions, des
renversements. C’est en ce sens que l’on peut lire la
bureaucratisation néolibérale comme l’un des répertoires dominants
du politique, l’un de ses principaux référentiels (mais certainement
pas le seul) autour duquel se nouent aujourd’hui les relations
sociales, les conflits et les négociations, et se jouent les inégalités et
les exclusions.
NOTES
1. Graeber (D.), “On the Phenomenon of Bullshit Jobs”, Strike! Magazine, 17 août 2013 et
Bureaucratie, Paris, Les liens qui libèrent, 2015.
2. Hibou (B.), La bureaucratisation du monde à l’ère néolibérale, Paris, La Découverte, 2012 et
Hibou (B.), (dir.), La Bureaucratisation néolibérale, Paris, La Découverte, 2013.
3. On retrouve cette dimension dans nombre de textes de Max Weber, notamment dans La
Domination, Paris, La Découverte, 2013.
4. Ogien (A.), L’Esprit gestionnaire, Paris, Éditions de l’EHESS, 1995.
5. Voir par exemple les livres évangélisateurs d’Osborne (D.) et Gaebler (T.), Reinventing
Government. How the Enterpreneurial Spirit is Transforming the Public Sector, Addison Wesley,
1992 et Osborne (D.) et Plastrik (P.), Banishing Bureaucracy. The Five Strategies for Reinventing
Government, Addison Wesley, 1997.
6. Mises (L. von), Bureaucracy, Londres, William Hodge & Cy, 1945, pp. 62-63.
7. Sur cette coexistence de la logique légale-rationnelle et de la logique idéologique, voir
Samier (E.), “Demandarinisation in the New Public Management. Examining Changing
Administrative Authority from a Weberian Perspective” dans Hanke (E.) et Mommsen (W.J.),
(dir.), Max Webers Herrschaftssoziologie, Tübingen, Mohr Siebeck, 2001, pp. 235-263, qui parle
à ce propos d’« idéologie administrative », p. 239.
8. Sur les bricolages du NPM, Hood (C.), “A Public Management for all Seasons?”, Public
Administration, 69 (1), printemps 1991, pp. 3-19 ; Merrien (F.-X.), « La nouvelle gestion
publique : un concept mythique », Lien social et politique, no 41, printemps 1999, pp. 95-103 ;
Bezes (P.), « Construire des bureaucraties wébériennes à l’ère du New Public Management »,
Critique internationale, 35, février 2007, pp. 9-29.
9. Monnier (E.), L’évaluation de l’action des pouvoirs publics, Paris, Economica, 1987 ; Ogien (A.)
et Laugier (S.), Pourquoi désobéir en démocratie ? Paris, La Découverte, 2010.
10. C’est évidemment la notion développée dans ses cours au Collège de France de 1978-
1979, Foucault (M.), Naissance de la biopolitique. Cours au collège de France 1978-79, Paris, Hautes
Études, Gallimard-Le Seuil, 2004, et largement développés par la suite : Latour (B.), Sciences
in Action. How to Follow Scientists and Engineers Through Society, Milton Keynes, Open
University Press, 1987 (et son action à distance des savants et experts) ; les governmentality’s
studies ont particulièrement mis l’accent sur cette dimension : Barry (A.), Osborne (T.) et Rose
(N.), (eds.), Foucault and Political Reason, Chicago, The University of Chicago Press, 1996, ou
Miller (P.) et Rose (N.), Governing the Present. Administering Economic, Social and Personal Life,
Cambridge, Polity Press, 2008. Mais M. Weber le disait déjà en des termes différents, en
termes de « décharge » et de délégation.
11. Dans des traditions intellectuelles très différentes, cela est mis en évidence par Majone
(G.), (ed.), Regulating Europe, Londres, Routledge, 1996 et par Barry (A.), Political Machines.
Governing a Technological Society, Londres, The Athlone Press, 2001.
12. Ceci est souligné aussi bien par des travaux qui militent pour la réforme et qui,
évidemment, ne conceptualisent pas cette inflation procédurale en termes de bureaucratie
(Trosa [S.], Vers un management post bureaucratique. La réforme de l’État, une réforme de la
société, Paris, L’Harmattan, 2006) que par des chercheurs qui analysent ces processus d’un
œil qui se veut neutre (Pollitt [C.], Managerialism and the Public Services. Cuts or Cultural
Changes in the 1990’s?, Oxford, Blackwell, 1993, qui parle à ce propos de néotaylorisme) ou
d’un œil tout à fait critique (Strathern [M.], [ed.], Audit Cultures. Anthropological Studies in
Accounting, Ethics and the Academy, Londres, Routledge, 2000) et, notamment l’article de
Shore (C.) et Wright (S.), “Coercive Accountability. The Rise of Audit Culture In Higher
Education”, pp. 57-89 ; Gay (P. du), (ed.), The Values of Bureaucracy, Oxford, Oxford University
Press, 2005.
13. Ce que montrent nombre de travaux critiques sur le NPM (même si leurs auteurs ne le
conceptualisent pas en ces termes) : Hood (C.), Explaining Economic Policy Reversals,
Buckingham, Open University Press, 1994 ; Hood (C.), James (O.), Peters (G.), Scott (C.), (eds.),
Controlling Modern Government. Variety, Commonality and Change, Cheltenham, Elgar, 2004 ;
Bruno (I.), À vos marques, prêts… cherchez ! La stratégie européenne de Lisbonne, vers un marché de
la recherche, Bellecombe-en-Beauge, Éditions du Croquant, 2008 ; Bezes (P.), Réinventer l’État.
Les réformes de l’administration française (1962-2008), Paris, Presses universitaires de France,
2009 ; Eyraud (C.), Le capitalisme au cœur de l’État. Comptabilité privée et action publique,
Bellecombe-en-Beauge, Éditions du Croquant, 2013 ; Pierru (F.), Hippocrate malade de ses
réformes, Bellecombe-en-Beauge, Éditions du Croquant, 2007 ; Belorgey (N.), L’hôpital sous
tension. Enquête sur le « new public management », Paris, La Découverte, 2010.
14. Porter (T.), Trust in Numbers. The Pursuit of Objectivity in Science and Public Life, Princeton,
Princeton University Press, 1995 ; Desrosières (A.), La politique des grands nombres. Histoire de la
raison statistique, Paris, La Découverte, 1993 ; Strathern (M.), (ed.), The Audit Culture, op.cit. ;
Gay (P. du), (ed.), The Value of Bureaucracy, op.cit.
15. Toutes ces notions sont celles de Weber dont Jean-Pierre Grossein nous offre une
lecture éclairante et des approfondissements dans sa « Présentation » de M. Weber, dans
Sociologie des religions, Paris, Tel, 2006, pp. 51-114.
16. Hibou (B.), (dir.), La privatisation des États, Paris, Karthala, 1999.
17. Hibou (B.), La Force de l’obéissance. Économie politique de la répression en Tunisie, Paris, La
Découverte, 2006 et Anatomie politique de la domination, Paris, La Découverte, 2011.
18. Weber (M.), La domination, Paris, La Découverte, 2015.
19. Foucault (M.), Surveiller et punir. La naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975, p. 360.
20. Weber (M.), « Introduction à l’éthique économique des religions mondiales » dans
Sociologie des religions, op.cit, p. 338.
21. Hacking (I.), The Taming of Chance, Cambridge University Press, 1991 ; Porter (Th.), Trust
in Numbers. The Pursuit of Objectivity in Science and Public Life, Princeton, Princeton University
Press, 1995 ; Desrosières (A.), La politique des grands nombres, op. cit.
22. Crouch (C.) et Streeck (W.), Political Economy of Modern Capitalism. Mapping Convergence
and Diversity, Londres, Sage, 1997 ; Amable (B.), Les cinq capitalismes. Diversité des systèmes
économiques et sociaux dans la mondialisation, Paris, Le Seuil, 2005 ; Boltanski (L.) et Chiapello
(É.), Le nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard-NRF essais, 1999 ; Arrighi (G.), The Long
Twentieth Century. Money, Power, and the Origins of Our Times, Londres, Verso, 2002 ; Sennett
(R.), The Culture of the New Capitalism, New Haven, Yale University Press, 2006 ; Wood (G.) et
Lane (C.), (eds.), Capitalisme Diversity and Diversity within Capitalism, Londres, Routledge, 2011.
On peut également ranger dans cette rubrique des spécialistes de la politique économique
et de la géographie socio-économique comme Brenner (N.), New State Spaces. Urban
Governance and the Rescaling of Statehood, Oxford and New York, Oxford University Press,
2004 ; Peck (J.), Constructions of Neoliberal Reason, Oxford, Oxford University Press, 2010 ;
Brenner (N.), Peck (J.) et Theodore (N.), “Variegated Neoliberalization. Geographies,
Modalities, Pathways”, Global Networks, 2010, 10 (2), pp. 1-41.
23. Polanyi (K.), The Great Transformation. The Political and Economic Origins of Our Time,
Boston, Beacon Press, 1957. Il est révélateur de ce mouvement que la nouvelle traduction
anglaise ait été préfacée par le prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz !
24. Blyth (M.), Great Transformations. Economic Ideas and Institutional Change in Twenthieth
Century, Cambridge and New York, Cambridge University Press, 2002 ; Block (F.), “Karl
Polanyi and the Writing of the Great Transformation”, Theory and Society, 2003, vol. 32,
pp. 275-306 ; Saad-Filho (A.) et Johnston (D.), (eds.), Neoliberalism. A Critical Reader, Londres,
Pluto Press, 2005 ; Joerges (C.), Strath (B.) et Wagner (P.), The Economy as a Polity. The Political
Constitution of Contemporary Capitalism, Londres, UCL Press, 2006 ; Bugra (A.) Agaran (K.),
(eds.), Reading Karl Polanyi for the Twenty-First Century. Market Economy as a Political Project,
New York, Palgrave, 2007. Même des marxistes comme Silver (B.) et Arrighi (G.) s’y réfèrent
désormais (“Polanyi’s’ ‘Double Movement’ : The Belle Époque Of British And U.s. Hegemony
Compared”, Politics & Society, juin 2003, vol. 31, no 2, pp. 325-355).
25. Harvey (D.), A Brief History of Liberalism, Oxford, OUP, 2007 ; Brown (W.), Edgework. Critical
Essays on Knowledge and Politics, Princeton and Oxford, Princeton University Press, 2005 ;
Robinson (R.), (ed.), The Neo-Liberal Revolution. Forging the Market State, New York, Palgrave,
2006 ; Saad-Filho (A.) et Johnston (D.), (eds.), Neoliberalism. A Critical Reader, op.cit. ; Conway (D.)
et Heynen (N.), (eds.), Globalization’s Contradictions. Geographies of Discipline, Destruction and
Transformation, Londres, Routledge, 2006 ; Bush (R.), Poverty and Neoliberalism. Persistance and
Reproduction in the Global South, Londres, Pluto Press, 2007.
26. Plehwe (D.), Walpen (B.) et Neunhöffer (G.), (eds.), Neoliberal Hegemony. A Global Critique,
Londres, Routledge, 2006.
27. Outre le Résumé de cours, Paris, Julliard, 1989, Foucault (M.), Sécurité, territoire,
population. Cours au Collège de France, 1977-1978, Paris, Hautes Études, Gallimard-Le Seuil, 2004
et Naissance de la biopolitique, op. cit. Certains extraits de ces textes et de cette réflexion
avaient été préalablement publiés en français dans Dits et Écrits (notamment « La
“gouvernementalité” », pp. 635-657 dans Dits et Écrits, III, 1976-1979, Paris, Gallimard, 1994).
28. Burchell (G.), Gordon (C.) et Miller (P.), (eds.), The Foucault Effect: Studies in
Governmentality, Hemel Hempstaed, Harvester Wheatsheaf, 1991 ; Burchell (G.), “Liberal
Government and Technique of the Self”, Economy and Society, 1993, vol. 22, no 3, pp. 267-282 ;
Hindess (B.), “Liberalism, Socialism, Democracy: Variations on a Governmental Theme”, op.
cit., pp. 300-313 ; Osborne (T.), “Sociology, Liberalism and the History of Conduct” Economy
and Society, 1994, vol. 23, no 4, pp. 484-501 ; Barry (A.), Osborne (T.) et Rose (N.), (eds.),
Foucault and Political Reason. Liberalism, neo-liberalism and Rationalities of Government, Chicago,
The University of Chicago Press, 1996 ; Rose (N.), Powers of Freedom. Reframing Political
Thought, Cambridge University Press, 1999 ; Lemke (T.), “The “Birth of Bio-Politics”: Michel
Foucault’s Lecture at the Collège de France on Neo-Liberal Governmentality”, Economy and
Society, mai 2001, vol. 30, no 2, pp. 190-207 ; Barry (A.), Political Machine. Governing a
Technological Society, Londres & New York, Athlone Press, 2001.
29. Brown (W.), Edgework, op.cit. ; Ferguson (J.), Global Shadows. Africa in the Neoliberal World
Order, Londres, Duke University Press, 2006.
30. Ong (A.), Neoliberalism as Exception. Mutations in Citizenship and Sovereignty, Londres, Duke
University Press, 2006.
31. Bayart (J.-F.), Le gouvernement du monde. Une critique politique de la globalisation, Paris,
Fayard, 2004 ; Comaroff (J. et J.), (eds.), Millenial Capitalism and the Culture of Neoliberalism,
Duke University Press, 2001.
32. Je ne suis pas la seule à faire le lien entre les travaux précédemment cités, notamment
ceux qui s’inspirent de Foucault, et Weber. Parmi les plus récents, voir par exemple Palma
(G. di), The Modern State Subverted. Risk and the Deconstruction of Solidarity, Colchester, ECPR
Press, 2013.
33. Je reprends cette expression et cette analyse de Grossein (J.-P.), « Leçon de méthode
wébérienne » dans Weber (M.), Concepts fondamentaux de sociologie et autres textes, Paris,
Gallimard, 2016.
34. Weber (M.), « Parlement et gouvernement dans l’Allemagne réorganisée. Contributions
à la critique politique du corps des fonctionnaires et du système des partis » dans Œuvres
politiques (1895-1919), Paris, Albin Michel, 2004, pp. 334 ; Economy and Society, op.cit. Voir
également la lecture qu’en fait Kalberg (St.), Max Weber’s Comparative Historical Sociology,
Chicago, Chicago University Press, 1994.
35. Rizzi (B.), La bureaucratisation du monde, 1939, Paris, réédition Champ libre, 1979.
36. Grossein (J.-P.), « Présentation » dans Weber (M.), L’Éthique protestante et l’esprit du
capitalisme, Paris, Gallimard, 2003, p. XLII.
37. Weber (M.), « Réponse finale aux critiques » dans Sociologie des religions, Paris,
Gallimard, 1996, p. 138.
38. Weber (M.), La Domination, op. cit., respectivement pp. 51, 118 et 303.
39. Weber (M.), « Réponse finale aux critiques », art. cit., p. 138.
40. Thévenot (L.), « Un gouvernement par les normes. Pratiques et politiques des formats
d’information » dans Conein (B.) et Thévenot (L.), (eds.), Cognition et information en société,
Paris, Éditions de l’EHESS, 1997, pp. 204-42 et “Governing Life By Standards. A View from
Engagements”, Social Studies of Science, octobre 2009, 39/5, pp. 793-813.
41. Weber (M.), « Introduction à l’éthique économique des religions mondiales » dans
Sociologie des religions, op.cit., p. 376.
42. Weber (M.), « Considération intermédiaire : théorie des degrés et des orientations du
refus religieux du monde » dans Sociologie des religions, op.cit., pp. 411-412.
43. Sur cette dimension comparative de l’idéal-type, voir Passeron (J.-C.), « Introduction »
et Grossein (J.-P.), « Présentation » dans Weber (M.), Sociologie des religions, op.cit.,
respectivement, pp. 1-49 et pp. 51-129 ; Hibou (B.), « De l’intérêt de lire La Domination de Max
Weber aujourd’hui », Lectures/Liens Socio, mai 2014,
https://journals.openedition.org/lectures/14098.
44. Samier (E.), “Demandarinisation in the New Public Management”, art. cit.
45. Samuel (B.), « L’Éducation pour tous. La production bureaucratique du réel » dans Hibou
(B.), (dir.), La bureaucratisation néolibérale, Paris, La Découverte, 2013, pp. 263-290.
46. Cette analyse de la fiction est proposée par Thomas (Y.), « Fictio legis. L’empire de la
fiction romaine et ses limites médiévales », dans Les Opérations du droit, Paris, Hautes Études,
Gallimard-Le Seuil, 2011, pp. 133-186 (citations p. 135).
47. Nombreux sont ceux qui ont pensé la fiction comme réalité, tels Foucault ou Barthes
les plus souvent cités et sur lesquels je me suis aussi appuyée dans cette analyse. Mais je
m’inspire ici des travaux juridiques de Yan Thomas qui ont l’avantage de mener leur
raisonnement à partir du droit, donc d’une technique et d’offrir ainsi une analyse
particulièrement adaptée au monde des formalités dont je traite ici des principaux traits.
48. Weber (M.), « Introduction à l’éthique économique des religions mondiales », op.cit.,
p. 351.
49. Ibid.
50. C’est aussi dans ces termes que l’on peut comprendre l’importance du raisonnement
par cas et du recours euphémisé à l’arbitraire dans la période néolibérale. Voir Cuono (M.),
Decidere caso per caso. Figure del potere arbitrario, Madrid, Marcial Pons, 2013.
51. Expressions de Weber citées et analysées par Grossein (J.-P.), « Présentation », dans
Weber (M.), L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, op.cit., p. XVI et suivantes.
52. Métaphore de Weber (M.), Éthique protestante et esprit du capitalisme, op. cit., p. 30.
53. Grossein (J.-P.), « Présentation », Sociologie des religions, op.cit., p. 65 et suiv. met en
évidence l’importance, dans l’analyse de Weber, des « porteurs » et des « médiations » par
qui passent nécessairement les idées.
54. Bayart (J.-F.) a développé ce type d’analyse à propos de la globalisation dans Le
gouvernement du monde, op.cit.
55. Weber (M.), Sociologie des religions, op.cit. ; mis en exergue par Grossein (J.-P.) dans sa
« Présentation », op. cit., pp. 88-89 et 122.
56. À propos du capitalisme, Weber (M.), « Réponse finale aux critiques », op.cit., p. 136.
57. Harper (R.), Inside IMF. An Ethnography of Documents, Technology and Organizational Action,
San Diego, Academic Press, 1998, mais aussi, dans sa dimension politique, Appadurai (A.),
(ed.), The Social Life of Things, Cambridge, Cambridge University Press, 1986. Pour une
discussion de ces approches, Hibou (B.) et Samuel (B.), « Macroéconomie et politique en
Afrique », Politique africaine, décembre 2011, 124 (numéro spécial sur « La macroéconomie
par le bas »), pp. 5-28 et surtout Samuel (B.), « La production macroéconomique du réel.
Formalités et pouvoir au Burkina Faso, en Mauritanie et en Guadeloupe », thèse de doctorat
de l’IEP de Paris, décembre 2013.
58. Kemp (A.) et Berkovitch (N.), « Gouvernance pédagogique et financiarisation de la vie
quotidienne. La fabrique de la micro-finance pour les femmes marginalisées en Israël » et
Bono (I.), « Comment devenir employable ? Certifier l’exclusion, l’indifférence et la
stigmatisation sur le marché du travail au Maroc » dans Hibou (B.), (dir.), La bureaucratisaton
néolibérale, op.cit., respectivement pp. 23-48 et pp. 49-76.
59. Weber (M.), La Domination, op.cit., p. 90.
60. Hulsey (J.), « No One’s Home. La bureaucratisation financière et la force du langage »
dans Hibou (B.), (dir.), La bureaucratisation néolibérale, op.cit., pp. 157-176.
61. Ce que montrent Roberto Beneduce et Simona Taliani dans leur analyse du travail des
psychiatres et psychologues auprès des demandeurs d’asile dans « Les archives
introuvables. Technologie de la citoyenneté, bureaucratie et migration », La bureaucratie
néolibérale, Paris, La Découverte, 2013, pp. 231-262.
62. Weber (M.), La Domination, op.cit., pp. 90-92.
63. En français, Grossein (J.-P.) a proposé de traduire le terme allemand par
« quotidianisation » dans la mesure et non par « routinisation » (traduction précédente
directement influencée par la traduction anglaise), car ce terme véhicule avec lui une
connotation négative, voire péjorative : voir sa « Présentation » dans Weber (M.), Sociologie
des religions, op.cit., p. 68 et pp. 123-124.
64. Klemperer (V.) l’a magistralement montré dans un autre contexte, celui du IIIe Reich :
LTI, la langue du IIIe Reich, Paris, Albin Michel, Press Pocket, 1996. Voir également Marcuse
(H.), L’homme unidimenssionel, Paris, Les Éditions de Minuit, 1968.
65. On peut comprendre la lecture du « politique par le bas » proposée par Jean-François
Bayart comme une autre façon de développer l’idée wébérienne de quotidianisation : Bayart
(J.-F.), « Le politique par le bas en Afrique noire », Politique africaine, 1981, 1, pp. 53-82 et
Bayart (J.-F.), Mbembe (A.) et Toulabor (C.), Le politique par le bas en Afrique noire, Paris,
Karthala, 2008 (première édition, 1992).
66. Weber (M.), « Réponse finale aux critiques », op.cit., p. 135 (qui parle des différentes
tonalités de l’esprit du capitalisme)
67. Hood (C.), “The ‘Npm’ in the 1980’S. Variations on a Theme”, Accounting, Organizations
and Society, 1995, 20-21, pp. 93-109.
68. Samier (E.), “Demandarinisation in the New Public Management”, art. cit. ; Pollitt (C.),
Managerialism and the Public Services, op.cit.
69. Bezes (P.), Réinventer l’État, op.cit. ; Eyraud (C.), Le capitalisme au cœur de l’État, op.cit. ;
Pierru (F.), « Le mandarin, le gestionnaire et le consultant », Actes de la recherche en sciences
sociales, 2012, 194, 4, pp. 32-51.
70. Hibou (B.) et Tozy (M.), « Une lecture wébérienne de la trajectoire de l’État au Maroc »,
Sociétés Politiques Comparées, 37, septembre-décembre 2015,
http://www.fasopo.org/sites/default/files/varia1_n37.pdf
71. Voir Samuel (B.), « Les cadres stratégiques, nouveaux fétiches des politiques de
développement ? », dans actes du colloque « Les Mots du développement », Paris,
novembre 2008, et « Calcul macroéconomique et modes de gouvernement : les cas de la
Mauritanie et du Burkina Faso », Politique africaine, décembre 2011, 124, pp. 101-126 ; Egil
(F.), « Les éléphants de papier. Réflexions impies pour le Ve anniversaire des Objectifs de
développement du millénaire », Politique africaine, octobre 2005, 99, pp. 97-115.
72. Giovalucchi (F.) et Olivier de Sardan (J.P.), « Planification, gestion et politique dans l’aide
au développement : le cadre logique, outil et miroir des développeurs », Revue Tiers-Monde,
février 2009, no 198, pp. 383-406.
73. Weber (M.), « Remarques critiques sur les “contributions critiques” précédentes » dans
Éthique protestante et esprit du capitalisme, op.cit., p. 328.
74. Weber (M.) à propos des religions, cité par Grossein (J.-P.), « Présentation » dans
Sociologie des religions, op.cit., p. 100.
75. C’est l’un des arguments de Weber aussi bien dans L’Éthique protestante et l’esprit du
capitalisme que dans Sociologie des religions. Voir la lecture éclairante qu’en propose Grossein
(J.-P.) dans sa « Présentation » de l’Éthique protestante (op. cit., notamment pp. XXXIX-XLIII).
76. Je fais référence ici à la citation de Weber que j’ai mise en exergue de mon livre, La
bureaucratisation du monde à l’ère néolibérale : « S’il est une idée hautement ridicule, c’est bien
celle de nos littérateurs persuadés que le travail intellectuel dans un bureau privé se
distingue en quoi que ce soit de celui qui s’effectue dans un bureau d’État. […] Aujourd’hui,
capitalisme et bureaucratie se sont rencontrés et sont devenus inséparables », dans
Weber (M.), « Parlement et gouvernement dans l’Allemagne réorganisée. Contributions à la
critique politique du corps des fonctionnaires et du système des partis » dans Œuvres
politiques (1895-1919), Albin Michel, Paris, 2004, p. 324 et p. 327.
AUTEUR
BÉATRICE HIBOU
Conclusion
48 Comment ne pas penser aujourd’hui, face à la tyrannie des
expertises, à ce que disait la philosophe Simone Weil : « On dit
souvent que la force est impuissante à dompter la pensée ; mais pour
que ce soit vrai, il faut qu’il y ait pensée. Là où les opinions
irraisonnées tiennent lieu d’idées, la force peut tout. Il est bien
injuste de dire par exemple que le fascisme anéantit la pensée libre ;
en réalité c’est l’absence de pensée libre qui rend possible d’imposer
par la force des doctrines officielles totalement dépourvues de
signification ».
49 Il serait désastreux qu’une nouvelle forme de technocratie vienne se
substituer à celle de la « cage de fer » des États modernes, dont la
technocratie d’expertise a de nos jours pris le relais. Il serait
désastreux qu’une nouvelle forme de « conduite des conduites »
confisque le nécessaire débat citoyen en imposant une micro-gestion
administrative des espaces, des biens, des informations et de ceux
qui en usent. C’est la raison pour laquelle le « commun » à
réinventer, pour sortir de cette « tragédie des enclosures »
anciennes et actuelles, ne pourra se construire qu’à la condition de
retrouver le goût et le sens du récit par lequel l’humain construit son
expérience et la transmet à autrui. Nous avons plus que jamais
aujourd’hui besoin de cette « pensée de Midi », dont parlait Camus,
pensée, qui conjoint la raison et le sacré, l’art et la politique. Une
telle pensée ne rejette pas les chiffres, pas davantage qu’elle
méconnaît l’économie, elle en expose les contraintes, moins pour
nous faire taire que pour nous permettre d’en parler. C’est ce « goût
de la parole », comme disait mon ami Zarifian, que nous devons
retrouver pour rendre ce monde habitable.
50 Terminons avec Alain Desrosières : « La planification centralisée des
ex-pays socialistes a échoué parce qu’il était impossible de fixer des
indicateurs fiables de réalisation des objectifs du Plan, en raison des
effets pervers induits par ces indicateurs, par rétroaction sur le
comportement des acteurs. Les indicateurs et les classifications sont
tout à la fois des contraintes et des ressources qui, par leur existence
même, changent le monde » 11 , et encore : « l’histoire,
l’anthropologie, et aussi le débat politique démocratique, peuvent
fournir d’utiles contrepoids réflexifs à des techniques économiques
et statistiques parfois trop sûres d’elles-mêmes » 12 . Non sans devoir
ajouter avec Rousseau : « Ils ne savent pas que les maisons font la
ville mais que les citoyens font la cité » 13 .
NOTES
1. Desrosières (A.), Gouverner par les nombres L’argument statistique, tome 2, Paris, Presses de
l’École des mines, 2008, p. 29.
2. Foucault (M.), Naissance de la biopolitique. Cours au Collège de France 1978-1979, Paris, Hautes
Études, Gallimard-Le Seuil, 2004, p. 236.
3. Bourdieu (P.), Sur l’État. Cours au Collège de France 1989-1992, Paris, Le Seuil, 2012.
4. Ibid., p. 156.
5. Ibid., pp. 187-188.
6. Desrosières (A.), Prouver et gouverner, Paris, La Découverte, 2014, p. 50.
7. Ellul (J.), Le Système technicien, Paris, Le Cherche midi, 2004.
8. Camus (A.), « Le siècle de la peur », texte écrit le 30 novembre 1946 et publié par Combat
en novembre 1948.
9. Rey (A.), (dir.), Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Le Robert, 1992, tome 2.
10. Lyotard (J.-F.), Le postmoderne expliqué aux enfants, Paris, Galilée, 1988-2005, p. 60.
11. Desrosières (A.), Gouverner par les nombres. L’argument statistique, tome 2, Paris, Presses de
l’École des mines, 2008, p. 29.
12. Desrosières (A.), Prouver et gouverner, Paris, La Découverte, 2014, p. 69.
13. Rousseau (J.-J.), Du Contrat social, 1762, livre I, chapitre VI, note 1 de Rousseau.
AUTEUR
ROLAND GORI
« Ces défis sont immenses […] si l’école est nécessairement en première ligne de
ce combat pour les valeurs et assumera avec détermination la mission ambitieuse
que lui a confiée la nation, elle ne peut le faire qu’en accordant plus de place à
l’engagement des citoyens à ses côtés, qu’en renouvelant les formes
d’engagement pour donner à chacun la possibilité d’être, aux côtés des équipes
éducatives, utile pour l’école de la République. C’est donc une réponse
structurelle et pérenne qu’il faut construire ».
1 Cet extrait de la circulaire du 12 mai 2015 relative à la « réserve
citoyenne de l’Éducation nationale » illustre l’inscription de la
coproduction dans l’agenda réformateur public français et l’ampleur
des attentes qui lui sont portées. En réaction aux attentats perpétrés
au mois de janvier 2015, la présidence de la République a programmé
la création de réserves citoyennes qui consistent à organiser
l’engagement des citoyens au service de la République « pour que
vive la Fraternité » 1 . Cette mobilisation des citoyens pour assurer
des missions dans un cadre fixé par des organismes publics recoupe
l’idée fondamentale de la coproduction, à savoir la contribution
volontaire des citoyens à la production de valeur par les services
publics 2 . Bien que très ancien 3 , ce concept connaît un retour en
force ces dernières années 4 tant au niveau des administrations
publiques que de la recherche en sciences sociales. Au-delà de la
réserve citoyenne, toute une série d’initiatives pratiques et de
réflexions théoriques concourent à établir un climat favorable au
développement de la coproduction. L’essor de design des services
publics, soutenu par différentes initiatives, telles que celles de la
27e région, consiste précisément à incorporer les usages (et donc les
usagers internes et externes) dans l’élaboration des services publics,
en est la manifestation la plus visible, mais la création d’une agence
du service civique, les préconisations portées par certains think tanks
5
ou encore la réflexion sur l’empowerement dans la politique de la
ville participent du même mouvement.
2 Le renouveau de ce mode de production de l’action publique se
réalise cependant dans une relative confusion idéologique et
opérationnelle. En effet, le recours à la coproduction peut être
réalisé en invoquant des valeurs différentes (réduire les coûts de
production à l’instar du programme de Big Society mis en œuvre par
David Cameron en 2010 ou revivifier les valeurs républicaines à
l’instar de l’exemple français) et selon des modalités très
différenciées (niveau d’engagement, modes de sélection des
coproducteurs, secteurs d’intervention, etc.). L’objectif de cet article
est de contribuer à la clarification conceptuelle de l’objet
« coproduction » par un passage en revue de la littérature sur le
sujet.
3 Cette recension est organisée de manière à définir la coproduction
sans la confondre avec la démocratie participative et à préciser son
fonctionnement, ses enjeux et ses effets.
La coproduction n’est pas une démarche de
démocratie participative
4 Les travaux d’Elionor Ostrom sont souvent pris comme point de
départ de la recherche sur la coproduction. Dans ses travaux, Ostrom
6
définit la coproduction comme : « le processus à travers lequel des
ressources utilisées pour produire un bien ou un service sont
apportées par des individus qui ne sont pas “dans” la même
organisation ». Cette définition très large pose l’idée de travail
partagé entre des acteurs à l’intérieur et à l’extérieur d’une
organisation. Très rapidement, plusieurs définitions sont venues
caractériser plus précisément les acteurs impliqués dans le
processus. Brudney et England 7 indiquent que la coproduction est
« la production conjointe de services publics par les producteurs
traditionnels (agents publics, fonctionnaires) et des usagers
(citoyens ou associations de quartiers) ». Parks, quant à lui, propose
la définition suivante : « les différentes activités réalisées ensemble
par les agents publics et les citoyens et qui contribuent à la
production des services publics » 8 . Les précisions apportées par les
définitions ultérieures visent à exclure du périmètre de la
coproduction les interactions entre les services publics et d’autres
organisations, qu’elles soient publiques, privées ou associatives. La
coproduction met en lien des organisations publiques et des citoyens
pris individuellement ou collectivement.
5 C’est précisément ici que réside le risque de confusion avec la
démocratie participative. Comme le souligne Loeffler 9 , la
participation citoyenne comme la coproduction sont des concepts
« attrape-tout » qui peuvent recouvrir une grande variété de
pratiques. Ainsi il va de soi que la coproduction entendue lato sensu, à
savoir que les citoyens « apportent de la valeur à la production des
services publics » 10 en y mettant du leur 11 est une forme de
« participation » des citoyens à l’action publique. Par ailleurs,
certains auteurs considèrent la coproduction comme un paradigme
englobant de multiples niveaux de contribution des citoyens :
codécision, écoconception, co-maîtrise d’ouvrage, coproduction, co-
évaluation. Dans ce cadre, quand la coproduction porte sur des choix
de politique publique ou leur évaluation elle se confond avec la
démocratie participative. Pour éviter cette confusion, Brandsen &
Pestoff 12 ainsi qu’Alford et O’Flynn 13 proposent de distinguer
coproduction et co-gouvernance pour positionner la coproduction
au niveau infrapolitique de la gestion opérationnelle des services
public. En résumé, l’enjeu de la coproduction ne serait pas de
discuter et modifier le cadre d’action, mais, une fois celui-ci fixé, de
contribuer à une réalisation meilleure ou plus efficiente. La
démocratie participative cible essentiellement l’apport d’idées par
les citoyens (leurs souhaits, leurs attentes, leurs propositions, etc.),
là où la coproduction cible prioritairement l’action et le
comportement des citoyens. La distinction entre coproduction et
démocratie participative porte également sur la représentativité. Les
démarches de démocratie participative, qui trouvent leur origine
dans une volonté de correction des défauts de la démocratie
représentative, sont sommées d’assurer une forme ou une autre de
représentativité des publics qui s’y investissent 14 et peinent, dans
leur très grande majorité, à y arriver 15 . La question de la
représentativité est substituée par celle de la compétence dans le
champ de la coproduction, dans la mesure où son principe
fondamental est la liberté de contribution : l’enjeu est de trouver des
citoyens compétents et prêts à s’investir davantage que des citoyens
représentatifs. Si la participation des citoyens aux prestations des
services publics peut renforcer leur influence et contribuer à la
démocratisation 16 , cela est un impact éventuellement recherché
par la coproduction et non sa condition sine qua non. De surcroît, les
compétences requises pour la coproduction et les activités de
représentation diffèrent. Il faut prendre garde cependant que la
distinction entre coproduction et démocratie participative ne réduit
pas la coproduction à un exercice purement technique et dépolitisé.
Bien au contraire, tant le choix de s’engager ou non dans la
coproduction, les modalités concrètes de son organisation et ses
effets (recherchés ou non) peuvent affecter la nature des services
publics et les rapports des citoyens aux administrations. La
coproduction a une portée politique qui peut s’analyser dans le cadre
de la dissolution des frontières entre politique et technique 17 .
6 La distinction entre participation et coproduction est désormais
acquise dans le monde académique 18 , il s’agit donc de caractériser
plus en détail les composantes particulières de la coproduction. Tout
d’abord la coproduction est une contribution partiellement bénévole
et partiellement volontaire. L’idée est ici de distinguer la
coproduction du bénévolat traditionnel. Lorsque les services publics
sont davantage considérés à l’aune d’une logique de service 19 que
d’une logique juridique (droits de propriété, principes de service
public), alors la coproduction apparaît inévitable puisque le service
est consommé au moment où il est produit : la participation du
bénéficiaire est inhérente à certains services (comme dans
l’enseignement) même si une implication plus importante du
bénéficiaire dans la coproduction repose quant à elle sur la volonté
libre de ce dernier. Le bénévolat ne peut pas non plus être
pleinement retenu pour caractériser la coproduction. À la différence
de l’image idéale et typique d’un engagement désintéressé et exempt
de réciprocité qui caractérise le bénévolat, la coproduction s’appuie
en effet, au moins en partie, sur l’idée d’une forme de réciprocité : la
coproduction concerne des prestations que les participants utilisent
directement ou indirectement et dont ils retirent un bénéfice extra-
économique (les parents qui participent aux activités périscolaires
de l’école de leur enfant) ou économique (la déclaration des impôts
en ligne est une intensification de la coproduction par les
contribuables, motivée partiellement par une incitation financière).
7 Un des critères clé de la coproduction est la compétence ou le
professionnalisme. L’idée sous-jacente est que la personne qui
s’implique dans la production doit avoir une compétence liée à une
réalisation de qualité, afin qu’elle améliore le service au lieu de le
dégrader. Les travaux initiaux sur la coproduction soulignaient la
réticence des professionnels à voir s’engager les usagers dans les
processus co-productifs du fait de la crainte du manque d’expertise
de ces derniers et de la peur de se voir contestés et dépossédés 20 .
Cependant, en comparant le contexte de la recherche sur le travail
des professionnels dans les années 1970 avec le contexte actuel, nous
observons des différences majeures. Les pouvoirs, les normes et la
responsabilisation ne sont plus (uniquement) dictés par les
communautés professionnelles. L’une des conséquences pour les
professionnels est qu’ils ont détourné leur attention de leur
communauté professionnelle, avec ses codes de déontologie, ses
standards et ses mécanismes de contrôle, pour se focaliser sur
d’autres acteurs, normes, règles et standards, notamment les
souhaits et préférences des usagers, la capacité à travailler avec un
public contestataire et la formation de nouveaux réseaux et
communautés 21 . L’idée est de plus en plus admise que les
connaissances nécessaires à la résolution des problèmes sont
dispersées et que la définition des connaissances professionnelles
pertinentes fait elle-même partie de cette interaction. Les
professionnels devraient donc être caractérisés moins en termes de
professions traditionnelles bien différenciées qu’en termes de
connaissances spécifiques qu’ils apportent dans leurs interactions
avec les citoyens. Ce schéma s’applique aussi à la coproduction : au
lieu que le professionnel et les standards qu’il applique constituent
un facteur extérieur potentiellement déformant par rapport aux
contributions des citoyens, le processus devient interactif dans la
coproduction, puisque les pratiques et standards professionnels sont
eux-mêmes modifiés. Par voie de conséquence, la distinction entre le
citoyen et le professionnel s’estompe par rapport à la manière dont
elle existait précédemment. Cela conduit à une autre interprétation,
plus simple, du « professionnel », qui serait un membre de
l’organisation, situé à l’intérieur de celle-ci, tandis que le citoyen se
place à l’extérieur – une notion explicitée notamment par Elinor
Ostrom.
8 En analysant les définitions de la coproduction, nous avons identifié
un certain nombre d’éléments qui doivent être considérés comme
constituant le cœur du concept. Il s’agit des éléments suivants 22 :
La coproduction est une relation entre les salariés d’une organisation et des citoyens
individuels (ou des groupes de citoyens) ;
Elle implique des contributions actives directes de ces citoyens au travail de
l’organisation ;
Le professionnel est un salarié rémunéré par l’organisation, tandis que le citoyen ne
reçoit pas de contrepartie financière.
Conclusion
29 Dans un contexte durable de double crise économique et
démocratique, les organisations publiques envisagent toutes formes
de remise à plat de leurs processus productifs. Ce contexte propice
aux formules nouvelles ou au réexamen de solutions traditionnelles
amène un nombre croissant d’organisations publiques à coproduire
leurs prestations avec les citoyens. Alors que les efforts de
renforcement de l’efficience administrative des années 1980 et 1990
portaient prioritairement sur la réorganisation interne
(agentification, fusion, pilotage budgétaire) des administrations ainsi
que leur relation aux acteurs institutionnels privés (externalisation,
mise en concurrence, privatisation), le numérique et l’optimisation
de la relation avec les usagers semblent aujourd’hui porteurs de
l’espérance de faire plus avec moins.
30 Cette (re)mise au travail du citoyen dans la fabrique de l’action
publique et de ce qui fait la société implique d’en définir les objectifs,
le périmètre, les modalités et ce qui suscite la participation des
acteurs internes et externes. Ce renouveau récent a fait l’objet de
recherches de nature descriptive (revues de la littérature,
monographies), essentiellement dans l’univers académique non
francophone. Le développement de ces pratiques dans les
administrations nationales et locales françaises, constitue dès lors
un fructueux terrain d’études pour la recherche française en gestion
publique.
NOTES
1. Onesta (C.) et Sauvé (J.-M.), Pour que vive la fraternité. Propositions pour une réserve citoyenne,
Rapport au Président de la République, juillet 2015.
2. Bovaird (T.) et Loeffler (E.), “Bringing the Power of the Citizen into Local Public
Services”, An Evidence Review. Welsh Government Social research, no 110, 2014,
https://www.researchgate.net/profile/Tony_Bovaird/publication/271202232_Welsh_Gover
nment_Bringing-power-citizen-local-public-services.
3. Joshi (A.) et Moore (M.), “Institutionalized CoProduction: Unorthodox Public Service
Delivery in Challenging Environments”, Journal of Development Studies, 40 (4), 2004, pp. 31-49.
4. Verschuere (B.), Brandsen (T.) et Pestoff (V.), “Coproduction: The State of the Art in
Research and the Future Agenda”, Voluntas, 23, 2012, pp. 1083-1101.
5. Grosdhomme Lulin (E.), Vers la République Participative 2.0, Institut de l’Entreprise,
juillet 2013.
6. Ostrom (E.), “Crossing the Great Divide: Coproduction, Synergy, and Development”,
World Development, 24 (6), 1996, pp. 1073-1087.
7. Brudney (J.) et England (R.), “Towards a Definition of the Coproduction Concept”, Public
Administration Review, 43, 1983, pp. 59-65.
8. Parks (R. B.) et al., “Consumers as Co-Producers of Public Services. Some Economic and
Institutional Considerations”, Policy Studies Journal, 9 (7), 1981, pp. 1001-1011.
9. Loeffler (E.), A Future Research Agenda For Coproduction: Overview Paper, Swindon, Local
Authorities Research Council Initiative, 2009.
10. Bovaird (T.) et Loeffler (E.), op. cit.
11. Dujarier (M.-A.), Le travail du consommateur, Paris, La Découverte, 2008.
12. Brandsen (T.) et Pestoff (V.), “Coproduction, the Third Sector and the Delivery of Public
Services: an Introduction”, Public Management Review, 8 (4), 2006, pp. 493-501.
13. Alford (J.), O’Flynn (J.), Rethinking Public Service Delivery: Managing with External Providers,
Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2012.
14. Blondiaux (L.), « Enjeux, impensés et questions récurrentes » dans Bacqué (M.-H.) et
Sintomer (Y.) (dir.), Démocratie participative et gestion de proximité, Paris, La Découverte, 2004,
pp. 119-137.
15. Sintomer (Y.), « Délibération et participation : affinité élective ou concepts en
tension ? », Participations, vol. 1 (1), 2011, pp. 239-276.
16. Evers (A.), “Consumers, Citizens and Coproducers – A Pluralistic Perspective on
Democracy in Social Services” dans Flösser (G.) et Hans-Uwe (O.), (eds.), Towards More
Democracy in Social Services. Models and Culture of Welfare, Berlin & New York, Walter de
Gruyter, 1998, pp. 43-51.
17. Laborier (P.) et Lascoumes (P.), « L’action publique comprise comme
gouvernementalisation de l’État » dans Meyet (S.) et Naves (M.-C.) (dir.), Usages scientifiques
de Michel Foucault dans les sciences sociales : autour du politique, Paris, L’Harmattan, 2005,
pp. 37-60.
18. Bovaird (T.) et Loeffler (E.), op. cit. Verschuere et al., op. cit.
19. Eiglier (P.) et Langeard (E.), Servuction. Le Marketing des services, McGraw Hill, 1987,
Osborne (S. P.), Strokosch (K.), “It takes Two to Tango? Understanding the Coproduction of
Public Services by Integrating the Services Management and Public Administration
Perspectives”, British Journal of Management, 24, 2013, pp. 31-47.
20. Joshi (A.) et Moore (M.), “Institutionalized CoProduction: Unorthodox Public Service
Delivery in Challenging Environments”, Journal of Development Studies, 40 (4), 2004, pp. 31-49.
21. Brandsen (T.) et Honingh (M.), “Professionals and Shifts in Governance”, International
Journal of Public Administration, 36 (12), pp. 876-883.
22. Brandsen (T.) et Honingh (M.), “Distinguishing Different Types of Coproduction: a
Conceptual Analysis Based on the Classical Definitions”, Public Administration Review, (76-3),
mai-juin 2016, https://onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1111/puar.12465
23. Voorberg (W.), Bekkers (V.), Tummers (L.), “A Systematic Review of Co-Creation and
Coproduction: Embarking on the Social Innovation Journey”, Public Management Review, 15
(9), 2015, pp. 1333-1357.
https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/14719037.2014.930505
24. Ibid.
25. Verschuere (B.), Brandsen (T.) et Pestoff (V.), “Coproduction: The State of the Art in
Research and the Future Agenda”, Voluntas, 2012, 23, pp. 1083-1101 ; Parrado (S.), Van Ryzin
(G.), Bovaird (T.), Löffler (E.), “Correlates of Coproduction: Evidence From a Five-Nation
Survey of Citizens”, International Public Management Journal, 2013, 16:1, pp. 85-112 ; Alford
(J.), Engaging Public Sector Clients. From Service Delivery to Coproduction, New York, Palgrave
Macmillian, 2009 ; Eijk (C.) et Steen (T.), “Why Engage in Coproduction of Public Services?
Mixing Theory and Empirical Evidence”, International Review of Administrative Sciences, 82 (1),
2016, pp. 28-46.
26. Parrado (S.) et al., ibid.
27. Bandura (A.), Self-Efficacy: The Exercise of Control, New York, Freeman, 1997.
28. Sintomer (Y.), « Délibération et participation : affinité élective ou concepts en
tension ? », Participations, 2011, vol. 1 (1), pp. 239-276.
29. Parrado (S.) et al., ibid.
30. Pestoff (V.), “Coproduction and Third Sector Social Services in Europe: Some Concepts
and Evidence”, Voluntas, 2012, 23, pp. 1102-1118.
31. Pestoff (V.), Beyond the Market and State. Civil Democracy and Social Enterprises in a Welfare
Society, Aldershot, Ashgate, 1998.
32. Putnam (R.), Making Democracy Work: Civic Traditions in Modern Italy, Princeton, Princeton
University Press, 1993 ; Einolf (C. J.), “Gender Differences in the Correlates of Volunteering
and Charitable Giving”, Nonprofit and Voluntary Sector Quarterly, 2010, 40 (6), pp. 1092–1112.
33. Dujarier (M.-A.), Le travail du consommateur, La Découverte, Paris, 2008.
34. Brandsen (T.) et Honingh (M.), ibid.
35. Ibid.
36. Verschuere (B.), Brandsen (T.) et Pestoff (V.), ibid.
37. Parrado (S.) et al., ibid.
38. Williams (B.), Kang (S.), Johnson (J.), “(Co)-Contamination as the Dark Side of
Coproduction: Public Value Failures in Coproduction Processes”, Public Management Review,
18(5), 2016, pp. 692-717.
39. Spire (A.), « Les ambivalences de la démarche participative dans l’administration. Le cas
de la fusion au sein de la Direction générale des finances publiques (2007-2012) », Sociologie
du Travail, 2015, 57, pp. 20-38.
40. Clark (Y.), Brudney (J.) et Jang (S.G.), “Coproduction of Government Services and the
New Information Technology: Investigating the Distributional Biases”, Public Administration
Review, 2013, 73(5), pp. 687-701.
41. Dubois (V.), « Politiques au guichet, politiques du guichet » dans Borraz (O.), Guiraudon
(V.), (dir.), Politiques publiques. Changer la société, Presses de Sciences Po, 2010 (2e ed.),
pp. 265-285.
42. Blondiaux (L.), Fourniau (J.-M.), « Un bilan des recherches sur la participation du public
en démocratie : beaucoup de bruit pour rien ? », Participations, 2011, vol. 1, no 1, pp. 8-35.
AUTEURS
TACO BRANDSEN
Professeur d’Administration publique à l’université Radboud de Nimègues aux Pays-Bas, il
est rédacteur en chef de la revue Voluntas : International Journal of Voluntary and Nonprofit
Organizations, ses recherches portent sur la coproduction et l’innovation sociale dans les
services publics (politiques d’éducation, de santé et de logement). Il dirige l’association
européenne d’accréditation des formations en administration publique (EAPAA : European
association accrediting public administration programmes in higher education). Parmi ses
publications récentes : en codirection avec Trui Steen et Bram Verschuere, (eds.),
Coproduction and co-creation: engaging citizens in public service delivery, London and New York,
Routledge, 2018 ; avec Karen Johnston, “Collaborative Governance and the Third Sector:
Something Old, Something New”, dans Sandra van Thiel et Edoardo Ongaro, (eds.), The
Palgrave Handbook of Public Administration and Management in Europe, Basingstoke, Palgrave,
2018, pp. 311-325 ; avec Willem Trommel et Bram Verschuere, “The State and the
Reconstruction of Civil Society”, International Review of Administrative Sciences, 83 (4), 2017,
pp. 676-693.
MARCEL GUENOUN
NOTE DE L’ÉDITEUR
Ces réflexions doivent beaucoup à la période pendant laquelle
Giovanni Allegretti était professeur invité à l’École d’architecture et
d’urbanisme de l’université Witwatersrand de Johannesburg et au
projet financé par le programme Horizon 2020 de recherche et
d’innovation intitulé « Faciliter la participation multicanal grâce aux
adaptations TIC – EMPATIA » (687920). Giovanni Allegretti est affilié
à l’Institut brésilien pour la démocratie et la démocratisation de la
communication de l’UFMG brésilienne, coordonné par Leonardo
Avritzer.
« La Nouvelle Gestion Publique est un mélange de valeurs qui semble s’adapter à
la situation actuelle et apporter dans la mesure du possible des solutions aux
problèmes auxquels l’Administration est aujourd’hui confrontée ; mais il ne
durera pas éternellement […]. Les évolutions concrètes comme le NPM sont une
question non seulement de faits et d’explications, mais aussi de valeurs […]
nombre de ces valeurs fondamentales ne cesseront jamais de susciter les
passions. Il existera toujours des idéalistes fortement attachés à la communauté.
Il existera toujours des défenseurs des libertés individuelles et des technocrates
qui chercheront à ordonner le monde en s’appuyant sur la technique. Par
conséquent, il n’y a aucune chance que l’une de ces positions scientifiques passe
de mode (comme cela arrive dans les sciences naturelles) et disparaisse. La
flamme des trois grandes visions scientifiques qui sont au cœur des sciences
comportementales et administratives continuera de brûler ; il existera toujours
d’ardents défenseurs de chacun de ces systèmes de valeurs. Il n’y a aucune
2
chance de voir naître une unité, ni un nouveau paradigme »
Introduction
1 Est-il possible de proposer un nouveau paradigme sans avoir un
paradigme auquel se référer ? Il s’agit là d’un des dilemmes que
posent aujourd’hui des innovations démocratiques, tel que le budget
participatif 3 . Elles proposent d’orienter la relation entre citoyens et
institutions, dans le cadre de l’élaboration des politiques et des
projets, en modifiant l’autoréférence caractéristique de ces acteurs
et en redéfinissant les relations de pouvoir qui président aux
décisions en matière de gestion et d’aménagement du territoire. Ces
innovations démocratiques visent également à repenser cette
relation au regard de sa construction « de sens ». De telles
innovations peuvent-elles être pensées par opposition à une gestion
qui, pendant des années, a fait des techniques du nouveau
management public (NPM – New Public Management – ou Nouvelle
Gestion Publique) une référence mondiale obligée, en particulier en
matière de décentralisation administrative 4 ?
2 Le présent article tente de mettre en lumière les principaux
éléments pour imaginer aujourd’hui le budget participatif comme
source de « nouveaux signifiés » pour transformer à grande échelle
les administrations publiques, en reconnaissant son rôle clé, dans la
mesure où il remet en question l’orientation souvent centralisatrice
et néo-autoritaire des politiques publiques dans de nombreux pays.
Pour éviter d’idéaliser cet instrument, la présente réflexion fournira
des exemples de batailles encore menées à ce jour pour maintenir sa
résilience et sa capacité à évoluer progressivement. Ces cas
illustreront aussi comment le budget participatif privilégie des
objectifs contribuant réellement à une plus grande efficacité des
politiques (principalement celles visant à lutter contre les
phénomènes de polarisation et de marginalisation socio-spatiales,
principal objectif ayant présidé à la naissance du budget
participatif), y compris en œuvrant à la formation continue des
citoyens et au développement de leur participation à la construction
de territoires et de sociétés plus justes et plus à même de garantir
une qualité de vie davantage conforme à leurs attentes.
Portugal. Ensaio contra a autoflagelação, Rio de Janeiro, Editora Cortez, 2012 (1ère édition,
Coimbra, 2011).
106. Voir Allegretti (G.) et Langlet (L.), « Orçamento Participativo na Suécia: uma história
contada em câmara lenta » dans Dias (N.), (org.), Esperança Democratica. 25 anos de orçamentos
participativos no mundo, S. Brás de Alportel, In-Loco, 2013, pp. 351-363.
AUTEUR
GIOVANNI ALLEGRETTI
NOTE DE L'AUTEUR
Avertissement : ce chapitre a été rédigé au cours du premier
semestre 2015. Une des caractéristiques du panorama analysé est,
comme cela est signalé dans le texte, son évolution rapide. Toutefois,
si quelques éléments factuels ont changé depuis 2015, nous
considérons que les analyses générales proposées restent robustes
plus de trois ans après.
1 Loin de la caricature de l’État immobile, souvent brocardé par les
médias, l’action publique se cherche. Les modèles actuels sont
critiqués et leur efficacité ne semble pas avérée aux yeux des
chercheurs qui ont tenté d’en faire un bilan. Le New Public
Management (NPM), en particulier, bien qu’il ait pris des formes
variées selon les pays 2 , ne constitue pas une doctrine bien établie et
fait l’objet de remises en cause. Des chercheurs comme Philippe
Bezes ont même défendu l’idée que la réforme de l’État était devenue
en soi une politique publique, résultat d’une réflexivité de plus en
plus affirmée des acteurs publics 3 .
2 Or un nouveau régime de transformation de l’administration est
peut-être en train de se mettre en place actuellement. En France et à
l’étranger, on assiste en effet à l’émergence de nouvelles formes
d’innovation publique, des pratiques expérimentales, souvent
structurées au sein de « labs » publics, se réclamant du design et de
l’innovation sociale et se présentant comme des alternatives aux
démarches actuelles de transformation de l’action publique. En quoi
ces démarches sont-elles nouvelles ? Dessinent-elles un ou des
modèles d’action publique alternatifs ? Quels effets (inatteignables
par les autres pratiques en place) produisent-elles ? Telles sont les
questions qu’explore un projet de recherche 4 en cours sur ces
nouvelles « Formes d’innovation publique » (FIP) se réclamant du
design. Les analyses qui suivent en exploitent le début des travaux.
10 Il n’est pas dans notre propos de faire ici une analyse détaillée de ces
nomenclatures. Leur mention nous permet simplement de mettre en
évidence des variables de caractérisation communes à toutes les
tentatives. On retrouve en particulier quasi systématiquement :
Le statut de la structure et son positionnement par rapport à l’acteur public (par
exemple, agences privées vs. labs d’innovation publique) ;
Les disciplines dont se réclament ces structures (design, sociologie, management…) et,
liées à ces disciplines, des indications plus ou moins sommaires sur les méthodes et
outils mobilisés ;
Les diverses modalités et postures d’intervention de la structure
(concevoir/expérimenter des innovations publiques, financer, mettre en réseau,
soutenir méthodologiquement…) ;
Le champ d’application des démarches d’innovation (ex. : l’administration dans son
ensemble vs. divers champs sectoriels : éducation, santé, social, urbanisme…).
Entreprises
privées,
Réduite :
Collectivités
Privé : quelques
Cabinet locales et Plausible Possible ;
Professional collaborateurs,
de designers organismes GRRR ; Participle
service firm, voire parfois
spécialisé publics (par (Grande Bretagne)
à but lucratif une entreprise
l’intermédiaire
unipersonnelle
de procédures de
marchés publics)
Public : MindLab
Structure (Danemark) ;
Clients internes :
intégrée à une Mission
directions
collectivité « Innovation » du
Laboratoire métiers ; projets
locale, un (ou Moyenne Conseil Général du
intégré transversaux ;
plusieurs) Val d’Oise ; la
établissements
ministère(s), Fabrique de
sous tutelle…
un organisme l’Hospitalité du
public CHU de Strasbourg
Le cabinet spécialisé
Le laboratoire intégré
33 Il s’agit d’une configuration qui peut être illustrée par l’exemple bien
connu du MindLab. Cette structure est née en 2002, au sein du
ministère danois des « Business Affairs », de la volonté explicite
d’introduire dans l’administration l’esprit d’innovation prôné par le
ministère à l’adresse des entreprises. À l’origine, le Mindlab était
avant tout un incubateur de projets innovants interne à ce
ministère. C’est maintenant une structure interministérielle,
soutenue par trois ministères (Business Affairs, Éducation, et Emploi)
et également une ville (Odense). Le Mindlab développe des projets
d’innovation publique en collaboration avec ses commanditaires
(direction de l’un des trois ministères, agences publiques, mais aussi
entreprises privées), en mettant notamment en avant des processus
basés sur la collecte de l’expérience des citoyens. Doté d’un budget
annuel de l’ordre du million d’euros, le laboratoire emploie une
quinzaine de salariés, mêlant des profils de fonctionnaires, d’agents
du secteur privé mais aussi des chercheurs dans les domaines de
l’anthropologie, du design et du management 14 .
L’agence d’intermédiation
Conclusion
36 Cette première exploration de 70 structures, sur trois dimensions,
nous mène à divers questionnements transversaux, auxquels la suite
de notre recherche essaiera de répondre. Nous en évoquerons trois :
1. Où réside exactement l’innovation que revendiquent la plupart de ces structures ? Est-
ce, comme on l’a déjà dit, au moins autant dans la démarche que dans les objectifs
poursuivis ? La place centrale du design et l’accent mis sur l’implication active des
16
usagers semblent en tout cas des marqueurs visibles , spécifiques des PIP. Mais les
méthodes des designers sont-elles fondamentalement différentes des outils de
créativité manipulés d’ores et déjà par certains consultants ? Les nouvelles pratiques
promues se démarquent-elles vraiment, et en quoi, des démarches participatives qui,
17
en France notamment, ont pu se développer et s’institutionnaliser ?
2. Au-delà de la diversité apparente du paysage des PIP, y a-t-il quelques grandes
configurations repérables, caractérisées par un assemblage spécifique entre les
variables de nos trois axes d’analyse ? Disons d’emblée que, sur la base de ce simple
18
travail documentaire, ces configurations n’apparaissent pas vraiment . Bien sûr, la
mission ciblée sur la recherche est d’abord le fait de structures universitaires, mais,
comme on l’a dit, beaucoup de PIP revendiquent une activité de recherche. De même,
on trouve de petits cabinets privés sur tout le spectre de missions qui va de
l’amélioration de l’efficience pour les organisations publiques, à l’action « pour
changer la société ». Quant aux méthodes et outils utilisés, même si leur « assemblage »
peut être varié selon les structures, ces assemblages ne semblent spécifiques ni aux
missions, ni aux formes organisationnelles.
3. Enfin, assiste-t-on à une transformation radicale des acteurs de la conception des
services et des politiques publiques ? Le continent inconnu, aux frontières indécises,
sur lequel nous avons commencé à faire quelques hypothèses ne prendra réellement
forme qu’à l’issue de notre recherche. Nous avons formulé quelques interrogations sur
la morphologie de ce système d’acteurs, mais une difficulté supplémentaire de la
caractérisation tient dans l’évolution rapide de cet ensemble de structures. Comme on
l’a déjà dit, les PIP considérées ont, pour la plupart, émergé dans les dix dernières
années, mais certaines, d’ores et déjà, se transforment, ou, parfois, disparaissent (c’est
le cas en Finlande, en Australie, à San Diego…). Faut-il y voir le symptôme d’une
inadéquation de certaines de ces structures et sur quel plan ? Y a-t-il notamment une
difficulté de positionnement par rapport aux structures traditionnelles (cabinets de
conseil par exemple) ? Y a-t-il convergence vers quelques modèles robustes ?
ANNEXES
Extrait de la cartographie établie par La 27e Région. Les structures PIP, par pays, en
Europe (juillet 2013)
AUTEURS
EMMANUEL COBLENCE
PHILIPPE LEFEBVRE
FRÉDÉRIQUE PALLEZ
Ingénieur civil des Mines, elle est professeure à l’École des Mines-Paris Tech, PSL Research
University, et chercheuse en sciences de gestion au Centre de gestion scientifique (CGS) de
cette école. Spécialiste de la transformation et de l’évaluation de l’action publique, après
des recherches sur le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche, et sur les
politiques de développement économique territorial (politiques de clusters), ses travaux
actuels portent notamment sur les nouvelles formes d’innovation publique par le design,
axe sur lequel elle a coordonné un programme de recherche pluridisciplinaire soutenu par
l’Agence nationale de la recherche (ANR) de 2014 à 2017 (FIP-Explo).
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