Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Méthodologie
en travail social
Cristina De Robertis
travail social
demeure la référence pour la formation aux méthodes du travail
social. Traduit en plusieurs langues, il représente une contribution
fondamentale à la construction internationale du travail social.
Cette nouvelle édition a été révisée et actualisée en tenant compte
des évolutions récentes des problématiques et des terminologies. en
Parce qu’une profession n’existe pas sans un ensemble de connais-
sances transmissibles et un cadre conceptuel général intégrant la
diversité des approches et des modèles, ce livre contient les éléments
de base indispensables pour le savoir-faire professionnel (processus Cristina De Robertis
historique de construction de la méthodologie, liens entre travail
social et sciences sociales, concepts et élaboration de la méthodo-
logie d’intervention et étapes du processus d’intervention), tout
en contribuant à la construction d’une professionnalité créative Nouvelle édition
et impliquée.
Les étudiants et praticiens du travail social (re)découvriront ici un
véritable manuel de formation professionnelle, initialement destiné
aux futurs assistants de service social, mais dont l’audience s’est
depuis élargie à d’autres formations en travail social. Ils y trouveront
un outil d’analyse et de réflexion proposant des repères pour une
plus grande aisance pratique, et un cadre conceptuel général pour
penser leur savoir-faire professionnel.
Cristina De Robertis, assistante sociale et ancienne directrice d’un Institut
de formation en travail social, a enseigné la méthodologie d’intervention
individuelle et collective et a écrit plusieurs livres et articles sur ce thème.
Henri Pascal, sociologue, ancien formateur-chercheur dans des centres
de formation et président du Groupe de recherche en histoire du service
social (GREHSS), a enseigné la méthodologie d’intervention collective
et l’histoire du travail social.
Françoise Lesimple, assistante sociale, titulaire du diplôme supérieur en
travail social et ancienne chef du service d’action sociale à l’ordre des avocats
au Barreau de Paris, a enseigné en formation initiale et supérieure dans
un centre de formation à Paris, dont elle a été directrice adjointe.
ISBN : 978-2-8109-0684-0
35 € www.presses.ehesp.fr
Cristina De Robertis
Didier Dubasque
Henri Pascal
Méthodologie
de l’intervention
en travail social
Cristina De Robertis
Nouvelle édition
Avec la collaboration de
Françoise Lesimple
et Henri Pascal
2018
PRESSES DE L’ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SANTÉ PUBLIQUE
Le photocopillage met en danger l’équilibre économique des circuits du livre.
Toute reproduction, même partielle, à usage collectif de cet ouvrage est strictement interdite sans auto‑
risation de l’éditeur (loi du 11 mars 1957, code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992).
©ISBN :
2018, Presses de l’EHESP – 2 avenue Gaston-Berger – CS 41119 – 35011 Rennes Cedex
978‑2-8109‑0684‑0
ISSN : 1281‑5845
www.presses.ehesp.fr
Introduction à la nouvelle édition
5
Méthodologie de l’intervention en travail social
f ertiles, elles ont produit une grande créativité et une élaboration théorique
du travail social dont ce livre s’est nourri.
La complexité croissante du monde de cette époque montrait déjà les
prémices de la crise économique qui donnera, au cours des années sui-
vantes, les « nouveaux pauvres » et la « nouvelle question sociale » et le
délitement de l’État-providence. Face à tous ces changements sociaux qui
ont entraîné exclusion, pauvreté et précarité, et grâce à ce livre, le travail
social a pu s’accrocher à des connaissances propres, systématisées et
reconnues, qui apportaient l’assurance du métier et la possibilité de
créativité.
Les travailleurs sociaux avaient aussi une parole confisquée. Confisquée
par les employeurs, les universitaires et d’autres professions établies. Les
institutions sont frileuses lorsqu’il s’agit de communiquer ce qu’on fait en
leur sein : obligation de réserve, confidentialité, censure préalable… Les
universitaires, notamment les sociologues, analysaient le travail social dans
les termes que nous avons déjà mentionnés. Les autres professionnels au
statut établi, aux connaissances respectées et sollicitées (médecins, juges,
psychiatres) considèrent souvent le travail social comme l’exécutant de leurs
décisions et diagnostics, et non comme un collaborateur à part entière
ayant un champ spécifique de compétences complémentaire au leur.
À cette époque, les écrits des professionnels étaient rares, souvent réduits à
des livres de méthodologie traduits de l’anglais ou en provenance du Québec.
Mais à la fin des années 1970, les travailleurs sociaux ont pris la plume et
ont écrit sur leur profession et leur action. Plusieurs livres ont alors vu le
jour, dont celui-ci.
La dernière explication de l’impact de cet ouvrage peut être aussi le
programme d’études de 1980 des assistants de service social. Ce programme
a employé pour la première fois officiellement les termes de « théorie et
pratique de l’intervention en service social » pour nommer l’unité de forma-
tion centrale. Le contenu de ce livre, publié un an après, était en phase
complète avec le programme et il a été rapidement transformé en texte de
référence pour les professeurs et les étudiants. Cette adéquation a été confor-
tée des années plus tard avec la réforme des études de 2004 qui désigne deux
grands groupes méthodologiques d’égales importance et valeur : l’interven-
tion sociale d’aide à la personne (ISAP) et l’intervention sociale d’intérêt
collectif (ISIC). En effet, l’articulation des méthodes individuelles et collec-
tives présente dans ce livre s’est vue légitimée par ces évolutions dans le
programme officiel d’études.
6
Introduction à la nouvelle édition
7
Méthodologie de l’intervention en travail social
8
Introduction à la nouvelle édition
que nous proposons dans ce livre est, au contraire, centrée sur le général,
ce qui est commun à toutes les situations particulières de l’action quoti-
dienne. Nous partons d’un cadre conceptuel général et nous l’illustrons avec
quelques exemples particuliers. Loin d’unifier ou de réduire, ce passage du
général au particulier nous semble pouvoir enrichir la diversité des pratiques
et apporter des points de référence et des pistes de réflexion. Nous nous
sommes efforcés de partir de la réalité et de la systématiser, de construire
les éléments de la méthodologie à partir de notre expérience pratique per-
sonnelle et de celle d’autres travailleurs sociaux. La synthèse de ces apports
a permis une approche de la complexité des situations et de clarifier les
processus et les dynamiques.
Cette tentative d’articuler pratique et théorie, mais aussi théorie et pra-
tique, est un élément essentiel pour comprendre ce qui est en jeu dans ce
livre. Nous sommes convaincus qu’il n’y a pas d’un côté des théoriciens
lucides et de l’autre des praticiens besogneux. Il n’y a pas de conflit entre
l’activité théorique et la pratique, il y a rupture, mais aussi complémentarité.
Il y a une dialectique entre la théorie appliquée à la pratique et la pratique
créatrice de nouvelles connaissances qui se transformeront en théories
systématisées.
Il nous semble nécessaire aussi de démystifier la théorie. Même celle
élaborée à partir des pratiques, opératoire et utilisable dans l’action, se
présente souvent comme un univers fini et clos. Un livre publié est parfois
considéré comme une « vérité », les paroles imprimées sont investies d’un
pouvoir magique. Le lecteur se situe alors en disciple et la théorie ainsi
sacralisée se transforme en doctrine, en dogme. Il ne s’agit plus de savoirs,
mais de croyances. Ce processus de sacralisation est stérile. Toute théorie
est partielle et provisoire, elle apporte des concepts et explications inédits,
mais il s’agit seulement d’une pierre de plus dans la construction du savoir.
Elle existe comme référence pour être dépassée par l’actualisation de nou-
velles recherches et élaborations.
Présentation
Ce livre est divisé en onze chapitres, dont les deux premiers situent le
contexte historique et théorique. Le premier décrit l’évolution historique des
méthodes du service social en France et le deuxième aborde les rapports
entre travail social et sciences sociales. Le troisième est une présentation
globale de la méthodologie de l’intervention, ses concepts et ses phases.
Chaque étape de la méthode sera ensuite analysée dans un chapitre parti-
culier. Seront ainsi présentés l’analyse de situation, l’évaluation diagnos-
tique et le contrat en travail social. L’intervention proprement dite fait l’objet
de trois chapitres, dont le premier est une introduction, centrés sur les
interventions directes et indirectes. Les étapes finales de la méthodologie
seront présentées dans les chapitres sur l’évaluation des résultats et la fin
de l’intervention.
Chapitre 1
11
Méthodologie de l’intervention en travail social
12
L’évolution de la méthodologie de service social en France
13
Méthodologie de l’intervention en travail social
Le but de l’enquête est la connaissance des conditions qui sont décisives pour
apprécier le besoin d’assistance. […] Après avoir éclairci la situation dans laquelle
se trouve le nécessiteux et dépisté les facteurs qui ont amené cette situation, on
cherche à connaître l’enchaînement de ces divers facteurs. […] C’est seulement
lorsque les recherches menées dans ces diverses directions ont dévoilé les fac-
teurs dont l’action a entraîné l’état de besoin que la voie est ouverte à l’appré-
ciation et au traitement du cas 12. »
Parmi les moyens d’action est tout d’abord citée « la première entrevue
personnelle avec l’indigent ». La conférence est traversée par la volonté de
construire « la science de l’assistance 13 ».
La démarche méthodologique nous la retrouvons, en des étapes claire-
ment formulées, dans certains des mémoires des étudiantes en service social
du diplôme d’État de 1932 :
« L’observation des faits servira de base à l’action du service social. […]. Cette
recherche des causes, qui est le deuxième temps de l’action du service social,
nécessitera une connaissance approfondie, à la fois de la personne humaine avec
toutes ses tendances, tous ses besoins, toutes ses réactions individuelles et col-
lectives, et aussi de l’anatomie et de la physiologie du corps social. […] Les causes
trouvées, il faut chercher les moyens de guérir le mal. Or, cette recherche des
moyens est pour le service social une difficulté toute particulière. Il se trouve,
en effet, en présence de tout un ensemble de valeurs qu’il doit respecter, et de la
multitude de lois et d’institutions qui s’offrent à lui comme remèdes. […] Le
remède trouvé, il faudra l’appliquer ; la quatrième étape sera donc l’utilisation
des moyens 14. »
12. Wronsky W., Muthesius Dr (1928), « Les méthodes du service social des cas individuels
en Allemagne », Paris, première conférence internationale de service social, 8‑13 juillet, volume II.
13. Arlt I. (1928), « La standardisation du service social des cas individuels », Paris, pre-
mière conférence internationale de service social, op. cit.
14. Lalouette J. (1937), « Le service social en France. Sa technique. Ses tendances
actuelles. Les moyens d’action dont dispose l’assistante de service social », mémoire DEAS,
Paris, École normale sociale.
15. Duroy de Bruignac M. (1938), « Action d’une assistante sociale auprès d’œuvres de
jeunesse », mémoire DEAS, Paris, École normale sociale.
14
L’évolution de la méthodologie de service social en France
16. Le Play F. (1989), La méthode sociale, Paris, Méridiens Klincksieck (première édition
1879).
17. Viollet J. (1931), Petit guide du travailleur social. Formation morale et méthode
d’action, Paris, Confédération des familles.
18. Armand-Delille P. (1922), L’assistante sociale et ses moyens d’actions, Paris, Félix
Alcan.
19. Perrot G., Fournier O., Salomon G.-M. (2006), L’intervention clinique en service social.
Les savoirs fondateurs (1920‑1965), Rennes, Éditions ENSP, coll. « Politiques et interventions
sociales ».
20. Durand R. (1996), Histoire des centres sociaux. Du voisinage à la citoyenneté, Paris,
Syros, coll. « Alternatives sociales ».
21. Charrier M.-F., Feller É. (dir.) (2001), Aux origines de l’action sociale. L’invention des
services sociaux aux Chemins de fer, Toulouse, Érès.
15
Méthodologie de l’intervention en travail social
que les liens internes entre eux soient clairement identifiés. De longs exposés
sont consacrés à l’analyse de ces actes, à les quantifier. Le travail de l’assis-
tante sociale c’est, sur une période donnée, tant pour cent d’enquêtes, tant
pour cent de visites… Le mot « méthode » disparaît au profit de « techniques »,
toujours au pluriel. Si nous prenons, par exemple, le congrès de Bordeaux
de l’ANAS, en 1948, consacré au « Service social et techniques 22 », les expo-
sés de la partie « Les techniques du service social » sont les suivants :
–– « La visite familiale et la permanence », par Mlle Naillon ;
–– « L’enquête et les démarches », par Mlle Raoux ;
–– « Fiches et supports administratifs », par Mlle Robert.
Mais, rapidement, les assistantes sociales prennent conscience que le
service social risque d’éclater en des actes divers ; il faut donc chercher ce
qui fait l’unité du service social. Cette question sera au centre des débats des
trois congrès suivants de l’ANAS. Celui de 1949 traite de « La liberté et ses
limites », mais porte aussi en sous-titre « Le service social. Fonction et sta-
tut 23 ». Le questionnement sur la fonction du service social est fortement
présent dans les travaux de ces premières années de l’ANAS mais sans que
cette fonction soit liée à une méthodologie d’action. Le congrès de 1950 est
consacré à une réaffirmation de l’unité du service social : « Le service social,
unité de fonction, diversité de réalisations 24. »
Le congrès de 1952 renoue avec le questionnement sur les méthodes. Il
prend pour thème « L’enquête en service social 25 ». Plusieurs rapports traitent
des divers aspects de l’enquête :
–– « L’enquête : base objective du travail », par Mlle Benoid, assistante
sociale du travail ;
–– « L’enquête : ses méthodes, sa marche et sa valeur », par M. G. Célestin
d’Économie et humanisme ;
–– « Les enquêtes en service social : origine, nature, but », par Mlle Pierre,
assistante sociale familiale ;
–– « La valeur de l’enquête : problèmes posés, solutions envisagées », par
Mlle Hancart, assistante sociale du tribunal.
Sous l’influence de quels facteurs, entre 1939 et le début des années 1950, les
professionnelles de service social semblent-elles avoir oublié la démarche métho-
dologique qui était la leur avant la Seconde Guerre mondiale ? La profession
22. Association nationale des assistantes sociales (1948), Service social et technique, Paris.
23. Association nationale des assistantes sociales (1949), Service social – Fonction et statut,
Paris.
24. Association nationale des assistantes sociales (1950), Service social – Unité de fonction –
Diversité de réalisations, Paris.
25. Association nationale des assistantes sociales (1952), L’enquête en service social, Paris.
16
L’évolution de la méthodologie de service social en France
26. Braquehais C. (1978), « Évolution du nombre des écoles de service social en France »,
La Revue française de service social, no 118, 2e trimestre.
17
Méthodologie de l’intervention en travail social
Dans son étude de 1950, l’INED 30 donne des précisions statistiques sur
les assistantes sociales et auxiliaires qui sont au nombre de 14 806 à cette
date, réparties ainsi :
27. Idem.
28. « Les assistantes sociales et médico-sociales en France. Enquête conduite en
1951‑1952 dans cinq départements sous les auspices de l’Organisation mondiale de la santé
et la fondation Rockefeller », Paris, INED, 1954.
29. Delacommune C., « La création de l’Association nationale des assistantes sociales
diplômées d’État du 9 décembre 1944 au 16 juin 1945 », in Association nationale des assis-
tants de service social (1985), Nouveaux contextes nouveaux rapports avec la population,
Paris, ESF.
30. « Les assistantes sociales et médico-sociales en France. Enquête conduite en
1951‑1952 dans cinq départements sous les auspices de l’Organisation mondiale de la santé
et la fondation Rockefeller », op. cit.
18
L’évolution de la méthodologie de service social en France
19
Méthodologie de l’intervention en travail social
20
L’évolution de la méthodologie de service social en France
34. Libermann R. (1949), « Nature et buts du service social », Droit social, t. XXXIV,
février 1949. Texte publié dans La Revue Française de Service Social (2017), n° 266,
3e trimestre.
21
Méthodologie de l’intervention en travail social
35. Perles J., Salomon G.-M. (1994), « Une page fondamentale de l’histoire du service
social français », La Revue française de service social, n° 173‑174, 2e et 3e trimestres.
36. Perrot G., Fournier O., Salomon G.-M., L’intervention clinique en service social,
op. cit.
37. Perles J. (1979), « Chronologie de la formation permanente et supérieure en service
social », in Forum, n° 10, Comité de liaison des centres de formations permanentes et supé-
rieures en travail social.
22
L’évolution de la méthodologie de service social en France
38. Vie sociale (1999), « Éléments pour une histoire du case work en France (1945‑
1970) », no 1.
39. Recommandations du groupe 6 : Case work et conception chrétienne de l’homme,
IXe Congrès mondial de l’UCISS. « L’affrontement des techniques et des valeurs dans le service
social », Bruxelles (Belgique), 28‑29 août 1958. Voir aussi : Collectif (1954), « Esquisse d’une
psychologie de l’homme – Réflexion sur le case work », Pages documentaires (bulletin de
l’UCSS), n° 3).
23
Méthodologie de l’intervention en travail social
Dans une profession qui avait des difficultés à se situer en tant que telle,
souvent réduite à des tâches d’aide matérielle, le case work est apparu
24
L’évolution de la méthodologie de service social en France
42. Idem.
25
Méthodologie de l’intervention en travail social
43. Gibeaux D. (1983), « Histoire du travail social de groupe et évolution de son ensei-
gnement en France », Forum, no 26, octobre.
26
L’évolution de la méthodologie de service social en France
44. Courtecuisse N., Brams L. (1972), Les assistantes de service social : 1970. Contribution
à la sociologie d’une profession, Paris, éditions INSERM ; Courtecuisse N. (1973), « Avant de
transformer, et pour transformer, il faut d’abord connaître », La Revue française de service
social, n° 97, 1er trimestre.
27
Méthodologie de l’intervention en travail social
28
L’évolution de la méthodologie de service social en France
la définition adoptée par l’école, vise à resituer l’acte professionnel dans son
contexte global – illustre les raisons de cette évolution :
« L’analyse de la pratique réelle des assistantes nous faisait constater que le
cloisonnement des modes d’intervention n’était pas une bonne chose.
– Considérant qu’environ 50 % des assistantes sont polyvalentes, que la politique
ministérielle allait dans le sens du développement de cette polyvalence, il nous
semblait qu’une spécialisation dans un seul mode d’intervention ne correspondait
plus à la réalité de la pratique.
– Tout travailleur social ou presque est en situation d’utiliser les deux formes de
travail avec les individus ou avec des groupes, qu’il vaut mieux choisir en
fonction des besoins des clients qu’en fonction de ce que la formation reçue
permet ou non de faire.
– En raison de l’impossibilité ou de l’inutilité de faire deux formations succes-
sives de trois ans chacune avec le gaspillage de temps et d’argent que cela aurait
représenté.
– Le constat d’un certain nombre de points communs entre les contenus des deux
formations.
– Et surtout le désir de prendre davantage en compte la réalité des institu-
tions 48. »
29
Méthodologie de l’intervention en travail social
30
L’évolution de la méthodologie de service social en France
nnL’Amérique latine
L’événement qui ébranla toute l’Amérique latine fut l’entrée victorieuse,
en janvier 1959, des colonnes de guérilleros castristes à La Havane. Mais
cet événement n’était pas un coup de tonnerre dans un ciel serein. Dès la
fin de la Seconde Guerre mondiale était posé à l’Amérique latine son pro-
blème central : sa dépendance économique et politique vis-à-vis des États-
Unis. Des mouvements populistes (Perón en Argentine, Vargas au Brésil),
des essais de réforme agraire (Guatemala réprimé par une intervention
militaire des États-Unis en 1954), des luttes agraires (Argentine, Colombie,
Uruguay, Pérou, etc.) avaient été des signes annonciateurs de la révolution
cubaine. En référence à cette révolution, toute une génération critique s’est
formée en Amérique latine à partir des années 1960. En même temps que
des mouvements de guérilla rurale puis urbaine se développaient, une
recherche d’identité latino-américaine était menée dans les domaines de la
culture, des sciences humaines, de la théologie, par la majorité des
intellectuels.
Parallèlement, la politique des États-Unis vis-à-vis de l’Amérique latine
changeait. Ce fut la politique de l’alliance pour le progrès (1960) lancée par
John Fitzgerald Kennedy. Cette politique visait à répondre politiquement à
la révolution cubaine par des expériences de développement sans change-
ment de régime (le cas le plus typique fut la politique de la démocratie
chrétienne au Chili) et par l’aide à la chute de certaines dictatures – pas
toutes – comme celles de Saint-Domingue ou du Venezuela. Cette politique
répondait aussi aux nécessités (pour les États-Unis) d’une nouvelle politique
économique en Amérique latine. Le continent ne devait plus rester qu’un
producteur de matières premières brutes ; une certaine industrialisation – et
donc la création d’un marché intérieur restreint touchant les classes
moyennes – devenait rentable. Cette politique de réformes dura peu ; face
à la « montée des périls », la politique du « gros bâton » fut de nouveau en
vigueur. Ce furent le coup d’État au Brésil en 1964, l’intervention armée à
Saint-Domingue en 1965, puis, au début des années 1970, la série de coups
d’État dans le cône sud (Bolivie, Uruguay, Chili, Argentine).
Ce contexte latino-américain va déboucher directement, chez les travailleurs
sociaux de ce continent, sur une interrogation sur leur rôle et une nouvelle
définition de ce rôle. Le travailleur social, au milieu des années 1960, se situe
comme un « agent de changement », dans le processus de développement :
« À la lumière du phénomène particulier latino-américain consistant en un chan-
gement social, conséquence du développement qui se produit, le rôle du travail-
leur social s’élargit ; il ne doit plus être seulement un technicien du service social,
il doit aussi contribuer aux programmes de développement, à leur élaboration
et leur application, orientant la population dans la compréhension des problèmes
et des solutions qui contribuent à l’amélioration du niveau de vie ; cela au moyen
d’un processus socio-éducatif destiné à former une attitude mentale, individuelle
et collective, adaptée au changement qui se produit. En même temps, il doit
promouvoir l’adaptation sociale, aussi bien au plan individuel que collectif, par
31
Méthodologie de l’intervention en travail social
nnLes États-Unis
Aux États-Unis, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, le
grand facteur de bouleversement est l’émergence du mouvement des Noirs
américains revendiquant l’égalité raciale (Martin Luther King), mouvement
s’orientant vers l’affirmation de leur identité propre (Black Power, Black
Panthers). Ce mouvement fut un rude coup pour les mythes fondateurs de
la conscience (blanche) nord-américaine. Des millions de « citoyens améri-
cains » n’étaient pas passés à la moulinette du melting-pot, l’égalité entre les
citoyens était fonction – entre autres – de la couleur de leur peau. Dans la
foulée du mouvement noir, les États-Unis redécouvraient leurs pauvres. Là
encore choc important : comment, dans le pays le plus riche du monde, des
millions de citoyens pouvaient-ils vivre au-dessous du seuil de pauvreté ?
La lutte pour l’égalité raciale et la lutte contre la pauvreté deviennent des
aspects importants de la politique fédérale sous les présidences de John
Fitzgerald Kennedy (1960‑1963) et de Lyndon Baines Johnson (1963‑1968).
Puis vient le troisième élément qui amena les États-Unis à douter d’eux-
mêmes : la guerre du Vietnam. De très nombreux intellectuels et une bonne
49. Élèves de l’Institut de travail social de Buenos Aires (1965), « Objetivos y perspectivas
del Servicio Social », Hoy en el Servicio Social, Buenos Aires, n° 3.
32
L’évolution de la méthodologie de service social en France
50. Alinsky S. (1976), Manuel de l’animateur social. Une action directe non violente,
Paris, Seuil, coll. « Points Politique », (publié aux États-Unis sous le titre Rules for Radicals
en 1971 et réédité en 2012 sous le titre Être radical. Manuel pragmatique pour radicaux
réalistes par Aden Éditions, Bruxelles).
51. Bemheim N. (1970), « Les services sociaux américains sont engagés dans une course
contre la montre », Le Monde, 1er-2 novembre.
52. Konopka G. (1974), « On demande une méthode générique de service social »,
Montrouge, ISSRS, document ronéotypé.
33
Méthodologie de l’intervention en travail social
nnLa France
En France, trois séries d’événements vont amener de profonds change-
ments dans les modes de vie et dans l’idéologie. Il s’agit :
–– d’une crise politique ;
–– de changements socio-économiques ;
–– d’une crise morale.
La crise politique se développe au milieu des années 1950. L’instabilité
gouvernementale permanente, l’influence des divers groupes de pression
sur le pouvoir, le fractionnement des organisations politiques et les fluctua-
tions d’alliance conduisent l’opinion vers un profond mépris des politiciens
et un fort antiparlementarisme. Cette faiblesse et cette incohérence du pou-
voir politique sont d’autant plus ressenties que ce dernier est confronté à
des événements graves (guerre froide, guerre d’Indochine, lutte de libération
nationale en Tunisie et au Maroc, début de la guerre d’Algérie). Cette crise
politique est résolue, d’une certaine manière, par le coup d’État du 13 mai
1958 qui amènera de Gaulle au pouvoir. Désormais, la nouvelle Constitution
dotait le pays d’un pouvoir exécutif fort permettant un suivi de la politique
gouvernementale et une élaboration de projets à long terme.
Les changements socio-économiques peuvent être perçus dès le début
des années 1950, mais ils s’accélèrent fortement à partir de 1958. La France
connaît un mouvement de développement industriel, accompagné de
concentrations d’entreprises et de modification des sources d’énergie (domi-
nation du pétrole) ; ce mouvement permet une élévation notable du niveau
de vie, favorise la concentration de l’habitat dans les villes grandes et
moyennes et accélère l’exode rural. Désormais, la majorité des Français vit
dans des villes. De plus, le développement économique (nécessitant de plus
en plus de personnel hautement qualifié) et l’essor démographique de
l’après-guerre sont à l’origine d’un très fort accroissement du nombre
d’étudiants.
La crise morale atteint son sommet avec la guerre d’Algérie, mais elle a
des racines plus profondes. On peut dire que le premier ébranlement dans
la conscience des Français fut la défaite de mai 1940. L’armée française, une
des plus puissantes d’Europe, était balayée en quelques semaines par l’armée
allemande qu’elle avait vaincue vingt-deux ans plus tôt. Le pays était à
34
L’évolution de la méthodologie de service social en France
53. Voir l’éditorial des Feuillets de l’ANAS, n° 32, de juillet 1956 et le rapport moral
d’Agnès de Laage, à l’assemblée générale de l’ANAS de 1956 dans les Feuillets de l’ANAS,
n° 34, de janvier 1957.
54. APREHTS (2006), « La “bataille d’Alger” : des assistantes sociales réquisitionnées.
Témoignages et position de l’ANAS », La Revue française de service social, n° 221,
septembre.
55. Courtecuisse N., Brams L., Les assistantes de service social : 1970, op. cit.
35
Méthodologie de l’intervention en travail social
81 % de celles qui ont entre 40 et 49 ans ont été membres d’un mouvement
de jeunesse de type confessionnel.
Pour terminer ce tableau de la France, il faut rappeler mai 1968 qui fut
la conclusion logique des profonds bouleversements des années précé-
dentes. L’après-Mai 1968 voit les travailleurs sociaux s’interroger sur leur
rôle. Les années 1970‑1979 voient aussi la publication de nombreux livres
et articles illustrant le « malaise » de la profession et une offensive idéolo-
gique, surtout menée par des sociologues, condamnant le travail social qui
n’est à leurs yeux qu’un instrument du « contrôle social » exercé sur le
peuple, au nom de la bourgeoisie. Malgré cette offensive critique, la
recherche en travail social fait un bond en avant avec la création du
diplôme supérieur en travail social (DSTS, 1978), qui est sanctionné par un
mémoire de recherche.
36
L’évolution de la méthodologie de service social en France
57. Parodi M., Richez-Battesti N., Oppenheim J.-P., Langevin P., (2000), La question
sociale en France depuis 1945, Paris, Armand Colin, coll. « U ».
58. Actuellement : conseil départemental.
59. « Service social en 2005. Les fondements de la méthode. Méthodologie et techniques »,
La Revue française de service social, n° 217, juin 2005.
37
Méthodologie de l’intervention en travail social
60. Turcotte D., Lindsay J. (2001), L’intervention sociale auprès des groupes, Québec,
Gaëtan Morin Éditeur ; Massa H. (2001), Le travail social avec les groupes, Paris, Dunod.
61. De Robertis C., Pascal H. (1987), L’intervention collective en travail social. L’action
auprès des groupes et des communautés, Paris, Centurion ; Blanc B. et des travailleurs sociaux
du Groupe d’étude des actions collectives (1986), Actions collectives et travail social. T. 1 :
Contextes et réalisations, Paris, ESF éditeur.
Blanc B., Dorival M., Gérard R., Roux S., Ullern M.-C. (1989), Actions collectives et travail
social. T. 2 : Processus d’action et d’évaluation, Paris, ESF éditeur.
62. C. De Robertis (1993), Le contrat en travail social, Paris, Bayard.
63. Sanicola L. (dir.) (1994), L’intervention de réseaux, Paris, Bayard.
64. Freynet M.-F. (1995), Les médiations du travail social. Contre l’exclusion, (re)
construire les liens, Lyon, Chronique sociale.
65. « Vingt ans de Conseil supérieur du travail social », Vie sociale, n° 2, 2005.
66. Conseil supérieur du travail social (1987), Intervention sociale d’intérêt collectif,
ministère des Affaires sociales et de l’Emploi, Paris.
67. Conseil supérieur du travail social (1998), L’intervention sociale d’aide à la personne,
Rennes, Éditions ENSP, coll. « Politiques et interventions sociales » (nouvelle édition 2014).
38
L’évolution de la méthodologie de service social en France
Poursuivant la thèse de Piaget, nous pouvons dire que l’humain est social
car il est construit par le social et le social est construit par lui. Pour
reprendre en d’autres termes une affirmation que faisait Karl Marx il y a plus
d’un siècle et demi, l’homme est à la fois produit et producteur de la société.
Dans ce chapitre nous commencerons par porter un regard sur l’état du
travail social et sur celui des sciences sociales pour ensuite aborder les
débats théoriques sur les questions épistémologiques et terminer sur les
modes d’articulation entre travail social et sciences sociales.
41
Méthodologie de l’intervention en travail social
1. Rupp M.-A. (1971), Les groupes dans le travail social, Toulouse, Privat, coll. « Mésope ».
2. Ministère de l’Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale, « Arrêté du 29 juin 2004
relatif au diplôme d’État d’assistant de service social ».
42
Le travail social et les sciences sociales
3. Duchamp M., Bouquet B., Drouard H. (1989), La recherche en travail social, Paris,
Bayard, coll. « Travail social ».
4. Laot F. (2000), Doctorats en travail social : quelques initiatives européennes, Rennes,
Éditions ENSP, coll. « Politiques et interventions sociales ».
5. Durkheim É. (1983), Les règles de la méthode sociologique, Paris, PUF, coll. « Quadrige »
(1re publication, Félix Alcan, 1894).
43
Méthodologie de l’intervention en travail social
Dans une démarche déterministe, les faits sociaux sont définis par la
contrainte qu’ils imposent. Pour Durkheim « est fait social toute manière de
faire, fixée ou non, susceptible d’exercer sur l’individu une contrainte exté-
rieure 6 » tandis que ses disciples, Paul Fauconnet et Marcel Mauss, défi-
nissent ainsi le social : « Sont sociales toutes les manières d’agir et de penser
que l’individu trouve préétablies et dont la transmission se fait le plus
généralement par la voie de l’éducation 7. »
Le social objet de la sociologie est une réalité objective qu’il faut décou-
vrir tout comme le biologiste découvre la cellule grâce à son outil qu’est le
microscope. Dans ce sens, Durkheim, affirmant que la sociologie est une
science, définit comme premier caractère d’une science l’existence de l’ob-
jet dans la réalité : « Une science, en effet, se définit par son objet ; elle
suppose par conséquent que cet objet existe, qu’on peut le désigner du doigt,
en quelque sorte, marquer la place qu’il occupe dans l’ensemble de la réa-
lité 8. »
Près de cinquante ans après, le sociologue Georges Gurvitch réaffirme,
avec de nombreux autres théoriciens, que « la sociologie est une science
essentiellement explicative. En tant que telle elle ne peut être que détermi-
niste 9 », tout en nuançant la vision étroite du déterminisme défini par des
lois causales. Sa définition du déterminisme est plus large :
« Le déterminisme est l’intégration des faits particuliers dans l’un des multiples
cadres ou univers réels (vécus, connus, construits) qui restent toujours contin-
gents ; il situe ces faits, c’est-à-dire les explique en fonction de la compréhension
du cadre. Cette intégration présuppose, en effet, la compréhension de la cohésion
relative du cadre contingent en question 10. »
6. Idem.
7. Fauconnet P., Mauss M. (1901), « Sociologie », in Grande Encyclopédie, vol. 30, Paris,
(texte réédité dans Mauss M. (1971), Essais de sociologie, Paris, Seuil, coll. « Points »).
8. Durkheim É. (1911), « Nature et méthode de la pédagogie », in É. Durkheim (1985),
Éducation et sociologie, Paris, PUF, coll. « Quadrige ».
9. Gurvitch G., « Les règles de l’explication en sociologie. Les variations des formules
du déterminisme sociologique », in G. Gurvitch (dir.) (1962), Traité de sociologie, t. 1,
Paris, PUF.
10. Idem.
44
Le travail social et les sciences sociales
45
Méthodologie de l’intervention en travail social
13. Durkheim É. (2004), De la division du travail social, Paris, PUF, coll. « Quadrige.
Grands textes » (1re édition, Félix Alcan, 1893).
14. Dortier J.-F. (1999), « À quoi servent les sciences humaines ? », Sciences humaines,
hors-série, n° 25, juin-juillet.
46
Le travail social et les sciences sociales
15. Rullac S. (2014), La scientifisation du travail social, Rennes, Presses de l’EHESP, coll.
« Politiques et interventions sociales ».
16. Vial M. (1998), « Aller sur le terrain ? Quelle posture pour le chercheur ? », En question,
cahiers n° 20, département des sciences de l’éducation, université de Provence-Aix-Marseille.
47
Méthodologie de l’intervention en travail social
Nous pourrons voir plus loin que le regard sur les pratiques d’interven-
tion sociale peut être construit sur le même modèle que les pratiques édu-
catives. Soulignons, à propos des sciences de l’éducation, que leur objet de
recherche porte sur la pratique et que la pratique éducative, comme toute
pratique sociale, est orientée et éclairée par des valeurs. Monique Linard
définit ainsi le champ de travail du chercheur en sciences de l’éducation :
« Le chercheur en sciences de l’éducation travaille davantage sur des processus
que sur des objets, sur des dynamiques que sur des états ; son observation même
modifie la situation observée ; les entités observées (artefacts et humains) évo-
luent dans le temps à partir des dynamiques d’interactions réciproques ; les
processus d’interaction dynamique entre entités sont des processus de perception,
d’action, de représentation qui constituent des objets mentaux, symboliques et
non symboliques ; les sujets sont doués d’intentionnalité ; ils sont motivés par
des valeurs et animés par des finalités et des projets intéressants pour eux ; les
affects sont partie intégrante de l’acte d’apprendre au même titre que les aspects
cognitifs 17. »
Dans ces sciences qui ont pour objet une pratique, nous pourrions aussi
citer les sciences de l’information et les sciences de la gestion. Qu’en est-il
du travail social ? L’intervention en travail social vise à aider les usagers
(personne, groupe, communauté) à faire face à des situations problèmes,
situations qui ne peuvent être régulées par les réseaux primaires de soli-
darité. Le travail social apparaît quand « une situation problématique […]
appelle une intervention explicite et volontaire sur les relations sociales
pour préserver l’équilibre social 18 ». Cette intervention « suppose une capa-
cité à connaître et à comprendre une réalité complexe, qui présente des
dimensions multiples, dotée d’une pluralité de liens et de correspondances
et caractérisée par un processus de changement continu 19 ». Ainsi, « la
pratique des travailleurs sociaux est plus qu’une “application” d’une
science pure : elle est une action consciente, intentionnelle, orientée, orga-
nisée et potentiellement efficace 20 » et, de ce fait, « l’intervention sociale,
s’appuyant sur une pluralité de sciences exige un savoir “fédératif”, réap-
proprié, réaménagé, reconstruit, réunifié par l’acte de faire 21 ». Nous pou-
vons conclure que le travail social relève du même champ scientifique que
les sciences politiques, les sciences de l’éducation, les sciences de
17. Linard M. (2004), « La relation entre praticiens et chercheurs en sciences de l’éduca-
tion : une séquelle de vieilles questions épistémologiques », Éduquer, n° 8, L’Harmattan.
18. Soulet M.-H. (1996), « La recherche peut-elle être sociale ? », Vie sociale, n° 2‑3.
19. Sanicola L., « Processi interattivi tra discipline professionali e discipline di base nel
Servizio sociale », in Cellentani Guidicini P. (dir.) (1989), Il Servizio sociale tra identita e
prassi quotidiana, Milan, Franco Angeli.
20. Zúñiga R. (1994), L’évaluation dans l’action, Montréal, Presses de l’université de
Montréal.
21. Amer M., « Recherche en service social : du savoir au savoir-agir », Chroniques
sociales, vol. III-IV, n° 15‑16‑17‑18, Beyrouth, École libanaise de formation sociale, univer-
sité Saint-Joseph, 2000‑2001‑2002.
48
Le travail social et les sciences sociales
l’information, les sciences de la gestion : leur objet est une pratique sociale
dont la compréhension passe par la mobilisation de connaissances prove-
nant des sciences sociales classiques, par la construction de savoirs à partir
de la pratique et par la prise en compte des finalités poursuivies dans
l’action.
49
Méthodologie de l’intervention en travail social
24. Bourdieu P. (1980), « Le marché linguistique », in Questions de sociologie, Paris, Minuit.
25. Merton R. (1965), Éléments de théorie et de méthode sociologique, Paris, Plon.
26. Kisnerman N. (2005), Pensar el Trabajo Social. Una introduccion desde el constucio‑
nismo, Buenos Aires, Lumen-Humanitas.
27. Morin E. (1991), La méthode. Les idées, leur habitat, leur vie, leurs mœurs, leur orga‑
nisation, t. IV, Paris, Seuil.
50
Le travail social et les sciences sociales
51
Méthodologie de l’intervention en travail social
29. Bachelard G. (1987), Le nouvel esprit scientifique, Paris, PUF, coll. « Quadrige »
(1re édition, 1934).
30. Morin E., Thèse pour la pensée complexe, Comité de liaison des centres de formation
permanente et supérieure en travail social, « Colloque de la recherche en travail social. Les
actes du 2e colloque des 9‑10‑11 mai 1984 ».
31. Morin E. (2005), Introduction à la pensée complexe, Paris, Seuil coll. « Points essais ».
52
Le travail social et les sciences sociales
32. Marx K., « Thèses sur Feuerbach », in Engels F. (1976), Ludwig Feuerbach et la fin de
la philosophie classique allemande, Paris, Éditions sociales.
33. Le Moigne J.-L. (1999), Les épistémologies constructivistes, Paris, PUF, coll. « Que
sais-je ? ».
34. Idem.
53
Méthodologie de l’intervention en travail social
35. Idem.
36. Bouquet B. (2003), « Le “social” objet d’intervention et de savoir », Forum, n° 101,
janvier.
54
Le travail social et les sciences sociales
55
Méthodologie de l’intervention en travail social
par endroits pas du tout, qu’on ordonne selon les précédents points de vue
choisis unilatéralement, pour former un tableau de pensée homogène. On ne
trouvera nulle part empiriquement un pareil tableau dans sa pureté conceptuelle :
il est une utopie. Le travail historique aura pour tâche de déterminer dans chaque
cas particulier combien la réalité se rapproche ou s’écarte de ce tableau 38. »
56
Le travail social et les sciences sociales
57
Méthodologie de l’intervention en travail social
nnLa psychologie
La psychologie a été et reste encore une discipline dominante dans le
travail social, favorisant parfois des dérapages de l’intervention sociale vers
la thérapie. Ce dérapage est d’autant plus facilité que la psychologie est à la
fois une science produisant des connaissances et une pratique d’intervention
thérapeutique, et que ces deux moments, connaissances et action, sont
fortement liés. Par ailleurs, la psychologie est la science sociale qui est la
plus diffusée dans l’ensemble de la population, produisant ainsi une grille
de lecture du psychisme largement partagée, même si c’est au prix de fortes
simplifications. Parmi les apports de la psychologie au travail social, nous
pouvons dire que le plus important est la réflexion sur le rapport à l’autre
et donc sur les attitudes de l’intervenant face à l’usager. Les concepts d’em-
pathie, d’écoute, les techniques d’entretien couramment utilisées par les
travailleurs sociaux, sont issus de la psychologie. Les apports sur les cogni-
tions et les affects sont d’une utilité permanente pour la pratique du travail
social. De plus, les violents affrontements entre les courants de la psycho-
logie, entre comportementalisme et psychanalyse, permettent d’une part de
comprendre clairement que toute interprétation des faits est liée à un corpus
théorique et, d’autre part, que, à l’arrière-plan des théories en sciences
sociales, nous trouvons des idéologies, c’est-à-dire des visions du monde.
44. Berger P., Luckmann T. (1996), La construction sociale de la réalité, Paris, Méridiens
Klincksieck, coll. « Sociétés ».
45. Merton R., Éléments de théorie et de méthode sociologique, op. cit.
46. Herreros G. (2001), Pour une sociologie d’intervention, Ramonville, Érès, coll.
« Sociologie clinique ».
47. Dubet F. (1987), La galère, jeunes en survie, Paris, Fayard, coll. « Mouvements ».
58
Le travail social et les sciences sociales
nnL’économie
Cette dernière affirmation est également très fortement présente en ce
qui concerne l’économie : les théories économiques fondamentales sont la
projection dans le champ de l’échange de biens et de services d’idéologies
mêlant vision des rapports entre l’homme et la société et système de valeurs.
L’apport de l’économie est d’abord de contextualiser la situation des usagers,
de comprendre cette situation dans son rapport à des données globales
(emploi, production, type d’entreprises…). Le vécu d’une personne varie
fortement selon la situation économique du moment. L’économie a aussi
apporté des techniques de gestion comptable applicables dans la lecture de
budgets familiaux, de l’endettement.
nnLa démographie
Les apports de la démographie paraissent plutôt faibles pour le travail
social. Là encore, le principal apport reste la contextualisation (formes fami-
liales, taux de natalité et de mortalité, espérance de vie) permettant de situer
le singulier par rapport au général.
nnLa psychologie sociale
Il n’en est pas de même pour la psychologie sociale. Cette dernière naît
en même temps que le travail social d’une matrice commune : la philosophie
sociale. Elle partage avec lui une volonté d’intervention. Les interactions
interpersonnelles présentes dans toutes les interventions peuvent être lues
grâce à la grille de lecture psychosociale. L’étude des groupes et l’interven-
tion en leur sein, développés par cette science, ont été à la source du travail
social de groupe. Les notions d’identité, de statut et de rôle, de représenta-
tions sociales, d’influence sont fondamentales dans l’intervention en travail
social. Enfin, la psychologie sociale a créé des méthodes d’intervention 48
qui peuvent être transposées sans grandes difficultés au travail social.
nnL’ethnologie/anthropologie
Terminons ce rapide panorama des contributions des sciences sociales
au travail social par l’ethnologie/anthropologie. La distinction entre les deux
est plus sémantique (ethnologie en langue française et anthropologie en
langue anglaise) qu’épistémologique (objet différent). Cependant, nous pou-
vons dire que l’ethnologie s’est construite dans l’observation des peuples
dits « primitifs » et que l’anthropologie s’est voulue science totale de
l’homme. La contribution essentielle de cette discipline est d’apporter un
regard sur l’altérité, sur l’autre considéré à la fois comme semblable et dif-
férent. La prise en compte des identités et appartenances culturelles est à
mettre au crédit de cette discipline, tout en mettant en garde contre le
48. Mendel G., Prades J.-L. (2002), Les méthodes de l’intervention psychosociologique,
Paris, La Découverte, coll. « Repères ».
59
Méthodologie de l’intervention en travail social
49. Guelamine F. (2006), Le travail social face au racisme. Contribution à la lutte contre
les discriminations, Rennes, Éditions ENSP, coll. « Politiques et interventions sociales ».
50. Pascal H. (2014), Histoire du travail social en France. De la fin du xixe siècle à nos
jours, Rennes, Presses de l’EHESP, coll. « Politiques et interventions sociales ».
60
Le travail social et les sciences sociales
61
Méthodologie de l’intervention en travail social
En conclusion de ce chapitre, nous pouvons dire que les savoirs issus des
sciences sociales – savoirs théoriques et savoirs d’action – sont indispen-
sables pour l’intervention des travailleurs sociaux. Mais ces savoirs doivent
être agencés de manière à pouvoir répondre aux questions suscitées par
l’intervention, et cet agencement est chaque fois spécifique à la singularité
qui caractérise chaque intervention.
Chapitre 3
La méthodologie de l’intervention
Nous partons ici du postulat que le travail social utilise dans son activité
une ou plusieurs méthodes qui lui sont propres et que celles-ci peuvent être
explicitées, décrites, analysées autant au niveau de la pratique qu’au niveau
de la théorie.
Cette affirmation n’est pas gratuite car fort souvent le travailleur social
est perçu comme un agent d’application des politiques sociales des institu-
tions, défini comme un exécutant, son action se limite à la mise en œuvre
des dispositifs, la distribution des prestations. Son rôle est alors indiqué
comme celui d’un gestionnaire régulant les « flux » et des places en fonction
des impératifs financiers et contraintes budgétaires. Un autre courant pri-
vilégie la spontanéité et la cordialité d’une relation interpersonnelle forte
entre le travailleur social et la personne susceptible de les faire évoluer et
progresser en autonomie et insertion dans une vision un peu hors contexte
et refusant les contraintes.
Ces deux courants de pensée – que nous ne pouvons développer ici,
malgré le risque évident de ne présenter qu’une caricature déformée de l’un
et de l’autre – ont en commun le fait de nier qu’il existe une méthode de
travail social, méthode pouvant être décrite, étudiée, aux niveaux pratique
et théorique, méthode extérieure au contexte institutionnel et de politique
sociale où il s’applique.
À notre avis, le premier, ne tenant compte que du statut salarié des tra-
vailleurs sociaux, nie toute marge de liberté d’action entre le professionnel
et le service employeur ; présuppose le premier en accord et en lien symbio-
tique avec le second, et fait fi de l’autonomie de pensée et d’action tant du
travailleur social que de l’usager, et des contradictions et conflits innom-
brables qui existent dans la pratique sociale.
63
Méthodologie de l’intervention en travail social
1. Se référer au chapitre 2.
64
La méthodologie de l’intervention
65
Méthodologie de l’intervention en travail social
66
La méthodologie de l’intervention
9. Étude de l’ANAS, « La fonction sociale », La Revue française de service social, Paris,
n° 98, 2e trimestre 1973.
10. Nouveau Petit Larousse, 1970.
11. Grawitz M. (1981), Méthodes des sciences sociales, Paris, Dalloz.
12. Nouveau Petit Larousse, op. cit.
13. Konopka G. (1971), « On demande une méthode générique de service social »,
Montrouge, ISSRS, document ronéotypé.
67
Méthodologie de l’intervention en travail social
68
La méthodologie de l’intervention
16. Voir Richmond M. E. (1917), Social. Diagnosis, New York, Russel Sage Foundation
(réimpression 1955).
17. De Bray L., Tuerlinckx J. (1955), Social case work, Bruxelles, Éditions COMETS.
69
Méthodologie de l’intervention en travail social
70
La méthodologie de l’intervention
19. E. Morin (1984), Thèses pour la pensée complexe, 2e colloque sur la recherche en
travail social, Paris, Comité de liaison des centres de formation supérieure et permanente des
travailleurs sociaux, mai.
20. Perlman H. H. (1973), La personne. L’évolution de l’adulte et de ses rôles dans la vie,
Paris, Centurion, coll. « Socioguides ».
71
Méthodologie de l’intervention en travail social
Cette définition des objectifs et des moyens est souvent appelée projet du
travailleur social ou projet d’intervention. Mais le travailleur social n’est
qu’un des protagonistes en présence, les autres sont l’organisme employeur
qui embauche des professionnels pour mettre en œuvre sa politique sociale,
et l’usager qui peut aussi bien être un groupe, une famille, une personne ou
une communauté. La définition des objectifs et le choix des moyens sont
alors établis en confrontant les projets des différents acteurs en présence, la
négociation aboutissant à un projet commun.
D’autres termes aussi s’inscrivent dans ce nouveau modèle : pour exercer
ce rôle d’agents de changement, les travailleurs sociaux mènent des « inter-
ventions ». Parler d’intervention équivaut à « vouloir agir », intervenir dans
une affaire veut dire « prendre part volontairement, se rendre médiateur,
interposer son autorité 21 ». C’est donc mettre l’accent sur l’action, sur ce que
le travailleur social fait. Ce qui est mis en relief est la volonté consciente de
modifier par son action la situation de la personne. Mais, en aucun cas cela
veut dire faire à la place ou imposer des solutions aux personnes concernées.
Comme le dit Jacky Beillerot, des intervenants « estiment que l’intervention
exige la collaboration entre agents et sujets avec lesquels l’intervention est
faite. Dans ce cas, l’intervention se définit par l’attention aux problèmes des
demandeurs, ce qui l’inscrit dans une relation d’aide ; les sujets de la demande
sont visés comme êtres autonomes et considérés comme des agents principaux
de leur évolution ; enfin, le refus d’une perspective instrumentale, de l’appli-
cation d’un savoir (ici le faire précède le savoir), conduit l’intervenant à ne
pas définir a priori l’état où les sujets adviendront par le processus dont il est
le facilitateur. Une telle perspective met, bien sûr, en œuvre une dimension
éthique et démocratique, en particulier d’autonomisation des dominés 22 ».
Dans le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales de 2005,
l’usager est considéré comme « co-constructeur » du processus d’aide. « Car
l’intervention sociale n’est pas la délivrance d’une prestation à un bénéfi-
ciaire passif, elle s’analyse comme une coproduction de la personne concer-
née, du travailleur social qui l’accompagne, et plus largement du service
d’intervention sociale tel qu’il est organisé 23. »
Le mot intervention est, à notre avis, plus fort que celui d’action, bien
qu’il soit souvent employé comme synonyme.
La combinaison de ces éléments du modèle – changement, projet, inter-
vention – leur mise en relation, fait apparaître le dernier mot clé de ce
modèle de référence : la stratégie.
72
La méthodologie de l’intervention
73
Méthodologie de l’intervention en travail social
27. Voir sur ce sujet : De Robertis C. (1983), « Définition du concept d’aide et d’accom-
pagnement en service social », La Revue française de service social, n° 138, et « La relation
d’aide », in Gouhier A. (dir.) (1993), La relation d’aide en travail social, Nancy, Presses uni-
versitaires de Nancy, coll. « Forum de l’IFRAS ».
28. Encyclopédie Larousse, 1977. Voir aussi Barreyre J.-Y., Bouquet B. (dir.) (2006),
Nouveau dictionnaire critique d’action sociale, Paris, Bayard.
29. Michelfelder Y. (1985), « Dynamique de la pensée et de l’acte au cours de l’interven-
tion sociale », Forum, n° 34, novembre.
30. Helfter C. (2005), « Et quelle place pour l’action sociale ? », ASH Magazine, n° 12,
cahier spécial anniversaire, novembre-décembre.
74
La méthodologie de l’intervention
consiste moins à agir sur la personne que sur les conditions qui permettent
à cette personne de mettre en œuvre ses propres capacités 31 ».
L’aide est un processus qui se déroule dans le temps et dans l’espace. Elle
comprend trois protagonistes principaux : la personne, le travailleur social
et l’organisme d’action sociale.
L’aide peut s’adresser à une ou plusieurs personnes – individu, famille,
groupe –, confrontées à une situation de carence ou de difficulté qui entraîne
un besoin qu’elles ne peuvent satisfaire seules dans la conjoncture où elles
se trouvent au moment présent.
Le travailleur social est un professionnel titulaire d’un diplôme reconnu
qui atteste de ses compétences acquises. Il s’inscrit dans les missions définies
par les politiques sociales et mobilise, au bénéfice de la personne, les
diverses mesures et dispositifs existants. Il participe aussi à la création de
nouvelles ressources, si nécessaire, dans le cadre de projets avec la partici-
pation des populations. Les objectifs d’aide du travailleur social sont de
permettre aux personnes de trouver ou de retrouver leur place dans la
société en fonction de leurs capacités et de leurs potentialités, et en repous-
sant autant que possible les limites dues à l’histoire personnelle et aux
handicaps éventuels. Le travailleur social a pour but d’aider à l’insertion, de
créer des opportunités de développement personnel et social, d’accompagner
les personnes vers l’acquisition de nouvelles compétences et une plus grande
autonomie.
L’organisme d’action sociale, employeur des travailleurs sociaux, est
aussi présent dans le processus d’aide, il met à la disposition des usagers un
professionnel travailleur social chargé de la mise en œuvre de ses orienta-
tions d’action sociale et capable d’adapter celles-ci de manière personnali-
sée, aux situations et besoins existants.
Malheureusement, le contenu du concept d’aide a été souvent dichoto-
misé en « aide matérielle » et « aide psychologique », comme si le travailleur
social était un pourvoyeur soit de ressources financières, soit de soutien
affectif et de compréhension. Or, le contenu de l’aide ne peut être séparé en
matériel et psychologique simplement parce que l’aide ne s’adresse pas à
des problèmes (financiers, relationnels ou affectifs, de logement, d’accès aux
droits…), mais à des personnes. Les personnes ont peut-être des difficultés
semblables, mais elles ont chacune leur propre façon de les ressentir, de les
combattre et de se mobiliser pour trouver des solutions.
La focalisation sur la personne implique que seul l’usager, parmi les
protagonistes mentionnés ci-dessus, est acteur du changement de sa situa-
tion. Le travailleur social qui se précipite pour trouver des solutions à des
problèmes (placement d’enfant, logement, secours financier) au lieu de
31. Conseil supérieur de travail social (1998), L’intervention sociale d’aide à la personne,
Rennes, Presses de l’EHESP (nouvelle édition 2014).
75
Méthodologie de l’intervention en travail social
32. Mury G. (1975), « Remarques d’un sociologue à propos du service social », Connexions,
n° 14, Paris.
33. ANAS (1994), « Code de déontologie des assistants de service social », art. 11.
34. De Robertis C. (2005), « L’accompagnement : une fonction du travail social », La Revue
française de service social, n° 217.
35. Conseil supérieur du travail social, L’intervention sociale d’aide à la personne, op. cit.
36. Bouquet B., Garcette C. (1998), Assistante sociale aujourd’hui, Paris, Maloine.
37. Décret n° 2004‑533 du 11 juin 2004, JO du 15 juin 2004 et arrêté du 29 juin 2004,
JO du 23 juillet 2004.
76
La méthodologie de l’intervention
38. Perlman H. H., La personne. L’évolution de l’adulte et de ses rôles dans la vie, op. cit.
39. Idem.
40. Ibidem, p. 27.
77
Méthodologie de l’intervention en travail social
78
La méthodologie de l’intervention
79
Méthodologie de l’intervention en travail social
sociaux globaux. Nous avons alors tendance à les regarder de façon figée et
normative, les teintant de jugements moralisateurs : les événements sont
bons ou mauvais, sont normaux ou anormaux. L’utilisation du concept de
contradiction nous permet en revanche de relativiser les jugements norma-
tifs, de percevoir toute situation dans sa complexité et dans le jeu des forces
contraires qui s’y affrontent, tant sur le plan psycho-affectif que sur un plan
social.
Lorsqu’un adolescent fugue du domicile parental, il provoque une rup-
ture importante et un changement accéléré. La question de ce qu’a pu ame-
ner une telle crise se pose, quels sont les effets pour les uns et les autres et
comment assurer un changement positif durable. Le jeune en fugue peut
être mobilisé par un sentiment de désespoir et de colère qui couvait peut-
être depuis longtemps. En même temps, sa fugue est un défi lancé à ses
parents et à la société. C’est aussi une manière d’affirmation personnelle et
de démonstration de force. Les parents, de leur côté, ne s’attendaient pro-
bablement pas à une telle manifestation de leur fils (ou fille), ils sont dans
l’incompréhension et le doute. Ils peuvent se sentir très en colère ou cou-
pables de n’avoir pas compris ou prévu le désarroi de l’adolescent et des
conséquences des dernières disputes et remontrances. Dans le conflit qui les
oppose, comment trouver une source d’apaisement et dépasser la rupture
pour aller vers une meilleure compréhension réciproque ? Quelle médiation
mobiliser pour renouer le dialogue et mettre des mots sur les sentiments
contradictoires vécus par les uns et les autres ?
Ainsi nous nous trouvons face à un fait dont la complexité s’éclaire et
prend tout son sens à la lumière du concept de la contradiction.
80
La méthodologie de l’intervention
46. Idem.
47. Ce concept d’interdépendance a été aussi développé dans la théorie des systèmes.
81
Méthodologie de l’intervention en travail social
82
La méthodologie de l’intervention
48. Richmond M. E. (1917), Social diagnosis, New York, Russel Sage Fondation.
83
Méthodologie de l’intervention en travail social
84
La méthodologie de l’intervention
85
Méthodologie de l’intervention en travail social
86
La méthodologie de l’intervention
87
Méthodologie de l’intervention en travail social
Analyse de situation
Clôture
88
La méthodologie de l’intervention
À notre avis, dans ces divers champs d’application, la marche suivie par
le travailleur social est toujours la même, les diverses phases de la méthode
ne sont pas différentes. En revanche, selon le champ d’application, les
connaissances mises à profit de façon prédominante seront différentes ainsi
que le cadre institutionnel et les dispositifs de législation sociale auxquels
on peut avoir recours. De même, certaines formes d’interventions seront
davantage privilégiées dans certains champs plutôt que dans d’autres. Nous
soutenons que la démarche méthodologique en travail social est une ; elle
s’applique dans les divers champs avec des adaptations quant aux types de
problèmes sociaux abordés, aux institutions et aux législations utilisées. La
démarche reste la même, elle peut s’appliquer à des situations différentes,
dans des champs différents et autant en intervention sociale individuelle
que collective. La méthode et les différentes étapes qui la constituent sont
perceptibles dans l’action des travailleurs sociaux.
Chapitre 4
L’analyse de situation
Françoise Lesimple
91
Méthodologie de l’intervention en travail social
92
L’analyse de situation
4. Voir à ce sujet : Inspection générale des affaires sociales (IGAS) (2005), Rapport inter-
médiaire, « Quelle intervention sociale pour ceux qui ne demandent rien ? ». Disponible sur
le site de La Documentation française : www.ladocumentationfrancaise.fr.
93
Méthodologie de l’intervention en travail social
94
L’analyse de situation
95
Méthodologie de l’intervention en travail social
nnMoyens « scientifiques »
Nous faisons référence ici à l’utilisation de statistiques ou de recherches
diverses dont principalement celles de l’INSEE avec pour chaque commune
les tableaux dits « communaux », celles faites par les mairies, les chambres
des métiers, chambres de commerce, par les directions départementales du
travail, divers observatoires… Chacun de ces organismes met à notre dispo-
sition des informations très riches, destinées à être exploitées par de nom-
breux spécialistes et qui doivent de ce fait être réinterprétées à notre profit.
C’est là qu’intervient ce que nous appellerons l’utilisation de moyens
« empiriques ».
nnMoyens « empiriques »
Par cette appellation nous entendons les outils que le travailleur social
peut se donner et utiliser personnellement pour connaître l’environnement
dans lequel il exerce son activité. Il part de l’observation de celui-ci, de la
manière dont il le perçoit. Ces premières impressions doivent être confron-
tées aux renseignements objectifs apportés par d’autres sources : en effet,
repérer sur papier qu’un quartier de la ville est essentiellement constitué
d’habitations à loyer modéré (HLM) ne donne aucun élément pour situer
plus concrètement l’aspect dégradé ou non, dispersé ou non de ses habita-
tions. Il suffit de penser à la différence entre certaines « barres » de la ban-
lieue parisienne, composée de plusieurs centaines de logements et certains
logements sociaux de petites tailles et dispersées sur l’ensemble d’une
commune.
De la conjugaison de ce double apport, peuvent naître des informations
permettant un repérage plus systématique du lieu où le travailleur social
exerce sa fonction.
96
L’analyse de situation
97
Méthodologie de l’intervention en travail social
98
L’analyse de situation
service, mauvais choix des horaires d’ouverture… Tout cela afin d’y chercher
remède.
Les éléments apportés dans les paragraphes qui précèdent sont immédia-
tement applicables quand il s’agit d’un travail exercé sur un secteur géo-
graphique donné. Chacun d’entre eux doit être transposé en fonction du lieu
précis d’intervention : l’assistante sociale d’entreprise va ainsi se préoccuper
de l’accessibilité de celle-ci, des migrations quotidiennes des salariés, des
nuisances dans l’entreprise, des services offerts par celle-ci, de l’existence
d’une politique sociale…
99
Méthodologie de l’intervention en travail social
100
L’analyse de situation
Une remarque reste à faire à propos de ces textes : certains d’entre eux
sont quasi inaccessibles aux travailleurs sociaux de base et la difficulté pour
les obtenir est elle-même en soi révélatrice. D’autres documents sont parfois,
également, difficiles à obtenir : il s’agit des organigrammes, tableaux du
personnel… Les organigrammes font apparaître la hiérarchie officielle d’un
service : il est intéressant d’étudier qui y figure et où, ainsi, par exemple, le
psychiatre, le superviseur. S’agit-il d’une organisation de type horizontale
ou pyramidale ? Comment se rattache-t‑elle à l’organigramme plus général
de l’administration dont elle dépend ? On s’aperçoit assez fréquemment que
le travailleur social opère dans des systèmes différents, l’un se rattachant à
un niveau fonctionnel et l’autre à un niveau hiérarchique. Cela n’est pas de
nature à permettre à ce dernier de se situer facilement. Citons à titre
d’exemple l’assistante sociale hospitalière : cette travailleuse sociale peut se
trouver écartelée entre une hiérarchie technique et une hiérarchie médicale.
Une autre façon de regarder les organigrammes apparaît instructive, bien
que subjective : il s’agit de comparer l’organigramme officiel du service à
celui imaginé par les différents membres de ce service, les zones d’influence
de certaines personnes, les groupes de pression, les rôles que se donnent ou
qui sont donnés à certains salariés.
Certaines autres sources de renseignements existent selon les services
(grille de salaire, tableaux du personnel…). Au travailleur social d’être
curieux et de les connaître. Il lui revient également de regarder son lieu de
travail de l’extérieur : son implantation, son architecture, sa taille… Est-ce
un lieu de travail agréable pour les salariés et accueillant pour la
clientèle ?
Au fur et à mesure, le travailleur social devra être attentif à mieux
connaître quelle est l’intégration de son service dans le quartier, son rapport
aux autres services, à la municipalité…
Ces différents niveaux de connaissances partent bien sûr d’écrits, mais
sont interprétés par le travailleur social. Lui aussi doit donc se connaître
pour limiter au mieux les gauchissements des faits liés à sa personnalité.
101
Méthodologie de l’intervention en travail social
102
L’analyse de situation
103
Méthodologie de l’intervention en travail social
104
L’analyse de situation
105
Méthodologie de l’intervention en travail social
10. Ouvrage collectif (1993), Systématisation et évaluation : une grille pour travailleurs
sociaux, Liège, École supérieure d’action sociale.
11. Petit Larousse illustré, op. cit.
106
L’analyse de situation
107
Méthodologie de l’intervention en travail social
108
L’analyse de situation
« Or, qu’est-ce que venir pour être aidé, sinon s’affronter précisément à ce conflit
éternel entre le désir de rester un enfant et le désir de devenir adulte ? […] Être
aidé, même si on le désire profondément, c’est se trouver plus ou moins confronté
avec un certain aspect de l’immaturité, de l’échec, c’est finalement vivre une
certaine humiliation. Être aidé, c’est redevenir dépendant, c’est revivre un conflit
important du passé au cours duquel donner ou recevoir a soulevé beaucoup
d’ambivalence 15. »
C’est bien cette notion d’ambivalence qui peut nous donner la clé pour
comprendre ce qui s’est passé et ce qui se passe pour la personne qui vient
nous trouver. Pour comprendre en essayant de décoder à travers son com-
portement, sa présentation, le contenu de sa demande, la façon dont il la
formule, les messages non verbaux dont il l’accompagne, le conflit intérieur
et les sentiments contradictoires qui le mobilisent.
Le conflit intérieur de l’usager peut être si fort, si paralysant, qu’il peut
l’empêcher de passer à l’action. Souvent le travailleur social se demande pour-
quoi telle personne ou telle famille est venue le trouver si tard, alors que sa
situation aurait mérité une demande plus rapide. Qu’est-ce qui a empêché la
personne de venir nous trouver avant d’être plongée dans une situation cri-
tique et sans issue, où la détérioration matérielle et/ou relationnelle est telle
que les possibilités de trouver des solutions rapides sont devenues très minces ?
Souvent on pourra découvrir la réponse en explorant les peurs et l’ambiva-
lence ressenties par la personne lors de sa décision de faire une demande.
Nous devrions nous-mêmes, travailleurs sociaux, avoir à l’esprit ce que
nous avons personnellement ressenti dans une situation de demandeur, qu’il
se soit agi d’une consultation médicale ou juridique, ou lors d’un entretien
d’embauche, afin d’imaginer ce qui peut se passer chez la personne.
15. Lemay M., « La psychologie de l’aide ou la relation aidant-aidé », Dialogue, n° 25,
« Études et recherches sur les problèmes du couple. Association française des centres de
consultation conjugale », Paris, 1970.
109
Méthodologie de l’intervention en travail social
16. Albera N., « Le travailleur social face au client “non demandeur” », in Gouhier A. (dir.)
(1993), La relation d’aide, Nancy, Presses universitaires de Nancy.
110
L’analyse de situation
action « dans le repérage des droits non couverts et les avantages auxquels
ils pourraient prétendre et les informer […] Redonner confiance aux per-
sonnes quant à leur capacité […] Déclencher chez elle une motivation suf-
fisante pour le but recherché […] que le client a déterminé lui-même ».
De fait, il s’agit là de faire une offre de service et de parvenir à l’expres-
sion d’une demande même si celle-ci ne correspond pas à la globalité du
problème identifié.
Le ministère de l’Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement a publié
en ligne un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) sur
le thème ; ce fait confirme la préoccupation des autorités et des travailleurs
sociaux pour les personnes difficiles à joindre car sans demande ni désir 17.
Malgré la difficulté pour cerner et quantifier le public non-demandeur, les
auteurs estiment que « les diverses études existantes sur le non-recours […]
permettent d’évaluer le nombre de personnes en situation de non-demande
à plusieurs millions ». Il s’agit d’un véritable défi pour l’action sociale.
17. Inspection générale des affaires sociales, Quelle intervention sociale pour ceux qui ne
demandent rien ?, rapport n° 2005 026, présenté par M. Hautchamp, P. Naves et D. Tricard,
La Documentation française. En ligne : http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr.
111
Méthodologie de l’intervention en travail social
concernant ses enfants qui risque d’être entendu par elle, alors que ce n’est
pas forcément son besoin essentiel. De même, bien souvent, le comporte-
ment même du travailleur social permettra ou non de faire affleurer les
besoins profonds de la personne.
C’est donc cette demande, complètement filtrée, qui parviendra au tra-
vailleur social ; à lui de saisir comment, par quoi, pour quoi, elle a été
gauchie, cela pour pouvoir comprendre ce que l’usager attend réellement de
lui et pour pouvoir apporter une réponse. D’une certaine manière, le travail-
leur social doit décoder les dires de la personne.
Contexte global
de l
Ind emand
Analyse du secteur
ad
ucti
Analyse du service
on e
Analyse du TS
Client demandeur
con
TS
Rép nnée p
diti
Service
ons
o
Analyse du secteur
e
Contexte global
ar
Chapitre 5
L’évaluation diagnostique
1. Première théoricienne du service social, Mary Richmond écrivit en 1917 une œuvre
monumentale (511 pages). Intitulé Social Diagnosis, ce livre est une référence pour la pro-
fession même s’il n’a pas été traduit en français. Publié par Russel Sage Foundation, New
York, il a été régulièrement réédité.
2. Voir le paragraphe suivant.
3. Conseil supérieur du travail social (1998), L’intervention sociale d’aide à la personne,
Rennes, Presses de l’EHESP (nouvelle édition 2014).
113
Méthodologie de l’intervention en travail social
114
L’évaluation diagnostique
7. Voir De Bray L., Tuerlinckx J. (1955), Social case work, Bruxelles, Éditions COMETS.
8. Voir Perlman H. (1972), L’aide psychosociale interpersonnelle, Paris, Centurion, coll.
« Socioguides ».
115
Méthodologie de l’intervention en travail social
116
L’évaluation diagnostique
14. Aguilar Idañez M. J., Ander-Egg E. (1999), Diagnostico social, conceptos y metodo‑
logia, Albacete (Espagne), Instituto de ciencias sociales aplicadas.
117
Méthodologie de l’intervention en travail social
15. Conseil supérieur du travail social, L’intervention sociale d’aide à la personne, op. cit.
16. Le Boterf G. (1977), « Réflexion sur l’évaluation et le diagnostic des systèmes éduca-
tifs », Pour, n° 55, « L’évaluation, questionnement et pratique », mai-juin.
17. Avril A.-M., Rouchy J.-C. (1976), « Réflexions sur l’évaluation dans la pratique
sociale », entretien avec Françoise Boudard, Connexion, n° 20, Paris.
118
L’évaluation diagnostique
119
Méthodologie de l’intervention en travail social
auront des accents divers selon les attachements à des références théoriques
diverses, selon la compétence dans tel ou tel domaine, selon les intérêts
particuliers et selon la propre conception du travail social.
Si la compréhension intellectuelle de la personne et de sa situation est
tellement empreinte de subjectivité, que dire alors de la compréhension
affective, celle qui passe par les sentiments, par les affects. La compréhen-
sion affective est celle qui met en jeu la capacité d’empathie du travailleur
social ; c’est-à-dire sa capacité à se mettre à la place de l’autre et à éprouver
comment, lui, il ressent sa situation, tout en restant extérieur à la situation
elle-même.
« C’est cette démarche empathique qui me fait comprendre que la jeune femme
que j’ai devant moi a peur que, moi aussi, je la considère comme une mère
indigne car elle a laissé sa petite fille chez une voisine et est partie après une
grave dispute conjugale. Elle ressent une culpabilité si grande qu’elle a perdu
tous ses moyens, ne sait plus comment s’occuper de sa petite et doute fortement
de ses capacités en tant que femme et mère ; elle est paralysée dans sa relation
avec son mari, rejetée par sa belle-famille, et déconcertée devant sa fillette. Bref,
je la sens en souffrance, perdue, inquiète et angoissée. Tout cela, je le comprends
sans pouvoir dire à partir de quoi, sans pouvoir énumérer les faits, sans pouvoir
retracer ce qui m’amène à agir à partir de cette compréhension, je le ressens, elle
me le transmet par ses gestes, ses paroles, l’intonation de sa voix. »
Cette compréhension affective est bien là, elle existe et elle permet de
bâtir rapidement des hypothèses de travail. Et évidemment, cette compré-
hension ne passe que par le travailleur social lui-même. La capacité d’empa-
thie, les informations sur les sentiments de la personne qu’elle nous donne
sont avant tout subjectives, liées étroitement à ce que nous sommes, telle-
ment différents les uns des autres, et néanmoins tellement semblables.
120
L’évaluation diagnostique
influencés que les autres par ces changements, sinon davantage. D’autre
part, en France, parmi les professions sociales, ce sont les assistants de
service social qui se sont collectivement dotés d’un code de déontologie qui
représente les règles éthiques auxquelles les membres de la profession
doivent se conformer. Ce code élaboré par l’Association nationale des assis-
tants de service social (ANAS) adopté en 1950 a subi plusieurs mises à jour
dont la dernière en 1994 19.
De l’évaluation diagnostique qu’un travailleur social fait de la situation
de l’usager dépend le type d’intervention qu’il mènera. Dire que l’évaluation
diagnostique est un processus subjectif et idéologique, c’est aussi dire que
le choix des interventions à mener l’est aussi. La reconnaissance explicite
de ces caractéristiques n’a, à notre avis, rien de condamnable. Au contraire,
la mise en lumière du caractère subjectif et éthique de l’évaluation diagnos-
tique permet le questionnement sur les valeurs et les idéologies sous-
jacentes, permet l’explicitation et la reconnaissance de celles-ci comme
différentes de ceux des autres (usagers, collègues), permet finalement la
reconnaissance du droit des autres d’être, de penser et d’agir différemment
de nous. « L’évaluation, par ce qu’elle atteste, met à jour son biais idéolo-
gique inévitable, permet le mieux de travailler sur ce questionnement de
l’idéologie et des valeurs 20. »
121
Méthodologie de l’intervention en travail social
personne se trouve, elle peut être partagée avec les intéressés eux-mêmes
sans difficulté. Cela devient particulièrement possible lorsque le travailleur
social est mobilisé par le désir de comprendre et lorsqu’il est disposé à revoir
et à corriger son appréciation de la situation en fonction de ce partage.
« Mme M. prépare avec moi le retour prochain de son fils (12 ans) au foyer ; cet
enfant est placé depuis 8 ans et visite régulièrement sa mère. Celle-ci vit mari-
talement depuis 6 ans, le couple a un petit garçon de 2 ans. Au fur et à mesure
que le retour s’approche et ensuite lorsqu’il devient une réalité quotidienne, la
relation conjugale de Mme M. avec son compagnon semble se détériorer : plaintes
mutuelles, exposé de plus en plus fréquent des divergences du couple quant à
l’éducation des enfants. Mme M. exprime le désir que son ami parte, et d’organiser
sa vie seule avec ses enfants. Je fais l’hypothèse que le retour de l’enfant pro-
voque une forte rivalité entre le concubin et le fils de Mme M. et que celle-ci tend
à déplacer son affection de son ami vers son enfant. Je partage cette hypothèse
avec Mme M, et de cet échange il ressort que Mme M. pense que la rivalité entre
son fils et son compagnon est très réelle, elle a bien du mal parfois à accepter
les exigences de l’un et de l’autre ; mais elle apporte aussi de nouveaux éléments
quant à sa relation conjugale, qui infirment partiellement l’hypothèse, à savoir :
sa relation avec son ami n’est pas satisfaisante depuis des années, les propos
désobligeants, cris et coups à son égard durent depuis longtemps, elle ne pense
pas que le retour de son fils ait un lien avec la détérioration de son ménage. »
122
L’évaluation diagnostique
bien-être de l’individu (et celui des autres), quelle solution est recherchée,
quels moyens existent au niveau du client, dans sa situation, quels orga-
nismes et quelles ressources peuvent influer sur le problème 21 ».
Le diagnostic clinique est centré sur le fonctionnement psychique d’une
personne et, pour l’auteur, revient au psychiatre. Il s’agit d’identifier les
troubles de personnalité et de définir la nature de la maladie dont elle
souffre.
Le diagnostic étiologique est centrée sur les causes des difficultés
actuelles, et cherche dans l’histoire de la personne non pas les causes immé-
diates et récentes, mais celles éloignées appartenant au passé.
« Se rapporte […] plus souvent au début et à l’histoire vécue d’un problème,
d’ordinaire au problème qui réside dans la structure et la personnalité du
client 22. »
123
Méthodologie de l’intervention en travail social
124
L’évaluation diagnostique
125
Méthodologie de l’intervention en travail social
126
L’évaluation diagnostique
Ces différents courants, ainsi que des références plus explicites aux
sources théoriques de certaines sciences humaines (psychanalyse, théorie
des systèmes, sociologie…) ont une influence sur le contenu de l’évaluation
diagnostique, sur la sélection des faits significatifs, sur l’appréciation de la
situation de la personne et sur le projet d’intervention du travailleur social.
nn Quelques repères pour bâtir une grille d’évaluation diagnostique
Cet essai de baliser la construction d’une grille se situe dans ce que nous
avons défini comme courant de synthèse et qui met en lumière l’interaction
dynamique entre la personne et son milieu. Notre démarche peut se rappro-
cher de ce qu’Helen Perlman appelle le diagnostic dynamique 27, centrée, donc,
sur la situation présente et son dynamisme. Par ailleurs, les repères que nous
proposons pour élaborer une grille d’évaluation diagnostique focalisent exclu-
sivement sur la réalité de la personne, et ils ne prennent pas en compte la
réalité propre du travailleur social (sa réalité institutionnelle, ses sentiments
face à la situation de l’usager, sa compétence professionnelle, sa disponibilité
à un moment donné, sa plus ou moins grande aisance dans le travail, sa
propre évolution et son changement au contact de la réalité de l’usager).
Nous proposons ici des repères pour bâtir une évaluation diagnostique
centrée sur quatre questions :
–– De quoi s’agit-il ?
Quelle est la situation-problème, la demande de la personne, le mandat
légal ou institutionnel ?
–– De qui s’agit-il ?
Qui est concerné, qui est l’usager ? Quelle est sa situation ? Quelles sont
ses capacités et possibilités ?
–– Quelles possibilités existent pour transformer la situation ?
Quelle est la dynamique interne et externe ? Quels sont les forces et
atouts en présence ? Quelle prévision peut être conçue ?
–– Comment s’y prendre ?
Que faire, quel type d’intervention choisir, quel plan d’action à court,
moyen et long termes adopter, quels objectifs de travail doit-on se fixer ?
• Situation – demande
–– Quel est le problème déclaré par la personne ? S’agit-il d’une demande
présentée par elle ? S’agit-il d’une intervention où la demande est absente :
signalement, mandat, proposition de service faite par le travailleur social ?
127
Méthodologie de l’intervention en travail social
28. Voir aussi au sujet du choix et la sélection des faits significatifs le paragraphe 5.2.
ci-dessus sur les caractéristiques de l’évaluation.
128
L’évaluation diagnostique
• Personnes concernées
–– Quelles sont les personnes concernées par la situation ou la demande ?
S’agit-il d’une personne, d’une famille, d’une catégorie de population
(jeunes, handicapés, personnes âgées), d’un groupe de personnes ?
–– Si plusieurs personnes sont concernées, combien sont-elles ? Quelles
sont leurs caractéristiques, leur profil (âge, sexe, milieu professionnel,
niveau culturel et social) ?
Une assistante sociale polyvalente reçoit sur son secteur de multiples
demandes d’aide financière en provenance de femmes seules chargées de
famille. Il s’agit de dix mères, âgées entre 20 et 28 ans, dont huit sont des
familles monoparentales et deux divorcées ou en instance de divorce. Six
d’entre elles ont un seul enfant, trois ont deux enfants et une en a trois à
charge. Tous les enfants ont moins de 9 ans, six ont moins de 5 ans. Toutes
les femmes ont des revenus inférieurs à 800 € par mois sauf une qui est
cadre moyen dans une entreprise. Dans cet exemple, le professionnel allie
une analyse individuelle et des faits objectifs à une quantification plus
globale et collective de la population concernée.
• Vécu de la situation
–– Comment la ou les personnes vivent-elles leurs difficultés et leur situa-
tion ? Quels sentiments soulèvent chez elles ces conditions ? Quelle répercus-
sion affective a le problème en question ?
–– Comment est perçue l’intervention du travailleur social ? Quelle rela-
tion s’établit ? Quelle demande est faite ? Quels sont les attentes et désirs
par rapport au travailleur social ? Quels sont les sentiments soulevés par la
situation d’aide ou par la proposition d’un service ?
C’est à ce niveau qu’il est important de se rappeler que jamais deux
personnes ne réagiront de la même façon face à un problème similaire,
et qu’il ne suffit pas au travailleur social de se dire comment lui-même
29. Favard-Drillaud A.-M. (1991), L’évaluation clinique en action sociale, Toulouse, Érès.
129
Méthodologie de l’intervention en travail social
30. Voir 5.2. Caractéristiques de l’évaluation diagnostique, 5.2.3. Une démarche subjective
du travailleur social.
31. Du Ranquet M., Nouvelles perspectives en « case-work », op. cit., p. 116‑117.
32. Perlman H. H., L’aide psychosociale interpersonnelle, op. cit., chap. 12.
33. Ripple L. (1964), Motivation, Capacity and Opportunity, Chicago, The University of
Chicago Press.
130
L’évaluation diagnostique
131
Méthodologie de l’intervention en travail social
133
Méthodologie de l’intervention en travail social
2. Aujourd’hui cette association a gardé le sigle qui désormais signifie : « Agissons tous
pour la dignité ».
3. Bourreau B., ATD Quart Monde (1977), « Le contrat-projet : évaluation de l’action avec
les familles », TAS, n° 26, juin.
4. Code civil, titre III : « Des sources d’obligations », section II « La validité du contrat »,
articles 1128 et suivants.
134
Le contrat en travail social
135
Méthodologie de l’intervention en travail social
Les organismes sociaux sont donc soumis à des dispositifs législatifs leur
spécifiant leurs missions et, le plus souvent, pourvoyant au financement
pour les assurer.
Ensuite, le travailleur social lui-même est lié à son employeur par une
relation contractuelle, ce contrat est régi par la législation du travail.
Les travailleurs sociaux étant, presque tous, des salariés, ils sont soumis à
un contrat de travail et à la fois obligés et protégés par celui-ci.
Enfin, la personne accompagnée et le travailleur social vont établir un
contrat stipulant les objectifs et les moyens de leur projet commun. Il s’agit
de ce que M. Chauvière 8 appelle un « contrat d’intervention », c’est-à-dire
un contrat « au profit d’un usager ou d’un client particulier dit bénéficiaire
de la prestation ou du service offert ». Malgré ses apparences, ce contrat
n’est pas établi uniquement entre deux personnes. Dans tous les cas, le
travailleur social est investi par les missions et les services de l’institution
qui l’emploie et qu’il représente. D’ailleurs, les personnes ne s’y trompent
pas et c’est bien une assistante sociale de la Sécurité sociale ou du conseil
départemental, ou encore un éducateur du service d’aide sociale à l’enfance,
qu’ils viennent voir et non Mme ou M. X ou Y. Le contrat entre le travailleur
social et l’usager est ainsi toujours un contrat tripartite reliant l’institution,
le travailleur social et la personne.
Ce réseau contractuel devient encore plus complexe lorsque les disposi-
tifs d’action sociale prévoient l’établissement obligatoire d’un contrat.
136
Le contrat en travail social
137
Méthodologie de l’intervention en travail social
12. De Robertis C., « Francia : políticas sociales, evoluciones y debates, el ejemplo del
recurso de solidaridad activa (RSA) », in Pastor Seller E. (2017), Sistemas y políticas de bie‑
nestar. Una perspectiva internacional, Madrid, Dykinson.
13. « Les jours heureux ». Programme du Conseil national de la résistance adopté le 15 mars
1944. En ligne : https://fr.wikipedia.org/wiki/Programme_du_Conseil_national_de_la_
Résistance.
14. Castel R. (1995), Les métamorphoses de la question sociale, Paris, Fayard.
138
Le contrat en travail social
15. Conseil supérieur du travail social (2014), « Refonder le rapport aux personnes, “merci
de ne plus nous appeler usagers” », rapport, p. 33. En ligne : http://solidarites-sante.gouv.fr/
IMG/pdf/CAB_COM_RAPPORT_COMPLET_Merci_non_usagers.pdf.
16. Inspection générale des affaires sociales, ministère de l’Emploi, de la Cohésion sociale
et du Logement, « L’intervention sociale, un travail de proximité », rapport annuel 2005. En
ligne : www.ladocumentationfrancaise.fr.
17. États généraux du travail social (2015), « Place des usagers ». En ligne : http://
solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/Placedesusagers.pdf.
139
Méthodologie de l’intervention en travail social
technique, dans le sens défini par Madeleine Grawitz 18, d’un moyen de
produire de l’aide adaptée à chaque situation. C’est la profession elle-même
qui réfléchit et organise ses méthodes et techniques.
18. « La technique représente les étapes d’opérations limitées, liées à des éléments pra-
tiques, concrets, adaptés à un but défini, alors que la méthode est une conception intellec-
tuelle coordonnant un ensemble d’opérations, en général plusieurs techniques ». Grawitz M.
(1981), Méthodes des sciences sociales, Précis Dalloz, p. 349.
19. Cette citation et les deux qui la suivent dans les paragraphes qui succèdent sont
extraites de Maluccio A. N. et Marlow W. D. (1974), « Plaidoyer en faveur du contrat », Social
Work, vol. 19, n° 1, janvier, cité dans ministère de la Solidarité, de la Santé et de la Protection
sociale, Direction de l’action sociale, ministère de la Solidarité, « Le contrat avec les usagers
dans la pratique professionnelle des travailleurs sociaux », op. cit.
140
Le contrat en travail social
141
Méthodologie de l’intervention en travail social
142
Le contrat en travail social
143
Méthodologie de l’intervention en travail social
144
Le contrat en travail social
une copie signée par le co-contractant. Le contrat prévoit une date à laquelle
son contenu sera révisé et modifié si nécessaire. Cette forme de contrat écrit
et solennel a été utilisée avec succès avec des jeunes et avec des familles
marginalisées.
Le contrat oral est fréquemment utilisé. Il est moins formel, il accepte la
clarification nécessaire et permet une plus grande flexibilité. Il est plus facile
de le réviser et de le modifier si nécessaire. Cependant, avec le temps qui
passe, il a l’inconvénient de l’oubli fréquent ou de la transformation des
termes.
Parfois, une démarche de type contractuel, mais avec un degré très faible
de formalisation, est nécessaire. Cette démarche consiste à établir des objec-
tifs et à déterminer des actions à accomplir entre chaque entretien. D’une
rencontre à la suivante, le travailleur social verbalise un accord minimal,
de durée réduite et dont les termes sont repris à l’entrevue suivante. Cette
démarche, qui n’est pas véritablement un contrat, est particulièrement effi-
cace lorsqu’on travaille avec des personnes dont les carences matérielles et
culturelles obligent à vivre dans le présent, au jour le jour. Ces personnes
peuvent, à partir de cette démarche contractuelle très informelle et souple,
apprendre à s’organiser dans le temps et à imaginer un futur proche.
145
Méthodologie de l’intervention en travail social
22. Vachon J. (2006), « L’action sociale face à l’injonction libérale », ASH Magazine,
n° 14, mars-avril.
146
Le contrat en travail social
23. Conseil supérieur du travail social (1998), Intervention sociale d’aide à la personne,
Rennes, Presses de l’EHESP (nouvelle édition 2014), p. 112‑113.
Chapitre 7
149
Méthodologie de l’intervention en travail social
150
Le « faire » en travail social, une introduction à l’intervention sociale
3. Pascal H. (2002), Une pédagogie pour développer la puissance sociale des populations,
Montpellier, Conférence internationale des écoles de travail social, juillet.
4. Voir à ce sujet De Robertis C., Pascal H. (1987), L’intervention collective en travail
social, groupes et territoires, Paris, Bayard ; De Robertis C., Orsoni M., Pascal H., Romagnan
M. (2014), L’intervention sociale d’intérêt collectif. De la personne au territoire, Rennes,
Presses de l’EHESP, coll. « Politiques et interventions sociales ».
151
Méthodologie de l’intervention en travail social
Comme nous l’avons déjà souligné, dans la pratique, il est très difficile
de séparer les différentes interventions comme nous allons le faire dans les
pages suivantes : elles s’entremêlent et se chevauchent. Les interventions
ne prennent toute leur signification que dans la combinaison créative faite
par le travailleur social lors de son intervention.
Nous avons divisé la classification 5 des interventions directes et indi-
rectes, reprenant ainsi la même distinction faite depuis les origines du travail
social par les premières théoriciennes 6. L’ordre choisi pour les présenter est
arbitraire et ne représente en aucun cas une hiérarchie ou une appréciation
de valeur quelconque des unes par rapport aux autres.
Les interventions directes sont celles qui ont lieu en relation de face-à-face
entre le travailleur social et l’usager ; le travailleur social et la personne sont
tous deux présents et acteurs. Elles sont abordées dans le chapitre 8.
Les interventions indirectes sont celles qui ont lieu en absence de l’usa-
ger ; le travailleur social seul est acteur, la personne en est bénéficiaire. Dans
le chapitre 9, nous développons les interventions qui relèvent de l’organi-
sation et de la planification du travail, de l’élaboration de projets d’inter-
vention directe (telle la mise en place des groupes), les interventions qui
s’adressent à l’entourage de l’usager et les différentes formes de collabora-
tion entre travailleurs sociaux.
5. Ce sujet a été traité sous une classification différente par l’auteur anglais J. Haines
dans son livre Skills and Methods in Social Work (Londres, Constable, 1975).
6. Richmond M. E. (2002), Les méthodes nouvelles d’assistance. Le service social des cas
individuels, Rennes, Éditions ENSP.
152
Le « faire » en travail social, une introduction à l’intervention sociale
nnPersuader – Influencer
–– Le conseil ;
–– la confrontation ;
–– la persuasion.
nnContrôler – Exercer une autorité
–– Le travail de suite ;
–– les exigences et limites ;
–– le contrôle.
nnMettre en relation – Créer des opportunités nouvelles
–– La mise en relation ;
–– l’ouverture et la découverte ;
–– l’utilisation et la création d’équipements de l’environnement et
participation à ceux-ci.
nnStructurer une relation de travail avec l’usager
–– La structuration dans le temps ;
–– l’utilisation de l’espace ;
–– la focalisation sur des objectifs de travail.
153
Méthodologie de l’intervention en travail social
L’intervention directe
Les interventions directes sont celles qui se déroulent dans une relation
de face-à-face. La personne accompagnée est donc présente et actrice,
autant que le travailleur social. Qu’il s’agisse d’une personne, d’une famille
ou d’un groupe a peu d’importance, il s’agit d’une relation directe avec un
travailleur social. De ce fait, la personne éprouve l’influence de cette rela-
tion, ainsi que le travailleur social par un jeu de réciprocité. Usager et tra-
vailleur social se trouvent ainsi, ensemble, engagés dans un processus qui
les modifiera tous les deux et qui introduira des changements autant chez
l’un que chez l’autre 1.
Cependant, c’est bien le travailleur social – du fait de son statut et son
rôle – qui est mandaté pour apporter l’aide professionnelle nécessaire à la
personne. C’est bien lui qui est reconnu compétent, du fait de son diplôme
attestant le savoir et le savoir-faire, et du fait de son poste dont l’employeur
se porte garant. C’est sur lui que convergent les attentes de la personne et
celles de l’employeur. En effet, c’est lui qui porte la responsabilité de vérifier
– autant que possible – les influences qu’il exerce et, dans tous les cas, de
pouvoir analyser, expliciter et choisir les interventions qu’il met en œuvre.
Ceci ne signifie pas que les personnes sont, elles, dénuées de compétences
ou de pouvoir. En effet, les travaux de 2015 des États généraux du travail
social 2 et du Conseil supérieur du travail social 3 mettent en valeur les
« savoirs expérientiels » des personnes. Leur mise en lumière est un gage de
155
Méthodologie de l’intervention en travail social
4. Loi n° 2002‑2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico sociale. En ligne :
www.legifrance.gouv.fr.
5. Haut Conseil du travail social (2017), « Participation des personnes accompagnées aux
instances de gouvernance et à la formation des travailleurs sociaux », rapport, juillet.
En ligne : http://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/synthese_rapport_particpation.pdf.
156
L’intervention directe
8.1.1. L’accueil
Accueillir est bien le premier acte social 8. Tellement évident qu’on lui
accorde peu de place dans la littérature professionnelle. Toutefois, le réfé-
rentiel d’activités du diplôme d’État d’assistant de service social stipule
parmi les fonctions professionnelles celles d’« accueil, évaluation, informa-
tion, orientation 9 ».
L’accueil désigne la manière de recevoir quelqu’un et, dans l’action
sociale, l’acte d’accueillir lui-même.
« L’accueil fait partie de la posture éthique professionnelle. Bienveillance, cour-
toisie, civilité, respect, en sont les caractéristiques […]. Dans le domaine de
l’action sociale, l’acte d’accueillir est une pratique en elle-même. L’accueil est
157
Méthodologie de l’intervention en travail social
l’acte de recevoir des personnes qui font état d’un besoin psychologique ou
matériel 10. »
Ajoutons que cet accueil est aussi un acte d’une importance considérable
dans les administrations et services publics recevant des personnes quelles
qu’elles soient. Des travaux dans ce sens ont mis en avant les conditions
nécessaires au bon accueil des publics défavorisés 11.
L’objectif de l’accueil en travail social est de faciliter le contact à la
personne avec le service d’action sociale et de le lui rendre accessible.
Considérant que le premier pas comporte toujours une certaine appréhen-
sion ou inquiétude, il s’agit de soutenir au maximum la démarche.
Sont à prendre en considération les aspects matériels, spatiaux et les
attitudes.
Les aspects concernant l’espace ont leur importance. Un espace ouvert,
agréablement décoré, lumineux, avec des lieux d’attente confortables
mais sans ostentation font beaucoup pour rendre accessible le service
aux usagers. L’espace doit aussi mettre en œuvre le respect de la confi-
dentialité des propos des personnes et donner l’assurance d’un accueil
personnalisé.
L’organisation de l’accueil est une activité majeure qui montre la capacité
de l’institution à se mettre au service des personnes qui la sollicitent ou qui
relèvent de son action. La disponibilité, l’accessibilité et la clarté de l’infor-
mation doivent être assurées par l’accueil pour une qualité maximum de
service.
L’attitude du personnel accueillant est tout aussi essentielle. La réception
téléphonique, souvent effectuée par des secrétaires sociales, nécessite une
formation spécifique à l’accueil et à l’orientation des situations simples qui
ne relèvent pas du service en question. La réception physique des personnes
dans les locaux qui implique une attitude chaleureuse, disponible, ouverte
à l’autre, centrée sur la personne qui arrive ou se présente, est un gage de
bon démarrage de la relation.
Bien des dérives sont constatées dans cette fonction essentielle du tra-
vail social. Il faut se doter d’une organisation attentive aux besoins des
usagers et du respect qui leur est dû en toutes circonstances. Certains
services ont pris des dispositions pour éviter des effets pervers de certaines
formes d’organisation ; ainsi, dans un service social de polyvalence de la
région parisienne, l’organisation tient compte de ce que les professionnels
refusent.
10. Barreyre J.-Y., Bouquet B. (2006), Nouveau dictionnaire critique d’action sociale, Paris,
Bayard.
11. Boudart F. (1995), « Les services publics et les populations défavorisées, évaluation
de la politique d’accueil – Analyse du rapport interministériel », La Revue française de service
social, n° 179, « Accueillir : premier acte social ».
158
L’intervention directe
8.1.2. La clarification 14
L’objectif de cette intervention, pour le travailleur social, est de com-
prendre de quoi il s’agit : le contenu de la demande, la situation de la per-
sonne, les répercussions sociales et affectives du problème qu’elle affronte.
Cette clarification est nécessaire pour comprendre la situation, mais elle est
aussi utilisée pour que l’usager « parvienne à une meilleure compréhension
de lui-même, des autres, de la situation dans laquelle il se trouve 15 ».
L’objectif, en effet, est double : d’une part le travailleur social s’efforce de
12. Prézeau J. (1995), « Une forme d’accueil en service social polyvalent, contexte et
organisation de l’accueil », La Revue française de service social, n° 179, op. cit.
13. Voir plus bas, le point 8.1.5. L’accompagnement.
14. Des larges extraits des interventions de clarification, soutien et information sont
repris de l’article « La demande en travail social » écrit par l’auteur et publié dans La Revue
française de service social, n° 120, 4e trimestre 1978.
15. Du Ranquet M. (1975), Nouvelles perspectives en « case work », Toulouse, Privat, coll.
« Nouvelle recherche », p. 37.
159
Méthodologie de l’intervention en travail social
160
L’intervention directe
16. Biestek P. F. (1962), Pour une assistance sociale individualisée : la relation de casework,
Paris, Seuil.
161
Méthodologie de l’intervention en travail social
8.1.3. Le soutien
Les interventions de soutien ont pour objectif de fortifier l’usager en tant
que personne, de diminuer les effets paralysants de son anxiété, de libérer
en lui les forces susceptibles de le mobiliser pour changer sa situation.
Helen Perlman 17 nous dit que : « Les méthodes dans la phase initiale
sont : entrer en relation avec le client de façon à diminuer son inquiétude
et à augmenter son sentiment de confiance et d’espoir ; l’aider à exprimer
son problème et à y réfléchir en termes de situation et d’émotion propres à
ce problème ; l’aider à faire le point sur ses différents besoins […]. Tout cela
se fait au moyen de types de comportement de la part de l’aidant connus et
utilisés depuis longtemps : relation, soutien, réassurance, clarification,
conseils, explications, etc. »
En effet, les interventions de soutien cherchent à soulager la personne
en réduisant l’anxiété, la peur, la culpabilité qui peut nuire à sa capacité à
prendre en main sa situation présente.
Généralement, lors de cette intervention, l’accent est focalisé sur les
réalités actuelles et non sur les causes lointaines et même inconscientes de
son comportement et/ou de sa situation. Il est reconnu que le fait de parler
de ses difficultés et des sentiments qui s’y rattachent a un effet souvent
libérateur et apaisant pour l’usager. L’effet cathartique de l’échange avec le
travailleur social fait que la personne après la rencontre se sent soulagée du
poids de son silence : « Ça va mieux ! »
Outre cet effet apaisant de l’entretien, le travailleur social peut profiter
de façon active des interventions tendant à soutenir le client et à rehausser
sa confiance en lui, son auto-estime.
Constater avec lui les difficultés qu’il affronte et la souffrance qu’elles
entraînent peut l’aider à se sentir compris et pris en considération.
Reconnaître les efforts qu’il a déjà déployés pour trouver des solutions et
les souligner dans leurs aspects positifs et dynamiques aide l’usager à avoir
une meilleure image de lui-même et le rassure quant à ses capacités de s’en
sortir. Lui demander comment il voit sa situation et quels sont pour lui les
pas à suivre pour trouver des solutions, en soulignant que lui seul peut faire
les choix qui le concernent, l’aide à fortifier son indépendance et son désir
de prendre sa vie en main.
Lorsque l’usager est aux prises avec des difficultés, il peut se sentir très seul,
très différent, très vulnérable. Savoir que d’autres, dans la même situation,
162
L’intervention directe
ont aussi les mêmes difficultés peut l’aider à être moins inquiet et à envisager
des solutions avec plus d’assurance. Une mère qui a des difficultés avec son
enfant de 12‑13 ans, très opposant, peut trouver du réconfort si le travailleur
social lui dit que tous les enfants de cet âge présentent des comportements
similaires et que les parents ont souvent des difficultés. La généralisation du
problème, sans pour autant résoudre la situation particulière de la personne,
peut soulager la culpabilité qu’il entraîne : elle n’est plus la seule à affronter
ces mêmes difficultés.
De même, resituer le problème présenté comme personnel dans son
contexte social global permet de soulager l’usager de ses craintes d’être
lui-même incapable et fautif, et lui permet d’aborder sa situation avec plus
d’objectivité. Ainsi, un homme affronté aux difficultés de trouver un emploi,
avec la perte d’auto-estime que cela peut signifier, pourra se sentir soutenu
par un travailleur social capable de resituer ce problème individuel dans la
conjoncture de crise économique globale et de chômage de la commune ou
du secteur professionnel.
Ces interventions de soutien permettent en même temps de canaliser
l’agressivité ressentie contre soi-même vers des sources extérieures, et sti-
mulent ainsi les capacités de réaction dynamique de la personne. Une trop
grande culpabilité ou un trop-plein d’échec sont plus paralysants que sti-
mulants. Une image de soi trop dévalorisée ne permet pas la recherche de
solutions de remplacement créatives. Soutenir l’usager, c’est lui redonner
de l’espoir.
C’est aussi reconnaître en lui des compétences, des possibilités, des
forces. Le travailleur social pourra exprimer sa vision positive et dynamique
de la situation et de la personne en focalisant non seulement sur les carences
et difficultés, mais aussi sur les actions déjà menées par la personne, sur ses
points forts et ses ressources. Ce renforcement positif apportera une vision
plus dynamique de soi et soutiendra la personne dans ses efforts.
Les interventions de soutien tendant à redonner à la personne une plus
grande confiance en soi et une image plus positive d’elle-même ne doivent
pas être confondues avec des propos rassurants qui banalisent la situation.
Les phrases du style « vous verrez, tout va s’arranger avec le temps », « c’est
toujours comme ça et après ça passe » persuadent l’usager souvent du
contraire, ou en tout cas lui laissent entière son anxiété. Seulement dans les
cas où l’anxiété de la personne n’a aucun fondement réel et objectif, les
interventions rassurantes du travailleur social peuvent produire un certain
soulagement de tension, néanmoins leur emploi doit être précédé d’une
évaluation affinée.
La dimension du petit groupe utilisée en travail social offre d’autres
perspectives aux interventions de soutien. En effet, le travailleur social
entretient une relation multiple avec le groupe et les différents membres qui
le composent ; en outre, les personnes intégrant le groupe ont entre elles
163
Méthodologie de l’intervention en travail social
des relations horizontales, des relations entre pairs. Dans la structure des
communications multiples entre les différents membres du groupe, l’inter-
vention de soutien ne relève plus de la seule compétence du travailleur
social. Les membres entre eux peuvent être amenés à se soutenir, à s’encou-
rager dans le cadre de l’expérience de groupe qu’ils partagent en tant
qu’égaux. Des sentiments de solidarité et des attitudes d’entraide peuvent
ainsi se révéler entre les membres du groupe. Cet aspect constitue une des
grandes richesses de l’utilisation de petits groupes dans la pratique sociale,
celle où les interventions chaleureuses et soutenantes ne sont plus du ressort
exclusif d’un professionnel, mais de la responsabilité de chaque membre du
groupe envers les autres.
18. Haines J. (1975), Skills and Methods in Social Work, Londres, Constable, p. 91.
19. Perrot G., Fournier O., Salomon G.-M. (2006), L’intervention clinique en service social.
Les savoirs fondateurs (1920‑1965), Rennes, Éditions ENSP, coll. « Politiques et interventions
sociales ».
164
L’intervention directe
20. Théorisé par Boris Cyrulnik, éthologue et psychiatre, auteur de très nombreux
ouvrages sur le sujet.
21. Du Ranquet M., Nouvelles perspectives en « case-work », op. cit., p. 159.
165
Méthodologie de l’intervention en travail social
22. Perlman H. H. (1973), La personne, l’évolution de l’adulte et de ses rôles dans la vie,
Paris, Centurion, coll. « Socioguides », p. 274.
166
L’intervention directe
8.1.5. L’accompagnement
Ce mot est d’utilisation récente en travail social 23. Sa racine latine est :
ad = mouvement, et cum panis = avec pain. C’est-à-dire « celui qui mange
le pain avec ». Ce vocable renvoie également aux termes de compagnon et
copain, qui sont employés pour signifier les liens de proximité entre des
personnes. En espagnol, dérive aussi de cette racine le mot compartir qui
veut dire partager. Accompagnant et accompagné partagent le pain, font
côte à côte, ensemble, un bout de chemin…
La notion d’accompagnement surgit vers le milieu des années 1980 dans
le travail social. Elle se développe à partir de différentes politiques sociales 24.
Son émergence peut être située dans le rapport Wresinski sur la grande
pauvreté en 1987. L’accompagnement a aussi été utilisé dès les années 1980
par le secteur handicap (certains centres d’aide par le travail se dotent de
« services d’accompagnement et de suivi 25 »). Il sera pérennisé dans les dis-
positifs d’insertion (RMI, 1989), de lutte contre le surendettement (loi
Neiertz, 1989), de logement (loi Besson, 1990), ou encore, le revenu de
solidarité active (RSA, 2008 26).
Mais pourquoi ce terme apparaît-il alors dans les différents textes de
politique sociale ? Maela Paul précise :
« Certes l’accompagnement est contemporain du délitement du lien social, mais,
sur le terrain, il répond à deux types d’exigence : la préoccupation d’un public
désaffilié, désorienté, censé être autonome ou capable de le devenir, et l’injonc-
tion de performance, d’excellence et d’efficacité toujours plus grande d’une classe
dirigeante 27. »
167
Méthodologie de l’intervention en travail social
dans un quartier, et peut être assuré par des travailleurs sociaux, des asso-
ciations, des bailleurs sociaux, des CCAS ou d’autres organismes choisis par
le maître d’œuvre du dispositif. […] L’accompagnateur logement se dissocie,
dans sa tâche et son rapport à l’habitant, des travailleurs sociaux locaux,
censés rendre au quotidien d’autres services sociaux que cet accompagne-
ment spécifique 28 ».
Deux conséquences s’ensuivent.
Un saucissonnage des personnes : un problème égale un accompagne-
ment spécifique prévu dans chaque dispositif. C’est l’arrêt de mort de l’ap-
proche globale, centrée sur la personne, qui se trouve ainsi remplacée par
d’hypothétiques « référents » et une multiplicité d’intervenants chacun dans
son domaine.
Un sentiment de déqualification des professionnels qui se voient concur-
rencés sur leur territoire par des non-professionnels et des bénévoles aux
compétences et formations non déterminées.
À partir du constat que l’accompagnement social à lui seul ne rend pas
suffisamment compte de la complexité des situations et des pratiques des
travailleurs sociaux, il a été considéré comme l’une des fonctions de l’inter-
vention sociale d’aide à la personne (ISAP).
Comment pouvons-nous définir le contenu de cette fonction ? Brigitte
Bouquet et Christine Garcette la définissent ainsi :
« L’accompagnement social vise à aider les personnes en difficulté à résoudre les
problèmes générés par des situations d’exclusion, et à établir avec elles une
relation d’écoute, de soutien, de conseil et d’entraide, dans une relation de soli-
darité, de réciprocité et d’engagement de part et d’autre. Inclus dans l’ISAP,
l’accompagnement social ne peut donc être fondé que sur une démarche volon-
taire. Il repose sur la liberté de chacun et sur la capacité d’engagement réci-
proque. […] Cette démarche orientée vers le “faire ensemble” est attentive aux
processus, au cheminement des personnes, à leur parcours 29. »
28. Barreyre J.-Y., Bouquet B., Nouveau dictionnaire critique d’action sociale, op. cit.,
p. 24.
29. Bouquet B., Garcette C. (1998), Assistante sociale aujourd’hui, Paris, Maloine, p. 72.
168
L’intervention directe
8.2.1. L’information
Cette forme d’intervention a comme objectif d’armer l’usager avec des
connaissances suffisantes afin qu’il puisse faire des choix et faire valoir ses
droits en toute connaissance de cause. Le travailleur social lui apportera toute
30. Équipe Heliokos (1990), « Réflexion autour de l’accompagnement », Lien social, n° 68,
mars.
169
Méthodologie de l’intervention en travail social
31. Voir La Revue française de service social (2017), « Le travail social à l’épreuve du
numérique », n° 264, 1er trimestre.
170
L’intervention directe
171
Méthodologie de l’intervention en travail social
8.2.2. L’orientation
Au sens étymologique, orienter veut dire reconnaître le lieu où l’on se
trouve, disposer une chose par rapport à l’orient, là où le soleil se lève, la
situer par rapport aux points cardinaux. L’orientation désigne aussi la capa-
cité d’un individu à se repérer dans le temps et dans l’espace, tandis qu’en
médecine, la désorientation temporo-spatiale est un des symptômes de la
confusion mentale.
En travail social, ce terme désigne, d’une part, des actions destinées à
conforter un choix et, d’autre part, celles facilitant l’accès aux ressources
disponibles.
Les interventions d’orientation dans divers dispositifs d’éducation ou de
protection de l’enfance sont celles qui apportent des informations et des
connaissances nécessaires à la prise de décision. Ainsi, les orientations
scolaires, professionnelles ou celle des bénéficiaires des minima sociaux
permettent de s’informer, de connaître les possibilités et perspectives des
métiers, d’analyser ses propres capacités et aptitudes afin de prendre une
32. Décret n° 2004‑533 du 11 juin 2004, JO du 15 juin 2004 et arrêté du 29 juin 2004,
JO du 23 juillet 2004.
33. Nous verrons cet aspect dans le paragraphe sur la veille sociale dans le chapitre 9 :
« L’intervention indirecte ».
172
L’intervention directe
34. Barreyre J.-Y., Bouquet B., Nouveau dictionnaire critique d’action sociale, op. cit.
35. Programme du Conseil national de la Résistance. Texte adopté à l’unanimité le 15 mars
1944. En ligne : https://fr.wikipedia.org/wiki/Programme_du_Conseil_national_de_
la_Resistance.
173
Méthodologie de l’intervention en travail social
174
L’intervention directe
Pour mener à bien cette intervention le travailleur social doit avoir des
connaissances précises en droit et législation, mais aussi connaître le
contexte institutionnel de l’action sociale et les procédures administratives
afférentes. Ces connaissances étant évolutives, il aura à cœur de les mettre
à jour par une documentation constante. L’information, l’orientation et
l’accompagnement, dont nous avons déjà parlé, sont des outils essentiels
pour la réalisation de cet objectif.
175
Méthodologie de l’intervention en travail social
restations. Cette spécialisation des tâches est sans doute à attribuer au fait que
p
l’assistante sociale a été habilitée légalement à faire une enquête sociale 38. »
38. Blanc B., De Robertis C. (1976), Les stratégies et les interventions en travail social,
Créteil, Coordination du Val-de-Marne, Centre de formation des travailleurs sociaux, texte
ronéotypé.
39. Idem.
176
L’intervention directe
8.2.5. L’éducation
En France, les professions sociales à dominante éducative sont nom-
breuses et diversifiées. Leur apparition successive dans le temps, leur appar-
tenance à des organismes employeurs parfois spécifiques (tels que les
délégués à la Protection judiciaire de la jeunesse, formés et employés par le
ministère de la Justice), la variété de leurs moyens techniques, les rendent
difficile à cerner. Les formations différentes quant à leur contenu et leur
certification, la population particulière à laquelle chacune d’elles s’adresse,
le contenu éducatif propre à chaque métier ne font qu’accentuer la dis
persion, les disparités, les rivalités interprofessionnelles et, fort souvent,
177
Méthodologie de l’intervention en travail social
40. Voir Salomon G.-M. (1977), « L’homme morcelé ou de quelques handicaps institu-
tionnels au travail social concerté », Connexions, n° 22.
178
L’intervention directe
donnée). Ainsi, depuis sa naissance, le jeune enfant est soumis aux pressions
diverses de son milieu, familial (ou son remplaçant : assistant familial,
crèche) pour commencer, scolaire ensuite, afin de développer ses capacités
et d’acquérir des connaissances et comportements correspondant aux
valeurs et normes admises par la société dans laquelle il est né et dans
laquelle il doit vivre. Ce véritable « dressage » existe dans toutes les formes
de société, même les plus éloignées de notre propre culture. Cet apprentis-
sage, cette reproduction et transmission des connaissances et des compor-
tements d’une génération à une autre adoptent des modalités différentes
selon les cultures, tant au niveau du contenu que de la forme. Les normes
sociales et les connaissances indispensables ne sont pas les mêmes, mais
leur transmission aux nouvelles générations est un impératif pour la survie
et la continuité du groupe social.
Les problèmes commencent à se poser lorsque les normes sociales habi-
tuellement admises deviennent objet de contestation et sont mises en cause,
lorsque les normes majoritaires sont confrontées à d’autres – minoritaires
et souvent agissantes –, qui contestent la validité, supposée universelle, des
normes dominantes ; ou encore lorsque des changements d’envergure ont
lieu sur le plan économique et social et ont des répercussions inévitables
sur le plan des valeurs, des comportements et des habitudes. C’est alors que
le système éducatif – et plus particulièrement son rôle de socialisation – est
touché dans son essence même, dans son objectif primordial : sur le plan
global, la perpétuation de la société, et au niveau individuel, l’intériorisation
des normes sociales. C’est sur cette confrontation des valeurs et des normes
que prennent racine certaines interventions éducatives des travailleurs
sociaux, ayant pris distance, ou étant en opposition, avec les normes sociales
habituellement admises, tel que nous le verrons plus loin.
Les interventions éducatives en travail social se nourrissent aussi de ces
deux axes que nous venons de mentionner : acquisition de connaissances
et de savoirs, et socialisation ou acquisition de comportements conformes
aux normes sociales en vigueur. Nous pouvons dégager trois types d’objec-
tifs différents selon la population à laquelle les travailleurs sociaux
s’adressent, encore que bien souvent les trois objectifs s’interpénètrent.
Apporter des connaissances et favoriser l’apprentissage de comporte-
ments liés aux rôles sociaux exercés par des adultes. Il s’agit ici de rendre
les adultes capables de tenir des rôles tels que : mère, père, conjoint(e),
organisation du foyer, exercice du métier, membre de groupes sociaux.
Développer les capacités latentes des enfants et des jeunes à travers
l’utilisation d’activités diverses (culturelles et de loisirs) ; ou rééduquer cette
même tranche d’âge lorsqu’il y a carence ou échec des instances habituelles
de socialisation de l’enfant (famille, école).
Réinsérer dans le milieu social habituel les jeunes et adultes en rupture
avec les normes sociales et la loi, par la recherche d’une place dans la société
179
Méthodologie de l’intervention en travail social
41. Perlman H. H., La personne, l’évolution de l’adulte et de ses rôles dans la vie, op. cit.,
p. 256.
180
L’intervention directe
181
Méthodologie de l’intervention en travail social
42. Intersyndicale CGT-CFDT des centres d’action éducative (1979), Le travail social en
procès. L’affaire des éducateurs à Nantes, Lyon, Fédérop.
43. Voir la revue Champ social, éd. Solin, France, 27 numéros depuis 1973. Revue
Contradictions (1979), « Travail social alternatif ? », n° 19‑20.
44. Geng J.-M. (1977), Mauvaises pensées d’un travailleur social, Paris, Seuil, coll.
« Combats ».
45. Ibidem, p. 187.
46. Ibidem, p. 164.
182
L’intervention directe
183
Méthodologie de l’intervention en travail social
8.3.1. Le conseil
Cette forme d’intervention – comme d’ailleurs toutes celles de cette rub
rique – a pour objectif d’influencer la personne afin qu’elle organise sa vie,
ses activités, de la façon la plus adéquate selon l’optique et les références
du travailleur social ou de l’organisme qu’il représente.
Fort souvent, les travailleurs sociaux se trouvent face à des personnes
ou des groupes qui leur demandent leur avis sur la situation à laquelle ils
sont confrontés. La tentation de conseiller l’autre sur la meilleure façon
d’agir ou de résoudre le problème est alors très grande. Bien souvent, leur
avis est sollicité en tant qu’expert, en tant que personne compétente et dans
certaines situations, la réponse aura un certain impact, et le conseil sera
suivi par la personne.
Mais, la question posée par cette forme d’intervention est que le travail-
leur social n’est pas forcément compétent dans tous les domaines, encore
moins lorsqu’il s’agit de prendre des décisions au sujet de la vie d’autres
personnes. Par ailleurs, sa façon de concevoir des solutions ou des portes
de sortie aux problèmes des autres est fonction de ses propres valeurs, de
184
L’intervention directe
8.3.2. La confrontation
Cette intervention consiste à confronter la personne aux conséquences
de ses actes, et auparavant à la prévenir des conséquences que tel ou tel type
de comportement entraînera. La personne subit ainsi une force dissuasive
importante. Le travailleur social tente de le détourner en le confrontant aux
conséquences futures.
Cette confrontation aux conséquences ultérieures de ses actes ou déci-
sions s’avère utile dans le cas de personnes ou familles dont la capacité à
se projeter dans l’avenir et à imaginer le futur est limitée. Les travailleurs
sociaux rencontrent fréquemment des personnes qui ne vivent qu’au jour
le jour, incapables même de se projeter dans leur avenir immédiat. Les
amener alors à réfléchir sur les différentes possibilités et les conséquences
de chacune d’entre elles peut être un moyen éducatif non négligeable.
Avec d’autres personnes, et particulièrement avec des jeunes ou des
enfants – soit individuellement, soit en groupe –, cette forme d’interven-
tion peut les amener à accepter la responsabilité de leurs décisions et
agissements.
185
Méthodologie de l’intervention en travail social
8.3.3. La persuasion
Cette intervention tente d’influencer la personne à un degré plus élevé
que les deux précédentes. Il s’agit, en effet, de la convaincre de se rallier aux
propositions du travailleur social. Celui-ci utilisera alors tout son pouvoir
de conviction ; il pourra faire appel au raisonnement logique, étaler les
arguments favorables aux propositions qu’il soutient, peser le pour et le
contre des solutions possibles, alors que ses propres propositions sont lar-
gement avantagées.
Le pouvoir de persuasion du travailleur social prend ses racines dans la
considération qui lui accorde la personne. Si celle-ci a une haute opinion
du travailleur social en tant que professionnel, mais aussi en tant que per-
sonne, elle acceptera plus facilement de se laisser convaincre. En outre,
le statut et le rôle du travailleur social, son mandat et son appartenance
à une institution bien déterminée font que son pouvoir de persuasion
est accru, et le placent dans une position privilégiée. Car il peut accompa-
gner ses arguments de pressions plus ou moins déguisées ou plus ou moins
subtiles et, le cas échéant, de promesses de gratification (assistance maté-
rielle entre autres). Alors l’usager a bien du mal à ne pas se laisser convaincre,
tenu comme il l’est par le besoin de trouver des solutions à sa situation
présente.
Cette forme d’intervention n’est pas, en soi, à bannir de la pratique
professionnelle ; tout dépend du contexte, de la situation de la personne,
des intérêts opposés et conflictuels qui peuvent exister entre différents
membres d’une famille ou d’un groupe, de l’évaluation qui est faite par le
travailleur social, des objectifs de travail qu’il poursuit. Un exemple peut
illustrer ces propos.
La famille Y est suivie régulièrement par une assistante sociale dans le
cadre d’une mesure d’éducation en milieu ouvert (mandat du tribunal pour
enfants, mesure de protection de l’enfance en danger) destinée à accompa-
gner le retour au foyer de deux enfants placés depuis 8 ans. La famille a
trois autres enfants plus jeunes, parmi ceux-ci, Josiane, 9 ans, est une fillette
186
L’intervention directe
187
Méthodologie de l’intervention en travail social
49. Voir à ce sujet, Pascal H. (1980), « Mandat judiciaire et pouvoir des clients du service
social », Informations sociales, n° 4.
188
L’intervention directe
Les travailleurs sociaux qui ont aidé une personne ou une famille sont
souvent amenés à la revoir de temps à autre ; ces rencontres peuvent être
plus ou moins espacées (2 à 6 mois) selon le cas. Elles ont pour objectif
d’exercer une vigilance discrète sur la situation de l’usager et éventuelle-
ment de prévenir une nouvelle détérioration en intervenant rapidement en
cas de nouvelle difficulté. Ce travail de suite est proposé aux personnes dont
les problèmes sociaux ou relationnels réapparaissent de façon cyclique, ou
à ceux dont l’instabilité (sociale ou psychologique) fait craindre des rechutes
périodiques. Les rencontres avec le travailleur social, espacées dans le temps,
ont alors un effet stabilisant, elles créent un cadre relationnel constant,
peuvent servir à renforcer l’équilibre précaire et à offrir un travail plus
intensif lorsque de nouveaux problèmes surgissent.
Ce travail de suite est exercé plus particulièrement auprès des personnes
dont on craint qu’elles ne puissent pas faire la démarche de demander de
l’aide auprès du travailleur social en cas de difficulté.
189
Méthodologie de l’intervention en travail social
190
L’intervention directe
8.4.3. Le contrôle
Bien que le Code de déontologie des assistants de service social stipule
dans son article 15 que « l’assistant de service social ne doit accepter
d’intervenir ni fournir des renseignements dans un but de contrôle 52 »,
certaines formes de contrôle peuvent exister dans le cadre même de sa
fonction. Toutefois, en aucun cas, elles doivent dénaturer l’objectif de
l’intervention qui est toujours centrée sur la personne et l’aide et le soutien
à lui apporter.
En aucun cas, ce contrôle exercé par le travailleur social ne peut aller à
l’encontre de ce que sont ses missions et la finalité de son intervention. Ces
missions sont claires : selon les fiches métiers validées par l’État, l’assistant
de service social « accueille, soutient, oriente et accompagne la construction
de projets en tenant compte des potentialités des personnes et des possibi-
lités offertes par la collectivité 53 ». Ainsi, une intervention qui n’aurait
comme objectif que la dénonciation ou l’information sur la situation de la
191
Méthodologie de l’intervention en travail social
54. Dubasque D. (2016), « Écrire pour et sur le travail social », 9 juin. En ligne : www.
dubasque.org/2016/06/09.
55. Voir Informations sociales (1979), « Le contrôle social : une interrogation pour l’action
sociale », numéro spécial, n° 4‑5.
192
L’intervention directe
dépenser l’argent des allocations pour les enfants, ne pas boire, ne pas
se prostituer). Cela avant, bien entendu, que d’autres structures ne s’en
occupent par la répression, l’emprisonnement ou l’hospitalisation en milieu
psychiatrique. Ces interventions posent encore le problème du droit à la
différence, à la marginalité ; le droit de la personne à mener sa vie comme
il l’entend, même en opposition totale avec les normes sociales dominantes,
à faire des choix autres que ceux de tout le monde.
Les interventions de contrôle à but dissuasif – de même que d’autres où
le mandat de la société et la fonction de représentant de la société sont
prédominants – posent problème à de très nombreux travailleurs sociaux,
elles questionnent leur pratique et leurs valeurs éthiques 56.
Les interventions de contrôle sont aussi destinées au repérage précoce
des problèmes sociaux et des difficultés des personnes ou des groupes.
En effet, le dépistage précoce, permettant d’intervenir avant que la situation
ne soit pas trop détériorée, exige que les travailleurs sociaux aillent au-
devant de la demande de la personne, qu’ils la contactent et lui proposent
leurs services. Alors, le dépistage nécessite d’exercer un contrôle sur la
population en question ; il faut la connaître, il faut avoir élaboré des critères
pour mesurer les problèmes sociaux ou les difficultés personnelles, il faut
comparer la population aux critères définis pour ensuite déterminer quelles
personnes ou quels groupes feront l’objet de l’intervention des travailleurs
sociaux.
Ce contrôle à objectif de dépistage et de prévention est couramment
exercé dans les collèges et lycées par les assistantes sociales du service social
en faveur des élèves et par les assistantes sociales de premier accueil dans
les services du conseil départemental.
Bien que tout le monde s’accorde pour affirmer l’intérêt et la nécessité
du dépistage précoce, de l’intervention préventive et rapide, en cas de dif-
ficultés, cette forme de contrôle met aussi les travailleurs sociaux face aux
contradictions de leur fonction. Car la marge est en effet étroite entre le
dépistage à but préventif et la participation au quadrillage et au fichage
d’une population jugée « à risques 57 ».
56. L’un de ces problèmes est l’analyse faite du phénomène de la déviance car plusieurs
démarches explicatives sont possibles : s’agit-il prioritairement d’un dysfonctionnement
individuel, d’ordre psychologique, propre à la personne ? Ou au contraire de comportements
adaptatifs et adaptés aux contraintes et conditionnements sociaux ? Ou encore, la déviance
est-elle liée à l’interaction de facteurs multiples tant d’ordre social que psychologique ? Quels
sont le rôle et la fonction de la déviance dans la société globale ?
Des ouvrages ont tenté d’étudier et d’analyser ces problèmes mis à l’ordre du jour par
l’accroissement numérique des « exclus » et par la sensibilisation de l’opinion des divers
professionnels. Voir Droit social (1974), « L’exclusion sociale », numéro spécial, n° 11,
novembre. Goffman E. (1975), Stigmate, les usages sociaux des handicaps, Paris, Minuit.
57. Informations du secteur sanitaire social (1976), « Gamin… à risques ! », brochure de
l’Union régionale parisienne CFDT, avril .
193
Méthodologie de l’intervention en travail social
194
L’intervention directe
à soi – que peuvent se tisser des liens affectifs et des communications signi-
ficatives. C’est dans ce cadre que la personne peut vivre avec d’autres, qui
sont ses semblables, des expériences enrichissantes lui procurant plaisir et
satisfaction.
La relation établie avec le travailleur social peut aussi être mise à profit
pour lui faciliter ses rapports aux institutions et aux équipements du quar-
tier, de la ville, ceux rattachés à son milieu de travail, par exemple, la prise
de contact avec le centre social, la demande de logement auprès des services
compétents, la démarche auprès du comité d’entreprise pour l’inscription
des enfants aux activités de vacances, etc.
195
Méthodologie de l’intervention en travail social
196
L’intervention directe
58. De Robertis C., Orsoni M., Pascal H., Romagnan M. (2014), L’intervention sociale
d’intérêt collectif. De la personne au territoire, Rennes, Presses de l’EHESP, coll. « Politiques
et interventions sociales ». Voir aussi De Robertis C., Pascal H. (1995), L’intervention collective
en travail social, groupes et territoires, Paris, Bayard. coll. « Travail social » (traductions
espagnole et polonaise).
59. Voir La Revue française de service social (2015), « ISIC, des pratiques actuelles à
l’intelligence collective », n° 259, 4e trimestre.
60. Voir le chapitre 6 : « Le contrat en travail social ».
197
Méthodologie de l’intervention en travail social
198
L’intervention directe
En aucun cas la durée d’intervention lors d’un entretien ne peut être établie
par un tiers extérieur à la relation aidant-aidé, seul le travailleur social est
responsable de cette organisation du temps selon les besoins des personnes
accompagnées et de son organisation personnelle du travail.
La durée d’une réunion de groupe sera, au contraire, préétablie plus
facilement. Elle sera aussi plus longue qu’un entretien individuel et pourra
varier entre une heure trente et deux heures, parfois un peu plus. Lors de
réunions avec un groupe centré sur la tâche, dans un cadre assez formel et
avec des participants nombreux, il peut être bénéfique de structurer le temps
à l’intérieur de la réunion elle-même : ordre du jour, temps disponible pour
traiter chaque point, heure de clôture de la réunion. Cette structuration du
temps est un bon moyen pour que le groupe accomplisse la tâche qu’il s’est
fixée, même s’il a l’inconvénient de réduire l’interaction et la communica-
tion entre les membres.
La durée totale de l’action est parfois établie à l’avance, notamment
lorsque le travailleur social utilise la durée déterminée, et relativement
courte, d’intervention comme moyen de mobiliser les capacités de la per-
sonne à résoudre ses difficultés. Il est néanmoins rare, en France, de stipuler
ainsi la durée totale de l’intervention lorsqu’il s’agit d’un travail individuel
ou familial. Sauf, évidemment, lorsque la durée totale d’intervention est
fixée par l’organisme employeur ou par un mandat légal.
En revanche, il est courant que les mises en place d’un groupe aient une
durée totale préétablie. Souvent, cette limite dans le temps est fixée à titre
d’essai, elle peut être renouvelée à la demande du groupe si l’expérience
s’avère concluante.
Il ne semble pas toujours possible – ni souhaitable – de définir à l’avance
la durée totale d’une intervention en travail social. Le déroulement du pro-
cessus a son rythme propre, ses temps forts, ses moments d’attente, mais il
ne peut pas non plus se dérouler à l’infini ; la fin de l’intervention doit être
gardée en vue même si le temps n’est pas délimité au départ 61.
199
Méthodologie de l’intervention en travail social
62. Djaoui E. (2014), Intervenir au domicile, Rennes, Presses de l’EHESP (nouvelle édition).
63. Se reporter au chapitre 6 : « Le contrat en travail social ».
200
L’intervention directe
L’intervention indirecte
203
Méthodologie de l’intervention en travail social
204
L’intervention indirecte
et central dans l’organisation les situe d’une tout autre manière. L’importance
de l’emplacement sera bien particulière dans le service social d’entreprise :
en effet, être situé près du médecin d’entreprise n’a pas la même significa-
tion qu’un bureau qui jouxte celui du responsable des ressources humaines.
L’organisation de l’espace implique l’aménagement des locaux du service
et particulièrement le lieu d’attente et le bureau d’accueil. Des questions
telles que la décoration, le mobilier, la disposition des sièges, du bureau ou
de la table, l’éclairage de la pièce ont une influence certaine sur la relation
qui va s’établir avec la personne. Même si un très bon travail peut s’accom-
plir dans des locaux qui ne sont pas confortables, l’aménagement de l’espace
reste une intervention importante, trop souvent ignorée ou délaissée.
La plupart des organismes et des travailleurs sociaux accordent une
attention particulière au confort indispensable à chaque individu pour bien
accomplir son travail, ainsi, le plus souvent, chaque travailleur social pos-
sède son propre « territoire » constitué, en général, par un bureau, un meuble
de rangement, une chaise, un ordinateur. Celui-ci sera plutôt disposé sur un
côté qu’en face, car il ne doit pas boucher la vue directe avec l’interlocuteur,
ni faire écran à la communication avec lui.
Mais une moins grande attention est prêtée aux aires de circulation (cou-
loirs, hall d’entrée) ainsi qu’à la proximité et à l’accès facile des différentes
salles. Par ailleurs, les lieux prévus pour recevoir la personne sont parfois
peu nombreux et mal adaptés : salles exiguës, où il est souvent impossible
d’accueillir plus de deux personnes, mal insonorisées, ou alors des salles trop
vastes pouvant facilement accueillir un groupe d’une dizaine de personnes,
mais dans laquelle un entretien de face-à-face est inapproprié.
La plupart des relations entre le travailleur social et l’usager ont lieu à
une distance corporelle que Edward T. Hall définit comme une « distance
personnelle mode lointain » (75 à 125 cm) ou encore comme une « distance
sociale – mode proche » (125 à 210 cm) 1. Dès lors, une pièce exiguë peut être
facilement aménagée pour recevoir deux personnes en entretien ; la petite
dimension du local ne fera qu’augmenter le sentiment de proximité et de
relation personnalisée. Au contraire, une pièce trop vaste, des chaises pla-
cées à plus de deux mètres de distance, un bureau ou une table trop impo-
sants, sont caractéristiques de la « distance sociale mode lointain ». Les
relations prennent alors un caractère plus formel, la personne est « tenue à
distance » et tout échange personnel devient rapidement irréalisable.
Mais les travailleurs sociaux ne reçoivent pas que des personnes seules :
il y a aussi les couples, les groupes familiaux comprenant parents et enfants,
les groupes informels ou formels de tailles diverses. Pour tous ceux-là, fort
souvent, rien n’est prévu au niveau de l’organisation de l’espace, car même
1. Hall E. T. (1971), La dimension cachée, Paris, Seuil (nouvelle édition, coll. « Points »,
en poche, 2014).
205
Méthodologie de l’intervention en travail social
si la distance corporelle entre les personnes reste assez proche, leur plus
grand nombre nécessite forcément un espace plus vaste et différemment
aménagé.
Le problème de l’organisation de l’espace est fondamental, particulière-
ment pour les groupes, car la dimension des locaux et leur aménagement
dépendront du nombre de personnes membres du groupe, ainsi que des
activités que le groupe prévoit d’accomplir. La taille de la pièce aura – autant
qu’en relation duelle – une influence dans les sentiments de proximité ou
d’éloignement entre les membres et, en outre, facilitera ou non l’émergence
de sentiments de cohésion et d’appartenance.
206
L’intervention indirecte
à l’accueil des personnes, pendant les périodes de plus grande affluence des
demandes.
La maîtrise de son temps de travail permet au travailleur social de s’épar-
gner le surmenage, de ne pas perdre pied dans l’exécution de tâches mul-
tiples et variées, de faire des choix de priorités réfléchis. Au niveau de la
personne, elle se répercute par une plus grande disponibilité lors des entre-
tiens et réunions de groupe, de même que par des propositions d’interven-
tion à court, moyen et long termes structurées dans le temps.
9.1.3. La documentation
Les différentes professions sociales font constamment appel, dans l’exer-
cice de leurs interventions, à des connaissances diverses parfois issues des
sciences sociales 2, parfois assises sur leur propre expérience de travail, telles
que la connaissance du milieu d’intervention, des institutions et équipe-
ments sociaux du secteur, des caractéristiques de la population. Leurs
sources d’information et de documentation sont variées, et leur contenu
même est sujet à variations. La législation sociale change souvent, des nou-
veaux équipements se créent, les problèmes de la population se modifient,
de nouveaux ouvrages sont publiés en psychologie, sociologie, économie,
travail social, etc., qui peuvent intéresser le praticien et éclairer son action.
Les travailleurs sociaux sont constamment sollicités pour mettre à jour leurs
connaissances et se tenir au courant des dernières modifications législatives,
réglementaires ou institutionnelles. L’organisation de la documentation
devient alors une tâche indispensable à l’exercice professionnel.
Dans la plupart des services employant de nombreux travailleurs sociaux,
une documentation complète et tenue à jour est disponible de façon cen-
tralisée. Elle se complète souvent par une bibliothèque technique qui permet
l’emprunt des ouvrages les plus significatifs.
Par ailleurs, chaque travailleur social peut s’organiser une petite docu-
mentation personnelle, adaptée aux problèmes auxquels les usagers sont le
plus souvent confrontés, et choisie en fonction de sa propre spécificité
professionnelle. La familiarité avec les documents communs aux travailleurs
sociaux du service et avec leur classement permet de trouver les renseigne-
ments recherchés dans un minimum de temps, sans avoir à s’encombrer
l’esprit de connaissances trop vastes et changeantes. Cela est particulière-
ment vrai en ce qui concerne la législation sociale et les barèmes de cer-
taines prestations. L’accès à toutes ces informations est grandement facilité
par l’utilisation d’Internet.
Dans le même ordre d’idées, la connaissance approfondie de son secteur
de travail, que ce soit les institutions sociales ou les problèmes sociaux
dominants d’une population donnée, sont indispensables pour orienter la
207
Méthodologie de l’intervention en travail social
208
L’intervention indirecte
« Alors que la population du centre ancien d’une ville moyenne sollicite régu-
lièrement, l’assistante sociale, celle-ci constate qu’un certain secteur situé dans
deux rues perpendiculaires ne s’adresse jamais au service social. Elle profite du
stage d’un étudiant en travail social pour faire effectuer une étude afin de
connaître les caractéristiques de cette population et de mieux cerner leurs besoins
et demandes éventuelles. »
Cette fonction de veille sociale est bien liée à l’expertise des profession-
nels et elle est spécifiée plus avant dans le domaine de compétences n° 2,
« Expertise sociale », de la manière suivante :
209
Méthodologie de l’intervention en travail social
210
L’intervention indirecte
211
Méthodologie de l’intervention en travail social
nnÉtapes chronologiques
L’idée de mettre en place un groupe ne surgit pas du jour au lendemain
dans la tête des travailleurs sociaux. Le plus souvent, il s’agit d’une idée qui
a fait son chemin, qui a mûri, s’est précisée au fil des jours et des semaines.
Cette idée prend son origine dans la perception que le travailleur social a
des besoins d’une population donnée. Il s’agit, en effet, de besoins décelés
et perçus comme collectifs (manque de loisirs pour les jeunes, isolement des
personnes âgées, logements vétustes et insalubres, manque d’information…)
ou bien de demandes – exprimées individuellement par les personnes lors
des entretiens – qui se répètent tellement souvent que le travailleur social
peut les considérer comme provenant d’un ensemble de personnes concer-
nées par le même type de difficulté. Voici un exemple :
« C’est ainsi que j’ai été amenée à accompagner des femmes qui avaient une
pathologie cancéreuse dans le cadre, dans un premier temps, d’un accompagne-
ment individuel et familial. […]
Durant toutes ces rencontres, ces femmes exprimaient longuement à quel point
la maladie et ses conséquences les avaient inexorablement amenées à une situa-
tion de repli sur soi et d’isolement total (les hospitalisations, les allers et retours
nécessaires aux traitements, la fatigue, la fuite de l’entourage amical et même
familial pour l’une d’entre elles…). […]
C’est au travers de ces constats, de l’analyse de la situation de ces femmes et de
leurs problématiques qu’a émergé l’idée de mettre en place un travail social avec
les groupes 8. »
8. Fernandez T. (2009), « Du mal être… à l’estime de soi, de l’isolement… à la vie sociale »,
La Revue Française de service social, n° 232, op. cit., p. 16.
212
L’intervention indirecte
lorsque le besoin est perçu comme secondaire ou non prioritaire par les
personnes directement concernées, l’intérêt et la motivation pour participer
à un groupe sur ce sujet seront moindres ; le travailleur social risque alors
d’avoir des réponses évasives suivies d’absence aux réunions proposées.
Tout besoin ou problème collectif s’accompagne, en outre, d’une réaction
plus ou moins importante de l’environnement, qui se manifeste de diverses
manières : prises de position, déclarations, explications des institutions et
organismes divers, des notables et/ou professionnels, des groupes religieux
et politiques, des associations diverses, des leaders informels du quartier. Il
est alors utile d’évaluer l’impact du besoin collectif sur l’ensemble du quar-
tier, comment il est perçu, analysé et considéré par les divers groupes
sociaux. Car cet environnement est en mesure d’exercer une pression sociale
– plus ou moins forte selon les circonstances – tant sur le travailleur social
que sur les personnes concernées. Cette pression sociale peut être détermi-
nante – si elle est assez forte – dans la constitution du groupe et peut ainsi
pallier la faiblesse des motivations des individus invités à y participer.
C’est l’évaluation des forces internes – motivations et intérêts des per-
sonnes – et des forces externes – pression sociale – qui permettra au tra-
vailleur social de situer sa propre perception du besoin – de façon d’ailleurs
plus distancée – dans la dynamique globale du quartier ou de l’institution
(lorsqu’il s’agit de groupes dans des organismes de type foyer, internat,
école, hôpital, hébergement).
L’évaluation préliminaire nécessite aussi de se prononcer quant à la
compétence du service employeur pour proposer à la population concernée
la mise en place d’un groupe ainsi que les moyens dont disposeront les
travailleurs sociaux engagés dans cette action.
Mais, auparavant, la réflexion sur la pertinence et l’efficacité escomptées de
l’utilisation de la dimension de groupe doit aboutir à ce choix précisément parmi
d’autres formes possibles de réponse. En effet, confrontés aux besoins d’ordre
collectif, les travailleurs sociaux peuvent intervenir dans différentes dimensions
de travail (individu, famille, petit groupe, quartier ou institution) et, parmi
celles-ci, le choix d’une dimension de groupe se doit d’être justifié.
L’étape suivante qui découle de l’évaluation est l’élaboration du projet
du travailleur social. Cette élaboration est aussi une phase longue, nécessi-
tant des clarifications et réflexions constantes, car c’est à ce moment que
des choix essentiels pour la vie future du groupe seront établis. Ces choix
concernent :
–– les objectifs du travailleur social pour le groupe ;
–– la composition du groupe (taille, homogénéité, caractéristiques des
membres) ;
–– la participation des membres (volontaire ou obligatoire, groupe fermé
ou ouvert) ;
–– la sélection des membres.
213
Méthodologie de l’intervention en travail social
Nous verrons ces différentes variables de façon plus détaillée un peu plus loin.
Outre ces choix, l’élaboration du projet comprend aussi une première
définition des outils et moyens nécessaires et parfois une évaluation du coût
escompté.
Vu la complexité des étapes d’évaluation du besoin et d’élaboration du
projet ainsi que l’importance des choix qui y seront faits, les travailleurs
sociaux mènent fort souvent cette réflexion en équipe : l’élaboration est
collective, même si par la suite seulement un ou deux d’entre eux participent
activement au déroulement de la vie du groupe, comme le montre cet
exemple :
« L’action fait suite à la réalisation d’un diagnostic par les différents profession-
nels intervenant sur le territoire sur la problématique du non-accès aux vacances
pour de nombreuses familles. Les maisons de quartier, le service social local et
celui de la Caisse d’allocations familiales ainsi que le programme de réussite
éducative se sont réunis pour tenter de proposer un projet adapté aux besoins
des familles.
Les maisons de quartier, porteuses du projet, ont invité les différents partenaires
à une rencontre concernant la mise en place d’un projet de départ en vacances.
Un travail partenarial avec les institutions s’est mis en place pour les profession-
nels intéressés par le projet.
Ce dernier s’est co-construit tout au long de l’année avec les familles partici-
pantes pour un départ en vacances collectif d’une semaine en bord de mer 9. »
9. Vache V., Gosselin T. (2015), « Le séjour vacances familles : une construction des pos-
sibles », La Revue Française de service social, « L’ISIC : des pratiques actuelles à l’intelligence
collective », n° 259, 4e trimestre, p. 94.
214
L’intervention indirecte
nnLes variables
Les variables que nous allons développer interviennent dans les choix
qui seront faits par le travailleur social lors de l’élaboration de son projet
de mise en place d’un groupe. Ainsi, les choix envisagés auront-ils une
incidence significative dans la vie ultérieure du groupe, et c’est en prévoyant
leur impact qu’ils pourront être établis de façon consciente et réfléchie.
Les objectifs du travailleur social pour le groupe représentent la première
de ces variables. Les objectifs du travailleur social sont à différencier des
objectifs des membres pour le groupe et de ceux qui seront ensuite élaborés
par le groupe lui-même au cours des premières étapes de sa vie. Ces trois
niveaux différents d’objectifs (ceux du travailleur social, ceux de chaque
membre et ceux du groupe) sont souvent complémentaires, mais, parfois,
ils peuvent aussi être antagonistes ; ils sont rarement identiques.
Au niveau des objectifs globaux du travailleur social, on peut distinguer
deux séries d’objectifs qui donneront lieu à la mise en place de groupes de
types différents.
Le travailleur social se propose d’aider les personnes participant au
groupe en utilisant celui-ci comme moyen, comme structure d’intervention.
Son objectif est une intervention individualisée, focalisée sur chaque per‑
sonne, afin de permettre à chacune de résoudre des problèmes d’ordre
215
Méthodologie de l’intervention en travail social
216
L’intervention indirecte
10. Massa H. (1976), « Avant-propos à l’édition française », in Schulman L., Une technique
de travail social avec des groupes, Paris, ESF éditeur, coll. « Pratiques sociales ».
11. Home A., Darveau-Fournier L. (1980), « La spécificité du service social des groupes »,
Service social, n° 29 (1‑2), p. 16‑31. Boulay-Diot H. (2015), « Les incompris : l’audace d’oser »,
La Revue française de service social, n° 259, op. cit., p. 57.
217
Méthodologie de l’intervention en travail social
12. Vinter R. (1967), Readings in Group Work Practice, Michigan, Campus Publishers
Ann Arbor, (traduction en espagnol, Buenos Aires, Humanitas, 1969).
218
L’intervention indirecte
Il ne s’agit pas, toutefois, de réunir uniquement des gens avec des carac-
téristiques identiques, mais plutôt des personnes avec des caractéristiques
compatibles entre elles, pour ce groupe-là. En effet, un certain degré d’hété-
rogénéité dans le groupe est aussi nécessaire : elle est source de confrontation,
d’acceptation des différences, de conflits ; elle est source de dynamisme et de
vie. Mais des écarts trop importants entre les membres du groupe peuvent
rendre la communication impossible et leur intégration improbable.
En voici un exemple :
« Une assistante sociale d’entreprise travaillant au projet de mise en place d’un
groupe de salariés en instance de partir à la retraite a invité à y participer toutes
les personnes concernées, parmi elle deux chefs de service, six employés de
bureau, deux manœuvres. La distance sociale entre ces personnes n’a pas été
retenue comme critère d’incompatibilité dans le fonctionnement de ce groupe.
Celui-ci n’a pu se constituer qu’après avoir éjecté de son sein les personnes
exerçant l’emploi de manœuvre. »
219
Méthodologie de l’intervention en travail social
220
L’intervention indirecte
13. Voir aussi : De Robertis C., Orsoni M., Pascal H., Romagnan M. (2014), L’intervention
sociale d’intérêt collectif. De la personne au territoire, Rennes, Presses de l’EHESP, coll.
« Politiques et interventions sociales », p. 239 et suivantes.
221
Méthodologie de l’intervention en travail social
Les activités d’un groupe ne sont pas, pour le travailleur social, une fin
en soi, mais un moyen, un support. Elles permettent de parvenir aux objec-
tifs, et plusieurs activités différentes peuvent être utilisées pour atteindre le
même but :
« Afin de permettre que des enfants – ayant des difficultés de communication
verbale – développent leur capacité d’échange entre eux et avec les adultes, les
travailleurs sociaux leur ont proposé une activité en groupe. Après réflexion,
c’est la confection de marionnettes qui a été retenue avec, deux étapes : la
première, manuelle, où chaque enfant construira sa propre marionnette, la
seconde, où collectivement les enfants élaboreront et joueront un scénario. »
222
L’intervention indirecte
223
Méthodologie de l’intervention en travail social
14. Les caractéristiques propres aux activités ont été développées dans : De Robertis C.,
Pascal H. (1987), L’intervention collective en travail social, groupes et territoires, Paris,
Bayard, p. 235 et suivantes. Voir aussi : De Robertis C., Orsoni P., Romagnan M.,
L’intervention sociale d’intérêt collectif, op. cit., chapitre 7.
224
L’intervention indirecte
9.3.2. La médiation
Pour le travailleur social, les interventions auprès de l’entourage de la
personne impliquent l’exercice d’un rôle de médiateur, de porte-parole des
intérêts de la personne, il est ainsi amené à intercéder en sa faveur auprès
des autres. Ces interventions se sont beaucoup développées depuis quelques
années. Toutefois, certaines s’exercent bien en présence et avec la partici-
pation active des usagers. En ce sens, la médiation est à la fois une inter-
vention directe et indirecte.
225
Méthodologie de l’intervention en travail social
15. Décret n° 2004‑533 du 11 juin 2004, JO du 12 juin 2004 et arrêté du 29 juin 2004,
JO du 23 juillet 2004.
16. Laurent-Boyer L. (dir.) (1992), La médiation familiale, Paris, Bayard.
17. Décret n° 2003‑1166 du 2 décembre 2003, arrêté du 12 février 2004, JO du 27 février
2004 et circulaire DGAS/4A n° 2004‑376 du 30 juillet 2004. Voir Actualités sociales hebdo‑
madaires, n° 2377 du 15 octobre 2004.
18. Roux S. (dir.) (1997), Action sociale et migration, expérience et méthodes d’un service
social spécialisé, Paris, L’Harmattan.
19. Freynet M.-F. (1995), Les médiations du travail social, contre l’exclusion (re)construire
les liens, Lyon, Chronique sociale.
20. Barreyre J.-Y., Bouquet B. (2006), Nouveau dictionnaire critique d’action sociale,
Paris, Bayard, p. 357.
226
L’intervention indirecte
La médiation est l’entremise d’un tiers impartial pour aider les parties en
présence à résoudre leur différend, à parvenir à un accord. Le rôle de média-
teur englobe celui de conciliateur. Il facilite la communication, il peut inter-
venir dans la discussion, faire des suggestions et des recommandations mais
il n’a pas de pouvoir de décision. La médiation s’exerce dans des situations
bloquées où émergent contradictions, malentendus, incompréhensions et
où la communication n’existe plus entre les acteurs alors qu’elle serait
indispensable pour établir ou rétablir une négociation, un dialogue, afin
d’œuvrer ensemble de façon équilibrée et constructive 21.
Il existe différentes formes de médiation ; Jean-François Six en dégage
quatre, les deux premières étant destinées à faire naître ou renaître un lien
et les deux autres vouées à parer à un conflit :
– « La médiation créatrice : a pour but de susciter entre des personnes ou des
groupes des liens qui n’existaient pas entre eux auparavant des liens qui leur
seront bénéfiques ;
– La médiation rénovatrice : permet d’améliorer entre des personnes ou des
groupes des liens qui existaient entre eux, mais qui étaient distendus ou devenus
indifférents ;
– La médiation préventive : devance un conflit en gestation entre des personnes
ou des groupes et réussit à éviter qu’il n’éclate ;
– La médiation curative : répond à un conflit existant en aidant les personnes
ou les groupes qui y sont engagés à en trouver eux-mêmes, par eux-mêmes une
solution 22. »
21. Roux S., « Médiation culturelle et travail social », Accueillir, revue du SSAE, n° 193.
22. Six J.-F. (1990), Le temps des médiateurs, Paris, Seuil.
227
Méthodologie de l’intervention en travail social
228
L’intervention indirecte
25. La Revue française de service social (2002), « Le partage de l’information », n° 205,
Paris.
26. Actualités sociales hebdomadaires (2005), « La responsabilité des professionnels de
l’action sociale », supplément au n° 2433, 9 décembre. Voir aussi : De Robertis C. (2005), « Le
secret professionnel des assistants de service social, protection de l’usager, affirmation de
professionnalité », Les Cahiers de l’Actif, n° 346‑347.
229
Méthodologie de l’intervention en travail social
9.4.1. La liaison
Il s’agit ici de contacts occasionnels entre deux ou plusieurs travailleurs
sociaux, avec comme objectif principal l’échange réciproque d’informations
nécessaires au suivi de la personne. La liaison peut être écrite ou orale, elle
est souvent téléphonique. Cette forme de collaboration permet aux travail-
leurs sociaux d’éviter les interventions multiples de plusieurs services auprès
des mêmes personnes, ou encore de se tenir au courant des interventions
successives ou simultanées auprès de l’usager. La liaison est toujours ponc-
tuelle, elle a un objectif limité à l’échange d’informations.
230
L’intervention indirecte
231
Méthodologie de l’intervention en travail social
9.4.4. La consultation
Cette forme de collaboration entre travailleurs sociaux diffère des trois
précédentes, car il s’agit de la rencontre entre deux travailleurs sociaux aux
statuts professionnels différents : l’un, reconnu compétent et expérimenté,
met à la disposition de l’autre la possibilité d’échanger et de réfléchir sur
des situations professionnelles ; l’autre est demandeur d’un avis ou d’un
éclairage par un « expert ». Cette situation implique la reconnaissance d’une
hiérarchie de savoir ou, tout au moins, d’expérience entre l’un et l’autre.
232
L’intervention indirecte
9.4.5. Le partenariat
Depuis quelques années, le terme de « partenariat » est devenu prédomi-
nant en travail social, au point qu’il est souvent utilisé pour dire tout et son
contraire. « Partenaire » désigne une personne associée à une autre, il dérive
de l’anglais partner. Au départ employé dans le contexte du sport et des
relations sentimentales, il a par la suite été repris dans les négociations
salariales sous le terme de « partenaires sociaux ». Peu à peu il s’est introduit
dans tous les domaines de la société et dans l’action sociale, notamment
dans les politiques sociales transversales territorialisées.
Il peut se définir « comme un rapport complémentaire et équitable entre
deux parties différentes par leur nature, leur mission, leurs activités, leurs
ressources et leur mode de fonctionnement. Dans ce rapport, les deux parties
ont des contributions mutuelles différentes, mais jugées essentielles. Le parte-
nariat est donc fondé sur un respect et une reconnaissance mutuelle des contri-
butions et des parties impliquées dans un rapport d’interdépendance 28 ».
Il s’agit donc d’une collaboration entre parties différentes, mais d’égales
valeur et importance. C’est une mise en commun de moyens entre des ins-
titutions ou entre des personnes qui reconnaissent la nécessité de faire
28. Barreyre J.-Y., Bouquet B., Chantreau A., Lassus P. (1995), Dictionnaire critique
d’action sociale, Paris, Bayard, p. 272.
233
Méthodologie de l’intervention en travail social
appel aux ressources des autres pour aborder des problèmes nécessitant une
réponse collective. C’est donc une approche assez égalitaire et pragmatique
qui favorise le décloisonnement institutionnel et la mobilisation des acteurs
et des ressources.
Or, certaines politiques sociales ont instauré un partenariat à partir d’une
logique de réaffectation budgétaire, de gestion de la pénurie et du déploie-
ment de ressources. Il nous semble donc que certains usages actuels du
terme « partenariat » pour désigner des relations de dépendance ou de subor-
dination entre institutions soient impropres : il n’y a pas de partenariat à
proprement parler entre financeur et financé.
Certains auteurs ont avancé la nécessité d’établir un véritable partenariat
avec les usagers eux-mêmes, articulé autour de la notion de citoyenneté, de
sujet de droits, d’acteur de sa propre vie.
« Le partenariat devient une revendication des personnes directement concernées
par l’action sociale. Leur demande est d’être entendues, d’être reconnues dans
leurs compétences et leur expérience, de pouvoir partager leurs observations, de
prendre avec les professionnels les décisions qui concernent la prise en charge,
les programmes ou les projets d’intervention 29. »
29. Besson C., Guay J. (2000), Profession travailleur social : savoir évaluer, oser s’impli‑
quer, Levallois-Perret, Gaëtan Morin Éditeur-Europe.
30. Haut Conseil du travail social (2017), « Participation des personnes accompagnées
aux instances de gouvernance et à la formation des travailleurs sociaux ». En ligne : http://
solidarites-sante.gouv.fr.
234
L’intervention indirecte
237
Méthodologie de l’intervention en travail social
1. Rosanvallon P. (1992), La crise de l’État providence, Paris, Seuil, coll. « Points Essais »,
(1re édition, 1981).
2. De Robertis C. (2017), « Francia : políticas sociales, evoluciones y debates, el ejemplo
del recurso de solidaridad activa », in Pastor Seller E. (2017), Sistemas y políticas de bienestar.
Una perspectiva internacional, Madrid, Dykinson.
238
L’évaluation des résultats de l’intervention
savoir ce qui se fait et à quoi sont utilisés les deniers publics qu’ils ont la
charge d’administrer.
Mais également, cette situation entraînera une vague de suspicion, de
mise en cause, de perte de légitimité des travailleurs sociaux et occasionnera
un très grand désarroi vers le milieu des années 1980. Accusés d’entretenir
la dépendance, d’empêcher la citoyenneté des usagers de s’exprimer et de
couvrir des abus, les travailleurs sociaux deviennent les boucs émissaires
d’une société qui n’a plus de réponses adaptées aux maux qu’elle a engen-
drés. À cette époque, Amédée Thévenet et Jacques Désigaux 3, dans la
conclusion de leur livre, apostrophent ainsi la profession :
« La crise de l’État providence et la crise économique lancent à l’action sociale
et au travail social un véritable défi […]. L’armée de métier des travailleurs
sociaux, mobilisée contre l’inégalité, n’a pas non plus conduit à l’épanouissement
et à la prise en charge par elles-mêmes des populations protégées […], on a pu
voir des citoyens se démobiliser devant les professionnels qui les prenaient en
charge […], là où apparaissent les professionnels, on voit disparaître les
citoyens. »
Non seulement, le travail social est tenu pour responsable des problèmes
sociaux imputables à l’accroissement du chômage et à la précarité, mais il
est aussi accusé de tricherie et de malhonnêteté en faveur, encore heureux,
des populations dont il s’occupe.
Mais la mise en cause des travailleurs sociaux ne suffit pas à résoudre
les réels problèmes des populations confrontées au chômage et à la précarité.
Face à l’accroissement de la pauvreté, le législateur a mis en place des dis-
positifs pour aider les personnes en difficulté de logement, de perte d’emploi,
de surendettement. De plus, le partenariat se développe, le travail en réseau
interinstitutionnel et la coopération entre services et professionnels néces-
site, dans une certaine mesure, la transmission d’éléments et une certaine
transparence (qui fait quoi, objectifs, actions, résultats).
3. Thévenet A., Désigaux J. (1985), Les travailleurs sociaux, Paris, PUF, coll. « Que
sais-je ? », n° 1173.
239
Méthodologie de l’intervention en travail social
4. Potier A. (1986), « L’évaluation, une nouvelle arme stratégique dans le champ social »,
ASH Magazine, n° 1517, 17 octobre.
5. Idem.
6. Lory B. (1979), « La productivité du travail social », Rencontres, n° 29.
7. Mme le Professeur Fardeau, « Évaluation dans le champ des pratiques sociales », sémi-
naire organisé par le CTNERHI, décembre 1982, Paris, diffusion PUF, p. 55.
8. Bourdieu P. (2002), Interventions 1961‑2001 Science sociale et action politique,
Marseille, Agone, p. 242.
240
L’évaluation des résultats de l’intervention
9. Idem.
10. Besson C., Guay J. (2000), Profession travailleur social : savoir évaluer, oser s’impli‑
quer, Levallois-Perret, Gaëtan Morin Éditeur-Europe.
11. Zúñiga R. (1994), Planifier et évaluer l’action sociale, Montréal, Presses de l’université
de Montréal.
241
Méthodologie de l’intervention en travail social
choses 12. L’évaluation est donc le fait d’assigner une valeur aux choses et
aux actions. Alors que le terme « mesure » détermine l’extension, la quantité
ou la magnitude des choses et on parle alors de calculer, de chiffrer, celui
d’évaluation est qualitatif et associé à l’idée d’estimation, d’expertise. Dans
tous les cas, il ne s’agit pas d’une mesure précise de l’objet d’évaluation,
mais d’une appréciation, d’une approximation, d’une esquisse.
L’évaluation des résultats fait référence au processus d’estimation de
l’atteinte ou non des objectifs, il comprend deux démarches : celle de véri-
fication des résultats et celle d’analyse des processus. Non seulement il s’agit
de dire si les objectifs de départ ont été atteints, mais aussi comment ils l’ont
été, et porter une appréciation sur les manières de faire, comme nous le
verrons dans le paragraphe sur le contenu de l’évaluation.
D’autres termes proches de ce concept sont employés en travail social
pour désigner une action de réflexion et d’appréciation de l’action. Il nous
semble intéressant d’apporter quelques clarifications pour réduire un
usage impropre ou imprécis. Parmi eux, les termes « bilan », « régulation »,
« gestion », « audit », « expertise ». Le bilan est souvent employé pour dire
qu’on fait le point sur la situation d’un usager, ce terme d’origine comptable
signifie faire l’inventaire, l’état de l’actif et le passif, mesurer les écarts. La
régulation, souvent évoquée dans l’animation de réunions ou dans le mana-
gement des équipes, consiste à rendre régulier, rendre conforme, équilibrer,
c’est-à-dire réduire les écarts entre ce qui est attendu et ce qui est produit.
La gestion utilise aussi de la régulation, il s’agit d’administrer, d’informer,
de réajuster, bref de vérifier si l’action est conforme au projet établi. L’audit
est généralement une intervention extérieure destinée à vérifier la cohérence
entre le projet et les pratiques, à analyser les coûts, à évaluer l’efficacité, et
à proposer les formes d’optimisation de l’emploi des ressources (financières,
matérielles et humaines) ; l’audit est à la fois un contrôle et un conseil aux
responsables d’institutions.
L’expertise est à la base de toute profession. Un expert est celui qui est
habile dans un art, un métier qui s’apprend par l’expérience ; c’est une
personne qualifiée dont la compétence l’autorise à donner son avis sur une
question 13. François Aballéa 14 considère l’expertise comme une notion dif-
ficile à définir qui comporte trois dimensions :
–– une dimension technique correspondant aux règles de l’art de la profes-
sion ;
–– une dimension sociale comprenant la maîtrise des relations sociales
dans lesquelles s’exerce l’activité ;
242
L’évaluation des résultats de l’intervention
Après cette incursion dans la signification des termes, voyons les divers
niveaux d’évaluation dans l’action sociale.
243
Méthodologie de l’intervention en travail social
17. Sur le partage de l’information, voir La Revue française de service social (2002),
« Le partage de l’information », n° 205.
244
L’évaluation des résultats de l’intervention
18. www.legifrance.gouv.fr.
245
Méthodologie de l’intervention en travail social
réajuster les stratégies ou pour réviser les objectifs 19 ». Cette démarche éva-
luative est présente dans les écrits et les préoccupations des travailleurs
sociaux depuis les origines. Non seulement l’évaluation des résultats permet
de confirmer ou d’infirmer l’évaluation diagnostique, mais elle fait aussi
progresser la profession par la recherche et le questionnement 20.
246
L’évaluation des résultats de l’intervention
247
Méthodologie de l’intervention en travail social
248
L’évaluation des résultats de l’intervention
27. Aballéa F. (1988), Méthodologie de l’évaluation qualitative, dossier n° 2, Paris, DPNT,
juillet-septembre.
249
Méthodologie de l’intervention en travail social
250
L’évaluation des résultats de l’intervention
28. Besson C., Guay J., Profession travailleur social : savoir évaluer, oser s’impliquer,
op. cit.
251
Méthodologie de l’intervention en travail social
Les fiches d’usagers varient selon les services et font généralement partie
du dossier social. Le plus souvent, il y a trois types de fiches concernant les
usagers :
–– une fiche socio-administrative où sont consignés les éléments objectifs
d’identification de la personne tels que nom, prénom, domicile, date de
naissance, lieu de naissance, état civil, composition de la famille, première
demande ou motif d’intervention. Cette fiche peut varier selon la mission
sociale de l’organisme et le type de population à laquelle il s’adresse ;
29. À noter que l’on peut tenir ce carnet sur ordinateur ce qui en facilite la compilation.
252
L’évaluation des résultats de l’intervention
253
Méthodologie de l’intervention en travail social
Indicateur 1
Objectif
Indicateur 2
opérationnel
Objectif général Indicateur 3
d’intervention Indicateur 1
Objectif
Indicateur 2
opérationnel
Indicateur 3
Indicateur 1
Réalité considérée : Objectif
Indicateur 2
situation opérationnel
Objectif général Indicateur 3
de la personne,
d’intervention Indicateur 1
de la famille Objectif
ou du groupe Indicateur 2
opérationnel
Indicateur 3
Indicateur 1
Objectif
Indicateur 2
opérationnel
Objectif général Indicateur 3
d’intervention Indicateur 1
Objectif
Indicateur 2
opérationnel
Indicateur 3
33. Idem.
34. Collectif (1993), Systématisation et évaluation : une grille pour travailleurs sociaux,
Liège, Les éditions de l’École supérieure d’action sociale.
254
L’évaluation des résultats de l’intervention
Identification du cas :
1. Quel était le besoin et, éventuellement, quelle a été la demande qui a
éveillé la réflexion ?
2. La réflexion a fait appel à :
–– tels apports théoriques ;
–– telles expériences antérieures.
3. Il en est résulté tel projet :
4. Ce projet a été décomposé en X objectifs :
––
––
5. Ces objectifs ont déclenché telles interventions :
––
––
6. Ces interventions ont été modifiées en cours de route de telles et telles
manières et pour telles raisons :
––
––
7. Tels résultats ont été obtenus :
––
––
8. À la réflexion, à la lumière de tels critères, ces résultats peuvent être
considérés comme des succès (ou des échecs) :
––
––
9. Quels éléments ont contribué au succès ?
–– La réflexion initiale ?
–– Une bonne analyse de la demande ?
–– La formulation correcte du problème ?
–– La détermination du projet ?
–– Le choix des objectifs appropriés ?
–– La formation adéquate des intervenants ?
–– Des concours heureux ?
–– Des méthodes adéquates ?
Éventuellement, il est possible d’ajouter, sur les méthodes, les questions
suivantes :
–– Ces méthodes étaient-elles adaptées au temps disponible ? aux compé‑
tences des intervenants ? aux caractéristiques des usagers ? aux ressources en
argent, en personnel, en matériel, en locaux ? au style d’autorité mis en action ?
255
Méthodologie de l’intervention en travail social
Actions Démarches
et démarches Attitudes et méthodes pédagogiques
Phase 2 : avec l’équipe
Action
Partenariat Partenaires associés au suivi
Autres intervenants auprès du jeune
256
L’évaluation des résultats de l’intervention
257
Méthodologie de l’intervention en travail social
258
L’évaluation des résultats de l’intervention
38. www.afpap.org/aggir.htm.
39. Alföldi F., « Le critère à trois niveaux, un concept pratique pour les professionnels de
l’évaluation en protection de l’enfance », Les Cahiers de l’Actif, op. cit.
259
Méthodologie de l’intervention en travail social
Appréciation de la situation
Situation 0 1 2 3 4
Santé
Droits sociaux
Ressources
Travail
Formation/qualification professionnelles
Logement
Famille
Relations sociales
Communication avec l’AS
Vécu de la situation
Capacités à :
Assumer 0 1 2 3 4
Santé
Droits sociaux
Ressources
Travail
Formation/qualification professionnelles
Logement
Famille
Relations sociales
Communication avec l’AS
Vécu de la situation
40. CRAM du Sud-Est-Service social régional (1987), Mesurer la qualité du travail social ;
chimère ou réalité ?, t. I, Marseille, texte polycopié.
260
L’évaluation des résultats de l’intervention
Réalisme 0 1 2 3 4
Santé
Droits sociaux
Ressources
Travail
Formation/qualification professionnelles
Logement
Famille
Relations sociales
Communication avec l’AS
Vécu de la situation
Changement 0 1 2 3 4
Santé
Droits sociaux
Ressources
Travail
Formation/qualification professionnelles
Logement
Famille
Relations sociales
Communication avec l’AS
Vécu de la situation
261
Méthodologie de l’intervention en travail social
personnes et d’en extraire des conclusions sur des problèmes sociaux col-
lectifs qui pourraient faire l’objet d’une intervention en groupe.
262
L’évaluation des résultats de l’intervention
263
Méthodologie de l’intervention en travail social
43. Voir à ce sujet : Chaput-Le Bars C. (2017), Histoires de vie et travail social, Rennes
Presses de l’EHESP.
44. Voir à ce sujet : Les Cahiers de l’Actif (2005), « Dossier : savoir communiquer pour
évoluer dans sa pratique, ou comment construire un sens partagé », n° 354‑355.
45. Zúñiga R., Planifier et évaluer l’action sociale, op. cit.
264
L’évaluation des résultats de l’intervention
La fin de l’intervention
267
Méthodologie de l’intervention en travail social
1. Pincus A., Minahan A. (1973), Social Work Practice: Model and Method, Itasaca (Ill.),
F. H. Peacock Publishers Inc., p. 285.
268
La fin de l’intervention
2. Anciennement Aide à toute détresse. Voir aussi le chapitre 6 : « Le contrat en travail
social ».
269
Méthodologie de l’intervention en travail social
270
La fin de l’intervention
approfondi et plus systématique reste à faire au sein même des divers orga-
nismes. La question essentielle reste de savoir comment, en tant que travail-
leurs sociaux, nous nous positionnons lorsque les intérêts de l’usager, ceux
de notre employeur et ceux qui nous sont propres ne sont plus convergents
mais contradictoires ? Lequel privilégions-nous – de façon consciente ou
inconsciente – et au service de qui mettons-nous nos compétences ?
3. Pincus A., Minahan A., Social Work Practice: Model and Method, op. cit.
4. Haines J. (1975), Skills and Methods in Social Work, Londres, Constable.
271
Méthodologie de l’intervention en travail social
272
La fin de l’intervention
6. Reid W., Shyne A. (1969), Brief and Extended Casework, New York, Columbia University
Press, p. 124.
7. Voir le chapitre 10 : « L’évaluation des résultats de l’intervention ».
273
Méthodologie de l’intervention en travail social
11.2.4. La passation
Ce n’est pas véritablement une fin d’intervention, car elle consiste en un
changement de partenaires, notamment un changement de travailleur social
et/ou d’organisme. La passation intervient souvent en cours d’action, elle
est parfois occasionnée par la mobilité géographique et/ou professionnelle.
En effet, lorsque la personne déménage, change de ville ou de secteur, ce
sont d’autres institutions qui sont chargées de poursuivre le travail com-
mencé, puisque l’organisme et le travailleur social, ont une compétence
territoriale. La mobilité professionnelle est due au travailleur social qui
change d’employeur, qui accède à un autre type de poste au sein du même
organisme, ou qui fait partie du service pendant un laps de temps limité et
dont l’engagement touche à sa fin – c’est le cas des travailleurs sociaux en
formation qui sont en stage, ou des travailleurs sociaux embauchés pour un
remplacement (maladie, maternité). La passation peut aussi avoir lieu
lorsqu’un changement de travailleur social apporte une nouvelle dynamique
à l’action, lorsque travailleur social et usager sont arrivés – après parfois un
long travail ensemble – à un stade de stagnation et/ou d’arrêt de toute
évolution dans la situation de la personne. Dans ces cas, la passation peut
s’avérer bénéfique même si aucune modification externe n’oblige à se sépa-
rer. De même, elle peut aussi être envisagée lorsque le travailleur social se
sent dans l’incapacité d’assurer un travail efficace du fait d’une incompati-
bilité entre lui-même et la personne.
Dans toutes ces situations, le travail commencé avec l’un doit se pour-
suivre avec d’autres. Lorsque le changement de travailleur social peut être
prévu à l’avance, il est possible de se fixer des objectifs limités susceptibles
d’être atteints dans le temps prévu et de préparer la passation. C’est le cas
pour les stages des étudiants en travail social. Dans d’autres situations, cette
préparation n’est pas toujours possible.
La passation doit assurer à la personne une certaine continuité dans
l’intervention malgré la rupture de la relation avec le travailleur social
qu’elle implique. Elle nécessite alors d’être préparée chaque fois que cela est
possible. La préparation se fait à deux niveaux : d’abord avec l’usager, avec
qui le travailleur social parle de ce changement, clarifie les objectifs de
274
La fin de l’intervention
travail, les sentiments soulevés par cet arrêt imprévu (ou prévu) de la rela-
tion ; ensuite, avec le nouveau travailleur social, qui prendra la suite de
l’intervention pour lui faire part de l’action menée, des objectifs poursuivis,
du plan d’intervention et de l’évaluation de la situation. Cette mise au
courant du travailleur social se fait parfois seulement par écrit avec la
transmission du dossier ou d’un résumé de celui-ci 8. Il nous semble impor-
tant que chaque fois que cela est possible, non seulement les deux travail-
leurs sociaux se rencontrent, mais aussi que le travailleur social soit
l’intermédiaire de la rencontre entre l’usager et le nouveau professionnel.
C’est-à-dire que la première rencontre soit organisée par celui qui connaît
la personne (ou la famille ou le groupe), qu’il les présente l’un à l’autre et
qu’ensemble ils parlent du changement. Cette démarche permet au nouveau
travailleur social de s’inscrire de plain-pied dans la poursuite du travail ;
son rôle et son intervention sont ainsi légitimés aux yeux de la personne.
Chaque fois que cela est possible, la transition peut être organisée
conjointement par les deux travailleurs sociaux avec une période d’inter-
vention conjointe et le désengagement progressif de l’un et l’engagement
de l’autre. Par exemple, dans un groupe d’adolescents, la passation s’est
produite comme suit : le travailleur social a parlé avec le groupe et les a
invités à s’exprimer là-dessus. À la réunion suivante le travailleur social
chargé de prendre la relève est venu en fin de réunion pour faire connais-
sance avec le groupe. Lors de la rencontre qui a suivi, la participation des
deux travailleurs sociaux a permis de renouveler ce premier contact et de
prévenir le groupe que le travailleur social ne viendrait la prochaine fois
qu’en fin de réunion pour leur dire au revoir. À cette occasion, le groupe a
préparé une petite collation pour marquer son départ.
Lors d’une passation, même très bien préparée, il est rare que la conti-
nuité du travail puisse être totalement assurée. Cela n’a pas une incidence
dommageable, loin de là. Le changement de professionnel peut redonner un
souffle nouveau, peut permettre à la personne de se présenter sous un jour
différent et, en quelque sorte, de laisser derrière elle un passé parfois lourd.
Il peut encore lui apprendre à mieux maîtriser sa relation et à élargir son
champ relationnel.
275
Méthodologie de l’intervention en travail social
276
La fin de l’intervention
9. Pincus A., Minahan A., Social Work Practice: Model and Method, op. cit., p. 279.
277
Méthodologie de l’intervention en travail social
longtemps travaillé sur des problèmes d’éducation des trois enfants issus du
premier mariage du père, vers la fin de l’intervention – d’abord différée à
leur demande –, confie au travailleur social leurs difficultés conjugales :
disputes, « ras le bol », projets de séparation.
Régression : le retour en arrière vers des formes de comportement pré-
existantes peut être une autre forme de réaction de la personne. Dans un
groupe, on peut assister à la résurgence de conflits anciens qui avaient
auparavant trouvé des solutions satisfaisantes, ou à des demandes
accrues de dépendance vis-à-vis du travailleur social ou du leader, souvent
accompagnées d’hostilité. Dans un travail individuel, on peut se trouver, par
exemple, face à une personne qui se montre soudainement incapable de
faire les démarches que, depuis un certain temps, elle exécutait sans pro-
blème : assister à une réunion à l’école, remplir un imprimé, amener un
enfant en consultation médicale. Ce retour en arrière est significatif de sa
peur face à l’avenir, de son désir de garder une relation sécurisante. Elle dit
par son comportement : « Vous voyez bien que je ne peux pas me passer de
vous ! »
Hostilité : l’usager confronté à l’imminence de la séparation peut mani-
fester son mécontentement. Il est mécontent de réaliser que la relation avec
le travailleur social est importante pour lui et que, sûrement, il va la regret-
ter. Il peut aussi se rendre compte combien sa dépendance est grande et qu’il
va regretter leurs rencontres. L’hostilité et le mécontentement peuvent être
exprimés ouvertement ou de façon voilée. Telle cette femme qui, lors de la
clôture, fait part de façon très agressive au travailleur social de tout ce
qu’elle pense des assistantes sociales avec des exemples à l’appui et des
invectives multiples. En fait, l’hostilité et le mécontentement vis-à-vis du
travailleur social peuvent lui faciliter la séparation et diminuer ou détourner
l’insécurité et la tristesse. Ils peuvent surtout déplacer les sentiments d’aban-
don : la personne n’est plus délaissée par le travailleur social, c’est elle qui
prend l’initiative de la rupture, c’est elle qui le quitte 10.
Récapitulation : l’usager parle du passé, récapitule ce qui pour lui consti-
tue des jalons importants. Cette récapitulation est parfois spontanée, elle est
très souvent sollicitée par le travailleur social au moment de l’évaluation
finale 11. Cet inventaire peut prendre des formes particulières lorsqu’il s’agit
d’un groupe ; les membres peuvent avoir envie de partager leurs souvenirs
sur telle ou telle réunion ou activité, telle ou telle fête ou rencontre. Des
longs échanges détaillés peuvent avoir lieu. Même le retour en arrière est
fréquent : on regarde les photos (ou autres documents témoignant du passé
commun), on organise une nouvelle promenade (ou autre) au même endroit
que par le passé, et ainsi de suite.
278
La fin de l’intervention
12. Whittaker J., Social Treatment: an Approach to Interpersonal Helping, op. cit., p. 157.
279
Méthodologie de l’intervention en travail social
280
La fin de l’intervention
Une profession
Le travail social est une profession qui se propose de promouvoir des
changements au niveau des personnes et de la société afin d’améliorer leur
bien-être et leur participation citoyenne. Dans ce sens, la définition de la
Fédération internationale de travailleurs sociaux (FITS) fait consensus :
« Le travail social est une pratique professionnelle et une discipline. Il promeut
le changement et le développement social, la cohésion sociale, le pouvoir d’agir
et la libération des personnes. Les principes de justice sociale, de droit de la
personne, de responsabilité sociale collective et de respect des diversités sont au
cœur du travail social. Étayé par les théories du travail social, des sciences
sociales, des sciences humaines et des connaissances autochtones, le travail
social encourage les personnes et les structures à relever les défis de la vie et agit
pour améliorer le bien-être de tous.
Le travailleur social intervient avec les personnes dans une relation où l’adhésion
et la confiance sont indispensables. Lorsque cela n’est pas possible, son travail
est très limité. On parlera alors d’aide contrainte ou même de contrôle social 1. »
283
Méthodologie de l’intervention en travail social
Une pratique
Dans sa pratique, le travailleur social intervient dans le lien entre la per-
sonne et la société ; il est ainsi au croisement de rationalités différentes 2 :
–– l’usager, avec son vécu, son histoire, ses difficultés actuelles, mais
aussi ses compétences, ses forces, ses capacités ;
–– l’institution ou organisme, qui lui confie des missions inscrites dans des
politiques sociales publiques et définit la p opulation à laquelle il s’adresse.
En prolongement de ce service employeur, les autres institutions d’action
sociale, partenaires de l’action entreprise et ressources mobilisables au béné-
fice de la personne aidée ;
–– l’environnement avec les liens d’appartenance, les caractéristiques de
la vie sociale, des réseaux formels et informels, des groupes constitués, des
ressources et dynamismes existants ;
–– son propre savoir et savoir-faire : sa manière de concevoir son rôle,
de l’habiter, ses compétences, sa déontologie.
Ainsi, la pratique est fonction de, et influencée par :
–– le contexte où elle s’exerce, tant à niveau microsocial que macrosocial ;
–– la compétence acquise, le savoir-faire et les valeurs du professionnel.
Le travailleur social appréhende cette diversité de composantes, les
reconstruit et les transforme en décisions d’intervention, celle-ci découle de
la démarche diagnostique du travailleur social. Il s’agit toujours d’une com-
préhension globale et complexe des situations et des problèmes posés, d’une
analyse des forces en jeu et des possibilités de changement. C’est cette
capacité d’élaborer une évaluation diagnostique qui confère au travailleur
social son autonomie technique et sa capacité d’action.
284
Conclusion
3. Voir Autès M. (1999), Les paradoxes du travail social, Paris, Dunod ; De Robertis C.
(2008), « Positionnement professionnel : face aux mutations mobilisons nos compétences »,
Revue française de service social, n° 230, 3e trimestre.
Table des sigles
287
Méthodologie de l’intervention en travail social
289
Méthodologie de l’intervention en travail social
Bonjour P., Corvazier F. (2003), Repères déontologiques pour les travailleurs sociaux.
Le livre des avis du Comité national des avis déontologiques, Ramonville, Érès,
coll. « Connaissances de l’éducation ».
Bouquet B. (2017), Éthique et travail social. Une recherche de sens, Paris, Dunod
(3e édition).
Bousquet C., Marxer A. (2009), Oser de nouveaux réflexes professionnels. Entre subir
et agir, Lyon, Chronique sociale, coll. « Comprendre la société ».
Boutanquoi M. (2001), Travail social et pratique de la relation d’aide, Paris,
L’Harmattan, coll. « Savoir et formation ».
Centre d’études et de formation continue (1980), Vers des pratiques de réseaux. Pour
un renouvellement méthodologique en service social, Genève, éditions IES, coll.
« Champs professionnels ».
Chaput-Le Bars C. (2017), Histoires de vie et travail social, Rennes, Presses de
l’EHESP, coll. « Politiques et interventions sociales ».
Cohen-Emerique M. (2015), Pour une approche interculturelle en travail social,
Rennes, Presses de l’EHESP, coll. « Politiques et interventions sociales » (2e édi-
tion).
Cohen-Emerique M., Rothberg A. (2015), La méthode des chocs culturels. Manuel
de formation en travail social et humanitaire, Rennes, Presses de l’EHESP, coll.
« Politiques et interventions sociales ».
Conseil supérieur du travail social (1988), Intervention sociale d’intérêt collectif,
ministère des Affaires sociales et de l’Emploi, Paris, La Documentation française.
— (1998), L’intervention sociale d’aide à la personne, Rennes, Éditions ENSP, coll.
« Politiques et interventions sociales » (nouvelle édition, 2014).
— (2001), Éthique des pratiques sociales et déontologie des travailleurs sociaux,
Rennes, Éditions ENSP, coll. « Rapports du CSTS ».
— (2010), Développer et réussir l’intervention sociale d’intérêt collectif, Rennes,
Presses de l’EHESP, coll. « Rapports du CSTS ».
Crapuchet S., Salomon G.-M. (1992), L’intervention dans le champ du social, Toulouse,
Privat.
Danancier J. (2004), Le projet individualisé dans l’accompagnement éducatif.
Contexte, méthode, outils, Paris, Dunod, coll. « Action sociale ».
Dane C. (2005), Travailler avec les quartiers en difficulté, Paris, Dunod.
David M. (1962), L’aide psychosociale, Paris, PUF.
De Béchillon C. (1998), Aider à vivre : propos sur le travail social, Ramonville,
Érès coll. « Trajets ».
De Bray L., Tuerlinckx J. (1955), Social case work, Bruxelles, Éditions COMETS.
De Robertis C. (dir.) (1993), Le contrat en travail social, Paris, Bayard, coll. « Travail
social ».
De Robertis C., Orsoni M., Pascal H., Romagnan M. (2014), L’intervention sociale
d’intérêt collectif, Rennes, Presses de l’EHESP, coll. « Politiques et interventions
sociales ».
De Robertis C., Pascal H. (1995), L’intervention collective en travail social, groupes
et territoires, Paris, Bayard, coll. « Travail social ».
Depenne D. (2014), Éthique et accompagnement en travail social, Paris, ESF éditeur,
coll. « Actions sociales ».
290
Bibliographie
291
Méthodologie de l’intervention en travail social
Grilhot Besnard M.-O. (2013), Le secret professionnel, Paris, ESF éditeur, coll.
« Mémentos du travail social ».
Guélamine F. (2006), Le travail social face au racisme. Contribution à la lutte contre
les discriminations, Rennes, Éditions ENSP, coll. « Politiques et interventions
sociales ».
Guellil A., Guitton-Philippe S. (2009), Construire une démarche d’expertise en inter‑
vention sociale, Paris, ESF éditeur, coll. « Actions sociales ».
Hamilton G. (1972), Théorie et pratique du case work, Clermont-Ferrand, École
psychologique et sociale interrégionale.
Heap K (1987), La pratique du travail social dans les groupes, Paris, ESF éditeur.
Henderson P., Thomas D. (1992), Savoir faire en développement local, Paris, Bayard,
coll. « Travail social ».
Informations sociales (2000), « Travail social : l’individu, le groupe, le collectif »,
n° 83, Paris, CNAF.
Inspection générale des affaires sociales (2006), « L’intervention sociale, un travail
de proximité », rapport annuel 2005, Paris, La Documentation française.
Jacobson V., Minello P. (1970), Le travail social en équipe, Toulouse, Privat.
Jouffray C. (2018) (dir.), Développement du pouvoir d’agir des personnes et des
collectifs. Une nouvelle approche de l’intervention sociale, Rennes, Presses de
l’EHESP, coll. « Politiques et interventions sociales » (nouvelle édition).
Jouffray C. en collaboration avec Demailly A. (1997), L’action sociale collective en
collège. Les ressorts de l’innovation dans un établissement scolaire, Paris,
L’Harmattan, coll. « Le travail du social ».
Julier C. (1984), La supervision. Son usage en travail social, Genève, éditions IES,
coll. « Champs professionnels ».
Kim Berg L. (1998), Services axés sur la famille. Une approche centrée sur la solu‑
tion, Ramonville, EDISEM/Érès.
La Revue française de service social (1995), « Accueillir : premier acte social »,
n° 179, 4e trimestre, Paris, ANAS.
— (2000), « Travail social, les fondements de la méthode. Méthodologies et tech-
niques », n° 198, septembre, Paris, ANAS.
— (2001), « Le dossier social », n° 203, décembre, Paris, ANAS.
— (2002), « Le partage de l’information », n° 205, juin, Paris, ANAS.
— (2005), « Service social en 2005. Les fondements de la méthode. Méthodologie et
technique », n° 217, juin, Paris, ANAS.
— (2006), « Responsabilité professionnelle et accompagnement social », n° 223‑224,
décembre, Paris, ANAS.
— (2009), « Osons le collectif : changer de regard, changer de positionnement »,
n° 232, 1er trimestre, Paris, ANAS.
— (2015), « ISIC : des pratiques actuelles à l’intelligence collective », n° 259, 4e tri-
mestre, Paris, ANAS.
— (2016), « Le développement social aujourd’hui, pour qui ? pour quoi ? », n° 260,
1er trimestre, Paris, ANAS.
— (2017), « La clinique en travail social : l’évolution de notre corps de métier »,
n° 265, 2e trimestre, Paris, ANAS.
292
Bibliographie
293
Méthodologie de l’intervention en travail social
295
Autres publications des auteurs
De Robertis C. (dir.) (1993), Le contrat en travail social, Paris, Bayard, coll. « Travail
social ».
— (2003), Fundamentos del Trabajo Social. Etica y metodología, Valencia (Espagne),
Editorial Nau Llibres, Ediciones Culturals Valencianes, SA.
— (2011), Herman C. Kruse. Un reconceptualizador del servicio social, Buenos Aires
(Argentine), Editorial Lumen-Humanitas.
De Robertis C., Orsoni M., Pascal H., Romagnan M. (2014), L’intervention sociale
d’intérêt collectif. De la personne au territoire, Rennes, Presses de l’EHESP, coll.
« Politiques et interventions sociales ».
De Robertis C., Pascal H. (1987), L’intervention collective en travail social. L’action
auprès des groupes et des communautés, Paris, Bayard, coll. « Travail social »
(traductions espagnole et polonaise).
Pascal H. (2012), La construction de l’identité professionnelle des assistantes sociales.
L’Association nationale des assistantes sociales (1944‑1950), Rennes, Presses
de l’EHESP, coll. « Politiques et interventions sociales ».
— (2014), Histoire du travail social en France. De la fin du xixe siècle à nos jours,
Rennes, Presses de l’EHESP, coll. « Politiques et interventions sociales ».
296
Table des matières
297
Méthodologie de l’intervention en travail social
international
Travail social sans frontières : innovation et adaptation (2013)
Philippe Hirlet, Jean-Louis Meyer, Yvette Molina, Béatrice Muller (dir.) dans le cadre
de l’UNAFORIS – Préface de Pierre Gauthier
Méthodologie
en travail social
Cristina De Robertis
travail social
demeure la référence pour la formation aux méthodes du travail
social. Traduit en plusieurs langues, il représente une contribution
fondamentale à la construction internationale du travail social.
Cette nouvelle édition a été révisée et actualisée en tenant compte
des évolutions récentes des problématiques et des terminologies. en
Parce qu’une profession n’existe pas sans un ensemble de connais-
sances transmissibles et un cadre conceptuel général intégrant la
diversité des approches et des modèles, ce livre contient les éléments
de base indispensables pour le savoir-faire professionnel (processus Cristina De Robertis
historique de construction de la méthodologie, liens entre travail
social et sciences sociales, concepts et élaboration de la méthodo-
logie d’intervention et étapes du processus d’intervention), tout
en contribuant à la construction d’une professionnalité créative Nouvelle édition
et impliquée.
Les étudiants et praticiens du travail social (re)découvriront ici un
véritable manuel de formation professionnelle, initialement destiné
aux futurs assistants de service social, mais dont l’audience s’est
depuis élargie à d’autres formations en travail social. Ils y trouveront
un outil d’analyse et de réflexion proposant des repères pour une
plus grande aisance pratique, et un cadre conceptuel général pour
penser leur savoir-faire professionnel.
Cristina De Robertis, assistante sociale et ancienne directrice d’un Institut
de formation en travail social, a enseigné la méthodologie d’intervention
individuelle et collective et a écrit plusieurs livres et articles sur ce thème.
Henri Pascal, sociologue, ancien formateur-chercheur dans des centres
de formation et président du Groupe de recherche en histoire du service
social (GREHSS), a enseigné la méthodologie d’intervention collective
et l’histoire du travail social.
Françoise Lesimple, assistante sociale, titulaire du diplôme supérieur en
travail social et ancienne chef du service d’action sociale à l’ordre des avocats
au Barreau de Paris, a enseigné en formation initiale et supérieure dans
un centre de formation à Paris, dont elle a été directrice adjointe.
ISBN : 978-2-8109-0684-0
35 € www.presses.ehesp.fr