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Jean-Marie Besse
Des psychologues
à l’école ?
À Nicole Pradel, qui a accompagné
ce livre depuis les débuts.
À tous ceux qui vont ou iront bientôt
à l’école et pour qui ce livre a été écrit.
Annexe
• Code de déontologie des psychologues 271
Présentation des auteurs
5
Des psychologues dans
ou hors de l’école ?
Jean-Marie Besse
7
Des psychologues à l’école ?
2. Elles sont à peine évoquées dans le rapport Thélot, sur l’état de l’école en France (2004).
8
Des psychologues dans ou hors de l’école ?
9
Des psychologues à l’école ?
10
PREMIÈRE
PARTIE
Chemins faisant:
quand l’école
et la psychologie
se rencontrent
INTRODUCTION
Jean-Marie Besse
13
Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
Il reviendra un peu plus tard, en 1952, sur ce que doit être, selon lui,
la mission principale des psychologues scolaires : « au lieu de se consa-
crer à des problèmes de sélection, le psychologue scolaire doit avoir pour
objectif premier le développement maximum des potentialités culturelles
et éducatives de chacun » ou encore : « le psychologue scolaire doit aider
l’enfant à se révéler2. »
14
Des débuts de la psychologie scolaire à son organisation actuelle
3. Une des missions confiées au psychologue scolaire consiste en effet à informer les ensei-
gnants, le plus fréquemment à leur demande, sur la psychologie de leurs élèves, qu’il s’agisse
des capacités et des modalités d’apprentissage ou des conditions individuelles et sociales
d’acquisition des savoirs ; cette information est notamment acquise par le psychologue grâce
aux données recueillies par l’observation et l’examen psychologiques individuels, un travail
clinique, donc.
15
CHAPITRE 1
Jean Simon
1. ZAZZO R. : Conduites et conscience. Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1968, pp. 253 sqq.
2. BINET A. : Les Idées modernes sur les enfants. Paris, Flammarion, 1911.
17
Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
logie scolaire. Bien qu’il eût son laboratoire de pédagogie rue de la Grange-
aux-Belles, et bien qu’il restât préoccupé par les problèmes de l’école, des
écoliers, des enseignants, il fut peut-être perçu comme un étranger dans
l’école, marqué qu’il était avant tout par son propre souci de chercheur en
psychologie et en pédagogie expérimentale.
C’est à Henri Wallon que l’on doit la création et la définition de la
psychologie scolaire. Comme Binet, il travaille auprès des enfants, comme
Binet, il a un laboratoire dans une école, à Boulogne-Billancourt.
Le concept de psychologue scolaire se construit lors des travaux accom-
plis par les milieux de la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale,
puis il apparaît dans le projet de réforme de l’enseignement publié en
1947 (dit « projet Langevin-Wallon »), sous le titre IV qui concerne les
« organes de contrôle et de perfectionnement » ; le contrôle est pédago-
gique sur les maîtres (par l’inspection) et psychologique sur les élèves. Ce
contrôle psychologique, ce sera la psychologie scolaire.
18
Pourquoi des psychologues « scolaires » ? Retour sur les débuts de la psychologie scolaire
L’équipe « parisienne »
L’originalité de cette première équipe fut d’avoir simultanément
reçu une formation complémentaire, commencé à exercer la fonction de
psychologue scolaire et contribué à des recherches entreprises par Zazzo
– recherches qui servaient aussi aux psychologues scolaires.
L’équipe des psychologues scolaires se réunissait une fois par semaine.
La première de ces réunions rassembla les psychologues scolaires, au labo-
ratoire de psychobiologie de l’enfant, autour d’Henri Wallon et de René
Zazzo. Wallon exposa les objectifs de la psychologie scolaire ; il insista
sur l’aspect général de la fonction qui ne devait pas être considérée seule-
ment comme un moyen de dépistage des retardés mentaux, mais qui
devait s’attacher à la fois à comprendre les enfants à problèmes et à consti-
tuer une documentation psychologique sur tous les écoliers, à répondre
19
Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
aux demandes des instituteurs et aux divers besoins de l’école. Les jeunes
néophytes écoutaient, intimidés d’être si près du Maître, et se posaient
quelques questions pratiques si bien que, finalement, l’un d’eux se risqua
à dire : « Mais, monsieur, nous n’avons pas de matériel, même pas un
Binet-Simon5. » Wallon répondit que, pour faire de la psychologie, il suffi-
sait d’un crayon et d’une feuille de papier ; il se leva, quitta la salle…
Ce propos traduit bien l’aspect méthodologique si important dans la
pratique psychologique de Wallon et que l’on retrouve dans toute son
œuvre : insistance sur l’observation et place accordée à l’entretien. Mais
il témoigne aussi de la confiance faite à Zazzo, dont l’intérêt pour la
méthode des tests était connu ; cette confiance pour les choix méthodo-
logiques de ses collaborateurs est à mettre en lien avec ses remarques sur
les tests qui peuvent permettre d’observer, chez leurs utilisateurs, « tous
les degrés de la sagacité et tous les degrés de la niaiserie6 » et qu’il convient
d’utiliser comme un moyen de mesure et comme une expérience conduite
avec une méthode clinique.
20
Pourquoi des psychologues « scolaires » ? Retour sur les débuts de la psychologie scolaire
21
Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
22
Pourquoi des psychologues « scolaires » ? Retour sur les débuts de la psychologie scolaire
nous avions dressé, pour chaque classe, un tableau comportant les années
de naissance en abscisses et les cours en ordonnées, il était facile de
repérer les correspondances entre âge mental et position d’avance, de
normalité ou de retard ; de plus, en comparant ces données avec les résul-
tats scolaires, il était possible d’établir un dossier psychopédagogique
sommaire. Pour les cas qui posaient un problème (des discordances entre
ces données), des entretiens avec l’enfant, son instituteur, ses parents
complétaient l’ensemble des données.
Ainsi fonctionnèrent les psychologues scolaires, en exerçant le mieux
possible leur métier, perfectionnant les instruments dont ils disposaient,
en créant de nouveaux, participant à des recherches.
11. L’équipe participa également à l’étalonnage français du test dit Weschler Intelligence Scale
for Children, le bien connu WISC. Ce travail fut largement (!) récompensé, car le distribu-
teur fit cadeau d’un WISC à chaque école. Voir aussi le chapitre 6, p. 121.
23
Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
soit au milieu d’un côté, soit dans le prolongement des diagonales ; donc,
huit types différents répartis de façon aléatoire dans la feuille. Chaque feuille
porte en haut le modèle à barrer : un type pour le premier barrage, deux
pour le second. L’épreuve consiste à barrer tous les carrés identiques aux
modèles. Le test fut étalonné, avec l’aide de psychologues scolaires, sur une
population de neuf classes d’âge : de six ans à quatorze ans pour le primaire.
24
Pourquoi des psychologues « scolaires » ? Retour sur les débuts de la psychologie scolaire
25
Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
La psychologie-scolaire
Sur la base de notre expérience de psychologue scolaire et de notre
réflexion actuelle sur cette fonction, nous voudrions avancer quelques
propositions, et tout d’abord introduire un choix entre « psychologue
scolaire » et « psychologue-scolaire ». Dans le premier cas, le terme scolaire
a une fonction d’épithète ; dans le second cas, il s’agit d’un nom composé.
Cette distinction nous apparaît fondamentale car elle paraît marquer un
point de rupture entre le psychologue scolaire et les autres psychologues.
À côté des tâches du psychologue-scolaire que nous avons décrites, il y a
aussi ce que permet sa disponibilité dans l’école : l’élève peut se confier
à lui et passer alors du statut d’élève au statut de personne. Le psycho-
logue-scolaire peut servir d’intermédiaire entre l’élève, l’enseignant et les
parents. Il n’est pas seulement celui qui utilise les tests.
Il nous semble qu’il faut continuer à recruter les psychologues-scolaires
parmi les instituteurs ou professeurs d’école : si le psychologue-scolaire
n’a plus l’obligation préalable d’avoir enseigné, il connaîtra moins bien
ce qu’est une classe et ce qu’est un élève, ce qu’est la lourde tâche d’ensei-
gner. Il pourra exister un risque d’incompréhension quant à la nature des
problèmes de l’écolier et quant aux remèdes possibles. Un autre risque
serait celui de trop centrer l’action psychologique sur les enfants en diffi-
culté alors qu’un suivi un peu plus précis et un peu plus approfondi de
tous les élèves nous paraît nécessaire.
Nous souhaitons que la formation à la psychologie scolaire ait une
certaine unité de conception et que les tâches confiées à la psychologie
scolaire manifestent également cette unité ; une « certaine unité » ne veut
pas dire uniformité, car de la diversité peut surgir du nouveau, en parti-
culier dans la recherche.
Bien évidemment, l’échec scolaire est un très grave handicap pour les
enfants qui vont entrer dans la vie professionnelle. Pour éviter cet échec,
l’apport du psychologue scolaire est important et peut aider à trouver
des solutions sinon à tous les problèmes mais, du moins, à l’échec scolaire.
Dans cette perspective, le psychologue scolaire n’est pas rien, mais il n’est
pas tout non plus.
26
Pourquoi des psychologues « scolaires » ? Retour sur les débuts de la psychologie scolaire
Bibliographie
BINET A. : Les Idées modernes sur les enfants. Paris, Flammarion, 1911.
FIJALKOW J. : Mauvais lecteur pourquoi ? Paris, PUF, 1996 (2e édition).
INIZAN A. : Le Temps d’apprendre à lire. Paris, Armand Colin, 1963.
LOURENÇO F. : Test ABC. Buenos Aires, Kapelusz, 1937.
PRUDHOMMEAU M. : Le Dessin de l’enfant. Paris, PUF, 1951.
SIMON J. : Psychopédagogie de l’orthographe. Paris, PUF, 1954.
– L’Intégration scolaire des enfants handicapés. Paris, PUF, 1988.
WALLON H. : Principes de psychologie appliquée. Paris, Armand Colin, 1930.
– « Préface » in Enfance. 1, 5-7, 1948.
ZAZZO R. : Le Devenir de l’intelligence. Paris, PUF, 1946.
– « Note sur la psychologie scolaire en France » in Enfance. 1, 80-84, 1948.
– « Rectification du Binet-Simon » in Enfance. 4, 366, 1949.
– Conduites et conscience. Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1968.
ZAZZO R. et al. : Manuel pour l’examen psychologique de l’enfant. Neuchâtel,
Delachaux et Niestlé, 1964.
27
CHAPITRE 2
La psychologie scolaire
des années 1960-1970 :
René Zazzo et la méthode
du diagnostic progressif
appliquée à l’enfant-problème
Gérard Chauveau
29
Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
30
La psychologie scolaire des années 1960-1970 : René Zazzo
5. ZAZZO R., DAGUE P. et al. : « WISC et NEMI : Premiers résultats d’une étude compa-
rative » in Enfance. 3-4, 1975.
6. ZAZZO R. et al. : Nouvelle Échelle métrique de l’intelligence (tome 1). Paris, Armand Colin,
1966.
7. ZAZZO R. : « Préface » à INIZAN A., op. cit.
8. ZAZZO R. et al. : Nouvelle Échelle métrique de l’intelligence (tome 1), op. cit.
9. Idem.
31
Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
Comprendre l’enfant-problème
Mais l’examen psychologique de l’enfant-problème ne soulève pas
seulement des problèmes « techniques » : quels instruments, quels maté-
riels utiliser ? Comment s’en servir ? Il pose également des questions « stra-
tégiques » assez redoutables : quelle démarche, quelle progression mettre
en œuvre ? Comment s’y prendre pour avancer vers une conclusion précise
et rigoureuse (le diagnostic) ?
La pratique classique consiste à employer une batterie d’épreuves préa-
lablement établie. René Zazzo pense qu’elle ne vaut que pour répondre
à une question très limitée ou pour éprouver une hypothèse déjà bien
délimitée. Par exemple, les résultats à une épreuve d’intelligence (la NEMI
et/ou le WISC) laissent supposer une débilité chez l’enfant examiné. Pour
diagnostiquer entre vraie débilité et pseudo-débilité, le psychologue peut
alors utiliser une batterie d’épreuves – « la batterie-débilité10 » – qui
permet de comparer le profil de l’enfant au profil type du débile mental11.
Mais, dans la majorité des cas des « élèves en difficulté à l’école », René
Zazzo propose d’avancer pas à pas, sans programme fixé à l’avance : c’est
la méthode du diagnostic progressif. On peut essayer de la décrire à partir
de quelques situations fréquentes pour un psychologue scolaire.
Imaginons un enfant de huit ans « en échec scolaire ». Le psychologue
veut comprendre cet échec. Il peut commencer par appliquer la NEMI,
« qui donne une estimation des qualités requises par l’école12 ». Il établit
d’abord le score global, l’âge mental et le QI. Il importe de savoir, évidem-
ment, si l’enfant se situe dans la zone de normalité. Mais cela ne suffit
pas : un QI de 90 (à la NEMI) est l’indice d’un niveau intellectuel sub-
10. Mise au point par René Zazzo et l’équipe de l’hôpital Henri Rousselle.
11. ZAZZO R. et al. : Les Débilités mentales. Paris, Armand Colin, 1969.
Et ZAZZO R. et al. : Nouvelle Échelle métrique de l’intelligence (tome 1), op. cit.
12. ZAZZO R., DAGUE P. et al., op. cit.
32
La psychologie scolaire des années 1960-1970 : René Zazzo
13. Voir par exemple CHILAND C. : L’enfant de six ans et son avenir. Paris, PUF, 1971.
33
Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
14. ZAZZO R. et al. : Nouvelle Échelle métrique de l’intelligence (2 tomes), op. cit.
15. ZAZZO R., DAGUE P. et al., op. cit.
34
La psychologie scolaire des années 1960-1970 : René Zazzo
35
Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
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La psychologie scolaire des années 1960-1970 : René Zazzo
37
Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
21. Idem.
22. ZAZZO R. et al. : Nouvelle Échelle métrique de l’intelligence (tome 1), op. cit.
23. ZAZZO R., DAGUE P. et al. : « WISC et NEMI : Premiers résultats d’une étude compa-
rative », op. cit.
38
La psychologie scolaire des années 1960-1970 : René Zazzo
où l’on fait les comptes ou dans l’art de faire une addition (qui aboutit
par exemple à un âge mental ou à un QI) ; elle se trouve « dans la lecture
intelligente de cette addition24 ».
24. ZAZZO R. et al. : Nouvelle Échelle métrique de l’intelligence (tome 1), op. cit.
25. ZAZZO R. : Psychologie et marxisme. Paris, Denoël-Gonthier, 1975, p. 25.
26. ZAZZO R. et al. : Nouvelle Échelle métrique de l’intelligence (tome 1), op. cit.
27. Idem, p. 000.
28. Idem, p. 176.
39
Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
servent des tests d’intelligence. Ils nous disent par exemple que tel enfant
« dyslexique » a une intelligence normale et que, par conséquent, il n’y
a aucun lien entre son trouble d’apprentissage de la lecture-écriture et
ses capacités intellectuelles. De tels propos ignorent au moins trois
données essentielles… mentionnées par René Zazzo il y a trente ans.
• Un QI de 87 ou 90 à la NEMI ou à l’ensemble du WISC, bien que
« normal », n’est pas assimilable à un QI de 107 ou 109, lui aussi normal.
L’enfant de six ans qui a un QI de 87 (à l’un de ces deux tests) a bien
moins de chances de réussir l’apprentissage de la lecture que celui qui a
un QI de 109. Il faut se souvenir que l’un des meilleurs prédicteurs de la
réussite en lecture au CP est le score global obtenu à un test de type
NEMI ou WISC.
• Un QI non verbal (ou de performance) de 87 ou 90 ne suffit pas à
dire que l’enfant a une intelligence normale. S’il a un QI verbal de 70
(au WISC par exemple), on peut parler de niveau intellectuel insuffisant
et de « dissociation » entre son intelligence verbale et son intelligence
non verbale.
• Un QI normal de 90 ou 100 à la NEMI ou au WISC peut aller de
pair avec des échecs « anormaux » à tel item ou à tel sub-test qui tradui-
sent peut-être une déficience dans une capacité cognitive particulière.
À l’opposé, d’autres psychologues refusent tout recours aux tests, et en
particulier aux tests d’intelligence globale type NEMI ou WISC. Ils se
privent ainsi du « constat de base29 », c’est-à-dire des premiers éléments
d’un diagnostic rigoureux et fiable, des données premières (basiques) qui
permettent d’orienter l’investigation et l’appréhension des « problèmes »
de l’enfant-élève.
Reprenons l’exemple ci-dessus. Ces psychologues ne peuvent pas voir
que ces deux enfants de six ans normalement intelligents ont en réalité
des « niveaux » et des rendements intellectuels très différents. Entre le
premier qui a un QI de 87 à la NEMI (âge mental : cinq ans deux mois)
et le second qui a un QI de 109 (âge mental de six ans six mois), il y a
plus d’un an de différence d’âge mental. Ces psychologues se privent aussi
des repères précis que fournit l’analyse des deux examens pour dessiner
la personnalité intellectuelle de ces deux enfants. Y a-t-il des échecs « anor-
maux » à tel ou tel item ? des réussites surprenantes à tel autre ? Des
différences importantes entre les épreuves à expression verbale et les
épreuves avec manipulation ? Quels sont les réussites et les échecs les plus
significatifs ? Etc.
40
La psychologie scolaire des années 1960-1970 : René Zazzo
41
Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
31. ZAZZO R. : Psychologie et marxisme, op. cit., pp. 90 sqq et pp. 140 sqq.
Et ZAZZO R. : Conduites et conscience (volume 2). Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1968.
42
La psychologie scolaire des années 1960-1970 : René Zazzo
Bibliographie
BOURGES S. : Approche génétique et psychanalytique de l’enfant, Neuchâtel,
Delachaux et Niestlé, 1984.
CHAUVEAU G. : « Des psychologies scolaires » in Psychologie scolaire. 42, 1982.
CHILAND C. : L’enfant de six ans et son avenir. Paris, PUF, 1971.
ZAZZO R. : « Préface » à INIZAN A. : Le Temps d’apprendre à lire. Paris, Colin-
Bourrelier, 1963.
– Conduites et conscience (2 vol.). Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1962 et 1968.
– Psychologie et marxisme. Paris, Denoël-Gonthier, 1975.
ZAZZO R. et al. : Manuel pour l’examen psychologique de l’enfant (tome 1).
Neuchâtel, Delachaux et Niestlé, 1960.
– Nouvelle Échelle métrique de l’intelligence (2 tomes). Paris, Armand Colin, 1966.
– Les Débilités mentales. Paris, Armand Colin, 1969.
ZAZZO R., DAGUE P. et al. : « WISC et NEMI : Premiers résultats d’une étude
comparative » in Enfance. 3-4, 1975.
43
CHAPITRE 3
Jean-Marie Besse
1. Organisé par l’ISPA (International School Psychology Association) en juillet 2001 à Dinan.
45
Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
46
La psychologie dans l’institution scolaire, aujourd’hui
Ces missions sont ensuite détaillées dans la même circulaire, sur la base
des types d’intervention prévus pour les psychologues scolaires :
47
Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
48
La psychologie dans l’institution scolaire, aujourd’hui
49
Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
d’un poste – par les autorités académiques dépend d’un « équilibre » perçu
ou atteint par ces dernières, en fonction de paramètres, de contraintes
et de pressions de diverses natures.
– Les emplois de psychologues scolaires ne sont accessibles qu’à des
instituteurs (ou professeurs d’école) ayant exercé leurs fonctions au moins
trois ans et titulaires d’une licence de psychologie. Or, l’exemple des pays
étrangers fait apparaître que cette condition – avoir déjà exercé comme
enseignant – est plutôt une particularité française : quel est donc l’apport
réel de cette expérience d’ancien enseignant pour l’exercice de la fonc-
tion de psychologue scolaire ?
– Une autre interrogation tient à la comparaison entre le niveau de
formation requis pour exercer la psychologie dans le système éducatif –
une licence de psychologie, plus une année de formation spécifique – et
le niveau exigé pour l’exercice de la psychologie dans les autres secteurs
(autres ministères, autres institutions, exercice en libéral, par exemple) :
les « autres » psychologues formés en France – tous ceux donc qui n’exer-
cent pas dans l’Éducation nationale (école primaire) – effectuent actuel-
lement leur année de formation professionnelle au terme, non pas de la
licence de psychologie, mais d’une licence et d’une maîtrise de psycho-
logie, c’est-à-dire une année de plus que les psychologues scolaires3. Cette
exigence de formation universitaire de psychologues en cinq années, et
ce n’est pas là le moindre des paradoxes de la situation présente, est
formulée par… le ministère de l’Éducation nationale lui-même ! Pourquoi
le même ministère, qui exige que les psychologues qu’il forme – dans les
universités – aient au moins cinq ans de formation, recrute-t-il ses propres
psychologues à un niveau moindre de formation4 ?
– Enfin, cette double condition au recrutement de psychologues
scolaires se révèle, dans les faits, une contrainte impossible à tenir : le
nombre des enseignants de l’école primaire titulaires d’une licence de
psychologie a singulièrement diminué depuis la création des IUFM – des
« quotas » ont alors été établis, sous la forme de points accordés aux candi-
dats en fonction de la filière universitaire suivie jusqu’à la licence, pour
le recrutement des étudiants admis en première année d’IUFM ; les
3. Dans le cadre des réformes des études universitaires actuelles (LMD) conduites pour des
motifs d’harmonisation européenne, le niveau « maîtrise » est dissocié du niveau « licence »
pour entrer dans l’entité « Master » dont il forme la première année.
4. Le débat sur la situation des psychologues en Europe fait apparaître que la durée de
formation des psychologues dans d’autres pays est de six ans – la sixième année étant alors
parfois organisée sous la responsabilité des organisations professionnelles de psychologues.
50
La psychologie dans l’institution scolaire, aujourd’hui
étudiants titulaires d’une licence de psychologie sont parmi ceux qui, dans
ces critères, ont le nombre de points le plus faible – de sorte que le
« vivier » d’instituteurs ou de professeurs d’école titulaires de la licence
de psychologie (et donc susceptibles d’occuper des postes de psychologues
scolaires) s’assèche dangereusement dans la plupart des départements.
Aussi bien, des inspections académiques en viennent-elles à nommer
sur des postes de psychologues scolaires devenus vacants du fait de la
pénurie de personnels qualifiés remplissant les conditions institutionnel-
lement exigées, des instituteurs ou professeurs d’école titulaires d’un
diplôme de psychologie (licence, maîtrise, DESS5 ou DEA6 professionna-
lisant), sans leur assurer de formation spécifique, contribuant ainsi à
accroître la confusion et les contradictions.
51
Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
8. Nous ne disposons pas d’enquête systématique sur l’investissement des différentes missions
par les psychologues scolaires ; nous pouvons seulement nous référer à notre expérience au
centre de formation des psychologues scolaires de Lyon : lorsque nous avons demandé à
deux promotions de stagiaires en formation de développer une réflexion sur ces deux
dernières missions, dans le cadre de leur rapport de stage et en appui sur ce qu’ils obser-
vent auprès de leur maître de stage (toujours un psychologue scolaire), nous avons eu cet
écho massif : « Nos maîtres de stage ne se sentent pas vraiment concernés par cette mission. »
La consultation des thèmes sur lesquels publient des psychologues scolaires n’infirme pas
ce constat.
52
La psychologie dans l’institution scolaire, aujourd’hui
9. C’est donc le recrutement de chercheurs qui est ici valorisé ; les profils de poste publiés
évoquent fréquemment le fait qu’une « expérience en formation des maîtres est souhaitée ».
53
Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
La formation en psychologie
Pour ce qui concerne le temps de formation en psychologie des
futurs professeurs d’école, formés donc en IUFM, il varie selon les IUFM
et leur plan de formation. D’autre part, les deux années d’IUFM ne sont
guère comparables et il n’est pas très pertinent de cumuler, pour les
mêmes futurs professeurs d’école, la formation reçue en première et celle
reçue en deuxième année : c’est que la première année est principale-
ment centrée sur la réussite au concours de recrutement10, curieusement
situé en fin de première année… et que les stagiaires de première année
d’IUFM ne réussissent pas tous le concours11, alors que la formation profes-
sionnelle n’intervient qu’en deuxième année d’IUFM12. Pour bien saisir
la place et la nature de la formation en psychologie dans les plans de
formation, il faudrait à la fois disposer des plans de formation de tous
les IUFM, identifier sous les libellés proposés l’intervention réelle d’ensei-
gnants qualifiés en psychologie et croiser ces informations avec le tableau
de service de ces derniers13. Si la psychologie apparaît parfois de manière
10. Comme l’indique le site de l’IUFM de Grenoble, par exemple, la première année d’IUFM
« est essentiellement consacrée à la préparation externe du concours de recrutement choisi
par l’étudiant » ; au cours de la deuxième année, les « lauréats des concours externes de
recrutement » sont « nommés professeurs stagiaires, ils reçoivent une formation qui met
l’accent sur l’acquisition des compétences nécessaires à l’exercice du métier d’enseignant ».
11. Ils ne le réussissent pas toujours, de plus, dans le centre IUFM où ils ont effectué leur
première année.
12. Ainsi, la durée réelle de formation professionnelle des professeurs d’école est-elle d’une
année : cette durée peut sembler bien courte – comparativement au temps de formation
professionnelle de bien d’autres métiers –, s’agissant de professionnels en contact durable
avec de jeunes enfants, un contact dont on sait l’importance pour tout le développement
de l’enfant.
13. Pour prendre un exemple, toujours celui de l’IUFM de Grenoble : son plan de formation
pour les années 2003-2006 a été adopté par le conseil d’administration de l’IUFM le 18 décembre
2002 ; il prévoit, pour les stagiaires d’IUFM de première année, au sein de la formation Sciences
humaines et sociales, un enseignement « Connaître le développement de l’enfant » de 42 heures
(14 heures de psychologie clinique et 28 de psychologie cognitive), et l’on compte encore 14
heures de psychologie du groupe classe au sein de l’enseignement « Organiser et gérer un
groupe classe ». Pour les professeurs des écoles (en deuxième année d’IUFM) des modules de
la formation commune et obligatoire sont déclinés selon quatre grandes rubriques (« Enseigner
54
La psychologie dans l’institution scolaire, aujourd’hui
55
CHAPITRE 4
Alain Nesme
L e travail d’équipe, au sein des Rased1 et avec les maîtres des classes,
est l’un des axes forts de la pratique psychologique dans les écoles élémen-
taires et maternelles, qui s’avère crucial dans l’abord des situations
d’enfants en grandes difficultés scolaires (élèves en « difficultés durables »,
pour reprendre l’expression en usage dans les textes officiels, cf. circu-
laire du 30 avril 2002). Nous nous demanderons ici si ce type de travail
ne pourrait pas apparaître comme un véritable « analyseur2 » du « malaise
scolaire », entendu comme le ressenti de l’écart entre les missions et les
idéaux de l’institution et ce qui est perçu par ses utilisateurs (enfants et
parents) et par ses agents (enseignants notamment), à propos tout parti-
culièrement des situations de ces enfants en grandes difficultés scolaires.
1. Le Rased (Réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté) est un dispositif regrou-
pant trois types de personnels : psychologues scolaires, maîtres « E » (enseignants spécialisés
dans l’aide « à dominante pédagogique ») et rééducateurs (ou maîtres « G », enseignants
spécialisés dans l’aide « à dominante rééducative »). Les lettres « E » et « G », couramment
usitées dans l’institution, correspondent aux codes des options de formation.
2. LOURAU R. : L’Analyse institutionnelle. Paris, éditions de Minuit, 1963.
57
Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
Hypothèses de base
Je ferai l’hypothèse que l’école, tout comme l’enfant, est confrontée
à une dimension d’impensable dans son rapport à l’échec scolaire, et que
ce non-pensé, ce non-mentalisé (portant sur une dimension cruciale de
son expérience), l’assaille et la ronge, littéralement, du dedans. Des consi-
dérations d’ordre épistémologique sont ici indispensables. À la différence
de l’éducateur ou du pédagogue, dont l’objet est foncièrement « positif »
(c’est-à-dire qu’ils utilisent la part de vie psychique disponible pour l’exer-
3. Au sens de « pas organisée pour ça… », car c’est bien la mission qu’elle se donne (autre
sens de « faite pour ça… »).
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L’École au risque de sa marge. Quelle place pour les élèves en grande difficulté ?
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Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
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L’École au risque de sa marge. Quelle place pour les élèves en grande difficulté ?
La question du tiers
Suivons l’exemple de Maurice Reuchlin9 et demandons-nous :
l’adjectif « scolaire », accolé au substantif « psychologue », désigne-t-il une
méthode spécifique, autrement dit une façon « scolaire » d’être psycho-
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Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
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L’École au risque de sa marge. Quelle place pour les élèves en grande difficulté ?
Le symptôme du psychologue-orienteur
Il faut essayer de comprendre ce qui se cache sous ce terme (car
si « orienter », au sens de délester l’école de ses éléments les plus gênants,
est bien une façon de « faciliter l’accomplissement de la tâche primaire de
l’institution », ce n’est évidemment pas de cette oreille que l’éthique incite
à l’entendre).
Je propose d’entendre le « malaise scolaire » comme le résultat d’un
conflit : tiraillée entre son idéal intégratif et sa mission normative, l’École
souffre du rapport qu’elle entretient avec sa propre « marge » : ce flot
grossissant d’enfants n’ayant pas construit, bien souvent, les repérages les
plus élémentaires. Cette véritable fracture scolaire, et l’incapacité d’y faire
face, alimentent un sentiment de culpabilité dont il faut absolument se
protéger, ne serait-ce que pour survivre professionnellement…
Or, il n’existe que deux façons de « se protéger » psychiquement : soit en
élaborant – donc en transformant – la réalité conflictuelle, soit en la refou-
lant. L’institution semble avoir fait le second choix et celui-ci la déporte
10. Ce qui différencie un symptôme institutionnel d’un symptôme banal, personnel, c’est,
d’une part, le fait qu’il soit produit et entretenu par toute une collectivité d’individus
(rassemblés autour d’une tâche commune) et, d’autre part, le rôle déterminant qu’il joue
dans l’homéostasie psychique de cette collectivité.
11. GUILLAUMIN J. : « Pour une méthodologie générale des recherches sur les crises », op.
cit.
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Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
Le symptôme du psychologue-thérapeute
Cette première modalité symptomatique, centrée sur le personnage
du psychologue dans sa fonction « orientatrice », n’est heureusement pas
la seule : sinon elle laisserait peu de place à une possibilité de reprise élabo-
rative du conflit. Un autre biais s’offre à l’institution pour tenter de
contourner ce conflit : la recherche tous azimuts de solutions « réparatrices » :
pour éradiquer le mal plutôt que d’écarter l’enfant lui-même. Cette tenta-
tive ne s’appuie plus seulement sur le psychologue, mais sur tous les
membres du Rased susceptibles de répondre à cet appel. Elle génère des
difficultés qui peuvent passer inaperçues, dans la mesure où elles n’affec-
tent que la structure d’aides spécialisées : conflits de compétences, problème
de la prise de décision dans une équipe non hiérarchisée, etc.
Ce mouvement peut aussi prendre la forme d’un fantasme très prégnant
dans l’institution : le soupçon de dérives transgressives – faire de la
thérapie à l’école ! – auxquelles se livreraient sans vergogne les gens des
Rased… Ces supposées « dérives », vertement stigmatisées13, m’amènent
à proposer cette autre hypothèse : faute de pouvoir penser les problèmes
que lui pose l’élève en grande difficulté, l’école en est réduite à ne perce-
voir les situations d’inadaptation sévère que comme une pure négativité.
12. « Le refoulement porte toujours sur une représentation intolérable et, de ce fait, rejetée
dans l’Inconscient, d’où elle continue à faire valoir son aspiration à être prise en compte.
À la différence de la voie élaborative, le refoulement n’est qu’un pis-aller, un compromis.
La motion réprimée n’a de cesse de se frayer un passage vers le conscient où elle n’accède
qu’au prix d’un déguisement – figure de déplacement – qui lui donne une aura d’étrangeté
toujours plus ou moins dérangeante, voire persécutoire. » (FREUD S. : Inhibition, symptôme
et angoisse. 1926 pour la 1re édition)
13. Voir entre autres : Gérard Chauveau (1982), Yvan Darrault-Harris (1993), Bernard Douet
(1988), Jean-Claude Guillemard (1982). Cf. bibliographie en fin de chapitre.
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Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
19. LÉVINE J. : « Le cadre du Balint Enseignants : sa symbolique, sa finalité face à des enfants
en non-adhésion et en peu de droit d’exister » in Psychologie et Éducation. N° 41, 2000,
pp. 59-80.
20. DOR J. : Le Père et sa fonction en psychanalyse. Ramonville Saint-Agne, Érès, 1998.
21. NESME A. : « École intégrative et échec scolaire. Les paradoxes d’une difficile cohabi-
tation » in Psychologie et Éducation. N° 39, 1999, pp. 17-33.
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Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
23. Définie, de manière toute normative, par l’obtention d’un certain niveau dans un temps
donné.
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Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
24. L’équipe éducative est composée des différents partenaires institutionnels (directeur,
enseignant, membres du Rased, médecin scolaire), ainsi que des parents et de tout parte-
naire extérieur que ces derniers souhaiteraient inviter. L’intérêt de cette réunion tient au
travail qu’elle suppose en amont, sans lequel elle risque de faire figure de coquille vide
(voire d’objet persécutoire pour les parents).
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25. Cette étape concerne plus particulièrement le psychologue mais sans souci aucun d’exclu-
sive.
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Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
Un troublant miroir…
L’École, selon notre hypothèse de départ, butte sur une difficulté
centrale : « normative », par essence (produisant donc fatalement de l’écart
à la norme), elle se veut également « intégrative », par idéal ; ce qui devrait
logiquement l’amener à considérer l’« échec » comme une composante
« normale » de la vie scolaire…
Pour l’aider à intégrer cette donnée primordiale, il faut d’abord
comprendre pourquoi cette idée est aussi massivement repoussée. Une
première explication consiste à penser que si cette idée est aussi forte-
ment rejetée de l’école, c’est parce qu’elle révèlerait trop crûment l’inadé-
quation de l’outil à la tâche, et partant, l’obligation morale de travailler
autrement. Les bouleversements qu’impliquerait ce « travailler autrement »
justifieraient le maintien de cette position de rejet.
Comment aider l’École à sortir de cette impasse ? Deux réponses (qui
ne se valent pas) paraissent envisageables au demeurant. La première
consiste à conforter l’institution dans sa position de rejet à l’égard de cette
idée dérangeante (l’échec : une composante normale de la vie scolaire) :
en participant au « délestage » des élèves les plus en difficulté, nous contri-
buons au maintien d’un niveau de tension le plus bas possible. La seconde
réponse consiste, à l’inverse, à tenter de réduire cette position de rejet en
renforçant la capacité de l’école à faire face aux tensions inévitablement
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L’École au risque de sa marge. Quelle place pour les élèves en grande difficulté ?
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Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
lité qu’il lui revient d’assumer dans le projet d’aide. Les effets structu-
rants de ce modèle ne dépendant, en fin de compte, que de la manière
dont il est « habité » par ceux qui sont chargés de le faire vivre (membres
des RASED, équipes enseignantes), il est difficile d’entrer dans ce travail
sans être persuadé de l’importance de la dimension langagière qui en
constitue à la fois l’armature sous-jacente et le souffle vital. En contri-
buant à maintenir ouvert un espace d’échange et de parole, dans cette
École qui marque de son empreinte plus ou moins délébile toute enfance,
le psychologue occupe à l’évidence une place cruciale.
Cette place, on le sait, est frappée du sceau de l’ambiguïté (l’Éduca-
tion nationale reste la seule grande administration à ne pas accorder aux
psychologues qu’elle emploie un statut conforme aux fonctions qu’elle
leur demande d’assumer). Tout le monde est prêt à considérer l’élève en
grande difficulté comme un enfant qui ne sait pas (ou qui ne sait plus)
où il en est dans son désir d’apprendre et de grandir. D’où une banali-
sation galopante du recours à la nébuleuse « psy » (qui alimente, on l’a
vu, le fantasme du « psychologue-thérapeute »). Mais il est beaucoup plus
difficile de reconnaître qu’à l’image de cet élève qui lui pose tant de
problèmes, l’École elle-même ne sait pas (ne sait plus ?) où elle en est par
rapport au désir qui la fonde et qui la porte vers l’avenir (vers son propre
« grandir ») : simple lieu de reproduction sociale ? ou véritable creuset
républicain (dont personne, par définition, ne peut-être écarté) ?
D’où cette question fondamentale, qui rejoint l’une des hypothèses de
départ : l’école saura-t-elle se reconnaître dans le miroir troublant que lui
tend, avec beaucoup de persévérance, sa propre « marge » ?
Bibliographie
BERGER M. : Les Troubles du développement cognitif. Toulouse, Privat, 1992.
CHAUVEAU G. : « Des psychologies scolaires » in Psychologie scolaire, bulletin de
l’Association française des psychologues scolaires. N° 42, 1982, pp. 25-37.
DARRAULT-HARRIS Y. : « Du GAPP au réseau d’aides (Rased) », conférence au
CDDP de Foix, journée organisée par l’Association des rééducateurs de l’Éduca-
tion nationale (AREN de l’Ariège), 14 avril 1993.
DOR J. : Le Père et sa fonction en psychanalyse. Ramonville Saint-Agne, Érès, 1998.
DOUET B. : « La Psychologie scolaire aujourd’hui », conférence aux XXes journées
de psychologie scolaire de Grenoble, octobre 1988 (texte polycopié).
FREUD S. : Inhibition, symptôme et angoisse. Paris, PUF, 1978 (1926 pour la
1re édition).
GUILLAUMIN J. : « Pour une méthodologie générale des recherches sur les crises »
in Crise, rupture et dépassement. Paris, Bordas, 1979, pp. 220-254.
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Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
Sources administratives
25 juillet 1985, loi sur le titre de psychologue.
10 juillet 1989, loi d’orientation sur l’éducation, Journal officiel du 14 juillet 1989.
9 avril 1990, circulaire n° 90-082 : « Mise en place et organisation des réseaux
d’aides spécialisées aux élèves en difficulté », BOEN du 19 avril 1990.
10 avril 1990, circulaire n° 90-083 : « Missions des psychologues scolaires »,
BOEN du 19 avril 1990.
Décret n° 90-788 du 6 septembre 1990, BO n° 39 du 25 octobre 1990 (à propos
des réunions d’équipe éducative, cf. article 21).
Décret n° 93-536 du 27 mars 1993 (article V : Les titulaires du diplôme d’État
de psychologie scolaire ne peuvent faire usage du titre de psychologue qu’assorti
du qualificatif « scolaire »).
22 février 1995, décision du Conseil d’État annulant la mesure contenue dans
l’article V du décret n° 93-536 du 27 mars 1993.
30 avril 2002, circulaire n° 2002-113 : « Adaptation et intégration scolaires – Les
dispositifs de l’adaptation et de l’intégration scolaires dans le premier degré »,
BOEN du 9 mai 2002.
Sigles et abréviations
AFPS : Association française des psychologues scolaires.
AREN : Association des rééducateurs de l’Éducation nationale.
BOEN : Bulletin officiel de l’Éducation nationale.
CCPE : Commission de circonscription préélémentaire et élémentaire.
DEPS : diplôme d’État de psychologie scolaire.
GAPP : groupe d’aide psychopédagogique.
RASED : réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté.
SPEN : syndicat des psychologues de l’Éducation nationale.
82
CONCLUSION
Une rencontre…
et des problèmes non résolus
Jean-Marie Besse
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Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
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Une recontre… et des problèmes non résolus
5. Idem, p. 26.
6. Sur l’histoire de la psychologie scolaire en France, on peut consulter avec profit le numéro
de Psychologie et Éducation de septembre 1995, n° 22, consacré au cinquantenaire de la
psychologie scolaire.
85
Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
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Une recontre… et des problèmes non résolus
8. Au point que, pour certains, l’égalité des chances se traduisait dans l’orientation en fonc-
tion des aptitudes.
9. Les résistances de Wallon à cette réduction de l’approche psychologique ont été évoquées
ci-dessus.
10. TORT M. : Le Quotient intellectuel. Paris, Maspero, 1968.
11. MOSCOVICI S. : La Psychanalyse, son image et son public. Paris, PUF, 1961.
87
Chemins faisant : quand l’école et la psychologie se rencontrent
88
DEUXIÈME
PARTIE
Psychologue
à l’école:
à la rencontre
du sujet
INTRODUCTION
Des psychologues…
et des sujets
Jean-Marie Besse
91
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
avec les autres enfants et avec les adultes éducateurs, il a aussi une envie
de découvrir et de comprendre le monde qui l’entoure. Ce que nous
savons des grandes lignes du développement affectif et cognitif normal
du jeune enfant confronté à l’école aide à saisir la portée possible d’une
difficulté particulière à un enfant donné. Le texte de Monique Rouzaire-
Besse présente cette évolution du jeune enfant en privilégiant l’approche
centrée sur les dimensions affectives, tandis que celui de Jean-Marie Besse
emprunte la voie du développement socio-cognitif.
Le temps des apprentissages, de leur préparation, de leur exercice, puis
de leur mise en mémoire, n’est pas seulement le temps passé en classe :
le psychologue scolaire peut aussi avoir à intervenir pour aider à ce que
la relation des parents à leur enfant-élève soit suffisamment dégagée
d’enjeux susceptibles de perturber la qualité de l’investissement dans les
apprentissages de la classe. Élisabeth Bel a centré son analyse sur cette
question.
La relation entre le psychologue et les enseignants est ensuite
étudiée sous un angle original : l’enseignant est bien une personne, une
subjectivité interpellée dans son investissement affectif aux enfants. Le
texte d’Odile Dechavanne indique quelle place peut tenir un psychologue
formé à l’écoute de ces mouvements subjectifs chez l’enseignant.
Gérard Chauveau avance ensuite un nouvel éclairage, celui de la
psychologie écologique, qui tente de dégager les relations entre le compor-
tement donné d’un enfant et la situation qu’il vit, qui cherche les motifs
d’une conduite autour des conditions de son apparition. Ce texte situe
ainsi les difficultés de l’élève dans le cadre plus général d’une situation
problème qui peut impliquer la classe, le quartier, le groupe social ; cette
perspective requiert, de la part du psychologue scolaire, une approche
élargie, dans laquelle l’enfant-problème est à comprendre comme un
élément d’un sous-système.
92
CHAPITRE 5
Le retentissement de l’école
dans le développement
psychoaffectif de l’enfant
Monique Rouzaire-Besse
1. Nous verrons que, dans certaines conditions, les enfants peuvent être eux-mêmes deman-
deurs d’entretiens personnels avec le psychologue de l’école.
93
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
94
Le retentissement de l’école dans le développement psychoaffectif de l’enfant
95
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
Dans certaines écoles, chaque année, en juin, les parents des enfants
de deux ans nouvellement inscrits sont invités à parler de la future
entrée de leur enfant à l’école, au cours d’une réunion à laquelle parti-
cipe le psychologue : comment les parents ressentent-ils cette entrée à
l’école ? Quelles inquiétudes ont-ils ? Ce sont surtout les mères qui vien-
nent et qui confient leurs angoisses devant ce changement dans la vie
familiale : « Je ne vais pas pouvoir le (la) laisser… C’est moi qui vais
pleurer… Je crains de le (la) laisser avec cette inconnue qu’est la
maîtresse. Va-t-elle s’en occuper (l’aimer ?) aussi bien que moi ?… Je
la connais, la maîtresse, ça me rassure… » Il s’agit bien d’un relais
que les mères doivent passer aux enseignants, un relais social mais
également affectif, puisqu’il s’agit d’accepter aussi la possibilité que
leur enfant puisse nouer des relations affectives avec une autre
personne. Le psychologue dans l’école, en permettant aux parents
d’exprimer ce qui est en jeu pour eux dans cette séparation et en les
aidant à élaborer une signification à ce « vécu », aide à préparer les
conditions d’une entrée positive de l’enfant à l’école.
96
Le retentissement de l’école dans le développement psychoaffectif de l’enfant
3. Les exemples fournis dans ce chapitre ne sont pas tous empruntés à ma propre expé-
rience de psychologue : au sein du groupe de collègues lyonnais qui a participé à cet ouvrage,
tous les exemples ont été discutés en équipe. Ceux qui ont semblé plus pertinents ont été
présentés ici. Le « je », qui est celui du psychologue, n’est donc pas toujours celui du signa-
taire du chapitre.
97
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
Bien avant sa naissance, l’enfant est porté par la parole de ses parents,
mais aussi par celle du groupe social dans lequel il s’insèrera : il a déjà
une place, on parle de lui, on fait des projets pour lui, chacun prend une
place par rapport à lui, parents, grands-parents, oncles et tantes. La nomi-
nation permet non seulement de prendre place dans la famille, mais aussi
dans le social. P. Aulagnier parle, dans ce contexte, de « contrat narcis-
sique » pour rendre compte de ce qui se joue entre les parents, l’enfant
– l’infans, celui qui ne parle pas encore – et le groupe social. « Le contrat
narcissique s’établit grâce au préinvestissement par l’ensemble de l’infans
comme voie future qui prendra la place qu’on lui désigne : il dote celui-
ci par anticipation du rôle de sujet du groupe qu’il projette sur lui […].
L’accès à une historicité est un facteur essentiel dans le processus iden-
tificatoire, elle est indispensable pour que le Je atteigne le seuil d’auto-
nomie exigé par son fonctionnement4. »
Pour l’enfant, prendre la voie de l’individuation, de la subjectivation,
c’est non seulement avoir accès au registre du symbolique, mais aussi à
celui de l’imaginaire : l’accès à ce registre, dont le point d’ancrage est
l’image spéculaire5, offre à l’enfant la capacité de s’identifier à une image
98
Le retentissement de l’école dans le développement psychoaffectif de l’enfant
qu’il se fait de lui. Cependant, pour qu’il ne s’enferme pas dans cette
image qui deviendrait alors aliénante, il est nécessaire que l’imaginaire
soit symbolisé – au sens défini ci-dessus –, ce qui permet à l’enfant d’arti-
culer ces deux registres (savoir par exemple que l’on « joue à être ») et
de ne pas être dans le délire psychotique comme c’était le cas pour
Sébastien. Bien que celui-ci ait effectivement des soins psychiques par
ailleurs, l’intervention et la présence du psychologue dans l’école, par
l’écoute de ce qui se passait pour l’enfant, aidaient les enseignants à
prendre de la distance et à ajuster, dans ce cas précis, leurs conduites
éducatives.
La manière propre à chaque enfant d’entrer à l’école, dans le monde
de la connaissance, dans le monde social, est liée à ce qui s’est passé
précédemment dans les différents registres que nous avons évoqués.
L’entrée à l’école pourrait être considérée comme le deuxième acte de
séparation, porté symboliquement cette fois par l’inscription à l’école.
aime, qu’on reconnaît. L’enfant rencontre ainsi non pas la simple objectivation de soi comme
image mais aussi la désignation et ce que lui renvoie le regard de l’Autre. À partir de ce
moment se met en place ce qui constituera le « Je ».
6. LÉVINE J., op. cit.
99
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
Yasmina est une petite fille, d’un peu plus de 2 ans, qui pleure encore
quinze jours après la rentrée des classes. La maîtresse commence à
avoir épuisé toutes les stratégies d’accueil possibles et me demande
d’être présente à 8 h 30 pendant quelques jours. Dès le premier matin,
j’assiste effectivement à une séparation difficile et tente quelques
mots adressés à Yasmina, lui disant que sa maman doit être assez
grande pour partir toute seule, mais que si elle veut, je peux la
raccompagner à la porte. Yasmina hésite et reprend ses pleurs. La
maîtresse ayant autorisé la maman de Yasmina à rester un peu dans
la classe chaque jour, j’essaie à nouveau : « Ta maîtresse a oublié
que l’école, c’est que pour les enfants, c’est pas pour les mamans. »
Rien n’y fait. Je raccompagne la maman tandis que la maîtresse
porte Yasmina dans ses bras. Je lui dis : « Les enfants pleurent souvent
pour rassurer les mamans. Vous voulez que nous en parlions ? »
L’entretien, qui a lieu la semaine suivante avec Yasmina et sa
maman, révèle une forte angoisse de séparation chez la maman par
rapport à sa propre mère.
Elle explique que sa mère est morte de maladie et qu’elle lui manque
encore beaucoup. Elle avait quatorze ans lors du décès de sa mère et
dit s’en être beaucoup occupée. Je demande le nom de la maladie.
La maman de Yasmina hésite à le dire devant sa fille en précisant
qu’elle dit seulement « maladie », pour ne pas la nommer. Il s’agit en
fait d’un cancer. Je m’adresse alors à Yasmina : « Et ta maman, elle
est malade des fois ? » Yasmina fait oui avec la tête. Je poursuis : « Et
tu connais le nom de la maladie de ta maman ? » Yasmina fait non.
Je demande à la maman qui commence à comprendre où je veux en
venir, de nommer les maladies qu’elle a pu avoir. Je reprends : « Et
toi, Yasmina, tu es malade des fois ? » Yasmina fait oui. Sa maman
précise qu’elle a de l’asthme. Nous poursuivons : « Et quand tu pleures
ou que tu tousses, ça fait rester ta maman ? » Yasmina détourne la
tête sans répondre. J’ajoute enfin : « Et ça fait du souci dans ton cœur. »
Yasmina ne répond toujours pas. Je conclus en disant : « Les enfants
vont à l’école, les enfants ne s’occupent pas des mamans. Si tu veux,
je vais m’en occuper moi. » Les pleurs du matin s’arrêtent rapidement
et je reverrai la maman de Yasmina deux fois toute seule pour l’aider
à se mettre sur le chemin du deuil de sa mère.
100
Le retentissement de l’école dans le développement psychoaffectif de l’enfant
mère ; il lui faut donc se sentir autorisé à avoir des relations, des acti-
vités, sans sa mère. Mais il doit aussi pouvoir se sentir « accompagné »
par elle, accompagné à l’intérieur de lui-même en quelque sorte, ce que
J. Lévine7 appelle « l’accompagnement interne8 ».
7. Idem.
8. Nous parlons d’accompagnement interne pour signifier que nous envisageons ici le vécu
de l’enfant. Il ne faut pas le confondre avec l’accompagnement externe, celui que les parents
ont le sentiment d’effectuer dans leur réalité.
101
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
102
Le retentissement de l’école dans le développement psychoaffectif de l’enfant
Freud parle de cette acquisition comme d’un travail qui, pour l’enfant,
disqualifie l’instinct, qui ne s’arrête pas à la satisfaction immédiate, mais
ouvre sur l’horizon infini des substitutions symboliques et des satisfac-
tions médiatisées propres au désir humain, c’est-à-dire que ce travail
permet à l’enfant de sortir de son égocentrisme et de s’intéresser aux
autres, aux objets culturels…
Les mouvements pulsionnels de l’enfant ont besoin d’être contenus. Dans
la rencontre infans/mère9, l’appareil psychique de celle-ci sert de « prothèse »
à l’enfant et permet de contenir et de rendre représentable ce qui est « in-
sensé » pour lui. Que se passe-t-il en effet dans cette relation ? Lorsque
l’enfant exprime une détresse liée à un besoin, il est nécessaire que
quelqu’un (sa mère, l’entourage) interprète sa demande pour qu’elle prenne
sens. Cette détresse impensable que l’enfant projette10 sur l’entourage sous
une forme négative ou violente (ce que Bion11 nomme éléments b) est
transformée par la pensée de la mère en éléments qui ont pris un sens
(éléments a, pour Bion). Dans ce cas, la mère, l’entourage sont suffisam-
ment solides et contenants pour ne pas être détruits par les projections du
bébé. Ainsi s’installe le sentiment de sécurité et de confiance en soi.
9. Nous désignons sous le terme « infans » l’enfant qui ne parle pas, le nourrisson.
10. Le mécanisme de projection est un processus de défense qui consiste à prêter à l’autre
les sentiments que l’on éprouve soi-même.
11. BION W. R. : Aux sources de l’expérience (1962), traduit par F. Robert. Paris, PUF, 1979.
– Éléments de la psychanalyse (1963), traduit par F. Robert. Paris, PUF, 1979.
103
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
l’enfant qui ne peut le faire tout seul. La mère a l’intuition de ce qui est
favorable ou défavorable au bébé, de ce qu’il est possible de faire pour
transformer l’insupportable en supportable, pour que l’enfant se sente
« bon » après s’être senti « mauvais ». L’enfant est ainsi non seulement
tenu dans son corps (holding), mais « le vécu indifférencié de ses sensa-
tions-affects-fantasmes est également tenu, retenu, contenu par le penser-
parler-agir en retour de la mère. Retour qui en fait des contenus pensables,
des pensées-objets transitionnels qu’il joue à manipuler. Ça tient bon
(handling)12 ». Progressivement, l’enfant s’approprie la fonction a de la
mère, il peut ainsi traiter lui-même ses éléments b pour les transformer
en a. Il est donc accompagné de l’intérieur. « Cette intériorisation lui
apporte le noyau de la différenciation de sa psyché en penser (contenant)
et en pensée (contenu)13. »
Le langage et l’école
Deux mois après la rentrée, lorsque les parents des nouveaux inscrits
de deux ans reviennent à l’école, sur la proposition du psychologue,
pour un premier bilan sur ce qu’ils ressentent par rapport à leur enfant
à l’école, ils évoquent surtout l’évolution du langage.
104
Le retentissement de l’école dans le développement psychoaffectif de l’enfant
l’absence car il tient lieu de lien entre l’enfant et la mère, mais dans la
distance. « Le symbole, comme présence possible d’un être ou d’un objet
absent, concrétise mentalement cette distance14. » Dans la fusion, il n’est
pas nécessaire de mettre quelque chose entre les deux, puisqu’il n’y a
qu’un. Le langage a aussi à voir avec le corps : à travers la voix, le regard
(on entend celui qui parle, on le voit, il est proche), s’exprime le lien
entre les personnes.
105
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
106
Le retentissement de l’école dans le développement psychoaffectif de l’enfant
17. ANZIEU D. : Psychanalyse et langage. Du corps à la parole. Op. cit., pp. 146-147.
18. ROUSSILLON R. : « Penser l’objet et ses paradoxes ». Journée de réflexion sur L’insou-
tenable capacité de penser, organisée le 18 novembre 1995 dans le cadre du 20e anniversaire
du CMPP de Givors et du 50e anniversaire de l’OVE (œuvre des villages d’enfants), pp. 17-
21.
107
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
19. Période au cours de laquelle l’enfant est habité par des sentiments ambivalents et contra-
dictoires vis-à-vis de ses parents : à la fois amoureux du parent du sexe opposé mais rempli
de haine quand celui-ci ne répond pas favorablement à son sentiment, recherchant une
complicité avec le parent du même sexe mais le rejetant quand celui-ci lui « barre la route »
vers l’autre parent. La période œdipienne se termine lorsque l’enfant comprend qu’il n’épou-
sera jamais son parent, qu’il est assigné à une place dans la suite des générations, qu’il est
soumis à l’interdit de l’inceste. Il intériorise ainsi les interdits parentaux qui constitueront
ce que Freud a appelé le « Surmoi », héritier selon lui du complexe d’Œdipe.
20. DOLTO F. : L’Échec scolaire. Paris, ERGO Press, 1989, p. 15.
21. LACAN J. : « Subversion du sujet et dialectique du désir dans l’inconscient freudien »
in Écrits II. Paris, Le Seuil, 1971, p. 174.
108
Le retentissement de l’école dans le développement psychoaffectif de l’enfant
Quand je rencontre Kévin, avec ses parents, il est comme « posé » sur
sa chaise, sans expression, attendant que « ça passe ». Il est en grande
difficulté en classe (CP) mais la maîtresse sent qu’il « a des possibi-
lités ». Ses parents se montrent complètement démunis devant cet
enfant qui, disent-ils, « n’a envie de rien, ne manifeste pas vraiment
de joie quand on lui offre quelque chose. Pourtant, il a tout ce qu’il
veut à la maison, on ne lui refuse jamais rien, d’ailleurs, il ne demande
jamais rien… il est très gentil… vous comprenez, on veut lui donner
le maximum, tout ce qu’on n’a pas eu… » Pour que Kévin désire et
demande quelque chose, il faudrait qu’il sente que ce « quelque chose »
pourra lui être adressé. Je me tourne alors vers l’enfant : « Et toi, Kévin,
qu’est-ce que tu en dis ? » Il se redresse un peu sur sa chaise, sourit
mais ne dit rien et commence à faire un dessin.
Dans son état d’enfant comblé, mais selon l’image que ses parents se
formaient de ses désirs, Kévin n’avait peut-être jamais vraiment pu
s’exprimer sur ses désirs propres. Cette première rencontre avec Kévin et
ses parents conduira à mettre en place une aide rééducative à l’école
pour l’enfant ; chez Kévin, le désir d’apprendre22 émergera petit à petit,
des entretiens réguliers réuniront la psychologue et les parents et une
collaboration de la psychologue avec l’enseignante lui permettra d’ajuster
sa pédagogie auprès de l’enfant. C’est ici dans la séparation des lieux et
des modalités d’intervention qu’un travail pouvait s’instaurer.
Le renoncement à la toute-puissance
Désirer apprendre suppose de reconnaître que l’on ne sait pas, de
passer, donc, par le constat du non-savoir, attendre une réponse ou la
rechercher, demander, différer, remettre en question ses idées premières…
Le désir de savoir aurait ainsi à voir avec le renoncement à la toute-puis-
sance, à la fois renoncement et perte, à partir de quoi l’individu qui veut
22. Les aides spécialisées à dominante rééducative ont pour objectif, entre autres, « la
(re)conquête du désir d’apprendre et de l’estime de soi » (circulaire n° 2002-113, du 30 avril
2002, parue au BO n° 19 du 9 mai 2002).
109
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
110
Le retentissement de l’école dans le développement psychoaffectif de l’enfant
111
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
• La pulsion de savoir
François est au CP, « signalé » à la psychologue par son enseignante
car il est très instable en classe, mais quand il arrive à se calmer, il
réussit très bien sur le plan scolaire : l’enseignante craint que le compor-
tement de François l’empêche de mener à bien ses apprentissages et
demande une aide pour qu’il arrive à se calmer. C’est un enfant très
curieux, intéressé par tout. Au cours d’une rencontre avec le psycho-
logue, François dessine et raconte dans un flot continu de paroles :
« Je vais faire le plan de notre nouvelle maison, on va bientôt démé-
nager, là (il dessine un premier rectangle), c’est ma chambre, là
(deuxième rectangle contigu), la chambre de ma sœur, je vais faire
son lit de bébé, et là (troisième rectangle, accolé au premier), la
chambre de papa et maman, ils ont un lit un peu haut, tu sais, moi,
j’aime beaucoup lire, je lis tout le temps… »
Lire n’est jamais sans effet sur l’inconscient, ni sans effet de l’incons-
cient. Le contenu de la lecture est facilement associé à des contenus affec-
tifs, les mots, combinaisons de mots s’entourent d’associations chargées
d’émotions. F. Dolto parle, par exemple de ce qu’éveille le mot « lire »
pour certains enfants : « Au moment où l’enfant est en train d’élaborer
son interdit de l’inceste, le verbe du “lit” que leur paraît être le mot “lire”
rend ce mot banni, et les activités qui entourent le fait de lire sont quelque
chose qui le met dans un très grand trouble26. »
Ne peut-on entendre ici que la curiosité de François concernant ce qui
se passe dans le lit des parents s’est déplacée sur le « lit » du lire et permet
à François de jouer à assembler, manipuler des lettres… mais qui main-
tient une excitation par le questionnement que cela opère encore en lui ?
Freud parle de la pulsion de savoir étayée sur la pulsion scopique (pulsion
de ça-voir ?). L’activité de la pulsion de savoir « correspond d’une part à
la sublimation du besoin de maîtriser, et, d’autre part, elle utilise comme
énergie le besoin de voir. Toutefois, les rapports qu’elle présente avec la
vie sexuelle sont très importants […]. L’enfant s’attache aux problèmes
sexuels avec une intensité imprévue et l’on peut même dire que ce sont
là les problèmes éveillant son intelligence27 ».
112
Le retentissement de l’école dans le développement psychoaffectif de l’enfant
113
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
30. Le terme « transfert » est utilisé ici dans une acception plus large que ce qui est défini
dans la cure psychanalytique. Il s’agit des mécanismes inconscients qui sont à l’œuvre dans
la relation entre l’enseignant et les enfants, dans lesquels ceux-ci reportent sur l’enseignant
ou répètent vis-à-vis de lui des sentiments ou une relation initialement vécus sur une autre
scène (familiale le plus souvent dans ce cas). La réponse inconsciente de l’enseignant serait
le contre-transfert.
31. KAËS R. et coll. : « Introduction à l’analyse transitionnelle » in Crise, rupture et dépasse-
ment ». Paris, Dunod, 1979, p. 61.
114
Le retentissement de l’école dans le développement psychoaffectif de l’enfant
115
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
• Le groupe-classe
Un enseignant de cours moyen me sollicite pour parler de sa classe
dans laquelle, dit-il, « l’ambiance est détestable, il y a toujours des
conflits et le temps passé à régler les conflits devient plus important
116
Le retentissement de l’école dans le développement psychoaffectif de l’enfant
117
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
32. J’appelle ici « pensées parasites » tout ce que l’enseignant pourrait apprendre de trop
personnel sur ses élèves ou sur la façon dont ils le perçoivent et qui viendrait mettre du
« trop d’affect » dans la relation pédagogique qui s’en trouverait ainsi mise à mal.
118
Le retentissement de l’école dans le développement psychoaffectif de l’enfant
Pour conclure…
Nous avons tenté de faire apparaître, au long de ces pages, les
enjeux de l’école dans la vie psychoaffective de l’enfant. Bien que nos
réflexions aient ainsi été axées sur les aspects affectifs et relationnels et
non sur les aspects cognitifs (être attentif, percevoir, mémoriser,
apprendre, réfléchir…), il serait erroné de penser que le psychologue « en
milieu scolaire » aurait à intervenir exclusivement sur le plan psychoaf-
fectif. Mais ce qui se joue à l’école est loin de se réduire à des questions
de transmission et d’échange de savoir(s), et l’école n’est pas qu’un lieu
d’apprentissages. Le psychologue trouve aussi sa place et son rôle dans
l’attention portée à cette « partie obscure » qui fait obstacle ou blocage
dans le cheminement des enfants vers l’appropriation des connaissances.
119
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
Bibliographie
ANZIEU D. : Psychanalyse et langage. Du corps à la parole. Paris, Dunod, 1977.
– « Une approche psychanalytique du travail de penser » in Journal de la psycha-
nalyse de l’enfant (Naissance de la pensée, processus de pensée – colloque de
Monaco). N° 14, Bayard Édition, 1993, pp. 146-178.
AULAGNIER P. : La Violence de l’interprétation, du pictogramme à l’énoncé. Paris,
PUF, 1975.
BESSE J.-M. et FERRERO M. : L’Enfant et ses complexes. Bruxelles, P. Mardaga,
1983.
BETTELHEIM B. et ZELAN K. : La Lecture et l’enfant. Paris, Robert Laffont, 1981.
BION W. R. : Aux sources de l’expérience (1962), traduit par F. Robert. Paris, PUF, 1979.
– Éléments de la psychanalyse (1963), traduit par F. Robert. Paris, PUF, 1979.
BOIMARE S. : L’Enfant et la peur d’apprendre. Paris, Dunod, 1999.
CICCONE A. et LHOPITAL M. : Naissance à la vie psychique. Paris, Dunod, 1997.
CORDIE A. : Les cancres n’existent pas. Paris, Le Seuil, 1993.
– Malaise chez l’enseignant, l’éducation confrontée à la psychanalyse. Paris, Le Seuil, 1998.
DOLTO F. : L’Échec scolaire. Paris, ERGO Press, 1989.
– La Cause des enfants. Paris, Robert Laffont, 1995.
DOREY R. : Le Désir de savoir. Nature et destins de la curiosité en psychanalyse.
Paris, Denoël, 1988.
FERREIRO E. : Culture écrite et éducation. Paris, Retz, 2002.
FREUD S. : Trois essais sur la théorie de la sexualité. Paris, Gallimard, 1924.
KAËS R. et coll. : « Introduction à l’analyse transitionnelle » in Crise, rupture et
dépassement ». Paris, Dunod, 1979.
LACAN J. : « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du Je » in Écrits I.
Paris, Le Seuil, 1970.
– « Subversion du sujet et dialectique du désir dans l’inconscient freudien » in
Écrits II. Paris, Le Seuil, 1971.
LÉVINE J. : « La déférence » in Différences… Indifférence. Actes du XVIe congrès
de l’Association française des psychologues scolaires, Nancy, 1999.
ROSOLATO G. : « Le négatif et son lexique » in Le Négatif, figures et modalités.
Paris, Dunod, 1989.
VASSE D. : L’Ombilic et la voix. Paris, Le Seuil, 1974.
WINNICOTT D.W. : Processus de maturation chez l’enfant. Paris, Payot, 1965.
– La Consultation thérapeutique et l’enfant. Paris, Gallimard, 1971.
Conférences
ROUSSILLON R. : « Penser l’objet et ses paradoxes ». Journée de réflexion sur
L’insoutenable capacité de penser, organisée le 18 novembre 1995 dans le cadre du
20e anniversaire du CMPP de Givors et du 50e anniversaire de l’OVE (œuvre des
villages d’enfants).
120
CHAPITRE 6
Le développement sociocognitif
de l’enfant : l’élève sujet
de ses apprentissages
Jean-Marie Besse
121
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
L’approche constructiviste
Une orientation classique de recherche en psychologie cognitive
s’ancre sur les travaux de Jean Piaget : l’intention de ce dernier était de
constituer une « épistémologie génétique », en étudiant la manière dont
se construisent les connaissances au cours du développement, de décrire
donc les étapes de la construction du savoir. Piaget postulait que l’expli-
cation des formes supérieures de la pensée peut être recherchée dans les
processus de leur formation, dans la naissance – on dit encore la genèse
– de l’intelligence.
Ce courant de la psychologie cognitive – encore très actif aujourd’hui,
même s’il n’est plus dans la position dominante qui était la sienne voici
encore deux à trois décennies – s’efforce de décrire et de modéliser le
développement de l’activité cognitive, chez l’enfant notamment. La
recherche scientifique analyse alors les formes, les structures, le fonction-
nement et les transformations des dimensions cognitives, dans un cadre
théorique référé pour l’essentiel à l’épistémologie constructiviste héritée
de Jean Piaget : les travaux portent sur des processus cognitifs dits de « haut
niveau » (raisonnement, conceptualisations, etc.) appliqués de plus en plus
sur des objets « culturels » (l’écrit, les mathématiques, par exemple) qui
amènent à renouveler et actualiser les problématiques piagétiennes.
Pour dégager les structures de la pensée, le chercheur rencontre l’enfant
au cours d’un entretien individuel : il ne s’agit pas d’obtenir à tout prix
des réponses à des questions préétablies (ce qui caractérise, a contrario,
les tests) ; on cherche plutôt à comprendre quels sont les processus de
raisonnement du sujet au cours de la résolution d’un problème défini en
fonction des hypothèses qui guident la recherche.
Par rapport aux préoccupations de Jean Piaget (décédé en 1980), de
plus en plus de travaux étudient le sujet psychologique concret (alors que
Jean Piaget s’intéressait surtout à un sujet général, théorique, « épisté-
122
Le développement sociocognitif de l’enfant : l’élève sujet de ses apprentissages
mique ») : ce qui devient ainsi l’objet des recherches, c’est l’individu singu-
lier, réel, confronté à une situation proche de la vie quotidienne, l’indi-
vidu aux prises avec des problèmes de compréhension, de communication,
en situation sociale. La description des conduites porte alors sur les modes
de fonctionnement cognitif2, la dynamique de l’activité mentale, et non
plus seulement sur les structures de connaissance3.
Les recherches de ce courant se centrent ainsi sur le sujet occupé à
comprendre et portent tant sur les structures de connaissance qu’il mobi-
lise que sur son fonctionnement cognitif au cours de la résolution d’une
tâche particulière. Ce que le sujet élabore lui-même, ce qu’il pense de
l’objet, met en jeu des processus cognitifs de construction. Au cours de
ces observations, le chercheur constate que l’enfant utilise des procédures4
variées, et il met en évidence des conceptualisations sous-jacentes à ces
procédures de travail : il est remarqué assez souvent un mouvement de
va-et-vient, en stratégies (une séquence ou un ensemble de procédures)
plus ou moins élaborées, entre des procédures relevant de conceptuali-
sations distinctes, donc d’étapes différentes du développement cognitif.
L’enfant essaie des hypothèses de différents niveaux et son fonctionne-
ment cognitif fait ainsi apparaître une plus ou moins grande souplesse.
C’est l’image de la spirale, avancée par Jean Piaget lui-même, qui rend
le mieux compte de ce mouvement souple, hésitant, fait d’allers et de
retours, de réorganisations intégrant autrement les anciens matériaux.
123
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
L’approche différentielle
Dans le prolongement des travaux d’Alfred Binet et de René Zazzo
– que nous avons évoqués ci-dessus5 –, des recherches se poursuivent sur
l’utilisation des tests afin de mesurer le développement cognitif : l’atten-
tion est ici portée sur les conditions de mise au point des outils, puis
d’application de ces outils. Le contrôle expérimental et quantitatif (vali-
dation des outils sur des populations à effectif important, avec souci de
vérification de leur représentativité) conduit à des bilans très utiles pour
la connaissance scientifique, mais aussi pour la pratique, au quotidien,
de la psychologie scolaire6.
L’approche « computationnelle »
Un autre courant de recherche, s’opposant au constructivisme pour
se situer résolument sur des positions néopositivistes (croire que l’on peut
obtenir une vérité objective de l’enfant en développement7), se réfère à
des modèles du fonctionnement cognitif conçus en analogie des simula-
tions élaborées en intelligence artificielle, et de l’organisation des ordi-
nateurs (computer, en anglais) : le cerveau – centre des préoccupations de
ce courant – est comparé à l’ordinateur ; c’est pourquoi ce courant est
fréquemment qualifié d’approche computationnelle. Ces recherches
s’inspirent de la théorie du traitement de l’information et présentent
l’organisation mentale en termes de processeurs, de fichiers, de « buffers ».
Par exemple, dans le cadre des recherches sur l’activité de lecture,
certains chercheurs, pour insister sur les seuls aspects cognitifs de cette
activité et la comparer à l’organisation d’un système informatique,
emploient, à son propos, la métaphore de la « machine à lire ». Ce courant
de recherche a construit des modèles destinés à se représenter ce qui se
passe chez le lecteur, entre la perception du texte à lire et la compré-
hension, puis l’expression des idées véhiculées par ce texte. L’objectif est
de dresser l’inventaire des habiletés spécifiques et des composantes de la
5. Voir chapitres 1 et 2.
6. LAUTREY J. : « La mesure des performances intellectuelles » in MICHAUD Y. (éd.) : Qu’est-
ce que la vie psychique ? Paris, Odile Jacob, 2002.
7. Il est significatif de constater que ce néopositivisme est caractéristique des « sciences
cognitives », point de jonction actuel de ce courant de psychologie « objective » et de la
médecine, par le canal de la neurologie. Dans l’institution scolaire, une trace de cette
influence peut être relevée dans le travail de « détection » des difficultés d’apprentissage
effectué… par les médecins scolaires et non par les psychologues scolaires.
124
Le développement sociocognitif de l’enfant : l’élève sujet de ses apprentissages
L’approche socioconstructiviste
D’autres chercheurs, reprochant aux précédents courants scienti-
fiques de ne travailler, le plus généralement, qu’avec des enfants observés
individuellement (ce qui renvoie à une conception pour laquelle ce sont
des facteurs internes au sujet qui influencent l’essentiel des transforma-
tions cognitives), ont montré que le développement cognitif a beaucoup
à voir au contraire avec la rencontre des autres (autres enfants, adultes)
et que le sujet n’apprend pas « tout seul ». Par exemple, des conflits cogni-
tifs susceptibles de provoquer des progressions cognitives rapides et signi-
125
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
126
Le développement sociocognitif de l’enfant : l’élève sujet de ses apprentissages
• Le WISC
Depuis sa création, ce test a donné lieu à des formes renouvelées, pour
tenir compte des recherches, sur sa validité notamment. La version actuel-
lement utilisée est le WISC-III (un WISC-IV est en préparation).
Ce test comprend dix épreuves, respectivement : le complètement
d’images, l’information, le code, les similitudes, l’arrangement d’images,
l’arithmétique, les cubes, le vocabulaire, l’assemblage d’objets et la
10. Un signe qui ne trompe guère de cette pression de l’institution éducative se retrouve
dans un néologisme employé pour décrire cette part de l’activité des psychologues scolaires :
on parle assez souvent de « bilanter » un élève !
127
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
• L’examen opératoire
B. Inhelder, l’une des plus proches collaboratrices de Jean Piaget, préco-
nisa très vite une adaptation des épreuves utilisées pour la recherche
scientifique par l’équipe de Genève, dans le but de construire une évalua-
tion du développement cognitif appuyée sur les travaux liés à l’approche
constructiviste. Dans cet esprit, l’échelle collective de développement de
la pensée logique proposée par F. Longeot donne un exemple de la trans-
position possible de cette démarche à la pratique du psychologue. Des
collaborateurs de Jean Piaget ont également proposé des harmonisations
(le terme « normalisation » – qui renvoie aux tests standardisés – est
incompatible avec l’esprit de l’entretien clinico-critique préconisé par Jean
Piaget) des situations mises au point par les piagétiens.
128
Le développement sociocognitif de l’enfant : l’élève sujet de ses apprentissages
11. DOLLE J.-M. et BELLANO D. : Ces enfants qui n’apprennent pas. Paris, Le Centurion,
1989.
12. ROULIN J.-L. et coll. : Psychologie cognitive. Paris, Bréal, 1998.
Et REED S. : Cognition. Théories et applications. Paris-Bruxelles, De Boeck Université, 1999
(trad. fr.).
13. GAONAC’H D. et LARIGAUDERIE P. : Mémoire et fonctionnement cognitif. Paris, Armand
Colin, 2000.
129
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
130
Le développement sociocognitif de l’enfant : l’élève sujet de ses apprentissages
131
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
16. Cette démarche était déjà préconisée par Henri Wallon, lorsqu’il relevait, en préface au
livre de Prudhommeau, Le Dessin de l’enfant, Paris, PUF, 1947 (2e éd.), « quelle distance il
peut y avoir entre le résultat, qui se limite souvent à quelques traits épars, à quelque figure
informe et les efforts, les intentions avortées de l’enfant. N’est-ce pas cette activité elle-
même plus que l’œuvre qui importe pour le psychologue et la psychologie ? », p. VII.
17. WALTER H. : Le Français dans tous les sens. Paris, Robert Laffont, 1988.
18. Quand nous parlons d’écrit, nous évoquons un objet complet et complexe : « système
d’écriture ; pratiques d’écriture et de lecture ; représentations sociales de la lecture et de
l’écriture, etc. ».
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Le développement sociocognitif de l’enfant : l’élève sujet de ses apprentissages
19. CATACH N. (éd.) : Pour une théorie de la langue écrite. Paris, éditions du CNRS, 1988.
133
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
20. L’écrit assure des fonctions personnelles (accès à l’imaginaire, à l’expression de soi, à des
écrits utilitaires, documentaires, etc.), sociales (relations interpersonnelles), culturelles (accès
à des formes de sensation, d’émotion et de pensée transmises dans la « langue des livres »)
et intellectuelles (mise en mémoire et possibilité de rappel, de support de la pensée, mise
en re-présentation, mise en espace, en discontinu, en ordre, à distance, en décontextuali-
sation) (Goody, 1979, 1986).
21. BETTELHEIM B. et ZELAN K. : La Lecture et l’enfant. Paris, Robert Laffont, 1983 (trad.).
Et DOLTO F. : La Cause des enfants. Paris, Robert Laffont, 1985.
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Le développement sociocognitif de l’enfant : l’élève sujet de ses apprentissages
L’écrit et l’école ne sont, chacun, que des moyens : l’écrit n’est qu’un
moyen d’expression parmi d’autres et l’école, loin d’être à elle-même sa
propre fin, sert à favoriser la rencontre des jeunes générations avec l’héri-
tage culturel de notre société et à leur permettre de se construire en conti-
nuité d’expérience. Le « lire-écrire » prend place dans une culture, au sein
de laquelle il façonne des « rapports au monde » bien particuliers, peu
conscients de ceux qui en usent aisément (les savoirs et savoir-faire consti-
tutifs du « lire-écrire » leur sont si incorporés qu’ils ne leur apparaissent
pas en tant que tels, comme si leur possession « allait de soi »).
L’école doit trouver sa place, signifiante, pour le jeune enfant : cette
place est construite – ou non – dans le discours social et familial avant
d’être reconstruite – ou non – par le futur écolier. Dépositaire de la
mémoire d’une société, l’écrit aide en cela à la constitution des identités
culturelles ; l’on a attribué à l’institution scolaire un rôle central pour
cette acculturation par l’écrit, position qui n’est pas sans inconvénient,
puisqu’elle risque de créer une équivalence de fait entre une certaine
culture écrite scolaire et la culture de l’écrit22.
Les pratiques de lecture, en France, ont été très diverses selon les
époques23, en fonction aussi d’un lent mouvement d’alphabétisation24 qui
est intervenu de manière variable selon les milieux sociaux et les envi-
ronnements géographiques et économiques et ne s’est pas confondu avec
la scolarisation obligatoire ; l’école elle-même est loin d’avoir toujours
préconisé les mêmes approches de la lecture et de ses usages25.
Ces pratiques diffèrent actuellement beaucoup d’un groupe humain à
l’autre et de nouveaux critères de leur évaluation sont nécessaires, si l’on
veut en particulier saisir les usages réels, domestiques, « ordinaires », et
non seulement les pratiques tenues culturellement pour « légitimes » alors
que ce point de vue est une conception culturelle26. Diverses études ont
135
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
montré, par exemple, la variation des pratiques de lecture chez les jeunes
ouvriers27 ou sur l’ensemble de la population28.
On sait quelle hétérogénéité se constate déjà entre les enfants qui
entrent à l’école primaire, et qu’elle tient notamment à des motifs socio-
culturels. Les pratiques de la famille, du milieu social, permettent à
certains enfants d’arriver à l’école mûrs pour les apprentissages verbaux
et intellectuels : ils disposent d’attitudes favorables à la concentration, à
l’écoute, au travail silencieux, savent se comporter face à un adulte dispo-
sant du pouvoir pédagogique, bénéficient d’un langage oral proche de
celui de l’école, sont habitués au livre, aiment lire et parlent volontiers
de leurs lectures avec leur entourage.
27. ROBINE N.: Les Jeunes Travailleurs et la lecture. Paris, BPI, La Documentation française, 1984.
28. DONNAT O. et COGNEAU D. : Les Pratiques culturelles des Français (1973-1989). Paris,
La Découverte, 1990.
29. Cf. par exemple, FERREIRO E. : Culture écrite et éducation. Paris, Retz, 2002.
136
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Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
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Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
5. Après ces premiers essais, le jeune enfant entre dans un travail de systé-
matisation de ses acquisitions, un travail de maîtrise, et va régulariser
plusieurs sous-principes.
• Tous les phonèmes sont à transcrire.
• L’ordre de succession des phonogrammes est le même que celui des
phonèmes.
• Les sons élémentaires (phonèmes) se combinent en sons plus complexes.
• La relation entre les phonèmes et les phonogrammes n’est pas régulière.
140
Le développement sociocognitif de l’enfant : l’élève sujet de ses apprentissages
tionnelle) trop importante. Il peut reprendre son texte, par des retours
en arrière sur les mots qui lui posent problème, bref il « gère » son acti-
vité de lecteur. Mais plus le texte est éloigné de son champ de connais-
sance habituel, plus il doit faire intervenir des procédures de contrôle
conscient de son activité.
Il s’agit aussi de concevoir le développement cognitif avec les apports
du socioconstructivisme, mais aussi avec les apports de l’approche cultu-
relle33 et de l’approche sociologique34 : c’est bien un développement socio-
cognitif qu’il s’agit de prendre en compte.
Les travaux sur l’entrée dans l’écrit ont été prolongés par des études sur
le fonctionnement cognitif de jeunes enfants en situation individuelle ou
à plusieurs (deux ou trois enfants) de production de messages écrits35. Le
développement cognitif est ainsi étudié comme un développement socio-
cognitif : la relation à l’autre36, au groupe de pairs, à l’adulte expert, à
l’environnement culturel, à l’environnement scolaire est alors intégrée
comme un facteur central du développement individuel.
33. Voir BRUNER J. : L’Éducation, entrée dans la culture. Les problèmes de l’école à la lumière
de la psychologie culturelle. Paris, Retz, 1996.
34. LAHIRE B. : op. cit.
35. BESSE J.-M. : op. cit., 1993, 2000.
36. Cette relation à l’autre est aussi étudiée, en psychologie du développement, autour de la
question suivante : comment un enfant en vient-il à comprendre que l’autre « pense » – et
comment, en retour, en vient-il à comprendre sa propre pensée? Cf. ASTINGTON J. W.: Comment
les enfants découvrent la pensée. La «théorie de l’esprit» chez l’enfant. Paris, Retz, 1999.
141
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
La médiation phonologique
Une attention toute particulière a été accordée, ces dernières années,
à la capacité à percevoir, retrouver et mémoriser les connexions entre
lettres et phonèmes, capacité qui semble figurer parmi les meilleurs prédic-
teurs de la réussite en lecture. La structure phonologique du mot n’est
pas évidente pour l’enfant (ni d’ailleurs pour l’adulte, qui n’a plus
conscience des unités phonologiques puisqu’il les articule en un seul
souffle).
La prise de conscience, par l’enfant, de cette structure phonologique
(phonemic awareness) est appelée, selon les chercheurs et avec quelques
nuances entre eux, conscience phonique, phonologique ou phonémique
ou encore conscience segmentale38 : c’est la capacité à manipuler consciem-
ment les unités phonémiques de la parole. Quelle que soit donc la déno-
mination retenue, cette compétence, de nature métalinguistique, met en
évidence le rôle de l’activité cognitive du sujet pour qu’il devienne
conscient d’un certain nombre d’opérations liées à la structure du système
d’écriture, pendant cette phase importante du processus d’acquisition.
Un minimum de sensibilité aux unités phonologiques de la parole (la
syllabe, l’attaque et la rime dans la syllabe39, puis le phonème) semble
nécessaire pour commencer l’apprentissage de la lecture : « l’individu qui
n’est pas cognitivement prêt à la maîtrise métaphonologique ne peut
apprendre à lire40 ». L’apprentissage de l’écrit suppose l’existence de
37. GOMBERT J.-E. : « Activité de lecture et activités associées » in FAYOL M., GOMBERT
J.-E., LECOCQ P., SPRENGER-CHAROLLES L. et ZAGAR L. : Psychologie cognitive de la
lecture. Paris, PUF, 1992, p. 137.
38. ALEGRIA J., MORAIS J. : « Analyse segmentale et acquisition de la lecture » in L. RIEBEN
et Ch. PERFETTI : L’Apprenti lecteur. Recherches empiriques et implications pédagogiques.
Neuchâtel-Paris, Delachaux et Niestlé, 1989.
39. TREIMAN R. : « Le rôle des unités intrasyllabiques dans l’apprentissage de la lecture »
in RIEBEN L. et PERFETTI Ch. : L’Apprenti lecteur. Recherches empiriques et implications
pédagogiques. Neuchâtel-Paris, Delachaux et Niestlé, 1989.
40. GOMBERT J.-E. : op. cit., p. 112.
142
Le développement sociocognitif de l’enfant : l’élève sujet de ses apprentissages
143
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
La conscience phonographique
Les recherches les plus récentes sur la production écrite45 font appa-
raître que, plus que d’une conscience phonologique, l’apprenti lecteur-
scripteur a besoin de développer une conscience phonographique,
c’est-à-dire une capacité délibérée et consciente à identifier les phonèmes
et les phonogrammes qui leur correspondent, de manière à produire un
mot lisible. Ceci est d’autant plus important que nous avons montré46
que l’épreuve de production écrite apporte les mêmes informations que
celle de conscience phonologique.
• Un apprentissage par étapes ?
La représentation qui est aujourd’hui la nôtre du développement
cognitif relatif au lire-écrire n’est pas celle d’une succession d’étapes obli-
gatoires et ordonnées. L’observation attentive des jeunes enfants47 indique
plutôt des centrations plus ou moins longues (chez certains enfants, elles
peuvent ne durer, à certains moments de leur développement, que
quelques secondes chacune) sur telle ou telle procédure de traitement de
l’écrit. Ceci rejoint la critique faite aux modèles pour qui le développe-
ment cognitif serait caractérisé par « un parcours unique, jalonné d’étapes,
de stades, que tous les sujets franchissent dans le même ordre, au long
duquel la vitesse de progression est la seule source de différence possible
entre les individus48 ». Au contraire de ces positions, les recherches
actuelles évitent de poser un modèle unitaire de développement, optant
plutôt pour une conception pluraliste49. Mais il semble bien que l’appren-
tissage de ces capacités complexes passe par une étape initiale concep-
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Le développement sociocognitif de l’enfant : l’élève sujet de ses apprentissages
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Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
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Le développement sociocognitif de l’enfant : l’élève sujet de ses apprentissages
Début CP Fin CP
Prénoms Phonèmes intrus Conscience Phonèmes intrus Conscience
identifiés phonologogique identifiés phonologogique
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Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
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Le développement sociocognitif de l’enfant : l’élève sujet de ses apprentissages
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Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
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Le développement sociocognitif de l’enfant : l’élève sujet de ses apprentissages
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Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
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Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
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Le développement sociocognitif de l’enfant : l’élève sujet de ses apprentissages
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Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
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CHAPITRE 7
Élisabeth Bel
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Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
158
Entre l’école et la famille, un tiers : le psychologue
4. L’enfant imaginaire est l’enfant pour lequel les parents ont un projet. « Ils ont donc une
représentation de lui, faite à partir d’eux-mêmes et de leur vécu de l’enfant. » (J. CLERGET :
Être père aujourd’hui. Chronique sociale, 1979, p. 11)
5. Désinvestir : c’est-à-dire ne plus se sentir capables d’aimer leur enfant, ne plus avoir de
projet pour lui.
6. CHILAND C. : L’Enfant, l’école, la famille. Paris, PUF, 1989, p. 148.
159
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
7. Les exemples fournis dans ce chapitre ne sont pas tous empruntés à ma propre expé-
rience de psychologue : au sein du groupe de collègues lyonnais qui a participé à cet ouvrage,
tous les exemples ont été discutés en équipe. Ceux qui ont semblé plus pertinents ont été
présentés ici. Le « je » qui est celui du psychologue n’est donc pas toujours celui du signa-
taire du chapitre.
8. CAGLARE H. : Échec scolaire. Paris, ESF, 1994, p. 30.
160
Entre l’école et la famille, un tiers : le psychologue
fréquemment peu conscients, qui pèsent sur lui ; enjeux de la part des
enseignants et aussi de la part de ses parents.
Nous savons, comme l’exprime C. Chiland9, que « tout homme, en
ayant un enfant, poursuit la quête d’une impossible réparation narcis-
sique de soi » et qu’au moment où leur enfant va à l’école, les parents
peuvent vouloir :
– soit réparer leur scolarité à travers celle de leur propre enfant, en la
voulant le plus possible réussie. Ils cherchent alors à « bien » répondre
aux exigences de l’école, comme si « bien » réussir à l’école présupposait
d’avoir de « bons » parents. On constate souvent l’acharnement que
mettent certaines familles à faire exécuter les devoirs à la maison, comme
si le lendemain, en classe, c’était le parent qui était évalué, et non pas
l’enfant. Ainsi, certains enfants travaillent presque plus sous pression à
la maison qu’en classe et du coup se reposent presque à l’école, dans une
espèce de résistance au savoir, entretenant de la sorte le rattrapage à la
maison !
– soit ne pas lui permettre d’être plus brillant qu’eux, jaloux incons-
ciemment qu’ils seraient de leur propre succès ;
– soit régler des comptes avec l’école en projetant un conflit vécu entre
eux-mêmes et leurs propres parents ;
– soit exprimer leur propre difficulté par rapport à l’autorité et à tout ce
qui est institué. Ils auront alors tendance à remettre en question toute
forme d’autorité pour leur enfant, le laissant être tout puissant et ne
supportant pas pour lui les contraintes que la vie en collectivité entraîne
forcément. Dans ces cas-là, l’école apparaît presque comme persécutrice ;
161
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
– soit ne plus avoir d’attente par rapport à l’école qui les a mal préparés,
eux, à la vie active. Les difficultés d’insertion sociale, le chômage entre-
tiennent cette amertume : « ce qui est regrettable, c’est que d’autres en
concluent que l’école ne sert à rien et n’aident pas leurs enfants à s’y
insérer10. »
C’est ce même regard des autres qui gêne parfois les parents quand ils
refusent véhémentement une orientation en établissement spécialisé pour
leur enfant : « Mais je veux qu’il aille à l’école du quartier comme les
autres », comme s’il s’agissait de ne pas reconnaître une différence, de la
cacher.
162
Entre l’école et la famille, un tiers : le psychologue
11. PERRON R., AUBLE J-.P. et COMPAS Y. : L’Enfant en difficulté, l’aide psychologique à
l’école. Paris, Dunod, 1994, p. 79.
163
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
Rencontrer le psychologue à l’école n’est pas sans susciter non plus des
craintes confuses : la profession de psychologue est encore mal connue. Le
psychologue court ainsi le risque d’apparaître comme un spécialiste exclu-
sivement des processus cognitifs et des difficultés d’apprentissage, ce qui
explique l’étonnement, voire les résistances de certains parents quand le
psychologue aborde avec eux des éléments d’anamnèse – de l’histoire de
l’enfant – dans le but de resituer les difficultés de l’enfant dans son histoire
familiale. C’est qu’« on ne comprendra les particularités de fonctionne-
ment de quelqu’un que si on restitue ce qui a été pour lui l’histoire de
cette construction12 ». Cette démarche clinique comprend une approche
de la dynamique psychoaffective des difficultés, des symptômes d’un
enfant : en ce sens qu’elle doit, « pour rendre compte du vécu scolaire,
prendre en compte, au plus près, les obstacles non scolaires qui s’infiltrent
dans ce vécu13 », mais cela n’est pas toujours bien perçu par les parents.
La compréhension des dimensions psychologiques des difficultés d’un
enfant par les parents ne peut s’engager que si ces derniers ressentent
un désir de changement, remobilisent une dynamique familiale et élabo-
rent une demande. On ne peut, habituellement, attendre d’un enfant
qu’il soit performant sur le plan cognitif, réussisse ses apprentissages, si
son rapport affectif au monde et aux êtres ne s’est pas, à peu près,
construit harmonieusement. « L’apprentissage n’est pas le résultat d’une
intelligence coupée des processus psychiques. Le cognitif s’articule à
l’affectif ainsi qu’au culturel et au groupal. Le savoir s’étaye sur le désir
d’apprendre d’un enfant, il s’inscrit sur son histoire14. » Il reste cependant
des cas d’enfants pour qui la réussite dans les apprentissages est vécue
comme une fuite par rapport à des dysfonctionnements personnels, rela-
tionnels ou familiaux.
12. PERRON R., AUBLE J-.P. et COMPAS Y. : L’Enfant en difficulté, l’aide psychologique à
l’école. Paris, Dunod, 1994, p. 120.
13. Idem.
14. ROUPSARD M.-Th. : « Un enfant manifeste » in Psychologues et Psychologie. 2001, p. 124.
164
Entre l’école et la famille, un tiers : le psychologue
Allié à l’enseignant ?
C’est souvent après que l’enseignant a repéré une difficulté pour
un enfant et en a fait part à sa famille, qu’il va lui proposer de rencon-
trer le psychologue de l’école. Il est important, pour la suite du travail
autour de l’enfant, que les familles se sentent libres de faire cette démarche.
Arrêtons-nous un instant pour revenir sur la place, bien particulière,
du psychologue à l’école. Dans la plupart des cas, et à la différence des
autres psychologues pour enfants (pratique libérale, CMPP15, CMP16,
consultations en milieu hospitalier), il était enseignant avant d’être psycho-
logue ; de plus, il est rémunéré par l’institution scolaire : c’est donc l’école
qui propose l’aide d’un psychologue issu de son sein. C’est en ce sens que
se pose la question des alliances : s’il est introduit auprès des parents par
l’enseignant lui-même, ne risque-t-il pas d’apparaître comme un allié de
l’enseignant contre les parents ?
165
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
166
Entre l’école et la famille, un tiers : le psychologue
Allié à la famille ?
Bien souvent, les enseignants souffrent des difficultés rencontrées
par leurs élèves. Un des éléments principaux de cette souffrance est qu’ils
se heurtent à leur propre impuissance, vis-à-vis de certaines difficultés fami-
liales, vis-à-vis de certaines situations familiales déroutantes, voire patho-
gènes. Leur désir de réparation se heurte souvent au découragement de
constater dans quelles conditions certains enfants vivent et forte peut être
leur colère, voire leur jugement négatif face à ces familles. Quand le psycho-
logue essaie de resituer les difficultés de ces mêmes parents dans un contexte
plus large, plus humanisé, il s’attire vite des remarques du type : « Bien sûr,
tu défends toujours la famille ! » Ces remarques témoignent de la souf-
france que ressent l’enseignant devant son impuissance, et une des tâches
du psychologue est de l’aider à exprimer son désarroi et à le dépasser.
Seul le cadre professionnel rigoureux avec lequel le psychologue
travaille permet que soient garantis aux divers partenaires le secret profes-
sionnel et la neutralité. Une parole libre, l’absence de jugement, le secret
professionnel, le respect des personnes, le principe éthique de neutralité
sont les fondements de ce cadre.
Cela suppose déjà que le psychologue puisse disposer d’un local préservé,
ce que l’institution scolaire semble avoir du mal à lui reconnaître. Ce local,
défini, implanté dans un certain lieu, qui n’est pas la salle polyvalente, ni
le bureau du directeur, ou l’infirmerie, mais un lieu marqué, protégé,
devient le lieu de l’écoute psychique. Sur ce point, le code de déontologie
des psychologues est très clair : « Le psychologue dispose sur le lieu de son
exercice professionnel d’une installation convenable, de locaux adéquats
pour permettre le respect du secret professionnel. »
167
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
168
Entre l’école et la famille, un tiers : le psychologue
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Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
enfants d’intelligence précoce se creuse. Et pour les uns comme pour les
autres, il y a mal-être.
170
Entre l’école et la famille, un tiers : le psychologue
Par ailleurs, se constate souvent une réelle impatience chez les ensei-
gnants qui voudraient que les parents prennent plus vite conscience des
difficultés de leur enfant et mettent en place ce qu’il faut au bon moment.
La pression engendrée par le sentiment du temps « compté » ne leur
permet pas toujours d’être sensibles à ce travail psychique que les parents
doivent fournir, que ce soit pour accepter une aide psychologique pour
leur enfant ou pour accepter une orientation dans un établissement spécia-
lisé, par exemple. Cette pression, en quelque sorte, leur fait violence,
violence qu’ils vont faire vivre à leur tour à l’enfant et à sa famille.
En fait, dès l’école maternelle, l’institution peine à s’adapter au rythme
de développement personnel de chaque enfant. Certains parents, inquiets
que leur enfant d’école maternelle ne « dessine pas un bonhomme » tel
que le dessinent les autres enfants de son âge ou qu’il ne sache pas encore
écrire son prénom, font du forcing à la maison pour que l’enfant arrive
à réussir ces tâches…
171
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
passe à l’école ; or, l’enfant a besoin de son jardin secret. En effet, grandir,
c’est avoir la possibilité de se construire, dégagé d’une relation fusion-
nelle à la mère, dégagé du contrôle constant des parents. L’enfant qui
acquiert la marche peut quitter une pièce pour s’éloigner de ses parents
et pour ne plus toujours être sous leur regard, sous leur emprise. De
même, l’école offre ce lieu de vie éloigné de la maison où l’enfant est
amené à expérimenter, découvrir, nouer des relations en dehors de ses
parents, dans un milieu à la fois stimulant et sûr.
De plus, il semble primordial que l’enseignant garde sa place de péda-
gogue sans se laisser envahir par l’histoire familiale de son élève. Ayant
travaillé de nombreuses années en ZEP, j’avais alors été frappée de
constater combien souvent les enseignants commençaient à me parler des
difficultés familiales d’un enfant avant de pouvoir aborder ce qui faisait
problème à l’école pour cet enfant, oubliant parfois de décrire ce qui
achoppait pour les enfants au niveau des apprentissages, comme s’ils glis-
saient de leur position d’enseignants, placés là pour instruire, vers une
position de sidération et de voyeurisme. Devant la fréquence de cette
constatation, nous avions alors fixé comme un des objectifs prioritaires
de notre réseau d’aides spécialisées d’inciter les enseignants à recentrer
le plus possible leurs observations sur ce qui se passait à l’école.
L’enseignant doit donc différencier, dans son esprit, l’enfant en tant
que membre de sa famille et l’enfant en tant qu’élève de sa classe. La
classe et la maison sont deux espaces différents et l’enfant, très vite, si
les adultes qui l’entourent sont clairs avec ces notions de dedans et dehors,
peut en saisir la différence, ce qui lui permet de se structurer.
Le psychologue, de par sa place à l’école, ni tout à fait dans l’école, ni
tout à fait hors de l’école, est alors souvent amené à aider l’enseignant
à marquer cette frontière en mettant au jour les confusions entre les deux
espaces et en énonçant clairement la limite.
172
Entre l’école et la famille, un tiers : le psychologue
Sonia est une petite fille de huit ans, en CE2. Son père est emprisonné
depuis plusieurs mois. Chaque fois que la maîtresse lui demande de
fournir un travail écrit, elle ne le fait pas et, à une nouvelle sollicita-
tion de la maîtresse, elle s’arrange pour lui confier que son papa est
en prison, ce qui sidère la maîtresse, l’apitoie et lui fait cesser toute
exigence. Lorsqu’elle me confie son désarroi, je lui suggère de proposer
à Sonia un espace de parole à l’intérieur de l’école et de lui préciser
173
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
174
Entre l’école et la famille, un tiers : le psychologue
enfants. À ces moments, les enseignants font toujours face avec une
grande dignité, mais sollicitent souvent l’aide du psychologue. En fait, ils
font appel à sa fonction « contenante » : écouter, recevoir les affects à
l’état brut, les élaborer, aider à mettre des mots sur l’indicible, aider à
penser l’impensable.
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Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
Les parents de Sonia refusent que leur fille soit scolarisée avec les
enfants de la moyenne section ; ils ont vu une émission à la télévision
et pensent qu’elle est précoce. Ils n’entendent pas les réserves de l’ensei-
gnante quant aux compétences de leur fille. L’appel à la psychologue
permet de considérer la situation de Sonia avec objectivité et de
démêler ce qui se cachait derrière cette demande insistante.
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Entre l’école et la famille, un tiers : le psychologue
l’abstraction est difficile pour l’enfant qui n’a pas été familiarisé dans sa
famille ou par ses lectures, avec le langage des concepts25. »
En outre, les familles émigrées sont parfois perdues par ce que l’école
propose à leurs enfants. « Pour les parents, l’enfant devient un inconnu
qui désoriente : il n’agit plus selon leur code habituel, il parle une autre
langue, il porte d’autres habits ; il aime une autre nourriture… L’école
est alors vécue comme un parent concurrent, qui fait de son enfant,
l’œuvre de sa chair, un étranger26. » Le système éducatif, qui prend en
charge les enfants de plus en plus tôt, a un rôle important à jouer avec
ces enfants et ces familles-là. Certaines écoles sentent ce que cette double
vie coûte à l’enfant et à sa famille et font de réels efforts pour aller au-
devant d’une autre culture : invitation des mères à venir présenter un
plat, exposé sur les différents pays d’origine des élèves, etc. D’autres, par
contre, n’arrivent pas à envisager des modes de vie et de culture diffé-
rents de la leur et les dénigrent sur un mode méfiant ou critique.
25. CAHEN R. : « Regard sur l’élève en difficulté » in AFPS : Différences… indifférence. Actes
du XVIe congrès, Nancy. CRDP, 1999, p. 22.
26. Idem.
27. KORF-SAUSSE S. : « L’intégration : paradoxe et effets pervers » in AFPS : Différences…
indifférence. Actes du XVIe congrès, Nancy. CRDP, 1999, p. 96.
177
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
Les enseignants, d’une part, ont à gérer ce qu’un enfant handicapé peut
générer en eux comme angoisse et, d’autre part, ils ont à mettre en place
un projet individualisé qui définisse des objectifs pédagogiques particuliers.
L’enfant, lui, sent les enjeux de la part de ses parents, mais il a aussi
à vivre la souffrance de se comparer aux autres, d’assumer sa différence,
son autonomie limitée. En effet, l’entrée à l’école est pour lui, encore
plus que pour les enfants bien portants, un moment particulier, en ce
sens qu’elle représente souvent sa première expérience de socialisation
en dehors de sa famille et des structures de soins où il a été l’objet de
soins individuels, personnalisés, attentifs, voire surprotecteurs.
Là encore, le psychologue scolaire est une personne-ressource qui
doit cheminer avec les parents pour les amener peu à peu à accom-
plir un travail de deuil face à cet enfant si différent de celui qu’ils
avaient imaginé et rêvé, pour les amener à considérer de façon plus
réaliste ce qui est bon pour lui dans le cadre scolaire et ce qui semble
au-dessus de ses forces. Travail délicat, car un équilibre est à trouver
entre cette désillusion et la survivance d’un espoir nécessaire à l’inves-
tissement parental et à une projection dans le futur, dynamisante pour
l’enfant.
De même, le psychologue peut accompagner les enseignants, s’ils en
sont demandeurs, en étant là pour entendre leurs angoisses, leurs ques-
tionnements face à un enfant si souffrant.
178
Entre l’école et la famille, un tiers : le psychologue
28. Transfert : cette notion est employée en psychologie pour indiquer qu’une personne actuelle
– le psychologue, par exemple – est substituée à une autre, plus ancienne et plus fonda-
mentale – la mère, par exemple –, dans les attachements amoureux ou affectifs du sujet.
179
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
Même si l’enfant à l’école est parfois écartelé entre les demandes contra-
dictoires exprimées à l’école et à la maison, il n’empêche qu’« il n’appar-
tient ni à ses parents, ni à l’école : il existe en tant que Sujet31 », sujet
d’une parole qui peut être entendue à l’école par le psychologue scolaire.
C’est une parole qui, pour certains enfants, n’aurait jamais pu être
entendue dans un autre contexte.
En effet, même si l’école n’a pas à être un lieu de soins, elle est un
lieu de vie pour l’enfant, où il peut laisser apparaître un symptôme, pour
alerter sur ce qui fait souffrance pour lui, un lieu où il semble primor-
dial qu’il puisse, lorsque sa souffrance est trop forte, rencontrer des
adultes, dans un cadre rigoureux, avec qui échanger une parole garantie
par le secret professionnel et peut-être se libérer, peu à peu, de la répé-
tition de son symptôme. Le psychologue permet l’aménagement d’un
espace particulier dans lequel il redonne la parole à l’enfant et à l’adulte32,
ce qui peut amener l’enfant à devenir « acteur de ses apprentissages ».
De fait, pour apprendre, l’enfant a besoin d’avoir l’esprit et le cœur
dégagés de préoccupations majeures, besoin de donner du sens à ce qu’il
fait, de se sentir reconnu et respecté comme personne, comme Sujet.
C’est en cela que l’intervention du psychologue va en quelque sorte « avoir
valeur d’accompagnement interne qui réintroduit le sentiment de conti-
nuité et d’ouverture sur l’avenir33 ».
Pour nous, entendre l’enfant comme Sujet, dans sa dimension
psychique, psychoaffective et cognitive, est bien là la mission principale
du psychologue scolaire, et c’est en ce sens qu’il a toute sa place à l’école.
180
Entre l’école et la famille, un tiers : le psychologue
Mais était-ce vraiment l’idée des directives officielles quand elles préci-
saient que les missions du psychologue scolaire étaient « d’apporter dans
le cadre d’un travail d’équipe, l’appui de ses compétences pour la préven-
tion des difficultés scolaires avant que des difficultés mineures ne s’accen-
tuent et ne deviennent durables34 » ? Cette perspective de prévention
peut-elle s’entendre comme la définissait F. Dolto : « la prévention, ce
n’est pas d’éviter à un enfant de souffrir, mais reconnaître avec compas-
sion qu’il souffre35 » ou ne se réduit-elle qu’à une démarche normative
et immédiatement adaptative à la réussite scolaire ?
34. Circulaires de 9 avril 1990 et du 10 avril 1990. Mise en place et organisation des réseaux
d’aides spécialisées aux élèves en difficulté. Missions des psychologues scolaires.
35. DOLTO F. : op. cit., p. 104.
181
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
Bibliographie
AFPS – GUILLARD S. et GUILLEMARD J.-C. (éds) : Manuel pratique de psycho-
logie en milieu éducatif. Paris, Masson, 1997.
AFPS : Différences... indifférence. Actes du XVIe congrès, Nancy, CRDP, 1999.
BARTHELEMY-CHAUDOIR, A. : « De l’offre et de la demande » in Psychologues
et Psychologies. N° 151, 2001.
BERGER M. : Les Troubles du développement cognitif. Paris, Dunod, 1997.
BION W. R. : Réflexion faite. Paris, PUF, 1983.
CAGLARE, H. : Échec scolaire. Paris, ESF, 1994.
CAHEN R. : « Regard sur l’élève en difficulté » in AFPS : Différences... indifférence.
Actes du XVIe congrès, Nancy, CRDP, 1999.
CHILAND C. : L’Enfant, l’école, la famille. Paris, PUF, 1989.
CICCONE A. et LHOPITAL M. : Naissance à la vie psychique. Paris, Dunod, 1997.
CIRULNIK B. : Un merveilleux malheur. Paris, Odile Jacob, 1996.
CLERGET J. : Être père aujourd’hui. Lyon, Chronique sociale, 1979.
COHEN-SOLAL J. et GOLSE B. : Au début de la vie psychique : le développement
du petit enfant. Paris, Odile Jacob, 1999.
DAHOUN Z. : Les Couleurs du silence, le mutisme des enfants de migrants. Paris,
Calman Lévy, 1995.
DOLTO F. : La Difficulté de vivre. Paris, Inter Éditions, 1981.
– Dialogues québécois, Paris, Le Seuil, 1987.
KAËS R. et al : L’Institution et les institutions, études psychanalytiques. Paris, Dunod,
1987.
– Crise, rupture et dépassement. Paris, Dunod, 1997.
KORF-SAUSSE S. : « L’intégration : paradoxe et effets pervers » in AFPS :
Différences... indifférence. Actes du XVIe congrès, Nancy, CRDP, 1999, p. 96.
LÉVINE J. : « La déférence » in AFPS : Différences... indifférence. Actes du
XVIe congrès, Nancy, CRDP, 1999.
MARRAZZO A. : « L’école et la psychologie clinique » in Psychologues et
Psychologies. 2001.
NERI J.-P., TRAMOY-WERNER S. et FARRE C. : Psychologie clinique dans l’insti-
tution scolaire. Grenoble, PUG, 2000.
PERRON R., AUBLE J-.P. et COMPAS Y. : L’Enfant en difficulté, l’aide psycholo-
gique à l’école. Paris, Dunod, 1994.
RAFFIER–MALOSTO J. : « Accompagner les parents lors de la psychothérapie de
leur enfant » in Manuel pratique de psychologie en milieu éducatif. Paris, Masson,
1997.
ROUPSARD M.-Th. : « Un enfant manifeste » in Psychologues et Psychologie. 2001.
ROUSSILLON R. : « Espaces et pratiques institutionnelles. Le débarras et l’inter-
stice » in KAËS R. et al : L’Institution et les institutions, études psychanalytiques.
Paris, Dunod, 1987.
182
CHAPITRE 8
Le psychologue scolaire
et le maître d’école
Odile Dechavanne
183
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
184
Le psychologue scolaire et le maître d’école
2. Les exemples fournis dans ce chapitre ne sont pas tous empruntés à ma propre expé-
rience de psychologue : au sein du groupe de collègues lyonnais qui a participé à cet ouvrage,
tous les exemples ont été discutés en équipe. Ceux qui ont semblé plus pertinents ont été
présentés ici. Le « je » qui est celui du psychologue n’est donc pas toujours celui du signa-
taire du chapitre.
185
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
• L’affrontement symétrique
Chacun tient dans ce cas une position et la justifie, dans un contexte
de rapport de forces qui peut aboutir à l’élimination de l’un des deux
points de vue. La subjectivité est niée, et c’est la disparition de l’altérité.
Ce n’est que l’année suivante que j’ai réalisé que Mélanie était « sacri-
fiée » pour la bonne cause : la tranquillité de la maman (du papa ?
jamais évoqué, jamais rencontré) et du nouveau-né. J’ai alors pris
conscience de mon adhésion initiale à une position, prédéfinie et
fermée, de type de relation à l’école, position signifiant que rien ne
devait sortir de l’école et position dans laquelle toute personne nouvelle
appartenant à la communauté enseignante devait s’inscrire. J’ai alors
choisi, en opposition totale avec l’ensemble des enseignantes, d’avertir
la mère de Mélanie de mes craintes au sujet du développement de sa
fille. Mais, faute d’avoir su créer un espace où chacun gardait sa place,
les parents se sont rangés à l’avis des enseignants, de « laisser Mélanie
tranquille ». Ce n’est qu’à l’occasion de l’épreuve de réalité du passage
au CP que la situation s’est dénouée, cette fois dans un contexte tardif
et douloureux.
Dans une école de petite ville, école située dans une cité, un ensei-
gnant, M. L., à quelques années de la retraite, mène sa classe de cycle
3 seul, sans participer aux rencontres entre enseignants instituées dans
cette école, en présence du psychologue. Il ne demande ni ne signale
rien ni personne de sa classe où se trouve parfois un élève « suivi »
l’année précédente par un membre du Rased (maître « E », maître
« G », psychologue en milieu scolaire). Je tente quelques dialogues hors
cadre, dans ces « entre deux portes » que sont la récréation, le couloir…
Rien n’y fait, M. L. ne répond pas à mes remarques et détourne
186
Le psychologue scolaire et le maître d’école
187
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
188
Le psychologue scolaire et le maître d’école
189
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
sans pour autant entrer dans une démarche analytique qui n’a pas lieu
d’être en dehors du traitement analytique lui-même. Le psychologue peut
simplement – ou au moins – aider au repérage des aspects transféren-
tiels en jeu dans la relation pédagogique si tant est, et c’est bien évidem-
ment une condition nécessaire à cette pratique, que le psychologue
s’inscrive lui-même dans une dynamique d’élaboration, grâce à un travail
personnel de supervision, c’est-à-dire un travail de contrôle de ses propres
processus psychiques et transférentiels.
190
Le psychologue scolaire et le maître d’école
191
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
10. CIFALI M. : Le Lien éducatif : contre-jour psychanalytique. Paris, PUF, 1994, p. 178.
192
Le psychologue scolaire et le maître d’école
193
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
il est arrivé ce matin avec un petit bouquet pour moi, je craque complè-
tement tellement il est mignon, je lui ai fait un gros “mimi” sur ses
joues rondes. »
Je relève l’usage du surnom pour appeler cet enfant. Chaque
maîtresse a alors sondé ses sentiments et donné son point de vue sur
ce que leur faisaient les enfants, certaines marquant une distance plus
grande dans leur relation à ces derniers. Dans un second temps, j’ai
demandé ce qu’elles imaginaient qu’elles faisaient ainsi aux enfants.
Nous nous sommes alors interrogées sur quatre points : l’utilisation du
surnom est-elle justifiée à l’école ? Le rapproché physique (baiser, prise
d’enfants sur les genoux…) est-il anodin ? Les appellations « ma chérie,
mon chéri » ne cachent-elles pas des affects négatifs envers d’autres
enfants « moins aimés » ? L’ensemble de ces manifestations affectives
a-t-il des effets sur les premiers apprentissages ?
194
Le psychologue scolaire et le maître d’école
11. Pour que sa parole soit plus libre, il peut choisir lui-même le lieu qui lui convient.
12. WATZLAWICK P., HELMICK BEAVEN J. et JACKSON D. : Une logique de la communi-
cation. Paris, Le Seuil, 1979.
13. DOLTO F. : Tout est langage. Paris, Vertiges-Carrère, 1987.
195
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
196
Le psychologue scolaire et le maître d’école
Cette confusion est banale, elle peut suffire à induire un élève en erreur.
Un échange avec la maîtresse lui a permis de prendre conscience de la
nécessité de faire reformuler les consignes par un élève. Elle a pu entendre
et apprendre à repérer les mauvaises pistes livrées avec les consignes.
Dans une autre classe de même niveau, un enseignant dont les élèves
sont agités me demande d’observer un temps de langage dès 8 h 30 le
matin.
Une fois les élèves installés, le maître demande : « Alors, combien
on est ce matin ? » Certains ont répondu 16, d’autres 17. Après échange
avec le maître, nous avons porté notre attention sur les confusions
d’ordre quantitatif et qualitatif induits par l’usage du « on ».
197
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
Cet exemple est loin de refléter une réaction générale : la grande majo-
rité des enfants saisit directement le sens d’une telle remarque sans être
perturbée par sa formulation. Néanmoins, la métaphore du raccourci, qui
permet ici au maître d’éviter le chemin plus long du langage, peut
perturber un élève ; le maître doit conduire l’élève sur le long chemin du
langage. Quant à l’élève, s’il prend un raccourci, c’est qu’il connaît l’exis-
tence de l’autre route.
Constats dans plusieurs classes :
198
Le psychologue scolaire et le maître d’école
199
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
17. LEGENDRE P. : Leçons IV, suite 2, Filiation. Paris, Fayard, 1996, p. 192.
200
Le psychologue scolaire et le maître d’école
201
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
202
Le psychologue scolaire et le maître d’école
22. Idem.
23. LEGENDRE P. : op. cit., p. 305.
24. CORDIE A. : op. cit., p. 83.
203
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
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Le psychologue scolaire et le maître d’école
205
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
27. KAMMERER P. : Adolescents dans la violence. Paris, Gallimard, 2000, pp. 213 et 238.
206
Le psychologue scolaire et le maître d’école
Bibliographie
CIFALI M. : Le Lien éducatif : contre-jour psychanalytique. Paris, PUF, 1994.
CORDIE A. : Malaise chez l’enseignant. Paris, Le Seuil, 1998.
– Un enfant psychotique. Paris, Le Seuil, 1996.
CYRULNIK B. : Les Vilains Petits Canards. Paris, Odile Jacob, 2001.
DOLTO F. : Tout est langage. Paris, Vertiges-Carrère, 1987.
HUBERT G. : Freud/le sujet de la loi. Paris, Michalon, 1999.
IMBERT F. : L’Impossible Métier de pédagogue. Paris, ESF, 2000.
KAMMERER P. : Adolescent dans la violence. Paris, Gallimard, 2000.
LACAN J. : Le Séminaire, Livre II. Paris, Le Seuil, 1978.
LEGENDRE P. : L’Inestimable Objet de la transmission. Paris, Fayard, 1985.
– Leçons IV, suite 2, Filiation. Paris, Fayard, 1996.
MANIER A. : Le jour où l’espace a coupé le temps. Paris, La Tempérence, 1995.
METIFEU C. : « Pratique professionnelle en psychologie scolaire : du “suivi psycho-
logique” » in Psychologie et Éducation. N° 26, 1996, pp. 23-39.
SIBONY D. : Le Jeu et la passe. Paris, Le Seuil, 1997.
– Entre dire et faire. Paris, Grasset, 1989.
VASSE D. : Inceste et jalousie. Paris, Le Seuil, 1995.
WATZALWICK P., HELMICK-BEAVEN J. et JACKSON D. : Une logique de la
communication. Paris, Le Seuil, 1979.
207
CHAPITRE 9
De l’enfant-problème
à la situation-problème :
vers une psychologie écologique
des difficultés scolaires
Gérard Chauveau
209
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
210
De l’enfant-problème à la situation-problème
1. CRESAS : L’Échec scolaire n’est pas une fatalité. Paris, ESF, 1981, p. 74.
2. BROSSARD M. : « Approche interactive de l’échec scolaire » in Psychologie scolaire. 38,
1981, p. 27.
211
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
Au début des années 1980, dans mes propres recherches (réalisées avec
Éliane Rogovas-Chauveau), j’ai essayé de combiner ces deux approches :
celle de la sociologie de l’échec scolaire centrée sur les phénomènes
(micro)sociaux et les processus de différenciation-séparation scolaire « au
quotidien », celle de la psychologie de l’éducation écologique préoccupée
de saisir l’élève en difficulté « in situ », dans son milieu ou dans ses milieux
(le milieu scolaire, le milieu sociofamilial). Ces travaux ont porté sur la
construction – ou « la fabrication » – de l’échec ordinaire, celui qui touche,
dès le CP, 15 à 20 % d’enfants « normaux » (c’est-à-dire sans trouble ou
sans handicap avéré).
Ils ont fourni plusieurs pistes de réflexion pour les psychologues
scolaires. Ils ont montré, entre autres, que c’est dans « l’alchimie sociale »
à l’œuvre dans les séquences pédagogiques ou/et dans l’espace éducatif
de l’enfant-élève que se trouve l’une des clés de la (non) réussite à l’école.
Le succès ou l’insuccès se fabrique d’abord au niveau microlocal, dans la
salle de classe ou/et dans le triangle sociopédagogique dont les trois pôles
principaux sont l’enfant-élève, l’enseignant, les parents. Le plus souvent,
l’échec d’un enfant est lié, associé aux interactions éducatives qui sont
en jeu entre les protagonistes de l’action scolaire, à la dynamique qui
existe entre les différents lieux de vie, aux rapports sociaux et culturels
qui règlent ou « organisent » l’activité des uns ou des autres. Cela veut
dire que si l’on maintient ou multiplie des interventions (des aides) sans
améliorer les rapports entre les acteurs impliqués, sans changer le contexte
ou la dynamique socioscolaire, on court le risque de pérenniser le
problème qu’on est censé résoudre3.
Ces recherches ont aussi essayé de préciser les notions de situation et
de situation-problème. La situation (ou la situation-problème) n’est pas
faite que de relationnel, d’interpersonnel ou de « vécu ». C’est avant tout
une situation sociale. C’est vrai pour les situations scolaires stricto sensu
(ce qui se passe, par exemple, au cours d’une « leçon » de français ou
de mathématiques) comme pour les situations éducatives (ce qui se passe,
par exemple, dans « le triangle » enfant-école-famille). Pour décrire et
212
De l’enfant-problème à la situation-problème
La méthode clinico-ethnographique
La méthode que j’appelle « clinico-ethnographique » est l’une des
principales applications de cette approche écopsychologique (et socioco-
gnitive) des difficultés scolaires. Elle peut être l’un des principaux outils
du psychologue scolaire pour saisir les échecs ordinaires. C’est une
méthode d’investigation et de diagnostic qui consiste à se centrer à la fois
sur l’enfant-problème et sur la situation-problème ; il s’agit d’observer-
analyser l’élève en difficulté (ou l’élève signalé) dans son environnement
« de tous les jours » (le groupe-classe ou/et l’espace école/famille) et de
repérer les processus de différenciation scolaire « sur le vif » (avec les
« bons, les forts » d’un côté et les « faibles, les perdants » de l’autre). Elle
utilise deux techniques : l’observation et l’entretien de type clinico-ethno-
graphique ; elle associe des techniques de la psychologie clinique (entre-
tien, observation centrés sur un sujet) et des techniques du sociologue et
de l’ethnologue (entretien, observation centrés sur les rapports sociaux
et culturels entre les sujets et les groupes). Elle peut prendre deux formes :
213
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
214
De l’enfant-problème à la situation-problème
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Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
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Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
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De l’enfant-problème à la situation-problème
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Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
220
De l’enfant-problème à la situation-problème
Ces jeunes écoliers passent d’un lieu à l’autre (la maison/l’école), d’un
milieu à l’autre ou d’un modèle éducatif à l’autre (celui de la famille/celui
de l’école) avec aisance. Ils s’impliquent spontanément et efficacement
dans les activités scolaires ; ils peuvent (en tant qu’élèves) prendre appui
sur leurs connaissances et leurs compétences préexistantes (en tant
qu’enfants).
En revanche, une partie des enfants d’origine populaire subit une
profonde « rupture culturelle » dès le début de la scolarité, rupture qui
peut provoquer parfois une rupture interne « entre l’enfant et l’élève ».
Ils sont alors incapables de jouer ce rôle de « passeur » (ou de « va-et-
vient ») entre le monde de l’école et celui de la famille. Par exemple, ils
ne peuvent pas s’appuyer en classe sur leurs expériences (socio)familiales
et, à la maison, ils n’aiment pas et/ou ne savent pas parler « des choses
de l’école ». Bien souvent, ils vivent une double inhibition : d’un côté, ils
ne peuvent pas accéder aux savoirs et aux savoir-faire scolaires et de
l’autre, ils « oublient » ou ne peuvent exprimer à l’école leurs acquis et
leurs atouts familiaux. Alors qu’ils sont vifs et bavards à la maison, ils
deviennent muets et passifs en classe ; alors qu’ils font preuve d’initia-
tives et de compétences variées dans le contexte sociofamilial, ils ont
« honte » et ils « n’osent pas » en parler en classe. Et, dans le même temps,
ils « n’osent pas », ils sont mal à l’aise ou réticents (voire « honteux »)
quand on leur demande de présenter l’école (le maître, les activités…) à
leurs parents ou à leurs proches.
Cette double inhibition – cette double entrave – a deux effets néfastes
sur l’activité intellectuelle-scolaire (l’activité d’apprenant) de ces enfants :
ils ont beaucoup de mal, d’une part, à s’investir dans les apprentissages
scolaires et, d’autre part, à « greffer » les acquisitions scolaires sur leurs
pratiques et leurs connaissances (socio)familiales.
221
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
l’est pas du tout pour bon nombre d’écoliers de six ans, surtout parmi
ceux qui sont d’origine populaire. Tel maître pense, quand il propose des
exercices sur « le son [ou] », qu’il est en train de former des lecteurs-
compreneurs : il leur donne une règle (le son s’écrit ou) et un outil (le
déchiffrage) qui leur permettront de mieux lire-comprendre toutes sortes
de textes. Certains élèves, dans le même temps, pensent que le seul but
de l’exercice – et donc le seul but du maître – est de faire mémoriser les
mots « poule », « rouge » et « chou ». Quelques-uns croient bien faire, ils
croient répondre à la demande du maître – en répétant simplement après
lui « poule, rouge, chou ». L’élève qui « s’installe » dans ces malentendus,
celui qui est régulièrement « en décalage » – voire en rupture – avec la
logique didactique ou la stratégie de l’enseignant se trouve vite en sérieuse
difficulté dans les apprentissages scolaires fondamentaux.
Et l’activité cognitive de l’élève ne s’arrête pas là : il doit aussi
comprendre – ou construire – le lien entre ses activités scolaires et ses
activités extrascolaires, le rapport entre les différents éducateurs qu’il
côtoie dans et hors de l’école, la continuité entre les diverses interven-
tions dont il est « le bénéficiaire ». Il a besoin de saisir l’apport des unes
et des autres, leur complémentarité : « Qu’est-ce que j’apprends à l’école
avec X, avec Y ? Quel est le rôle de X, le rôle de Y pour m’aider à réussir
à l’école ? » Il a besoin de coordonner, de relier les informations, les
connaissances et les aides données par des « partenaires » divers. Ceux
qui n’y réussissent pas, ceux qui perçoivent, par exemple, les actions
autour de la lecture-écriture qui leur sont proposées à l’école, à la maison
ou ailleurs comme des actes disparates, fragmentés et parfois opposés
risquent fort d’être en difficulté dans l’apprentissage de la lecture.
Traditionnellement, seule la première activité cognitive de l’élève appre-
nant est prise en considération, celle qui concerne les contenus d’ensei-
gnement et les savoirs scolaires (par exemple, la lecture-écriture). Les
seules difficultés cognitives imaginées spontanément se trouvent dans le
face-à-face entre l’enfant et l’objet à apprendre (la langue écrite, par
exemple). Le diagnostic consiste à repérer – à détecter – les difficultés de
l’enfant avec cet objet (par exemple, les déficits ou les troubles linguis-
tiques). En réalité, les difficultés d’apprentissage peuvent se situer ailleurs :
dans la mauvaise maîtrise de la situation d’apprentissage (contresens sur
l’intention du maître, sur le but de la tâche scolaire) et/ou dans la
mauvaise maîtrise de la situation socio-éducative (difficultés à comprendre
« l’espace d’apprentissage », à coordonner les différents lieux de forma-
tion, à coordonner les différentes aides et les différentes informations
reçues.
222
De l’enfant-problème à la situation-problème
Conclusion
Ces quelques repères théoriques et ces quelques « histoires singu-
lières » permettent au psychologue (à/dans l’école) de penser autrement
les difficultés scolaires, d’aborder autrement les élèves en difficulté et,
plus largement, de concevoir autrement le « métier » d’élève. Il va de soi
que l’approche psycho-écologique des échecs scolaires ordinaires n’oublie
pas qu’il existe des difficultés dont l’origine est extérieure ou antérieure
à l’expérience scolaire de l’enfant-élève. Elle ne prétend pas invalider ou
rejeter la psychologie « classique » individuelle.
Mais elle ouvre une voie nouvelle pour aborder/traiter la question des
élèves en difficulté. Depuis le début des années 1980, elle apparaît parti-
culièrement pertinente pour décrire et comprendre la majorité des « cas »
– ou de situations – d’échec scolaire ordinaire. Chaque cas est singulier :
le « mélange » qui produit de l’échec varie d’un cas (ou d’une situation-
problème) à l’autre ; mais on trouve très souvent une composante
commune aux situations d’échec ordinaire : c’est un processus interactif
à la fois social et cognitif.
Bibliographie
BROSSARD M. : « Approche interactive de l’échec scolaire » in Psychologie scolaire.
38, 1981.
CHAUVEAU G. : « L’insuccès scolaire : le rôle des rapports sociaux et culturels »
in Psychologie scolaire. 39, 1982.
CHAUVEAU G. et ROGOVAS-CHAUVEAU É. : « La construction sociale de l’échec
scolaire » in Perspectives (revue sur les enjeux sociaux des pratiques psycholo-
giques). 4, 1984.
– « Sens et effets des pratiques psychologiques à l’école : les GAPP » in Intégration
ou marginalisation. CRESAS, 2, INRP-L’Harmattan, 1984.
– « L’échec scolaire au quotidien » et « L’enfant, le milieu local et les savoirs
scolaires » in Écoles et Quartiers. Paris, INRP-L’Harmattan, 1989.
CRESAS : L’Échec scolaire n’est pas une fatalité. Paris, ESF, 1981.
223
CONCLUSION
Des psychologies…
ou une psychologie ?
Jean-Marie Besse
225
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
1. BESSE J.-M., PETIOT-POIRSON K. et PETIT CHARLES E. : Qui est illettré ? Paris, Retz,
2003.
Voir aussi : L’État de l’école, ouvrage édité par le ministère de la Jeunesse, de l’Éducation
nationale et de la Recherche en octobre 2003 ; on y lit que l’enquête internationale PIRLS,
qui a évalué les compétences en lecture en fin de CM1 dans plus de trente pays, fait appa-
raître que 10 % des écoliers français se retrouvent au niveau le plus faible. Le même docu-
226
Des psychologies… ou une psychologie ?
ment signale que 12 % des jeunes hommes ou jeunes femmes – de dix-sept ans ou plus –
qui ont passé les épreuves de compréhension de l’écrit dans le cadre de la JAPD (journée
d’appel et de préparation à la défense) ont des difficultés réelles de compréhension « dont
la moitié qui sont dans une situation pouvant déboucher sur l’illettrisme » (p. 24).
Voir aussi la note d’évaluation n° 04-07 (disponible sur le site www.education.gouv.fr/stateval),
rédigée par Thierry Rocher, DEP C1.
L’enquête PISA (programme international de suivi des acquis), menée par l’OCDE en 2003
sur environ 4 500 élèves de quinze ans dans un certain nombre de pays, indique que 6,3 %
des élèves français sont en grande, voire en très grande difficulté pour lire.
2. FERREIRO E. : Culture écrite et éducation. Paris, Retz, 2002.
227
Psychologue à l’école : à la rencontre du sujet
228
Des psychologies… ou une psychologie ?
5. Le point de vue inspiré par la psychanalyse est fortement représenté dans les références
des psychologues scolaires.
229
TROISIÈME
PARTIE
Pour un métier
de psychologue
en milieu
scolaire
INTRODUCTION
Jean-Marie Besse
233
Pour un métier de psychologue en milieu scolaire
1. Qui comprend les questions relatives à l’éducation scolaire, à côté de celles relatives à
l’éducation familiale et à l’éducation sociale – la socialisation.
2. WALLON H. : « Pourquoi des psychologues scolaires ? » in Enfance. Vol. 5, 1952, p. 354.
234
CHAPITRE 10
Psychologie scolaire
et psychologie de l’éducation
Jean-Marie Besse
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Pour un métier de psychologue en milieu scolaire
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Psychologie scolaire et psychologie de l’éducation
1. C’est en 1949 que Daniel Lagache écrivait son livre L’unité de la psychologie, Paris, PUF.
2. Certains plans de recherche permettent d’étudier les effets de variables en interaction
les unes avec les autres. Toutefois, le nombre des variables étudiées reste limité – dans le
domaine scolaire singulièrement – du fait de l’accroissement nécessaire des effectifs de sujets
étudiés lorsque l’on ajoute une variable supplémentaire.
3. Et donc les références théoriques et méthodologiques articulées à chacune de ces rubriques.
4. Au surplus, nous avons montré, au chapitre 6, l’existence de plusieurs courants dans ce
champ.
5. Une grande partie de la science occidentale s’inspire d’un rationaliste dont le Discours
de la Méthode de R. Descartes, en 1637, a fourni les bases. Qu’on se rappelle les préceptes
fondamentaux pour conduire tout travail scientifique : « diviser chacune des difficultés que
j’examinerais en autant de parcelles qu’il se pourrait et qu’il serait requis pour les mieux
résoudre. […] conduire par ordre mes pensées en commençant par les objets les plus simples
et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu comme par degrés jusques à la connais-
sance des plus composés. »
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Pour un métier de psychologue en milieu scolaire
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Psychologie scolaire et psychologie de l’éducation
L’appropriation du lire-écrire
L’importance que chaque individu accorde à l’écrit et à la commu-
nication par l’écrit dépend de son histoire, des événements de son exis-
tence qui l’ont marqué de manière particulière dans son rapport au savoir
(et l’écrit en sera assez directement affecté) et l’ont inscrit ou non dans
un désir de communiquer et une disponibilité affective vis-à-vis des
apprentissages. Le « lire-écrire » ne peut donc être compris en l’étudiant
du seul point de vue de l’activité cognitive, ni sur la seule base de l’appren-
tissage scolaire. C’est un objet sur lequel l’individu réfléchit, à propos
duquel et grâce auquel il ressent des émotions, manifeste des conduites,
les inscrit dans son corps.
De plus, l’écrit est à analyser en rapport avec ses fonctions et ses
pratiques : le sujet, lecteur ou scripteur, ne peut être isolé des contextes
physiques et humains dans lesquels il côtoie ou utilise l’écrit. Aucune
approche partielle, cognitive, affective, sociologique, du lire-écrire ne peut
prétendre rendre compte, seule, de l’usage relationnel et social de l’écrit,
ni de ses modalités d’acquisition. La recherche psychologique, par
certaines de ses modalités d’investigation, coupe l’individu de ces éléments
contextuels et réduit parfois le sujet à sa performance, à ses capacités
d’apprentissage, dans une situation très limitée (le cadre du laboratoire).
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Pour un métier de psychologue en milieu scolaire
16. « Quels que soient les registres préférentiels d’un thérapeute, il est intéressant, lorsqu’un
enfant ou un adolescent est adressé pour des problèmes de comportement divers coexistant
avec des difficultés scolaires, qu’un minimum d’exploration cognitive soit réalisé en fonction
du niveau de troubles que l’on pressent. » in BERGER M. (éd.) : Les Troubles du développe-
ment cognitif. Approche thérapeutique chez l’enfant et l’adolescent. Paris, Dunod, 1996, p. 6.
17. LE NY J.-F. : « Comment (se) représenter les représentations ? » in Psychologie française.
30, 3-4, nov. 1985, pp. 231-238.
18. Car c’est tout à la fois l’enfant comme sujet singulier et comme écolier qui intéresse,
en propre, le psychologue scolaire.
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Psychologie scolaire et psychologie de l’éducation
19. Dans les conditions décrites par BESSE J.-M. et ACLÉ : Regarde comme j’écris ! Paris,
Magnard, 2000.
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Pour un métier de psychologue en milieu scolaire
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Psychologie scolaire et psychologie de l’éducation
• La dynamique de l’appropriation
L’appropriation est également à envisager selon une perspective dyna-
mique, car elle s’inscrit dans l’histoire de la relation individuelle à un
objet, manifestant ainsi l’action d’un processus qui se déroule tout au
long des activités qui placent le sujet en relation aux savoirs et ne se
limite donc pas au temps institutionnellement fixé pour l’apprentissage
à l’école.
Le processus d’appropriation tend à conserver l’organisation en place,
il pousse à ce que le rapport aux savoirs reste identique, que les éléments
nouveaux s’intègrent au système d’appropriation déjà élaboré par le sujet,
sans modifier la structure de ce système.
Mais l’individu peut parfois changer de mode d’appropriation et son
rapport aux savoirs se transformer, du fait des expériences vécues, des
rencontres, des échecs, des réflexions, de son activité cognitive et rela-
243
Pour un métier de psychologue en milieu scolaire
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Psychologie scolaire et psychologie de l’éducation
rapport à soi est possible ; il renforcera, par son usage, cette décen-
tration.
Ces conditions définissent un ensemble d’attitudes qui orientent le
rapport à l’écrit sans que le sujet en ait toujours conscience.
La psychologie de l’éducation
La psychologie de l’éducation s’est développée pour analyser,
comprendre et aider à résoudre ces types de problèmes. Elle a été parfois
décrite comme une psychologie « appliquée » : il s’agirait d’appliquer direc-
tement aux problèmes éducatifs les résultats de la recherche et des théo-
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Pour un métier de psychologue en milieu scolaire
26. C’est la définition que propose W. D. Fröhlich, dans son Dictionnaire de la psychologie
(Livre de Poche, éd. fr. 1997, p. 325) : « une branche de la psychologie appliquée qui s’attache
à appliquer les résultats des recherches et des théories psychologiques aux problèmes éduca-
tifs, ou à étudier les problèmes nés de la situation éducative (dans le domaine familial aussi
bien que scolaire). Elle comporte un lien étroit avec les problèmes auxquels se consacrent
la psychologie du développement, la psychologie sociale et celle de l’apprentissage aussi
bien que d’autres branches de la psychologie générale et de la psychologie différentielle. »
27. Cf. Decroly, psychologue et éducateur. Toulouse, Privat, 1982.
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Psychologie scolaire et psychologie de l’éducation
tout aussi bien être reconnues positivement comme des occasions sociales
d’apprentissage28 que posées comme des limites fortes à une importation
directe de pratiques et de savoirs construits dans d’autres cadres métho-
dologiques, rendent nécessaire une élaboration des savoirs psychologiques
explicitement référés au champ d’une psychologie de l’éducation29.
L’objet de ce secteur de la psychologie est ainsi d’étudier, chez des
sujets insérés ou non dans un cadre de formation institutionnalisé – la
psychologie de l’éducation s’intéresse aux questions relatives à l’éduca-
tion scolaire, mais aussi à celles relatives à l’éducation familiale et à
l’éducation sociale –, les conduites d’appropriation de certains objets valo-
risés par le groupe social : ainsi en est-il de savoirs et savoir-faire (ceux
que les systèmes éducatifs, notamment, inscrivent dans leurs programmes),
de comportements (ceux qu’un groupe humain donné estime souhaitables)
et de valeurs (celles qu’une société ou une culture érigent en finalité).
Ces objets se présentent, à l’école, en tant qu’éléments à apprendre, à
acquérir au cours d’activités prévues au sein d’actions d’enseignement.
De plus, ces conduites d’apprentissage se présentent dans leur relation à
ce qui est enseigné ou présenté directement au sujet, dans un cadre informel
ou au sein d’une institution éducative.
Les méthodes et les concepts théoriques employés par la psychologie
de l’éducation pour étudier, comprendre, voire tenter d’expliquer ce qui
s’organise – et comment cela s’organise – autour de ces essais d’appro-
priation, ne se contentent pas d’emprunts à diverses sous-disciplines de
la psychologie. En effet, les conduites d’apprentissage et d’appropria-
tion se situent, à l’école, dans un cadre social, organisé pour permettre
des activités cognitives portant sur des contenus d’enseignement et
impliquant une mobilisation de l’élève sur ces apprentissages ; chaque
élève est en relation avec d’autres élèves, avec au moins un enseignant ;
à l’extérieur de l’école, la famille de l’élève, notamment, lui signifie,
plus ou moins consciemment et explicitement, ses attentes par rapport
à ce qu’il fait et peut ou doit faire à l’école. Étudier, en respectant les
exigences du contrôle scientifique pour produire des savoirs fiables,
autant de variables concomitantes, relève de la gageure : aussi comprend-
on mieux pourquoi la plupart des travaux de recherche sur ces ques-
tions choisissent-ils de n’étudier que l’une ou l’autre de ces variables,
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Pour un métier de psychologue en milieu scolaire
30. Car il va de soi que le didacticien – pour ne prendre que cet exemple –, à sa manière,
traite aussi ces deux questions.
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Psychologie scolaire et psychologie de l’éducation
Bibliographie
Voir pp. 152-155.
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CHAPITRE 11
Jean-Marie Besse
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Pour un métier de psychologue en milieu scolaire
Les tâches des psychologues scolaires sont définies par des textes assez
généraux pour autoriser des pratiques effectives de terrain de fait très
dissemblables. Nombre de ces pratiques renvoient aux « examens psycho-
logiques », examens au terme desquels l’orientation des élèves en diffi-
culté d’apprentissage peut être décidée par des commissions spécialisées
(de nombreux dispositifs reçoivent les enfants sur la base de leurs capa-
cités intellectuelles manifestées par un test de quotient intellectuel – le
QI1 – ou selon la nature des difficultés, et exigent donc ce bilan établi
par un psychologue) : ce modèle du psychologue-orienteur 2 est très
prégnant dans les représentations de la hiérarchie scolaire. Mais inter-
viennent aussi dans l’école des psychologues – ce sont parfois les mêmes
– susceptibles d’intervenir « en urgence » dans une école lorsque dans
cette dernière un événement grave est survenu (par exemple, en cas
d’abus sexuels ou de mort brutale d’un enfant ou d’un enseignant), pour
aider les enfants et les adultes à élaborer leur souffrance et leurs émotions :
c’est alors le modèle du psychologue-thérapeute3 qui est implicitement
présent dans la demande institutionnelle.
Certes, l’écart semble maximal entre ces deux modèles et les pratiques
auxquelles ils renvoient, alors que l’exercice quotidien de la psychologie
scolaire se situe habituellement dans une moindre disparité de fonctions :
l’orientation d’un élève n’est pas la seule réponse à proposer au terme
de l’examen psychologique (le psychologue dispose d’une palette de possi-
bilités – l’entretien, avec l’enfant, avec l’enseignant, avec les parents, est
la première modalité de son action –, possibilités engagées selon l’impor-
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Des psychologues à l’école
4. Une réelle disparité quant au nombre des professionnels spécialisés et des institutions
est constatée entre les départements et les régions ; il n’est pas rare que le délai d’attente
pour une consultation dans les CMPP, par exemple, soit de six à dix mois.
5. Tous les réseaux d’aides ne disposent pas d’une équipe complète.
6. « Les causes sont si rarement uniques en psychologie, apparaissent si rarement isolées
dans le développement et restent si rarement seules actives, qu’une attitude de contrôle
continuel de ses propres options théoriques s’avère nécessaire pour éviter l’unilatéralité de
l’explication. » F. GAILLARD, postface, p. 216, in JUMEL B. (dir.) : Le travail du psychologue
dans l’école. Cas cliniques et pratiques professionnelles. Paris, Dunod, 1999.
7. Une association internationale comme l’International School Psychology Association
montre la variété des formes d’inscription institutionnelle et des évolutions des pratiques
des psychologues travaillant auprès ou au sein des institutions scolaires. Plus particulière-
ment, la situation européenne nous concerne, dans un contexte prévisible d’harmonisation,
voire d’intégration, des formations, des diplômes, des accès aux emplois au sein de la commu-
nauté européenne.
8. Cf. aussi les nombreuses publications sur la place et le rôle de la psychologie à l’école.
Citons, par exemple : (suite page 254)
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Pour un métier de psychologue en milieu scolaire
254
Des psychologues à l’école
10. Ce dernier mobilise, dans son travail, une psychologie principalement intuitive, impliqué
qu’il est dans l’action éducative. En travaillant au sein de groupes de recherche – cf. notre
propre type d’intervention auprès des enseignants, tel que nous l’avons décrit et illustré
dans Regarde comme j’écris ! (Paris, Magnard) – ou au sein de groupes de « soutien au
soutien », tels que ceux organisés autour de J. LÉVINE (Agsas), l’enseignant peut construire
un regard sur son métier nourri d’une approche psychologique validée par son référentiel
théorique et sa relation à la pratique enseignante.
255
Pour un métier de psychologue en milieu scolaire
256
Des psychologues à l’école
cette rencontre avec cette image de l’élève en soi, avec ses projections
sur lui et les échanges identificatoires.
11. À propos précisément des psychologues scolaires, R. CLÉMENT écrit (cité par B. JUMEL,
op. cit., p. 2) : « Loin de se vivre et de s’assumer comme des outils de régulation interne
programmés au départ par la machinerie de l’Éducation nationale, nombreux sont ceux qui
revendiquent en droit l’extension officielle de leur champ de compétence aux partenaires
du monde scolaire que sont les enseignants, aussi bien que les parents. L’écoute intelligente
de l’échec ou des difficultés scolaires suppose, en effet, la prise en compte dynamique des
interactions relationnelles et psychiques dont l’enfant est le centre. »
12. Cette situation est lourde de contradictions, par exemple lorsque l’IEN prétend évaluer
l’activité du psychologue selon des critères qui méconnaissent le code de déontologie des
psychologues.
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Pour un métier de psychologue en milieu scolaire
13. On ne peut ici que rappeler, pour l’approuver, la position de B. GIBELLO à propos des
« méfaits de l’étiquetage » : « certaines décisions administratives appuyées uniquement sur
un chiffre de QI pour orienter des enfants handicapés mentaux et intellectuels vers tel ou
tel établissement, sans autre souci de la personnalité de l’enfant.
De telles pratiques me semblent relever autant d’un abus de pouvoir de l’administration
qui s’empare ainsi d’une donnée paraclinique qu’elle n’a pas compétence pour apprécier,
que du dessaisissement des praticiens responsables, psychologues ou psychiatres, de leur
devoir d’éclairer en cas de besoin l’administration en donnant des conclusions diagnostiques
et pronostiques claires, avec des indications thérapeutiques et psychoéducatives précises. »
in L’Enfant à l’intelligence troublée, op. cit., pp. 28-29.
14. Cf. HAMON H. : Tant qu’il y aura des élèves. Paris, Le Seuil, 2004.
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Des psychologues à l’école
Ceci implique que le réseau analyse en commun les demandes qui lui
sont adressées et y réagisse en tant que réseau dans le cadre d’une stra-
tégie collective, explicitée, écrite et communiquée.
Les modes d’intervention des différents membres du réseau diffèrent,
en fonction des pôles de référence qui organisent leur spécificité (psycho-
logique versus rééducatif).
Le réseau aide l’institution à penser la situation des élèves en diffi-
culté, sans les réduire à leur dimension individuelle (à quoi renvoie le
modèle de la psychothérapie) et sans les inscrire non plus dans une patho-
logisation de l’échec scolaire. La réponse en termes d’orientation, donc
d’éloignement du lieu de manifestation des difficultés, n’est qu’une
deuxième réponse à envisager.
Alors que l’école est surtout organisée pour fonctionner avec des enfants
disposés et aptes à entrer dans les apprentissages sous les formes propo-
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Pour un métier de psychologue en milieu scolaire
sées par l’école, la présence des élèves rétifs à ces apprentissages intro-
duit un malaise dans l’institution, malaise auquel il est tentant de vouloir
échapper en postulant soit que ces élèves, grâce à des interventions spécia-
lisées (le Rased, notamment), peuvent, plus ou moins rapidement, être
reconduits dans la « normalité d’apprentissage », soit qu’il convient de les
réorienter vers des institutions échappant au milieu scolaire ordinaire.
L’école peine à explorer une autre voie, qui consisterait à accepter d’autres
rythmes et formes d’apprentissage pour ces élèves qui apprennent moins
vite ou autrement.
15. Nous entendons par là la psychologie telle qu’elle est organisée et fonctionne dans les
universités.
16. Les travaux scientifiques en psychologie ne se limitent pas à la recherche effectuée dans
les universités.
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Des psychologues à l’école
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Pour un métier de psychologue en milieu scolaire
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Des psychologues à l’école
partir d’autres entrées, par une centration sur le cognitif, par exemple,
ce qui suppose une approche cognitive clinique qui ne s’en tient pas à
cette seule dimension, mais qui étudie ensuite les éléments psychoaffec-
tifs sur des bases plus objectivées (questionnaires d’estime de soi, notam-
ment), ainsi que les éléments psychosociaux ou psychoculturels.
Dans les cas évoqués (entrée par les affects ou approche par le cognitif19),
l’objectif est d’assurer une équilibration entre les conduites dans le réel
des apprentissages et de l’institution sociale qu’est l’école et les représen-
tations de soi et des autres que nourrissent les élèves sur une base imagi-
naire, très affectivée. Cette recherche d’équilibre est permise par la
présence active d’un tiers qui n’est pas centré sur les tâches relatives au
réel institutionnel (qui n’est donc pas du côté de la pédagogie) mais qui
peut aider à une prise en compte de ce réel, de manière indirecte par
rapport aux apprentissages (ce qui ne se confond donc pas avec une péda-
gogie de « soutien », ni une « rééducation », qui sont d’autres types d’aide).
Le psychologue scolaire travaille donc à établir ou rétablir une
congruence minimale entre la représentation de soi (accessible par la
conscience, alors que l’image de soi est du registre du fantasme incons-
cient et se travaille autrement) et la validation dans le réel de ses
conduites, de ses possibilités, de ses compétences. Aussi bien, le psycho-
logue est-il alors amené à travailler avec des outils, des tâches, des média-
tions qui amènent le sujet à une confrontation avec du réel. C’est dans
les allers et retours entre ce que fait le sujet avec ces tâches, comment
il les traite et ce que le réel en renvoie qu’il peut commencer à élaborer
une meilleure équilibration de ses conduites. Une telle approche psycho-
logique, qui s’inscrit dans le mouvement du sujet pour mieux l’aider à
ajuster ses conduites à ses possibilités actuelles, se distingue d’une
démarche qui fixerait le sujet dans ses performances à un moment donné.
Une parole qui s’énoncerait sans que soit possible ce retour du réel
comprendrait le risque d’être inscrite dans la seule subjectivité du psycho-
logue (d’où le travail de nécessaire supervision de ce dernier). Le psycho-
logue – et ceci vaut sans doute qu’il soit ou non membre de l’Éducation
nationale, ancien professeur des écoles ou non – travaille sur ce mouve-
ment de balancier entre le dedans et le dehors, le subjectif et l’objectif,
l’imaginaire et le réel, la représentation et le fait.
19. Cette distinction par les compétences spécialisées du psychologue scolaire se croise, dans
la pratique, avec la nature des demandes d’intervention, qui conduisent, elles, plus ou moins
directement, à privilégier l’une ou l’autre des « entrées ».
263
Pour un métier de psychologue en milieu scolaire
20. Ce qui serait le cas si un enfant était caractérisé par son seul QI !
264
Des psychologues à l’école
21. Cf. par exemple GUICHARD D. : « La gestion d’une situation de crise à l’école. Approche
systémique des troubles du comportement à l’école » in Psychologie et Éducation. N° 54,
2003, 59-74.
22. Comme le fait remarquer M. HUTEAU dans la préface au livre dirigé par GUILLARD
S. et GUILLEMARD J.-C. : Manuel pratique de psychologie en milieu éducatif. (Paris, Masson,
1997, p. XI) : « il ne suffit pas d’être un enseignant pour être un psychologue scolaire. »
23. Même le plan Langevin-Wallon, plus fréquemment évoqué que réellement consulté,
indique, p. 26, que les psychologues scolaires « devront avoir une justification pédagogique
suffisante (diplômes universitaires et, s’il se peut, pratique scolaire) ». (C’est nous qui souli-
gnons.)
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Pour un métier de psychologue en milieu scolaire
durée significative – trois mois, par exemple – effectué par tout futur
psychologue scolaire24 ?
L’enseignant aurait-il acquis, lors de son passage en IUFM puis à
l’épreuve de la classe, une culture psychologique authentique, opération-
nelle dans le champ scolaire ? Les enquêtes publiées par les journaux
spécialisés25 sur les temps réellement consacrés, dans les différents IUFM,
à la formation en psychologie26 et les études de satisfaction conduites
auprès des anciens stagiaires en IUFM sur les méthodes et les contenus
de formation dispensés dans ces instituts ne peuvent que laisser sceptique
sur la valeur de la formation à la psychologie.
Pour pouvoir occuper une place de « tiers symbolique », comme évoqué
ci-dessus, vaut-il mieux avoir occupé précédemment une place de membre
de l’interaction duelle de base (éducateur/éduqué) ? Ne voit-on pas ici
fonctionner une manière de fantasme du « même » (qui amène à des
impasses du genre : « seul un enfant peut comprendre un enfant », « seule
une femme peut comprendre une femme », etc.) ? Pour nous, le psycho-
logue n’est donc pas mieux psychologue « scolaire » parce qu’il est un
ancien enseignant.
24. Stage qui s’accompagnerait d’un travail de reprise et d’élaboration au sein d’un groupe
d’élaboration de la pratique, tel qu’ils fonctionnent dans les formations de psychologue
(Master professionnel de psychologie).
25. Le Monde de l’Éducation, par exemple, mensuel consacré aux questions éducatives.
26. De l’ordre de 10 heures sur les 450 heures de cours.
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Des psychologues à l’école
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Pour un métier de psychologue en milieu scolaire
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Des psychologues à l’école
28. LEGENDRE P. : Leçon IV, suite 2, Filiation. Paris, Fayard, 1996, p. 74.
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Pour un métier de psychologue en milieu scolaire
270
ANNEXE
Code de déontologie
des psychologues
PRÉAMBULE
Le respect de la personne humaine dans sa dimension psychique
est un droit inaliénable. Sa reconnaissance fonde l’action des psycho-
logues.
Le présent code de déontologie est destiné à servir de règle profes-
sionnelle aux hommes et aux femmes qui ont le titre de psychologue,
quels que soient leur mode d’exercice et leur cadre professionnel, y
compris leurs activités d’enseignement et de recherche.
Sa finalité est avant tout de protéger le public et les psychologues
contre les mésusages de la psychologie et contre l’usage de méthodes et
techniques se réclamant abusivement de la psychologie.
Les organisations professionnelles signataires du présent code
s’emploient à le faire connaître et respecter. Elles apportent, dans cette
perspective, soutien et assistance à leurs membres. L’adhésion des psycho-
logues à ces organisations implique leur engagement à respecter les dispo-
sitions du code.
271
Annexe
2) Compétence
Le psychologue tient ses compétences de connaissances théoriques régu-
lièrement mises à jour, d’une formation continue et d’une formation à
discerner son implication personnelle dans la compréhension d’autrui.
Chaque psychologue est garant de ses qualifications particulières et
définit ses limites propres, compte tenu de sa formation et de son expé-
rience. Il refuse toute intervention lorsqu’il sait ne pas avoir les compé-
tences requises.
3) Responsabilité
Outre les responsabilités définies par la loi commune, le psychologue
a une responsabilité professionnelle. Il s’attache à ce que ses interven-
tions se conforment aux règles du présent code. Dans le cadre de ses
compétences professionnelles, le psychologue décide du choix et de l’appli-
cation des méthodes et techniques psychologiques qu’il conçoit et met
en œuvre. Il répond donc personnellement de ses choix et des consé-
quences directes de ses actions et avis professionnels.
4) Probité
Le psychologue a un devoir de probité dans toutes ses relations profes-
sionnelles. Ce devoir fonde l’observance des règles déontologiques et son
effort continu pour affiner ses interventions, préciser ses méthodes et
définir ses buts.
5) Qualité scientifique
Les modes d’intervention choisis par le psychologue doivent pouvoir
faire l’objet d’une explicitation raisonnée de leurs fondements théoriques
et de leur construction. Toute évaluation ou tout résultat doit pouvoir
faire l’objet d’un débat contradictoire des professionnels entre eux.
272
Code de déontologie des psychologues
7) Indépendance professionnelle
Le psychologue ne peut aliéner l’indépendance nécessaire à l’exercice
de sa profession sous quelque forme que ce soit.
CLAUSE DE CONSCIENCE
Dans toutes les circonstances où le psychologue estime ne pas
pouvoir respecter ces principes, il est en droit de faire jouer la clause de
conscience.
• Article 2
L’exercice professionnel de la psychologie requiert le titre et le statut
de psychologue.
• Article 3
La mission fondamentale du psychologue est de faire reconnaître et
respecter la personne dans sa dimension psychique. Son activité porte sur
la composante psychique des individus, considérés isolément ou collecti-
vement.
273
Annexe
• Article 4
Le psychologue peut exercer différentes fonctions à titre libéral, salarié
ou d’agent public. Il peut remplir différentes missions, qu’il distingue et
fait distinguer, comme le conseil, l’enseignement de la psychologie,
l’évaluation, l’expertise, la formation, la psychothérapie, la recherche…
Ces missions peuvent s’exercer dans divers secteurs professionnels.
• Article 6
Le psychologue fait respecter la spécificité de son exercice et son auto-
nomie technique. Il respecte celles des autres professionnels.
• Article 7
Le psychologue accepte les missions qu’il estime compatibles avec ses
compétences, sa technique, ses fonctions, et qui ne contreviennent ni aux
dispositions du présent code, ni aux dispositions légales en vigueur.
• Article 8
Le fait pour un psychologue d’être lié dans son exercice professionnel
par un contrat ou un statut à toute entreprise privée ou tout organisme
public ne modifie pas ses devoirs professionnels, et en particulier ses obli-
gations concernant le secret professionnel et l’indépendance du choix de
ses méthodes et de ses décisions. Il fait état du code de déontologie dans
l’établissement de ses contrats et s’y réfère dans ses liens professionnels.
• Article 9
Avant toute intervention, le psychologue s’assure du consentement de
ceux qui le consultent ou participent à une évaluation, une recherche ou
une expertise. Il les informe des modalités, des objectifs et des limites de
son intervention. Les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers
ou des situations qui lui sont rapportées. Mais son évaluation ne peut
274
Code de déontologie des psychologues
porter que sur des personnes ou des situations qu’il a pu examiner lui-
même.
Dans toutes les situations d’évaluation, quel que soit le demandeur, le
psychologue rappelle aux personnes concernées leur droit à demander
une contre-évaluation. Dans les situations de recherche, il les informe de
leur droit à s’en retirer à tout moment. Dans les situations d’expertise
judiciaire, le psychologue traite de façon équitable avec chacune des
parties et sait que sa mission a pour but d’éclairer la justice sur la ques-
tion qui lui est posée et non d’apporter des preuves.
• Article 10
Le psychologue peut recevoir, à leur demande, des mineurs ou des
majeurs protégés par la loi. Son intervention auprès d’eux tient compte de
leur statut, de leur situation et des dispositions légales en vigueur. Lorsque
la consultation pour des mineurs ou des majeurs protégés par la loi est
demandée par un tiers, le psychologue requiert leur consentement éclairé,
ainsi que celui des détenteurs de l’autorité parentale ou de la tutelle.
• Article 11
Le psychologue n’use pas de sa position à des fins personnelles, de
prosélytisme ou d’aliénation d’autrui. Il ne répond pas à la demande d’un
tiers qui recherche un avantage illicite ou immoral, ou qui fait acte d’auto-
rité abusive dans le recours à ses services. Le psychologue n’engage pas
d’évaluation ou de traitement impliquant des personnes auxquelles il
serait déjà personnellement lié.
• Article 12
Le psychologue est seul responsable de ses conclusions. Il fait état des
méthodes et outils sur lesquels il les fonde et il les présente de façon
adaptée à ses différents interlocuteurs, de manière à préserver le secret
professionnel.
Les intéressés ont le droit d’obtenir un compte-rendu compréhensible
des évaluations les concernant, quels qu’en soient les destinataires.
Lorsque ces conclusions sont présentées à des tiers, elles ne répondent
qu’à la question posée et ne comportent les éléments d’ordre psycholo-
gique qui les fondent que si nécessaire.
• Article 13
Le psychologue ne peut se prévaloir de sa fonction pour cautionner
un acte illégal et son titre ne le dispense pas des obligations de la loi
275
Annexe
• Article 14
Les documents émanant d’un psychologue (attestation, bilan, certificat,
courrier, rapport, etc.) portent son nom, l’identification de sa fonction
ainsi que ses coordonnées professionnelles, sa signature et la mention
précise du destinataire. Le psychologue n’accepte pas que d’autres que
lui-même modifient, signent ou annulent les documents relevant de son
activité professionnelle. Il n’accepte pas que ses comptes-rendus soient
transmis sans son accord explicite, et il fait respecter la confidentialité
de son courrier.
• Article 15
Le psychologue dispose sur le lieu de son exercice professionnel d’une
installation convenable, de locaux adéquats pour permettre le respect du
secret professionnel et de moyens techniques suffisants en rapport avec
la nature de ses actes professionnels et des personnes qui le consultent.
• Article 16
Dans le cas où le psychologue est empêché de poursuivre son inter-
vention, il prend les mesures appropriées pour que la continuité de son
action professionnelle soit assurée par un collègue avec l’accord des
personnes concernées, et sous réserve que cette nouvelle intervention soit
fondée et déontologiquement possible.
276
Code de déontologie des psychologues
• Article 18
Les techniques utilisées par le psychologue pour l’évaluation, à des fins
directes de diagnostic, d’orientation ou de sélection, doivent avoir été
scientifiquement validées.
• Article 19
Le psychologue est averti du caractère relatif de ses évaluations et inter-
prétations. Il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les
aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclu-
sions peuvent avoir une influence directe sur leur existence.
• Article 20
Le psychologue connaît les dispositions légales et réglementaires issues
de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux
libertés. En conséquence, il recueille, traite, classe, archive et conserve
les informations et données afférentes à son activité selon les dispositions
en vigueur. Lorsque ces données sont utilisées à des fins d’enseignement,
de recherche, de publication ou de communication, elles sont impérati-
vement traitées dans le respect absolu de l’anonymat, par la suppression
de tout élément permettant l’identification directe ou indirecte des
personnes concernées, ceci toujours en conformité avec les dispositions
légales concernant les informations nominatives.
277
Annexe
• Article 22
Le psychologue respecte les conceptions et les pratiques de ses collègues
pour autant qu’elles ne contreviennent pas aux principes généraux du
présent code ; ceci n’exclut pas la critique fondée.
• Article 23
Le psychologue ne concurrence pas abusivement ses collègues et fait
appel à eux s’il estime qu’ils sont plus à même que lui de répondre à une
demande.
• Article 24
Lorsque le psychologue remplit une mission d’audit ou d’expertise vis-
à-vis de collègues ou d’institutions, il le fait dans le respect des exigences
de sa déontologie.
• Article 26
Le psychologue n’entre pas dans le détail des méthodes et techniques
psychologiques qu’il présente au public, et il l’informe des dangers poten-
tiels d’une utilisation incontrôlée de ces techniques.
278
Code de déontologie des psychologues
• Article 28
L’enseignement présente les différents champs d’étude de la psycho-
logie, ainsi que la pluralité des cadres théoriques, des méthodes et des
pratiques, dans un souci de mise en perspective et de confrontation
critique. Il bannit nécessairement l’endoctrinement et le sectarisme.
• Article 29
L’enseignement de la psychologie fait une place aux disciplines qui
contribuent à la connaissance de l’homme et au respect de ses droits, afin
de préparer les étudiants à aborder les questions liées à leur futur exer-
cice dans le respect des connaissances disponibles et des valeurs éthiques.
• Article 31
Le psychologue enseignant la psychologie veille à ce que ses pratiques,
de même que les exigences universitaires (mémoires de recherche, stages
professionnels, recrutement de sujets…), soient compatibles avec la déon-
tologie professionnelle. Il traite les informations concernant les étudiants,
acquises à l’occasion des activités d’enseignement, de formation ou de
stage, dans le respect des articles du code concernant les personnes.
• Article 32
Il est enseigné aux étudiants que les procédures psychologiques concer-
nant l’évaluation des individus et des groupes requièrent la plus grande
279
Annexe
• Article 33
Les psychologues qui encadrent les stages, à l’université et sur le terrain,
veillent à ce que les stagiaires appliquent les dispositions du code, notam-
ment celles qui portent sur la confidentialité, le secret professionnel, le
consentement éclairé. Ils s’opposent à ce que les stagiaires soient employés
comme des professionnels non rémunérés. Ils ont pour mission de former
professionnellement les étudiants et non d’intervenir sur leur personna-
lité.
• Article 34
Conformément aux dispositions légales, le psychologue enseignant la
psychologie n’accepte aucune rémunération de la part d’une personne
qui a droit à ses services au titre de sa fonction universitaire. Il n’exige
pas des étudiants qu’ils suivent des formations extra-universitaires
payantes ou non pour l’obtention de leur diplôme. Il ne tient pas les
étudiants pour des patients ou des clients. Il n’exige pas leur participa-
tion gratuite ou non à ses autres activités, lorsqu’elles ne font pas expli-
citement partie du programme de formation dans lequel sont engagés les
étudiants.
• Article 35
La validation des connaissances acquises au cours de la formation
initiale se fait selon des modalités officielles. Elle porte sur les disciplines
enseignées à l’université, sur les capacités critiques et d’auto-évaluation
des candidats, et elle requiert la référence aux exigences éthiques et aux
règles déontologiques des psychologues.