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PSYCHOLOGIE SOCIALE
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PSYCHOLOGIE SOCIALE
Sous la direction de
Nicolas Roussiau
IN PRESS EDITIONS
Serge et France Perrot, Éditeurs
12, rue du Texel - 75014 Paris
Tél. : 01 43 35 40 32
Fax : 01 43 21 05 00
Maquette :
Marianne Adato
PSYCHOLOGIE SOCIALE
ISBN 2-912 404-41-X
© 2000 IN PRESS ÉDITIONS
Toute représentation ou reproduction, intégrale ou partielle, faite sans le consentement des
auteurs, ou de leurs ayants droit ou ayants cause, est illicite (loi du 11 mars 1957, alinéa 1er
de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit.
constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal.
Je tiens à remercier pour leurs conseils les membres de l'équipe de psychologie
sociale RESCO (REprésentations Sociales et COmmunication) de l'Université
de Rennes 11.
Nicolas Roussiau
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LES AUTEURS
Brigitte Almudever
Maître de conférences en psychologie sociale du travail,
Université de Toulouse II.
Christine Bonardi
Maître de conférences en psychologie sociale,
Université de Nice Sophia Antipolis.
Marcel Bromberg
Professeur de psychologie sociale,
Université de Paris VIII.
Jean-Pierre Deconchy
Professeur de psychologie sociale,
Université de Paris X.
Alain Delahousse
Maître de conférences en psychologie sociale,
Université de Rennes II.
Mohamed Doraï
Professeur de psychologie sociale,
Université de Rennes II.
Raymond Dupuy
Professeur de psychologie sociale du travail et des organisations,
Université de Toulouse IT.
8 PSYCHOLOGIE SOCIALE
Valérie Fointiat
Maître de conférences en psychologie sociale,
Université de Poitiers.
Fabien Girandola
Maître de conférences en psychologie sociale,
Université de Besançon.
Zohra Guerraoui
Maître de conférences en psychologie interculturelle,
Université de Toulouse II.
Valérie Haas
Maître de conférences en psychologie sociale,
Université d'Amiens.
Denise Jodelet
Directeur d'études (psychologie sociale),
École des Hautes Études en Sciences Sociales. Paris.
Stéphane Laurens
Maître de conférences en psychologie sociale,
Université de Rennes II.
Brigitte Lecat
Chercheur associé en psychologie sociale,
Université de Toulouse II.
Alexis Le Blanc
Maître de conférences en psychologie sociale du travail ,
Jacques-Philippe Leyens
Professeur de psychologie sociale,
Université catholique de Louvain à Louvain-la-Neuve.
Gérard Marandon
Maître de conférences en psychologie interculturelle,
Université de Toulouse II.
LES AUTEURS
Thierry Meyer
Maître de conférences en psychologie sociale,
Université de Paris X.
Gabriel Mugny
Professeur de psychologie sociale,
Université de Genève.
Patrick Rateau
Maître de conférences en psychologie sociale,
Université de Montpellier III.
Michel-Louis Rouquette
Professeur de psychologie sociale,
Université de Paris VIII.
Nicolas Roussiau
Maître de conférences en psychologie sociale,
Université de Rennes II.
Nadège Soubiale
Maître de conférences en psychologie sociale,
Université de Reims Champagne Ardennes.
Alain Trognon
Professeur de psychologie sociale,
Université de Nancy II.
Jeroen Vaes
Chercheur en psychologie sociale,
Université catholique de Louvain à Louvain-la-Neuve
Jean Viaud
Maître de conférences en psychologie sociale,
Université de Brest.
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SOMMAIRE
PREMIÈRE PARTIE
Comment pense-t-on le monde ? 65
DEUXIÈME PARTIE
Comment juge-t-on les autres ? Comment est-on jugé par eux ? …… 135
TROISIÈME PARTIE
Sommes-nous tous influençables ? .…....................................... 183
QUATRIÈME PARTIE
Pourquoi et comment communique-t-on ? 273
Bibliographie
Table des matières DELEELEEEEEEEEEEEEEEEEE EEE EEE EP EET PENSE CEE TEE TEE EEE
PRÉSENTATION DE L'OUVRAGE
Nicolas ROUSSIAU
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INTRODUCTION
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CHAPITRE |
1. Oublis et négligences
L’ignorance des faits historiques peut conduire à des interprétations
erronées ou à des reprises inutiles contre lesquelles, pourtant, Essertier
nous a prévenu dès 1927 : “Le progrès des sciences, et surtout des sciences
morales, dépend dans une large mesure de la connaissance de leur
histoire. Si l’on ignorait comment, à un moment donné, les rapports de la
psychologie et de la sociologie ont soulevé un problème, comment ce
problème a évolué, quelles formes il a successivement revêtues, on ne
serait en mesure ni d'en prévoir la solution, ni par conséquent de la
préparer. Faute de sentir dans quel sens coule le fleuve, on risque de le
remonter et de s'épuiser en vains efforts. Faute de connaître les phases du
débat, on s'expose à recommencer inutilement des polémiques qui ont fait
leur temps” (pp. 1-2). C’est le cas de certains auteurs qui font remonter à
Triplett (1897) la première expérience de psychologie sociale alors que les
travaux dans cette perspective font état d’expérimentations antérieures
dues à Ringelmann (ou Ringelman, selon certains auteurs) vers les années
1885 (Latané et al., 1979). Pagès écrivait à ce propos : “La première
expérimentation comportementaliste de la psychologie sociale (et peut-
être de la psychologie) a eu lieu, bien avant Triplett (1898) et Binet (1900),
vers 1885, près de Nantes avec Max Ringelmann, futur professeur à l'INA
(Institut National Agronomique)... Ringelmann y faisait ressortir le
phénomène de synergie négative (synargie) dans l'effort musculaire
collectif (-argie comme dans léthargie, négation d'erg-, le travail). Cette
innovation oubliée en France longtemps a été elle-même précédée de 15 à
20 ans par les expérimentations fouriéristes et d'intention cognitique dues
à André Godin (1865-75) (sur l’interconnaissance des travailleurs) au
Familistère de Guise...” (1996, p. 11).
Précisons le travail de Godin, tout en développant une autre méprise
concernant la psychologie du travail et les premières expérimentations
dans ce domaine relatives aux formalisations expérimentales menées dans
un cadre naturel. La plupart des manuels citent comme travaux pionniers
ceux d’Elton Mayo, réalisés entre 1923 et 1939 dans le cadre d’une usine
de filature à Philadelphie (1923-1925) et auprès d’une entreprise de
montage de câbles téléphoniques à Hawthorne ; le tout débouchera plus
CHAPITRE | : PLAIDOYER POUR L'ÉTUDE DE L'HISTOIRE DE LA PSYCHOLOGIE SOCIALE. 23
tard sur l’école des Relations Humaines. La réalité est que dans toutes ces
publications les auteurs négligent de faire référence aux travaux de Godin
pourtant présentés à maintes reprises d’abord par Marie Moret, sa petite
cousine devenue sa seconde épouse (1897-1910), puis par Prudhommeaux
(1919) et de façon splendide, plus près de nous, par Vacher dans sa thèse
(1992). Cette dernière estime que Godin a véritablement été “un concep-
teur d’une cellule industrielle à considérer comme un laboratoire social ou
un centre d'essais d'organisation” (1992, p. 8). Godin, en chef d’entre-
prise, pratique sur son personnel d'établissements plusieurs expériences de
différents types mais qui sont reliées les unes aux autres comme des essais
suivis de correction. Une première série d’expériences ou, plus précisé-
ment, de pré-expériences se déroule en 1867 et 1872. Elles ont pour objec-
tif d'entraîner les travailleurs à la désignation du personnel à récompenser.
Cette série porte sur la totalité des travailleurs. Godin fait même des
propositions visant la modification du système de répartition des salaires,
ou, plus précisément, à affiner les techniques de jugement des mérites des
personnels de l’entreprise en imaginant des systèmes d’attribution de
primes. Une seconde série d’expérimentations a été mise en place pour le
sous-ensemble des employés, à l’exclusion des ouvriers. Deux modes
d'évaluation ont été testés : le jugement au sein des groupes de travail réels
et le jugement au sein de groupements fictifs déterminés par le hasard. La
dernière étape, concernant la constitution de groupes d’affinité choisis
librement, s’est déroulée entre 1877 et 1878. Godin veut entraîner les
travailleurs à des moments de réflexion collective en vue de la recherche
d’idées portant sur l’amélioration de la production. L'ensemble du travail
de Godin se range parfaitement dans l’histoire de la psychologie du travail
puisqu'il met en œuvre l’appréciation du système des primes par les
travailleurs eux-mêmes. De plus, il organise une réflexion collective pour
l'amélioration des conditions de la production. Parlant de la population qui
réside dans son Palais Social, Godin écrit : “Sous l’empire de la vie
collective, [.…] l'intérêt individuel se met en accord avec l'intérêt collec-
tif ; les dissensions, qui naissent lorsque les ressources publiques ne sont
pas également partagées, ne se présentent plus” (Godin, Solutions
Sociales, cité par Vacher, 1992, p. 79). Godin veut faire en sorte que son
personnel soit impliqué dans des situations de prise de décision collective
: “son but est d'inciter la population de l'usine et du Familistère à gérer
par elle-même son outil de travail...” (Vacher, 1992, p.277). Ces
problèmes relèvent de questions actuelles de psychologie sociale ou de
psychologie du travail ; cela rejoint, d’une part, la polarisation collective
(Doise et Moscovici, 1972) et, d’autre part, la question d’attribution des
primes au soi et à l’autre.
24 PSYCHOLOGIE SOCIALE
discipline traverse des crises plus ou moins graves touchant soit les
paradigmes, soit les théories elles-mêmes. Or “Reconstituer le chemi-
nement qui a abouti aux modes de fonctionnement actuels constitue une
activité qui risque de troubler l'ordre régnant, de déstabiliser le statu quo
sur lequel repose la vie de la communauté... La reconstitution historique
a toutes les chances de révéler que la forme actuelle, instituée, de la
discipline n'est ni nécessaire, ni inéluctable mais le produit de la
convergence d'un ensemble de circonstances historiques et sociales
particulières” (Apfelbaum, 1988, p. 501).
Il faut reconnaître, malgré tout, qu’on pourrait porter son intérêt sur
l’histoire d’une discipline pour retrouver certaines idées ou certaines
orientations injustement oubliées, mais c’est presque toujours par la
recherche actuelle qu’on les redécouvre, et pour ensuite seulement déceler
leurs précurseurs. Lorsqu'un chercheur établit une bibliographie sur son
thème de travail, 1l n’a en principe aucune raison d’être préoccupé par des
théories ou par des cadres abandonnés et qui sont souvent oubliés et
fréquemment dépassés. De ce point de vue, l’intérêt scientifique de la
connaissance et du savoir, d’une part, et l’intérêt historique de l’autre sont
distincts et ne présentent pas nécessairement de recouvrement. Cette
position à l’égard de l’histoire est dominante et privilégiée dans les
sciences de la vie et de la nature. Elle est partagée par ceux — assez
nombreux —, qui, dans les sciences sociales ou humaines, les considèrent
comme un modèle à suivre. Ils voudraient élaborer des connaissances du
même type. Ainsi, le psychologue, par exemple, est-il assimilé à un ingé-
nieur que l’on sollicite pour la construction d’un pont ou d’une autoroute.
Il vient avec son savoir pour établir des mesures objectives sur le matériau
de type géologique puis, s’appuyant sur ces données, il recommande à
d’autres certaines directives pour mettre en œuvre sa construction.
L'intervention du psychologue est censée obéir à ce modèle. Cependant,
d’autres chercheurs refusent ce pattern ou cette assimilation, et ne veulent
pas céder à la domination des disciplines qualifiées de “dures”. Ils se
définissent comme chercheurs exerçant dans les sciences de l’homme qui
ont leurs propres spécificités. “Pour eux, ces sciences sont par nature
historiques, non seulement par leurs objets, mais aussi par leur mode de
connaissance. Les auteurs anciens conservent tout leur intérêt pour nous,
mais si on veut les aborder aujourd'hui autrement que comme des
curiosités, il est nécessaire de les situer dans leur époque. L'histoire des
sciences de l’homme est alors perçue comme consubstantielle à leur
exercice” (Matalon, 1992, p. 10).
Certains chercheurs s’intéressent aussi à l’histoire de leur discipline par
insatisfaction quant à son état présent. Ils pensent en général retrouver une
26 PSYCHOLOGIE SOCIALE
Dans cette dernière, il étudie les légendes, les coutumes, le folklore, les
rites, les mythes, le langage, etc. De fait, il établit une coupure profonde
entre la psychologie individuelle et la psychologie des faits collectifs.
C’est cette dichotomie qui a renforcé Durkheim dans ses convictions, à la
suite de sa visite d’étude en Allemagne. On sait que Durkheim concevait
et développait déjà la rupture entre individu et groupe. Là, il se trouve
confirmé dans ses orientations.
2. Par ailleurs, la psychologie des peuples en tant que théorie peut être
divisée en trois parties :
a) la théorie, propre à Wundt, qui a été développée entre 1900 et 1920.
b) la psychologie des foules dans l’œuvre de Charles Richet (1850-
1935) donnant suite aux développements de Gustave Le Bon (1841-1931).
Ce dernier avance l’idée d’une âme collective et montre, dans ses travaux,
que la conscience individuelle cède devant la conscience collective.
c) Enfin, la psychologie ethnique de Letourneau (1901) qui se propose
de rechercher “des renseignements sur la valeur mentale des collectivités
humaines, appartenant à diverses races” (cité par Drouin-Hans, 1999,
p. 153). Le but étant d’établir une hiérarchie psychique en vue de “justifier
une hiérarchie des races, d’après l’étude de leurs traits psychologiques”
(Drouin-Hans, 1999, p. 153). Dans la même lignée, Fouillée (1898) a déve-
loppé sa Psychologie du peuple français dans laquelle il accorde une part
assez grande au tempérament c’est-à-dire à la constitution héréditaire. Il
pense qu’il existe, “dans l’ensemble des cerveaux et des consciences, un
système d'idées reflétant le milieu social [...]. C'est un déterminisme
collectif dont une partie est en nous et les autres parties dans tous les
autres membres de la communauté. Ce système d'idées mutuellement
dépendantes constitue la conscience de la Nation” (Fouillée, p. 12, cité par
Mucchielli, 1997, p. 85). On peut consulter avec intérêt l’ouvrage présenté
par Kail et Vermès (1999) pour une synthèse remarquable de la psycho-
logie des peuples et ses dérives.
D’autres ramifications de la psychologie des peuples ont été développées
par de nombreux auteurs. On peut y reconnaître des tentatives, relativement
ternes et sans grande envergure, de “la psychologie des peuples” d’Abel
Miroglio qui a fondé l’Institut Havrais, juste à la sortie de la Seconde Guerre
mondiale. Miroglio assigne un objectif à la psychologie des peuples :
connaître tous les peuples de la terre. Il s’agit de la connaissance des images
que les peuples se font d'eux-mêmes et des autres peuples. En vue de cette
exploration, le fondateur a besoin de recourir à d’autres domaines tels que la
psychanalyse, la sociologie, l’anthropologie, l’ethnologie, la caractériologie,
etc. Devant la multitude d'emprunts à toutes ces disciplines, l’objet de la
30 PSYCHOLOGIE SOCIALE
psychologie des peuples s’évanouit dans ses propres références. Une autre
ramification a été développée par Halbwachs à l’occasion de la publication
de son ouvrage La morphologie sociale en 1938. Celle-ci met l’accent sur
les formes que revêtent les sociétés. La morphologie sociale porte avant tout
sur des représentations collectives “car la société s'insère dans le monde
matériel, et la pensée du groupe trouve, dans les représentations qui lui
viennent de ces conditions spatiales, un principe de régularité et de stabilité,
tout comme la pensée individuelle a besoin de percevoir le corps et l'espace
pour se maintenir en équilibre” (Halbwachs, 1938, p. 18). D’autres ramifi-
cations émergent du même pampre tel que : /ntroduction à la psychologie
collective de Charles Blondel (1928) : “Sous le nom de psychologie
collective, autour de 1890 à 1900, s'est isolée une discipline, d’allure, sinon
d'esprit scientifique, dont la psychologie dite des foules a été et demeure le
principal objef’ (Blondel, 1938, p. 5). L'auteur analyse dans la première
partie de son ouvrage le point de vue de certains auteurs tels que Comte,
Durkheim et Tarde, et présente l’aboutissement pratique de leurs doctrines.
Dans la seconde, il synthétise la part du collectif dans la vie mentale à travers
trois dimensions, la perception, la mémoire et la vie affective. Dans le même
domaine, Petit offre une synthèse récente (en 1993) sur la psychologie
collective de Comte à Durkheim.
Revenons présentement à la psychologie sociale. Elle devrait rendre
compte et expliquer ce qui échappe, à la fois à l’histoire, à la psychologie
et à l’anthropologie. Bouglé écrit : “La vie sociale sera décrite par l'histoire
et expliquée par la psychologie” (1896, p. 19). Plus loin, il ajoute qu'il faut
“constituer une psychologie sociale dont les lois éclaireraient l’histoire des
peuples, la biographie de l'humanité, comme les lois de la psychologie
individuelle éclairent la biographie des individus” (id., p. 20). Apfelbaum
résume de la manière suivante la position de Bouglé : “en somme, la
psychologie sociale est nécessaire pour combler ‘la distance qui sépare
l’histoire de la psychologie individuelle” et rendre compte de ce que le xIX°
siècle abordait jusqu'alors au moyen de concepts tels que ‘la force des
choses’, ‘logique des faits’, ‘instinct des races’. Ce sont des notions et leurs
causes que la psychologie sociale doit s’efforcer de saisir’ (1981, p. 402).
3. Psychologie et sociologie
Si on s’intéresse aux rapports particuliers entre la psychologie sociale
et la sociologie, on ne manque pas de constater que, dès le début, ils étaient
extrêmement conflictuels. La psychologie sociale présente ainsi une
maïeutique sismique. L'objet du débat est banal mais éminemment impor-
CHAPITRE !: PLAIDOYER POUR L'ÉTUDE DE L'HISTOIRE DE LA PSYCHOLOGIE SOCIALE. 31
tant car il s’agit de l’explication avancée pour les phénomènes sociaux que
se partagent les deux disciplines : savoir si les explications retenues sont
de type psychologique ou de type sociologique ? Tel est l’enjeu, simple
mais dramatique. Nous reviendrons sur ce procès ultérieurement.
Les prises de position de Comte sont nettes. Lorsqu'il classe les sciences
fondamentales (1- mathématiques, 2- astronomie, 3- physique, 4- chimie,
S- biologie, 6- sociologie, 7- morale sociale ou science du cerveau) dans
son Cours de philosophie positive, il n’accorde aucune place à la
psychologie, lui réserve même des critiques sévères et lui refuse tout statut
de discipline scientifique, indiquant par ce refus que l’esprit ne peut se
connaître lui-même. Pour connaître les lois du fonctionnement de la
pensée, il faut soit étudier ses conditions organiques, soit analyser ses
produits. La première direction conduit à l’élaboration d’une théorie céré-
brale, c’est-à-dire à l’étude du cerveau humain. Comte distingue dans
celui-ci trois parties :
1. le cerveau affectif, correspondant aujourd’hui au système limbique,
il traite de l'instinct nutritif, de l'instinct sexuel et de la satisfaction
altruiste.
2. Le cerveau intellectuel, de nos jours appelé néocortex.
3. Le cerveau de l’activité motrice, assimilable au cerveau des reptiliens
actuels.
Dans cette perspective, ce qui relève de la psychologie se trouve annexé
par la théorie cérébrale et donc par la biologie. Cette science du cerveau
est fortement inspirée de la phrénologie de Gall. Quant à la seconde
orientation, les lois de la pensée sont déductibles de “la marche générale
de l’esprit humain en exercice”, ce qui est observable dans les lois qui
régissent les étapes successives du développement de l’humanité. Ce
fonctionnement se résume dans la loi des trois états :
1. L'état théologique caractérise les sociétés hiérarchisées et militaires
dont le Moyen Âge fournit les exemples les plus significatifs. Les hommes
trouvent ici des explications surnaturelles aux phénomènes naturels ou
sociaux qu’ils vivent.
2. L'état métaphysique domine l’Europe, de l’époque de la Renaissance
à celle des Lumières. Ce sont des institutions transitoires qui rompent avec
l’ordre ancien sans pour autant assurer la suprématie de l’industrie. Dans
cet état, les agents surnaturels sont remplacés par des forces abstraites.
Ainsi, l’ordre social n’apparaît plus comme étant d’origine divine mais
comme étant un fait naturel.
3. Enfin, l’état positif correspond à une organisation sociale basée sur
l’industrie et qui fait de la production l’activité centrale de la société. Dans cet
état, et à partir de l’observation et des mathématiques, les hommes mettent en
32 PSYCHOLOGIE SOCIALE
évidence des relations stables, des lois entre les phénomènes. L'étude des
fonctions intellectuelles à partir de la biologie correspond à un point de vue
statique ; dans le second cas, l’étude est entrevue sous un point de vue
dynamique. L'absence de la psychologie dans la classification des sciences de
Comte n’est pas un simple oubli mais une exclusion délibérée et argumentée
dans la conception comtienne (cf. Petit, 1994 ; Braunstein, 1998).
Durkheim, en développant les représentations collectives, est conduit à
concevoir une psychologie sociale différente de la psychologie : “en sépa-
rant la vie sociale de la vie individuelle, nous n’entendons nullement dire
qu'elle n'a rien de psychique. Il est évident au contraire qu'elle est
essentiellement faite de représentations. Seulement les représentations
collectives sont d’une tout autre nature que celles de l'individu. Nous ne
voyons aucun inconvénient à ce qu'on dise de la sociologie qu'elle est une
psychologie, si l’on prend soin d'ajouter que la psychologie sociale a ses
lois propres, qui ne sont pas celles de la psychologie individuelle” (1897,
p. 352). Il reprend cette analyse plus tard et écrit : “D'une manière
générale, nous estimons que le sociologue ne s'est pas complètement
acquitté de sa tâche tant qu'il n’est pas descendu dans le for intérieur des
individus afin de rattacher les institutions dont il rend compte à leurs
conditions psychologiques. À la vérité l'homme est, pour nous, moins un
point de départ qu'un point d'arrivée [...]. Bien loin donc que la
sociologie, ainsi entendue, soit étrangère à la psychologie, elle aboutit
elle-même à une psychologie, mais beaucoup plus concrète et complexe
que celle que font les purs psychologues” (id., 1909, p. 755). Même si
Durkheim admet que la vie collective découle de la nature humaine en
général, 1l souligne l’opposition entre les sentiments collectifs et les
sentiments individuels lorsqu'il écrit : “Même quand la société se réduit à
une foule inorganisée, les sentiments collectifs qui s'y forment peuvent,
non seulement ne pas ressembler, mais être opposés à la moyenne des
sentiments individuels.[...] Une explication purement psychologique des
Jaits sociaux ne peut donc manquer de laisser échapper tout ce qu'ils ont
de spécifique, c'est-à-dire de social. D'où la thèse selon laquelle ces
sentiments (psychologiques) résultent de l’organisation collective, loin
d'en être la base” (1947, p. 106).
Par ailleurs, des psychologues comme Ribot et Beaunis concevaient les
sciences sociales comme des études empiriques auxquelles la psycho-
physiologie pouvait donner un fondement théorique. De son côté,
Delacroix, professeur de psychologie à la Sorbonne en 1923, précise les
bienfaits de la sociologie à l’adresse de la psychologie. Il indique que “Le
psychologue doit dorénavant penser les faits psychologiques selon la-
dimension sociale” (cité par Mucchielli, 1994, p. 464). Piéron, psycholo-
CHAPITRE | : PLAIDOYER POUR L'ÉTUDE DE L'HISTOIRE DE LA PSYCHOLOGIE SOCIALE. 33
Il est temps de revenir sur les explications avancées pour rendre compte
des faits sociaux — problématique laissée en suspens antérieurement. Elle
peut être double, eu égard à la position du chercheur : individualiste ou
holiste. Aussi loin qu’on remonte dans le temps, on retrouve, depuis
l'Antiquité, ces deux versants de l’explication toujours en opposition. Les
auteurs holistes privilégient le groupe dans leurs explications, les autres, à
l'inverse, privilégient les explications individualistes fondées donc sur
l'individu. L’individualisme est d’abord une idéologie puis, par extension,
une théorie qui valorise l’individu aux dépens du groupe. La définition du
holisme est l’exact symétrique puisqu'il s’agit d’une valorisation du
groupe comme base de l’explication, aux dépens de l'individu. Là où
l'individu est la valeur suprême, on parlera d’individualisme ; dans le cas
opposé, celui où la valeur se trouve dans le groupe, la collectivité, voire
dans la société, on parlera de holisme.
L'orientation individualiste puise son fondement dans trois sources :
1. La première réside dans une perspective religieuse. C’est le salut de nos
âmes individuelles dans l’autre monde qui constitue la préoccupation princi-
pale de tout croyant, et particulièrement de tout chrétien. Le jugement dernier
est individuel et non collectif ; chacun y sera jugé sur ses propres actes.
2. La seconde source est laïque, à la fois romaine et grecque. Le droit
romain réserve à l'individu, en tant que propriétaire, une sphère de compé-
tence à l’intérieur de laquelle il exerce des droits sur les objets qui sont
siens. En tant que membre d’une famille, il se voit reconnaître quelques
libertés dans l’usage de ses biens. La tradition grecque quant à elle
reconnaît à l'individu le droit de juger, c’est-à-dire de distinguer le Bien et
le Mal, le Vrai et le faux. Il est amené aussi à se prononcer sur les fins de
l’action collective. Grecs et Romains, tout comme la perspective religieuse
reconnaissent l’individu comme centre de décision : porteur d’un destin
spirituel pour le religieux il est le centre d’un ensemble d’activités (acheter,
vendre...) et de droits (devoirs, obligations) chez les Grecs et les Romains.
3. L’individu est également un consommateur ou un producteur qui
gère des biens pour parvenir à un niveau élevé de satisfaction compatible
avec ses ressources. C’est la conception utilitariste. La découverte de l’uti-
lité comme relation fondamentale, d’abord avec les choix puis avec les
autres, constitue la contribution essentielle de l’utilitarisme. On peut
résumer les principales différences entre les individualistes et les holistes
dans le tableau 1.
CHAPITRE ! : PLAIDOYER POUR L'ÉTUDE DE L'HISTOIRE DE LA PSYCHOLOGIE SOCIALE... 35
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CHAPITRE I
La psychologie sociale
et les autres disciplines de la psychologie
Brigitte LECAT et Nicolas ROUSSIAU
Dans cette partie seront présentés tout d’abord les grands courants de la
psychologie et leurs interactions avec la psychologie sociale. Dans un
second temps nous aborderons les principaux champs d’étude de la
psychologie et leurs liens avec la psychologie sociale. Ces différentes
interactions se situent bien entendu à un niveau conceptuel, mais aussi à
des niveaux associatifs, lors de colloques, ou dans le cadre de publications.
Dans la mesure des possibilités qui sont offertes par ces divers domaines
aux psychologues sociaux, seront présentés en annexe de ce chapitre diffé-
rents lieux de rencontres et de confrontations où la psychologie sociale
occupe une place à part entière (associations, revues, colloques..….).
La psychologie sociale n’est pas une discipline fermée, bien au
contraire. À l’articulation du psychologique et du social, elle s’accommode
sans peine de relations multiples avec des champs disciplinaires autres, ce
que nous allons voir, mais elle permet aussi d'aborder la compréhension
d’objets sociaux importants pour tenter de répondre à des problèmes
actuels de société.
Annexe
+ La psychologie différentielle
Il n'existe pas en psychologie différentielle d'association regroupant les
chercheurs intéressés par ce domaine, mais un colloque, qui a lieu tous les
deux ans, aborde l’ensemble des thèmes concernant ce champ de recherche.
Ainsi le dernier colloque qui a eu lieu à Paris en 1998 (XIII® journées de
psychologie différentielle) a traité, entre autres, de socialisation, de person-
nalité, de médiation sociale des apprentissages, de l’image de soi.
+ La psychologie interculturelle
L'association française Ss’occupant de problèmes liés à la psychologie inter-
culturelle se nomme ARIC (Association pour la Recherche en interculturel). Mais
l'organisme le plus important est l’/nternational Association for Cross-Cultural
Psychology qui édite le Journal of Cross Cultural Psychology et qui anime de
nombreux colloques. À titre d'exemple, le XIII® congrès international de
psychologie interculturelle - IACCP - (Montréal, 1996) regroupait des commu-
nications sur l'identité, les représentations sociales, les stéréotypes, la
socialisation, le pouvoir, la catégorisation sociale, les attitudes. thèmes large-
ment débattus en psychologie sociale et issus pour la plupart de cette discipline.
+ La psychologie de la santé
Si la psychologie de la santé est une discipline importante dans d'autres pays,
notamment les pays anglo-saxons, en France elle commence seulement à
s'organiser. || n'existe pas d'association nationale regroupant les chercheurs
du champ de la santé et pas de colloque spécifique en France du moins. Au
CHAPITRE Il : LA PSYCHOLOGIE SOCIALE ET LES AUTRES DISCIPLINES DE LA PSYCHOLOGIE 51
+ La psychologie politique
Au niveau international l'association se nomme : /nternational Association of
Political Psychology. Elle édite la revue Political Psychology. La psychologie
politique française s’est dotée très récemment d’un lieu de rencontre
l'Association française de Psychologie Politique” (AFPP). En 1999 a eu lieu le
premier colloque français de psychologie politique intitulé “Démocratie et
charismes” regroupant de nombreux thèmes lié à la psychologie sociale.
+ La psychologie économique
Le lAREP (International Association for Research in Economic Psychology) est
l’organe regroupant les chercheurs travaillant dans le domaine de l’économie,
cette association édite le Journal of Economic Psychology. À titre indicatif
signalons que cette association a organisé un colloque en 1996 à Paris ayant
pour intitulé “Représentations sociales et économiques”. Les thèmes
proposés dans ce colloque étant : représentations du consommateur,
croyances et comportements économiques, socialisation économique,
attitude et prise de décision, négociations et chômage...
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CHAPITRE III
Thierry MEYER
Il est onze heures du matin, je pénètre dans une salle d’attente où tout
à l’heure je dois rencontrer un jeune homme qui m'a été présenté comme
un “skinhead”. Sur la première des huit chaises de la salle d’attente, je vois
un blouson en jean et un sac. Ces indices me confirment qu’il s’agit d’un
“skinhead”, que Je sais plus familier des blousons en jean que des vestes
en tweed, et des sacs plutôt que des attaché-cases. La catégorie ‘“‘skinhead”
ne m’apprend pas seulement qui est cet inconnu, mais ce qu’il est
susceptible d’entreprendre à mon égard. Admettons donc que j’ai quelque
raison de croire que les “skinheads” sont violents. Peut-être alors choisirais-
Je une chaise à distance respectable de celle occupée par le blouson et le
sac. On aura compris que le blouson et le sac ont été installés à dessein par
un psychologue social. Un individu a accepté de participer à une recherche
et s’est retrouvé impliqué dans un scénario construit pour les besoins de la
recherche. En quoi avons-nous résumé une recherche en psychologie
sociale et non un fragment de pièce de théâtre ou une mise en scène conçue
pour une émission de télévision du genre “caméra cachée” dans laquelle
les individus naïfs sont piégés par une situation habilement manipulée ? À
se laisser porter par le récit, on ne s’initie pas plus à la recherche que les
bourgeois du xvII* siècle n’apprenaient sur l’électricité en participant à
des divertissements de salons sur l'électricité (Bachelard, 1949).
L'objectif général d’une recherche est de produire des modèles et des
théories validées selon les méthodes et les modes habituels de la recherche
scientifique. La recherche s’inscrivait dans une démarche de modélisation.
CHAPITRE III : LA RECHERCHE EN PSYCHOLOGIE SOCIALE 99
e Intérêt et cohérence
La recherche intéresse-t-elle bien le secteur de la psychologie sociale
couvert par la revue, ici la cognition sociale (Yzerbyt et Schadron, 1996) ?
La recherche était-elle adossée à l’état actuel des connaissances, ic1 le
rapport entre stéréotypes et comportements ? De ce point de vue, les résul-
tats présentés apportent-ils un éclairage nouveau par rapport à ce qui est
déjà connu ? Les processus impliqués dans le modèle sont-ils plausibles
avec ce que l’on connaît déjà, sinon est-il vraiment justifié de proposer un
nouveau modèle et de convoquer d’autres processus (principe d’éco-
nomie) ? Un modèle est-il présenté qui soit constitué de propositions
cohérentes et non contradictoires ?
+ Robustesse et validité
Le phénomène est-il robuste ? Autrement dit, s’observe-t-il de manière
répétée auprès d’un nombre suffisant d’individus dans des conditions
comparables ? Dans cet esprit les auteurs ont-ils correctement éprouvé leur
modèle ? Les mesures proposées correspondent-elles bien à ce qui était
supposé être mesuré : le fait de choisir une position plus éloignée de la
chaise attribuée au skinhead est-il une expression comportementale valable
de l’effet “rebond” ? Le plan de recherche permet-il de ne pas confondre
les effets de l’inhibition du stéréotype avec d’autres variables comme le
fait de répondre à une demande inhabituelle ? Les tests de l'hypothèse
58 PSYCHOLOGIE SOCIALE
1.5. Innovation
but lucratif, etc.). Les résultats attendus doivent aider une décision. Pour
autant, il est indispensable de construire aussi des modèles dans des
domaines délimités : psychologie sociale appliquée au management, à la
justice, au sport, à la consommation, à l’environnement, aux transports, à
la santé publique, etc. Les domaines d’application couvrent tous les
domaines y compris bien entendu les problèmes sociaux au sens où il
existe des institutions en charge des problèmes identifiés comme sociaux
(le logement, la sécurité, la pauvreté, etc.).
Du point de vue de la conduite de la recherche, la difficulté sera souvent
de se dégager des catégories fixées par le demandeur. Le chercheur sera
souvent plus écouté s’il s’adosse à une expertise originale dans son
domaine plutôt que s’il se contente de reformuler le discours ambiant
(discours des éducateurs sur l’éducation par exemple). Les distances ne
sont pas toujours aussi grandes entre les domaines dits fondamentaux et
dits appliqués. Pour rester dans le domaine des stéréotypes tel chercheur
intéressé par la psychologie de la consommation pourra ainsi montrer que
la préférence pour un fromage sera commandée par des variables
psychosociales. Ainsi, pour des Américains du Kansas, un fromage
présenté comme “originaire de France” sera préféré au même fromage
“originaire du Kansas”, et ce que le fromage soit bon ou mauvais. Cet effet
est amplifié par le fait que certains individus préfèrent ajuster leurs
évaluations à ce qu’ils perçoivent comme approprié à la situation sociale
plutôt que d’exprimer leurs préférences intimes — échelle de “monitorage
de soi” — (de Bono, 2000).
Il serait tout aussi naïf de penser que la recherche fondamentale n’a
aucune portée pratique que de croire que la recherche appliquée se
transfère directement aux applications. L’avis d’un chercheur intervient
souvent dans un processus de décision complexe dont les modalités
échappent généralement au chercheur lui-même.
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CHAPITRE IV
Socialisation et culture
Zohra GUERRAOUI
1. Le concept de culture
2.1. L’enculturation
sens lui donne alors la possibilité d'instaurer une communication avec les
autres membres du groupe tant au niveau de l’explicite que de l’implicite.
Progressivement appris et intériorisé par toute une série de mécanismes
inconscients, le code culturel est alors manipulé, remodelé, réinterprété par
l’enfant en fonction de ses expériences personnelles.
2.2. La socialisation
«+ L'articulation individuel/collectif
Chaque culture propose donc une trame (valeurs, codes, règles, orga-
nisation des relations interpersonnelles, rôles, statuts, etc.) à partir de
laquelle se construit, se développe la personne. Système qui définit les
74 PSYCHOLOGIE SOCIALE
3. Le lien culture-socialisation-personnalité
Si, jusque dans les années 1970-1980, s’appuyant sur l’exemple des
enfants de migrants, de nombreux auteurs ont soutenu que la multiplicité
de modèles identificatoires auxquels les sujets sont confrontés ne peut
mener qu’à la construction d’une personnalité “éclatée”, clivée, incohé-
rente, aujourd’hui, c’est plutôt la thèse de la personnalité plurielle qui
prévaut (Clanet, 1990). Dans cette perspective, les sujets se structurent à
partir d’une “double enculturation acculturante” (Ouadahi, 1989) c’est-à-
dire l’intégration d’une pluralité de références culturelles qui vont
s’articuler, se combiner, interagir les unes avec les autres mais dont le
produit ne peut être réductible aux différents pôles culturels en présence.
Cette orientation théorique postule donc la formation de la personnalité à
partir du processus d’interculturation (Clanet, 1990 ; Denoux, 1994), c’est-
à-dire par assimilation par le sujet de certaines valeurs de l’autre, par
différenciation à travers la revendication de certaines de ses spécificités
culturelles et par création de nouvelles références culturelles (Guerraoui et
Troadec, 2000).
4. Conclusion
Les culturalistes ont toujours mis l’accent sur le rôle important joué par
différentes institutions (familiales, communautaires, religieuses, etc.) dans
l'orientation donnée à la socialisation de l’enfant. Celle-ci, qui se confond
pour beaucoup avec le processus d’enculturation, est de ce fait souvent
considérée comme un mécanisme de transmission et de survie d’une
culture. La personne est présentée alors comme un produit façonné,
modelé, conforme à la personnalité de base du groupe d’appartenance.
Cette approche mécanique, récusée par la suite, est remplacée par une
conception plus dynamique où la socialisation est appréhendée comme un
processus qui s'effectue à travers des échanges relationnels actifs.
L’'individu s’érige en acteur de sa propre socialisation, et sa personnalité,
constamment remaniée, s’élabore par déconstruction-reconstruction dans
un environnement où l’hétérogénéité prime sur l’homogénéité culturelle.
Les deux conceptions s’attachent pourtant à mettre l’accent sur la
nécessaire conformité des acteurs aux valeurs, normes de leur société.
Cette conformité signerait l’adaptation de l’individu au groupe et de ce fait
son acceptation par ses pairs. La non-adhésion aux normes signifierait
alors une déviance qui ne peut être que sanctionnée, souvent par l’exclu-
sion, surtout quand elle se traduit par une transgression, dépassant les
limites admises par le groupe. Or, ces déviances, en remettant en cause
certaines normes, posent la question de la légitimité de certaines valeurs.
78 PSYCHOLOGIE SOCIALE
Une société qui ne serait pas attentive à ces signaux peut alors se trouver
fragiliser et signer elle-même son arrêt de mort.
CHAPITRE V
L'approche structurale
des représentations sociales
Patrick RATEAU
Abric reprend en grande partie cette analyse mais ne limite pas le noyau
à son rôle génétique. Il postule en effet que toute représentation constituée
est organisée par un petit nombre d’éléments qui forment ce qu’il appelle
le noyau central de la représentation. En d’autres termes, dans cette
perspective, toute représentation sociale se présente comme un ensemble
d'éléments (ce terme désignant toute entité cognitive : une idée, une
opinion, une pensée.) entretenant diverses relations. Parmi ces éléments,
certains vont jouer un rôle prépondérant : ceux qui vont gérer, organiser et
stabiliser la représentation et en constituer ainsi le noyau central.
3. Conclusion
Dans ce cadre théorique général, les représentations sociales apparais-
sent donc constituées d’un double système : le système central d’une part,
et le système périphérique d’autre part. Ces deux systèmes sont spécifiques
mais complémentaires. L’un (le système central) apparaît lié aux condi-
tions historiques, sociologiques et idéologiques. Directement associé aux
valeurs et aux normes, il définit les principes fondamentaux autour des-
quels s’organisent les représentations. Stable, il assure le maintien et la
pérennité de celles-ci. L’autre (le système périphérique) est davantage lié
au contexte contingent et immédiat auquel sont confrontés les individus. Il
permet l’adaptation, l’évolution de la représentation, tout en protégeant le
système central.
C’est l’existence de ce double système qui explique, selon Abric, que
les représentations sociales sont caractérisées par des divergences
individuelles sensibles à l’égard de l’objet, tout en étant organisées autour
d’un noyau central commun. Les représentations sociales sont “à la fois
stables et mouvantes, rigides et souples” (Abric, 1994a, p. 29).
En ce sens, l’approche structurale des représentations offre un cadre
d'analyse qui permet de saisir l’interaction entre le fonctionnement indi-
viduel et les contextes sociaux dans lesquels évolue l'individu. Elle permet
aussi d’appréhender les processus qui interviennent dans l'adaptation
sociocognitive des acteurs sociaux face aux réalités quotidiennes et aux
caractéristiques de leur environnement social et idéologique. De nom-
breuses études consacrées aux processus de transformations des
représentations ont ainsi montré toute la pertinence de la théorie du noyau
central dans l’explication des mécanismes sociocognitifs impliqués (pour
une présentation, cf. Flament, 1994 ; Guimelli, 1994 ; Rateau, 1999).
CHAPITRE VI
Dans le milieu des années 1980, alors que le sida faisait ses premières victimes
et que la science balbutiait encore pour appréhender cette nouvelle maladie,
nombre de discours apparurent pour tenter d'en rendre compte. Relayés par
les médias, d'abord dispersés, les discours sur le sida s'organisèrent
rapidement autour de deux thèmes principaux, l’un centré sur le châtiment et
l’autre sur la contagiosité (Jodelet, 1989a). Si dans les premiers temps on
évoqua, eu égard à certaines populations particulièrement touchées et aux
maladies opportunistes qui l’accompagnaient (le sarcome de Kaposi), l'idée
d'un “cancer gay”, une première conception faisait du sida la manifestation
d'un châtiment moral. Signe à la fois d’un dérèglement des mœurs et d’une
licence sexuelle, le sida traduisait par son existence un certain état de la
société. Châtiment divin, au même titre que le furent par le passé d'autres
fléaux épidémiques, le remède proposé consistait à revenir à un ordre ancien
fait de fidélité et d'abstinence, de “vie saine” et d’hétérosexualité. Au-delà de
ces discours construits sur une assise religieuse, l'extrême droite désignait par
analogie autant des coupables que des boucs émissaires, les “sidaïques”, et
proposait d'ouvrir des “sidatoriums” figures contemporaines composites à
mi-chemin du sanatorium curatif des tuberculeux et d’un lieu de relégation,
voire d'élimination radical et définitif.
Du côté biologique, les modes de transmission étaient au centre des
préoccupations de certains. À ce titre la salive, voire la sueur, focalisaient les
craintes de la “contagion”. De même, le moustique, vecteur de pathologies
mythiques et exotiques, était présenté comme un possible et sournois allié du
virus. La peur de la contagion apparaissait comme d'autant plus dangereuse
et présente que ces modes de contamination présumés prenaient place dans la
banalité du quotidien. Un baiser, une poignée de main, l'utilisation partagée
d’un rasoir, autant d'actes qui prenaient rang au titre de potentiels vecteurs de
la maladie. |
90 PSYCHOLOGIE SOCIALE
Tous ces éléments, aux lumières du savoir dont nous disposons actuel-
lement à la fois sur les modes de transmission du virus et sur les
possibilités thérapeutiques, peuvent paraître bien irrationnels, voire archaï-
ques. D’un seul coup, l’irruption d’une nouvelle pathologie dans le champ
social venait non seulement réactiver d'anciennes peurs mais aussi puiser
dans le fond de mémoire des pathologies de la société en proposant des
explications et des remèdes traditionnels : d’une part le diptyque faute-
punition et la désignation de groupes à risque, de l’étranger, et corrélati-
vement l’exclusion de ces groupes de la société, et d’autre part, la discrète
mais redoutable menace mettant en danger la rencontre permanente avec
l’altérité et engendrant le repli sur l’entre-soi. Ainsi, la peur de ce virus
inconnu alliée à une utilisation détournée des connaissances scientifiques
dont on disposait déjà pour certaines générait des représentations différen-
ciées rapportables à des groupes sociaux plus ou moins déterminés. Pour
autant, désigner ces conceptions comme étant simplement irrationnelles ou
archaïques conduirait à laisser de côté les processus qui pourraient en ren-
dre compte. En effet, ces deux conceptions du sida, rapidement esquissées
ici, laissent apparaître, pour peu qu’on leur prête une attention autre
qu’évaluative, deux processus majeurs et communs d’une pensée sociale
se constituant. Le premier, l’objectivation, traduit en première analyse le
caractère de schématisation imageante des conceptions proposées, le
second, l’ancrage, montre comment les individus font face à l'émergence
d’un phénomène inconnu en articulant leurs conceptions sur des savoirs de
sens commun préexistants. Parmi ces deux processus, l’ancrage a fait
l’objet des développements les plus intéressants non seulement parce qu’il
rend compte de la genèse des représentations mais aussi parce qu’il décrit
le fonctionnement de la pensée sociale et son articulation avec la société.
1. L’objectivation
L'objectivation correspond à un ensemble d’opérations principalement
d'ordre analogique de traduction d’un objet d’un champ de production du
savoir à un autre champ tourné vers la consommation de ce savoir. En
d’autres termes, l’objectivation correspond à la transposition non systé-
matique d’un savoir soumis à certaines logiques de production et de diffu-
sion en un autre savoir dit de sens commun correspondantà d’autres
logiques de constitution et d’utilisation de ce savoir.
Ainsi, le sida a fait l’objet d’un certain nombre de discours distincts de
ceux que nous rapportons, produits par des médecins ou des scientifiques.
À la même époque, une polémique sur le primat de la découverte du virus
CHAPITRE VI : L'OBJECTIVATION ET LA QUESTION DE L'ANCRAGE 91
2. L’ancrage
que le produit et, par le fait, la nature de ces processus sont liés aux inser-
CHAPITRE VI : L'OBJECTIVATION ET LA QUESTION DE L'ANCRAGE 95
3. Unité de l’ancrage
Il s’agit de comprendre à présent l'unité de ce que nous avons dénommé
ancrage. Îl peut paraître en effet y avoir bien peu de rapports entre la concep-
tion de l’ancrage comme réactivation de catégories de la pensée et les
principes organisateurs au centre des analyses de Doise. En réalité, ce n’est
pas comme forme multiple d’un processus génératif et général de la pensée
que l’ancrage trouve son unité mais comme expression d’un ordre social.
Sans vouloir adopter un point de vue finaliste, les différentes manifestations
de l’ancrage montrent que ce sont des régulations normatives qui sous-
tendent la perception que nous avons de notre environnement et, dès lors,
que la pensée se construit et s’actualise par rapport aux relations symbo-
liques entre groupes sociaux soutenant l’ordre social existant.
CHAPITRE VI : L'OBJECTIVATION ET LA QUESTION DE L'ANCRAGE 99
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CHAPITRE VII
Les croyances
Christine BONARDI et Nicolas ROUSSIAU
“Un habitant du Queensland rencontra un Chinois qui portait un bol de riz sur
la tombe de son frère. L'Australien, en plaisantant, lui demanda s’il pensait
que son frère viendrait le manger. Le Chinois répondit : ‘Non, nous offrons du
riz aux gens pour exprimer notre amitié et notre affection. Mais, d'après votre
question, je suppose que, dans ce pays, vous mettez des fleurs sur la tombe
d'un mort parce que vous croyez qu'il aimera les regarder et sentir leur
parfum.”
sera pas ébranlé mais il en sortira plus convaincu que jamais de la ‘vérité’
de sa foi. Peut-être ira-t-il jusqu'à montrer une ardeur nouvelle à
convaincre et à convertir des profanes” (p. 1). En substance, dans le
groupe religieux considéré, une fin du monde annoncée n’a pas lieu. Les
fidèles s’étant préparés à ce cataclysme se trouvent en position de rendre
compte de sa non advenue et d’en rechercher les causes afin de conserver
toute sa vigueur à leur croyance fondamentale. La cause invoquée à l'appui
est alors liée au groupe lui-même : l’assiduité à la prière de tous les
croyants a permis d'éviter la catastrophe programmée. Nul doute que l’on
y puise alors une nouvelle énergie pour asseoir la croyance mise à mal par
le démenti des faits eux-mêmes. Les auteurs synthétisent même les
conditions dans lesquelles on peut obtenir un regain de ferveur lorsque les
fait ont démenti la croyance dans ce qu’il est désormais convenu de consi-
dérer comme une des premières et des plus magistrales approches psycho-
sociales du phénomène de la croyance. Pour que celle-ci perdure malgré
tout, “I. Il faut que la conviction soit profonde et implique l'engagement
effectif du fidèle. 2. Celui-ci doit s'être engagé, c'est-à-dire qu'au nom de
sa croyance il doit avoir effectué une démarche difficilement annulable
[...]. 3. Laquelle (sa foi) doit être suffisamment précise et se référer suffr-
samment au réel pour que les événements puissent lui apporter une réfuta-
tion incontestable. 4. Il faut enfin que les faits lui apportent un démenti qui
soit sans équivoque et perçu comme tel par l’adepte. [...]. S. Il faut que
l’adepte en tant qu'individu jouisse d’un soutien social à toute épreuve”
(p. 2). Un fonctionnement véritablement “hydraulique” constitue l’apport
de cette observation en temps et espace réel : les conditions 1 et 2 consti-
tuent les “circonstances dans lesquelles la conviction se fera imperméable
au changement” (id.) ; les conditions 3 et 4 “précisent en revanche les
facteurs qui devraient inciter fortement le fidèle à jeter ses croyances par-
dessus bord” (id.), n’était la 5° condition. “Lorsque les gens ont parié sur
une foi et une politique, les preuves a contrario ne font que renforcer leur
conviction et leur ardeur à convaincre” (p. 10). Et, en effet, il semblerait
que “.… les croyances n'étant pas bâties sur des faits, les faits ne peuvent
pas les ruiner” (Moscovici, 1993, p. X).
Les métissages et syncrétismes culturels contemporains produisent
quant à eux un véritable laboratoire de transformation/adaptation/mutation
des croyances (cf. par exemple les sociétés “’créoles”). D'une manière
encore plus générale, le changement social de la modernité, depuis les
années 1960, déconstruit les homogénéités, élargit les champs de fonction-
nement, bouleverse les formes d’expression. Contact culturel, accultu-
ration, changement social, urbanisation, occidentalisation, continuum
folk/urbain (aujourd’hui mondialisation) rendent possible une revisite des
104 PSYCHOLOGIE SOCIALE
aucune idée ne sont par eux-mêmes magiques, et tout acte ou toute idée
peut le devenir dès que s'y adjoint une dose d'étrangeté. Alors que le
moindre retour de l'ordinaire est de nature à affaiblir ce pouvoir”
(Moscovici, 1992, p. 306).
…. Mais, serions-nous capables d’ajouter nous-mêmes à notre quotidien
cette dose d’étrangeté ? Cela semble parfaitement plausible, bien que sous
une forme quelque peu éloignée de l’adjonction volontaire. Faisons pour
cela un léger détour par ce qu’il est convenu de nommer des biais cognitifs.
La littérature scientifique fournit bon nombre d'exemples de ces
“défaillances” du raisonnement humain non scientifique : appréciations
inexactes parce que fondées sur des généralisation abusives de cas parti-
culiers (Einhorn et Hogarth, 1978), heuristiques de jugement (Kahneman,
Slovic et Tversky, 1982), confirmation d’hypothèses ou erreur fonda-
mentale (Ross, 1977), croyance en un monde juste (Lerner, 1980), etc.
Prenons le cas de l'illusion de contrôle (Langer, 1975) : il nous est difficile
d'admettre ne pouvoir exercer aucun contrôle sur les événements et plus
facile de croire que nous sommes aptes à les maîtriser. Et il va de soi, dans
de telles conditions, que la croyance a davantage d’attrait que l’impuis-
sance. Aussi, avons-nous tendance à établir des liens de causalité entre des
événements pourtant rationnellement réputés sans rapport entre eux. Bref,
nous nous comportons comme si nous pouvions exercer un contrôle
effectif sur le hasard et l’indéterminé (Henslin, 1967), ce qui renforce notre
estime de soi. Ainsi, être superstitieux ou croire à l’astrologie, c’est
“établir des liens entre des événements qui sont sans aucune relation de
dépendance” (Askevis-Leherpeux, 1989, p. 170), généraliser indûment le
principe de causalité. L'objectif est “d'augmenter le contrôle perçu, et par
là même de réduire l'angoisse découlant d'un sentiment d'impuissance”
(id.). On retrouve également, dans les travaux sur le Locus of control (cf.
Dubois, 1987), matière à mieux cerner les mécanismes des croyances.
Askévis-Leherpeux (1989), par exemple, considère que les auteurs ayant
décrit “le rôle de certains corrélats de la superstition et de la croyance aux
parasciences [...] ont en général surestimé le poids des variables socio-
démographiques au détriment des facteurs psychologiques” (p. 167), ces
derniers étant surtout matérialisés par l’externalité ou “tendance générale
qu'ont certains individus à penser que les événements qui se produisent
dans leur vie sont le résultat non pas de leur propre comportement ou de
certaines de leurs caractéristiques personnelles (internalité), mais plutôt
du hasard, de la chance, du destin, d'autruis puissants, ou de pouvoirs
hors de leur contrôle ou de leur entendement” (id.). Diverses recherches
(Peterson, 1978 ; Jahoda, 1990) ont accrédité cette hypothèse en montrant
que les scores d’externalité des individus ayant tendance à la superstition
110 PSYCHOLOGIE SOCIALE
étaient plus élevés que ceux d’individus ne présentant pas cette tendance, ou
bien encore (Sosis, Strickland et Haley, 1980) que des croyances et pratiques
“magiques” de type astrologie, voyance, superstitions s’observent plutôt chez
les individus externes qui retiennent, dans leurs explications du
fonctionnement du monde, des paramètres externes de type chance, destin ou
hasard, que chez ceux qui en réfèrent aux autres tout-puissants (dieu(x).
mages, sorciers..….). Cela suppose naturellement que l’individu tisse un lien
causal entre un événement ou un renforcement et un paramètre environ-
nemental. Dans le cadre de la superstition, la magie ou la sorcellerie, ce lien
même serait fallacieux dans la mesure où une correspondance serait perçue
entre un événement fortuit (par exemple, la présence d’un personnage
marquant en un lieu donné) et un comportement ou un état de l’individu (acte
inhabituel, hors norme, maladie.…). Plus largement (cf. Deconchy et Hurteau,
1998), lorsqu'on confronte des individus à une situation qu'ils ne peuvent
comprendre, c’est-à-dire contrôler cognitivement, ils ont recours à des expli-
cations renvoyant manifestement à des croyances. Dans un autre ordre
d'idées, Deconchy (1980), étudiant l’idéologie dans le cadre de l’orthodoxie
religieuse catholique, énonce qu'est idéologique “tout système de
représentations et d'explications d’une réalité sociale qui, aux yeux d'un
certain nombre d'individus, introduit une information qu'ils jugent
potentiellement universelle en fonction de critères qui, pour eux, ne relèvent
pas d’abord et avant tout d’un désir ou d’un mobile vérificateur” (p. 11).
L’idéologie (religieuse dans le cas des travaux de Deconchy) repose donc
davantage sur un dogme et une croyance que sur des vérités fermement
établies. Dans les systèmes religieux, le problème de la croyance est
particulier : les croyants savent qu'aucune préuve “rationnelle” décisive ne
peut être donnée à l’existence d’un ou plusieurs dieu(x), tout au plus quelques
manifestations “miraculeuses” peuvent-elles attester de la véracité d'une
croyance admirablement caractérisée par le terme de foi. De même, aucune
information matérielle et empirique ne peut venir étayer certains points du
dogme (nature de la vie après la mort, assurances quant à la vérité d’un
Eden...) mais, dans le même temps, une abondante littérature existe à leur
sujet. Et c’est cette “idéologie” qui vient alors étayer les certitudes des
croyants et se trouve elle-même renforcée par le caractère éminemment
affectif (amour, besoin de soutien social, etc.) de l’adhésion des croyants.
Bref, tout croyant puise dans le dogme et dans ce partage même de sa foi avec
d’autres, ample matière à confirmer l’authenticité de l’ensemble du système.
D'ailleurs, les expériences menées par Deconchy dévoilent le fonctionnement
interne de l'institution religieuse, montrant que la fragilité rationnelle des
paramètres purement informatifs est largement compensée par une régulation
sociale vigoureuse qui ramène le déviant occasionnel dans la droite ligne du
CHAPITRE VII : LES CROYANCES 111
4. Conclusion
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Une fois ceci dit et accepté, tout se passa ensuite, dans le roman, de façon
compréhensible, raisonnable et même “rationnelle”.
1. Définitions et opérations
Le mot “idéologie” a été abondamment utilisé : assorti de ferveurs ou
de mépris. Les “définitions” de l’idéologie ne manquent pas et l’indispen-
sable petit livre de Vadée (1973) en rassemblait de nombreuses. Presque
114 PSYCHOLOGIE SOCIALE
3. Mécanismes et invariants
lequel il n’arrive aux gens que ce qu’ils méritent, pas seulement par leurs
comportements moraux mais par tous les jeux des médiateurs symboliques
de cette morale (par exemple, la beauté ou la laideur physiques). Cette
modalité invariante de traitement, Melvin Lerner l’appelle la “croyance en
la justice du monde” (The beliefin a just world). On a dit ailleurs combien
certaines données culturelles et certains événements historiques — quelque-
fois cruels ou abjects — peuvent être référés utilement à cet “invariant” :
dont il resterait à évaluer l’épistémologie latente.
On a également essayé d’isoler certains “invariants” au niveau du
traitement d’autres informations. On s’est intéressé au savoir qui porte sur
l’être humain lui-même : sur ce que je suis, ce qu'est autrui, ce qu'est
l'espèce. L'idée centrale de ces recherches veut que l’être humain ne traite
pas seulement l'information à partir des données empiriques qui sont
disponibles. En particulier, il s’immuniserait cognitivement contre toute
information (données de première main, incitations pédagogiques, argu-
mentations discursives...) qui tendrait à référer totalement la production de
ses comportements, de ses attitudes et de ses conduites à des déter-
minismes naturels, propres à l’espèce et constitutifs de l’espèce. Une série
d’expérimentations ont conforté cette hypothèse. Il s’agit d’établir les
mécanismes “naturels” qui interviennent dans la connaissance ‘“idéolo-
gique” de l’homme (Deconchy, 1999).
La mémoire,
ses aspects sociaux et collectifs
Valérie HAAS et Denise JODELET
“Dès qu'il avait fini de s'occuper de l’un des messages, Winston agrafait ses
corrections phonoscriptées au numéro correspondant du Times et les intro-
duisait dans le tube pneumatique. Ensuite, d'un geste autant que possible
inconscient, il chiffonnait le message et les notes qu'il avait lui-même faites et
les jetait dans le trou de mémoire afin que le tout fût dévoré par les flammes. Que
se passait-il dans le labyrinthe où conduisaient les pneumatiques ? Winston ne
le savait pas en détail, mais il en connaissait les grandes lignes. Lorsque toutes
les corrections qu'il était nécessaire d'apporter à un numéro spécial du Times
avaient été rassemblées et collationnées, le numéro était réimprimé. La copie
originale était détruite et remplacée dans la collection par la copie corrigée.
Ce processus de continuelles retouches était appliqué, non seulement aux
journaux, mais aux livres, périodiques, pamphlets, affiches, prospectus, films,
enregistrements sonores, caricatures, photographies. Il était appliqué à tous
les genres imaginables de littérature ou de documentation qui pouvaient
comporter quelque signification politique ou idéologique. Jour par jour, et
presque minute par minute, le passé était mis à jour On pouvait ainsi prouver,
avec documents à l'appui, que les prédictions faites par le Parti s'étaient
trouvées vérifiées. Aucune opinion, aucune information ne restait consignée,
qui aurait pu se trouver en conflit avec les besoins du moment. L'Histoire tout
entière était un palimpseste gratté et réécrit aussi souvent que C'était
nécessaire. Le changement effectué, il n'aurait été possible en aucun cas de
prouver qu'il y avait eu falsification.”
George Orwell, 7984, 1950.
Soulignons les fortes similarités des trois phases proposées par Bartlett
avec à la fois la sociogénèse des représentations sociales (processus
d’objectivation et d’ancrage) mais aussi avec le processus mis en évidence
dans le fonctionnement des rumeurs par Allport et Postman (1947).
Le rappel des souvenirs a été aussi conceptualisé par Bartlett en tant
que matière et manière du souvenir. Là aussi, il intègre des conditions
sociales intervenant dans ce processus : “la matière et la manière du
souvenir sont souvent déterminées par des influences sociales” (Bartlett,
1932, p. 244). La matière du souvenir (the matter of recall) concerne seule-
ment l’acte de se souvenir dans le groupe et non par le groupe. Cela
concerne les déterminations sociales du souvenir. Pour Bartlett, ce dont le
groupe se souvient dépend pour une large part de son organisation sociale,
de sa culture mais aussi de sa symbolique. En outre, il avance l’idée de la
manière du souvenir (the manner of recall) qui correspond davantage à une
sorte de tempérament du groupe ou à son caractère. Il s’agit ici de l’expres-
sion du souvenir qui sera d’après lui fortement influencée par les attentes
du groupe, sorte d’adéquation de l’auditoire.
Les travaux de Bartlett ont marqué différents domaines de la psycho-
logie. Avant d'envisager la construction sociale des souvenirs et leur élabo-
ration en groupe grâce aux travaux de l’école anglaise, voyons comment
certaines études de la psychologie cognitive ont introduit le concept de
schéma dans leurs modèles. Nous envisagerons ensuite un passage vers les
modèles écologiques de la mémoire qui prennent en compte l’importance
du contexte social de la mémorisation.
et/ou collective doit être considérée dans son ensemble, en tant qu’entité
sociale dynamique, inscrite dans une temporalité et ancrée dans un espace
symbolique, permettant de poser le cadre de son fonctionnement et les
conditions de sa reconstruction dans le présent (Haas et Jodelet, 1999).
Dans les modèles théoriques proposés plus haut, l'aspect dynamique de la
mémoire a été quelque peu mis de côté. On insiste davantage sur le présent
alors que la coordination des trois axes temporels (passé, présent et futur)
nous renvoie à une mémoire médiatrice de l’identité individuelle et collec-
tive des individus. En outre, une séparation claire entre les deux types de
mémoire (individuelle et collective) est délicate. Halbwachs lui-même
considère que la mémoire individuelle doit son existence à la mémoire
collective.
D’autres groupes sont aussi sur la défensive. C’est le cas des travailleurs
en Allemagne, les requis du STO (Service du Travail Obligatoire), à qui
l’on reproche maintenant leur lâcheté. Enfin, évoquons le cas des collabo-
rationnistes, qui ne peuvent être reconnus comme tels, mais qui pour
certains se retrouveront et se reconnaîtront dans la mémoire pétainiste et
participeront pour certains au culte du maréchal Pétain par le biais d’une
association l ADMP (l'Association pour Défendre la mémoire du
Maréchal Pétain).
passé qui font retour dans des situations sociales présentes à l’écheile des
groupes ou de la société dans son ensemble. Réflexions et travaux déjà
amplement menés par Bartlett et Halbwachs il y a plus d’un demi-siècle,
que nous devrions nous efforcer d’éclairer plus encore dans le présent et
d'investir par une réflexion psychosociale.
DEUXIÈME PARTIE
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CHAPITRE X
3. Nécessité et danger
À côté de ces stratégies que nous pouvons mettre en place pour ne pas
foncer tête baissée dans n’importe quelle théorie implicite de personnalité,
il existe également des différences individuelles dans le traitement de
l'information et dans la façon dont les gens infèrent des causes. Tout le
monde n’inférera pas la même chose à partir de la même information. Ce
domaine a surtout été étudié par Dweck et ses collaborateurs (pour des
144 PSYCHOLOGIE SOCIALE
Les fixistes se basent davantage sur leurs stéréotypes que les optimistes
quand ils doivent interagir avec quelqu'un. Ce dernier résultat permet de
faire le lien entre théories implicites de personnalité et stéréotypes. Ces
derniers sont également des croyances générales. Elles ont ceci de parti-
culier qu’elles sont partagées par la plupart des membres d’un groupe et
concernent les traits de personnalité et les comportements de la majorité
des membres d’un groupe.
CHAPITRE X : THÉORIES IMPLICITES DE LA PERSONNALITÉ 145
Préjugés et stéréotypes
dans les relations inter-groupes
Nadège SOUBIALE
Que doit donc faire le “jeune Indien ambitieux” que nous décrit
Umberto Eco pour obtenir le “label Indien de Western”, le seul, d’après
l’auteur, qui lui ouvrira les portes de l’emploi et lui permettra d’échapper à
une condition désormais bien difficile ? Le célèbre romancier explique au
“jeune Indien”, dans une liste de recommandations fort détaillée, comment
il pourra à l’avenir avantageusement tirer parti des traits et des caractéris-
tiques qui lui ont été jusqu'alors attribués par les Blancs et qui font
justement de lui... un Indien. Tout l’art “d’être un Indien” consiste à savoir
comment attaquer une diligence, mais aussi un ranch isolé, un cercle de
chariots, un fort. Ce petit extrait de la littérature permet d'illustrer, sur le
mode de l'ironie, un thème devenu un classique de la psychologie sociale :
les préjugés et les stéréotypes. Quels sont les problèmes soulevés par les
liens qu’entretiennent ces deux phénomènes ? En quoi intéressent-ils la
psychologie sociale et comment les aborde-t-elle ?
Continuons notre questionnement à propos de la situation de notre
jeune Indien. Quel type de raisonnement pourrait amener le Blanc à penser
que l’Indien possède des caractéristiques intrinsèques qui lui vaudraient le
148 PSYCHOLOGIE SOCIALE
Christine BONARDI
qui produit et actualise des connaissances suivant les critères d’une logique
naturelle. Cependant, “.. dès les débuts de la réflexion dans ce domaine,
l’idée centrale fut que les gens, confrontés à des conduites, des événements
ou des états psychologiques (pensées, sentiments.) éprouvent le besoin
d'en chercher les causes” (Deschamps et Beauvois, 1994, p. 98) ; idée qui
a trouvé sa matérialisation, dans les années 1950, avec la psychologie des
relations interpersonnelles.
“Notre but est de construire une théorie qui rende compte systéma-
tiquement des inférences du percevant sur ce qu'un acteur tentait d'accom-
plir par une action particulière” (Jones et Davis, 1965, p. 222). Le modèle
formalise les antécédents causaux ainsi que les mécanismes des attributions
réalisées par le sujet observateur d’une action. Pour toute information, cet
observateur dispose de l’action elle-même, de ses effets et des caracté-
ristiques de son auteur. Il devra déterminer, parmi tous les effets possibles
de l’action, celui qui a été intentionnellement produit par l’acteur, et qui, par
conséquent, reflétera une ou des dispositions spécifiques.
La procédure est relativement simple : préalablement à l’attribution,
l'observateur devra supposer que l’acteur sait que son action aura les effets
observés (il y a, de sa part, volonté de les susciter), et qu’il est capable de
passer du désir de produire ces effets à un état subséquent de connaissance
et de satisfaction. Puis, cet observateur repérera tous les effets possibles de
l’action et les comparera à ceux d’autres actions, possibles dans le cas
étudié mais que l’acteur n’a pas accomplies. Il éliminera les effets
communs à tous ces actes alternatifs pour ne retenir que ceux qui particu-
larisent l’acte effectivement accompli. Et ces effets l’informeront alors des
intentions qui ont poussé l’acteur vers la réalisation de l’acte ; intentions
qui constituent elles-mêmes un prérequis pour inférer, chez l’acteur, des
160 PSYCHOLOGIE SOCIALE
2. La “réhabilitation” du social
Sur un tout autre plan, le caractère restrictif des premiers modèles s’est
manifesté par le fait que des causes (internes ou externes) ne peuvent
suffire à rendre compte de tout ce qui est évoqué dans une attribution. Le
cadre attributif s’élargira vers d’autres dimensions telles que la stabilité et
le niveau de généralité de ces causes (Weiner, 1974), leur utilité sociale ou
l'implication et l'intérêt de l’individu. Plus largement, une explication qui
veut rendre compte de la réalité sociale et éclairer un acte peut, outre les
causes inclure les raisons (mobiles, buts, objectifs) qui ont motivé l’acteur
(Buss, 1978), ce qui revient à justifier ou rationaliser cet acte en regard des
normes dominantes d’un groupe ou d’une société.
De ce fait, si un observateur impute à l’acteur l’origine de son acte, cela
peut être au titre de sa personnalité (cause interne) ou à celui de ses mobiles,
c’est-à-dire de ses raisons. L'acteur endosse alors la responsabilité de l’acte
(Fauconnet, 1920 ; Heider, 1958). La question de savoir si l’attribution
causale est indispensable à la production d’un jugement de responsabilité
(Fincham et Jaspars, 1983) ou s’il y faut, de surcroît, d’autres conditions
telles que l’intention dictant l’acte ou l’absence de contraintes pesant sur
l’acteur (Heider, 1958) reste en suspens. Toutefois, Devos-Comby et Devos
(2000) montrent que causalité et responsabilité peuvent fonctionner
séparément car ‘les jugements de responsabilité font partie intégrante des
processus de régulation sociale actualisés lorsqu'une norme est enfreinte”
(p.324). Ils ont, par conséquent, la propriété de réguler les comportements
sociaux et de préserver les normes et valeurs en vigueur dans une société.
Ainsi la responsabilité avérée d’un acteur peut-elle, en cas d’actes nuisibles
ou socialement dépréciés (Hart et Honoré, 1959), lui valoir une sanction, ce
qui n’est pas le cas pour la simple causalité.
On peut aussi examiner le raisonnement qui débouche sur une expli-
cation dans sa globalité plutôt que par sa résultante en causes internes ou
externes. Le travail est alors plus complexe mais le résultat plus proche de
la pensée quotidienne. Prenons deux cas en exemple :
a. Le modèle “conversationnel”
Lors d’une conversation entre des personnes désireuses de comprendre
un événement (plutôt négatif d’ailleurs), rechercher une cause revient à
poser la question suivante : “Pourquoi l'événement a-t-il eu lieu dans ces
circonstances plutôt que dans telles autres, où il n'aurait pas eu lieu ?”
(Hilton, 1996, p. 244). Le raisonnement causal débute alors par un diag-
nostic (une évaluation sous incertitude), et se poursuit par une explication
166 PSYCHOLOGIE SOCIALE
à plusieurs voix dès que les interlocuteurs ont acquis une certitude par
rapport aux causes de l’acte ou de l’événement. Le jugement émis est le
produit de l’identification causale et d’une recherche de ce qui s’est passé
dans l'esprit de l’acteur. Pour cela, les individus vont comparer les
caractéristiques du cas étudié avec celles du cas “normal”, l’élément qui
fera la différence ou qui contrastera deviendra cause de l’événement. Dans
ce travail interactif, chacun comblera les lacunes de l’autre à l’aide d’un
nouvel argument. On peut alors soutenir que l’explication est une forme de
conversation, une interaction sociale à part entière, dans laquelle
interviennent celui qui explique et celui qui écoute, ainsi que l’objet dont
il est question. S’y appliquent alors toutes les règles et maximes de la
conversation ordinaire, puisqu'il ne s’agit plus de “parler de quelqu'un”
(formule supposée être celle de l’observateur dans certains modèles
d’attribution) mais de “parler avec quelqu'un” à propos d’un objet social.
Les liens effets/causes s’établissent dans un contact social qui laisse place
aux jugements interpersonnels ou à l’expression des valeurs issues d’une
culture donnée. Les explications qui en résultent sont à la fois simples et
complexes : “complexes parce que les représentations cognitives de la
structure causale sous-jacente à tout événement sont souvent complexes, et
simples parce que nous utilisons des schémas comparatifs implicites et des
règles de conversation pour élire ‘une simple cause’ parmi l'éventail
complexe de conditions” (Hilton, 1996, p. 245).
grande dans la production de ses argumentaires qu’il n’en avait pour les
premiers théoriciens de l’attribution.
groupe et être redevable des rapports que les groupes entretiennent entre
eux. À ce titre, et dans la mesure où catégoriser et répertorier des individus,
des groupes, des objets est avant tout affaire de perception, les travaux
réalisés dans le domaine de la catégorisation sociale sont indispensables
pour comprendre les attributions entre groupes : “Nous vivons dans un
environnement social qui est en constant mouvement. Beaucoup de ce qui
nous arrive est lié aux activités de groupes auxquels nous appartenons ou
non, et les relations changeantes entre ces groupes nécessitent le constant
réajustement de notre compréhension de ce qui arrive et des attributions
causales incessantes sur le pourquoi et le comment des conditions
changeantes de notre vie” (Tajfel, p. 164). On sait ‘que la catégorisation
sociale génère une discrimination évaluative entre son propre groupe et les
autres (ethno ou sociocentrisme). La mise en relation de cet ethnocen-
trisme avec les mécanismes d’attribution dans diverses recherches (pour
une revue voir Hewstone, 1989) a montré que, pour les groupes d’appar-
tenance, les attributions internes apparaissent en cas de succès ou d’acte
valorisant, et les attributions externes en cas d’échec ou d’acte
dévalorisant. Quant aux groupes auxquels on n’adhère pas, les attributions
obtenues sont de nature inverse. Ces résultats recoupent assez exactement
ceux obtenus au niveau des relations interpersonnelles. Pettigrew (1979)
remarquera l’existence d’un analogue de l’erreur fondamentale au niveau
des groupes, qui porte à créditer d’attributions causales internes les actes
des membres d’un autre groupe socialement déprécié ou auquel s’attachent
des stéréotypes négatifs. L’individu voit ici l’origine de l’acte dans une
prédisposition interne, ce qu’il ne ferait pas pour un membre de son propre
groupe. Au niveau des rapports intergroupes, les conséquences de percep-
tions négatives de ce type, basées sur des stéréotypes, peuvent être plus
étendues et plus graves que dans le cadre des relations interpersonnelles.
Par exemple, les causes internes référées à des aspects “génétiques”
peuvent constituer l’une des bases fortes du racisme. Qu'il s'agisse alors
d’actes socialement valorisés ou dévalorisés, ceux-ci seront expliqués de
telle sorte que les individus puissent conserver leurs préjugés envers le
groupe. D'où l’idée qu'il s’agit d’une erreur ultime d’attribution
(Pettigrew, 1979). Dubois et Beauvois (1996) retrouvent cette erreur
ultime chez les bons élèves mais non chez les mauvais et concluent alors
que, au plan des relations intergroupes, les biais d’attribution ne dépendent
nullement de la valeur des explications mais bien des événements ou actes
qui font l’objet d’attributions. Ces biais apparaissent ainsi conditionnés par
la nature même des relations entre les groupes sociaux, et dépendraient
dans une certaine mesure du milieu culturel. On rejoint alors des travaux
récents sur la formation et le fonctionnement des stéréotypes dans les
CHAPITRE XII : PENSÉE SOCIALE ET THÉORIES DE L'ATTRIBUTION 171
est admis que ces croyances “fausses”, ainsi que les assomptions sur
lesquelles reposent les explications (Antaki et Fielding, 1981), sont
souvent partagées par de nombreux membres d’un groupe ou d’une
société, ce qui porte à penser que toute société dispose de ses propres types
d'explications (cf. la revue de travaux produite par Hewstone, 1989) ou en
valorise certains types plutôt que d’autres. L'attribution devient alors un
“traitement socialisé” (Augoustinos, 1990, p. 50) de l’information, qui
repose davantage sur des croyances sociales et sur la position des groupes
dans la société que sur des raisonnements causaux abstraits. C’est dire ni
plus ni moins que les attributions “sociales” s’appuient sur des mécanis-
mes de catégorisation, servent les objectifs du ou des groupes d’apparte-
nance, sont créées ou renforcées par l’interaction sociale entre les
membres d’un groupe, et permettent de maintenir l'identité sociale du
groupe d’appartenance comme celle des autres groupes.
Notons enfin qu’observer des actes et leurs effets (ou des événements),
sélectionner des informations ou énoncer des causes, cela revient à
élaborer et mettre en scène une représentation de quelque chose et de
quelqu'un (individu ou groupe). L'analyse des structures causales sociale-
ment partagées permettrait par conséquent d’atteindre le niveau des
représentations sociales, si l’on admet, avec Moscovici (1984b, p. 51), que
“.. la causalité n'existe pas en soi mais seulement à l'intérieur d'une
représentation qui la soutient”. On en vient alors à différencier (Moscovici
et Hewstone, 1984, p. 558) de manière radicale un mode de pensée
scientifique ou “pensée informative”, en quête d’un savoir objectif et
rationnel, et un mode de pensée social ou “pensée représentative”, guidée
par des considérations relatives aux relations. sociales et aux valeurs
collectives.
3. Conclusion
“En tout cas, j'ai compris qu'on doit absolument appartenir à quelque chose,
si on ne veut pas se sentir la cinquième roue du carrosse. La Loge P2 est
dissoute, l'Opus Dei manque tellement de discrétion que votre nom finit par
courir sur toutes les lèvres. J'ai choisi la Société Italienne de la Flûte à Bec.
Authentique, Ancienne, Admirable et Acceptée. Unique.”
Umberto Eco, Comment voyager avec un saumon, 1997.
2. L'hypothèse motivationnelle
Contrairement à la théorie des conflits réels d’intérêts, Tajfel défend
l’idée que les gens luttent tout autant pour acquérir et préserver des
ressources symboliques que des ressources matérielles. De cette position
découlera la Théorie de l’Identité Sociale (Tajfel et Turner, 1979 : 1986b),
l'identité constituant le pendant motivationnel et émotionnel de l’appar-
tenance au groupe (Tajfel, 1972). On retrouve dans ce modèle interaction-
niste et finaliste les propositions de Festinger (1954) sur la comparaison
sociale. Festinger considérait la comparaison avec autrui comme un
principe fondamental de l’activité psychique : elle permet de réduire l’état
d'incertitude — source de déséquilibre — dans lequel nous nous trouvons
quant à nos croyances, opinions, attitudes, représentations... Il convient
d’ajouter que la comparaison s’effectue presque toujours selon des moda-
lités qui permettent d’assurer la satisfaction d’un autre besoin psychique
fondamental : le besoin d’auto-évaluation positive. Ce sont ces principes
que Tajfel a transposés au fonctionnement des groupes : via la
comparaison entre endo et exogroupes, le favoritisme pro endogroupe
fournit à l’individu une identité positive. La discrimination de l’exogroupe
suit la même logique : elle confère aux membres de l’endogroupe une
position supérieure à celle des membres de l’exogroupe, et assure par là
même l’acquisition ou le maintien d’une identité positive. L'introduction
de cette hypothèse motivationnelle dans le modèle du PGM ne conduit pas
pour autant Tajfel à abandonner l’idée que la catégorisation sociale — c’est-
à-dire la représentation d’un environnement social scindé en “Eux” et en
“Nous” — est génétiquement première dans l’apparition du conflit et de
l'hostilité intergroupe. Dans sa modélisation de la théorie de l’identité, la
TIS, Tajfel émet l’hypothèse que certaines de nos appartenances, dans
certains contextes, peuvent contribuer en partie à la façon dont nous nous
définissons : “La question de la définition de soi d'un individu dans un
contexte social peut être restituée en termes d'identité sociale. Nous
devons postuler que, au moins dans nos types de société, l'individu
s'efforce d'acquérir un concept ou une image de lui-même satisfaisant(e)”
(Tajfel, 1981a, p. 254).
4, Symbolisme et matérialisme
Hogg et Abrams résument de manière concise le projet théorique
poursuivi par Tajfel et Turner lorsqu'ils disent que “la TIS explore les
processus psychologiques impliqués dans la transformation des catégories
sociales en groupes humains” (1988, p. 17). Cette formulation traduit
assez fidèlement une des idées centrales des théoriciens de la TIS On peut
la comprendre de la façon suivante : avant d’être une réalité concrète, le
groupe est une “réalité psychologique”. Tajfel avait néanmoins initiale-
ment pour projet de s’intéresser aux conséquences psychologiques de nos
appartenances “de fait” (celles que l’on ne choisit pas, qu’on endosse à la
naissance : appartenance de genre ; nationalité...). Précisons alors le statut
CHAPITRE XIII : “NOUS” ET “EUX” : QUELQUES INTERROGATIONS... 181
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CHAPITRE XIV
21 octobre 1960, dernier des quatre débats télévisés opposant le sénateur John
Kennedy au vice-président des États-Unis Richard Nixon dans la course à la
Maison-Blanche. L'institut de sondage Gallup les donne à égalité : 49,9 %
d'intention de vote pour chacun. Ce débat va décider du scrutin début
novembre. Au final, Kennedy gagne l'élection présidentielle avec 118 000 voix
d'avance sur son adversaire. À quoi attribuer cette victoire ? De l'avis des
analystes, c’est la prestation des candidats, plus que leur discours, qui a été
en réalité déterminante. Nixon est apparu épuisé par une longue campagne
électorale, pas vraiment sûr de ses réponses, contraint de justifier les actes de
sa vice-présidence, et surtout ne possédant pas autant d'attrait ou de séduction
que son adversaire. Autant de faiblesses qui peuvent expliquer son manque de
persuasion. Le débat politique n'est pas un concours de beauté, mais la
séduction exercée par Kennedy sur les téléspectateurs contribua à sa victoire.
Hellweg, Pfau et Brydon, 1992.
savonnette rendra la peau aussi belle et douce que la sienne. Cette source
peut ensuite influencer :
. à. la motivation à traiter le message. On cherche à savoir ce qu’une
source aussi attrayante pense de cette savonnette, ce qui accroît la
probabilité de traiter soigneusement les arguments persuasifs ;
b. l’habileté à penser au message. Cette source particulièrement
attrayante et belle peut distraire d’un traitement approfondi du message ;
c. la façon dont le traitement de l’information est conduit. Cette source
attrayante, pour peu qu’elle mette les individus de bonne humeur, rend plus
facilement accessibles des pensées positives à l’égard du message.
La figure 1 reprend schématiquement les principales étapes du modèle
ELM et leurs relations (Adapté de Petty et Wegener, 1999) :
Communication persuasive
Changement d'attitude
périphérique
Motivé à traiter le message ? L'atttude est relativement temporaire et
(e.g. pertinence) non prédictive du comportement
non
oui
Capable de traiter le
À ; ——————————} Indice périphérique
message ? (e.g. distraction)
présent ? (e.g. source)
oui ÿ À
ui
non favorable)
Changement Changement
d'attitude non
HSM pose, plus clairement que l’'ELM, la cooccurrence des deux voies de
traitement de l’information et ses conséquences sur les attitudes. Pour le
premier, les deux voies peuvent s’influencer mutuellement soit en augmen-
tant soit en diminuant leur impact sur les attitudes. Pour le second, l'emprunt
d’une voie favorise nettement plus l’emploi des processus qui lui sont
associés aux dépens de ceux associés à l’autre voie. Enfin, pour les deux
modèles, une attitude est plus forte et résistante au changement lorsqu'elle
s’est forgée à partir d’un traitement intensif de l’information.
Par ailleurs, Kruglanski et Thompson (1999) ont proposé un modèle à
une voie (unimodal) selon lequel l’ampleur de l’impact persuasif des indi-
ces périphériques, des heuristiques et des arguments serait indépendante de
la pertinence personnelle, de la motivation ou encore de la capacité des
individus à traiter l’information.
3. La résistance à la persuasion
Certaines caractéristiques individuelles ou dispositionnelles (cf. estime
de soi, optimisme) conduisent à résister à une tentative de persuasion
(Wood et Stagner, 1994). Le tableau 1 signale ces caractéristiques (variable
public). Nous allons voir successivement les théories et concepts, parmi les
plus importants, qui expliquent la résistance à la persuasion.
3.1. L'inoculation
3.2. L'engagement
3.3. La réactance
Tableau 2 :
Rôles des variables structurales et expérientielles dans la résistance à la persuasion
3.5. L'identité
4. Pour conclure...
Nous espérons en avoir dit assez pour que l’on se fasse une idée du
contenu des recherches sur la persuasion et la résistance et de leur utilité
dans la compréhension du changement d’attitude dans la recherche sociale.
Les applications de la persuasion et de la résistance à la persuasion se
trouvent dans le champ de la santé et de la sécurité (gestion et prise de
risque, psychothérapies, conception et impact des campagnes de préven-
CHAPITRE XIV : PERSUASION ET RÉSISTANCE À LA PERSUASION 197
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CHAPITRE XV
Engagement et dissonance
dans la soumission librement consentie
Valérie FOINTIAT
États-Unis. Fin des années 1950. Voici ce que l’on peut lire dans le
Herald de Lake City :
Une prophétie extra-terrestre. La planète Clairon interpelle la cité : fuyez le
déluge, qui frappera le 21 décembre, conseille l'Espace à une de nos
concitoyennes.
Lake City sera détruite par une lame de fond surgie du grand lac peu avant
l'aube du 21 décembre, affirme une ménagère des environs de notre ville.
Madame Marian Keech, 847 West School Street, affirme que le mérite de cette
prédiction ne lui revient pas : elle résume les nombreux messages qui lui
auraient été transmis par voie de l'écriture automatique. Ces messages, dit-
elle, lui sont expédiés depuis la planète Clairon par des êtres supérieurs qui
descendent parfois sur terre dans ce que nous appelons des soucoupes
volantes. Elle assure qu'au cours de leurs visites ils ont observé sur la croûte
terrestre des lignes de faille qui laissent présager ce cataclysme. On lui aurait
dit que l’inondation formerait une mer intérieure qui ira du cercle arctique au
golfe du Mexique. En même temps, une inondation submergera la côte Ouest
depuis Seattle, État de Washington, jusqu'au Chili, en Amérique du Sud.
Cela fait plusieurs mois que Mme Keech a réuni autour d’elle un petit
groupe d’adeptes, Les Chercheurs, qui se rencontrent régulièrement pour
parler de questions spirituelles et de cosmologie. Au moment de la
parution de l’article, bon nombre d’entre eux avaient déjà mis fin à leurs
activités professionnelles et distribué l’ensemble de leurs biens. Que se
passerait-il quand les adeptes auront constaté que la fin du monde ne s’est
pas produite ? Comment allaient-ils gérer cette contradiction directe ? Pour
apporter des éléments de réponse, une équipe de chercheurs en psycho-
logie sociale s’infiltra dans ce groupe afin d’en étudier le fonctionnement
200 PSYCHOLOGIE SOCIALE
et son devenir. Voici ce que leur carnet de bord nous apprend. Le matin du
20 décembre, Mme Keech annonça qu’elle avait reçu un nouveau message
extraterrestre. Tout le groupe devait être prêt à monter dans une soucoupe
volante, le soir même à minuit. Quelques minutes avant l’heure fatidique,
tous les adeptes se rassemblèrent dans une pièce de la maison de Mme
Keech et, le manteau au bras, se mirent à surveiller l’horloge. Les douze
coups de minuit retentirent.…. rien ne se produisit. Tous restèrent assis en
silence ; puis tout doucement, ils reprirent la parole, questionnant leurs
croyances, épanchant leur douleur et leur désespoir. Mme Keech se mit à
pleurer puis à prier pour que Les Chercheurs répandent leur lumière sur les
autres. À 4 h 45, Mme Keech annonça solennellement qu’elle venait de
recevoir un message d’espoir : le groupe grâce à sa foi et à sa ferveur venait
de sauver le monde de la destruction. Ce message fut accueilli dans la joie ;
le groupe était rétabli dans sa foi. Au lieu d'admettre douloureusement
qu’ils s’étaient trompés, ils augmentèrent l’intensité de leurs croyances et
tentèrent de convertir ceux qui, de près ou de loin, avaient fait montre du
moindre intérêt à l’égard de leur croyance.
Léon Festinger, Hank Riecken et Stanley Schachter nous offrent une
description détaillée de l’histoire de Mme Keech et de ses adeptes dans un
ouvrage intitulé “When prophecy fails” datant de 1956 et traduit en 1993
sous le titre L’échec d’une prophétie. Nous verrons plus loin comment on
peut comprendre cette curieuse tendance au prosélytisme, grâce à la
théorie élaborée par l’un des trois auteurs, Léon Festinger.
1. Introduction
oublié dans le même temps que leurs effets disparaissent dès lors que l’agent
de pouvoir s’éclipse. Qui plus est, si on obtient facilement des modifications
de comportements, rien ne vient garantir qu’elles s’accompagnent de modi-
fications profondes susceptibles de garantir leur reproduction. Tout parent ou
toute personne travaillant avec des enfants aura remarqué que l’on peut
obtenir assez facilement d’un enfant qu’il range sa chambre ou finisse sa
soupe, en usant d’autorité ou de force. Rien ne vient garantir qu’en votre
absence le garnement s’acquittera de sa tâche, ni même qu’il continuera
spontanément à ranger sa chambre dans les jours qui suivent. Si la
persuasion a ses limites, la force et l’autorité montrent les leurs.
On peut imaginer des situations dans lesquelles les individus sont
librement amenés à s’engager dans des comportements qu’ils n’auraient
pas émis spontanément ou bien à changer leurs attitudes dans le sens d’un
comportement qu’ils viennent d’émettre. Le premier axe relève de la
soumission sans pression ; le second de la soumission forcée.
2.1. Le pied-dans-la-porte
2.2. L’amorçage
3. La soumission forcée
Les situations de soumission forcée sont diverses ; elles partagent
néanmoins deux caractéristiques essentielles :
— un individu se soumet face à une pression qui le conduit à émettre un
comportement qu’on peut considérer comme le contraire de celui qu’il
aurait émis spontanément ;
— pour peu que l’expérimentateur plonge l’individu dans un contexte de
liberté, ce dernier rétablira la valeur du comportement de soumission.
Stéphane LAURENS
3.2. La normalisation
4. Le conformisme et la soumission
4.1. Le conformisme
étalon. Les individus donnent, tour à tour, leurs réponses oralement. Parmi
les 8 membres du groupe, 7 jouent un rôle prescrit par l’expérimentateur
(compères) tandis que le sujet restant n’est au courant de rien (sujet naïf).
Les compères ne donneront pas les réponses qu’ils croient justes : sur
18 estimations, 12 fois ils donneront une réponse fausse, mais ils donneront
tous la même, apparaissant ainsi comme un groupe majoritaire unanime. Les
résultats montrent que, dans cette condition, 37 sujets naïfs sur 50 se
trompent au moins une fois et ceci toujours dans le même sens que les
compères. En tout, 32 % des estimations sont erronées tandis que, dans la
condition témoin (c’est-à-dire sans compère), il y a seulement 0,4 % d’esti-
mations erronées, ce qui prouve que le stimulus n’est pas ambigu.
Lors de la ré-appropriation des travaux de Asch, le rôle de l’indépen-
dance fut systématiquement minimisé, les chercheurs retenant principale-
ment la soumission et le conformisme. Pourtant les résultats expérimen-
taux montrent plus de réponses indépendantes (68 %) que de conformistes
(32 %) et, grâce à l’indépendance totale de certains individus (ceux qui ne
se trompent jamais), il est peu probable qu’un groupe arrive à un consensus
contraire à l’évidence perceptive.
S1 le fonctionnement social exige le consensus, il faut tout de même que
ce consensus ait une validité. Or, cette validité tient au fait que les indi-
vidus doivent refuser leur accord lorsqu'ils pensent que les autres se
trompent. Ainsi, pour Asch (1952, pp. 495-498), la soumission est anti-
sociale contrairement à l’indépendance et à la résistance de l’individu.
Pour que l’individu résiste, il doit avoir confiance en lui, en son jugement
et en sa relation avec les autres. À l’inverse, la soumission (due à l’incer-
titude et à la non-confiance) révèle un défaut de construction sociale de
l'individu, donc un défaut des influences socialisantes.
Asch est un gestaltiste qui considère que le tout (la formation d’impres-
sion, l’action collective...) ne consiste pas en la somme d’éléments indé-
pendants (stimuli, individus...). L’individu de Asch ne peut pas être
passif : il recherche des formes, il interprète. À la suite de Baldwin
(1911), Asch (1952, p. 390) affirme que l’imitation nécessite l’intelligence,
la compréhension, elle n’est pas que mécanique. Les autres nous aident à
penser plus intelligemment et à ressentir plus profondément (Asch, 1952,
p. 411) même si parfois on peut trouver des aspects “contre adaptatifs” du
processus social (Asch, 1952, p. 137).
normes, elle est aussi le levier de la redéfinition des normes. Dans cette
perspective, la déviance n’est pas un accident ou une mauvaise adaptation
de certains individus ou de certains groupes, elle est un produit normal de
la société. Le modèle génétique propose donc une nouvelle conception de
l'individu en interaction. Cet individu a un point de vue, des convictions,
il ne souhaite pas forcément en changer et peut même vouloir les défendre
et les faire partager aux autres. Cette volonté de défendre un point de vue
n’est pas seulement le fait des individus compétents ou autorisés, c’est le
fait de tous, qu’ils soient compétents ou non, informés ou non, prestigieux
ou non... Ainsi, chaque membre du groupe, indépendamment de son rang,
est, à la fois, source et récepteur d’influence. Ce qui fonde cette influence,
ce n’est pas le fait qu’un individu dispose, de manière idiosyncrasique, de
ressources particulières (pouvoir, information...) mais c’est son style de
comportement, c’est-à-dire la manière dont il se comportera dans l’inter-
action.
Accord véritable
Complaisance
Conversion
Désaccord
5.4. La conversion
Source Incompétente
Compétente -—- Absence de conflit
Cible
Incompétente Comparaison par le bas Conflit d'incompétences
Intragroupe hors-groupe
Majorité Conflit normatif Conflit intergroupe
Minorité Conflit d'identification Conflit cognitif-culturel, dissociation
Figure 3 : Élaborations du conflit dans les tâches d'opinion
CHAPITRE XVII : INFLUENCES SOCIALES, SOURCES ET TÂCHES : L'ÉLABORATION DU CONFLIT 237
groupe dont celui-ci pâtirait du simple fait d’être catégorisé comme hors-
groupe. Quand la source a un caractère majoritaire dans le hors-groupe, le
conflit prendrait la forme d’un conflit intergroupe, c’est-à-dire un conflit
entre deux points de vue antagonistes, forçant chaque partie à intensifier la
défense de sa propre position, et par exemple à trouver de nouveaux argu-
ments pour la renforcer. C'est-à-dire que s’instaure une compétition
sociale symbolique entre opinions, selon la logique de la différenciation
catégorielle (cf. Doise, 1976).
Diverses activités sociocognitives peuvent se développer face à une
minorité hors-groupe, de telle manière qu'après une première résistance
contre elle, ou une discrimination, une influence latente positive (une
conversion) peut apparaître. D'abord, la manifestation d’une conduite de
discrimination explicite peut elle-même créer un conflit On observe
fréquemment aujourd’hui qu’à propos de maints thèmes d'actualité la
discrimination (manifeste du moins) est une conduite censurée socialement,
l'esprit du temps condamnant toute pratique sociale de discrimination
lorsque celle-ci n’est pas “justifiée”. Ainsi, la résolution discriminatoire sur
le plan manifeste du conflit introduit par un hors-groupe peut entraîner
l'apparition d’un conflit cognitif-culturel (typique du racisme moderne ou
symbolique), se traduisant par une influence positive latente, induite par le
remords de la discrimination (cf. Pérez, Mugny, Llavata et Fierres, 1993).
Une autre activité susceptible d’assurer une conversion face à une
source hors-groupe est celle de dissociation (cf. Sanchez-Mazas et
Falomir, 1995). Celle-ci présuppose que l'individu réalise séparément
deux activités sociocognitives : celle de comparaison sociale entre soi et le
hors-groupe, et celle de validation des positions du hors-groupe pour elles-
mêmes. La première s’effectue au niveau de l'identité catégorielle. Une
fois résolue cette question de la comparaison, généralement au détriment
du hors-groupe, l'individu peut alors focaliser son attention sur le conflit
de normes, et traiter les contenus mêmes des positions du hors-groupe, en
l'occurrence ses principes organisateurs. C’est alors qu’il peut s'inspirer,
certes à un niveau latent, du noyau normatif de la source. Une certaine
reconnaissance des positions minoritaires peut aussi apparaître avec le
temps, en un effet de cryptomnésie sociale (cf. Butera et Pérez, 1995).
5. Conclusions
La théorie de l'élaboration du conflit a été proposée comme une
réponse possible, parmi d’autres, à l’hétérogénéité des effets d’influence
observés dans différents contextes, conceptualisés ici en termes de tâches,
CHAPITRE XVII : INFLUENCES SOCIALES, SOURCES ET TÂCHES : L'ÉLABORATION DU CONFLIT 239
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CHAPITRE XVIII
On peut dire qu’un individu prend une décision lorsqu'il est seul et
aboutit à une autre lorsqu'il est en groupe. L'objet de ce chapitre est
d’étudier comment se prennent les décisions en groupe lorsqu'elles sont
envisagées de façon consensuelle.
Le psychologue social s’intéresse à l’analyse des décisions pour au
moins deux raisons : l’une pratique, l’autre théorique. L'aspect pratique
provient du fait que les décisions de groupe sont fréquemment assez
décevantes : la plupart des membres souhaitent un accord mais ils désirent
en même temps faire entendre leur propre point de vue, donc ils marchan-
dent et acceptent des compromis. Le produit final est une décision qui
déçoit tous les membres et à laquelle aucun ne croit vraiment. L'aspect
théorique apparaît dans le fait qu’on pense souvent que les groupes
prennent leurs décisions de la même manière que les individus. On
suppose, dans ce cas, que chaque membre est un individu d’abord ration-
nel, car il obéit à une logique de fonctionnement, et surtout moral car 1l est
doté d’une haute probité. Ensemble, les individus évaluent les avantages et
les inconvénients de chaque solution pour choisir en définitive celle qui
présente le plus d’avantages et, si possible, le moins d’inconvénients. Si les
242 PSYCHOLOGIE SOCIALE
choses étaient ainsi, on pourrait dire que les décisions collectives sont de
même nature que les décisions individuelles. Mais, s’il n’en était pas ainsi,
on pourrait alors affirmer qu’il existe des différences entre les décisions
prises en groupe et celles qui sont initiées par les individus. Ces différences
sont développées par Janis (1972) à partir de nombreux exemples pris sur
la manière dont les comités du gouvernement américain ont arrêté leurs
décisions. Cet auteur propose quelques explications parmi lesquelles on
peut citer : une pression directe sur les membres qui expriment des argu-
ments allant à l’encontre des engagements du groupe, l’autocensure de
ceux qui dévient du consensus retenu par le groupe, l'illusion partagée de
l’unanimité sur les jugements conformes à l’opinion de la majorité.
Tous les travaux portant sur ce problème aboutissent au fait que les
décisions collectives sont moins bonnes que celles qui sont prises de façon
individuelle. Ce que fait un individu seul ou isolé ne permet pas de prévoir
ce qu’il fera lorsqu’il est associé à d’autres. Autrement dit, il n’y a pas lieu
de supposer que la décision d’un groupe est analogue à celle de l’individu.
La décision du groupe n’est pas une décision individuelle amplifiée. Le
problème posé par les décisions collectives est celui de la source qui émet
la décision, soit l’individu seul, soit les membres d’un groupe à travers une
construction collective. Le problème soulevé par la source émettrice de la
décision ne doit pas être confondu avec la performance soit de l’individu,
soit du groupe. En effet, on estime souvent que les performances d’un
groupe sont supérieures à celles d’un nombre égal d’individus isolés ou
d’un seul individu (Zajonc, 1967). Deux ou plusieurs valent mieux qu’un
dit-on ! Cette dernière remarque a donné lieu à une problématique qui a
ouvert un champ à de nombreux travaux qui comparent les performances
tant individuelles que collectives. Deux courants sont depuis bien long-
temps développés : la facilitation sociale (Triplett, 1897) et la tendance
opposée ou paresse sociale (Ringelman, 1913).
existants dans le groupe. Dans ce cas, on dit que la décision traduit un effet
de polarisation.
L'effet de normalisation est bien connu, il s’agit de l’établissement d’un
point de vue commun. Il a été l’objet de divers développements. Par
exemple, Allport (1924) explicite cette propension au compromis comme
suit : “{l y a une tendance humaine fondamentale à tempérer ses opinions
et ses conduites par déférence pour les opinions et la conduite des autres.
L'apprentissage précoce et les contacts sociaux nous éduquent dans le
sens de l’évitement des extrêmes de toutes sortes...” (p. 278). Cette
convergence est expliquée, selon l’auteur, par la crainte d’avoir des juge-
ments en désaccord avec les autres, et par la tendance à vouloir se rendre
acceptable par autrui. D’autres auteurs ont développé le même point de vue
mais en proposant d’autres explications (Sherif, 1936 ; De Montmollin,
1965 ; Moscovici et Ricateau, 1972). Il en est de même pour Kelley et
Thibaut qui écrivent : “Quand il agit avec d’autres personnes, l'individu
réagit à elles. en tempérant ses jugements de manière à éviter la possi-
bilité d’être extrêmement différent des autres” (1954, p. 769). Le deuxième
effet, de polarisation, traduit un certain changement. Au lieu de chercher à
établir un compromis, les membres du groupe s’en écartent, ils accordent
un poids important aux opinions minoritaires. De fait, dans toute situation
de prise de décision, on a affaire à un conflit entre des solutions
différentes : d’un côté, on cherche à éviter le conflit par différents moyens
(Janis, 1972), de l’autre, on laisse le conflit s’amorcer et on donne aux
différents points de vue la possibilité de s’exprimer. Les conséquences
dans les deux cas ne sont pas les mêmes.
+ La discussion
Kogan et Wallach (1965) étudient trois sortes d’interactions collectives.
Tout d’abord, la discussion entre les membres d’un groupe en vue d’arriver
à un consensus, puis la discussion entre les membres suivie d’une refor-
mulation individuelle, enfin l’établissement d’un consensus sans discus-
sion. Il y a échange entre les membres à travers l’affichage au tableau sans
discussion entre eux. Les deux premières formes d’interaction accroissent
le risque, seule la troisième forme d’échange n’augmente pas le risque
(résultats indiqués par Doise et Moscovici, 1972).
CONDITIONS HOMMES
Discussion avec consensus moyenne
Consensus — pré-consensus
Post-consensus — pré-consensus
Discussion sans consensus
Après discussion avant discussion
Consensus sans discussion
Consensus- pré-consensus
Post-consensus- pré-consensus
e L'orientation du matériel
En utilisant le questionnaire de Kogan et Wallach (1965), les chercheurs
ont remarqué que l’accroissement du risque n’était pas le même pour tous
les items. Certains contenus d’items comme l’hésitation d’un couple devant
le mariage ou le divorce amenaient des changements dans le sens de la
prudence. Certains contenus induisent donc plus de risque et d’autres
amènent plus de prudence. Zaleska (1980) a développé quelques thèmes
divers comme 1. l’attribution d’un salaire à tous les étudiants, 2. la loi sur le
divorce, 3. l’accroissement des enseignements techniques au détriment des
enseignements théoriques, 4. la législation de l’époque sur l’interruption de
la grossesse, 5. l’utilisation des sels de lithium pour soigner la psychose
maniaco-dépressive, 6. la discussion des facteurs déterminant l’intelligence
d’un enfant : facteurs innés versus facteurs acquis.
4. La polarisation collective
Dans la plupart des recherches, le phénomène d’accroissement du risque
en groupe a été considéré comme une exception à la règle générale de la
modération individuelle en situation collective. Selon Moscovici et
Zavalloni (1969), l'explication doit être recherchée au niveau du processus
par lequel s’élabore la décision du groupe, c’est-à-dire la discussion. Leur
expérience princeps consiste à reprendre le paradigme expérimental tradi-
tionnellement utilisé dans le domaine de la prise de risque dans les groupes,
mais en l’appliquant sur des questionnaires d’attitude. Le paradigme com-
prend donc les trois phases habituelles du risky shift : le pré-consensus, le
consensus et le post-consensus. Une synthèse des travaux qui résument le
passage de l’étude du phénomène de prise de risque à la polarisation a été
présentée par Vandekeere (1979). Trois conditions expérimentales sont
étudiées : dans la première, les sujets expérimentaux répondent à un ques-
tionnaire d’attitude concernant le chef de l’État de l’époque (le général de
Gaulle), avec des items tels que “de Gaulle est trop âgé pour mener à bien sa
tâche politique”. La deuxième condition proposait un questionnaire d’atti-
tude portant sur les Américains du Nord avec des items du genre “l’aide
économique américaine est toujours utilisée pour exercer une pression
politique”. Dans ces deux conditions, l’échelle d’attitude utilisée est de type
Likert, ce qui veut dire que les sujets répondent en donnant leur propre
opinion à l’aide de sept catégories de réponse orientées allant de —3 (pas du
tout d’accord) à +3 (tout à fait d’accord) en passant par les différents degrés
de l'échelle. Dans ces conditions, les réponses fournies nécessitent une
implication personnelle de la part des sujets. Dans la troisième condition, les
sujets n’expriment pas leur propre opinion mais doivent dire si les items
concernant le général de Gaulle sont libellés de façon favorable ou défavo-
rable à celui-ci. Dans ce cas, il s’agit d’une échelle de type Thurstone dans
laquelle il n’y a pas d’implication personnelle de la part des sujets puisqu'ils
ne sont pas invités à exprimer leur propre opinion. Cette échelle est répartie
sur sept degrés allant de 1 (tout à fait défavorable) à 7 (tout à fait favorable).
Avant de présenter les résultats de cette expérience, réglons d’abord une
question de terminologie. On appellera extrémisation collective le fait que
le consensus est plus extrême que ne l’est la moyenne du pré-consensus.
C'est-à-dire qu’il y a un déplacement des positions vers un des pôles
CHAPITRE XVIII : LES DÉCISIONS COLLECTIVES 249
Consensus | Post-consensus
Items favorables à 5.53 5.91 5.93
De Gaulle
Items défavorables à 2.25
De Gaulle
Watson, 1970).
CHAPITRE XVIII : LES DÉCISIONS COLLECTIVES 251
6. Remarques générales
Les travaux sur le consensus dans les groupes ont emprunté deux
directions. Les individus ont en général des attitudes fermes, ce qui les
amène à ne pas les modifier. Personne ne veut se départir de ses positions
qu'il pense avoir mûries. Mais on peut aussi dire que les individus
s’influencent mutuellement : dès que l’individu est en contact avec autrui
il est à son écoute, il y a modification. Conclusion, pour étudier les consen-
sus collectifs, il ne faudrait pas partir des attitudes car elles ne permettent
pas ou si peu le changement. Il ne faudrait pas non plus penser aux influ-
ences car elles conduisent au changement. La polarisation est en fait un
paradoxe. Pour le comprendre, il faut poser le problème de la décision.
Comment est-on amené à prendre une décision quand on est seul ou isolé
ou quand on est en groupe avec d’autres ? On peut penser que les deux
directions, influences et attitudes, présentent des contrastes ou des effets
opposés mais elles sont toutes les deux vraies. Certains auteurs pensent, à
l'instar de l’intuition populaire, que l’accord entre les individus est signe
de vérité, ils considèrent par conséquent que le consensus est le fondement
de la vie sociale. Le consensus explicite donne sens au choix du sujet, c’est
un engagement de sa part sur plusieurs plans : participation au groupe,
consentement aux valeurs du groupe, actions engagées avec le groupe.
cela donne aux autres la possibilité de compter sur lui et de lui faire
confiance. C’est le sens que Durkheim donne au lien social en tant que
solidarité interne. Comme le consensus est un accord entre différents indi-
vidus, il ne doit pas être le fruit d’une pression extérieure et doit être
obtenu de façon volontaire et libre. Dans le consensus, il s’agit de parvenir
à une décision commune qui sera intériorisée par tous les membres et
adoptée par eux. En définitive, on peut dire que le groupe està la fois
polarisateur et modérateur des positions individuelles et collectives. On
peut noter que la modération et l’extrémisme sont des aspects complé-
mentaires. Deux modèles peuvent rendre compte de cette opposition. Le
premier modèle est toujours dominant en psychologie sociale, il constate
que les individus sont moins bons d’une manière générale quand ils sont
en groupe. Le niveau du groupe se situe au niveau des individus les plus
faibles. On dit que le groupe “tire vers le bas”. Le deuxième modèle recon-
naît au groupe la capacité de stimuler et de dynamiser les qualités intellec-
tuelles et affectives. Beaucoup de travaux illustrent la supériorité du
groupe par rapport à l'individu. En réalité pour expliquer ce qui se passe
dans le groupe, il faut questionner les interactions collectives car la
polarisation et l’uniformisation ne sont que des symptômes du fonction-
nement du groupe. C’est par l’échange que le groupe se crée et perdure, il
252 PSYCHOLOGIE SOCIALE
1999, l’une des directions régionales d'un grand organisme public définit un
cahier des charges à travers un appel d'offres, visant à accompagner des
changements conséquents dans l’organisation de ses services. Dans le
contexte général de mutation socio-technique que connaissent toutes les
organisations de travail, l'administration centrale élabore et déploie de
nouveaux principes et modalités de management : gestion par projets,
flexibilité/réactivité, réaménagement du temps de travail, mobilité intra et
inter-organisationnelle, gestion qualité, rationalisation des choix budgétaires,
autonomisation, responsabilité, compétences individuelles.
Les constats des commanditaires portent sur la disparité des niveaux
d'information, de compréhension et de motivation par rapport aux processus
de changement engagés par la nouvelle équipe dirigeante ; sur les contra-
dictions dénoncées entre les logiques de gestion des carrières administratives
habituelles et les logiques émergentes de gestion des ressources humaines
empruntées aux secteurs de productivité concurrentiels ; sur l'hétérogénéité
des niveaux de qualification entre agents et entre équipes vis-à-vis des nour'el-
les technologies d’information et de communication envisagées ; sur la néces-
saire recomposition des équipes et des services. Sachant que la moyenne d'âge
s'accroît, se posent, entre autres, les questions de savoir : comment remobili-
ser les compétences existantes, dans un contexte de faibles possibilités
d'embauche ; comment changer de rapports avec les usagers sans perdre une
image valorisée de service public de qualité ; comment prendre en compte,
sans les exclure, des salariés plus ou moins en retrait. En réponse à la
demande d'une partie de l'encadrement, les directions de la communication et
de la formation initient une démarche de réflexion fondée sur la participation
volontaire des agents à des groupes de formation. Les premières conférences-
débats visent à actualiser et à confronter les connaissances en psychologie et
sociologie des organisations, permettant de mieux comprendre, anticiper et
254 PSYCHOLOGIE SOCIALE
Contrôle interne/
Relations extérieures
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CHAPITRE XX
Un standard téléphonique ouvert 24 heures sur 24, sept jours sur sept. En ligne,
des “appelants”, anonymes, qui, d'où qu'ils se trouvent en France, peuvent
solliciter une information claire et précise, fiable, sur un sujet demeuré long-
temps tabou : le sida. Mis en place dans les années 1990, le dispositif “Sida Info
Service” s’est vu octroyer plusieurs missions :
> donner de l'information sur la maladie, ses modes de transmission, de
dépistage, de traitement..., mais, en même temps, donner de l'information sur
l'information (c’est-à-dire orienter vers les lieux et personnes auprès desquels
l'appelant peut trouver réponse à ces questions) ;
> aider les appelants à s'approprier cette information pour mieux l'utiliser ;
> leur offrir un soutien psychologique face à des situations d'incertitude,
d'interrogation, fortement porteuses d'angoisse ;
—> leur apporter une aide à la décision, par exemple quand il s'agit de décider de
faire un test de dépistage ou encore d'informer son partenaire de sa séropositivité.
Acteurs-clés de ce dispositif, les “écoutants” : au départ, souvent des béné-
voles ; en tout cas, des personnes qui ne sont pas arrivées là par hasard. Ce
sont des personnes qui, généralement, ont eu affaire, de près ou de loin, à la
maladie. Elles sont ici “à l'écoute” et assument un rôle bien défini qui suppose
des compétences particulières ; des compétences en communication, relevant
aussi bien de la maîtrise du contenu de l'information à délivrer que de
capacités relationnelles à investir dans une écoute professionnelle.
référent
e
De Message ANPo
S
S R
P Canal RE ee
Code
récepteur. Ainsi, un message qui ne nous apprend rien d’autre que ce que
nous savons déjà n’est porteur d’aucune information. Cette théorie pose
que l’information est mesurable, quantifiable. À l’aide d’une unité d’infor-
mation, le “bit”, définie comme ce qui réduit l’incertitude de moitié, on
peut mesurer la quantité d’information dont un message est porteur. Par
exemple, si je dois deviner quelle carte à jouer la personne en face de moi
a extraite d’un jeu de 32 cartes, mon incertitude porte sur 32 “événements”
possibles. Si maintenant la personne en question me dit : “La carte que j'ai
retirée du jeu est de couleur rouge”, mon incertitude est réduite de moitié
(elle ne porte plus que sur 16 “événements” possibles). Le message
contient donc une unité d’information.
Dans une telle perspective, on considère que la communication véhi-
cule un contenu logique, “transparent”, non ambigu, que l’on peut,
d’ailleurs, mettre en équation :
ses. Quand je parle des muqueuses, il s'agit des zones telles que la bouche
ou les parties génitales...”
— Quant à la fonction poétique, qui contribue à apporter un supplément
de signification au message, elle peut s'exprimer aussi par des jeux de mots,
par exemple, quand l’appelant, à force de répéter “vous êtes sûr. vous êtes
sûr ?”, finit par dire “vous êtes sourd ?” et signifie par là même à l’autre que
sa véritable demande n’est pas d’être informé mais d’être rassuré.
sur les acquis de la cybernétique (cf. Wiener, 1950, trad. 1954) et sur la
notion de “feed-back” pour repenser la communication non comme un
schéma linéaire (cf. le modèle technique de Shannon et Weaver) mais
comme un système circulaire défini par un jeu de rétroactions positives et
négatives (feed-back) où les positions d’émetteur et de récepteur alternent
en permanence. Cette distinction émetteur/récepteur est alors jugée inopé-
rante dans l’observation de séquences interactionnelles où les processus
d'influence jouent dans les deux sens : l’action d’un émetteur est indisso-
ciable des réactions du récepteur auxquelles elle donne lieu.
La situation commune qui réunit les locuteurs est avant tout une situation
sociale qui motive, rend possible et sanctionne la communication (c’est-à-
dire en signe la réussite ou l’échec). À un premier niveau, cette situation est
définie par des paramètres concrets — de temps et de lieu — liés au contexte.
Eux aussi sont loin d’être neutres. Ainsi l’écoute n’est pas la même la nuit
que le jour. Un écoutant témoigne : “Les bruits ne ressortent pas du tout de
la même manière, ça n’évoque pas la même chose... la nuit ça rappelle les
couchers de l'enfance, et puis, la solitude de l’appelant y est plus présente,
plus perceptible” Réciproquement, à l’autre bout du fil: “Bonjour... ou
bonsoir ? C'est le jour ou c'est la nuit ?” Si l’appelant non-voyant qui
formule cette question a besoin d’un tel repère pour entrer en communi-
cation, c’est que le paramètre concret jour/nuit est porteur de dimensions et
d’enjeux sociaux (Bourdieu, 1982 ; Mucchielli, 1995). Les codes ne sont pas
les mêmes le jour et la nuit : “La nuit, on parle plus facilement à un inconnu,
on est à contre-temps de la vie sociale Les enjeux aussi sont différents : il
est, par exemple, moins risqué de confier certains “secrets” lorsque la nuit
préserve une part du “mystère de la relation”.
Toute communication, même si elle n’est pas réductible à cela, est
porteuse de risques pour le sujet, de bénéfices aussi, espérés et attendus.
Ce sont les termes d’une telle “transaction”? qu’objective la notion de
“contrat de communication” développée dans le “modèle interlocutoire”
de Rodolphe Ghiglione (1986 ; 1989). Face aux risques encourus lors-
qu’on s'engage dans une communication avec autrui (risques d'être
influencé par l’autre, d’être rejeté, de “perdre la face”...), un contrat de
communication facilite l’entrée en relation en précisant la finalité des
échanges (parler pour atteindre quel but ?), l'identité des partenaires (qui
s'adresse à qui ?), le propos (parler de quoi ?) et le dispositif (parler dans
quel cadre ?). Sa fonction est de donner des repères quant à :
— la définition des places respectives des interlocuteurs dans le procès
de communication (“principe d'altérité”), en réponse aux questions : “Qui
suis-je pour m'adresser à lui ? Qui est-il pour s'adresser à moi ?” ;
— l'évaluation de la pertinence de la communication (“principe de
pertinence”) : pertinence de son objet (‘est-il pertinent de parler ici de
cela ?”), pertinence de l’interlocuteur (“est-il pertinent d’en parler à cette
personne-là ?”) ;
CHAPITRE XX : LA SPÉCIFICITÉ DE L'APPROCHE PSYCHOSOCIALE DES PROCESSUS DE COMMUNICATION 289
La Psychologie Sociale
de l’usage du langage
Marcel BROMBERG et Alain TROGNON
2. L'interaction communicative
Au cours des années 1960, une problématique nouvelle se fait jour dans
le champ de la communication sociale. Partant du principe que les effets
de la communication étaient la conséquence de l’activation de processus
psychologiques sous-jacents, un grand nombre de recherches se sont
298 PSYCHOLOGIE SOCIALE
travail, soit discuter avec le locuteur, soit juger de ses arguments. Dans ces
conditions, on peut penser que le sujet construira des stratégies discursives
différenciées selon la représentation qu’il se fait des menaces potentielles
encourues. Ces menaces potentielles dépendent tout à la fois des carac-
téristiques de l’objet de discussion, de la relation du sujet énonciateur à
l’objet, à l’enjeu assigné et aux caractéristiques de l’interlocuteur. On a
analysé les corpus produits à l’aide de deux types d’indicateurs langagiers :
1. Les atténuateurs qui permettent aux acteurs de l’interlocution
d'intervenir au niveau de l’interaction par un jeu de mise en scène des
interactants et mise à distance des objets discursifs. Font partie des
atténuateurs :
a. toute introduction modalisatrice par le jeu du conditionnel et du
subjonctif,
b. toute introduction de verbes modaux tels que : pouvoir, vouloir,
falloir, devoir,
c. toute introduction d’expressions modales telles que : il me semble
que, il est vrai que, qui sont de nature concessive, ainsi que tout déclaratif
entrant dans une expression concessive introductrice d’une proposition
ouverte par que : Je Crois que, j'avoue que, je reconnais que...
d. toute introduction d’adjectifs, d’adverbes qui viennent atténuer la
portée de l’énonciation : bien, mal, certes, peut-être, pas trop, assez, oui,
effectivement. Exemple : je connais bien mal ce problème ;
e. l’utilisation du pronom indéfini “on” qui a statut de marqueur potentiel
(Roulet, 1981) (par opposition aux marqueurs dénominatifs : Je, tu), en ce
sens qu’il évite la référence explicite aux acteurs de l’interlocution.
2. Les classes prédicatives. À côté de ces procès de figuration,
coexistent de façon inséparable d’autres procès discursifs qui visent à
mettre en place la scène où se joue l’interlocution. Ces procès s'effectuent
par le biais d’opérations d’ancrage et de prédication des propriétés du
référent dans la réalité extra-discursive. On a montré (Bromberg, Dorna
1985 ; Bromberg, Ghiglione 1988) que :
a. que les statifs avaient pour fonction d’asserter l’existence d’un objet,
d’attribuer à l’objet des propriétés, de prédiquer une manière d’être, un état
de choses ;
b. que les déclaratifs avaient pour fonction essentielle de marquer le
type de rapport que le sujet entretenait avec le monde, les objets dont il
parlait. C'est-à-dire de marquer une certaine attitude, une certaine distance
du locuteur par rapport à l’objet ;
c. que les factifs avaient pour fonction de caractériser la réalisation, la
production d’un objet, une manière d’agir sur quelqu’un ou quelque chose,
de produire un effet. |
300 PSYCHOLOGIE SOCIALE
reformule
évalue |
a. Le mécanisme de l'inter-compréhension
e Exemple 1
LI: [a fait un geste de la main]
Il : ah ! oui je dis plus rien
L2 : c’est pas que je veuille te couper mais ya... yaj'ai une liste de
copains
Pret ahhou
CHAPITRE XXI : LA PSYCHOLOGIE SOCIALE DE L'USAGE DU LANGAGE 303
b. De l’inter-compréhension à la négociation
Si le principe de coopération (Grice, 1975) est le principe régulateur sur
lequel bon nombre de chercheurs font reposer “la possibilité même de
l'interaction” (Bange, 1992), il n’en demeure pas moins que “parler, c'est
accepter, aussi, le jeu de la contestation, c’est remporter l’enjeu de la non-
contradiction” (Bromberg, 1999b). Parce que les partenaires sont aussi des
adversaires, le principe de coopération se double d’un principe de compé-
tition (Ghiglione, Trognon, 1993). Ce double principe initie une double
dynamique de l’interaction qui se caractérise par le fait que chaque interlo-
cuteur tente simultanément d’imposer à l’autre ses propres modes de
représentation et de poursuivre une collaboration en vue de maintenir le
contrat de communication. “Cette dynamique se traduit le plus souvent par
une négociation dans laquelle chaque partenaire d’un échange communi-
catif ratifie (valide) totalement ou partiellement et parfois conteste, de
façon explicite ou implicite, les propos de l’autre afin de lui montrer qu’il
les entend, les comprend et dans une certaine mesure les accepte ou au
contraire les rejette” (Salez-Wuillemin, op. cit). En d’autres termes, la
réalité de l’interaction dialogique est celle d’une négociation où sont “mis
sur le tapis” des fragments d’univers dont les co-interlocuteurs peuvent
s'emparer ou non par l’intermédiaire d’un jeu nécessaire de validations.
Car seule la prise en compte mutuelle des paroles de chacun — par des
marques d’accord — évite à tout moment la rupture du contrat de communi-
cation. Cette contrainte dialogique se traduit conversationnellement par
l'élaboration de structures concessives assurant deux fonctions : une
fonction interactive — la concession permet de poser l’énoncé comme étant
non contradictoire avec l’énoncé précédent — et une fonction interaction-
nelle — l’introduction d’un autre thème discursif signifie à l'interlocuteur
l'intention du locuteur de poursuivre la conversation (Moeschler 1982 ;
1985). Une des stratégies langagières de marque d’accord peut se réaliser
par un mouvement discursif concessif à deux composantes, la première est
généralement introduite par des marques argumentatives traduisant
l’accord de l’énonciateur comme : certes, bon bien, oui, évidemment, bien
CHAPITRE XXI : LA PSYCHOLOGIE SOCIALE DE L'USAGE DU LANGAGE 305
sûr, tout à fait, d'accord, la seconde est généralement introduite par des
connecteurs concessifs comme : mais, quand même, tout de même
pourtant, cependant, toutefois, néanmoins, pour autant, etc. (ibid.). Dans
une expérience, Casari, Sales et Bromberg (1989) demandent à deux
interlocuteurs d’opinions opposées de discuter et défendre leurs points de
vue respectifs à propos d’un objet conversationnel. S’appuyant sur cette
réflexion, les auteurs identifient deux types de mouvements concessifs
appelés quasi-validation (Q.V) dans le contexte théorique du contrat de
communication (Ghiglione 1986) :
* Une Q.V. de type co-référentiel qui permettrait à un locuteur B de
marquer la prise en compte de l’énoncé de l'interlocuteur À tout en
introduisant un argument thématique à polarité opposée (opposition) ou
bien en en limitant la portée référentielle (restriction) par l’introduction
d’un nouvel argument.
Exemple d’énoncés co-référentiels de type opposition :
(1) A “Les antibiotiques sont nécessaires”
B “Oui, mais ils peuvent être dangereux”
Exemple d’énoncés co-référentiels de type restriction :
(2) A “L'information était très mauvaise”
B “Oui, mais, ça a changé aujourd’hui”
°+ Une Q.V. de type hétéro-référentiel, où le connecteur “mais” relie
deux énoncés dont le deuxième vient opérer un déplacement au sein du
cadre discursif en introduisant un autre objet thématique
Par exemple :
A “L'énergie nucléaire est nécessaire”
B “Oui, mais on n’a rien essayé au niveau de l’énergie solaire...”
Le oui permet au locuteur de signifier sa volonté de continuer l’échange
tout en exprimant par le mais, son intention d’en déplacer le cadre
thématique.
1. Excusez-moi, j'ai six pages à faire. Est-ce que je peux utiliser la photocopieuse ?
[pas de justification supplémentaire] 60 %
2. Excusez-moi, j'ai six pages à faire. Est-ce que je peux utiliser la photocopieuse ?
parce que je dois faire des photocopies 93 %
chent à gagner le débat. L'activité des débattants consiste dans cette phase
à essayer de mettre leur adversaire en contradiction et, pour celui-ci, à
échapper à cette situation. La troisième phase représentant l’état terminal
est la résolution du débat : l’un des adversaires gagne le débat et l’autre le
perd, le débat constituant un jeu à somme nulle. La structure du débat peut
aussi se décliner en sous-types : débats politiques télévisés (Trognon et
Larrue, 1994 ; Ghiglione et Bromberg, 1998 ; talk show Bromberg et
Landré, 1993 ; Bromberg et Landré, 1999 ; Charaudeau et Ghiglione, 1997).
Pour ce faire, Trognon et ses collaborateurs viennent d’ailleurs de pro-
poser dernièrement (Trognon, 1999 ; Trognon et Kostulski, 1999) une
théorie socio-cognitive de l’interlocution, la Logique Interlocutoire, qui est
censée exprimer la connaissance tacite que les conversants ont des jeux de
langage “naturels” ou artificiels auxquels ils participent en explicitant
l'émergence des relations sociales et cognitives qui se construisent pro-
gressivement au fur et à mesure que s’élabore une interlocution. Un exposé
de cette théorie excéderait de beaucoup l’objectif pédagogique qui a été
assigné au présent ouvrage. Ce qu’on peut cependant dire, c’est que la
Logique Interlocutoire, parce qu’elle analyse (y compris d’un point de vue
formel) l’interlocution comme un processus au cours duquel les
interactants élaborent conjointement leur discours, permet de bien montrer
en quoi la “pensée sociale” constitue une activité distribuée et située.
Cet exemple est extrait d’une série d’entretiens menée avec des formateurs
16-18 ans pour étudier la façon dont ils expliquent les conduites de leurs
stagiaires (Trognon et Pillot, 1989). On voit que, suite à la première question
de l’intervieweur, le formateur décrit une conduite (“leur attitude”) en
l’expliquant dispositionnellement (“ils n’ont pas encore la maturité d’esprit”).
Suite à une première évaluation de l’enquêteur, le formateur reformule son
explication et la module quelque peu (“c’est l'impression qu’ils donnent”).
Suite à la seconde évaluation, où l’intervieweur redonne en l’interrogeant
l'énoncé modalisé que le formateur vient tout juste d'émettre, ce dernier
explique situationnellement la disposition qui lui servait antérieurement
d'explication de l’attitude des stagiaires, tout en modalisant ces explications
(“peut-être”), pour finalement revenir à l’explication dispositionnelle (“mais
enfin c’est une constatation que je fais”). Plus précisément, le formateur ne
fait pas que redire l’explication dispositionnelle. Il ne dit pas “mais enfin, 1ls
n’ont pas eu la maturité qu’ils auraient dû avoir”. Ce qu’il fait c’est augmenter
la “force” d’énonciation de la proposition précédente ; bref il déclare “il n’ont
pas eu la maturité” comme constatation d’un état de choses ou comme
description de la réalité alors que précédemment “ils n’ont pas la maturité”
fonctionnait plutôt comme contenu propositionnel de l’expression d’un état
psychologique du formateur. Ainsi, le couple d’énoncés “c’est une
impression personnelle”/“c’est une constatation que je fais”, dans lequel
“impression” devient “constatation” et “personnelle” devient “que Je fais”
correspond-il également à une transformation de degré de force de
l’énonciation de l’explication dispositionnelle. L'intervention du formateur
possède une seconde particularité qui appelle une conclusion convergente.
“C’est une constatation que je fais” est précédé du connecteur argumentatif
“mais enfin”. Ce connecteur, qui subordonne les constituants qui le précèdent,
ne saurait contredire les hypothèses situationnelles formulées juste avant, pas
plus qu’il ne saurait contredire “ils n’ont pas eu la maturité qu’ils auraient dû
avoir”. Ce qu’il subordonne et contredit, c’est la force illocutoire de
l'énonciation de “ils n’ont pas eu la maturité”, celle que l’intervieweur prête
au formateur et que ce dernier a prise en compte dans son propre discours,
pour mieux la réfuter. Bref, si les explications situationnelles sortent à la suite
312 PSYCHOLOGIE SOCIALE
4, Conclusion
La Psychologie Sociale de l’usage du Langage est devenue au fil des
années une sous-discipline dynamique occupant maintenant rien que dans
l’espace francophone une quarantaine d’enseignant-chercheurs dont la
majorité se concentre actuellement dans trois ou quatre universités (Dijon,
Nancy 2 et Paris 8 notamment). Elle devrait se développer plus vigoureu-
sement encore dans les prochaines années, avec des retombées empiriques
et professionnelles significatives, dans la mesure où de nombreux métiers
apparaissent qui ont l’interlocution comme moyen essentiel de leur
exercice, soit que le métier consiste fondamentalement en l’accomplisse-
ment d’un certain type d’interlocution (par exemple les dialogues télépho-
niques d’aide, les différentes variétés de psychothérapies, les dialogues
mis en œuvre par des réceptionnaires d’appels (SAMU, pompiers, police,
etc.) soit que le métier (par exemple le contrôle aérien) implique un
collectif donc une coordination des activités individuelles, coordination
qui s’effectue principalement par des dialogues ou des polylogues.
Sur le plan théorique et méthodologique, dans une relation critique avec
des paradigmes (Trognon et Brassac, 1992 ; Ghiglione et Trognon, 1993 ;
Castel, 1999 ; Bromberg, 1999b ; Chabrol et Bromberg, 1999 ; Chabrol,
1994) issus d’autres disciplines que la Psychologie Sociale (par exemple
l'Analyse Conversationnelle, la Pragmatique) et donc dans un dialogue
constant avec la Sociologie, la Linguistique, la Logique, l’Intelligence
Artificielle, etc., la Psychologie Sociale de l’usage du Langage est en train
d'inventer une approche originale qui ne manquera pas de compléter dans
les prochaines années les connaissances qui ont été obtenues dans sa
discipline d’origine. C’est d’ailleurs sur cet apport qu’en dernière instance
elle devra y être jugée.
CHAPITRE XXII
Gérard MARANDON
Taylor (pointant son arme vers l’homme) : — “Quoi ? Qu'est-ce qui te prend toi ?
J’allais pas t'encadrer ! Est-ce que j'ai l'air de vouloir t'encadrer ? Pourquoi tu
m'écoutes pas, hein ? Pourquoi ? Pourquoi, espèce de con, tu m'écoutes pas ?
Est-ce que t'es con ? Mais t'es con comme un balai. (Il pousse le villageois
violemment, qui, déséquilibré, s'étale près de la femme). Allez, amène-toi ! Mais
amène-toi connard ! Mais qu'est-ce qui t'fait sourire ? Hein ? Pourquoi, bon dieu,
tu m'écoutes pas ?”
Bonnie : — “Allez mec, tu l’flingues !”
Taylor : - “Mais qu'est-ce qui t'fait sourire, hein ? Tu veux avoir une bonne
raison, hein ? Tu veux avoir une bonne raison ? Emmanché ! (Il tire des rafales
de fusil-mitrailleur près des pieds de l’homme) Allez danse, fumier ! Vas-\ !”
Bonnie : — “Refroidis-le ! Refroidis-le !”
Taylor : - “Danse ! Danse, l’unijambiste ! Danse ! Danse ! (Il pousse des cris
de rage) Danse ! Vas-y que j'fasse pas d'toi un cul d'jatte ! Danse ! (Il s'arrête,
pris de sanglots et de tremblements)”
Bonnie : “Regarde-le ! Il s'marre ! Regarde ! Il s'fout d'toi ! C'est comm'ça
qu'on rigole chez les Viets !”
Les deux hommes se dirigent vers la sortie, mais Bonnie se retourne brusque-
ment et, à coups de crosse de fusil-mitrailleur s'acharne sur l'unijambiste
jusqu'à lui “exploser” la tête, devant les autres, horrifiés, et la femme hébétée.
3.3. Attributions
Dans les années 1980, nombre de chercheurs se sont consacrés, sur les
nouvelles bases épistémologiques précédemment évoquées, à l'élaboration
de théories de la communication visant à rendre compte des
problématiques interculturelles. On en dénombre actuellement pas moins
d’une vingtaine, qui ont en commun de s’inscrire dans le champ de la
communication en général. Comme il n’est, bien entendu, pas possible,
dans le cadre de ce chapitre, de toutes les passer en revue, nous nous limi-
tons ici à une présentation succincte de trois d’entre elles, choisies parmi
les plus anciennes — respectivement les théories de la gestion de l’anxiété
et de l’incertitude, des contraintes culturelles d’interaction et de la culture
üerce. Mais, auparavant, il importe d’évoquer l’un des débats transversaux
du champ de la communication interhumaine, portant sur là relation entre
facteurs psychologiques et facteurs situationnels.
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Les rumeurs, en effet, loin d’être une fantaisie plus ou moins gratuite,
assurent une fonction particulière dans les rapports interpersonnels. Les
quatre aspects de cette fonction sont les suivants :
— la rumeur renforce d’abord l'assimilation sociale en soulignant sur un
cas concret la similitude de condition entre les partenaires. C’est parce
qu’ils partagent les mêmes préoccupations, connaissent les mêmes situa-
tions, épousent le même mode de vie, qu’ils se retrouvent dans l'intérêt
porté à une même histoire ;
— en même temps, la rumeur réitère la différenciation sociale par la
mise en évidence de l’altérité : les soucis, les pratiques, les normes qui
caractérisent les autres sont différents des nôtres. Nous nous reconnaissons
aussi entre nous de ne pas nous reconnaître en eux ;
— d’autre part, la rumeur offre l'explication naïve d’un aspect de l’expé-
rience, que celle-ci soit réellement vécue ou seulement imaginée. Elle
suggère une théorie qui donne sens et cohérence à un aspect du monde ou
elle constitue i’exemplification d’une théorie déjà possédée implicitement ;
— enfin, la rumeur a une valeur pragmatique susceptible d’orienter
l’action : elle propose une sorte de leçon à tirer, une “morale de l’histoire”
valant conseil ou avertissement (“Évitez donc tel endroit” : “Ne faites pas
ceci ou cela” ; “Méfiez-vous de tel type de personne”, etc).
CHAPITRE XXII : RUMEURS ET PHÉNOMÈNES DE MASSE 333
autre. On sait bien que la violence des stades, par exemple, n’est pas celle
des banlieues, que les masses rurales n’ont pas le même style d’expression
que les foules urbaines et que le pillage des magasins ou l’incendie des
voitures, par exemple, ne se produisent que dans certains cas. Il serait
précieux d’inventorier la distribution de ces formes rhétoriques et de les
rattacher aux groupes qui les mettent en œuvre à une période donnée.
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374 PSYCHOLOGIE SOCIALE
PREMIÈRE PARTIE
COMMENT/PENSE®T-ON LE MONDE 22 65
DEUXIÈME PARTIE
COMMENT JUGE-T-ON LES AUTRES ?
COMMENT EST-ON JUGÉ PAR EUX ? 155
TROISIÈME PARTIE |
SOMMES-NOUS TOUS INFLUENÇABLES ? 183
AÉMERCONONI
SM e RER te, peus Me AIRE
4.2. L0.5oumissonQlantontéfMss
nt eee he
SL'ActeNESOcIal en CONTE eee ne nan en Ai Re
5.1. Le système social dans le modèle fonctionnaliste
cilemodèleseneliques CAMES MSRENSRNRET ere À.
DeMShledeCompornementeLinlence en NE.
DUR TERCEOEINIUENCES TRE EC Mtese M RE
A EC ONMETSIDNENES TR RS, Aus mate Re
QUATRIÈME PARTIE
POURQUOI ET COMMENT COMMUNIQUE-T-ON ? 273
BIBLIOGRAPHIE EE NU 341
LA COLLECTION “PSYCHO”
+ Psychologie cognitive
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(345 pages, 130 F)
+ Statistique en psychologie
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(350 pages, 140 F)
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L —_—]—]—] ]—
—] — —_—]—]—_—_—]_
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Achevé d’imprimer en novembre 2000
sur les presses de la Nouvelle Imprimerie Laballery — 58500 Clamecy
Dépôt légal : novembre 2000 Numéro d’impression : 010135
Imprimé en France
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psychologues, les psychiatres, les professionnels de la santé Marcel BROMBERG
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À l'articulation du psychologique .et du social, la psychologie
sociale étudie les interactions entre l'individu et la société.
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science. Il est constitué de vingt-trois chapitres regroupés en
quatre grandes parties : Comment pense-t-on le monde ? Com- Brigitte LECAT
ment juge-t-on les autres, et comment est-on jugé par eux?
Sommes-nous tous influençables ? Pourquoi et comment com- Alexis LE BLANC
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chapitre, des exemples (faits divers, expériences, fonctionne-
ments quotidiens, extraits de romans...) illustrent la théorie. Gérard MARANDON
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psychologie sociale dans différentes universités. Tout en
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Gabriel MUGNY
psychologie sociale, il s'attache à développer une approche
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Michel-Louis ROUQUETTE
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Maquette : Marianne Adato Jean VIAUD