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CClaomment différencier
pédagogie
ÉRIC BATTUT • DANIEL BENSIMHON

CYCLES 2 et 3
Nouvelle édition
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ISBN : 978-2-7256-2894-3

© Retz, 2006
© Retz, 2009, pour la présente édition
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Sommaire

Introduction............................................................................................. 6

Partie 1 • Saisir les enjeux

Chapitre 1 • La pédagogie différenciée, qu’est-ce que c’est ? ........ 9


Vers une définition.............................................................. 9
Les origines de la pédagogie différenciée ....................... 10

Chapitre 2 • La pédagogie différenciée, une nécessité..................... 15


Une demande institutionnelle........................................... 15
Les enjeux sociologiques de la pédagogie différenciée 18
Un public scolaire différent................................................ 19
S’adapter aux besoins des élèves....................................... 20

Chapitre 3 • La pédagogie différenciée :


paramètres de mise en œuvre........................................ 22
Aux fondements : l’importance de l’évaluation ............. 22
Poursuivre le même objectif .............................................. 28
Différencier au sein d’une même tâche ........................... 29
Proposer des tâches différentes......................................... 31
Groupes de besoin .............................................................. 31
Entraide entre pairs ............................................................ 32

Partie 2 • Mettre en place une pédagogie différenciée

Chapitre 1 • Propositions d’organisation de la classe ....................... 39


L’enseignant seul dans la classe ......................................... 40
L’enseignant aidé d’une personne ressource ................... 45

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Comment différencier la pédagogie

Chapitre 2 • Construire les moyens de l’autonomie


des élèves les plus experts.............................................. 48
Les conditions de l’autonomie........................................... 48
Les modalités d’acquisition de l’autonomie..................... 52
Les occasions de fonctionnement en autonomie ............ 53
Dépasser les obstacles prévisibles au travail autonome.. 56

Chapitre 3 • Détecter les difficultés de chacun ................................. 58

Chapitre 4 • Rendre l’élève lucide sur ses compétences


et sur ce que le maître attend de lui ............................. 62

Chapitre 5 • Le travail individualisé..................................................... 66


Activités Mémoriser des mots-outils ................................................. 66
Lecture autonome de livres................................................ 69
Réussir sur le code ............................................................... 72

Chapitre 6 • Organiser le travail en groupe ....................................... 75

Partie 3 • Activités différenciées


visant des contenus disciplinaires
Chapitre 1 • Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue :
lire des textes ................................................................... 87
Activités Questionner un texte au CP............................................... 88
Construire et lire des phrases au CP ................................. 93
Questionner un texte au CE1............................................. 96
Exploitation écrite d’un texte ........................................... 98
Lire un texte simple ........................................................... 100
Lire un texte dérivé ............................................................ 102
Démarches de lecture à partir d’un même texte
de fiction .......................................................................... 104
Démarches de lecture à partir d’un texte différent
ou d’activités différentes ............................................... 117

Chapitre 2 • Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue :


produire des écrits ........................................................... 126
Activités Produire un écrit par dictée à l’adulte ............................ 127
Produire un écrit avec des étayages proposés
par le maître .................................................................... 132

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Sommaire

À partir d’un même projet d’écriture .............................. 136


À partir d’activités différentes .......................................... 140

Chapitre 3 • Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue :


outils de la langue ........................................................... 143
Activités Entraîner le principe alphabétique ................................... 144
Réviser la structure d’un écrit ............................................ 146
Réviser l’orthographe d’un écrit........................................ 150

Chapitre 4 • Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue :


acculturation ..................................................................... 153
Activités Se remémorer un album ou un conte
par ses paroles rapportées.............................................. 154
Se remémorer un album ou un conte
par ses illustrations .......................................................... 158
Lecture en écho et carnet de lecture ................................ 161
Mises en réseau ................................................................... 166

Chapitre 5 • Pédagogie différenciée et mathématiques................... 171


L’élève en difficulté en mathématiques............................ 172
Les mathématiques et la formation générale des élèves 175
Exemple de problème de recherche :
les cartes géométriques................................................... 186
Activités La cible.................................................................................. 190
La géométrie à l’école : un point particulier................... 192
Reproduire le symétrique d’une figure géométrique..... 193
Même aire, même périmètre............................................. 195

Chapitre 6 • Pédagogie différenciée


et autres champs disciplinaires ...................................... 199
Histoire ................................................................................. 200
Géographie .......................................................................... 200
Sciences et technologie....................................................... 201
Éducation physique et sportive (EPS)................................ 201
Arts visuels et éducation musicale..................................... 202
Langue vivante .................................................................... 203
Technologies de l’information et de la communication
à l’école (TUICE)................................................................... 204

Bibliographie ........................................................................................... 206

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Introduction

De nos jours, différencier la pédagogie est une nécessité pour pouvoir


répondre à l’hétérogénéité croissante des classes. En effet, les conditions
actuelles d’enseignement, au regard du type de public accueilli dans les
écoles mais aussi des demandes institutionnelles, attestent fortement
qu’il n’est plus possible d’enseigner comme au début du siècle dernier.
Malgré ce constat évident, la différenciation pédagogique est souvent
perçue comme une difficulté par les enseignants. Ils se sentent démunis,
craignent de désorganiser leurs enseignements, croient que de tels
dispositifs risquent de favoriser certains élèves au détriment des autres.
Même si la plupart des unités de formation mentionnent ce besoin, il ne
leur semble pas toujours simple d’organiser leur classe et de mettre au
point des plans de travail dans un tel contexte.
Conscients de toutes ces difficultés, nous nous sommes efforcés de proposer,
dans cet ouvrage, les clés méthodologiques et pratiques pour mettre en
place des programmes personnalisés et réduire les écarts de compétences
entre élèves. Après une étude historique et théorique, nous donnons des
pistes et des idées pour mettre en œuvre facilement une pédagogie diffé-
renciée, selon les besoins de la classe.
En dépassant les premières généralités, nous permettons à chaque ensei-
gnant de s’inspirer des nombreux exemples fournis dans les parties 2 et 3,
et de les adapter pour offrir à tous ses élèves des parcours d’apprentis-
sage en adéquation à la fois avec leurs potentialités et avec les exigences
ministérielles.
L’objectif de cet ouvrage est donc avant tout de proposer une pédagogie
différenciée dans laquelle chaque élève trouvera l’espace favorable à son
épanouissement.

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Partie 1
Saisir les enjeux

Chapitre 1 • La pédagogie différenciée,


qu’est-ce que c’est ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 9
Chapitre 2 • La pédagogie différenciée, une nécessité . . . . p. 15
Chapitre 3 • La pédagogie différenciée: paramètres
de mise en œuvre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 22
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Introduction

Avant de proposer un ensemble de démarches pour la mise en place


d’une pédagogie différenciée dans la classe, ce qui constitue l’essentiel
de cet ouvrage, il nous paraît important de déterminer les origines de cette
pédagogie, ainsi que les nécessités actuelles de son utilisation.
Cette première partie propose un rapide survol historique, en montrant
que l’idée d’approcher l’élève individuellement est un principe qui existe
déjà depuis longtemps et que de nombreux pédagogues de renom ont
voulu en prouver les vertus. Cependant, en corollaire, et probablement
pour plus de commodité, c’est la recherche constante de l’homogénéité
des classes qui a prévalu jusqu’à la fin du siècle dernier.
Les conditions actuelles ont changé pour de multiples raisons. On constate
aujourd’hui une volonté forte de nombreux enseignants de considérer
l’élève de façon individuelle afin de l’aider à progresser. En effet, le grand
groupe peut parfois gêner certains élèves, qui s’y sentent rapidement
submergés.
Ainsi, nous nous efforçons d’utiliser l’ensemble des outils que l’institution
scolaire met à notre disposition, des Instructions officielles jusqu’aux divers
documents qui les accompagnent.
Enfin, dans cette première partie, sont proposés des moyens simples d’ap-
proche individuelle de l’élève, tout en prenant en considération le groupe-
classe dans son ensemble. C’est toute la difficulté, mais également tout
l’art d’enseigner.

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C h a p i t r e 1 1
La pédagogie différenciée,
qu’est-ce que c’est ?

Ce premier chapitre s’efforce tout d’abord de définir simplement ce qu’est


la pédagogie différenciée dans l’objectif d’entrevoir comment elle peut
répondre aux besoins variés et parfois conséquents des élèves. Ensuite une
analyse des origines de la pédagogie différenciée nous permettra de
comprendre son parcours, ses évolutions et le rôle qu’elle joue actuellement.

Vers une définition

La pédagogie différenciée peut se définir comme une pédagogie variée


qui propose une large palette de démarches et de procédés, dans un cadre
très souple, pour que les élèves apprennent un ensemble de savoirs et de
savoir-faire commun à tous.
Même si la différenciation pédagogique n’est pas pour autant la seule solu-
tion pour remédier aux difficultés des élèves et à l’échec scolaire, elle
apparaît comme un moyen d’ouvrir un maximum de portes à un grand
nombre d’élèves.
Ainsi, pour un même objectif poursuivi – par exemple rédiger la suite d’un
extrait de texte ou encore résoudre un problème de mathématiques –, les
démarches pédagogiques utilisées seront différentes d’un élève à un autre.
C’est en effet ce principe qui est mis en œuvre : la pédagogie différenciée
s’oppose à l’idée que tous les élèves doivent travailler à un même rythme
durant la même durée et avec les mêmes procédés d’apprentissage.
Il faut savoir que cette démarche pédagogique n’est en rien nouvelle. Au
XXe siècle, de nombreux penseurs et pédagogues évoquaient déjà l’in-
térêt de son utilisation dans la classe.

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Saisir les enjeux

Les origines de la pédagogie différenciée

Déjà, au XIXe siècle, les maîtres d’école, particulièrement en milieu rural,


pratiquaient une pédagogie différenciée dans leur classe car y étaient
regroupés des élèves d’âge et de niveau hétérogènes – ce système existe
toujours dans les classes uniques de certains villages. Puis, en parallèle à
cette pratique, les grands pédagogues et psychologues du XXe siècle
établissent les premières théories sur la pédagogie différenciée, dont
l’influence s’étend encore aujourd’hui.

쎲 Au XX e siècle
L’idée de «différenciation pédagogique» trouve certainement ses racines
du côté de la psychologie. En effet, Jean Piaget définit différents stades
de développement : le stade sensori-moteur de 0 à 24 mois, le stade préopé-
ratoire entre 2 et 7 ans, le stade des opérations concrètes jusqu’à environ
11-12 ans et enfin le stade des opérations abstraites, celui qui correspond
à la mise en place d’une pensée hypothético-déductive. Ces stades montrent
que les capacités mentales se construisent par paliers, avec des phases de
latence, voire de régression. Il n’y a pas d’évolution chronologiquement
définie par le rythme des années. Ceci signifie que chaque enfant, en fonc-
tion de variables internes (son propre développement et sa perception
de lui-même) mais aussi externes (le contexte social qui l’entoure), évolue
à son propre rythme. Ainsi, on peut déjà avancer que le principe d’orga-
nisation des classes selon le seul critère de l’âge ne permet pas de répondre
suffisamment aux besoins particuliers des élèves.
Dans le domaine de la pédagogie, la notion de «pédagogie différenciée »
est née progressivement de l’idée de considérer l’élève comme une
personne à part entière. Des pédagogues comme Célestin Freinet dans
les années 1930 ou comme Fernand Oury dans les années 1960 propo-
sent des pédagogies centrées sur l’enfant en tenant compte de ses désirs
et de ses particularismes.
En 1935, parce qu’il considère que l’éducation traditionnelle privilégie beau-
coup trop les performances intellectuelles et les connaissances
encyclopédiques, Célestin Freinet, déjà instituteur, crée une école parallèle
à Vence. L’organisation et le fonctionnement de cette école posent alors
les bases de la pédagogie différenciée, même si le terme en lui-même

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La pédagogie différenciée, qu’est-ce que c’est ?

n’existe pas encore. Célestin Freinet met au point une pédagogie originale,
basée sur l’expression libre des enfants (texte libre, dessin libre, corres-
pondance interscolaire, imprimerie et journal étudiant, etc.), à laquelle son
nom restera attaché. On parle de la « pédagogie Freinet » que certains
enseignants utilisent encore de nos jours. Selon Célestin Freinet, la péda-
gogie favorise chez l’élève le passage à l’âge adulte grâce aux interactions
fréquentes et concrètes qui s’opèrent entre enfants lors de travaux réalisés
en commun.
Dans la mouvance de la pédagogie Freinet, Fernand Oury, lui aussi insti-
tuteur, est le fondateur de la «pédagogie institutionnelle» et publie son
premier livre en 19671. Le but de cette pédagogie est d’établir, de créer
et de faire respecter des règles de vie dans l’école, par le biais des institu-
tions appropriées. Fernand Oury insiste sur l’apprentissage de la vie
collective, sur la parole et sur le débat. Il considère que si l’enfant perçoit
la classe comme un lieu sécurisé avec des repères, où il trouve des solutions
à des questions, il prendra progressivement en charge sa vie d’écolier. Il
aura ainsi le goût d’apprendre à travers son engagement et ses initiatives.
Dans ces pédagogies, il y a tout d’abord le refus d’un chemin unique pour
apprendre, un chemin qui serait imposé par le maître. Au contraire, il s’agit
d’utiliser toutes les ressources possibles pour permettre aux élèves de déve-
lopper leurs connaissances, ce qui suppose la diversité des démarches
mais aussi des outils, comme l’introduction de nouvelles technologies, et
en particulier l’imprimerie tant développée par Freinet. C’est en ce sens
qu’elles sont qualifiées de «pédagogies nouvelles».
Ces techniques (utilisation de fichiers autocorrectifs, mise en place d’un
exposé à forte restitution orale, enquête débouchant sur la rédaction d’un
texte libre, etc.) sont surtout au service de projets qui apparaissent comme
personnels, même dans un cadre collectif. La mise en œuvre de ces tech-
niques variées permet aux élèves de s’approprier des connaissances et
des compétences et selon leur propre rythme. Le tâtonnement expérimental
et le statut de l’erreur, qui devient à elle seule un outil d’apprentissage,
sont au service de ces pédagogies. Dans ce cadre, le manuel trop uniforme
est fortement critiqué et remis en cause.

1. OURY F., Vers une pédagogie institutionnelle, Maspéro, 1967.

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Saisir les enjeux

L’élève est d’abord perçu comme un enfant dont on s’efforce de prendre


en compte la personnalité globale. Ses centres d’intérêt, ses besoins propres
sont utilisés comme des moteurs susceptibles d’éveiller son intérêt et donc
son désir d’apprendre. Le maître change de rôle et devient alors un média-
teur. Il n’est plus un simple dispensateur de savoir mais plutôt celui qui
facilite son appropriation.
Ces idées, et plus particulièrement les techniques Freinet, inspirent par la
suite bon nombre de textes officiels, notamment après 1981. De cette
mouvance pédagogique restent deux idées fortes :
– l’intérêt pour l’individu qui apprend selon son propre rythme ;
– le refus d’un enseignement uniforme et standard ne pouvant répondre
aux besoins de chaque élève.
C’est en 1970 que Louis Legrand emploie l’expression «pédagogie diffé-
renciée», alors qu’il était responsable de ce qui deviendra plus tard l’INRP2.
Ceci correspond à la période bien précise de la mise en place des collèges
expérimentaux. En effet, à partir de 1975, le collège unique, instauré par
la réforme du ministre René Haby, confronte les enseignants à une grande
hétérogénéité des classes. La classe homogène tant recherchée depuis
des décennies n’existe plus, et il s’agit bien de trouver le moyen de permettre
à tous les élèves de progresser tout en respectant leurs besoins individuels.

쎲 Et de nos jours…
Beaucoup plus proche de nous, Philippe Meirieu3 s’intéresse tout spécia-
lement à ce que représente l’apprentissage. Considérant l’hétérogénéité
des classes comme un problème auquel les enseignants sont confrontés
quotidiennement, il pense que l’apprentissage doit s’effectuer de façon
active et attractive. Aussi, propose-t-il de différencier la pédagogie. Il
s’efforce donc de la définir et d’en donner le cadre.
Il ne saurait y avoir apprentissage différencié sans méthode. L’un et l’autre
sont liés. La méthode pédagogique est définie comme mode de gestion,
dans un cadre donné, des relations entre le formateur, les apprenants et
le savoir. Du point de vue de l’enseignant, la méthode comprend l’ensemble
des outils d’apprentissage (livres, images, informatique, etc.) ainsi que

2. INRP : Institut national de la recherche pédagogique.


3. Philippe MEIRIEU est professeur en sciences de l’éducation à l’université Lyon II.

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La pédagogie différenciée, qu’est-ce que c’est ?

la cohérence des situations mises en place, avec la nécessité de respecter


le rythme d’apprentissage de l’élève.
La différenciation peut être mise en place à un premier niveau, en conser-
vant le fonctionnement habituel de la classe, mais en ayant le souci, dans
le déroulement même du cours, d’alterner différents outils et diverses situa-
tions d’apprentissage. Le maître-mot est « souplesse » : développer une
pédagogie de la flexibilité afin de permettre à tous les élèves de satis-
faire à la tâche demandée et de progresser.
Dans un article publié au CRDP de Lyon et intitulé «Pédagogie différen-
ciée, pertinences et ambiguïtés»4, Guy Avanzini montre que la classe dite
homogène et tant recherchée n’existe pas : « En recherchant l’homogé-
néité maximale, on ne la trouve sans doute jamais, car toujours les
différences ressurgissent d’une façon ou d’une autre.» Il précise que «le
mieux est d’accepter l’hétérogénéité comme un fait qu’on ne peut éliminer.
L’affirmation de l’égalité des sujets concerne une affirmation de droit,
d’ordre moral et philosophique, mais ne résulte pas du constat de leur
niveau effectif, lequel oblige à avouer des disparités. La reconnaissance
de celles-ci aboutit donc à une recherche d’individualisation.» Ce péda-
gogue définit ainsi le rôle de l’école : «La notion de pédagogie différenciée
peut comporter l’idée que l’égalité de droit n’implique pas de négliger
mais, au contraire, oblige à considérer les inégalités de fait et à tenter de
les réparer par la didactique. La pédagogie de la différenciation constitue
donc un éventuel progrès dans la compréhension de l’intention de l’école
et peut permettre une meilleure adéquation à son objectif. » À travers
ces citations, on mesure en quoi la pédagogie différenciée est un outil puis-
sant au service de l’éducation et de la démocratie. Cependant, Guy Avanzini
nuance quelque peu ses propos et montre les limites de la différencia-
tion, en avançant que «l’origine de la pédagogie différenciée est donc à
chercher dans le double constat d’une impossible homogénéisation et d’une
impossible gestion équitable de l’hétérogénéité».
Les théories de ces différents pédagogues posent les grands axes qui
permettent de mieux mesurer les enjeux de la pédagogie différenciée.
Dans la lignée de Jean Piaget, Michel Perraudeau5 y apporte une dimen-
sion psychologique, en affirmant que «la différenciation est peut-être la

4. In Différencier la pédagogie. Pourquoi ? Comment ?, CRDP, Lyon, 1991, p. 35.


5. PERRAUDEAU M., Les Cycles et la différenciation pédagogique, A. Colin, 1997.

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Saisir les enjeux

forme pédagogique qui conduit à la vraie compréhension de soi. Connaître


son style d’apprentissage facilite la conquête de l’autonomie permettant
de construire une réussite personnalisée à partir d’objectifs clairs.» Ainsi,
les élèves découvrent les outils qui leur permettront d’acquérir de nouvelles
connaissances. N’est-ce pas placer l’élève au centre et le rendre effective-
ment acteur de ses apprentissages ?

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C h a p i t r e 2 2
La pédagogie différenciée,
une nécessité

De nos jours, la pédagogie différenciée s’affiche de plus en plus comme


un moyen de répondre aux besoins des classes. C’est une véritable néces-
sité dont l’origine est assez multiple.

Une demande institutionnelle

Les instructions officielles de 2008, avec en parallèle la nouvelle organisa-


tion de la semaine scolaire (24 heures de présence de l’enseignant devant
la classe et 2 heures à destination d’un petit groupe d’élèves en diffi-
culté), réaffirment la nécessité d’avoir recours à la pédagogie différenciée
pour prendre en compte les besoins de tous les élèves. En effet, la mise
en place de ces deux heures de soutien individualisé ne dispense pas
d’une aide « au fil de la classe » et de nombreuses notes ministérielles
ou académiques rappellent cette nécessité.
Même si les récents programmes sont en vigueur depuis septembre 2008,
il n’en demeure pas moins intéressant de prendre appui sur les docu-
ments d’application ou d’accompagnement des précédents programmes6.
Cette littérature propose, en effet, des axes très précis de mise en place
de la différenciation pédagogique. À titre d’exemples, nous vous propo-
sons quelques extraits de ces livrets.
Dans le document Lire au CP 7, il est clairement demandé d’organiser les
apprentissages comme s’il s’agissait d’une classe à cours multiple.
6. Ces documents sont toujours disponibles au téléchargement sur les sites des différents
CRDP et sur celui du CNDP.
7. Document d’accompagnement des programmes.

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Saisir les enjeux

Lire au CP (pp. 10-12) : quelques extraits choisis et adaptés

Gérer les différences dans la conduite de la classe


Face à ce qu’il est convenu d’appeler l’hétérogénéité de la classe, deux
écueils sont à éviter :
– maintenir coûte que coûte un enseignement totalement identique pour
tous en proposant des tâches qui submergent certains élèves, car elles
requièrent des connaissances encore incomplètement acquises ;
– attendre passivement un éventuel «effet de maturation», voire orga-
niser une différenciation des activités dans laquelle les plus faibles seraient
trop peu stimulés, en cherchant la réussite au prix d’une baisse des
exigences.
Il est nécessaire, au contraire, d’associer les élèves moins performants à
toutes les activités du groupe-classe, de continuer à leur proposer les mêmes
textes, d’entreprendre avec eux les mêmes apprentissages. Plusieurs stra-
tégies sont à la disposition du maître.

Intervenir avant les temps collectifs


Sans dénaturer les tâches, le maître peut alléger la charge de travail de
certains élèves par une préparation spécifique faite en amont. Ainsi, les
élèves peuvent mieux profiter de la situation collective qui va suivre.

Reprendre ou poursuivre des enseignements engagés précédemment


Recourir à des tâches déjà connues des élèves, notamment celles de grande
section de maternelle, peut être intéressant car elles sont similaires et donc
sécurisantes.

Aider les élèves dans le déroulement des tâches scolaires


– Reformuler les consignes pour certains.
– Stabiliser le déroulement des tâches : les présenter selon des rituels
solidement établis.
– Encadrer et guider fortement l’activité des élèves.

Organiser le groupe-classe de manière souple


Le travail du maître sera facilité s’il groupe ponctuellement les élèves qui
requièrent une aide particulière afin d’éviter de perdre lui-même en effi-
cacité en se dispersant et en apportant une aide «en pointillés» (individuelle
et trop rapide).

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La pédagogie différenciée, une nécessité

À certains moments de la journée, la classe de CP peut être conduite comme


une classe à cours multiples. Pendant que le maître mène une séance
avec les élèves moins experts, ceux qui sont plus autonomes travaillent seuls
à leur table individuelle. Pour éviter qu’ils ne le sollicitent, le maître propose
aux élèves en autonomie des exercices d’entraînement familiers, dont le
matériel, les consignes et les procédés sont connus, et l’enjeu facilement
repérable.

Dans le même ordre d’idée, le document d’application des programmes


en mathématiques, pour le cycle 3 de l’école élémentaire, évoque égale-
ment la différenciation pédagogique. Même s’ils sont moins développés
que dans Lire au CP, on retrouve la même approche et les mêmes besoins
didactiques.
Extraits choisis et adaptés du document d’application en mathématiques,
cycle 3 (pp. 10-11)

Organisation de la classe en types d’activités


Les phases de recherche sont souvent plus efficaces et plus riches si elles
sont conduites en petits groupes ou en ateliers, facilitant la confronta-
tion des idées entre pairs et favorisant l’intérêt de tous les élèves pour la
tâche proposée. Elles gagnent néanmoins à être précédées par un moment
de travail individuel qui permet à chaque élève d’«entrer dans le problème»
et d’élaborer ses premières idées sur la solution à mettre en œuvre.

Diversité des élèves et formes de travail


Aujourd’hui, la nécessité de prendre en compte la diversité des élèves s’im-
pose avec davantage d’acuité. Elle implique deux questions importantes :
celle de l’évaluation des connaissances des élèves et celle de la différen-
ciation des modalités d’apprentissage.
La différenciation est souvent pensée au travers de la mise en place d’ac-
tivités différentes pour des groupes d’élèves dont les performances ont été
repérées elles-mêmes comme différentes. Sans renoncer à ce type de diffé-
renciation, il convient d’en relativiser l’usage dans la mesure où il risque
de conduire à un éclatement du groupe-classe. La différenciation peut être
pensée différemment, en proposant les mêmes tâches à tous, dans au moins
deux directions :
– en permettant qu’une même tâche (exemple : un même problème) soit
traitée avec des démarches différentes, en relation avec les connaissances

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Saisir les enjeux

que les élèves sont capables de mobiliser : l’exploitation et la confrontation


collective des différentes démarches utilisées peuvent être une occasion de
progrès pour certains élèves ;
– en variant, pour une même tâche, soit les supports utilisés pour présenter
la situation (texte, dessin, situation concrète), soit les outils mis à disposi-
tion des élèves pour la traiter.
Pour les élèves qui rencontrent des difficultés importantes dans l’appren-
tissage des mathématiques, des dispositifs d’aides personnalisées doivent
être mis en place, tout en restant attentif à un certain nombre de points :
– éviter que l’écrit ne devienne une difficulté supplémentaire trop impor-
tante et infranchissable ;
– identifier les objectifs prioritaires, c’est-à-dire ceux qui sont liés à des
acquisitions indispensables pour la suite des apprentissages et centrer
l’effort sur ces objectifs ;
– maintenir un équilibre entre la nécessaire compréhension des notions
et l’entraînement sur des tâches purement techniques qui ne peut en aucun
cas se substituer à cette compréhension : en particulier les élèves faibles
doivent, comme les autres, être confrontés à des situations de résolution
de problèmes.

Ces deux extraits des textes ministériels montrent bien, à leur niveau,
l’importance de la prise en compte de la diversité des élèves. On peut
constater que, dans ces deux domaines disciplinaires, il est fondamental
de chercher à proposer essentiellement la même tâche à tous les élèves.
Seules les propositions de chemins pédagogiques diffèrent selon les besoins
de chacun.

Les enjeux sociologiques de la différenciation


pédagogique

Promouvoir une pédagogie différenciée en s’efforçant de conserver l’hé-


térogénéité des classes, c’est donner une valeur positive à la mixité sociale.
En effet, c’est croire fortement qu’il est possible d’apprendre même si
l’on n’est pas entouré de ceux qui nous ressemblent. L’hétérogénéité peut
alors être perçue comme une richesse dont on peut tirer parti. Il est donc

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La pédagogie différenciée, une nécessité

intéressant de conserver cette variété de profil dans la classe. En échan-


geant avec les autres, en confrontant les méthodes, on aide chacun à élargir
ses représentations, ce qui participe aux apprentissages. On contribue aussi
à remettre en cause ses habitudes ou à consolider les méthodes qui
semblent efficaces.

Un public scolaire différent

En introduction d’une réunion académique réunissant un ensemble de


formateurs, une inspectrice disait «qu’il n’était plus possible d’enseigner
comme il y a 50 ans ! ». Son discours se poursuivait en montrant que
l’évolution du public scolaire nécessite la mise en place d’une pédagogie
différenciée pouvant prendre en compte la diversité des élèves.
De nos jours, les classes sont effectivement constituées d’un public de
plus en plus hétérogène. On peut déjà expliquer ce phénomène par la
suppression de nombreuses orientations «intermédiaires» qui existaient
auparavant. Par ailleurs, la mise en place des cycles en est une preuve
tout aussi tangible. La loi d’orientation stipule très clairement qu’il ne peut
y avoir de maintien en cours de cycle. Ceci est possible exclusivement en
fin de cycle, et une fois seulement. Ces dispositions légales ont pour corol-
laire que des élèves restent dans un même niveau de classe même si, à un
moment donné, ils ne maîtrisent pas les mêmes compétences que leurs
camarades et n’ont pas acquis le même degré de connaissances.
Prenons l’exemple des premiers apprentissages en lecture. Sauf pour des
cas particuliers d’enfants ayant manqué l’école très longtemps durant
l’année scolaire – souvent pour raisons médicales –, il ne peut y avoir
d’élèves qui effectuent deux cours préparatoires consécutifs. Ceci signifie
clairement que des élèves passent en cours élémentaire première année
sans maîtriser encore totalement la lecture. Ce dernier niveau du cycle
des apprentissages fondamentaux se voit donc constitué d’élèves ne sachant
pas encore lire de façon autonome alors que d’autres sont quasi experts.
Il en ressort l’obligation de tenir compte de ces différences et de proposer
une pédagogie adaptée.
Dans le même ordre d’idée, la loi relative à l’ASH8 (Adaptation et

8. loi n° 2005-102 du 11 février 2005.

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Saisir les enjeux

Scolarisation des élèves Handicapés) datant du 11 février 2005, stipule


que chaque enfant en situation de handicap doit être scolarisé à l’école
de son quartier. Cette disposition a pour consequence directe la présence
d’enfants à besoins particuliers dans les classes et la nécessité d’avoir recours
à une pédagogie différenciée afin de tenir compte de ces besoins

S’adapter aux besoins des élèves

Enseigner aujourd’hui suppose donc de s’adapter aux élèves dont on a la


charge. Par rapport aux années 1960, les conditions sont très différentes.
Le degré d’investissement des familles envers l’école et leur rapport à l’édu-
cation a nettement évolué. De même, écouter, obéir et apprendre ne
sont pas des notions acquises d’avance par les élèves, de sorte que l’au-
torité du maître, qui permettait à elle seule d’agir sur le groupe-classe,
n’est plus un outil aussi probant qu’auparavant. On mesure également que
les différences entre élèves ne sont pas uniquement de l’ordre des connais-
sances scolaires. Les comportements et les attitudes de certains enfants
posent de sérieux problèmes, et ces dysfonctionnements comportemen-
taux peuvent avoir des incidences énormes sur les apprentissages. Toutefois,
exclure régulièrement les élèves de séances en classe revient à creuser ces
différences. Alors, comment apparaît la pédagogie différenciée dans cet
ensemble ? Est-ce un moyen de répondre à cette nouvelle donne ?
La pédagogie différenciée n’est pas une fin en soi. L’idée forte est de
permettre à tous les élèves d’atteindre un objectif donné. Ce n’est pas déve-
lopper une école à deux vitesses en rabaissant les exigences pour certains
élèves. La pédagogie différenciée est donc la diversité des parcours utilisés
et se concrétise dans un ensemble de moyens. Le moyen le plus efficace
que l’on ait trouvé pour que les élèves entrent effectivement dans les
apprentissages, c’est certainement de les mettre le plus tôt possible au
travail. C’est la raison pour laquelle ils viennent à l’école. Pourtant, si de
nombreux élèves ne se sentent que trop peu concernés par ce qui leur est
proposé, si d’autres sont perdus et se sentent délaissés, l’agitation peut
naître et la classe déraper. Par exemple, est-il toujours nécessaire que
tous les élèves fassent la même correction d’un problème mathématique
alors que le maître a pu constater, lors des phases de travail individuelles,
que la moitié de la classe avait parfaitement réussi ce qui était demandé ?
Il peut être bien plus pertinent de donner une activité autonome aux élèves
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La pédagogie différenciée, une nécessité

qui ont su faire le problème de mathématiques, et de prendre à part


ceux qui ont rencontré des difficultés. Ainsi, il est possible d’expliquer en
détail les procédures à utiliser et de faire émerger une éventuelle démarche
experte, car dans le grand groupe, ces mêmes élèves ont plus difficile-
ment accès à la parole… Peut-on parler de quelque chose que l’on n’a
pas comprise ou su faire ?
S’efforcer de placer l’élève au centre du système éducatif est un principe
largement défendu dans les Instructions officielles. Pour y parvenir, il est
nécessaire, à certains moments et même assez souvent, de considérer les
besoins individuels des élèves. La pédagogie différenciée participe très
largement à cette volonté pour peu que les exigences soient fortes et conti-
nues. Il est alors évident que les élèves plus fragiles, à qui sont proposées
des structures d’aides régulières au fil de la classe, ont de grandes chances
de faire des progrès.

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3 C h a p i t r e 3

La pédagogie différenciée :
paramètres de mise en œuvre

Après avoir prouvé l’intérêt du recours à une pédagogie différenciée au


sein de la classe, avoir expliqué en quoi celle-ci répond aux enjeux sociaux
et démocratiques de notre société, nous traiterons, dans ce dernier chapitre
de la première partie, des conditions de sa mise en œuvre. Ainsi, nous expo-
serons l’importance de l’évaluation, puis nous démontrerons qu’il est
essentiel d’atteindre le même objectif, que l’on différencie au sein d’une
même tâche ou non. Enfin nous donnerons des conseils pour constituer
correctement les groupes de besoin.

Aux fondements : l’importance de l’évaluation

Nous débuterons par ce que nous dit Philippe Meirieu sur ce point : «La
clef de voûte de toute pratique différenciée est l’évaluation : la diagnos-
tique, la formative (qui régule la différenciation en cours), la sommative
en fin d’apprentissage.»9
Ceci est essentiel pour la mise en place d’une pédagogie différenciée.
L’enseignant doit savoir très rapidement les difficultés que rencontrent
les élèves pour pouvoir y remédier.
Nous avons choisi de nous intéresser plus particulièrement aux évaluations
diagnostiques et formatives afin de comprendre leur utilité. L’évaluation
sommative est certes tout aussi efficace, mais elle intervient en fin d’ap-
prentissage – elle est relativement classique et souvent utilisée dans les
classes.

9. MEIRIEU Ph., L’École mode d’emploi : des méthodes actives à la pédagogie différenciée,
ESF, 2000, p. 132.

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La pédagogie différenciée : paramètres de mise en œuvre

쎲 Les évaluations diagnostiques


Les évaluations nationales, qui ont lieu en CE1 et en CM2, ne sont pas à
proprement parler des évaluations diagnostiques. En effet, elles inter-
viennent au 2e trimestre scolaire pour les CM2 et en fin d’année (donc de
cycle) pour les CE1. Ces évaluations peuvent cependant aider les ensei-
gnants de CM2 à mettre en place des aides pour les élèves qui
présenteraient de grosses difficultés à l’issue de ces évaluations, afin de
les conduire vers l’entrée au collège dans de bonnes conditions. Concernant
les élèves de CE1, elles peuvent contribuer à la décision de les maintenir
ou non dans le cycle.
Il n’en demeure pas moins que des évaluations diagnostiques doivent
être menées en début d’année afin d’obtenir une « photographie » de
la classe et d’envisager d’ores et déjà la mise en place d’aides variées et
adaptées.
Pour ces évaluations, l’aide du site ministériel « Banque outil10 » est d’un
grand secours. Cette banque d’outils d’aide à l’évaluation permet d’éva-
luer, à tout moment de l’année, de la Grande Section de maternelle jusqu’à
la classe de seconde et dans de nombreuses disciplines. Les documents en
format PDF sont téléchargeables sur ce site et directement utilisables en
classe.

• • Les PPRE
Ces évaluations permettent de recenser un certain nombre d’élèves devant
faire l’objet d’un Programme Personnalisé de Réussite Educative (PPRE).
Voici un extrait du Bulletin Officiel11 portant sur ce dispositif :
« À tout moment de la scolarité élémentaire, lorsqu’il apparaît qu’un élève
ne sera pas en mesure de maîtriser les connaissances et les compétences
indispensables à la fin du cycle, le directeur d’école propose aux parents
ou au représentant légal de l’enfant, de mettre en place un dispositif de
soutien, notamment un programme personnalisé de réussite éducative.
Un document, préalablement discuté avec les parents de l’élève ou son
représentant légal, précise les formes d’aides mises en œuvre pendant le
temps scolaire ainsi que, le cas échéant, celles qui sont proposées à la famille
en dehors du temps scolaire.

10. http://www.banqoutils.education.gouv.fr/
11. B.O. n° 31 du 31 août 2006 - http://eduscol.education.fr/D0229/accueil.ht

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Saisir les enjeux

Il définit un projet individualisé qui devra permettre d’évaluer régulière-


ment la progression de l’élève. […] Lorsqu’un redoublement est décidé et
afin d’en assurer l’efficacité pédagogique, un programme personnalisé
de réussite éducative est mis en place. »
Il y a donc bien une dimension de « programme » : une action spéci-
fique d’aides coordonnées mais qui doit être de courte durée. La vocation
du PPRE est de prévenir la difficulté autant que de la pallier ; sa mise en
œuvre est assortie d’un système d’évaluation : dresser un état précis des
compétences au regard de celles attendues en fin de cycle et des exigences
du socle commun.
Ce déficit éventuel de compétences ne concernant que certains élèves
(avec des compétences non atteintes différentes d’un élève à l’autre), il
est fondamental de trouver le moyen, au quotidien dans la classe, de se
dégager du grand groupe pour pouvoir aider les élèves inscrits dans ces
programmes. Afin de mieux comprendre comment sont constitués ces
programmes d’aides, nous nous appuierons sur les compétences données
dans le cadre du socle commun de connaissances et de compétences. Ce
socle commun de connaissances et de compétences fixe les repères cultu-
rels et civiques qui constituent le contenu de l’enseignement obligatoire.
Il définit les sept compétences que les élèves doivent maîtriser à l’issue de
la scolarité obligatoire. Deux paliers concernent l’école primaire : le palier 1
en fin de CE1 et le palier 2 en fin de CM2.
À partir des évaluations menées, il s’avère nécessaire d’aider les élèves pour
lesquels certaines de ces compétences ne sont pas acquises. Il est possible
de prévoir différentes activités qui mobilisent une même compétence. À
un moment donné, il faut de nouveau évaluer l’élève pour apprécier son
degré d’acquisition et mesurer si la compétence, non atteinte en début
d’année, l’est désormais – l’exemple sera donné un peu plus loin dans le
cadre des évaluations formatives (voir pp. 26-27).

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La pédagogie différenciée : paramètres de mise en œuvre

Compétences attendues à la fin du CE1 – premier palier pour la maîtrise


du socle commun de connaissances et de compétences (Extraits)

Compétence 1 : La maîtrise de la langue française


• S’exprimer clairement à l’oral en utilisant un vocabulaire approprié ;
• Lire seul, à haute voix, un texte comprenant des mots connus et
inconnus ;
• Lire seul et comprendre un énoncé, une consigne simples ;
• Copier un texte court sans erreur dans une écriture cursive lisible et
avec une présentation soignée ;
• Écrire sans erreur sous la dictée un texte de 5 lignes […] ;
• Écrire de manière autonome un texte de 5 à 10 lignes.

Compétence 3 : Les principaux éléments de mathématiques et la


culture scientifique et technologique
• Écrire nommer, comparer, ranger les nombres entiers naturels infé-
rieurs à 1 000 ;
• Calculer : addition, soustraction, multiplication ;
• Diviser par 2 et par 5 des nombres entiers inférieurs à 100 (dans le
cas où le quotient exact est entier) ;
• Restituer et utiliser les tables d’addition et de multiplication par 2, 3,
4 et 5 ;
• Calculer mentalement en utilisant des additions, des soustractions et
des multiplications simples ;
• Reconnaître, nommer et décrire les figures planes et les solides
usuels ;
• Utiliser la règle et l’équerre pour tracer avec soin et précision un
carré, un rectangle, un triangle rectangle ;
• Utiliser les unités usuelles de mesure ; estimer une mesure ;
• Être précis et soigneux dans les tracés, les mesures et les calculs ;
• Résoudre des problèmes très simples ;

En dehors de tous ces indicateurs, sont également essentiels pour le maître


le livret scolaire que l’élève reçoit régulièrement et les instances de conseil
(conseils de maîtres ou de cycles) qui apportent des informations sur les
difficultés relevées chez certains élèves devant recevoir des aides spéci-
fiques.

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Saisir les enjeux

쎲 Les évaluations formatives


• • Des évaluations intermédiaires
Il est important de mesurer les progrès des élèves pour les compétences
qui font l’objet d’un travail régulier et de faire le point à des moments
précis. Les élèves concernés passent alors des «évaluations intermédiaires»
au bout de quelques mois.
Admettons que, pour une classe de CE1, des programmes personnalisés
soient mis en place à la mi-octobre. Il sera alors nécessaire d’évaluer ce
programme vers la fin du mois de janvier. Plus tôt, la remédiation peut
s’avérer insuffisante ; plus tard, il peut être difficile de modifier les struc-
tures d’aide avant la fin de l’année scolaire. Il faut expliquer aux élèves
concernés que la réussite de ces évaluations peut leur permettre de sortir
du dispositif d’aide. Cette donnée est très importante car elle place l’élève
au cœur du dispositif et l’associe à sa réussite.
Ces évaluations intermédiaires s’appuient sur les exercices donnés aux
évaluations de début d’année. Elles sont faites en détournant ces exer-
cices initiaux, c’est-à-dire en conservant la même nature d’activité.

Exemple d’évaluation intermédiaire

L’exercice donné à l’évaluation CE1 en 2007 était le suivant :

LE LAPIN SAUVAGE
La lapine peut avoir 4 à 10 petits à la fois.
Les petits naissent sans poils, les yeux fermés.
Ils tètent leur mère.
Le lapin mange de l’herbe et des légumes.
Pour échapper aux renards, aux chasseurs et aux chiens, il se réfugie
dans son terrier.

1. Que mange le lapin ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


2. Où le lapin se cache-t-il ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3. Comment sont les petits quand ils naissent ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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La pédagogie différenciée : paramètres de mise en œuvre

Évaluation CE1 2007 – cahier n°1


L’exercice détourné peut être le suivant :

LE CANARD SAUVAGE
La canne peut avoir 1 à 2 canetons à la fois.
Les petits naissent sans plumes en cassant la coquille de l’œuf.
Ils demandent tout de suite à manger.
Le canard mange des graines et des vers.
Pour échapper aux renards, aux chasseurs et aux chiens, il s’envole dans
le ciel.

1. Que mange le canard ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


2. Où le canard se protège-t-il ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
3. Comment sont les petits quand ils naissent ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

• • Le tableau de bord
Dans le cadre des évaluations formatives, le tableau de bord est un outil
que chaque maître peut aisément se construire. Il y note le nom des élèves
et écrit en regard certaines compétences à renseigner. Ce tableau de bord
permet, par exemple, d’inscrire les élèves qui ont été actifs à l’oral durant
la séance, ceux qui ont fait preuve de plus d’autonomie qu’à l’accoutumée,
etc.
Ces évaluations « à chaud » sont indispensables. Elles représentent une
analyse fine et précise du travail de la classe. Elles permettent également
de déterminer objectivement les élèves qui ont été particulièrement solli-
cités lors des activités ; ainsi l’enseignant fera en sorte d’en solliciter d’autres
la fois d’après.
En prenant le temps de discuter avec les élèves des progrès effectués, mais
aussi des difficultés persistantes, il est possible de les associer à leurs appren-
tissages. Cette évaluation contribue alors à la formation de chacun.
Une telle stratégie est entièrement une forme de différenciation péda-
gogique qui ne repose pas exclusivement sur un domaine disciplinaire, mais
qui s’appuie sur des compétences d’ordre transversal fondamentales au
«métier d’élève».

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Saisir les enjeux

Poursuivre le même objectif

Nous avons déjà émis l’idée qu’il faut viser le même degré d’exigence pour
tous les élèves lors de la mise en place d’une pédagogie différenciée.
Jean-Pierre Astolfi12 est très explicite sur ce point. Ce qui lui semble essen-
tiel et qui est parfois oublié, c’est de différencier pour atteindre un même
objectif. Il ne faut pas transiger sur la nature de l’objectif à atteindre,
qu’il soit notionnel ou méthodologique. Si on ne recherche pas à atteindre
les mêmes objectifs pour tous les élèves, alors on sélectionne! Différencier,
c’est donc s’efforcer de trouver des dispositifs efficaces, de rechercher des
modes variés d’organisation du travail donné aux élèves.
Une fois l’objectif fixé, l’enseignant peut alors jouer sur toute la palette
de la différenciation. Des exemples seront largement développés dans la
troisième partie de cet ouvrage. Toutefois, prenons l’exemple simple, en
orthographe, d’un texte dicté à la classe et qui a fait l’objet d’une prépa-
ration quelques jours auparavant. Les élèves doivent tous écrire ce texte
sous la dictée. Mais, selon les compétences de chacun :
– certains élèves n’ont pas d’aides particulières et écrivent simplement le
texte ;
– d’autres élèves disposent d’une liste de mots issus du texte et qui sont
écrits sur une feuille posée à côté d’eux sur leur table ;
– d’autres ont à leur disposition certaines phrases complètes ;
– d’autres enfin opèrent une activité de copie intégrale et disposent du
texte sous les yeux. Ce dernier cas est destiné aux élèves les plus faibles
pour cette activité. On peut considérer que la dictée-copie est une acti-
vité d’orthographe à part entière.
Parfois la tentation est grande de poursuivre des objectifs plus simples, et
de prévoir des activités épurées pour certains élèves parce qu’on pense,
le plus sincèrement du monde, qu’ils ne pourront satisfaire à la tâche.
Cependant, il faut absolument éviter cette situation! Pour un même objectif
poursuivi, il est possible d’agir en amont, durant l’activité, ou encore en
aval, en reprenant ce qui n’a pas été compris pour que, au bout du compte,
tous les élèves aient travaillé en vue d’atteindre l’objectif commun à tous.
Pour une parfaite cohérence, les objectifs poursuivis sont ceux inscrits dans
les Instructions officielles. Les notions contenues dans les documents

12. Dans les Cahiers pédagogiques, supplément n° 3, octobre-novembre 1997.

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La pédagogie différenciée : paramètres de mise en œuvre

d’application des programmes et réparties au sein des différentes années


du cycle représentent une direction à suivre. Ainsi, selon la programma-
tion adoptée dans la classe, certains objectifs sont visés plus particulièrement
à tel moment de l’année car ils peuvent conditionner l’apprentissage de
notions ultérieures. On retrouve ce principe en mathématiques ou en
histoire, par exemple. Au moment où la notion est abordée, toutes les stra-
tégies peuvent être développées pour différencier la pédagogie et aider
les élèves présentant certaines difficultés. Si, en fin de période, la notion
est toujours trop peu maîtrisée par certains, cette fois-ci des dispositifs de
remédiation et d’aide approfondie sont proposés.

Différencier au sein d’une même tâche

Proposer une même tâche à tous les élèves est l’option didactique majo-
ritairement retenue dans les classes. C’est certainement la plus simple à
concevoir. Plusieurs stratégies sont envisageables pour différencier au
sein d’une même tâche. De nombreux exemples seront donnés dans le
chapitre sur la «mise en place de la pédagogie différenciée», mais rete-
nons d’ores et déjà quelques principes et les moyens de cette différenciation
dans ce contexte.

쎲 Agir avant l’activité


C’est une idée développée par Roland Goigoux13 qui propose dans ses
conférences des pistes pour aider les élèves à mieux comprendre un texte,
donc à mieux lire. Lors d’une activité qui nécessite une attention particu-
lière, d’une remise en mémoire des notions vues antérieurement, d’un
repérage des moments clés pour comprendre ce qui est dispensé, beau-
coup d’élèves risquent de se trouver trop rapidement en détresse. Il est
assez simple d’identifier ceux qui sont concernés par ce problème en fonc-
tion du champ disciplinaire abordé. L’idée forte est de réunir ces élèves,
de leur expliquer l’activité qui va être réalisée, de leur redonner les notions
vues antérieurement – sorte de seuil d’entrée dans la leçon du jour –, de
leur donner des repères de vigilance pour qu’ils puissent se sentir plus à
l’aise lors du travail en grand groupe.

13. Roland GOIGOUX est professeur des universités à l’IUFM d’Auvergne.

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Saisir les enjeux

L’enseignant prévoit alors un temps assez court de travail avec ce groupe,


sur une table réservée aux aides dispensées que l’on peut appeler la «table
de besoins », pendant que les autres sont en activité autonome d’une
lecture simple ou d’un travail de copie par exemple.
Lorsque la séance proprement dite débute, les élèves ayant fait l’objet de
cette aide en amont se sentent plus à l’aise pour suivre l’activité. On peut
même postuler qu’ils interviendront au cours de la séance et trouveront
ainsi l’aisance nécessaire. Il s’agit d’un gain énorme car l’essentiel du travail
envers ces élèves revient à leur donner une place dans le groupe-classe,
afin qu’ils aient de nouveau confiance en eux et qu’ils s’investissent dans
leurs apprentissages.

쎲 Agir durant la séance


Cette autre approche ne concerne pas forcément les mêmes élèves que
ceux évoqués précédemment. La plupart des séances se nourrissent d’ap-
proches pédagogiques variées. Il y a effectivement une alternance de
pédagogie verticale centrée sur le maître et de pédagogie plus individuelle,
où l’élève doit réaliser un travail d’application. S’il est assez conséquent,
ce travail peut faire l’objet d’une différenciation pédagogique.
Dans le cadre d’une application individuelle, il peut être utile, pour certains
élèves, de rejoindre la «table de besoins» en vue de bénéficier d’un soutien
de l’enseignant. L’activité est ainsi réalisée en présence du maître qui refor-
mule plusieurs fois la consigne, qui aide à l’acquisition de procédures, qui
encourage, qui peut même faire l’exercice avec l’élève en cas de difficulté
persistante.
Cependant l’activité individuelle ne clôt pas la séance, car il est impor-
tant de réunir la classe en grand groupe après l’activité pour parler de ce
qui a été fait et corriger éventuellement les erreurs. De nouveau, les élèves
en difficulté peuvent participer et sont partie prenante (parfois de façon
démesurée) de la leçon. On établit alors une synthèse orale de ce qui a
été abordé durant la séance, de ce qui a été appris et découvert. À ce
moment, les élèves aidés peuvent sans difficulté être sollicités et leurs inter-
ventions valorisées par le maître.
Enfin, il ne faut pas hésiter à rappeler à tous les élèves que ceux qui sont
aidés ont pour mission de parvenir à travailler seuls au fur et à mesure
que les compétences s’installent, mais que le maître est toujours présent
pour aider ponctuellement ceux qui en auraient besoin.

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La pédagogie différenciée : paramètres de mise en œuvre

Proposer des tâches différentes

Cette procédure didactique est relativement peu répandue. Elle l’est de fait
dans les classes multicours, mais plus rarement dans une classe «ordinaire».
Elle consiste simplement à proposer plusieurs activités en même temps. Ces
activités peuvent viser un domaine, une discipline, voire même une notion.
L’idée est d’inciter les élèves à choisir celle par laquelle ils souhaitent
commencer. Le fait de laisser ce choix permet de gagner au moins la moitié
de l’attention et du désir d’agir de l’élève.
Les activités proposées doivent être accessibles aux élèves. Ce sont des acti-
vités d’entraînement ou de structuration, durant lesquelles le maître peut
se libérer du groupe afin d’apporter un soutien à ceux qui en ont le plus
besoin. En effet, certains élèves sont réunis sur la table de besoins, pour
travailler avec le maître.
Lorsque le dispositif est bien maîtrisé, proposer des tâches différentes peut
faire l’objet d’un plan de travail, qui s’étale sur plusieurs jours. Cette option
pédagogique sera décrite dans les suggestions d’organisation de la classe
dans le premier chapitre de la deuxième partie.

Groupes de besoin

À certains moments des apprentissages, il est nécessaire de constituer des


groupes d’élèves afin que ces derniers puissent suivre une activité diffé-
renciée. Mais comment constituer ces groupes?
L’idée de «groupe de niveau» comporte un assez long passif dans notre
système éducatif. Ces groupes étaient constitués en fonction de la moyenne
des notes des élèves. Ainsi, ces moyennes déterminaient un profil d’élèves,
mais avaient tendance à gommer les résultats relativement corrects dans
certains champs disciplinaires. De plus, ces groupes de niveau permettaient
de constituer des classes et de ce fait devenaient immuables.
La pédagogie différenciée fonctionne sur un tout autre principe : le groupe
de besoin, qui réunit des élèves en fonction des difficultés qu’ils ren-
contrent. Alors que les groupes de niveau stigmatisent les mauvais élèves
au risque de les enfermer dans leur échec, les groupes de besoin

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Saisir les enjeux

rassemblent, de manière ponctuelle, des élèves qui rencontrent des


difficultés sur un apprentissage déjà acquis par le reste de la classe.
Certains élèves ont des difficultés dans tel domaine du français – en lecture
pour répondre à un questionnaire, en observation réfléchie de la langue
pour transformer un texte en changeant le temps, le sujet, etc. –, d’autres
ont besoin d’aide en mathématiques – pour poser correctement les opéra-
tions, prélever la bonne information dans un énoncé de problème, tracer
précisément des figures géométriques, utiliser ou lire un tableau de statis-
tiques, etc. –, d’autres encore sont plus démunis dans tous les aspects
méthodologiques de la classe – organisation des classeurs et tenue du cahier
de textes au cycle 3, tenue des cahiers de classe, des cahiers de brouillon
en respectant les consignes du maître au cycle 2, etc.
Les groupes de besoin sont donc variés et surtout changeants. L’objectif
principal de la pédagogie différenciée est de permettre aux élèves «aidés»
de suivre normalement les activités de la classe et de lutter contre leurs
échecs successifs. Dans ce cadre, il est nécessaire que l’enseignant évalue
à intervalles réguliers les capacités des élèves. Ainsi, les groupes initiale-
ment constitués sont remis en question car certains élèves en sortent.
L’aspect « mobile » de ces groupes offre également d’autres avantages.
En effet, un élève qui rencontre des difficultés dans un domaine d’ap-
prentissage, et pour tel objectif poursuivi, se trouve toujours, tôt ou tard,
dans un autre groupe où une de ses capacités sera valorisée.
Il est évident que la pédagogie différenciée s’appuie énormément sur l’ob-
servation des élèves. Le terme «observation» est à utiliser au sens large car
il comprend tous les éléments d’information que le maître collecte sur ses
élèves (évaluations chiffrées, évaluations lors des activités, rapport entre
élèves, etc.). À ce propos, Philippe Meirieu estime que «le maître qui veut
différencier sa pédagogie doit s’appuyer sur une règle : parler moins, faire
agir plus et observer pendant ce temps»14.

Entraide entre pairs

Pour terminer cette première partie, nous avons choisi d’évoquer l’entraide
entre élèves, qu’elle s’opère au sein de la classe (avec ce même regroupe-
ment d’élèves) ou entre deux classes distinctes.

14. Cahiers pédagogiques, supplément n° 3, octobre-novembre 1997, p. 5.

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La pédagogie différenciée : paramètres de mise en œuvre

쎲 Entraide dans la classe


Au sein des activités données régulièrement dans la classe, certains élèves,
plus à l’aise et plus rapides dans un domaine, terminent leur travail avant
les autres. Une fois ce dernier validé par l’enseignant, les élèves se mettent
à disposition de leurs camarades pour les aider à faire leur exercice. Nous
sommes alors dans une forme de différenciation où la communication hori-
zontale (entre élèves) est fortement appliquée. En plus de cette aide pour
faire un exercice, ce type de sollicitation favorise la vie en communauté
au sein de la classe et régule les comportements.
Les aides peuvent être très ponctuelles ou plus prononcées, si les élèves
aidant et aidés sont d’accord. Le maître doit rester le garant de ce qui est
dit. Ainsi, à la fin de l’activité, il demande aux élèves concernés ce qui est
compris et le détail des procédures d’aides utilisées.

쎲 Entraide entre deux classes distinctes : le tutorat


Cette activité de tutorat d’élèves plus âgés envers des plus jeunes est une
forme originale de différenciation pédagogique. Le maître n’agit pas direc-
tement, il le fait par l’intermédiaire des élèves tuteurs. Donnons les grandes
lignes de ce dispositif assez simple à mettre en place.
À raison d’une séance d’une heure par semaine, deux classes sont réunies.
L’idéal est qu’une grande classe de cycle 3 (de préférence un CM2) ait la
responsabilité d’une classe de CP. Un tirage au sort lors de la première
rencontre permet de constituer des couples faits d’un grand et d’un petit.
Le principe premier est d’amener les élèves de CM à concevoir pour chaque
séance une série d’activités de lecture pour les petits. La tâche étant assez
difficile, des mises au point fréquentes avec ces élèves sont nécessaires afin
de leur donner des idées d’exercices ou de jeux et de correspondre aux
activités menées par l’enseignant de CP.
À l’inverse de ce que l’on pourrait penser, les bienfaits du tutorat sont
surtout pour les élèves de CM. En effet, ils doivent se pencher sur ce qu’est
un élève non lecteur, sur le type d’activités possibles, sur la nécessité
d’adapter d’une semaine sur l’autre ce qu’ils souhaitent proposer à leur
filleul. De plus, ils sont obligés de présenter un travail lisible, clair, qui ne
gêne pas la lecture du plus jeune. Il va sans dire que les enseignants doivent
s’organiser pour voir tous les exercices avant qu’ils ne soient distribués
aux CP, afin d’éliminer les erreurs d’orthographe, et surtout de réajuster ce

33
1MP partie 1 Chap. 1 à 3 5/06/09 10:36 Page 34

Saisir les enjeux

que l’élève de CM souhaite donner à son CP. En revanche, durant la séance,


les enseignants n’interviennent plus et s’efforcent de ne pas s’immiscer
dans les rapports privilégiés qui s’établissent entre le filleul et son tuteur.
Dans un autre registre, le fait de lui confier un enfant plus petit respon-
sabilise le plus grand. En effet, les élèves prennent leur rôle très au sérieux
et rares sont ceux qui négligent cette activité. Elle devient alors un élément
de réussite, ce qui est bien sûr à prendre en considération. Parfois même,
cette action pédagogique dépasse largement le premier cadre fixé et un
climat de fraternité s’instaure entre les deux enfants. Le grand devient le
protecteur, le référent, celui qu’on appelle dans la cour pour régler un
problème ou donner son arbitrage dans un jeu. Ces liens favorisent le
respect mutuel. Le tutorat représente donc à lui seul un formidable terrain
d’expression pour l’éducation civique.
En dehors de ces activités autour de la maîtrise de la langue, le tutorat
peut aussi trouver un terrain d’expression dans d’autres domaines – celui
de la découverte du monde, par exemple. La mise en place du concept
d’espace en cycle 2 passe par un travail sur différents types de plan tant
dans l’école qu’à l’extérieur. Il est assez simple d’organiser avec les deux
classes une activité de repérage ou d’orientation dans le quartier. Le grand
aide le plus petit à lire le plan, à s’orienter et à localiser les différents points
demandés (certains commerçants, la plaque du médecin, le square, etc.).
Enfin, vers le mois d’avril, les élèves de CP prévoient à leur tour un travail
pour leur tuteur. Ce retour est fondamental pour que le plus jeune se sente
considéré, et puisse également avoir le plaisir de construire une activité.
Durant la séance, la moindre difficulté ou erreur commise par le tuteur
rendra son filleul d’autant plus fier.
Le tutorat s’enrichit de lui-même et permet un travail d’équipe conséquent
entre les enseignants de chaque classe. Très vite, il fera d’autres adeptes
dans l’école…

Exemples d’activités proposées lors d’un tutorat CP/CM2

– Lecture d’une petite histoire avec un questionnement simple ;


– choix d’un livre en commun dans la BCD ;
– activités de français à dominante ludique : mots mêlés, mots croisés,
syllabes à colorier, etc. ;
– activités phonologiques : dictée de sons, repérage de sons ;

34
1MP partie 1 Chap. 1 à 3 5/06/09 10:36 Page 35

La pédagogie différenciée : paramètres de mise en œuvre

– activités de repérage dans un texte : personnages principaux, lieu,


appui sur l’illustration, etc. ;
– activités à dominante mathématique ;
– activités de découverte du monde.

Conclusion

Nous voici parvenus au terme de cette première partie où il était essentiel


de définir les enjeux de la pédagogie différenciée avant de proposer des
outils concrets pour la mettre en place au sein d’une classe.
Au-delà des enjeux sociaux et démocratiques que cette pédagogie sous-
tend et qui donne sens à l’acte d’enseigner, ce qui vient d’être exposé
s’appuie sur cette idée forte : considérer la classe comme un ensemble d’in-
dividus tous différents dont il faut s’efforcer de tenir compte.
Il nous paraît essentiel désormais de proposer, dans de multiples domaines
pédagogiques, disciplinaires, des exemples précis de mise en œuvre de la
pédagogie différenciée.
Nous tâcherons donc dans les deux parties suivantes d’illustrer ce discours
portant sur les enjeux et d’offrir de nombreuses pistes immédiatement utili-
sables dans la classe.

35
1MP partie 1 Chap. 1 à 3 5/06/09 10:36 Page 36
2MP partie 2 Chap. 1 à 4 5/06/09 10:38 Page 37

Partie 2
Mettre en place
une pédagogie différenciée
Chapitre 1 • Propositions d’organisation de la classe . . . . . p. 39
Chapitre 2 • Construire les moyens de l’autonomie
des élèves les plus experts . . . . . . . . . . . . . . . p. 48
Chapitre 3 • Détecter les difficultés de chacun . . . . . . . . . . . . p. 58
Chapitre 4 • Rendre l’élève lucide sur ses compétences
et sur ce que le maître attend de lui . . . . . . . p. 62
Chapitre 5 • Le travail individualisé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 66
Chapitre 6 • Organiser le travail en groupe . . . . . . . . . . . . . p. 75
2MP partie 2 Chap. 1 à 4 5/06/09 10:38 Page 38

Introduction

Après avoir étudié la dimension historique de la pédagogie différenciée,


et présenté ses différents enjeux, nous abordons maintenant les conditions
de sa mise en œuvre.
Volontairement, cette partie ne repose pas sur des disciplines scolaires car
l’objectif est de fournir des dispositions générales qui servent toutes les
disciplines. En effet, nous souhaitons faire un tour d’horizon des possibi-
lités et des conditions de mise en œuvre de la pédagogie différenciée au
sein de la classe.
Ainsi, l’enseignant trouvera, au fil des six chapitres de cette partie, des
pistes pour organiser sa classe, des outils pour détecter les difficultés de
chacun, des approches pour construire l’autonomie des élèves les plus
experts, des éléments pour favoriser le travail individualisé, et enfin des
conseils pour organiser le travail en groupe.
Vouloir mettre en œuvre une pédagogie différenciée, c’est tout organiser
afin de gérer chacun des élèves. L’organisation spatiale de la classe est aussi
fondamentale que le regard sur les compétences des élèves, l’attitude de
l’enseignant qui nuance ses approches (en groupe, seul, etc.), et qui donne
du sens aux valorisations ou aux réprimandes qu’il formule.
Tous ces éléments ne s’improvisent pas, c’est pourquoi cette partie est
totalement orientée sur l’idée de construire des habitudes, des réflexes
susceptibles d’optimiser la différenciation pédagogique.

38
2MP partie 2 Chap. 1 à 4 5/06/09 10:38 Page 39

C h a p i t r e 1 1
Propositions d’organisation
de la classe

Pour mettre en place une pédagogie différenciée, il faut commencer par


organiser la classe afin de pouvoir dégager du temps pour les élèves qui
ont besoin d’aides plus spécifiques.
Dans ce chapitre, nous distinguons deux cas de figure: lorsque le maître
est seul dans sa classe et lorsqu’il est en présence d’une personne ressource
(comme le directeur de l’école, par exemple). Les contenus d’apprentissage
différenciés ne sont pas explicitement définis; ils feront l’objet d’une étude
plus approfondie lors de l’approche des différents champs disciplinaires,
dans la troisième partie.
Il est important de matérialiser dans la classe un espace où l’aide peut
être dispensée. Nous avons déjà évoqué la « table de besoins » dans la
première partie. Certains enseignants ont « recyclé » une table octogo-
nale servant à la restauration scolaire et devant être mise au rebut pour
l’utiliser dans la classe. D’autres ont préféré garder une table rectangulaire
facile à déplacer en cas de besoin mais pouvant servir à l’accueil de
nombreux élèves. Ce qui est important, c’est de pouvoir accueillir un
nombre conséquent d’élèves devant vivre une aide particulière. Il faut
que les élèves aidés sentent qu’ils sont pris en charge dans un espace
géographique spécialement aménagé au sein de la classe. Aider un élève
sur le coin de sa table n’est pas de même nature que de l’amener dans
un lieu consacré à cet effet. Dans le premier cas, l’aide est ponctuelle et
de courte durée, alors que dans le second elle peut se prolonger.

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2MP partie 2 Chap. 1 à 4 5/06/09 10:38 Page 40

Mettre en place une pédagogie différenciée

L’enseignant seul dans la classe

C’est le cas de figure le plus fréquent mais aussi le plus difficile à gérer.
En effet, le groupe s’impose à l’enseignant qui doit organiser sa pédagogie
de façon à pouvoir se rendre disponible pour certains élèves. Nous avons
listé les différentes possibilités existantes pour y parvenir. Elles peuvent très
bien se croiser, c’est-à-dire qu’une organisation peut s’appuyer sur une
autre pour fonctionner.

쎲 Approche individualisée d’un élève


Elle est assez simple à mettre en place car les plages de travail en auto-
nomie sont souvent conséquentes, surtout dans les classes de cycle 3. Aussi,
lors d’une activité bien définie, durant laquelle les élèves travaillent seuls
(exercices connus des élèves, phases de structuration d’une notion, évalua-
tion, etc.), le maître peut s’occuper de certains d’entre eux de façon
individuelle pour un temps de consolidation plus spécifique.
La condition de réussite de cette organisation est que le reste de la classe
puisse fonctionner en autonomie. Les activités proposées doivent pouvoir
être gérées directement par les élèves, qui éviteront de solliciter sans
cesse le maître. Ceci suppose une bonne explicitation des consignes et
des tâches à effectuer.
L’élève vient donc travailler avec le maître à la table de besoins et réalise
un des exercices demandés à toute la classe. Cette approche de «proxi-
mité» permet au maître de mieux cerner les obstacles que rencontre l’élève
et de prendre conscience des procédures que ce dernier utilise. Il est fonda-
mental d’amener l’élève à verbaliser ce qu’il fait afin de l’aider à modifier
ses représentations de la tâche.

쎲 Envisager la classe comme une classe à double cours


Dans cette organisation, il s’agit d’approcher un plus grand nombre d’élèves
ayant des besoins plus particuliers. On transpose alors les principes d’or-
ganisation d’une classe à cours multiples à une classe dont les élèves ont
sensiblement tous le même âge. Dans le livret Lire au CP1 déjà évoqué,

1. Document d’accompagnement des programmes, février 2003.

40
2MP partie 2 Chap. 1 à 4 5/06/09 10:38 Page 41

Propositions d’organisation de la classe

cette idée est clairement explicitée car la distinction entre les élèves lecteurs
et ceux qui ne le sont pas encore est aisée à faire.
Dans les autres classes, les différentes évaluations menées, que ces dernières
soient nationales (évaluations CE1 et CM2) ou autres, font apparaître une
cohorte d’élèves ayant des besoins très spécifiques et des capacités de
traitement des informations fort variées.
Comme on le ferait pour une classe à cours multiples, une partie de la classe
effectue des exercices d’entraînement familiers de façon autonome. L’autre
partie de la classe est prise en charge par l’enseignant pour reprendre
une notion déjà vue et qui pose encore des problèmes de compréhen-
sion. Nous verrons, dans le domaine des mathématiques par exemple,
comment certains élèves n’ont pas besoin du maître et peuvent très rapi-
dement fonctionner seuls, et comment d’autres ont encore besoin d’être
guidés.

Exemple d’organisation de la classe


Voici l’énoncé d’un problème de recherche assez simple pour des élèves de CE2.
Ce problème vise à choisir la meilleure opération pour sa résolution.

Juliette plante 5 pieds de géranium dans ses jardinières. Elle a 6 jardinières.


1 pied de géranium coûte 2 euros.

5+6 5x6 5x2 (5 x 6) x 2 6x2

Consigne: Recopie l’opération qui répond à la question et effectue le calcul.


Question 1: Combien doit-elle acheter de géraniums?
Question 2: Combien va-t-elle dépenser pour fleurir toutes ses jardinières?

Les difficultés que peuvent rencontrer certains élèves reposent sur deux para-
mètres essentiels:
– mauvais prélèvement d’information dans l’énoncé;
– mauvaise représentation de l’opération à choisir.
L’aide peut alors s’opérer selon ces deux axes, qui permettent à certains élèves
d’être guidés davantage.

Groupe en autonomie Élèves suivis par le maître

Les élèves résolvent le problème D’une façon simple, les élèves


d’une façon individuelle. sont guidés par le maître pour
Il leur est demandé de schématiser opérer les représentations
les opérations choisies afin qui s’imposent:
de justifier leur réponse.

41
2MP partie 2 Chap. 1 à 4 5/06/09 10:38 Page 42

Mettre en place une pédagogie différenciée

Une feuille de correction peut être • Dessin des calculs: ici une
distribuée afin que ces élèves aient collection de 5 x 6 géraniums
un retour immédiat sur leur travail. est dessinée afin de matérialiser
les plantations.
• Le second calcul porte sur la
multiplication par 2 du premier
produit obtenu. À ce moment,
il est important de demander
aux élèves de verbaliser ce
qu’ils cherchent et les calculs
intermédiaires obtenus.

Lors de la correction collective, tous les élèves sont réunis pour décrire les calculs
opérés et les réponses données – c’est aussi important pour ceux qui ont fonctionné
en autonomie.

Cette mise en place différenciée favorise l’écoute de chacun, que les élèves
soient à l’aise ou non dans la résolution des problèmes. En effet, dans de
nombreuses situations, une grosse partie des élèves a rapidement compris
ce qui leur est demandé. Le travers serait de maintenir coûte que coûte
la classe dans son intégralité, au risque de voir certains s’ennuyer ou d’autres
se sentir perdus. Comme dans une classe à double cours, le principe consiste
donc à répartir la classe en deux groupes dès les premières explications
données, afin de s’occuper de ceux qui en ont le plus besoin. En revanche,
il est essentiel de réaliser une correction collective à la fin de l’activité
pour réunir toute la classe.

쎲 Organiser la classe en ateliers


Sur le principe de l’organisation de l’école maternelle, il est parfois inté-
ressant de disposer la classe en plusieurs ateliers. Prévoir quatre ateliers
permet des rotations d’élèves et des approches variées. Il faut donc créer
des espaces bien définis et matérialisés dans la classe. Comme l’idée forte
est que les élèves passent d’un atelier à un autre, une sorte de «feuille de
bord» sur laquelle ils cochent les ateliers qu’ils ont effectués est nécessaire.
Ainsi, l’approche différenciée peut s’effectuer sur un des espaces. Le maître
constitue des groupes, avec dans chacun d’eux des élèves de caractère diffé-
rent. Puis, il choisit un atelier et aide certains élèves plus spécifiquement.
En effet, au sein d’un groupe, l’aide est apportée à quelques élèves seule-
ment pendant que les autres fonctionnent sans difficultés apparentes.

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Propositions d’organisation de la classe

De toute façon, chaque élève rencontrera des difficultés sur un atelier et


sera bien plus à l’aise sur un autre. Ainsi, le maître tourne et passe d’ate-
lier en atelier, non pas en supervisant mais en s’y fixant un assez long
moment, afin de suivre au plus près les élèves présentant des difficultés.
L’intérêt d’une organisation ponctuelle en ateliers repose aussi sur le fait
que les élèves peuvent s’entraider et favoriser des échanges, ce qui n’est
pas négligeable. Certains, plus rapides et plus à l’aise, aident leurs cama-
rades — ces échanges horizontaux sont souvent très porteurs. Toutefois les
productions doivent être considérées comme individuelles, car, dans ce
cas de figure, on ne cherche pas un résultat collectif, comme une grande
affiche ou un exposé oral par exemple.

Exemple d’organisation de la classe en ateliers pour le CM1


• Le premier atelier porte sur un travail de production d’écrit à partir d’un texte.
Les élèves doivent imaginer une suite ou un début à l’histoire.
• Le deuxième atelier porte sur une suite d’opérations à effectuer. Certaines
sont simples et d’autres plus complexes. L’enseignant peut proposer des fiches
autocorrectives.
• Le troisième atelier est une activité autonome d’application suite à une séance
de géographie: par exemple, colorier sur une carte de géographie les régions
de France selon qu’elles sont plutôt agricoles ou industrielles.
• Enfin, le dernier atelier est axé sur les arts visuels: on demande par exemple
aux élèves d’animer une surface blanche à la manière de Paul Klee.

쎲 Proposer un plan de travail


Le plan de travail est aussi un élément de réponse à la mise en place
d’une pédagogie différenciée dans la classe. En effet, il induit une diffé-
renciation dans le type d’activités proposées aux élèves.
Le principe revient à choisir des activités qu’ils sont en mesure de faire seuls,
en totale autonomie. Il ne s’agit donc pas de découvrir de nouvelles notions,
mais au contraire de consolider celles déjà vues et abordées collectivement
en classe.
Le plan de travail est une pédagogie du contrat. L’élève doit réaliser un
certain nombre de travaux dans un cadre temporel défini et strict. Il ne
faut pas y voir des activités occupationnelles permettant de se libérer du
groupe-classe. Tous les élèves y trouvent leur compte.

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Mettre en place une pédagogie différenciée

Ce type de pédagogie permet d’aborder plusieurs disciplines en même


temps. En effet, on peut proposer dans un même plan de travail des acti-
vités de lecture, la réalisation d’une carte de géographie et un exercice
systématique d’orthographe. Les élèves commencent par ce qu’ils souhai-
tent et suivent leur progression selon la grille qui leur est proposée. Cette
idée simple d’accorder aux élèves le choix de l’ordre des activités est très
motivante et représente un grand facteur de réussite.
Le maître est alors libéré de la totalité du groupe, et pour peu que soit
mis en place un principe d’autocorrection la classe se met à fonctionner
en autogestion, le plus souvent dans une ambiance de travail chaleu-
reuse et efficace. Ainsi le maître est disponible pour certains élèves, avec
qui il peut faire les exercices proposés ou pour qui il a pu construire, à ce
moment, une activité particulière répondant à des besoins spécifiques.

쎲 La pédagogie de la « roue de secours »


Pour réaliser une activité donnée à toute la classe, certains élèves ont des
besoins plus précis.
Le principe de cette organisation n’est pas de travailler avec les élèves à
la table de besoins, mais de faire en sorte de les maintenir le plus possible
à leur propre table. Pour ce faire, il faut leur apporter les aides néces-
saires, que l’on peut appeler des «roues de secours».
Il s’agit de proposer des documents d’accompagnement aux élèves
concernés lors de la réalisation d’une tâche. Par exemple, pour effectuer
des opérations, certains élèves ont à leur disposition leurs tables de multi-
plication, dont la mémorisation est en cours d’acquisition.
À d’autres moments, il peut s’agir d’observer attentivement ce que font
les élèves et de noter sur une feuille prévue à cet effet (un post-it par
exemple) les informations aidant à la réalisation de la tâche. L’intérêt
consiste à pouvoir ramasser ces feuilles d’aide en fin d’activité et de préciser
aux élèves la nature de l’aide qu’ils ont obtenue.
Lors d’une séance similaire et ultérieure, les élèves sont invités à se passer
de cette feuille d’aide, preuve qu’ils sont en mesure de travailler de façon
plus efficace.

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Propositions d’organisation de la classe

Exemples d’aides sur post-it


• Lors de la copie d’un texte, un élève oublie des majuscules ou des signes de
ponctuation. Sur le post-it peuvent être notés ces deux mots: «majuscules» et
«ponctuation».
• Lors d’un travail de géométrie, un élève positionne mal le 0 de sa règle pour
opérer une mesure. L’indication sur le post-it peut être la suivante: «début de
la mesure».

Dans ce cas, l’élève n’est pas freiné dans son travail et ne s’attend pas à
avoir le maître comme relais. Il est invité à être attentif à ce qu’il fait et
remédie immédiatement aux problèmes rencontrés.
Cette approche différenciée permet à l’élève et au maître de mesurer rapi-
dement les progrès effectués. En analysant la feuille d’aide, ils pourront
mettre ensemble en évidence les points qui posent toujours problème.

L’enseignant aidé d’une personne ressource

Ce dispositif pédagogique, même s’il n’est pas très fréquent, favorise la


mise en place d’une pédagogie différenciée.

쎲 Aide du directeur, aide d’une autre personne


Le directeur de l’école peut apparaître comme une personne ressource, son
intervention se fait alors sur son temps de décharge. Une autre personne
peut aussi remplir ce rôle, un emploi vie scolaire (EVS) par exemple, qui
est à disposition des écoles et des enseignants et qui peut très bien, sous
la responsabilité du maître, encadrer un groupe d’élèves.
Dans certaines académies, les disciplines artistiques ou sportives sont assu-
rées à l’école élémentaire par des professeurs municipaux et habilités. Ainsi,
le maître de la classe se trouve déchargé de ses élèves et peut se rendre
disponible auprès d’une autre classe.
Cet appui d’un autre adulte permet simplement de diviser la classe en deux
groupes et de mener des activités distinctes. Lors d’une telle organisa-
tion, il est plus intéressant de travailler des points particuliers qui nécessitent
une aide plus précise, comme un exercice de phonologie pour certains
élèves de CP ou CE1, un travail de résolution de problème de recherche
nécessitant du temps et de l’échange, ou encore une activité de produc-
tion d’écrit pouvant déboucher sur un écrit collectif.

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Mettre en place une pédagogie différenciée

Les situations possibles sont très nombreuses et les groupes constitués sont
évidemment amenés à évoluer. Parfois le maître se retrouve avec un tout
petit groupe pour une approche différenciée de proximité. Ceci signifie
que, dans les activités abordées, l’essentiel de la classe ne rencontre plus
de difficultés majeures.

쎲 Organiser des décloisonnements avec une autre classe


Toujours dans l’idée de former des groupes à besoins spécifiques, il est
intéressant de réunir deux classes. Ce grand groupe obtenu peut être divisé
en deux. Le premier groupe est constitué d’un petit nombre d’élèves alors
que le second est beaucoup plus important. Cette organisation permet
d’approfondir des points particuliers avec le peu d’élèves qui en a besoin,
pendant que les autres travaillent en autonomie. Chaque enseignant
gère un groupe.

Exemple de décloisonnement en CE1

Premier groupe Second groupe


avec peu d’élèves avec beaucoup d’élèves

On leur donne un travail spécifique On leur donne un texte relativement


autour de la lecture: long visant une lecture autonome.
– reconnaissance de graphèmes On propose alors:
non maîtrisés; – un questionnaire de compréhen-
– amélioration de la lecture sion adapté;
automatique de mots non connus – une préparation pour une lecture
en et hors contexte; orale de passage (sous forme
– activités portant sur les substituts de mise en scène par exemple);
anaphoriques: à qui correspond – la mise en place de débats
ce «il» ou ce «elle»? interprétatifs à partir d’un
passage du texte, en demandant
des justifications fréquentes
par citation du texte.

쎲 Travailler avec le RASED2


Lorsqu’un élève est confié à un enseignant du RASED, il y a de fait une
approche différenciée. L’élève sort de la classe pour suivre, avec un autre
adulte, une aide particulière.

2. Réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté.

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Propositions d’organisation de la classe

Cependant cette aide ne doit pas se limiter à ces temps en dehors de la


classe, sinon l’élève concerné risque de croire qu’il est différent des autres,
et que cette différence se matérialise par l’enseignant du réseau qui
s’occupe de lui. Il est donc fondamental que les deux enseignants commu-
niquent énormément afin de, dans un premier temps, montrer à l’élève
qu’ils sont informés des progrès qu’il effectue, mais aussi, dans un second
temps, pour que l’enseignant titulaire de la classe prenne en compte ces
progrès.
À certains moments, il est possible que l’aide dispensée se déroule dans
la classe, en présence des autres élèves, sans que cela dénature le rôle de
l’enseignant du RASED. Ce maître spécialisé peut alors prendre en charge
plusieurs élèves à la table de besoins alors que le maître de la classe s’occupe
des autres.
Cette idée d’organisation est à développer afin d’inscrire l’aide dispensée
dans une réelle différenciation pédagogique et de toucher davantage
d’élèves à certains moments de la semaine.

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2 C h a p i t r e 2

Construire les moyens


de l’autonomie des élèves
les plus experts
Travailler en différenciation nécessite généralement que le maître se rende
disponible pour le groupe qui en a le plus besoin. Se pose alors la ques-
tion de savoir comment gérer les autres élèves. Il ne peut évidemment
pas les placer en activités occupationnelles! Ils travailleront aussi, mais ils
devront le faire seuls, de manière autonome. Voilà pourquoi ils convient
d’exercer les élèves à cette autonomie.
Ces élèves doivent parvenir à travailler seuls sans interpeller le maître, en
comprenant ce que l’on attend d’eux sans aides extérieures. Dans ces condi-
tions, le maître de la classe, libéré, peut se mettre au service de ceux qui en
ont le plus besoin. L’autonomie s’enseigne, ou plus exactement s’entraîne.

Les conditions de l’autonomie

Selon une définition généralement admise, l’autonomie est la capacité à


décider sans se référer à un pouvoir central. L’adaptation scolaire de cette
définition pourrait être la capacité de l’élève à agir seul, de manière
adaptée et pertinente, face aux tâches qui lui sont proposées, en trou-
vant les ressources nécessaires en lui-même ou autour de lui, sans avoir
besoin de faire appel à son maître-référent.
Concrètement, l’autonomie requiert quelques dispositions. On doit aider
l’élève à les construire.

쎲 Se représenter les tâches proposées


Cette autonomie nécessite avant tout une capacité personnelle à agir en
conscience, donc d’avoir acquis une certaine maturité. Il faut notamment

48
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Construire les moyens de l’autonomie des élèves les plus experts

que l’élève parvienne à se représenter le travail qui lui est proposé, qu’il
sache pourquoi il doit le faire et en quoi cela lui sera profitable. Plus le
projet est contextualisé, plus l’élève réussira à se le représenter. Cependant,
en développant son «métier d’élève», il parvient aussi à agir en conscience
sur des «objets purement scolaires», activités dites «décrochées», visant
des entraînements systématiques. L’école est un espace d’apprentissage
spécifique avec ses règles et ses objectifs, dont la systématisation des
apprentissages et l’entraînement répété sont des modalités respectables.
Il est très facile de l’expliquer aux élèves. Construire l’autonomie, c’est aider
l’élève à savoir pourquoi il travaille.

쎲 Ne pas se trouver en situation attentiste ou trop simple


Cette capacité à se représenter son travail implique que les tâches fassent
sens. Il faut proposer à l’élève des activités qui l’intéressent et dont il sait
qu’il va en tirer profit. Le maître évitera donc toute activité occupation-
nelle, du type jouer aux tampons encreurs, construire avec le Meccano, aller
en bibliothèque, faire un dessin pour le maître…
On constate parfois que le bon élève, rapide et autonome, bâcle son travail
pour pouvoir aller jouer ou discuter avec ses camardes. Dans ce cas, on
relève deux défauts. En premier lieu, cet élève s’habitue à ne pas appro-
fondir son travail, puisque les tâches lui semblent toujours faciles. En
revanche, si un jour il est confronté à un exercice plus complexe, il sera
certainement en échec car il n’aura jamais développé la capacité d’affronter
des situations posant problème. Il n’aura donc pas acquis de maturité
scolaire. Ensuite, si cet élève joue près d’élèves moins experts qui, eux, ne
jouent jamais, car ils ne terminent pas avant le délai limite, cela peut provo-
quer une gêne, une frustration. Construire l’autonomie, c’est montrer qu’on
est toujours en situation de production utile.
Placer les élèves les plus avancés sur des activités trop simples peut avoir
des conséquences néfastes. Face à des tâches simples, on constate parfois
que le bon élève traîne. Comme la tâche proposée n’est pas assez complexe
pour lui, il s’habitue à ne pas être exigeant sur la qualité de sa production,
se démotive, se démobilise et pourrait penser que l’école ne propose que
des tâches démotivantes. Il y a alors risque que cet élève ne soit jamais
mis dans la nécessité de construire les outils qui lui permettront d’affronter
des exercices plus difficiles. Construire l’autonomie, c’est proposer des
tâches suffisamment complexes pour que l’élève s’investisse réellement.

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Mettre en place une pédagogie différenciée

쎲 Maîtriser les routines de classe


L’élève peut se passer du maître, à condition qu’il sache précisément ce
qu’il a à faire. Si les modalités organisationnelles changent à chaque acti-
vité proposée, il est certain qu’il se passera difficilement de son maître,
puisqu’il ne saura probablement pas identifier ce qu’on attend de lui. C’est
pourquoi, lors de travaux nécessitant un travail en autonomie, l’élève
doit connaître les modalités organisationnelles qu’on lui demande d’ap-
pliquer. Le moyen d’y parvenir est d’instaurer dans la classe un certain
nombre de routines, des cadres de travail récurrents. Ainsi, lorsque le maître
demande aux élèves de réaliser telle nature d’activités autonomes, les élèves
savent immédiatement les règles de fonctionnement qui s’y rattachent.
Le maître n’a plus besoin d’expliciter les modalités, car elles sont connues
de tous.

Exemples de routines de classe


• Après la distribution des feuilles d’exercices, quand l’enseignant dit :
« Aujourd’hui, je vais travailler avec le groupe 1 », les élèves concernés se dépla-
cent immédiatement à la table de besoins réservée à ce type de travail en
groupe, pendant que les autres commencent déjà leur travail autonome sur
feuille.
• Lorsque le maître dit à la classe : « Placez-vous en groupes de camarades »,
les élèves savent où ils doivent aller, sans que le maître ait à le rappeler, ou
que des négociations parasites l’occupent inutilement. Libéré de cette orga-
nisation, il peut déjà se rendre disponible à un premier groupe, ou distribuer
les outils de la séance.
• Quand le maître dit, pour clore une séance de production d’écrits :
«Maintenant je vais vous lire les productions de chacun », chaque élève apporte
sa feuille à un endroit précis, identifié de tous, et vient se placer face au tableau.
Libéré, l’enseignant épaule, durant ce temps, un ou deux élèves qui termi-
nent une phrase. Puis, il se rend lui-même au tableau, devant les élèves
regroupés, avec la pile de feuilles.
Construire l’autonomie, c’est placer l’élève dans un cadre de travail dont
il maîtrise les règles et les codes.

쎲 Savoir utiliser les outils mis à disposition


Comme l’élève autonome travaille seul, il doit disposer d’aides et d’étayages
que le maître ne peut pas lui apporter immédiatement. Il faut donc que
la classe soit un espace dans lequel il saura trouver les réponses à ses besoins
immédiats. Pour cela, deux conditions sont à remplir.

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2MP partie 2 Chap. 1 à 4 5/06/09 10:38 Page 51

Construire les moyens de l’autonomie des élèves les plus experts

– Il faut que l’espace-classe soit un véritable outil. Ainsi, principalement


dans les petites classes, des références utiles et fonctionnelles sont affichées
aux murs. Dans les grandes classes, l’élève est doté d’un cahier-référence
où sont consignés ces outils. Cela implique que les séances de classe soient
souvent closes par un temps d’élaboration de ces outils-références. Ces
règles, stratégies, savoirs et savoir-faire sont l’aboutissement d’un travail
préalable pour être réellement élaborés avec les élèves, en grand groupe,
lors de mises en commun patientes. Leur formalisation doit être lente et
précise afin que l’outil puisse être opérant dans des situations de réinves-
tissement. Il est aussi important que ces outils soient consignés sur des
supports clairement identifiés par les élèves.
– Il faut que l’élève sache utiliser ces outils à bon escient. Le maître doit
apprendre à l’élève à se servir de ces outils tout seul, et cela ne se fait pas
en une seule séance. C’est en situation de production, lorsqu’il en a besoin,
que l’élève perçoit la nécessité d’aller chercher ces outils. Comme souvent,
la répétition permet à ce dernier de savoir qu’il dispose d’outils extrême-
ment pratiques, qui lui permettent de résoudre de nombreux problèmes.
(Voir à ce propos la séance de révision de production d’écrit p.150 à 152,
qui présente la formalisation d’un outil autocorrectif.) L’élève s’appropriera
aussi et surtout ces réflexes par la verbalisation. Le maître doit saisir toutes
les opportunités pour montrer l’utilité de l’usage de ces outils construits
en commun.

Exemple d’apprentissage de l’utilisation des outils-références en cycle 2


Lors d’une lecture orale, un élève s’arrête sur le mot « avec », ne parvenant
pas à le déchiffrer. Le maître interroge alors les autres élèves: «Pourtant on le
connaît bien ce mot. Il est même sur les murs de la classe. Qui me dit où?».
Les élèves montrent et expliquent: «C’est un mot-outil! Regarde, il est ici!».
Le maître valide et prolonge: «Effectivement, ici, sur ce mur, nous avons les
mots-outils, qu’il ne faut pas oublier ! N’hésitez pas à les regarder lorsque
vous en avez besoin!».
Exemple d’apprentissage de l’utilisation des cahiers-références en cycle 3
Lors d’une séance de production d’écrit, un élève marque «Tu joue?». Le maître
lui indique qu’il y a une erreur. Si l’élève ne la trouve pas, le maître soumet rapi-
dement le problème à l’ensemble de la classe. Les élèves répondent: «Il manque
un “s”!». Le maître demande: «Et pourquoi faut-il un “s”?». Les élèves: «Parce
que le sujet est “tu”!». «Et quand on a oublié, que peut-on faire?» relance
le maître. Un élève répond: «Il faut regarder dans notre cahier-référence!».
Le maître insiste: «Eh oui! Ainsi on est sûr!».

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2MP partie 2 Chap. 1 à 4 5/06/09 10:38 Page 52

Mettre en place une pédagogie différenciée

En règle générale, lorsqu’un élève sollicite le maître pour un problème


qui a fait l’objet de l’élaboration d’un outil, il suffira de lui dire que la
réponse est sur les murs de la classe ou dans son cahier pour que l’élève
saisisse ce qu’il doit faire.
Construire l’autonomie, c’est avoir doté chaque élève d’outils fonction-
nels et l’avoir habitué à en faire usage.

Les modalités d’acquisition de l’autonomie

쎲 Obtenir l’accord de l’élève


Le préalable est d’obtenir l’accord de l’élève que l’on souhaite rendre auto-
nome. Il doit accepter en toute lucidité de se passer de son maître et
donc de se doter seul des moyens nécessaires pour trouver les réponses aux
questions qui lui ont été soumises. Sans cet accord, l’élève risque de consi-
dérer qu’on le place devant une tâche impossible à réaliser, ou, d’un point
de vue plus affectif, qu’on se détourne de lui. Cette volonté de travail auto-
nome ne se décrète pas. Généralement et à juste raison, l’élève prend cette
responsabilisation comme une preuve de confiance. À travers ce droit à
travailler seul, il comprend que le maître l’en croit capable. Il s’agira donc
pour l’élève d’une valeur ajoutée.

쎲 Gérer celui qui croit savoir


Bon nombre d’élèves moins avancés souhaiteront, eux aussi, travailler sans
l’aide du maître. Ce manque de lucidité est d’ailleurs assez révélateur: ils
ne peuvent être placés en autonomie puisqu’ils montrent, par cette atti-
tude, qu’ils n’évaluent pas correctement leurs propres capacités. Ce souhait
vient naturellement du fait qu’ils perçoivent le travail en autonomie comme
une valorisation. Il faut alors prendre le temps d’expliquer à ces élèves qu’il
est préférable pour l’instant de rester avec le groupe-maître, et qu’ils ont
encore à s’aguerrir pour parvenir à une autonomisation. L’un des moyens
les plus directs est d’autoriser ces élèves à s’y essayer. Le maître les laisse
donc travailler seuls, comme ceux déjà habitués à cette modalité. Au
moment où il leur fait cette proposition, il leur indique également qu’à
tout moment, ils peuvent rejoindre le groupe-maître. Face à cette tâche
et cette solitude de l’élève autonome, ils saisiront que leur place n’est pas
encore là et qu’il est plus utile et plus confortable pour eux de profiter

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Construire les moyens de l’autonomie des élèves les plus experts

des étayages apportés par le maître. En revanche, s’ils parviennent à


travailler seuls, et cela arrive parfois, c’est que le maître n’avait pas su
évaluer leurs capacités. Ils auront donc eu raison d’insister ; et le maître
aura eu raison de les laisser s’y essayer.
Devant une trop grande absence de lucidité (par exemple, des élèves non
lecteurs qui, au CP, croient savoir lire), c’est l’évaluation qui, froidement,
montrera à l’élève qu’il n’a pas encore la capacité de faire partie du groupe
autonome. Ceci ne doit en rien être considéré comme traumatisant…
Dès que l’élève est conscient de ce qu’il sait faire et de ce qu’il lui reste à
faire, alors, après le petit moment de déception légitime, il se place devant
des obstacles à sa portée.

쎲 Gérer celui qui croit ne pas savoir


À l’inverse, d’autres élèves ayant la capacité de cette autonomie préfère-
ront le confort du groupe et la présence rassurante du maître à leur côté.
Dans ce cas, un élève déjà trop expert risque de s’ennuyer, ne rien
apprendre et se sentir frustré de voir que le maître ne le sollicite jamais,
alors qu’il connaît toutes les réponses. Il est alors essentiel d’inciter cet
élève, avec douceur, à tenter ce travail autonome, en autorisant là encore
les allers-retours avec le groupe-maître, jusqu’à son «envol» effectif.

Les occasions d’un fonctionnement en autonomie

쎲 Travailler sur les mêmes supports


Travailler en autonomie ne signifie pas réaliser une autre activité. Ce n’est
pas le support ou le contenu du support qui change, mais les modalités
de mise en œuvre des tâches demandées.

• • Une autonomisation progressive


Pendant que les élèves qui travailleront autour du maître se regroupent,
celui-ci explique rapidement les consignes à ceux placés en autonomie. Dès
lors, ces derniers peuvent travailler seuls.
Durant ce temps, l’enseignant anime son groupe, composé d’élèves moins
experts. Tout ce qui s’y fait, s’y dit est audible et observable à distance
par les élèves autonomes. Comme le travail qu’ils mènent seuls est le même

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Mettre en place une pédagogie différenciée

que celui du groupe géré par le maître, on constate parfois qu’ils n’hésitent
pas à sélectionner les données construites par l’autre groupe. Ces «bonnes
réponses» sont reprises et mises au service de leur travail personnel. On
les voit alors gommer des réponses qu’ils constatent erronées.
On assiste donc à une autonomisation progressive. Ceux qui sont déjà
très autonomes se concentrent sur leur travail, ne perdant pas de temps
à glaner des informations qui proviennent du groupe-maître. En revanche,
les moins autonomes, bien que seuls face à leur travail, s’associent encore
au groupe-maître par une écoute sélective de ce qui s’y dit. Ainsi, ils ne sont
pas totalement délaissés, et ne sont jamais confrontés à une difficulté
insurmontable.

• • Les interactions entre élèves autonomes


On constate également que ces élèves autonomes prennent l’initiative
de se déplacer vers un camarade. S’en suit un dialogue autour de telle ou
telle réponse, toujours intéressant et constructif. Bien sûr, on empêchera
l’élève de recopier simplement une réponse. Par contre, on favorisera
toujours les interactions entre élèves, moyen également de gagner cette
autonomie. Souvent, en l’expliquant aux autres, on parvient mieux à se
représenter sa tâche. Cette distanciation est une grande aide à la construc-
tion de savoirs et de savoir-faire.

• • Le retour au grand groupe


Les élèves placés en autonomie qui ont terminé leur travail rejoignent tout
naturellement le groupe dirigé par le maître. Ils apportent alors leurs
compétences à ce groupe. Le maître saisira l’opportunité d’exploiter leurs
compétences au profit du groupe. Cette notion est importante, car, par
ce moyen, on fonde de nouveau le groupe-classe. En tout état de cause,
il convient que le groupe-classe soit reconstitué en totalité en fin de séance
pour des validations collectives. Ainsi, la vie de groupe et l’égalité des
apprentissages sont préservées.

쎲 Travailler sur des supports différents


Le travail autonome peut aussi se réaliser lors de plages horaires spécifi-
quement réservées à cette modalité de fonctionnement. Dans ce cas, tous
les élèves visent l’autonomie de leur travail, même si le maître regroupe

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Construire les moyens de l’autonomie des élèves les plus experts

ponctuellement quelques élèves qui ont des difficultés communes. C’est ce


qu’on appelle généralement «plan de travail».
Le maître confie à chaque élève une série de tâches particulières répon-
dant aux besoins de chacun. Il vise ainsi des renforcements en proposant
des activités de remédiation. Chacun n’ayant pas les mêmes besoins, il
distribue donc des supports différents. La bonne stratégie est sans doute
de confier à chaque élève trois à cinq activités différentes qu’il pourra
réaliser dans l’ordre de son choix. Afin de ne pas solliciter le maître, qui a
besoin de se mettre au service d’autres élèves, il faut que les élèves
concernés connaissent la nature des activités proposées. Elles devront donc
utiliser des consignes récurrentes, même si les notions traitées changent,
évidemment. Dans l’idéal, le maître prépare, pour chaque exercice, des
fiches autocorrectives. Pour cela, il peut s’appuyer sur des outils existants
chez différents éditeurs:
Prévelire, Retz Géométrie, MDI (CP – CE1 – CE2)
Lire et lier, Retz Fichiers de numération, PEMF
115 fiches pour aider l’élève (GS – CP – CE1)
en difficulté de lecture, Retz L’Atelier de Mathématiques, Nathan
120 fiches pour aider l’élève (CE1 – CE2 – CM1 – CM2).
à entrer en lecture, Retz
Tout vu tout lu, MDI
(CP – début CE1)
Je lis seul, tu lis seul, Nathan (CP – CM2)
L’Atelier de lecture, Nathan (CP – CM2)
Le Moniteur de lecture A.R.T.H.U.R.,
Nathan (CE1 – CM2)

Attention ! sauf situation exceptionnelle, il est préférable d’éviter de


demander à des élèves avancés de réaliser des activités relevant du
programme de la classe suivante. L’objectif, ici, n’est pas de les faire
progresser de manière verticale, accumulant des connaissances nouvelles,
mais de développer un savoir-faire face à des tâches qui relèvent tout à
fait du programme de la classe où ils se trouvent. Ces situations nouvelles
leur permettront une progression qu’on peut appeler «horizontale», puis-
qu’on donne à ces élèves l’occasion d’élargir leur maîtrise d’une notion
qu’ils connaissent déjà. C’est un approfondissement qu’ils s’approprient de
manière personnelle.
Dans ce cas, il est normal que les élèves moins experts ne réalisent pas

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2MP partie 2 Chap. 1 à 4 5/06/09 10:38 Page 56

Mettre en place une pédagogie différenciée

tout à fait les mêmes activités, car ils bénéficient de l’aide du maître et
tentent d’acquérir, pour le moment, la notion de base, déjà assimilée par
les autres.

Dépasser les obstacles prévisibles


au travail autonome

Laisser des élèves travailler en autonomie, c’est prendre quelques risques


auxquels il convient de réfléchir préalablement. Certaines mises en œuvre
peuvent éviter au maître de se voir débordé.

쎲 Pour éviter le bruit


Les élèves qui travaillent en autonomie ne doivent pas travailler ensemble.
La tâche autonome n’est pas à confondre avec le travail de groupe. Il
n’est donc pas question qu’il y ait du bruit, qui serait la résultante
d’échanges verbaux entre élèves. On tolérera uniquement les interac-
tions et les échanges constructifs. Pour s’en assurer, on ne regroupera pas
les élèves autonomes. Seuls ceux qui travaillent avec le maître se dépla-
cent. Concrètement, la classe doit être aménagée pour favoriser cette mise
en place. Il est donc conseillé de:
– ne pas placer les élèves autonomes les uns à côté des autres. Leurs places
habituelles doivent être bien réparties dans toute la classe. Ainsi, dès que
les élèves qui travaillent avec le maître se déplacent, ceux qui travaillent
seuls se retrouvent réellement isolés;
– prévoir un espace de regroupement bien spécifique (voir chap.1).
Afin d’éviter que les élèves qui travaillent seuls fassent du bruit une fois
leur tâche terminée, nous conseillons deux stratégies:
– Donner suffisamment de travail à réaliser en autonomie, c’est-à-dire
proposer cinq à huit activités en demandant aux élèves de ne réaliser, par
exemple, que les quatre premières. Lorsqu’un élève a terminé ces quatre
questions, le maître lui demande de faire la suite, même si cela ne fait
pas partie du contrat initial.
– Donner l’autorisation aux élèves qui ont terminé leurs activités de rejoindre
le groupe-maître et utiliser leur présence pour dynamiser ce groupe.

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Construire les moyens de l’autonomie des élèves les plus experts

Si, malgré ces règles, les élèves continuent à se déplacer et à parler, le maître
leur rappellera le contrat: travailler seul, c’est chercher des réponses aux
obstacles rencontrés à l’aide des outils de la classe. Cette situation révèle
qu’ils n’ont pas encore saisi ce qu’exige le travail autonome, et si cela est
perçu comme trop difficile, l’élève autonome peut rejoindre le groupe-
maître.
Généralement, l’élève placé en autonomie considère cette situation comme
enviable: c’est une reconnaissance de sa capacité à travailler seul. Ainsi, il
accepte de «jouer le jeu» car il sait qu’en cas de non-respect du contrat,
il sera réintégré, malgré sa volonté, dans l’autre groupe.

쎲 Pour éviter l’absence de travail


Travailler seul, sans le regard du maître, exige de la maturité. Bien souvent,
l’élève l’accepte parce qu’il sait que l’appréciation du maître est seulement
différé. En effet, il est très important que l’élève sache que ce qu’il fait seul
sera finalement évalué par le maître, autant que s’il l’avait fait sous son
regard. Il faut donc que les feuilles d’activités remplies par ces élèves soient
corrigées et même exploitées au sein du groupe-classe. Il n’y aurait rien
de pire que de les laisser de côté.
Il vaut mieux que cette valorisation ne soit pas trop différée dans le temps.
L’élève qui vient de fournir un gros travail a tout naturellement besoin que
ces efforts soient reconnus. C’est la raison pour laquelle nous conseillons
de prolonger l’activité par une mise en commun en grand groupe. Le maître
soumet alors à tous les élèves la feuille d’activités déjà remplie par certains.
Elle sera réalisée collectivement, avec l’aide des élèves autonomes qui expli-
queront aux autres les consignes, éventuellement relèveront quelques
obstacles déjà rencontrés, donneront des précisions sur les réponses, etc.
C’est un bon moyen de valoriser leur travail préalable. Sachant qu’une mise
en commun aura lieu en fin de séance, les élèves autonomes viseront
tout naturellement à s’y préparer en ayant réalisé leurs exercices avec
sérieux.

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3 C h a p i t r e 3

Détecter les difficultés


de chacun

L’idée forte de la différenciation pédagogique est de se donner les moyens


de connaître, de manière objective, les capacités et les lacunes de chaque
élève dans le domaine des compétences de base.

쎲 Attention à la courbe de Gauss !


Différencier n’a de sens que si cela est nécessaire… Souvent, en salle des
maîtres, on entend: «Eh bien, comme tous les ans, j’ai quelques bons élèves,
quelques très faibles et, au milieu, un grand groupe de moyens.»
Pourtant, est-ce toujours bien vrai? S’est-on réellement donné les moyens
d’évaluer ces élèves et de connaître leurs savoir-faire? N’est-on pas en train
d’exiger trop sous prétexte que certains élèves sont excellents? S’est-on
assuré que cette excellence n’est pas devenue la norme que l’on souhaite
voir acquise par tous, alors que les programmes ne nous en demandent
pas autant? Allons encore plus loin: suis-je capable de dire pourquoi je
juge que celui-ci est si peu performant? Me suis-je donné les moyens de
mesurer avec exactitude ce qu’il sait réellement ? Mes évaluations sont-
elles suffisamment diversifiées pour déterminer les limites des compétences
de chaque élève?
Toutes questions qui engagent toutes une même problématique: comment
se donner les moyens de déterminer avec exactitude les compétences déjà
acquises par mes élèves? Sans réponses précises à cette question, on ne
peut pas s’engager dans un travail de différenciation et constituer des
groupes de besoin homogènes et pertinents.

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2MP partie 2 Chap. 1 à 4 5/06/09 10:38 Page 59

Détecter les difficultés de chacun

쎲 Ne pas confondre les compétences de fin de cycle avec


celles exigibles pour chaque période
Les programmes officiels présentent les compétences pour chaque fin de
cycle. Toutes doivent avoir été travaillées. Cependant, il n’a jamais été
demandé qu’elles soient toutes acquises à 100 % et elles peuvent faire
l’objet de travaux intermédiaires qui amènent à construire chacune de
ces compétences.
Dans un premier temps, il convient donc d’établir une programmation
sur le cycle entier et d’isoler les compétences qui seront plus spécifique-
ment, et sans relâche, traitées dans l’année du cycle que l’on a en charge.
Le lieu institutionnel où doivent se construire ces répartitions est le conseil
de cycle. Toutefois, nous reconnaissons que ce travail est parfois trop peu
productif.
On s’appuie donc généralement sur les sommaires des manuels utilisés
en classe, estimant que les auteurs ont pensé leur répartition sur la tota-
lité du cycle. Cela peut être vrai, mais bien souvent les collègues de l’année
précédente n’ont pas utilisé le manuel de la même collection et ont
appliqué une programmation pertinente, mais différente.
Ainsi, les outils d’aide les mieux adaptés à ce jour sont sans doute et encore
les Documents d’accompagnement ou d’application des programmes.
Certes, ces outils se réfèrent aux programmes précédents mais ils sont
encore tout à fait pertinents et, selon un certain nombre d’IEN, encore
en vigueur jusqu’à la parution possible de nouveaux documents. Ils sont
téléchargeables sur le site du Scérén www.cndp.fr

쎲 Évaluer pour connaître les compétences d’un élève


On ne s’interdira pas de donner à certains élèves considérés comme faibles
des évaluations que l’on pourrait estimer trop simples pour le niveau de
la classe. Par exemple, faire repasser les évaluations CE1 à un élève de début
CE2 pour mesurer la base de ses cométences est une démarche instruc-
tive. On s’assure ainsi de la connaissance des compétences qu’il a déjà
acquises pour mieux s’appuyer dessus.

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2MP partie 2 Chap. 1 à 4 5/06/09 10:38 Page 60

Mettre en place une pédagogie différenciée

Exemple d’une grille d’évaluations prédictives à la capacité d’entrer dans les compé-
tences de base de la lecture, que l’on peut faire passer aux élèves de CP courant
septembre.

Grille de passation
Recto

Évaluation de pré-lecteur

Prénom :…………………………………

1. Entoure les lettres dictées.


A Z E R T Y U I O P M L K
J H G F D S Q W X C V B N

2. Entoure les lettres dictées.


a z e r t y u i o p m l k
j h g f d s q w x c v b n

3. Entoure le son dicté. 4. Coche si tu entends «a».


1 2 3 4 5
ru ri ra ro
la ra pa sa bateau chat piste riche main
si mi ti pi
5. Coche si tu entends «s».
to ta tu ti 1 2 3 4 5
vo vu vi va
radis sapin sardine souris chaton
cho po so lo

6. Où entends-tu le son «i»?


1 2 3 4 5

merci poli milou ficelle paradis


7. Où entends-tu le son «t»?
1 2 3 4 5

tapis château toupie peinture karaté

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2MP partie 2 Chap. 1 à 4 5/06/09 10:38 Page 61

Détecter les difficultés de chacun

Verso
8. Entoure trois «r», trois «e» et trois «i».
C’est le jour de la rentrée. Tous les élèves de CP ont un peu peur car c’est
leur premier jour à la Grande école. Dans cette classe, Antonia est la plus
grande. Elle n’a pas peur. Elle a le sourire.

9. Compte les syllabes.


ananas lapin jardin camembert escargot

10. Écris la lettre dictée 11. Écris ton prénom 12. Écris la première lettre.

1 .................................... 1
....................................
2 2

3 13. Lis ces mots 3


maman
4 4
école
5 5
la

Synthèse 1: Maîtrise des lettres


> Cumul des résultats des activités n° 1, 2, 6, 8
Synthèse 2: Maîtrise de la discrimination auditive
> Cumul des résultats des activités n° 4, 5, 7, 9
Synthèse 3: Maîtrise du principe alphabétique
> Cumul des résultats des activités n° 3, 9, 10
Synthèse 4: Maîtrise générale en maîtrise de la langue
> Cumul de toutes les compétences.

À partir de ces résultats individuels, le maître est en mesure de savoir ce


que chaque élève sait faire et de situer ses difficultés majeures. Grâce à
ce type d’évaluations prédictives, il peut structurer les premiers groupes de
besoin. Par exemple, ici, il regroupera ceux qui ont des difficultés en
discrimination auditive pour leur faire travailler cette compétence de
manière particulière et spécifique.
Il est toujours très intéressant d’observer le cumul des compétences
(synthèse 4), mais ce dernier est sans doute trop globalisant. En se donnant
les moyens de regrouper les compétences par nature (synthèses 1 à 3), le
maître peut réellement déterminer les lacunes et les savoirs déjà acquis
de ses élèves. Ainsi, il saura sur quoi intervenir.

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2MP partie 2 Chap. 1 à 4 5/06/09 10:38 Page 62

4 C h a p i t r e 4

Rendre l’élève lucide


sur ses compétences
et sur ce que le maître
attend de lui
L’intitulé de cette partie laisse entrevoir la nécessité que s’établisse une
communication effective entre l’élève et le maître autour des apprentis-
sages. Ce triangle maître-élève-apprentissages qui vise à aider l’élève à se
représenter son travail et à savoir ce que le maître attend de lui, au milieu
de la pluralité des activités qu’on lui soumet, est certainement une des
clés de la réussite de chacun: il s’agit là encore d’une forme de pédagogie
différenciée.
Pour atteindre cet objectif, on s’appuie sur deux points:
– savoir déterminer ce que l’on sait faire et ce qu’il reste à faire;
– valoriser ce qui est déjà acquis et établir une stratégie lucide pour
atteindre ce qui ne l’est pas encore.

쎲 Savoir ce que le maître attend


Une des causes de l’échec scolaire est la difficulté de certains enfants à se
représenter la tâche scolaire et les exigences qu’elle implique. Il importe
donc d’aider chaque élève à construire cette clarté cognitive.
Pour l’élève, cette lucidité commence d’abord par la compréhension de
ce que le maître attend de lui. Le rôle de ce dernier est alors de prendre
le temps d’expliquer, de montrer, de guider.
Lors des évaluations en grand groupe, le maître peut expliquer que toutes
les disciplines ne se valent pas. Certaines compétences sont particulière-
ment importantes et il convient de toujours les réussir, alors que d’autres
ne sont pas essentielles pour le moment, ou plus exactement que les élèves

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2MP partie 2 Chap. 1 à 4 5/06/09 10:38 Page 63

Rendre l’élève lucide sur ses compétences et sur ce que le maître attend de lui

sont actuellement dans une phase d’entraînement et qu’il est donc tout
à fait compréhensible que ces compétences ne soient pas encore acquises.
Lors de cette énumération, le maître doit s’exprimer avec précision. Il
doit nommer clairement les compétences indispensables et celles qui le
sont moins.
Il faut également qu’il prenne le temps d’expliquer à sa classe qu’il existe
des différences de rythme d’apprentissage entre les enfants. Certains
réussissent très rapidement et sans effort, mais d’autres apprennent à un
rythme moins soutenu, et il faut les respecter car rien n’exige d’aller vite.
Ainsi, pour chaque période, il est important de mettre en évidence ce
qu’il est indispensable de savoir faire. Le maître peut même le noter et
l’afficher dans la classe.
Comme les programmes officiels présentent les connaissances et compé-
tences à acquérir par fin de cycle, c’est à l’enseignant de répartir par
périodes ses attendus de base.
Exemple en CP
Au fil des cinq périodes de l’année, le maître explique avec les mots usuels de
la classe quelles sont les compétences qu’il attend de ses élèves.
Par exemple, pour la Toussaint, il a choisi les compétences de base suivantes.
• En maîtrise de la langue:
– entourer des syllabes simples composées des sons connus (ra, mi po, su…)
parmi des listes à choix multiples ;
– discriminer un phonème simple dans un mot prononcé.
• En mathématiques :
– réaliser des collections de 1 à 6 objets ;
– connaître la comptine numérique jusqu’à 12 ;
– écrire sous la dictée les chiffres de 1 à 9.
Dans un premier temps, avant une activité d’entraînement à une de ces compé-
tences, le maître affirme: «J’ai vraiment envie que vous réussissiez cet exercice
car il est très important pour bien avancer de savoir le faire. Il faut que nous
réussissions tous cet exercice avant les vacances de la Toussaint. Ça serait parfait
pour la suite.»
Dans un second temps, lorsque l’activité est corrigée, le maître commente :
«Vous avez bien réussi. Déjà 14 d’entre vous savent bien faire cet exercice. Pour
les autres, ce n’est pas grave, on recommencera plus tard. D’ailleurs, ce n’est
pas si mal.» Puis, il donne des échéances: «On va s’entraîner en petits groupes
cette semaine, et lundi on recommencera le même exercice, pour voir si vous
avez mieux compris.» Lorsqu’on refait l’activité, le maître rappelle le contrat:
« Bon, vous étiez 14 à savoir le faire. Maintenant que nous nous sommes
entraînés, vous serez plus nombreux.» Et ainsi de suite…

63
2MP partie 2 Chap. 1 à 4 5/06/09 10:38 Page 64

Mettre en place une pédagogie différenciée

Cette mise en valeur de certaines compétences clairement identifiées néces-


site que d’autres soient moins fortement mises en évidence. Attention!
cela ne signifie nullement qu’elles seront moins travaillées, seulement on
ne sollicitera pas autant d’implication de l’élève dans ces tâches.

쎲 Entrer en dialogue didactique


À côté de ce débat collectif, il est essentiel d’établir des conversations entre
le maître et chaque élève, notamment les plus en difficulté. Ce temps de
parole, appelé «dialogue didactique», vise à rendre l’élève conscient de
la tâche qu’il doit accomplir. Dans un entretien bienveillant, qui a géné-
ralement lieu près du bureau où près de la table de l’enfant, le maître
prend le temps de le faire s’exprimer sur son travail.
Lors de cet échange, le maître cherche à savoir comment l’élève évalue ses
compétences. Il intervient aussi de manière à objectiver les résultats
constatés. Afin que ce dialogue ne soit pas abstrait, il convient d’utiliser
un support réel qui favorise le débat. Ce support est généralement un travail
de l’élève évalué par le maître, ou encore le livret d’évaluation trimestriel.
À l’issue de cet échange, l’élève est souvent lucide, rassuré et se représente
clairement ce qu’il sait faire et ce qu’il doit apprendre à faire. Des
priorités commencent alors à se dessiner.

Exemple en CE1
À une dictée de 10 mots, l’élève en difficulté a obtenu 5/10. Le maître l’invite
à venir le rejoindre avec sa copie. Le dialogue commence toujours par une ques-
tion ouverte du type: «Alors, qu’en penses-tu?». La réponse est généralement
révélatrice de la lucidité de l’élève sur son travail. Le maître sait alors sur quel
registre agir. Si l’élève dit: «C’est nul!», le rôle du maître est, dans un premier
temps, d’analyser avec l’élève tout ce qui est déjà bien réussi et de lui faire
constater, en revenant plusieurs pages en arrière, qu’il y a quelques semaines
il ne savait pas faire cet exercice. L’élève doit constater et comprendre cette
amélioration.
Dans un second temps, le maître et l’élève étudient ce qui n’est pas encore acquis.
Le maître aide l’élève en le questionnant: «Regarde, tu devais écrire “ballon”.
Lis ce que tu as écrit.» Ainsi, il invite l’élève à prendre conscience de son erreur:
«Ah oui, j’ai écrit “dallon”!» Le maître insiste: «Où est ton erreur?» L’élève:
«J’ai mélangé “b” et “d”.» Le maître explique alors: «Oui, c’est dommage, mais
ce n’est pas très grave. » Il citera ainsi quelques exemples sans vouloir être
exhaustif, de peur de surcharger l’élève et de le décourager davantage.

64
2MP partie 2 Chap. 1 à 4 5/06/09 10:38 Page 65

Rendre l’élève lucide sur ses compétences et sur ce que le maître attend de lui

En fin de dialogue, le maître propose un petit contrat: «Bon, dorénavant, il


faut que tu fasses vraiment attention au sens des lettres. » Il conseille une
stratégie: «Si tu as un doute, regarde les sons affichés sur les murs de la classe
pour ne pas te tromper!» Les jours suivants, le maître saisit toutes les occa-
sions pour rappeler à l’élève ce petit contrat. Par exemple, en lecture: «Tu as
vu, c’est le mot “jambon”, pas “jandon” ! », ou lors de l’écriture de la date :
«Nous ne sommes pas “marbi”, mais “mardi”.» Quelque temps après, le maître
refait le point avec cet élève sur cette même question… et sur d’autres.

Exemple en CM1
Le maître vient de rendre les livrets trimestriels. Il convie un élève en difficulté
à venir lui parler du sien. Il lui demande ce qu’il pense de ses résultats.
Généralement, l’élève se dévalorise un peu, ayant une lecture globale de son
livret, ne sachant déterminer les progrès ou les lacunes essentielles. Le rôle du
maître est de commencer par identifier les champs disciplinaires où il a le plus
progressé, en comparant le bulletin avec ceux des trimestres précédents. Il
explique bien à l’élève que derrière la note 7/10, par exemple, l’ambition n’est
pas d’avoir 10/10, mais au moins 8/10, note suffisante sur une compétence
donnée. Il lui fait remarquer que finalement il n’en est pas loin pour bon nombre
d’items. Ensuite, avec l’élève, le maître identifie les moins bons résultats. Il
hiérarchise avec lui les domaines traités et sélectionne ceux qui semblent
prioritaires (par exemple, la lecture). Il interroge l’élève sur l’importance de
cette discipline: «Pourquoi est-il important que tu saches très bien lire?». L’élève
peut répondre de manière assez formelle: «Pour lire des livres.». Il est alors
important de lui expliquer que la lecture n’est pas seulement utile pour lire
des livres, mais aussi pour les mathématiques, l’histoire, les sciences, etc., qu’elle
est à la base de tout apprentissage. Il convient avec l’élève qu’il doit donc
travailler en priorité sur la lecture. Il l’interroge ensuite sur le pourquoi de cette
note moyenne en lecture: «Comment expliques-tu cette note pas formidable?».
L’élève réfléchit: «C’est que je n’arrive jamais à terminer la lecture du texte
avant que l’on commence à poser des questions. Je suis toujours en retard.»
Une fois le problème repéré, il faut en chercher les causes: «Pourquoi cette
lenteur?». «J’ai du mal à me concentrer jusqu’à la fin de la ligne, alors il faut
que je la relise plusieurs fois.» Le maître aide alors l’élève à faire évoluer cette
représentation: «Si tu ne te concentres pas jusqu’au bout, c’est peut-être parce
que tu mets trop d’énergie dans le déchiffrement de certains mots. En fait, il
faudrait que tu arrives à mieux déchiffrer les mots. » Puis il lui propose un
contrat : « Il faut donc que tu t’entraînes à lire des mots toujours plus vite,
toujours mieux. Ainsi, quand tu seras face à un texte, tu les identifieras tout
de suite et sans effort. C’est comme ça que lisent ceux qui arrivent à lire vite.»
Le maître convient avec l’élève que, dans la période à venir, ils viseront cet
objectif. Pour ce faire, le maître lui soumettra des exercices qui lui feront
travailler ce domaine de compétences.

65
3MP partie 2 Chap. 5 5/06/09 10:39 Page 66

5 C h a p i t r e 5

Le travail individualisé

Il arrive que, dans des situations trop collectives, l’élève faible ou moyen
se glisse dans l’anonymat, par habitude et par confort, attendant que des
camarades plus experts répondent, voire réfléchissent, sans qu’il ait besoin
d’intervenir. Bien involontairement, l’enseignant renforce la passivité de
l’élève faible ou moyen en accueillant une réponse du groupe-classe,
souvent formulée par les mêmes élèves. Pour éviter cette situation et l’aug-
mentation des écarts entre élèves, chaque enfant doit d’abord progresser
par lui-même. C’est pourquoi il est intéressant que chaque élève confronte
ses performances actuelles à celles qu’il possédait quelque temps aupara-
vant. Ainsi, il prend conscience de ses progrès, ce qui peut être un facteur
de motivation.
Cette démarche nécessite de garder en mémoire les performances de
chacun. Dans ce chapitre, nous présentons donc trois activités types qui
illustrent cette modalité.

Mémoriser des mots-outils


Cycle 2 (CP/CE1)

Objectif : Améliorer sa lecture automatisée de mots-outils.

Compétences (I. O.) : – Lire aisément les mots les plus fréquemment rencontrés
(dits mots-outils).
– Identifier instantanément la plupart des mots courts
(jusqu’à 4 ou 5 lettres) et les mots longs les plus fréquents.

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3MP partie 2 Chap. 5 5/06/09 10:39 Page 67

Le travail individualisé

Organisation : – Collective : les élèves sont regroupés face à la liste des


mots-outils.
– Individuelle : chaque élève se déplace avec l’enseignant
(ou avec un camarade «arbitre») face à la liste des mots-
outils.

Matériel : – Une grille de relevé par élève, sous pochette plastifiée.


– La liste de mots outils apposée sur un mur de la classe.
– Un chronomètre ou une montre avec trotteuse.

쎲 Prérequis
Au fil des lectures et découvertes, et de manière évolutive, l’enseignant
regroupe les mots-outils (pronoms, adverbes, prépositions, locutions, etc.)
sur une feuille affichée dans la classe. Ces mots ont fait l’objet d’une mémo-
risation visuelle (au CP) ou éventuellement écrite (au CE1).

Exemple d’affiche de mots-outils dans la classe : le girafon

쎲 Déroulement
Le maître demande à chaque élève de lire à haute voix une liste de mots-
outils le plus rapidement possible, en lui indiquant qu’il doit aller plus vite
que lors de sa dernière tentative. Le maître (ou un autre élève) chronomètre
la performance et demande à l’élève de la comparer avec ses scores précé-
dents. Cette nouvelle performance est notée sur la grille «mémoire ». Les
élèves commentent tous ensemble (ou en binôme) chaque performance ;
ce sera l’occasion d’analyser les problèmes, de comprendre la réussite,
d’apporter des conseils, et surtout de valoriser les efforts et les progrès.

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3MP partie 2 Chap. 5 5/06/09 10:39 Page 68

Mettre en place une pédagogie différenciée

Exemple de liste de mots-outils à connaître au cycle 2

alors donc non


après elle nous
assez encore oui
aujourd’hui ensuite parce que
autour est parfois
autre hélas pendant
avec hier plus
beaucoup il pour
bien il a pourquoi
bien sûr il est quand
bientôt il y a quatre
ça j’ai quelque
car jamais qu’est-ce que …
ce je qui
ceci je suis se
cela jusqu’à sur
c’est la toujours
chez le très
cinq les trois
comme lorsque trop
comment lui tu
d’abord ma tu as
dans maintenant tu es
déjà mais un
des merci une
dessous mes voici
dessus moins voilà
deux mon vous
dix … n’est pas … vraiment

L’enseignant peut aussi se référer à la liste des mots les plus fréquents de la
langue française (publiée par Édiscol).

Exemple de grille de relevé de lecture de liste de mots-outils

Prénom : Fatima Classe CP B


Lire des mots outils
date nombre de mots durée de la lecture
le 7 décembre 37 20 secondes ☺
le 16 décembre 38 22 secondes 
le 6 janvier 38 19 secondes ☺
le 18 janvier 43 20 secondes ☺

À droite, l’élève s’auto-évalue après une analyse de son résultat avec l’enseignant
ou avec un camarade.

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3MP partie 2 Chap. 5 5/06/09 10:39 Page 69

Le travail individualisé

쎲 Analyse de la différenciation
Pour cette activité, les élèves travaillent sur le même support, soit la même
liste de mots. Il ne s’agit à aucun moment d’introduire des mots supplé-
mentaires pour les plus rapides. Chaque élève visant à progresser et à
dépasser sa compétence initiale, on n’opposera pas les résultats des
meilleurs avec ceux des moins bons.
Ainsi, chacun améliore sa performance sans qu’aucun écart ne se creuse
entre les élèves. La prudence voudra qu’on leur laisse le choix de participer
ou non, bien que tous soient invités à le faire par l’enseignant ou par les
camarades.

Lecture autonome de livres


Cycle 2 (CP/CE1)

Objectif : Améliorer sa fluidité de lecture.

Compétences (I. O.) : – Lire ou écouter lire des œuvres intégrales, notamment
de littérature de jeunesse et rendre compte de sa lecture.
– Lire et comprendre un texte littéraire en mémorisant ce
qui a été lu.
– Lire personnellement au moins un livre de littérature par
mois.

Organisation : Chaque élève possède un livre qu’il doit lire seul.

Matériel : Des livres de littérature de jeunesse en nombre suffisant,


triés par difficulté de déchiffrement et de compréhen-
sion (apposer un codage de difficulté identifiable par le
maître, mais pas par les élèves).

쎲 Prérequis
Dès que l’élève réussit à déchiffrer des mots, on l’invite à s’apercevoir
qu’il parvient à lire tout seul des petits livres ou des magazines. Bien
souvent, on laisse les enfants choisir le livre qu’ils désirent. Néanmoins,
ces livres ne sont pas toujours en adéquation avec leurs compétences, si
bien qu’ils risquent d’échouer et alors de se contenter de feuilleter les
pages. Cette approche «libre» du livre est bien sûr à préserver. Mais il est
69
3MP partie 2 Chap. 5 5/06/09 10:39 Page 70

Mettre en place une pédagogie différenciée

aussi souhaitable que l’élève déchiffreur puisse s’apercevoir lucidement


que les compétences qu’il a acquises par ses efforts constants portent
leurs fruits. C’est pourquoi il faut également lui proposer des livres adaptés
à son niveau. Choisis par l’enseignant pour lui, ces livres seront tout autant
chargés de valeur. L’enfant appréciera alors de montrer à son entourage
(et à lui-même) qu’il sait lire.
Nous conseillons au maître d’informer préalablement les parents sur
l’importance de ce projet de lecture autonome, en leur expliquant claire-
ment la différence entre ce projet et celui du choix libre de livres en BCD
ou à la bibliothèque municipale, qui relève d’une autre approche de la
culture littéraire.

쎲 Déroulement
Une fois par semaine, l’enseignant regroupe tous les élèves autour de la
pile des livres sélectionnés. Il rappelle le projet : lire un livre tout seul en
intégralité. Puis, il confie un livre à chaque élève selon son niveau. En les
distribuant, il valorise chacun des livres par des commentaires sur son
intérêt. Il peut aussi demander à des élèves qui l’ont déjà lu d’en parler
et de donner un avis critique. Il convient d’accorder de l’importance à ces
livres afin que chacun ait conscience de ce qu’ils peuvent apporter en termes
de plaisir et de progrès en lecture.
En parallèle, l’enseignant soumet à chaque élève un livre destiné à être
lu à la maison, quand il le souhaitera. Il devra le lire seul, sous l’éventuel
regard bienveillant de ses parents.

Exemples de livres de littérature de jeunesse pouvant faire l’objet d’un fonds


« lecture autonome» :
Dès que l’élève déchiffre des mots simples (niveau 1) :
Les livres de la collection «Petit Tandem» chez Nathan jeunesse, niveau «très
facile», comme Vite, Rator est là ! (G. Jimenes), Isadora a disparu (D. Jones),
Paco, tu m’as volé ma clé (Bishop), Caporal Pipo, salut ! (A. Blum), etc.
Dès que l’élève déchiffre des mots (niveau 2) :
Les livres de la collection «Petit Tandem» chez Nathan jeunesse, niveau « facile »,
comme J’aime pas les côtelettes ! (M. Doinet), J’ai vu une fée sur un vélo
(R. Gouichoux), Il était une fois un loup vert (L. Gillot), etc.
Certains livres de la collection «Mes p’tites histoires» chez Nathan Jeunesse,
comme Le Roi des ogres veut croquer la maîtresse (D. Lévy), Le Doudou de
Siyabou (F. Bobe), Un petit kangourou trop doudou (J. Hoestlandt), etc.

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3MP partie 2 Chap. 5 5/06/09 10:39 Page 71

Le travail individualisé

Dès que l’élève déchiffre des phrases (niveau 3) :


Certains livres de la collection «Mes p’tites histoires» chez Nathan jeunesse,
comme La Boîte à bisous (J. Hoestlandt), Bonne nuit les moutons (Hubert Ben
Kemoun), etc.
Dès que l’élève sait comprendre l’implicite des textes (niveaux 4 à 6) :
Certains livres de la collection «Nathan poche 6-8 ans», comme Le Fils du pirate
(Michel Amelin), T’es plus ma copine (Béatrice Rouer), Le Chevalier Bill Boquet
au secours de la petite souris (Didier Levy) pour le niveau 4 , Le loup qui avait
peur de tout (Anne Rocard), Le soleil a rencontré la lune (Sarah K) pour le
niveau 5, Parfum de sorcière (Clair Arthur), Si j’avais un copain grand et fort
(Catherine Missonnier) pour le niveau 6.
Lorsque l’élève possède un excellent niveau de lecture (niveau 8) :
Certains livres de la collection «Nathan poche 6-8 ans », comme Terriblement
vert ! (Hubert Ben Kemoun), Mimi la fouineuse (Nathalie Zimmermann).

쎲 Analyse de la différenciation
L’enseignant distribue un livre à chaque élève afin que chacun puisse
s’entraîner selon ses besoins. Les élèves, suffisamment lucides, compren-
nent bien que tel enfant bon lecteur aura un livre plus difficile que celui
qui ânonne encore. Sans leur accorder une trop grande importance, il est
souhaitable de ne pas cacher ces différences aux élèves. L’enseignant doit
avant tout valoriser le fait que chacun puisse lire son livre du début à
la fin.
Parfois, de très bons lecteurs souhaitent qu’on leur confie un livre réputé
« facile », pour le simple plaisir de l’histoire. L’enseignant peut accepter
cette démarche à condition de demander aux élèves qui l’ont déjà lu,
souvent moins experts, de le présenter. Ainsi, ces élèves plus faibles se
verront porteurs d’une connaissance que les autres n’ont pas encore. C’est
une occasion suffisamment rare pour ne pas oublier de la valoriser.
Enfin, dans ce projet, les livres ne pourront pas servir pour un quelconque
travail d’évaluation. Il est de la responsabilité de l’enseignant d’avoir évalué
les compétences de l’élève à un autre moment, sur un autre support – en
toute logique, il l’aura fait avant cette activité afin de distribuer les livres
selon le niveau de chacun. Par contre, il sera toujours intéressant de savoir
si l’élève a bien compris le livre qui lui a été confié. Pour s’en assurer,
l’enseignant lui demandera de présenter oralement, en peu de mots, même
malhabiles, l’intérêt du livre en question.

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3MP partie 2 Chap. 5 5/06/09 13:51 Page 72

Mettre en place une pédagogie différenciée

Réussir sur le code


Cycle 2 (CP/CE1)

Objectif : Reprendre une activité du socle de compétences de base.

Compétences (I. O.) : – Distinguer entre la lettre et le son qu’elle transcrit.


– Connaître les correspondances entre les lettres et les sons
dans les graphies simples et complexes.
– Proposer une écriture possible (et phonétiquement
correcte) pour un mot régulier.

Organisation : Les élèves sont à leur table, éventuellement isolés pour


s’assurer qu’ils ne peuvent pas copier sur leurs camarades.

Matériel : Une copie d’une dictée de syllabes d’une période précé-


dente (d’un à trois mois d’écart), qui a été évaluée et
dont on pourra retrouver la trace dans un cahier.

쎲 Prérequis
Depuis le début de l’année, les élèves sont entraînés à la maîtrise des corres-
pondances entre phonèmes et graphèmes, par l’écriture, sous la dictée
de syllabes ou de mots simples. Cette compétence de base est entraînée
à partir des graphèmes et phonèmes étudiés au fil de l’année.

쎲 Déroulement
Ce projet a pour but de faire prendre conscience à l’élève de ses progrès.
Pour l’introduire, l’enseignant peut expliquer aux élèves qu’ils vont refaire
un travail sur les syllabes qu’ils ont déjà effectué au début de l’année, juste
pour voir s’ils ont tous progressé. Il précisera que «c’est très facile !».
L’enseignant distribue une feuille d’activité vierge et dicte les syllabes
simples, à l’identique de l’exercice réalisé quelques mois plus tôt. Il ramasse
ensuite l’ensemble des feuilles pour préserver les productions et opérer
une correction collective.
Une fois qu’il aura corrigé les feuilles, l’enseignant les rend aux élèves, en
se réjouissant de façon expressive des brillants résultats. Puis, il invite chaque
élève moins expert à comparer cette production avec celle qu’il avait

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3MP partie 2 Chap. 5 5/06/09 10:39 Page 73

Le travail individualisé

réalisée au début de l’année, afin de constater et de commenter les progrès


avec lui. Il valorisera les réussites ; l’élève doit se rendre compte qu’il a
progressé depuis le début de l’année.

Exemple d’une dictée de syllabes


Cette dictée réalisée en septembre a été
évaluée et corrigée ; elle est conservée
dans un cahier.

Cette même dictée réalisée en novembre


permet d’apprécier les progrès de l’élève.

쎲 Analyse de la différenciation
En septembre, on travaille sur les syllabes «la», «li», «lo», «ma», «mi»,
«mo», alors qu’en décembre, on étudie «cho», «jou», «roi». Comme elles
utilisent des digrammes (sons à deux lettres), ces dernières syllabes néces-
sitent la mise en œuvre concomitante de trois compétences :
– la maîtrise des phonèmes ([S], [Z], [u], etc.) ;
– la maîtrise des graphèmes («ch», «j», «ou», etc.) ;
– la maîtrise du principe alphabétique, dit «principe de combinatoire».
L’élève déjà en difficulté sur le principe alphabétique se trouve alors face
à de nouveaux obstacles. Ce cumul de compétences à mettre en œuvre
peut bien souvent maintenir l’élève dans la certitude de ses incompétences.
Si on lui demande, fin novembre, d’écrire les syllabes simples de septembre,

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3MP partie 2 Chap. 5 5/06/09 10:39 Page 74

Mettre en place une pédagogie différenciée

ce qui vise à entraîner exclusivement le principe alphabétique, l’élève pourra


constater qu’il a déjà acquis cette compétence, même s’il ne connaît pas
encore les digrammes.
Dans cette activité à réaliser avec tout le groupe-classe, chacun trouve
son intérêt. Pour l’élève moins expert, l’objectif est de lui faire prendre
conscience de ses progrès, quant au plus expert, il aura le plaisir de la
réussite. C’est l’occasion pour chacun de constater qu’il a grandi et
progressé. Ainsi, il est possible de souder le groupe autour d’une réussite,
pour une fois largement partagée.
Cependant, il est possible qu’un élève n’ait malheureusement pas progressé.
Il est alors essentiel d’analyser cet état de fait avec lui. S’il ne parvient pas
à progresser, il importe au moins qu’il se représente ses difficultés et qu’il
en identifie les causes. Cette ébauche de réflexion métalinguistique est
accompagnée par le maître comme cela est expliqué au chapitre 4. Il ne
doit pas laisser l’élève face à la globalité de son échec. Il conviendra de
sérier un certain nombre de savoirs ou savoir-faire et de passer un contrat
avec l’élève pour qu’il progresse sur l’un de ces points particuliers. Pour
notre exemple, le contrat peut consister en l’écriture de chaque lettre
entendue, même si la syllabe n’est pas totalement transcrite ; ou plus
simplement encore, l’enseignant demande à l’élève de se repérer dans
les cases de la grille de réponses.
Il importe donc de choisir un point sur lequel on décide d’agir ensemble
et de réussir, avec l’espoir que cela pourra entraîner d’autres réussites
ultérieures. Il faut absolument éviter que, face à une tâche jugée trop
complexe, l’élève se retrouve décroché, sans aucun repère, sans capacité
à hiérarchiser les microtâches qui lui sont demandées.

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4MP partie 2 Chap. 6 5/06/09 10:41 Page 75

C h a p i t r e 6 6
Organiser le travail en groupe

Il est admis que les interactions entre élèves, les confrontations de


représentations, les comparaisons de procédures, le débat et l’argumen-
tation face au groupe sont des leviers essentiels du progrès de chacun. C’est
la fonction même du groupe-classe, car généralement on n’apprend pas
seul, mais avec les autres. On apprend en s’opposant aux autres, on apprend
des autres. À l’école, même lorsque l’élève est seul face à une tâche, son
apprentissage se fait dans un environnement social et culturel où les autres
ont pleinement leur place et leur rôle. D’autant que chaque production
individuelle est « offerte » au groupe pour confrontation, lors des mises
en commun et des synthèses, qui sont toujours collectives.
Dans le chapitre 3, on a déjà étudié deux modalités de prise en compte
de la relation entre élèves avec l’aide des pairs et par le tutorat. Il s’agit
maintenant de voir comment il est possible de proposer des activités en
petits groupes qui permettent un travail effectif des élèves les plus fragiles,
en ayant pleinement conscience qu’il est difficile de mettre en place ce
genre de pédagogie.

쎲 Vigilance…
Le travail de groupe ne se décrète pas, il se construit. On voit trop souvent
beaucoup d’enfants autour d’une même feuille sur laquelle se déplace un
seul crayon tenu par une seule main. Dans ce genre de situation, l’enfant
fragile n’est presque jamais celui qui écrit, exceptionnellement celui qui
propose, rarement celui qui amende, et très souvent celui qui acquiesce sans
même qu’on lui demande réellement son avis. Ainsi, au fil des expériences
répétées de ce type de modalité, l’enfant moins habile s’habitue à cette

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4MP partie 2 Chap. 6 5/06/09 10:41 Page 76

Mettre en place une pédagogie différenciée

posture d’élève qui au mieux valide, au pire décroche. Pourtant, son prénom
sera apposé en bonne place au bas de la feuille commune. Alors a-t-il
travaillé, profité de ces interactions, progressé ? Rien n’est moins sûr si
l’on n’y prend pas garde. Ce travail de groupe, qui avait pour objectif de
permettre à l’élève fragile d’être épaulé par ses camarades, risque de
produire son inverse : le renforcement des compétences des élèves les plus
forts, qui n’hésiteront pas à prendre l’activité à leur compte, face aux regards
démobilisés des plus faibles. Ainsi, les écarts se creusent.
Pour autant, il n’est pas question de proscrire le travail de groupe. Pour
bien apprendre, l’enfant doit être heureux de faire partie du groupe. Il
est donc nécessaire qu’il y trouve sa place, qu’il soit reconnu, apprécié,
écouté, utile. Ce premier point est à retenir : pour qu’un enfant soit en
condition favorable à l’apprentissage, il faut qu’il se sente bien au sein
du groupe auquel il est associé.
Les projets réels de classe et les sorties en commun (spectacle, visite, site
Web, journal, classe de découverte, etc.) permettent à certains de tirer une
joie du groupe et d’y trouver leur place. Néanmoins, c’est généralement
plus facile en petit comité, où chacun peut prendre une part plus grande,
dès lors que ce groupe est composé par affinités.

쎲 Les groupes par affinités


La force de ce genre de groupe repose sur le fait que ceux qui se sont réunis
l’ont fait par choix. Il est donc probable que ces élèves s’entendent bien
ou, en tout cas, n’entrent pas en conflits stériles.
Ce type de groupe possède une homogénéité, celle du cœur, et une hété-
rogénéité, celle des compétences. On les utilisera au profit des élèves
plus faibles avec l’espoir qu’ils soient aidés par leurs meilleurs camarades.
S’ils sont motivés par la camaraderie ou l’amitié, les élèves plus avancés
sont en effet toujours d’accord pour épauler un plus faible. Dans ce cas,
ils s’appliquent à la tâche.

• • Organisation de ces groupes


En laissant les élèves totalement libres de leur choix, les plus faibles risquent
de ne pas être choisis… Cette terrible situation n’est pas rare. Elle a pour
conséquence de renforcer le sentiment d’exclusion de ces élèves. Pour

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4MP partie 2 Chap. 6 5/06/09 10:41 Page 77

Organiser le travail en groupe

l’éviter, le maître peut nommer « responsables de groupe » les quelques


élèves qui risquent de rester les derniers. Puis, il demande aux autres de
rejoindre librement l’un de ces responsables.
L’enseignant peut aussi créer les groupes en collectant les souhaits des
élèves. Sur une feuille de papier, chacun note trois prénoms d’enfants avec
lesquels il aimerait se retrouver, et deux qu’il ne souhaite pas voir dans
son groupe. Une fois les feuilles collectées, l’enseignant se garde bien de
les montrer. Il procède seul au dépouillement et construit les groupes à
partir des desiderata exprimés. Dans un premier temps, il est vigilant à ne
surtout pas associer des élèves qui ne le souhaitent pas : ce serait une source
de conflits improductifs. Dans un deuxième temps, il tâche de regrouper
ceux qui le désirent : ceux-là travailleront efficacement ensemble. Dans
un troisième temps, il complète les listes avec des enfants qui ne se sont
ni choisis, ni repoussés. Même s’il ne s’agit pas d’un choix de cœur, rien
ne s’oppose à ces associations.

• • Nature des activités pour ces groupes


L’amitié étant le moteur de la réunion, on réserve à ce genre de groupe
des travaux de type « projet », où les enfants doivent prêter leur maté-
riel, accepter de réaliser une pièce unique qui sera la propriété du groupe,
tolérer les idées et propositions des autres, c’est-à-dire l’écriture d’une partie
ou de l’intégralité d’un album, la réalisation de travaux technologiques,
d’une fresque picturale, faire du jardinage, etc. Généralement, ce groupe
affinitaire ne nécessite pas une présence importante de l’enseignant.

• • Pédagogie différenciée
Sommes-nous encore dans un projet de pédagogie différenciée ? Oui,
puisque ce groupe de compétences hétérogènes cherche à réussir ensemble
un projet. L’élève plus faible a le plaisir de profiter de l’aide et des savoirs
de ses amis. Il accepte leurs conseils, les sollicite, et ose plus facilement
montrer ses difficultés. Il observe leurs stratégies, qui deviennent un modèle.
Ses camarades plus experts l’aident par amitié, tolérant ses difficultés.

쎲 Les groupes hétérogènes stricts


Si la classe est un espace social, elle n’est pas qu’un « groupe d’amis ».
Apprendre avec les autres, c’est aussi avoir l’occasion de se confronter avec
des élèves différents de soi, qu’on se doit de respecter en tant que membres

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4MP partie 2 Chap. 6 5/06/09 10:41 Page 78

Mettre en place une pédagogie différenciée

du groupe-classe et avec lesquels on apprend à collaborer sans pour autant


s’en faire des amis. C’est somme toute une situation bien ordinaire, à laquelle
on doit très tôt se préparer. Se confronter à l’altérité permet de prendre
conscience des différences de points de vue, de les analyser, de les respecter
afin de les confronter de manière constructive. En situation ordinaire de
classe, il est donc souhaitable de placer les élèves de sorte qu’ils puissent
très facilement et sans déplacement apprendre à œuvrer ensemble au
sein d’un groupe hétérogène. Libérés des affects, les élèves acceptent bien
la collaboration, parce que c’est la consigne donnée par l’enseignant.

• • Organisation de ces groupes


Ce type de groupe est stable et ne nécessite qu’un changement trois à quatre
fois par an. Il s’agit tout simplement du « groupe-table », composé de
trois à cinq élèves choisis par l’enseignant, qui pensera à respecter la parité
garçon/fille. Il y place un élève parmi les plus experts, un autre parmi les
plus fragiles. Les autres membres du groupe sont de niveaux intermédiaires.
Il faut juste veiller à ce que l’enfant fragile ne s’y sente pas mal à l’aise.
Cette composition plurielle ne signifie pas qu’un élève aura l’ascendant sur
les autres. Il n’y a pas de chef de table (ou alors, il est tournant).

• • Nature des activités pour ces groupes


On y réalise toutes les activités routinières de groupe : partager un même
document, remplir en commun une grille de réponses, jouer à des jeux
éducatifs, se prêter des outils, rechercher des procédures pour résoudre
des situations problèmes, etc. Il s’agit d’une cellule naturelle de vie dans
la classe. C’est aussi dans cette configuration que les élèves mènent leurs
tâches individuelles. Ainsi, dans cette cellule groupe, chaque élève passe
du groupe au travail à deux, au travail individuel et en autonomie, au
travail collectif, sans changer de place.

• • Pédagogie différenciée
Ce n’est pas dans cette configuration que l’élève fragile bénéficie d’un
maximum d’aides. Même si ses camarades de table ne refuseront pas de
l’aider, ce soutien, quelque peu contraint, n’aura pas l’efficacité de celui
de l’ami volontaire.
Par contre, cette situation peut se révéler utile lorsque l’enseignant
regroupe autour de lui (face au tableau par exemple) les élèves qui ont

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4MP partie 2 Chap. 6 5/06/09 10:41 Page 79

Organiser le travail en groupe

besoin d’être épaulés ou de bénéficier d’une leçon d’éclaircissement. Dans


ce cas, les élèves autonomes restés à leurs places ne se retrouvent pas les
uns à côté des autres. Isolés, ils peuvent mener une tâche en autonomie
totale, calme, sans bavardage. L’enseignant peut alors mener sa leçon en
toute tranquillité.

쎲 Les groupes homogènes


Constituer des groupes homogènes au sein d’un groupe-classe hétérogène,
c’est réunir des élèves ayant les mêmes difficultés et les mêmes besoins. En
adaptant ses contenus pédagogiques au niveau de ces élèves, l’enseignant
parvient à les faire progresser davantage.

• • Organisation de ces groupes


Groupe homogène sous-entend niveau similaire, compétences communes,
difficultés récurrentes. Ces groupes ne sont donc constitués qu’après des
évaluations dans un premier temps prédictives, puis dans un second temps
sommatives. Il s’agit d’une nécessité absolue car il n’est pas question de
créer un groupe à partir de la représentation que l’on se fait de tel ou tel
élève. Ces groupes homogènes sont évolutifs au fil de l’année, selon les
variations des compétences constatées après évaluations.

• • Nature des activités pour ces groupes


Dans cette configuration, on ne peut guère viser les interactions entre
élèves. Ayant des difficultés similaires, ils n’ont que peu de décentrations
possibles ou de ressources extérieures à eux-mêmes, autres que l’enseignant.
Ceci est surtout vrai pour le groupe le plus faible. Cette configuration est
utile principalement pour les phases de remédiations et de renforcements
à destination des élèves les plus fragiles.
Que font les autres élèves pendant ce temps ? Si l’on peut comprendre la
nécessité de réunir dans une même unité les plus faibles, afin que
l’enseignant se mette à leur service, rien ne justifie vraiment de réunir les
élèves intermédiaires ensemble, et moins encore les plus forts. Cette
modalité de regroupement est donc sans doute à imaginer ainsi :
– un groupe homogène d’élèves fragiles qui travaillent avec l’enseignant ;
– des élèves qui travaillent en autonomie sur une tâche proche de celle
abordée par le groupe-maître, mais ne nécessitant pas son intervention.

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4MP partie 2 Chap. 6 5/06/09 10:41 Page 80

Mettre en place une pédagogie différenciée

Dans ce cas, on peut envisager deux niveaux de difficultés, les élèves inter-
médiaires bénéficiant d’aides clairement mentionnées sur leur feuille de
travail.
Dans cette perspective, nous ne sommes plus vraiment en travail de groupe.
Cette configuration est développée ailleurs dans l’ouvrage : il s’agit d’un
travail en groupe de besoin.

• • Pédagogie différenciée
L’idée que l’enseignant place les élèves plus avancés en travail autonome
pour réunir autour de lui un groupe d’élèves plus faibles est une moda-
lité excellente, si l’on respecte les garde-fous dont nous nous faisons l’écho
au fil de cet ouvrage.

쎲 À chacun sa tâche, à chacun son mot


Le travail de groupe n’a de fonction que si chaque membre du groupe a
son rôle, et chaque rôle doit être essentiel à la tâche commune.
Concrètement, on peut envisager la trame d’organisation suivante.
a) Collectivement :
– L’enseignant propose la situation-problème et prend le temps de
reformuler. Il annonce la consigne, précise les échéances et les traces qui
devront être fournies.
b) En groupe :
– Chaque élève a une feuille de brouillon. Sur cette feuille, chaque membre
du groupe projette une première représentation de la situation-problème
(schématisation, mots-clés, hypothèses, etc.).
– À partir de ces traces, les membres du groupe opposent leurs perceptions
de la situation. Il s’agit d’une phase orale avec argumentation et débat.
En termes savants, c’est le fameux conflit sociocognitif.
– Le groupe formule une ou plusieurs hypothèses.
c) Collectivement :
– Le rapporteur de chaque groupe expose son ou ses hypothèse(s) lors
d’une mise en commun. On ouvre alors un débat, et l’on reformule des
hypothèses. On établit un protocole pour vérifier l’hypothèse retenue.
d) En groupe :
– Sur brouillon, chaque membre du groupe jette ses premiers axes.

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Organiser le travail en groupe

– Au sein du groupe, les élèves mettent en commun ces traces. Ils en


débattent et prennent une décision.
– Ils rédigent le protocole.
– Ils se répartissent les tâches nécessaires à la résolution du problème en
accord avec le protocole (au besoin le maître les aide).
– Chacun accomplit un travail individuel.
– Puis ils mettent en commun les différents travaux au sein du groupe.
De nouveau, ils en débattent et prennent une décision.
– Sur brouillon, chaque membre du groupe compose sa conclusion.
– Les rédactions sont mises en commun. Une décision est prise avant une
rédaction définitive.
e) Collectivement :
– Les travaux de groupe sont mis en commun. On tire des constats communs
à l’issue d’un débat.
– On accomplit une rédaction collective d’une trace mémoire.

쎲 Ne se priver d’aucune modalité


En conclusion, on retient, comme idée forte, la nécessité de travailler en
groupes au bénéfice des élèves en difficulté.
L’enseignant opte pour des groupes par affinités pour que les élèves aient
le plaisir de travailler et d’aboutir ensemble, entre amis, en se sachant
choisis, appréciés et épaulés. Il s’agit d’un des moteurs de l’entrée dans
les apprentissages.
En revanche, il choisit de composer des groupes hétérogènes pour que
les enfants apprennent à partager, à se confronter aux difficultés,
à comprendre d’autres pratiques et raisonnements. C’est grâce à ces
confrontations que les élèves progressent dans les savoirs, mais aussi dans
le savoir-être.
Enfin, il peut aussi privilégier le travail en groupes homogènes, lorsque des
élèves n’entrent pas dans certains savoirs essentiels. Dans ce cas, il doit
configurer la classe de manière à prendre le temps nécessaire à l’étayage
et à la remédiation.

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5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:43 Page 83

Partie 3
Activités différenciées
visant des contenus
disciplinaires
Chapitre 1 • Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue :
lire des textes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 87
Chapitre 2 • Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue :
produire des écrits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 126
Chapitre 3 • Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue :
outils de la langue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 143
Chapitre 4 • Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue :
acculturation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 153
Chapitre 5 • Pédagogie différenciée et mathématiques . . . p. 171
Chapitre 6 • Pédagogie différenciée et autres champs
disciplinaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 189
5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:43 Page 84

Introduction

Cette partie a pour objectif de montrer comment la pédagogie différenciée


trouve naturellement sa place dans les différents champs disciplinaires
enseignés à l’école élémentaire. Nous donnerons en effet quelques clés
pour adapter à certaines disciplines l’ensemble des démarches, des condi-
tions et des principes directeurs pour la mise en œuvre d’une pédagogie
différenciée dans la classe, exposés dans les parties précédentes.
Avec des cas pratiques, nous démontrerons que la pédagogie différenciée
est un véritable outil au service des apprentissages. Les écarts trop impor-
tants au sein de la classe, souvent facteurs d’échec scolaire, peuvent être
minimisés voire évités grâce à une prise en compte des particularités de
chacun – ainsi les élèves sont plus à l’aise.
Nous nous sommes efforcés de faire des choix sur les contenus disciplinaires,
en fonction des éléments qui ont été fortement développés dans les parties
précédentes, à savoir l’utilisation régulière des évaluations nationales. Il
nous semblait donc nécessaire de proposer de très nombreuses activités
dans le domaine de la maîtrise de la langue française. Dans une moindre
mesure, nous avons fourni une réflexion sur les mathématiques et les types
d’aide qu’il est possible d’apporter aux élèves en difficulté dans ce domaine
disciplinaire.
Il est important de souligner que ce choix n’est pas réducteur car la mise
en place d’une pédagogie différenciée est adaptable à plusieurs activités:
lecture d’un texte, d’une carte, d’un document iconographique, etc. Il s’agit,
chaque fois, de repérer les difficultés de chacun, de dégager une certaine
disponibilité de l’enseignant afin de proposer les structures d’aides adap-
tées. La démarche est donc transférable sans difficulté d’un champ
disciplinaire à un autre.

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5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:43 Page 85

Introduction

Notre choix se justifie aussi du fait que l’essentiel des aides à apporter
aux élèves relève de la maîtrise de la langue, qui est liée aux autres contenus
disciplinaires. La transversalité de ce domaine lui donne en effet un statut
prioritaire. Un élève gêné pour lire un texte ne parviendra pas non plus à
prélever les informations pertinentes dans un énoncé de problème mathé-
matique, ni à s’appuyer sur un extrait de texte en histoire, par exemple.
C’est d’ailleurs la principale critique formulée au sujet des résultats des
évaluations nationales : «cet élève de 6e ne sait pas lire», sans spécifier ce
qu’il ne sait pas lire.
Le temps hebdomadaire consacré à la lecture ou à la production d’écrits
imaginaires (conte, roman, etc.) est prépondérant dans une classe. Ce
constat explique également notre choix car nous cherchons avant tout à
fournir à l’enseignant des outils qu’il utilise principalement dans la classe.
Les activités qui concernent la lecture ou la production d’écrit sont donc
conséquentes. Elles offrent des pistes pour l’enseignant, dans le sens où les
exemples choisis reposent pour l’essentiel sur des écrits fictionnels, même
si la démarche peut s’appliquer à des écrits d’autre nature.
En revanche, il n’est pas question de minimiser les autres domaines
disciplinaires car ils ont leur spécificité. Ils permettent aussi et surtout
d’offrir une variété d’activités dans lesquelles les élèves les plus en difficulté
dans l’apprentissage de la langue peuvent se sentir davantage concernés
et ainsi progresser. Ne connaît-on pas des élèves qui s’extériorisent et
trouvent une place conséquente dans la classe grâce aux séances d’arts
visuels ou d’EPS? Ne voit-on pas d’autres élèves s’investir dans la réalisa-
tion d’une carte de géographie, d’un plan, d’un schéma? Nous en sommes
tout à fait conscients, aussi nous nous attacherons simplement, en fin de
cette troisième partie, à décliner quelques pistes de mise en place d’une
pédagogie différenciée dans ces autres champs disciplinaires.

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C h a p i t r e 1 1
Pédagogie différenciée
et maîtrise de la langue :
lire des textes

Dans les quatre premiers chapitres de cette partie, nous nous efforçons
d’exposer un certain nombre de situations de classe qui montre comment
mettre en place des situations concrètes de pédagogie différenciée dans
le vaste champ de la maîtrise de la langue. Chacune de ces activités modé-
lisantes est présentée sur un support particulier et pour un certain niveau
de classe. Notre volonté est d’illustrer les démarches proposées au plus
près de la vie d’une classe. Elles peuvent évidemment être adaptées aux
réalités des enseignants et à leurs projets, et être déclinées sur d’autres
supports ou pour d’autres niveaux.
Sans volonté de hiérarchiser les domaines d’apprentissage, nous avons
regroupé ces activités autour des quatre axes majeurs préconisés par les
Instructions officielles. On répartira le volume horaire hebdomadaire à part
égale autour de ces quatre axes.
– L’acculturation vise à placer les élèves face à des «lectures vraies» sur
des albums et des œuvres complètes.
– L’acquisition des outils de la langue vise à doter les élèves d’éléments
structuraux et structurants qui mènent au déchiffrage de mots et à la
compréhension d’unités sémantiques courtes, comme la phrase, le para-
graphe et le texte bref.
– La production d’écrits permet aux élèves de réinvestir leurs compétences
culturelles et techniques, et de se projeter dans les complexités et les
richesses de la langue, les ouvrant à de nouvelles situations problèmes
nécessitant de nouvelles acquisitions culturelles et techniques.
– La lecture des textes courts vise à développer chez les élèves des savoirs
et savoir-faire opérants lorsque l’on se trouve face à une masse textuelle.

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5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:43 Page 88

Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

Ce dernier axe fait l’objet de ce premier chapitre. Les séances présentent


plusieurs modalités, permettant d’aider les plus faibles à construire des
stratégies de lecteurs «compreneurs». Ici, on vise l’accès à la lecture auto-
nome de texte, unité sémantique déjà consistante. Pour y parvenir, on invite
les élèves moins experts à mettre en relation les outils dont ils disposent
déjà (stratégie de lecture de mots, compétences syntaxiques, capacité à
construire un sens local autour du paragraphe, repérage de la macro-
structure du texte, identification d’éléments de paratexte). En questionnant
ces textes, on vise à rendre les élèves lucides sur les stratégies qu’ils
emploient, par l’explicitation de leurs démarches. Pour ces activités, la mise
en place de la différenciation pédagogique nécessite généralement
l’organisation de groupes de besoin relativement homogènes.

Questionner un texte au CP
Lecture – Cycle 2

Différenciation : Groupe de besoin autour du maître – les autres élèves en


autonomie.
Objectif : Tous les élèves de la classe découvrent un texte nouveau,
appelé communément le «texte découverte».
Compétences (I. O.) : – Dire de qui ou de quoi parle le texte lu.
– Trouver dans le texte ou son illustration la réponse à
des questions. Reformuler le sens du texte lu.
– Lire des mots réguliers inconnus.
– Acquérir des stratégies de lecteur.
Matériel : – L’affiche texte placée au tableau.
– Un questionnaire lié à ce texte et dupliqué en autant
d’exemplaires que d’élèves lecteurs autonomes.

Exemple d’affiche texte placée au tableau et de questionnaire correspondant

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5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:43 Page 89

Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : lire des textes

Texte d’Éric Battut, extrait de la méthode de lecture Patasson, Delagrave, 2000.

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

쎲 Prérequis
Si les élèves sont déjà habitués à travailler dans cette configuration, il est
possible de laisser les plus experts en autonomie lors de la seconde partie
de la séance.
Le texte à lire est photocopié et agrandi sur une feuille au format A3, ou,
mieux, recopié en script sur une grande affiche afin d’être présenté à
tous les élèves.

쎲 Déroulement
Sous la consigne du maître, tous les élèves ouvrent leur manuel ou leur
album de littérature de jeunesse à la page demandée.
Dans un premier temps, le maître conduit une séance orale, où les élèves
émettent des hypothèses sur le contenu d’un texte en s’appuyant sur les
illustrations qui l’entourent. Au fil des propositions, le maître note les mots
importants (ceux que l’on retrouvera dans le texte affiché au tableau).
On repère aussi la macrostructure du texte. On relève des indices, notam-
ment les éléments de ponctuation, de dialogue par exemple. Riches de
ces hypothèses, les élèves peuvent maintenant entrer véritablement dans
le contenu du texte.
Dès cette seconde étape, il convient de différencier le travail:
– Les élèves déjà lecteurs lisent, seuls, le texte et répondent au crayon à
un questionnaire très simple, sorte de guide de lecture qui invite à iden-
tifier les personnages, repérer les lieux, les situations et tout ce qui relève
de la compréhension littérale et explicite du texte.
– Les autres élèves, non lecteurs, se regroupent face au texte affiché en
grand au tableau. Ils sont assis sur deux bancs selon le même principe
que lors des phases de regroupement à l’école maternelle. Pendant ce court
temps de mise en place, le maître peut donner et expliquer rapidement
les consignes des activités que réalise le groupe d’enfants lecteurs.
Le maître travaille donc directement avec les élèves non lecteurs, en leur
faisant repérer tout d’abord les mots connus. Il s’agit pour l’essentiel des
mots-outils. Les élèves les soulignent, afin d’identifier facilement ceux qu’ils
connaissent déjà. Ils sont aussi invités à s’appuyer sur le paratexte: para-
graphe, ponctuation particulière (dialogues, points d’interrogation…), qui
permet, dès cette étape, d’imaginer d’autres hypothèses auxquelles peuvent
se référer celles qui avaient été initialement envisagées.

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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : lire des textes

Puis, chaque phrase du texte est questionnée. Qui est l’acteur (personnage)?
Sur quoi agit-il (nom)? Quelle action réalise-t-il (verbe)? Les mots inconnus
sont découverts à la fois par un usage des éléments du code et à l’aide
du contexte de la phrase, dont le sens se construit. Ils sont alors reliés
progressivement aux mots connus. Lorsque la phrase a été comprise et
les mots identifiés, elle est lue à haute voix, puis relue plusieurs fois.
Ce procédé est décliné jusqu’à la fin du texte. Dès que trois à quatre phrases
sont lues, le groupe est invité à relire le texte depuis le début, afin que
les liens logiques s’établissent, construisant ainsi une meilleure compré-
hension du texte.
Au cours de cette lecture collective, les élèves ayant travaillé en autonomie
rejoignent leurs camarades de manière échelonnée, dès qu’ils ont terminé
leur tâche. Le maître saisit alors l’opportunité de leur présence pour leur
demander de relire, à leur tour, le texte à haute voix.
En fin de séance, comme ils ont fini leur travail, tous les enfants lecteurs
rejoignent le groupe épaulé par le maître – si certains élèves n’ont pas tout
à fait terminé leur travail, il leur est quand même demandé de venir. La
démarche consiste alors à procéder à des relectures expressives de tout le
texte et de débattre de son sens plus caché: l’implicite du texte, les infé-
rences qu’il convient de réaliser. Ces phases de débat participent d’une
compréhension fine du texte.
En prolongement de cette séance, on travaillera autour du questionnaire
déjà rempli par les élèves plus experts.

쎲 Analyse de la différenciation
Cette activité de lecture d’un texte, qui est aussi considéré comme un objet
culturel (une histoire), commence toujours par un temps collectif. Il est
fondamental que tous les élèves aient ensemble ce vécu de classe, autour
de cet écrit qui n’est pas qu’un simple outil d’apprentissage. Les hypothèses
émises se font en grand groupe. De la même manière, lorsque le texte a
été réellement déchiffré par chacun (seul à sa table, ou en petit groupe
avec le maître), tout ce qui relève du travail d’interprétation du texte, de
l’identification de son sens caché, de la recherche de l’implicite et du culturel
doit aussi être travaillé en grand groupe. Ainsi les élèves progressent et
grandissent ensemble.
En revanche, pour ce qui est du déchiffrement des mots, des phrases, des

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5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:43 Page 92

Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

apprentissages techniques, il n’y a que des avantages à séparer les élèves


en groupes de besoin.

En effet, lors de cette activité type, les élèves lecteurs placés en auto-
nomie évitent ainsi le temps très fastidieux pour eux de l’identification
de mots connus. Leur présence dans le groupe-maître aurait pour
conséquence de priver les élèves qui en ont le plus besoin de travailler
cette identification. Plus sûrement, on leur demanderait de se taire pour
laisser les plus faibles répondre, les plaçant dans une situation d’attente
totalement frustrante et démobilisatrice.

Le groupe de lecteurs moins experts ne peut plus prendre appui sur les
élèves « moteurs » qui, bien souvent, monopolisent la parole. Ils sont
donc obligés d’intervenir. Ils deviennent véritablement acteurs de leur
travail. Dans ce groupe d’enfants possédant les mêmes compétences et
difficultés, les interactions entre élèves sont riches et productives.

On prend le temps nécessaire pour décoder les mots complexes et saisir


le sens des unités courtes que sont certaines phrases. Chaque mot est vu,
lu, relié à ceux qui l’entourent, et jamais survolé, ni deviné. Ainsi, le sens
est construit et les compétences liées à la maîtrise du code, essentielles à
l’apprentissage de la lecture, sont largement renforcées.

Lors du retour des élèves lecteurs, ceux-ci connaissent moins bien le détail
du texte, puisque l’ayant lu seuls, ils auront souvent eu une lecture qui
ne se sera pas arrêtée aux détails. Ainsi, lorsqu’on leur demande de lire le
texte, ils sont confrontés à une tâche ardue puisqu’ils ne possèdent pas
tous les repères construits avec les autres. Il n’est pas rare de voir à ce
moment les élèves plus faibles épauler les plus forts. Il n’est pas rare non
plus de voir les élèves lecteurs prendre conscience, à mesure que le texte
se dévoile, qu’ils ont fait une erreur d’interprétation. Ils retournent alors
librement à leur feuille pour se corriger. Ce regard critique sur son propre
travail est très formateur.

Cette configuration en deux groupes n’est évidemment pas figée pour


toute l’année. Dès qu’un élève gagne en autonomie ou en capacité de
lecture, il est invité à rejoindre les élèves qui travaillent seuls. En début
d’année, deux ou trois élèves travaillent en autonomie! Vers la Toussaint,
ils seront environ cinq ou six, puis à Noël sept à dix, etc. Ceci devient un
objectif motivant pour de nombreux élèves, et le groupe-maître tend
naturellement à se réduire tout au long de l’année.

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5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:43 Page 93

Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : lire des textes

Construire et lire des phrases au CP


Lecture/production d’écrits – Cycle 2

Différenciation : Individualisée, en autonomie, 3 niveaux.

Objectif : Construire des phrases porteuses de sens à l’aide


d’étiquettes-mots.

Compétences (I. O.) : – Dire de qui ou de quoi parle texte lu.


– Reformuler le sens du texte lu.
– Lire des mots réguliers inconnus.

Matériel : – Des mots, extraits d’un texte connu des élèves, écrits
sur des étiquettes et placés ligne à ligne sur trois niveaux.
– Des cubes de numération ou des bûchettes.

Exemple d’étiquettes-mots tirées d’un texte


Texte étudié:
– Non et non, c’est décidé! hurle Tom devant la baignoire. Je ne veux pas me
laver!
Tous les soirs, c’est pareil: Tom refuse de prendre son bain.
Il déteste l’eau qui dégouline dans son dos et le shampoing qui coule dans ses
yeux.
– Un jour, tu seras tellement sale que je ne te reconnaîtrai plus! dit toujours
sa maman.
Pourtant, ce soir, elle a une idée…
Extrait de Dégoûtant comme un éléphant, de Anne Ferrier, coll. «Mes p’tites histoires»,
Nathan, 2005.

Phrases étiquettes sur trois niveaux:

Niveau 1 veux me pas Je ne laver !

Niveau 2 veut Tom pas se ne laver !

Niveau 3 enfant un C’est ne qui laver ! pas veut se

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

쎲 Prérequis
Tous les élèves connaissent le texte qui a été travaillé précédemment en
lecture découverte. Le maître connaît les capacités de chaque élève dans
le domaine du décodage des mots.

쎲 Déroulement
L’enseignant explique la consigne aux élèves: cette activité consiste à réaliser
des phrases à l’aide des étiquettes-mots. Puis, il distribue à chacun un
cube de numération qui lui permettra de savoir quel type de travail il
effectuera. Par exemple, il peut distribuer:
– aux élèves non déchiffreurs, un cube bleu;
– aux élèves faibles déchiffreurs, un cube jaune;
– aux élèves lecteurs, un cube rouge.
Il attribue la bonne phrase à chaque élève. Pour ceux qui ont:
– un cube bleu, il donne les étiquettes qui permettent de construire la
phrase issue du texte: «Je ne veux pas me laver!» (niveau 1);
– un cube jaune, il donne les étiquettes qui permettent de construire une
phrase non issue du texte, mais qui reprend de manière très aisée son
contenu: «Tom ne veut pas se laver!» (niveau 2).
– un cube rouge, il donne les étiquettes qui nécessitent de construire une
phrase dont les mots sont assez éloignés du texte, mais dont le sens est
similaire: «C’est un enfant qui ne veut pas se laver!» (niveau 3).
À l’aide de ciseaux et de colle, chaque élève recompose la bonne phrase.
Le maître passe de table en table et, au besoin, apporte des précisions. Aux
élèves les plus faibles, il peut proposer de s’aider du texte source, puisque
la phrase en est directement issue.
Dès qu’un élève a terminé sa phrase, on lui en donne une nouvelle,
construite sur le même principe, et du même niveau. Par exemple:
Niveau 1: Tom refuse de prendre son bain.
Niveau 2: Tom refuse d’entrer dans la baignoire.
Niveau 3: Chaque soir, ce garçon boudeur refuse de se laver.
Les élèves du groupe intermédiaire qui ont fini peuvent aussi se confronter
à la première phrase de niveau 3. Ceux du groupe le plus avancé sont invités
à aider un camarade de leur choix. Il est possible que certains élèves
réalisent trois phrases, alors que d’autres n’en font qu’une seule.

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5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:43 Page 95

Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : lire des textes

En fin de séance, on lit à haute voix toutes les phrases pour validation.
On acceptera toute phrase cohérente. Par exemple: « Ce garçon boudeur
refuse chaque soir de se laver. »

쎲 Analyse de la différenciation
Tous les élèves de la classe travaillent sur un contenu narratif identique.
Le maître préserve ainsi la cohésion du groupe-classe et évite de creuser
les écarts entre les élèves experts et les plus faibles. L’objectif est donc iden-
tique pour tous, seule la difficulté de l’exercice change. Pour les élèves
du niveau 1, on vise à ce qu’ils sachent reconstruire une phrase dont ils
connaissent le sens, favorisant pour eux le déchiffrement de mots et la
segmentation au sein de la phrase. On incite les autres élèves à déchiffrer
des mots moins aisés, parfois non issus du texte. Par contre, on préserve
toujours le sens.
En proposant trois niveaux de difficulté, chaque élève peut travailler à
partir des compétences qu’il est en train de construire. En réalité, on
distingue même quatre niveaux, puisque parmi les élèves les plus faibles,
certains travaillent avec le texte souche et d’autres non. Les élèves moins
experts trouvent donc un travail à leur dimension.
À l’inverse, on peut envisager de proposer à ceux qui terminent rapide-
ment le travail du niveau supérieur au leur. En confrontant un élève à
une tâche qu’on pensait ne pas lui convenir, l’enseignant se donne le moyen
d’analyser ses performances et éventuellement de décider de le glisser
prochainement dans un groupe supérieur.
On occupe aussi les élèves les plus avancés, soit en leur donnant de nouvelles
phrases, soit en leur demandant d’aider leur camarade, sans pour autant
viser des compétences différentes des autres. Il faut éviter de donner un
travail trop facile à l’enfant expert, car on risquerait de le voir se démo-
biliser et s’installer dans la facilité, posture qu’il pourrait prendre de manière
trop systématique face à son travail.

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

Questionner un texte au CE1


Lecture – Cycle 2

L’organisation de la classe pour cette activité est identique à celle proposée


pour le questionnement de texte en CP.

Différenciation : Groupe de besoin animé par le maître – les autres élèves


en autonomie.

Compétences (I. O.) : – Lire silencieusement un texte en déchiffrant les mots


inconnus.
– Manifester la compréhension d’un texte dans un résumé,
une reformulation, des réponses à des questions.
– Acquérir des stratégies de lecteur.

Matériel : – Le texte à lire est photocopié en autant d’exemplaires


que d’élèves lecteurs peu aguerris.
– Un exemplaire du questionnaire lié à ce texte est prévu
pour chaque élève lecteur autonome.

쎲 Prérequis
Les élèves étant déjà habitués à travailler dans cette configuration, le maître
peut laisser les plus experts en autonomie lors de la seconde partie de la
séance.

쎲 Déroulement
Pour commencer la séance, reprendre en tout point la stratégie employée
pour la séance de CP : analyse des illustrations, émission d’hypothèses,
construction d’un horizon d’attentes.
Puis, comme pour la séance de CP, les élèves bons lecteurs lisent, seuls, le
texte issu du manuel, de l’album ou du roman – on privilégie le support
réel plutôt qu’une photocopie. Ils remplissent ensuite le questionnaire
qui leur est proposé.
Pendant ce temps, les élèves moins experts utilisent une photocopie de
ce même texte (pour pouvoir écrire dessus), dont les lignes sont numéro-
tées pour avoir de meilleurs repères. Ils disposent également à côté d’eux
96
5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:43 Page 97

Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : lire des textes

du support réel. De leur table, ces élèves écoutent le maître animer le


questionnement du texte. Le questionnement est strictement de même
nature que celui utilisé dans la séance de CP ; en revanche, il s’agit main-
tenant d’entourer et de souligner les mots recherchés directement sur la
photocopie du texte.
De nouveau, les élèves plus experts qui ont travaillé en autonomie «rejoi-
gnent» le groupe animé par le maître dès qu’ils ont terminé de remplir
leur questionnaire. Ils doivent alors relire à haute voix le texte, par para-
graphe. Leur capacité de lecture est donc mise au service du groupe-classe.
En fin de séance, tout le monde est revenu dans le groupe-maître – même
ceux qui n’ont pas tout à fait terminé leur questionnaire – pour un temps
d’interprétation du texte. La classe aborde une autre nature de question-
nement : les élèves entrent davantage dans le sens du texte, dans ses
difficultés, dans son implicite, un peu à la manière de ce que l’on ferait
en cycle 3.

쎲 Analyse de la différenciation
Cette analyse ne diffère pas beaucoup de celle développée pour la séance
de CP. On remarque simplement que le questionnement a pour support
une feuille photocopiée, afin de s’assurer que chaque élève suit bien. La
numérotation des lignes du texte permet à l’élève de se repérer, même
après un court moment de «décrochage». De même, entourer ou souli-
gner le mot recherché aide à la concentration et prouve que l’élève suit.
À distance, le maître repère ceux qui entourent le bon mot, ceux qui en
entourent un autre, ceux qui n’entourent pas dans la phrase actuelle-
ment traitée, ceux qui n’entourent rien. Ainsi, il peut adapter à chaque
instant son enseignement, son aide, et distiller les outils utiles au moment
où ils sont nécessaires à tel ou tel élève.
Les élèves plus faibles travaillent sur une photocopie alors que les autres
bénéficient d’une lecture sur support réel. Voilà pourquoi, même si cela
peut paraître encombrant, il est important de demander aux élèves du
groupe-maître de placer aussi le support réel sur leur table. Ainsi, on
préserve l’égalité de traitement, chacun ayant la possibilité de disposer
du support original.
À la fin de la séance, la photocopie manipulée, dont les mots ont été
entourés, soulignés, etc., n’est plus très présentable. Ce n’est pas grave!

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

Cette photocopie n’est qu’un outil d’aide à la lecture. En aucun cas son
contenu n’est évalué. De cette manière, les élèves sont habitués à accepter
qu’elle n’est qu’une aide que le maître peut analyser, mais qu’elle n’est pas
conservée.
Lors de cette première étape d’exploitation du texte, les élèves bons lecteurs
ont rempli tout ou partie d’un questionnaire relatif au texte. Ceux qui
lisaient au sein du groupe-maître n’ont pas pu le faire, c’est pourquoi il
convient de rééquilibrer cette situation lors de la séance suivante, dont
l’objet sera justement l’exploitation de ce questionnaire.

Exploitation écrite d’un texte


Lecture/production d’écrits – Cycle 2

Différenciation : Grand groupe, avec diversification des modalités.

Objectif : Répondre à des questions simples relatives au texte


«découverte» lu par toute la classe.

Compétences (I. O.) : – Manifester la compréhension d’un texte dans un résumé,


une reformulation, des réponses à des questions.

Matériel : – Un exemplaire par élève du texte de lecture.


– Un exemplaire par élève du questionnaire relatif aux
contenus explicites du texte lu.

쎲 Prérequis
Cette séance est la suite directe de l’activité sur le questionnement d’un
texte, traitée p. 88 à 92 pour les CP, et p. 96 à 98 pour les CE1. Le ques-
tionnaire dont il est question ici est donc celui que les élèves lecteurs ont
rempli au crayon pendant que les autres découvraient le texte avec le
maître. Ainsi, au début de cette séance, certains élèves partent d’une grille
déjà remplie, alors que d’autres n’ont encore qu’une copie vierge. Le
texte auquel ce questionnaire se réfère est bien connu des élèves. Il a été
lu en séance de questionnement, puis relu à la maison et en classe.

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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : lire des textes

쎲 Déroulement
La séance débute par une relecture magistrale du texte, visant une remise
en mémoire la plus claire possible de son contenu; le maître sollicite les
élèves les plus experts. Puis il demande à un élève qui a déjà réalisé le travail
seul (lors de la séance différenciée de questionnement de texte) d’expli-
quer la consigne du premier exercice, avec ses propres mots. Le maître
valide l’explication et reformule à son tour la consigne.
Les élèves qui ont un questionnaire vierge y répondent par écrit. Le maître
leur accorde suffisamment de temps. Ceux du groupe de bons lecteurs véri-
fient leurs réponses et rectifient leurs erreurs ou leurs imprécisions. À
ceux qui pensent avoir réussi, le maître demande à voix basse de préparer
l’explication de la consigne suivante.
Après avoir laissé le temps de réflexion et de réalisation de l’exercice 1, le
maître reprend le groupe-classe et demande immédiatement les bonnes
réponses. Il s’appuie alors sur les élèves volontaires, d’un groupe ou de
l’autre. Les réponses sont validées collectivement et un court temps de
correction est accordé avant de passer à l’exercice 2.
De nouveau, pour l’exercice 2, un élève du groupe plus avancé a pour
mission d’expliquer la consigne. Le procédé utilisé est identique jusqu’à
la fin du questionnaire.

쎲 Analyse de la différenciation
Tous les élèves travaillent sur le même support. Certains ont déjà rempli
seuls tout ou partie de ce questionnaire lors de la séance précédente,
alors que d’autres le découvrent. On pourrait donc penser que ces élèves
plus experts vont s’ennuyer et se retrouver en situation d’attente démo-
bilisatrice. Il n’en est rien, car ils ont d’autres rôles à remplir.
Tout d’abord, ils expliquent les consignes, ce qui représente un difficile
travail oral de synthèse, d’appropriation et de transmission. Il ne suffit plus
de comprendre soi-même, mais aussi d’être compris par les autres.
À noter que cet exercice est aussi utile aux meilleurs lecteurs. Au moment
où ils ont rempli ce questionnaire, ils étaient seuls, en situation de décou-
verte autonome du texte, sans étayage du maître. Depuis, ce texte a été
revu, analysé, compris. C’est la raison pour laquelle le maître demande à
ces élèves de vérifier et éventuellement de corriger la grille avec des

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

réponses adaptées, lors de cette nouvelle séance. Il s’agit donc aussi pour
eux d’une vraie séance d’apprentissage.
Les élèves moins experts qui découvrent ce questionnaire bénéficient de
tous les étayages nécessaires. Les consignes leur sont expliquées par leurs
camarades avec des mots qu’ils peuvent comprendre, puis elles sont refor-
mulées par le maître à son tour. Ils ont ensuite le temps de réfléchir,
d’identifier dans le texte le contenu des réponses et enfin de remplir le
questionnaire.
Dans ce moment de travail individuel, les élèves intermédiaires sont mis en
situation de réussite, car ils ne sont pas totalement indépendants face à
l’exercice – des aides leur sont distillées au fil de leur travail. Les élèves les
moins avancés font aussi leurs recherches, parfois avec plus ou moins de
réussite. Néanmoins, la validation et la correction étant quasi immédiates,
ils ne sont pas bloqués dans leurs premières hypothèses.
On peut donc estimer que cette activité à la fois individuelle (chacun remplit
sa grille) et collective (elle est remplie au même rythme pour tous) sert de
base à une différenciation effective sur trois groupes de niveau, chacun y
trouvant naturellement sa juste place. Au final, ce questionnaire sera réussi
par tous et pourra être consigné dans un cahier de classe.

Lire un texte simple


Lecture – Cycle 2

Différenciation : Groupe de besoin d’élèves très faibles autour du maître –


les autres élèves en autonomie.

Objectif : Lire un nouveau texte simple dont on connaît la trame


narrative.

Compétences (I. O.) : – Déchiffrer des mots réguliers inconnus.


– Déchiffrer des phrases simples.
– Acquérir des stratégies de lecteur.

Matériel : – Une copie par élève du nouveau texte.


– Un questionnaire lié à ce texte en autant d’exemplaires
que d’élèves lecteurs autonomes.

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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : lire des textes

쎲 Prérequis
Pour cette séance, l’enseignant écrit un texte court, résumé d’un texte plus
long et plus complexe déjà lu en classe. Il conserve le contenu narratif, mais
les phrases sont encore plus simples. Les élèves ont lu ce texte découverte
dans les jours précédents. Ils l’ont exploité par écrit.

Exemple de texte court relatif au texte Pour qui la fève?, pp. 88-89
Les enfants mangent la galette des Rois.
Ils sont impatients.
Agathe voit la fève.
Louis trouve la fève.
Mais Agathe ne sera pas triste, car il y a une autre fève.

쎲 Déroulement
Le maître présente le texte court à tout le groupe. Les élèves constatent
qu’il est bien relatif à celui étudié lors de séances précédentes.
Il distribue ensuite le questionnaire aux élèves experts et aux élèves
intermédiaires. Les questions posées sont simples et connues : cocher des
personnages, relier des personnages à des actions, vrai/faux, identification
de phrases du texte, constitution de phrases à l’aide d’étiquettes-mots, etc.
Ces enfants travaillent seuls.
Le maître regroupe autour de lui les élèves les plus en difficulté – quatre
à sept autour d’une table ovale ou un groupe de quatre tables d’élèves.
Chacun dispose de son texte court et du texte source déjà étudié. Après
une mise en contexte, les élèves identifient les mots connus, qu’ils entou-
rent directement sur la feuille. Puis le maître procède par questionnement
du texte, comme il le ferait dans une séance de lecture découverte.
Lors de cette activité, le maître insiste pour que les élèves n’en restent
jamais aux hypothèses, mais valident leurs choix en s’appuyant sur le
contenu graphophonologique des mots du texte. On cherchera à éviter
toute devinette et à se concentrer sur le décodage de ces mots mis en
contexte dans des phrases.
En fin de séance, le texte est lu à haute voix par différents élèves.
L’enseignant ramasse les questionnaires, sans qu’ils fassent l’objet d’une
correction collective.

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

Après la séance, le maître analyse les réponses des élèves en autonomie


afin de mesurer le degré de leur capacité à travailler seuls. À un autre
moment, il invitera les élèves en échec à observer avec lui les erreurs
commises. Ensemble, ils chercheront à identifier les causes de ces erreurs
et détermineront des moyens de les dépasser.

쎲 Analyse de la différenciation
Lors de cette séance, le maître se met délibérément au service exclusif
des élèves les moins avancés. Tout naturellement, ces derniers le préoc-
cupent le plus. Il est donc essentiel de dégager du temps pour eux.
Dans cette configuration, les autres élèves travaillent seuls, sans contraintes
excessives, puisque les exercices proposés sont simples. Les enfants les
plus avancés exécutent la tâche, réalisant leur métier d’élève. Ceux d’un
niveau intermédiaire apprennent à travailler en autonomie. En devenant
plus autonomes, ils pourront, à terme, être placés à leur tour plus régu-
lièrement en travail individualisé, avec les élèves experts. Cette condition
est essentielle pour que le maître puisse rester à la disposition de ceux
qui en ont le plus besoin.

Lire un texte dérivé


Lecture – Cycle 2

Différenciation : Groupe de besoin animé par le maître – les autres élèves


en autonomie.

Objectif : Lire un nouveau texte dérivé d’un texte déjà connu.

Compétences (I. O.) : – Déchiffrer des mots réguliers inconnus.


– Déchiffrer des phrases simples.
– Acquérir des stratégies de lecteur.

Matériel : – Une grande affiche où est écrit le texte détourné.


– L’affiche du texte souche étudié précédemment.
– Une copie par élève du texte détourné.
– Un questionnaire lié à ce texte en autant d’exemplaires
que d’élèves lecteurs autonomes.

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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : lire des textes

쎲 Prérequis
L’enseignant écrit un texte dérivé à partir d’un texte découverte lu et
exploité en classe, les jours précédents. Il en reprend la structure et quelques
éléments majeurs du contenu narratif, mais change les situations et les
relations logiques.
Les élèves ayant mémorisé le texte découverte de la semaine se trouvent
face à un nouveau texte. Même s’ils sont aidés par sa structure relative-
ment similaire, ils seront déstabilisés par les nouveaux événements
proposés. Ils seront alors obligés de reconstruire du sens et de déchiffrer
de nouveaux mots.

Exemple de texte détourné du récit Pour qui la fève?, pp. 88-89

Texte d’Éric Battut, extrait de la méthode de lecture Patasson, Delagrave, 2000.

쎲 Déroulement
Le maître place les affiches des deux textes (texte souche et texte dérivé)
côte à côte au tableau. Collectivement, on identifie quelques grands axes
communs, en se posant des questions; par exemple: les personnages et
les lieux sont-ils identiques ? On émet quelques hypothèses, bien qu’on
ne dispose pas d’illustrations avec ce nouveau texte.
Puis le maître procède comme pour un texte découverte: les élèves bons
lecteurs travaillent seuls avec leur texte et leur questionnaire, pendant que

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

les autres, regroupés face au tableau, interrogent le texte avec l’aide du


maître. Lors de ce questionnement, le premier texte se présente comme
un référent qui offre une structure connue. On éclaire le second texte à
l’aide du premier.
Lors de la mise en commun, le groupe-classe analyse plus profondément
le texte dérivé. On relève alors les stratégies de détournement et leurs
effets sur le sens et sur le plaisir du lecteur.

쎲 Analyse de la différenciation
Cette différenciation pédagogique est de même nature que celle de
l’activité sur le questionnement de texte au CP, dont l’analyse est développée
pp. 91-92.

Démarches de lecture à partir


d’un même texte de fiction
Lecture – Cycle 2 (CE1) et cycle 3

Cette séance vise à proposer un ensemble de démarches pour aider les


élèves à lire un texte relativement long en situation d’autonomie. C’est
une activité très courante que les enseignants proposent à leurs élèves, une
fois les premiers apprentissages passés. Pouvoir lire silencieusement un
texte adapté à l’âge des élèves et le comprendre est l’objectif principal
poursuivi.
Toutefois, dans la réalisation de cette tâche, de nombreux élèves présen-
tent des difficultés importantes. Les laisser seuls devant leur texte ne peut
pas les aider à le comprendre et encore moins à en parler. De plus, si cette
activité se répète régulièrement (ce qui est fréquemment le cas), ces élèves
risquent fort de refuser la lecture et de s’en détourner pour longtemps.
L’idée directrice défendue par Roland Goigoux1 est de chercher différentes
voies pour aider les élèves en difficulté à lire le même texte que les autres

1. Roland GOIGOUX est professeur à l’IUFM d’Auvergne.

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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : lire des textes

élèves de la classe. Il s’agit bien de demander la même tâche et de viser


le même objectif pour tous. Il propose donc trois types d’intervention :
avant la lecture collective, durant la lecture proprement dite, lors de
l’exploitation du texte. Nous étudierons, dans un premier temps, ces trois
phases d’intervention.
Dans un second temps, nous aborderons la différenciation pédagogique
à partir de textes divers proposés à la classe, certains élèves pouvant lire
(ou relire) des textes déjà connus ou simplifiés.

쎲 Intervenir avant le temps collectif


Une fois les premiers apprentissages passés, les difficultés que rencon-
trent les élèves en lecture reposent sur les points principaux suivants :
– des difficultés à repérer les enchaînements logiques dans un texte ;
– une mauvaise approche des aspects morphosyntaxiques (mise en page,
paragraphes, noms propres, indices de ponctuation, etc.) ;
– des problèmes liés au lexique ;
– des problèmes relevant du « bagage linguistique » nécessaire à la compré-
hension du texte.
Dans ce cas, il est important de réunir les élèves concernés à la table de
besoins, pendant que les autres découvrent le texte de manière autonome
ou réalisent une toute autre activité.
L’intervention avant la lecture collective peut grandement favoriser les
élèves les plus fragiles et leur permettre de suivre plus aisément, voire
même de participer pour donner leur avis.
En fin d’intervention, il est fondamental de parler du plaisir que cette
lecture peut procurer chez le lecteur. Dans le cas de l’exemple qui suit, le
maître peut décrire l’univers du roman policier, les mots qui le caractéri-
sent, le suspens qui règne ainsi que les hypothèses qui peuvent être
formulées sur la suite de l’histoire. Si le temps le permet, on compare ce
livre avec d’autres du même genre.
S’il juge que c’est nécessaire, l’enseignant n’hésitera pas à lire plusieurs fois
l’intégralité du texte aux élèves qui sont particulièrement en difficulté. Lors
de la phase collective qui suivra ce premier travail, il s’agira pour eux d’une
activité de relecture qui se justifie en elle-même.

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

À titre d’exemple, nous analyserons les différents points que le maître peut
aborder avec certains élèves avant la lecture collective de ce texte poli-
cier, destiné à une classe de cycle 3.
Exemple
Quand j’ai raconté à mes parents, ils ont été formids. Maman a eu l’idée de
déposer, en cachette, le soir, un sac plastique avec de quoi manger dans la
poubelle la plus proche de l’hôtel particulier milliards d’étoiles de Clodo.
C’était un secret.
Donc, je venais de déposer mon sac quand, dans un bruit de freins terrible qui
m’a fait me cacher, une voiture BMW noire a pilé sec à mon niveau. J’ai d’abord
imaginé qu’on allait me kidnapper. Mais papa est inconnu et puis je m’étais
caché.
Deux types louches sont sortis de la BM.
Le premier, un sinistre à lunettes noires, faisait semblant d’aérer le chien minia-
ture qu’il avait aux bras.
« Respire, Trésor. Respire. »
En vrai, il faisait le guet pendant que le deuxième fonçait sur MA poubelle.
Jamais je n’avais vu quelqu’un si pressé de jeter ses ordures, sauf une fois maman
avec une couche de ma sœur, pleine à ras et qui sentait l’enfer. Mais ces types
n’avaient pas des bobines à s’occuper de couches.

Ce sac devait au moins contenir des mygales ou des scorpions.


Un troisième était resté au volant.
Ils sont repartis en trombe.
Je me suis même demandé si ce n’était pas une bombe. À tout hasard, je me
suis jeté à plat ventre.
À part pour mon survêt, il ne s’est rien passé.
Il n’y a qu’à la publicité que les mamans sont joyeuses de laver les taches.
C’est pourquoi j‘ai préféré inventer l’histoire de la racine qui m’avait fait
buter. Entre nous, si j’avais raconté l’histoire de la BM, maman m’aurait collé
une tarte en me priant de ne pas me ficher d’elle en plus.
Et, grâce aux jumelles, j’ai surveillé Clodo.
Il avait ramassé les deux paquets. Pour le mien, il a fait un sourire. Du coup, je
me suis demandé s’il n’avait pas percé notre secret.
Quand il a ouvert l’autre, il a trempé son doigt pour goûter.
Craipeau J.-L., Gare au carnage, Amédée Petipotage !, Nathan jeunesse, « Nathan
poche », 2005.

• • Raconter les grandes lignes du récit


Le maître donne les informations-clés du texte avant la lecture. Puis, il lit
à haute voix des passages choisis, et situe les personnages principaux, les
lieux, les liens logiques.

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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : lire des textes

Voici quelques pistes à partir de l’exemple du roman policier :


– Qui sont Amédée et Clodo ? L’enseignant explique qu’ils sont amis.
Il évoque leur « secret » : Amédée dépose un sac de nourriture dans
la poubelle pour que Clodo puisse manger.
– Qui sont les autres intervenants ? Le maître explique l’arrivée des hommes
« louches » – il localise le mot dans le texte –, qui viennent eux aussi déposer
un paquet dans la poubelle. Il relate la réaction d’Amédée face à ces
hommes : il prend peur et se jette à terre.
– L’enseignant insiste sur l’existence des deux paquets qui semblent bien
différents. On formule des hypothèses sur ce que le second sac contient.
Enfin, le maître demande aux élèves concernés par cette aide de résumer
tous ces points. Éventuellement, il relit certains passages du texte.

• • Repérer l’organisation du texte


Les indices sur l’organisation du texte sont des aides à la lecture chez
certains élèves, alors que pour d’autres ils deviennent des obstacles. Il
faut alors parvenir à attirer l’attention de ces élèves sur ces points, pour
leur montrer que cette organisation du texte apporte un sens.
Dans notre exemple, il est assez aisé de faire repérer :
– Les deux grands paragraphes qui partagent le texte en deux. Cette
séparation met en avant le « sac », car on trouve ce mot dès le début du
second paragraphe. C’est l’objet essentiel dans cette histoire.
– Les nombreuses majuscules qui rythment le texte. Les mots « BMW »,
« BM », « MA » indiquent des objets que l’on peut expliciter. L’utilisation
des majuscules « MA » donne de l’importance à l’aspect possessif : Amédée
s’approprie la poubelle.
– Les noms propres présents dans le texte. On relève « Clodo », mais aussi
« Trésor », que l’on associe au chien miniature. Ce mot pourrait prêter à
confusion dans le contexte de l’histoire.

• • Le lexique
Le lexique est fréquemment un élément de difficulté pour les élèves. Il
est souvent expliqué après la lecture silencieuse, ce qui peut s’avérer trop
tardif. En effet, s’il représente une gêne trop importante, même l’appui
sur le contexte ne permet pas aux élèves les plus fragiles de comprendre
ces mots.

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

Dans l’exemple choisi, le lexique est aussi très lié à l’univers du roman
policier. L’explicitation de ce lexique peut porter sur :
– la signification du mot «formids»;
– ce qu’est une BMW ;
– ce que sont des mygales ou des scorpions ;
– ce que signifie « coller une tarte » ;
– ce que signifie « partir en trombe » ;
– ce qu’est un « survêt ».
De nombreux autres mots ou expressions peuvent être expliqués à partir
de cet extrait de roman policier. L’enseignant s’assurera de la compré-
hension première du lexique en discutant avec les élèves, pour que tous
accèdent ensuite à la compréhension globale du passage.

• • La notion de « bagage linguistique »


Le bagage linguistique représente ce qu’il est nécessaire de connaître pour
pouvoir entrer correctement dans la compréhension du texte. Alain
Bentolila le mentionne souvent en rapport avec l’importance de l’école
maternelle. Il précise que les nombreuses lectures faites par l’enseignant
permettent à l’élève d’acquérir de multiples représentations, et d’avoir
en tête diverses images, grâce auxquelles il pourra entrer dans la compré-
hension d’un texte lors des apprentissages au cours préparatoire2.
Pour notre exemple de roman policier, l’enseignant aide les élèves à définir
ce qui caractérise le genre de l’extrait donné. Les points repérables, en
dehors du lexique abordé précédemment, sont :
– l’ambiance générale de suspens, voire de danger ;
– la peur ressentie par le héros ;
– le type de voiture utilisée par les gangsters : une voiture puissante,
noire ;
– le second sac, objet « litigieux » qui permet les suppositions ;
– l’attitude suspicieuse de certains personnages.
Comme pour le lexique, le maître peut soulever d’autres points qui confè-
rent l’atmosphère propre au genre du « roman policier ». Selon ce qui a
déjà été fait en classe, ces informations premières données à certains élèves
sont plus ou moins allégées.

2. Observatoire national de la lecture (ONL), Apprendre à lire, Odile Jacob/CNDP, 1998.

10 8
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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : lire des textes

Ces quelques pistes pour intervenir avant la lecture collective d’un texte
représentent une différenciation pédagogique apportant une aide
précieuse à ces élèves, en vue de les « armer » pour lire le texte en silence
et à leur place habituelle.
Cette aide première ne sera pas toujours apportée aux mêmes élèves. En
effet, lors des lectures silencieuses, le maître sera attentif à l’attitude des
élèves et, selon, fera évoluer les groupes de besoin. En constatant comment
tel élève entre plus facilement dans un texte, en remarquant aussi comment
il parle plus volontiers de sa lecture, le maître le retire du groupe de besoin
avant le temps de lecture. C’est ainsi que les besoins peuvent se réduire
et l’échec du même coup.

쎲 Aides différenciées durant le temps de lecture


Lorsque le temps de lecture est donné à tous les élèves de la classe, il existe
différents moyens de les aider à ne pas décrocher. Rappelons que l’idée
principale est de faire en sorte que l’élève, même en difficulté, puisse
travailler seul à sa table. Aussi, pour aider certains élèves, il est possible
« d’outiller » le texte à lire, afin de le rendre plus compréhensible et
exploitable.
Les obstacles que les lecteurs faibles rencontrent reposent en effet sur tout
ce que le texte ne dit pas, et qui est pourtant essentiel pour le comprendre.
Cette difficulté est souvent abordée lors de l’explicitation collective, après
la lecture silencieuse ; toutefois la différenciation doit s’opérer au fil de la
lecture, sans que le maître ait besoin d’intervenir de façon importante.
Les difficultés anaphoriques sont aussi récurrentes, surtout lorsque le
pronom est assez éloigné du nom auquel il se rapporte. Les constats sont
similaires pour les lieux ou les périodes. Là encore, il est important d’ou-
tiller le texte en donnant des aides différenciées et spécifiques.
De la même façon, le texte peut être appareillé pour mettre en évidence
les liens de causalité et ceux de conséquence.
Enfin, il est possible de proposer des itinéraires différenciés de lecture,
c’est-à-dire que le maître peut donner de longs chapitres à certains élèves
et des résumés à d’autres. Ces résumés sont constitués de phrases
relativement simples et accessibles, mais où les idées essentielles du texte
initial sont maintenues. Il est nécessaire d’avertir le groupe d’élèves visés
que leur texte est une adaptation.

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

• • Ce que le texte ne dit pas ou les passages ambigus


Les parties difficiles à comprendre supposent une bonne représentation
du contexte de l’histoire. Certains élèves se perdent dans leur lecture car
ils ne parviennent pas à saisir les éléments « cachés ». Le principe de diffé-
renciation consiste alors à donner, dans un cadre additif, des éléments de
compréhension de passages délicats pouvant prêter à confusion. Seuls les
élèves faisant l’objet d’une aide disposent de ce texte « outillé ».
Dans l’extrait choisi, dès le premier paragraphe, les élèves sont confrontés
à un contre-sens. Certains peuvent croire en effet que Clodo dort dans
un hôtel particulier, d’autres imaginent même qu’il en est propriétaire.
La tournure de phrase « l’hôtel particulier milliards d’étoiles » signifie en
réalité que Clodo dort à la belle étoile, c’est-à-dire dehors.
Cette difficulté est née du fait que les élèves lisent seulement un extrait
de texte. Le contexte de l’histoire est alors moins facile à cerner. La compré-
hension de cette expression est certainement plus aisée lors de la lecture
intégrale du roman. Cet obstacle est assez courant car les élèves étudient
le plus souvent des extraits de livre, ce qui se justifie par la volonté péda-
gogique de varier les types et les genres de textes et de travailler sur de
courtes unités sémantiques.
Pour combler ces lacunes et aider les élèves ayant des besoins en lecture,
l’extrait est enrichi d’encadrés explicatifs. Ainsi, lors de la lecture silencieuse,
ces enfants ne restent pas bloqués sur certains éléments et poursuivent
leur compréhension du texte.
Propositions d’appareillage du texte
« Quand j’ai raconté à mes parents, ils ont été formids. Maman a eu l’idée de
déposer, en cachette, le soir, un sac plastique avec de quoi manger dans la
poubelle la plus proche de l’hôtel particulier milliards d’étoiles de Clodo. »

Clodo dort à « la belle étoile », c’est-à-dire dehors.

(…)
« Donc, je venais de déposer mon sac quand, dans un bruit de freins terrible
qui m’a fait me cacher, une voiture BMW noire a pilé sec à mon niveau. J’ai
d’abord imaginé qu’on allait me kidnapper. Mais papa est inconnu et puis je
m’étais caché. »

Le papa d’Amédée n’est pas célèbre.


Ce n’est pas une personnalité riche.
Il n’y a pas de raison pour que l’on kidnappe son fils.

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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : lire des textes

(…)
« Jamais je n’avais vu quelqu’un si pressé de jeter ses ordures, sauf une fois
maman avec une couche de ma sœur, pleine à ras et qui sentait l’enfer. Mais
ces types n’avaient pas des bobines à s’occuper de couches. »

Ces truands ne peuvent pas perdre leur temps


à s’occuper d’une couche de bébé.
Ils n’ont pas une vie ordinaire.

(…)
« Ce sac devait au moins contenir des mygales ou des scorpions. »

Comme le personnage jette le sac avec précipitation,


Amédée pense qu’il pourrait contenir des mygales ou des scorpions,
qui sont des animaux dangereux dont on veut s’éloigner
le plus vite possible.

Lors de l’étude du texte, il sera certainement nécessaire de préciser que le sac


ne contient pas ce type d’animaux – croire ceci gênerait considérablement la
compréhension de la suite de l’histoire !

• • Les reprises anaphoriques


Ce second point est aussi à anticiper pour les élèves plus fragiles. Certains
se demandent parfois qui parle dans le texte. En général, les difficultés
apparaissent quand le pronom est relativement éloigné du personnage
auquel il se rapporte. Les élèves sont alors vite perdus et les confusions
dommageables pour la compréhension globale du texte. La solution simple
à ce problème est d’insérer dans le texte, juste après le pronom et entre
parenthèses, le nom correspondant.
Propositions pour notre texte exemple
« Deux types louches sont sortis de la BM.
Le premier, un sinistre à lunettes noires, faisait semblant d’aérer le chien minia-
ture qu’il avait aux bras.
“Respire, Trésor. Respire.”
En vrai, il faisait le guet pendant que le deuxième fonçait sur MA poubelle.
Jamais je n’avais vu quelqu’un si pressé de jeter ses ordures, sauf une fois maman
avec une couche de ma sœur, pleine à ras et qui sentait l’enfer. Mais ces types
n’avaient pas des bobines à s’occuper de couches.
Ce sac devait au moins contenir des mygales ou des scorpions.
Un troisième était resté au volant.
Ils (les trois types) sont repartis en trombe. »

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

Dans ce cas, les élèves peuvent être gênés par la succession d’énumérations
des gestes des trois types « louches ». Le dernier « ils » peut renvoyer à d’autres
personnes dans l’histoire, c’est pourquoi l’aide entre parenthèses peut s’avérer
utile pour certains élèves.

« Et, grâce aux jumelles, j’ai surveillé Clodo.


Il avait ramassé les deux paquets. Pour le mien, il a fait un sourire. Du coup, je
me suis demandé s’il n’avait pas percé notre secret (celui d’Amédée et de ses
parents). »

En rappelant à qui l’adjectif possessif fait référence, on lève une nouvelle


difficulté. Ici l’information renvoie au début du texte, ce qui peut s’avérer gênant
pour quelques élèves.

• • Liens de causalité
Des difficultés apparaissent aussi pour cerner comment tel événement est
lié à tel autre et pourquoi il surgit à un moment précis. Les liens de causa-
lité sont des éléments de structuration du texte et ils sont fondamentaux
pour la compréhension. Les élèves faibles lecteurs sont souvent mal à l’aise
avec ces parties du texte, ce qui nuit grandement à la compréhension
globale. De nouveau, le maître peut apporter des explications sous forme
d’encadrés, en complément de la lecture.

Exemples à partir du texte choisi


« Un troisième était resté au volant.
Ils sont repartis en trombe.
Je me suis même demandé si ce n’était pas une bombe. »

Amédée croit que le sac plastique jeté dans la poubelle est une bombe.
C’est pourquoi il se jette au sol.

Dans ce cas, il n’est pas simple de comprendre que le sac plastique est comparé
à une bombe. Les confusions sont possibles et multiples.

« À tout hasard, je me suis jeté à plat ventre.


À part pour mon survêt, il ne s’est rien passé. »

Il n’y a pas eu d’explosion, mais le survêtement


d’Amédée a été sali par le fait qu’il se soit jeté au sol.

Pour l’élève faible lecteur, il n’est pas simple de décrypter que le survêtement
est taché parce qu’Amédée s’est jeté au sol.

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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : lire des textes

• • Des textes simplifiés pour certains élèves


Pour aider les élèves les plus en difficulté, tout en gardant les objectifs
premiers de la lecture d’un texte, le maître leur distribue un texte « allégé »
ou simplifié. Ce peut être un résumé contenant les éléments principaux
du texte.
Ces textes simplifiés doivent être construits de sorte que les élèves à qui
ils sont donnés puissent participer aux discussions qui suivent le moment
de lecture silencieuse et autonome. Ces discussions portent en général
sur les personnages, les lieux et les événements forts du texte, mais elles
visent aussi le débat interprétatif, nécessaire pour entrer dans une compré-
hension fine.
Exemple de texte simplifié à partir de l’extrait choisi
Amédée a un ami Clodo qui est sans domicile fixe. Sa maman a préparé un
sac rempli de nourriture et Amédée va le déposer secrètement dans une
poubelle pour que son ami le trouve et se nourrisse.

Trois hommes louches sortent alors d’une voiture noire et foncent vers la
poubelle dans laquelle ils jettent un autre sac. Amédée prend peur alors que
les hommes repartent à vive allure dans leur voiture noire.

De retour chez lui, Amédée surveille son ami grâce à des jumelles.
Clodo récupère les deux sacs dans la poubelle. Il sourit lorsqu’il ouvre le sac
d’Amédée. Il goûte avec son doigt le contenu de l’autre sac.

Cet exemple de résumé a l’avantage de donner aux élèves un texte bien


plus court et certainement plus accessible. Il conserve les idées principales
du texte initial, même si les tournures de phrases originales n’apparais-
sent plus. L’analyse précédente a prouvé que ce sont principalement ces
tournures qui posent des problèmes de compréhension.
Les élèves faisant l’objet d’une aide plus spécifique sont donc dotés de ce
texte simplifié. La lecture se fait individuellement car elle présente moins
d’obstacles et nécessite moins de temps que le texte intégral.
Lors des phases collectives autour du texte, cela n’empêche pas ces élèves
de participer aux débats, de répondre aux questions et de donner leur
point de vue sur les dangers potentiels que peuvent rencontrer Amédée
et Clodo, sur l’identité des «hommes louches », sur le contenu du second
sac, etc.

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

쎲 Aides lors des activités d’exploitation du texte


Une fois la lecture effectuée et les difficultés du texte explicitées, de
multiples activités sont proposées aux élèves. La forme la plus courante
est le questionnaire que ces derniers renseignent individuellement. C’est
une première forme d’évaluation, permettant de mesurer ce que les élèves
ont compris.
Ces quelques principes de différenciation pédagogique sont à respecter
lors des activités d’exploitation du texte.
– Encadrer plus fortement les élèves et revenir fréquemment sur ce qui
est demandé, sur la consigne, sur la façon de répondre, pour viser la qualité
des réponses.
– Pour certains élèves, reprendre le même type de questionnaire que celui
adopté lors de lectures précédentes. Il est assez aisé de demander la même
chose sur des textes différents. Ceci est très sécurisant et structurant, car
pour les élèves plus fragiles en lecture, les difficultés viennent aussi du
fait que la tâche demandée est souvent différente d’un jour à l’autre. De
plus, il est assez simple de voir comment l’élève qui présente des diffi-
cultés peut opérer un transfert de compétences.
– Pour un même questionnaire, alléger le nombre de questions ou les simpli-
fier. Seules les questions portant sur les points principaux de compréhension
du texte peuvent être conservées. C’est un procédé de différenciation qui
respecte le principe d’un même objectif pour tous. Néanmoins, la tâche est
davantage allégée pour les élèves qui sont plus lents, qui rentrent moins
volontiers dans les consignes, qui opèrent des relectures partielles du texte
plus difficilement.
– À part, à la table des besoins par exemple, demander à l’élève de raconter
ce qu’il a lu. Cette médiation à l’oral est particulièrement productive et
permet la justification. Dans ce cas, l’approche est très individualisée. Cette
différenciation s’avère performante pour aider les élèves à synthétiser le
texte lu. Parfois, le maître découvre avec surprise que l’élève montre de
grandes incompréhensions, voire des écarts de sens importants avec le texte
initial. Il peut alors remédier à ce problème et orienter l’élève vers une
compréhension correcte de l’extrait étudié.

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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : lire des textes

Questionnaire proposé pour l’extrait exploité

I – À propos des différents personnages évoqués dans cet extrait.


Quels sont les personnages de la famille du narrateur ?
................................................................................................................................................
................................................................................................................................................
Qui est « Trésor » ?
................................................................................................................................................
................................................................................................................................................
Quels peuvent être les liens entre Clodo et le narrateur ?
................................................................................................................................................
................................................................................................................................................

II – Où se trouve le narrateur dans cette histoire ? (évoquer deux lieux différents)


................................................................................................................................................
................................................................................................................................................

III – Expliquer les passages du texte.


« L’hôtel particulier milliards d’étoiles de Clodo. »
................................................................................................................................................
................................................................................................................................................
« Ce sac devait au moins contenir des mygales ou des scorpions. »
................................................................................................................................................
................................................................................................................................................
« Ils sont repartis en trombe. »
................................................................................................................................................
................................................................................................................................................
« À part pour mon survêt, il ne s’est rien passé. »
................................................................................................................................................
................................................................................................................................................

IV – Répondre aux questions.


Pourquoi les parents sont-ils « formids » ?
................................................................................................................................................
................................................................................................................................................
Combien y a-t-il de types « louches » dans cet extrait ? Relève les passages du texte
qui le prouvent.
................................................................................................................................................
................................................................................................................................................
................................................................................................................................................
................................................................................................................................................
Pourquoi le narrateur évoque-t-il la publicité ? Que préfère-t-il dire à sa mère ?
................................................................................................................................................
................................................................................................................................................
................................................................................................................................................
................................................................................................................................................
Imagine ce que peut bien contenir ce second sac.
................................................................................................................................................
................................................................................................................................................
De quel secret parle le narrateur à la fin du texte ?
................................................................................................................................................
................................................................................................................................................

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

Dans l’idée d’alléger ce questionnaire à destination d’élèves ciblés, il est


possible de réduire le nombre de questions et de n’en garder que les essen-
tielles à la compréhension du texte. On peut distribuer le questionnaire
simplifié suivant.

I – À propos des différents personnages évoqués dans cet extrait.


Quels sont les personnages de la famille du narrateur ?
................................................................................................................................................
................................................................................................................................................

II – Où se trouve le narrateur dans cette histoire ? (évoquer deux lieux différents)


................................................................................................................................................
................................................................................................................................................

III – Expliquer les passages du texte.


« Ce sac devait au moins contenir des mygales ou des scorpions. »
................................................................................................................................................
................................................................................................................................................
« À part pour mon survêt, il ne s’est rien passé. »
................................................................................................................................................
................................................................................................................................................

IV – Répondre aux questions.


Pourquoi les parents sont-ils « formids » ?
................................................................................................................................................
................................................................................................................................................
Combien y a-t-il de types « louches » dans cet extrait ? Relève les passages du texte
qui le prouvent.
................................................................................................................................................
................................................................................................................................................
................................................................................................................................................
................................................................................................................................................

Ce questionnaire est considérablement réduit et plus accessible pour les élèves


concernés. Lors des phases communes de correction collective, tous les élèves
auront perçu les points essentiels à la compréhension du texte.

La lecture d’un même texte avec un questionnaire correspondant est bien


l’objectif commun à destination de tous les élèves de la classe. Les moyens
pour y parvenir peuvent toutefois être modifiés et différenciés selon les
nécessités de chacun. Le résumé et/ou le questionnaire allégé sont des illus-
trations de différenciation pédagogique simples à mettre en place et très
efficaces. Toutefois, il est toujours important de préserver la compréhen-
sion du texte, la réponse à un questionnaire, la possibilité pour chacun
de parler et de débattre à partir du texte.

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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : lire des textes

Démarches de lecture à partir


d’un texte différent
ou d’activités différentes
Lecture – Cycle 2 (CE1) et cycle 3

Poursuivre un même objectif pour toute la classe ne nécessite pas forcé-


ment de travailler sur le même support pour tout le monde. En effet, il est
très intéressant de proposer des textes différents, et en particulier, pour
certains élèves, de s’appuyer sur des lectures déjà faites.

쎲 Reprendre des textes déjà lus


Il est particulièrement rare d’utiliser ce corpus de textes, qui une fois lus
et expliqués collectivement sont très peu abordés de nouveau. Pourtant,
l’activité de relecture est un exercice à part entière qui trouve sa place dans
la large panoplie des dispositifs proposés en classe. En effet, bon nombre
d’élèves trouvent matière à progresser à partir d’un tel corpus.
Cette démarche présente des avantages pour les élèves qui font l’objet
d’aides ponctuelles ou régulières.
Tout d’abord, le contexte sémantique étant connu, les élèves identifient
facilement les personnages, les lieux principaux de l’histoire. Cette relec-
ture peut se faire en profondeur et permettre à ces élèves en difficulté
de saisir le sens du texte, car ils n’ont pas de surprise majeure gênant la
compréhension. Les événements perturbateurs dans une histoire sont ceux
qui nécessitent de bien mémoriser les actions antérieures, de se rappeler
le fil de l’histoire. Les élèves rencontrent souvent cette difficulté dans
leur lecture.
Ensuite, le fait d’avoir compris les points principaux de l’histoire favorise
une attention accrue sur les activités d’exploitation de ce texte. Lors de la
découverte d’un nouveau texte, les élèves les plus fragiles doivent à la
fois gérer sa compréhension et celle du questionnaire qui l’accompagne.
Il y a fréquemment une déperdition entre ces deux activités. Comme l’on
mesure principalement le degré de compréhension du texte à la pertinence

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

des réponses apportées au questionnaire (qui est fait la plupart du temps


en situation d’autonomie), les élèves en difficulté échouent souvent à ce
niveau. La connaissance première du texte assure une meilleure réussite
aux nouvelles questions posées.
Enfin, grâce au travail à partir de textes connus, les élèves plus faibles
accèdent à des activités qui jusque-là leur paraissaient trop difficiles – par
exemple, donner des explications approfondies d’un passage, ou tout
simplement lire oralement une partie du texte.

쎲 Donner un nouveau questionnaire


Il est très important de proposer des activités proches de celles données
lors de la première lecture collective du texte. Le maître peut s’inspirer
du questionnaire initial et le modifier, le détourner, proposer de nouvelles
questions.
Exemple de questionnaire modifié qui accompagne l’extrait suivant de
littérature de jeunesse dédié à des élèves de CE2
Moyra a soufflé :
– Sofia, désolée pour ton chat. Je suis sûre qu’il va revenir.
– Moyra ! a dit Mlle Smith.
– Maîtresse, j’essayais juste de consoler Sofia pour son chat !
– C’est vrai, mademoiselle Smith, dis-je en me mouchant de nouveau.
Je ne suis pas un modèle de sagesse, mais je suis honnête.
La classe n’en revenait pas. Tout le monde sait que Moyra et moi sommes des
ennemies mortelles et voilà que soudain nous nous serrions les coudes. Même
Mlle Smith n’en croyait pas ses yeux.
– Cela fait plaisir de voir que vous êtes d’accord pour une fois. Mais nous sommes
censés nous concentrer sur l’Égypte ancienne, pas sur les chats. Encore que les
Égyptiens avaient une véritable passion pour les chats. Ils les considéraient
comme des animaux sacrés. Lorsqu’un ennemi tenait un chat en guise de
bouclier, les soldats égyptiens retenaient leurs traits, de peur de blesser l’animal.
Il y avait même une déesse chatte nommée Bastet. Les Égyptiens lui ont consacré
un grand cimetière de chats. Quand l’un d’eux mourait, son maître se rasait
les sourcils en signe de deuil. Certains chats ont même été momifiés.
– Ouah, des momies ! s’est exclamée Moyra. Parlez-nous encore des momies,
mademoiselle Smith.
Je n’écoutais plus. À voix basse, j’adressais une prière à Bastet.
– Faites que je retrouve Mabel, ô grande déesse Bastet. Je vous en supplie, je
vous en supplie, aidez-moi à la retrouver.
J’ai fermé les yeux. Quand je les ai rouverts, Mlle Smith montrait à la classe la

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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : lire des textes

photo d’un chat. Il était tout en longueur, sans queue ni pattes, mais on recon-
naissait distinctement la tête et les oreilles pointues d’un félin. Comme il paraissait
couvert de tissu plutôt que de poils, j’ai d’abord cru que c’était un jouet.
– Voici une momie de chat…
Et Mlle Smith nous a expliqué en détail comment les Égyptiens s’y prenaient
pour transformer leurs chats en momies. Cette fois, elle avait toute mon
attention.
Wilson J., Ma chère momie, Gallimard Jeunesse, « Folio Cadet », trad. : O. de Broca,
nov. 2003, p. 39-40.

Questionnaire initial

1. Quels sont les rapports ordinaires entre Moyra et Sofia ?


..................................................................................................................................................................
2. Sont-il différents maintenant ?
..................................................................................................................................................................
3. Pourquoi la maîtresse n’en croit-elle pas ses yeux ?
..................................................................................................................................................................
4. Quelle leçon est abordée dans la classe ?
..................................................................................................................................................................
5. Qu’est-ce qui semble intéresser les deux filles dans cette leçon ?
..................................................................................................................................................................
6. À qui Sofia adresse-t-elle une prière et pourquoi ?
..................................................................................................................................................................
7. Qu’est-ce que Mlle Smith explique en détail à ses élèves ?
..................................................................................................................................................................
8. En quoi ces explications pourraient intéresser Sofia ?
..................................................................................................................................................................

Questionnaire transformé lors de la reprise du texte

1. Pourquoi Sofia et Moyra se serrent-elles les coudes ?


..................................................................................................................................................................
2. Pourquoi la classe n’en revient-elle pas ?
..................................................................................................................................................................
3. Retrouve la phrase du texte que dit la maîtresse et qui montre sa satisfaction.
..................................................................................................................................................................
4. Comment les chats sont-ils considérés dans l’Égypte ancienne ?
..................................................................................................................................................................
5. Qui est Bastet ?
..................................................................................................................................................................
6. Quel sort était parfois réservé aux chats lorsqu’ils étaient morts ?
..................................................................................................................................................................
7. Qu’en penses-tu ?
..................................................................................................................................................................
8. Pourquoi Mlle Smith obtient-elle soudainement l’attention de Sofia ?
..................................................................................................................................................................

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

Ces deux questionnaires ont sensiblement la même structure en ce sens


qu’ils portent sur les mêmes parties du texte. Ils diffèrent cependant suffi-
samment pour obliger les élèves à étudier de nouveau le texte et opérer
une seconde lecture.
L’idée n’est donc pas de proposer un questionnaire plus difficile que le
premier, mais de chercher à élargir les questions ou simplement à les
formuler autrement. Le maître attend ainsi un réinvestissement de la part
de l’élève, puis un transfert de compétences d’une activité à l’autre.
En fin d’activité, il est même possible de demander aux élèves de comparer
les deux questionnaires et de trouver les liens qui les unissent. Ce regard
critique et formateur leur permettra de mieux comprendre le rôle d’un
questionnaire. Ils n’en seront que mieux outillés pour répondre à ce type
d’exercice en situation d’autonomie.

쎲 Analyser les réponses données à un questionnaire


Conquérir l’autonomie nécessaire pour répondre à un questionnaire peut
passer par son analyse. Les élèves les plus en difficulté ont peu de regard
critique sur les réponses qu’ils apportent aux différentes questions. Il leur
arrive même de répondre un peu au hasard, lorsqu’ils se retrouvent seuls
devant l’ensemble des questions.
L’idée est alors de proposer à ces élèves plusieurs réponses à un question-
naire, qu’ils vont devoir classer de la plus pertinente à la plus éloignée du
texte. Le maître les place à la table des besoins et une lecture des diffé-
rentes propositions est opérée collectivement. Le reste de la classe dispose
d’un questionnaire ordinaire auquel les élèves répondent de façon
autonome.

Exemple de questionnaire à plusieurs propositions à partir du texte


Ma chère momie, pp. 118-119

1. Pourquoi Sofia et Moyra se serrent-elles les coudes ?


– Car elles sont assises l’une à côté de l’autre.
– Car Moyra veut montrer de la sympathie à Sofia qui vient de perdre sa chatte.
– Car elles luttent toutes les deux contre un danger extérieur.

2. Pourquoi la classe n’en revient-elle pas ?


– Car les fillettes ne se connaissent pas.
– Car les petites filles ne cessent de se disputer en temps normal.

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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : lire des textes

3. Retrouve la phrase du texte que dit la maîtresse et qui montre sa satisfaction.


– « Cela fait plaisir de voir que vous êtes d’accord pour une fois. »
– « Voici une momie de chat… »

4. Comment les chats sont-ils considérés dans l’Égypte ancienne ?


– Comme des dieux ou des déesses.
– Comme de simples animaux domestiques.
– Comme des animaux sacrés.

5. Qui est Bastet ?


– Un pharaon.
– La déesse des chats.

6. Quel sort était parfois réservé aux chats lorsqu’ils étaient morts ?
– Ils étaient jetés dans le Nil.
– Ils étaient momifiés.
– Ils étaient enterrés avec leur maître.

7. Pourquoi Mlle Smith obtient-elle soudainement l’attention de Sofia ?


– Sofia aime les histoires de chat.
– Sofia est dégoûtée par la momification.
– Sofia a peut-être l’idée de momifier Marbel.

Les différentes propositions guident fortement les élèves en difficulté. Elles


leur apportent une aide non négligeable car il est fréquent que ces élèves
ne sachent pas repérer dans le texte les réponses qui conviennent. Il est
donc possible de proposer deux, voire trois réponses par question. L’objectif
est bien de viser la justification : les élèves doivent les classer et expliquer
leur choix en s’appuyant sur le texte. Le recours au texte est ici fondamental
pour apprendre à prélever les informations pertinentes.
Parfois, plusieurs réponses s’avèrent possibles. Par exemple, les réponses
1 et 3 données à la question 4 sont acceptables. L’idée est alors d’amener
les élèves à préciser que la dernière proposition est plus proche du texte,
même si la première n’est pas fausse. Ce classement des réponses relève
d’une approche critique de la lecture.

쎲 Activité à partir de résumés


La notion de résumé peut assez vite être accessible à l’ensemble de la classe.
On le présentera aux élèves comme un court texte qui est le plus fidèle
possible au texte de référence.
Deux résumés sont proposés aux élèves, qui doivent adopter un esprit
critique pour juger lequel est le plus proche du texte initial. Cette activité,

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

inspirée des méthodes de Roland Goigoux, a pour objectif d’amener les


élèves les plus en difficulté à avoir une démarche critique lors de la lecture.
Exemple à partir de l’extrait de Ma chère momie
Résumé 1
Sofia est une petite fille très gentille qui vient de perdre sa petite chatte Marbel.
C’était une petite chatte qui avait été trouvée dans la rue et que la famille de
Sofia avait adoptée.
Lors d’une leçon faite par mademoiselle Smith, la maîtresse qui vient juste d’ar-
river cette année dans l’école où Sofia se rend tous les jours, l’Égypte ancienne
est abordée. La place des chats y est présentée. Dans l’Antiquité, l’Égypte est
une civilisation très brillante avec des pharaons qui, lorsque ces rois mouraient,
étaient placés dans un sarcophage et parfois dans une pyramide. Sofia est
très attentive à la leçon.

Résumé 2
Sofia est une petite fille qui vient de perdre sa petite chatte Marbel.
À l’école, Moyra lui témoigne de la sympathie alors que d’habitude ces deux
petites filles sont ennemies. Leur maîtresse, mademoiselle Smith, leur parle de
l’Égypte antique. Elle évoque les chats qui y étaient considérés comme des
animaux sacrés. Elle explique que la déesse Bastet leur est dédiée. Certains chats
sont même momifiés et la maîtresse présente à la classe une photographie de
momie de chat. Sofia fait une prière à la déesse Bastet, elle aimerait bien que
sa chatte lui revienne. Aussi, lorsque la maîtresse explique comment les momi-
fications sont faites, Sofia écoute tout particulièrement.

La comparaison des deux résumés fait rapidement apparaître que le second


est beaucoup plus proche du texte initial que le premier. L’idée directrice
est d’amener les élèves à justifier leur classement. À ce niveau, les élèves
les plus en difficulté trouvent dans cette activité le moyen de participer à
ces justifications dans la mesure où ils connaissent bien le texte de réfé-
rence. Ce travail peut être décliné avec davantage de résumés à partir d’un
même texte. La comparaison de trois résumés débouche parfois sur des
justifications intéressantes.

쎲 D’autres activités de lecture à partir du texte

• • Commenter d’autres passages


D’autres passages du texte peuvent être commentés par la classe. Dans
notre exemple, l’idée de montrer que les deux petites filles ne sont plus
ennemies est une piste intéressante vers le débat interprétatif. De nouveau,
ce travail à partir d’un texte déjà connu donne l’occasion aux élèves plus

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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : lire des textes

en difficulté de pouvoir participer à ce débat, de donner une opinion, de


s’intégrer davantage à la classe.
Cet extrait de texte peut aussi déboucher sur l’étude des habitudes et des
coutumes de la société égyptienne durant l’Antiquité. Une ouverture vers
l’enseignement de l’histoire est tout à fait possible et même souhaitable.
À ce niveau de compréhension du texte, les élèves les plus faibles perçoivent
davantage les liens possibles entre la littérature et d’autres champs
disciplinaires.

• • Proposer un autre extrait


Il est aussi important de proposer un autre extrait de la même œuvre
littéraire. Les élèves y retrouvent les mêmes personnages et le même
contexte. Le plaisir qu’ils ont pu avoir à la lecture du premier extrait se
transfère sur le second. Ce phénomène est vrai pour tous les élèves de la
classe, et d’autant plus important pour les élèves en difficulté de lecture.
Certains passages étant plus accessibles que d’autres, la différenciation
pédagogique peut très bien déboucher sur des extraits différents selon
les élèves. Ainsi, lors de la phase collective qui suit ces lectures diverses, une
complémentarité se crée entre les groupes, et les élèves les plus fragiles y
trouvent leur compte.
De plus, il peut être judicieux de disposer de l’œuvre intégrale (si possible
en quelques exemplaires) afin de satisfaire l’incitation à la lecture du roman,
d’autant plus motivée par la lecture de ces multiples extraits.

쎲 Autres activités de lecture utilisant la différenciation


Sans les développer entièrement, nous étudions maintenant des activités
de lecture couramment utilisées dans les classes, du CP au CM2, et qui
peuvent tout autant servir de support à la différenciation pédagogique.

• • Les puzzles de lecture


Selon l’âge des élèves et leur degré d’expertise, le maître propose des
puzzles de lecture qui, réalisés collectivement, favorisent la formulation
d’hypothèses, la justification pour l’enchaînement d’une partie à l’autre,
la lecture orale de passages (qui elle aussi nécessite la justification du choix
de l’ordre).

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

Pour l’exercice de reconstitution, les élèves disposent d’aides adaptées à


leurs besoins. Certains bénéficient d’un début de reconstitution déjà
amorcé, alors que d’autres n’ont aucune aide. La tâche est alors identique
pour tous, mais les moyens différents.
Dans le même ordre d’idée, le maître peut demander aux élèves de réaliser
des puzzles différents. L’objectif pédagogique global est évidemment le
même puisque, dans tous les cas, les élèves prélèvent des indices multiples
pour parvenir à reconstituer l’intégralité de l’activité.
Dans le cas où la classe effectue un puzzle de paragraphes, un texte à
reconstituer est partagé en plusieurs parties (de 4 à 8 ou 9 pour les grandes
classes). Pour les élèves en difficulté, le maître indique le paragraphe de
début et celui de fin, avec d’éventuelles aides complémentaires – deux
paragraphes déjà reliés entre eux, par exemple. La reconstitution n’en
est que plus favorisée.
Il est possible que le maître demande aux élèves de faire un puzzle de
phrases, se présentant comme suit : dans un paragraphe tiré d’un extrait
de texte, les phrases sont numérotées et présentées dans le désordre.
La reconstitution est faite dans le souci de retrouver la cohérence de
l’écrit.
Enfin, l’enseignant peut présenter un puzzle d’images aux élèves qui ont
beaucoup de difficulté en lecture. Le prélèvement d’indices leur sera plus
aisé, et par conséquent la reconstitution de l’histoire moins laborieuse.

• • La segmentation des mots


Cette activité portant sur le code est particulièrement présente lors des
premiers apprentissages de la lecture en cours préparatoire. Les élèves sont
très souvent invités à couper des mots, à compter le nombre de syllabes
qui les constituent, à composer de nouveaux mots à partir d’une syllabe
inductrice, etc.
Ce type d’exercice est encore très utile pour certains élèves, même en
cycle 3. Pour peu que cette connaissance phonologique se soit montrée
insuffisante ou incomplète lors de l’apprentissage au CP, les élèves qui
présentent cette difficulté sont considérablement handicapés pour lire
ou pour écrire. Il s’avère alors tout à fait salutaire de leur proposer, sous
forme d’ateliers différenciés, des activités visant l’acquisition indispensable
de ces compétences de lecteur.

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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : lire des textes

En reprenant les travaux de CP avec des mots liés aux préoccupations


d’un élève plus âgé, ou encore à partir d’un corpus lexical issu de lectures
de la classe, ces exercices peuvent être menés de façon simple à la table
des besoins. Les élèves coupent les mots au bon endroit, entourent les
syllabes dictées, construisent de nouveaux mots à partir de syllabes isolées,
retrouvent les différentes graphies d’un phonème, etc.
Il ne s’agit pas d’y passer autant de temps qu’au cours préparatoire ; il est
même souhaitable que ces remédiations soient assez brèves. Néanmoins,
proposer ces activités à des élèves en déperdition de lecture leur est d’un
grand secours et n’est en rien dévalorisant. Le plus déplaisant est de voir
des élèves incapables de lire, butant régulièrement sur des graphèmes mal
maîtrisés. L’aide différenciée se doit aussi d’être précise.

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2 C h a p i t r e 2

Pédagogie différenciée
et maîtrise de la langue :
produire des écrits

La production d’écrits est la voie royale qui permet aux élèves de renforcer
leurs compétences acquises par ailleurs (outils de la langue et culture des
textes). Chaque production donne une fonction à ces acquisitions, les
rendant opérantes, actives, utiles, nécessaires.
Autant que possible, ces activités doivent être inscrites dans un « projet
d’écriture», une situation réelle de communication. Chaque élève produit
donc en sachant qu’il sera lu. Ainsi son écrit acquiert une fonction parti-
culière et ne se présente plus simplement comme un exercice. Cette finalité
de communication motive l’élève à fournir les efforts qualitatifs nécessaires
à sa production.
Ces activités sont généralement des travaux individuels. La différenciation
procède alors par étayages de l’enseignant: aides ponctuelles, usage de
la dictée à l’adulte, apports de structures syntaxiques modélisantes, listes
de mots, etc.
Dans les Instructions officielles de 2002, il est proposé d’écrire à partir de
la littérature de jeunesse, domaine de la maîtrise de la langue qui a fait
une entrée en force dans ces derniers textes officiels. Le texte lu par la
classe devient un «texte souche» à partir duquel il est possible:
– d’imaginer la suite ou le début du texte;
– d’inventer un nouveau chapitre;
– de transformer un chapitre, un paragraphe;
– de détourner un passage, d’en faire le pastiche…
D’autres activités de production d’écrits sont bien sûr possibles, comme le
travail sur la description ou celui qui vise des écrits plus fonctionnels.

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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : produire des écrits

Néanmoins, pour des élèves en difficulté, disposer d’un cadre sémantique


déterminé ainsi que d’une structure déjà définie par le texte souche
représente une aide précieuse.

Produire un écrit par dictée à l’adulte


Production d’écrits – Cycle 2

Différenciation : Individualisée, avec l’aide du maître.

Objectif : Permettre à un élève non ou peu expert dans le domaine


du codage phonologique de produire un réel écrit
structuré.

Compétences (I. O.) : – Concevoir et écrire, avec l’aide du maître, une phrase
simple cohérente, puis plusieurs.
– Comparer sa production écrite à un modèle et rectifier
ses erreurs.

Matériel : Un texte souche et son projet d’écriture.

쎲 Prérequis
Généralement, un projet d’écriture part d’une base, qui peut être une
phrase, ou d’une structure inductrice connue des élèves, souvent issue d’un
texte source. Ce texte souche est souvent issu d’un ouvrage de littérature
de jeunesse ou du manuel de lecture à partir desquels les activités de
production sont menées dans la classe. Il n’est pas obligatoirement long
et sert de structure de référence pour être prolongé ou modifié à partir
d’une consigne donnée. Ce texte permet aux élèves de mieux s’appro-
prier la littérature de jeunesse, de partir d’un support identique pour
tous et de donner un point d’ancrage de référence.
Dans la dictée à l’adulte, chaque phrase doit être formulée en «écrit parlé»,
c’est-à-dire en oral qui s’impose certaines contraintes de l’écrit. L’élève fait
ainsi l’expérience du lien fort entre oral et écrit. Il constate certaines
différences entre l’élocution orale et les contraintes de l’écrit, surtout
127
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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

lorsqu’il voit que ses propositions orales nécessitent d’être reformulées


pour être incorporées à un texte. Cet exercice, très loin de la seule trans-
cription d’un propos oral, relève réellement de la production d’écrit.

쎲 Déroulement
Le projet proposé aux élèves revient à dire: «Nous avons lu une histoire.
Si, à notre tour, nous en écrivions une aussi, différente, mais en s’aidant
de l’histoire que nous avons lue?»
Ainsi, lors d’une situation de production d’écrit, le maître explicite le projet
d’écriture. Généralement, il vaut mieux partir d’un texte souche réfé-
rence qui offre une structure narrative et la syntaxe équilibrée de
nombreuses phrases. Ces outils guident l’élève dans sa propre production.
Avant de lancer les élèves en production individuelle, le maître commence
toujours par une mise en mots à l’oral. À partir du texte souche et des
phrases inductrices du projet d’écriture, il demande à quelques élèves de
raconter leur histoire.
Exemple d’un texte souche, de son projet d’écriture inducteur et de deux
propositions d’élèves
Texte souche travaillé en classe en lecture
Lors des vacances,
la maîtresse m’a confié le lapin de la classe.
J’étais très fier!
Lundi, il a mangé les fils de la télé.
Mardi, il a fait des petites crottes dans les pantoufles de Maman.
Mercredi, il a grignoté les pommes du réfrigérateur.
Jeudi, il a dispersé les papiers de Papa.
Vendredi, il a déchiré mon magazine préféré.
Alors samedi, on s’est fâché!
Et dimanche? Eh bien, il avait… disparu!
Maman a cherché dans les armoires.
Papa a déplacé tous les meubles.
J’ai regardé sous tous les draps.
Et on ne l’a pas trouvé.
Alors j’ai pleuré.
Lundi, que dira la maîtresse?
Pour me consoler, j’ai cherché mon doudou.
Et là, dans ma caisse, entre mon dauphinou et mon nounours, couché sur
mon doudou préféré, il y avait le lapin coquin qui dormait sagement…
Gutman C., Doudou premier, Nathan, « Nathan poche », 2006.

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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : produire des écrits

Projet d’écriture inducteur


Lors des vacances, j’ai trouvé ............ dans ............ .
Lundi, il a…

Propositions orales d’élèves


«Lors des vacances, j’ai trouvé un escargot dans le square.»
Valoriser cette proposition qui respecte bien le projet. En solliciter d’autres:
«Lors des vacances, j’ai trouvé un caillou doré.»
Valoriser cette production, mais relancer en montrant que cet élève n’a pas
précisé le lieu. Le même élève reformule: «Lors des vacances, j’ai trouvé une
pierre dorée dans le sable.»
Après quelques exemples de cette nature, pousser plus avant le projet:
«Alors qu’as-tu fait de ta pierre dorée le lundi?»
L’élève répond: «Je l’ai mise dans ma poche…»

Une fois l’exercice oral terminé, l’enseignant demande à chaque élève de


commencer à produire son texte sur ces bases, sans imiter les proposi-
tions des camarades. En début de production, les phrases inductrices issues
du texte source guident les premiers pas de chaque élève, même les plus
faibles. On constate finalement que les élèves isolent le mot qu’il veulent
remplacer, puis y substituent le mot de leur choix. Ce premier travail est
réalisable par tous. Il est bien évident que, dès cette première phrase, les
élèves les plus experts se libèrent davantage du texte source, tout en
cherchant à respecter la consigne.

Exemples de productions d’élèves par niveau


Élève avancé:
Lors des vacances, j’ai trouvé dans la forêt un bébé lion.
Le lundi, il fait peur à maman.
Mardi, il a réveillé mon petit frère.
Mercredi, il a fait tomber l’armoire sur le plancher.
Ça a fait un gros trou!
Jeudi, il a fait peur à ma voisine.
Vendredi, il a fait pipi dans les chaussures de Maman.
Samedi, à Noël, il a fait peur au Père Noël.
Alors, les enfants n’ont pas eu de cadeaux…

Élève intermédiaire:
Lors des vacances, j’ai trouvé un chat dans la forêt.
Lundi, il a mordu ma maman.
Mardi, il a cassé le vase et les assiettes.
«Oh! ça commence à devenir fou!»

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

Élève moins expert, avec une aide ponctuelle par dictée à l’adulte:
Lors des vacances, dans la forêt, j’ai trouvé un écureuil.
Lundi, mon écureuil a grignoté le parquet.
Mardi, il a croqué les chaussures de maman.
Mercredi, il a mis la bague de maman dans la poubelle.
Jeudi, il voulait des noisettes.

Pendant que les autres élèves produisent leurs textes en autonomie, pour
aller plus avant avec les élèves moins experts, le maître les convie l’un après
l’autre auprès de lui, au bureau ou à la table des besoins, et procède par
dictée à l’adulte. L’élève dicte au maître ce qu’il aurait écrit. Il doit alors
adopter un registre de langue qui se donne les contraintes de la langue
écrite. Le rôle du maître est de lui montrer les correspondances entre ce
qu’il dit et ce que lui-même, enseignant, note sous sa dictée.

Imaginons ce dialogue entre le maître et l’élève qui lui dicte son texte.
L’élève: «Bien moi, je veux un chien.»
Le maître: «Où as-tu trouvé ce chien?»
«– Bien, dans le jardin.
– Alors, fais une phrase. Lors des vacances…
– Lors des vacances, j’ai trouvé un chien dans le jardin.
– D’accord, je note ta phrase: Lors des… vacances… j’ai trouvé… un chien…
dans le… jardin. On la relit ensemble?
– Lors des vacances, j’ai trouvé un chien dans le jardin.
– Alors qu’as-tu fait avec ce chien?
– Bien, je l’ai mis dans ma maison.
– Ah bon, mais pourquoi?
– Parce qu’il était malheureux.
– D’accord, tu l’as ramené chez toi, parce qu’il te semblait malheureux. Alors
tu fais la phrase, pour que je la note. Je l’ai mis…
– Je l’ai mis dans ma maison car il était malheureux.
– Oui. Si on expliquait d’abord seulement qu’il était malheureux.
– Il était malheureux.
– Comment savais-tu qu’il était malheureux?
– Parce qu’il était triste et tout maigre.
– D’accord, allez, on fait une phrase avec ça.
– Il était tout maigre et il était tout triste.
– Je te relis ta phrase. “Il était tout maigre et il était tout triste.” On pourrait
faire plus simple. Il était triste…
– Il était triste et tout maigre.
– Oui, je crois que c’est mieux. Je l’écris comme cela (écrire sur la feuille de
l’élève). On relit cette nouvelle phrase?
– Il était triste et tout maigre.

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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : produire des écrits

– Et depuis le début…
– Lors des vacances, j’ai trouvé un chien dans le jardin. Il était triste et tout
maigre.
– Parfait! Alors qu’as-tu fait?
– Je l’ai ramené chez moi.
– J’écris cela? D’accord? (Écrire sur la feuille de l’élève.) On relit tout.
– Lors des vacances, j’ai trouvé un chien dans le jardin. Il était triste et tout
maigre.
Je l’ai ramené chez moi.
– On pourrait même ajouter un petit mot. Lors des vacances, j’ai trouvé un chien
dans le jardin. Il était triste et tout maigre. ALORS, je l’ai ramené chez moi.
Bien, maintenant tu vas continuer tout seul. Tu expliques ce qu’il a fait comme
bêtise le lundi. J’écris déjà “lundi, il a…” À toi de continuer.»

Riche de cette expérience et de ces conseils méthodologiques, l’élève est


en mesure de retourner à sa place pour travailler en autonomie avec l’aide
du texte souche. Il s’agit maintenant de reprendre le contact avec l’en-
semble du groupe, qui travaillait seul. Une petite mise en commun orale
s’impose, durant laquelle les élèves racontent et le maître valorise, donne
des conseils, relance. Par exemple, un élève répond: «J’ai trouvé un cochon
dans la cour. Je l’ai ramené à la maison. Lundi, il a mangé les fils de la télé.»
Le maître fait remarquer que cela ressemble trop au texte souche, mais
que ce n’est pas si grave. Il relance en induisant quelques idées, telles
que : « Moi, je pense que ton cochon, il aurait drôlement envie d’aller
voir la poubelle…»
Après ce court temps collectif, le maître convie un autre élève peu expert
pour un travail de dictée à partir du brouillon sur lequel il a déjà tâché
de construire son texte. Il procède alors comme pour le premier élève.
En fin de séance, l’enseignant regroupe toutes les productions et les lit
au groupe-classe, en valorisant les originalités, les efforts, les réussites,
même les plus infimes. Il pointe aussi les erreurs ou le non-respect de la
consigne, en expliquant comment il convient d’y remédier.

쎲 Analyse de la différenciation
Dans cette activité de production écrite, chaque élève travaille à son juste
besoin. L’élève expert ose se libérer très vite du texte inducteur. L’élève
intermédiaire s’appuie fortement sur le texte souche, mais parvient pour-
tant à l’adapter suffisamment avec ses propres idées et mots pour qu’il
devienne réellement son texte. L’élève moins expert, qui aurait du mal à

131
5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:43 Page 132

Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

gérer la complexité d’une telle tâche, est épaulé par le procédé de dictée
à l’adulte. Sa production finale est riche et intéressante à lire. En fin de
séance, chaque élève a produit une partie de son texte, ce qui n’est pas
négligeable. Ainsi, lors de la mise en commun, consistant en la lecture de
toutes les productions, ces élèves moins experts s’intègrent parfaitement
à l’ensemble du groupe.
On pourrait supposer que la dictée à l’adulte éloigne l’élève d’une réelle
production. Il n’en est rien, puisqu’à l’exception de la transcription phono-
logique des mots, tout ce qui relève de la construction syntaxique, de la
progression narrative, de la cohérence textuelle, voire de la chaîne anapho-
rique et des substituts du nom est ici travaillé par l’élève. Il n’est pas en
échec. Il progresse!

Produire un écrit avec des étayages


proposés par le maître
Lecture/production d’écrits – Cycle 2

La nature de ce procédé prend la même forme que celui longuement déve-


loppé précédemment. Il se réalise dans les mêmes conditions et sur les
mêmes types d’activités. Toutefois, dans le cas présent, le maître n’emploie
plus la dictée à l’adulte.

Différenciation : Individualisée, avec l’aide du maître.

Objectif : Permettre à un élève non ou peu expert dans le domaine


du codage phonologique de produire un réel écrit
structuré.

Compétences (I. O.) : – Concevoir et écrire avec l’aide du maître une phrase
simple cohérente, puis plusieurs.
– Concevoir et écrire de manière autonome une phrase
simple cohérente.

Matériel : – Un texte souche.


– Des post-it.

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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : produire des écrits

쎲 Prérequis
Comme pour l’activité précédente, ce projet d’écriture part d’une base
qui peut être une phrase ou d’une structure inductrice connue des élèves,
souvent issue d’un texte source: extrait de littérature de jeunesse, conte,
texte du manuel de lecture, écrit documentaire, etc.
Les élèves ont déjà l’habitude de produire des écrits. Certains savent
comment s’y employer, alors que d’autres sont gênés par leurs difficultés
à transcrire les mots et ne parviennent pas à dépasser cet obstacle: celui-
ci devient une totale entrave à leur production.

쎲 Déroulement
L’activité est introduite comme la précédente. Après avoir lu une histoire,
le maître propose : « Et si, à notre tour, nous en écrivions une aussi ?
Différente, mais en s’aidant de l’histoire que nous avons lue. Par exemple,
on pourrait commencer de la même manière…»
Ainsi, le projet d’écriture part d’un texte souche référence, dont la struc-
ture narrative et la syntaxe équilibrée guident les élèves dans leur propre
production.
Avant de lancer les élèves en production individuelle, le maître commence
toujours par une mise en mots à l’oral. À partir du texte souche et des
phrases inductrices du projet d’écriture, il demande à quelques élèves de
raconter leur histoire.
Puis, le maître dispose de deux modalités pour mettre en œuvre la péda-
gogie différenciée. L’élève volontaire ou sollicité par le maître vient
ponctuellement au bureau (mode 1). Les autres sont en production auto-
nome. Lorsque aucun élève n’est au bureau, le maître passe de table en
table (mode 2) et relit les productions des élèves autonomes.

• • Mode 1: Le maître est à son bureau


À sa demande ou à celle du maître, l’élève rejoint le bureau du maître avec
son brouillon. Dans un premier temps, le maître vise à décoder ce que
l’élève a déjà réussi à produire – on peut supposer qu’il aura au moins
rédigé la ou les phrase(s) inductrice(s) donnée(s). Le rôle du maître est alors
d’aider l’élève à encoder les mots qu’il ne réussit pas à écrire, quand bien
même il a en tête ce qu’il veut écrire. Grâce à un dialogue bienveillant et
patient, l’élève parvient à coder chaque mot utile.

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

Imaginons ce dialogue entre le maître et l’élève peu expert, à partir du texte


souche précédent, p. 128.
Le maître: «Alors, que veux-tu écrire maintenant?»
L’élève : « Je veux expliquer que mon cheval tenait trop de place dans ma
maison.»
«– Bien, pour cela, quel premier mot dois-tu écrire?
– Le cheval.
– Commence par “le”. (L’élève écrit.) Maintenant écris “cheval”.
– Je ne sais pas l’écrire.
– Mais si. Comment commence le mot “CHEval”?
– Che, c’est le “ch” de “chat”.
– Bien, écris-le. Et après?
– C’est le “e” de feu.
– Non, c’est plutôt le “e” de “renard”. Écris-le. Ensuite, que doit-on encore
écrire?
– Che-VAL. VAL. On entend le “v” de “vélo”.
– Et après? VA?
– Le “a” de “ananas”.
– Écris cela. (L’élève écrit.) Bien, on a donc écrit…
– Cheval.
– Pas tout à fait, moi je lis “cheva”. Il faut encore une lettre: cheVALLL.
– Un “l”. Le “l” de “livre”. (L’élève l’écrit.)
– Bien, “le cheval”. Alors que se passe-t-il avec ce cheval?
– Ben, il prend trop de place.
– Oui. Fais une phrase: le cheval…
– Le cheval prend trop de place.
– Donc on doit écrire “prend”. Allez, que proposes-tu?»
Et ainsi de suite…

• • Mode 2: Le maître circule de table en table


Le maître circule et lit les productions des élèves assez autonomes dans leur
capacité à produire un écrit. S’il remarque un problème, constate un
blocage ou identifie une erreur récurrente, il rédige alors rapidement un
post-it qu’il dépose au coin de la table de l’élève concerné, lui proposant
des pistes pour résoudre son problème. Si la difficulté relevée est trop
importante ou si l’élève pense avoir terminé sa production, le maître peut
l’inviter à venir au bureau. On bascule alors sur le mode 1.
Chaque fois, il importe que l’enseignant soit particulièrement présent et
qu’il accompagne l’effort personnel de tous les élèves, en signalant les
difficultés non perçues, en donnant les informations qui manquent, en
suggérant des pistes.

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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : produire des écrits

En fin de séance, comme pour l’activité précédente, le maître lit aux élèves
l’ensemble des productions.

쎲 Analyse de la différenciation
Ces modalités permettent de faire travailler chaque élève à son juste besoin.
Grâce au dialogue didactique avec le maître, l’élève prend conscience de
ses savoirs et de ses compétences et parvient mieux encore à les mettre
en œuvre. Il gagne en confiance et dispose de réponses immédiates de la
part du maître, qui ne se consacre qu’à lui. Fort de cette expérience modé-
lisante, où le maître l’a guidé dans les procédures à employer, l’élève peut
repartir et tâcher d’appliquer seul, cette fois, les consignes et stratégies
mises à jour. L’enseignant se consacre alors à un autre élève dont les diffi-
cultés sont d’une autre nature. Il répond donc à un nouveau besoin
spécifique.
Dans le cas des élèves les plus experts, le maître procède aussi à un étayage.
Bien sûr, le sujet de leur conversation ne porte pas sur les mêmes erreurs,
puisque ces élèves en ont déjà surmonté un bon nombre. Dans ce cas, le
maître les aide à construire des outils de correction de leur production. Il
peut aussi et surtout les aider à enrichir leurs phrases, par l’ajout de
connecteurs logiques qui relancent la production: «mais», «parce que»,
«pourtant», etc.

쎲 Et après ?
Cette séance et la précédente correspondent à la première étape d’un long
projet d’écriture. Il est en effet souhaitable, le lendemain ou le surlende-
main, de continuer, d’enrichir et de clore chacune des productions. Se
posent alors les problèmes récurrents des erreurs de codage, de l’ortho-
graphe, de la cohérence temporelle, de la chaîne pronominale, de la
grammaire, etc. C’est pourquoi il convient de réviser ces premières versions
avant de procéder à une réécriture ou à un prolongement de la produc-
tion – voir à ce sujet les activités «Réviser la structure d’un écrit» p. 146,
et «Réviser l’orthographe d’un écrit» p. 150.

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

À partir d’un même projet d’écriture


Production d’écrits – CE1 et cycle 3

Les projets d’écriture sont des activités fréquentes dans les classes de cycle 3.
Depuis plusieurs décennies, les Instructions officielles les mentionnent
comme moyen d’inscrire les productions d’écrits dans des situations
effectives de communication.
Pour la mise en œuvre d’un tel projet, nous traitons, ici, d’une activité
courante: imaginer la suite d’un texte, à partir d’un exemple extrait de
littérature jeunesse: L’Énorme Crocodile, de Roald Dahl.

Exemple de texte souche pour des élèves de CE1 ou CE2


La rencontre du crocodile et de l’hippopotame

L’Énorme Crocodile gagna la rive et se hissa hors de l’eau. Une gigantesque


créature pataugeait dans la boue visqueuse de la berge.
C’était Double-Croupe, l’hippopotame.
«Salut, salut! dit Double-Croupe. Où vas-tu à cette heure du jour?
– J’ai dressé des plans secrets et mis au point des ruses habiles.
– Hélas! s’exclama Double-Croupe, je jurerais que tu as en tête quelque horrible
projet.»

L’Énorme Crocodile rit à belles dents:


«J’vais remplir mon ventre affamé et creux
Avec un truc délicieux, délicieux.»

«Qu’est-ce qui est si délicieux? interrogea Double-Croupe.


– Devine, lança le Crocodile. C’est quelque chose qui marche sur deux jambes.
– Tu ne veux pas dire…, s’inquiéta Double-Croupe. Tu ne vas pas me dire que
tu veux manger un enfant!
– Mais si! acquiesça le crocodile.
– Ah ! le sale vorace ! la sombre brute ! s’emporta Double-Croupe. J’espère
que tu seras capturé, qu’on te fera cuire et que tu seras transformé en soupe
de crocodile!!!»
L’Énorme Crocodile partit d’un rire bruyant et moqueur, puis il s’enfonça dans
la jungle.

Dahl R., Blake Q., L’Énorme Crocodile, Gallimard jeunesse, «Folio benjamin», 2006.

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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : produire des écrits

Dans un premier temps, une discussion s’instaure avec toute la classe pour
recenser les intentions de l’Énorme Crocodile et les réactions de Double-
Croupe l’hippopotame. À ce moment, les élèves donnent leur avis et leurs
impressions sur le texte. L’enseignant attire leur attention sur le jeu de mots
à partir du nom de l’hippopotame: il s’appelle Double-Croupe en raison
de la grosseur de son derrière et de la double épaisseur de sa peau. On
relève les particularités typographiques du texte, notamment les caractères
gras lors de la déclaration du crocodile montrant sa détermination et son
cynisme.
Le maître explique ensuite le contexte du livre: l’Énorme Crocodile traverse
la jungle pour se rendre à la ville afin d’y dévorer des enfants. Sur son trajet,
il rencontre différents animaux à qui il annonce son projet. Chaque fois,
ces animaux s’offusquent et se révoltent contre lui.
Une fois toutes ces informations explicitées, l’enseignant donne la consigne
de l’exercice de production d’écrit. Ici, on demande aux élèves d’imaginer
la rencontre entre le crocodile et un éléphant.
Oralement, la classe cherche quelques pistes d’écriture. Par exemple, le
maître liste au tableau un ensemble de propositions sur le surnom qui pour-
rait être donné à l’éléphant, en conservant si possible une dimension
humoristique. Puis, on définit quelques éléments liés à cette nouvelle
rencontre : le lieu où elle se déroule, la façon dont l’Énorme Crocodile
annonce ses intentions à l’éléphant et les réactions de ce dernier.
Alors, l’enseignant invite les élèves à imaginer la rencontre entre l’Énorme
Crocodile et l’éléphant et à poursuivre l’écriture du texte individuellement.
La différenciation pédagogique se situe à ce moment précis de la rédaction.
La majorité des élèves de la classe rédigent d’une façon autonome à leurs
tables individuelles.

쎲 Écrire avec l’aide de l’adulte


L’enseignant réunit à la table des besoins les élèves pour lesquels les diffi-
cultés d’écriture sont très conséquentes. Avant de commencer la rédaction,
il est important de discuter et de recenser leurs divers choix en écrivant
avec eux le plan du texte: le lieu de rencontre avec l’éléphant, la façon
dont les intentions du crocodile sont dites et les réactions du pachyderme.
Une fois ces premiers éléments réunis, certains élèves de ce groupe
commencent à rédiger la suite du texte. Le maître donne, si nécessaire,

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

la phrase inductrice, qui peut être la suivante : «Un peu plus loin, l’Énorme
Crocodile rencontra…». On peut également faire le choix de conserver une
certaine similarité avec le texte souche : « En se hissant hors de l’eau,
l’Énorme Crocodile… ».
Certains élèves auront besoin de la dictée à l’adulte pour amorcer l’écri-
ture de la suite du texte. Ils poursuivront ensuite leur rédaction à la suite
du texte dicté à l’enseignant. Le maître s’occupe alors des enfants un par
un, à la table des besoins. Il est possible que certains de ces élèves aient
besoin de la dictée à l’adulte pour écrire la totalité de leur texte. L’enseignant
veillera alors à la cohérence des idées avancées, en expliquant les marques
de présentation utilisées ainsi que certaines règles d’orthographe simples.
L’élève pourra même recopier seul son texte. La dictée à l’adulte, qui est
particulièrement utilisée au cycle 2, peut très bien l’être encore au cycle 3
pour les élèves en difficulté. Cette démarche est structurante, modélisante
et favorise le désir d’écrire de façon autonome par la suite.
Durant toute la phase d’écriture, le maître n’hésite pas à reprendre régu-
lièrement les consignes d’écriture avec les élèves, et à relire autant que
nécessaire le texte support pour bien redonner le contexte sémantique.
En fin d’activité, les textes sont lus à l’ensemble de la classe.

쎲 Développer les aides ponctuelles


Durant cette activité, d’autres élèves ont des besoins moins prononcés pour
la rédaction de leur écrit. Ils restent donc à leur table individuelle, mais
reçoivent des aides ponctuelles. Cette stratégie est évoquée quelque peu
dans les propositions d’organisation de la classe, au début de la seconde
partie de cet ouvrage, mais également dans la fiche destinée au cycle 2
s’intitulant «Produire un écrit avec des étayages proposés par le maître».
Il s’agit d’être particulièrement attentif à ce qu’écrivent les élèves et de
leur proposer des aides sous forme d’indices écrits sur une feuille à part
ou sur un post-it.
Cette pédagogie de l’aide immédiate évite de multiplier les objectifs. En
effet, ces élèves présentent des difficultés à satisfaire et à poursuivre
certaines consignes simples, aussi est-il bien plus efficace de proposer des
aides immédiates et de ne pas inciter ces élèves à se servir d’ouvrages de
référence ou de dictionnaires. Ces recherches sont certes importantes, mais
risquent, à ce moment précis, de gêner la production d’écrit envisagée.

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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : produire des écrits

Par contre, des activités qui amènent à se servir de ces ouvrages de référence
sont à réaliser à d’autres moments car tous les élèves de la classe doivent
construire ces compétences spécifiques.

Ce type d’aides concerne généralement des mots particuliers issus du texte


souche et mal copiés (les mots « crocodile » ou « jungle » par exemple),
ou des accords mal perçus, que ces derniers soient liés au verbe ou au
groupe nominal. Le maître fait aussi repérer le manque de mots intro-
ductifs, de liaison ou de conséquence, en écrivant simplement sur la feuille
«mots de liaison», pour peu que ces derniers aient été explicités aupara-
vant. Il fait également constater à l’élève les points incompréhensibles de
son texte, ou les problèmes de mise en forme de l’écrit: ponctuation, majus-
cules, paragraphes, etc.

Toutes ces annotations sur la feuille additive apparaissent sous forme de


questions simples, par exemple « Que raconte le crocodile ? », « Que lui
répond l’éléphant?», ou sous forme de mots-indices, comme «accord avec
le verbe», «ponctuation».

Attirer l’attention de façon différenciée et au moment opportun est parfois


plus utile pour les élèves en difficulté que des remarques générales (mais
nécessaires) données au grand groupe. Souvent, ces élèves ne parvien-
nent pas à gérer plusieurs éléments à la fois dans leurs écrits. Il est fréquent
que des élèves qui entrent au collège écrivent des textes sans aucune norme,
ce qui est particulièrement handicapant. Les résultats des évaluations
d’entrée en 6e l’attestent.

Cette feuille d’aide permet donc à l’élève d’avoir un regard immédiat sur
sa production et de réagir au fur et à mesure. La tâche du maître consiste
à y noter les points principaux afin de ne pas la surcharger au point que
l’élève ne puisse plus remédier aux besoins de son écrit. Le maître peut
aussi conserver cette feuille à dessein de recenser les différentes aides appor-
tées et de montrer à l’élève les points sur lesquels il avait buté, avant de
commencer la production d’écrit suivante. Nous sommes, ici, dans le cas
d’une évaluation formative, qui permet à l’élève de mesurer les progrès
qu’il lui faut accomplir.

Cette pédagogie de la «roue de secours» vise à aider les élèves au plus


près de leurs besoins, au moment de la production. Il est important de ne
pas attendre la correction ultérieure qui est souvent assortie d’une nota-
tion dans l’ensemble déplorable et qui peut être source de démotivation.

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

À partir d’activités différentes


Production d’écrits – Cycle 3

Tout comme nous l’avons vu pour la lecture, il est intéressant de proposer


des activités différentes de production d’écrits, selon les besoins des élèves.
La proposition d’activités différentes à certains moments ne déroge pas à
la poursuite d’un même objectif pour toute la classe car elle représente
une étape dans la construction des compétences dans le domaine de la
production d’écrits. En effet, selon les élèves, il est proposé des activités
plus accessibles, plus motivantes et de difficulté différente.

쎲 Reprendre des textes connus


Comme en lecture, le principe de reprendre des textes connus offre de
nombreux avantages. Le premier est certainement le fait que les élèves
les plus en difficulté se trouvent rassurés par un univers de sens déjà connu.
Ils se concentrent alors d’autant plus sur l’activité même de production
d’écrits.

• • Faire le même exercice


Il est profitable de demander à certains élèves de refaire un exercice réalisé
quelques mois plus tôt. Dans ce cas, la différenciation pédagogique porte
sur la tâche demandée, car le reste de la classe peut tout à fait être en
autonomie de travail sur un autre type d’exercice.
Il est alors intéressant de rapprocher les deux productions et de les comparer
avec l’élève, afin qu’il constate les différences d’approches, mais aussi
qu’il mesure ses progrès tant sur le fond que sur la forme. Cette méthode
est généralement un grand facteur de réussite, motivante pour l’élève.

• • Imaginer une autre partie du texte


Dans l’idée de lier la lecture et la production d’écrit, il est fréquent de
demander aux élèves d’imaginer une partie du texte.
Par exemple, lors d’une autre approche de l’extrait de littérature de
jeunesse Ma chère momie, page118-119, le maître a donné pour consigne

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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : produire des écrits

d’imaginer ce qui précède l’extrait. Les élèves ont abouti à un écrit qui
répond aux points suivants:
– Qui est Sofia, où vit-elle?
– Qui est Marbel?
– Qu’est-il arrivé à cette petite chatte?
– Etc.
À un autre moment, il est possible de demander aux élèves les plus faibles
d’imaginer la suite de cet extrait selon un plan similaire:
– Que fera Sofia?
– Quelles informations du cours sur l’Égypte utilisera-t-elle?
– Pourquoi est-elle si attentive aux propos de la maîtresse?
– Etc.
Le texte est alors relu et réutilisé en vue d’une production d’écrit. Cette
relecture analytique s’avère essentielle pour ces élèves, qui, par ce biais,
se remémorent et s’approprient à nouveau l’histoire. Ayant déjà travaillé
sur le texte, ces élèves sont mis davantage en situation de réussite car
l’essentiel de leur attention est mobilisé à dessein de produire un écrit.
En fin de séance, toutes les productions sont communiquées au grand
groupe, ce qui représente une valorisation conséquente pour les élèves
les plus faibles.

• • Copier un passage du texte


Il ne faut pas sous-estimer ce que peut apporter la simple copie d’un
passage du texte. Pour quelques élèves, c’est un bon moyen de s’appro-
prier le passage, de mieux le lire en cherchant à le restituer le plus
fidèlement possible. Il est judicieux de demander à certains élèves de
recopier un passage – de leur choix ou donné par le maître – en vue de
son illustration, voire de son oralisation.
À titre d’exemple, cette copie peut participer à la réalisation collective
d’une affiche, pour une exposition dans la BCD portant sur des livres
ayant trait à l’Égypte. Certains élèves peuvent copier des passages de livres
sélectionnés, alors que d’autres écrivent des critiques plus conséquentes
sur ces mêmes livres. La réalisation collective de telles affiches s’appa-
rente à un projet d’écriture dans lequel les tâches demandées sont
différentes d’un élève à l’autre.
La copie de texte trouve donc toute sa justification aux yeux des élèves
qui y apportent leur attention et le soin nécessaires.

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

쎲 Des liens avec d’autres disciplines


La reconnaissance de différents types d’écrits est une compétence impor-
tante pour les élèves. On constate, par ailleurs, que des écrits spécifiques
intéressent davantage un certain profil d’élèves. Or la nette tendance des
enseignants à privilégier le travail sur des écrits à dominante fictionnelle
et à occulter les écrits scientifiques leur fait parfois oublier ce facteur de
réussite chez certains élèves.
Le travail de lecture à partir d’écrits documentaires est souvent conséquent
en classe. On lit pour «apprendre». Mais l’activité de lecture peut s’étendre
à l’écriture, et c’est à ce moment que la proposition pédagogique cible
les élèves qui s’investissent davantage dans ces autres champs disciplinaires.
Ne voit-on pas certains enfants, lors de moments libres en bibliothèque,
les yeux toujours rivés sur des atlas de géographie? N’en remarque-t-on
pas d’autres toujours attachés aux dictionnaires ou aux encyclopédies ?
Le pouvoir d’attraction des autres disciplines est parfois fort. Il est donc
judicieux de les utiliser tant en lecture qu’en production d’écrits.
En histoire, par exemple, le commentaire d’un document iconographique
nécessite une démarche analytique récurrente et sécurisante pour de
nombreux élèves. En effet, la grille de lecture (nom du document, de
l’auteur, datation, description première, analyse, etc.) se présente comme
un guide, et les élèves sont plus à l’aise.
La remarque s’avère similaire en géographie. Lors de la réalisation d’une
carte, l’élève d’habitude en difficulté peut se sentir concerné par la rédac-
tion de la légende, par l’écriture de noms importants, etc. Également, la
description écrite d’un paysage à travers une lecture de différents plans
peut susciter plus d’intérêt chez certains élèves.
En revanche, dans le domaine des sciences, il est important de guider les
élèves les plus fragiles pour les comptes rendus d’expérience ou de visite,
qui nécessitent souvent des schémas. Cette nature d’écrit est très spécifique
et éloignée des écrits imaginatifs ou fictionnels.

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C h a p i t r e 3 3
Pédagogie différenciée
et maîtrise de la langue :
outils de la langue

La maîtrise des outils de la langue est utile à la construction du sens. Elle


est nécessaire à la compréhension des textes longs. Sans la maîtrise de la
reconnaissance des mots (déchiffrement, puis reconnaissance orthogra-
phique) et de la construction du sens local (analyse de la structure de la
phrase et du paragraphe court), l’élève ne parvient que difficilement à
construire une représentation homogène du sens de ce qu’il vient de lire.
Tant que le déchiffrement des mots nécessite des efforts cognitifs énormes
et que l’élève ne réussit pas à reconnaître et à ordonner les éléments linguis-
tiques de la phrase, son accession au sens du texte est largement entravée.
Ainsi, le travail autour du code (au cycle 2) et l’étude de la langue (au
cycle 3) doivent être patiemment menés.
Ces activités très diverses utilisent plusieurs modalités de différenciation:
groupes homogènes, groupes hétérogènes, étayages par l’enseignant.
Toutefois, la complexité de ces outils et leur utilité pour l’accession au
sens nécessitent que l’enseignant dialogue avec l’élève en difficulté, afin
de l’aider à se représenter les obstacles qu’il rencontre, de trouver des pistes
de remédiation et de constater avec lui les progrès déjà réalisés. Ce dialogue
entre le maître et l’élève vise à une prise de conscience de la manière
dont on lit.

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

Entraîner le principe alphabétique


Phonologie – CP

Différenciation : Groupe de besoin autour du maître – les autres élèves en


autonomie sur 2 niveaux.

Objectif : Écrire des syllabes à l’aide des sons connus.

Compétences (I. O.) : – Connaître les correspondances entre les lettres et les sons
dans les graphies simples et complexes.
– Savoir qu’une syllabe est composée d’une ou plusieurs
graphies, qu’un mot est composé d’une ou plusieurs
syllabes ; être capable de repérer ces éléments (graphies,
syllabes) dans un mot.
– Proposer une écriture possible (et phonétiquement
correcte) pour une syllabe.

Matériel : – Une grille-réponses par élève, selon son niveau.


– Des cubes de numération.

Exemple de grille-réponses selon le niveau des élèves


Pour les élèves les plus avancés:

Prénom: . . . . . . . . . . . . . . . . . .

1 cho chon choi chin


2 fou foi fon fan

3 min mon mai mou

4 loi roi foi doi

5 dou doi don di

6 reu rè ren rou

7 fin fui fé fen


8 ko quoi kou can

9 tè toi tei tai

10 ém aim mali mai

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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : outils de la langue

Pour les élèves intermédiaires et plus faibles:


Prénom: . . . . . . . . . . . . . . . . . .

1 cho chon chou choi chin

2 fou foi fon fin fan

3 man min mon mai mou

4 loi toi roi foi doi

5 dou doi don di dai

6 reu ré rè ren rou

7 fai fin fi fé fen

8 ca ko quoi kou can

9 té tè toi tei tai

10 ém aim mali ami mai

쎲 Déroulement
L’enseignant explique aux élèves la nature de l’activité: il s’agit d’un entraî-
nement à la reconnaissance de syllabes simples. Puis il distribue les rôles.
– Les élèves les plus avancés reçoivent une grille à trous (voir modèle ci-
contre) et un cube de numération rouge. Pour chaque ligne, ces élèves
doivent écrire la syllabe dictée.
– Les élèves intermédiaires reçoivent la grille pleine (voir modèle ci-dessus)
et un cube bleu. Pour chaque bande, ces élèves doivent entourer la syllabe
dictée.
– Les élèves faibles reçoivent, eux aussi, la grille pleine et un cube bleu,
néanmoins ils sont regroupés à une table autour du maître. Pour chaque
bande, ces élèves doivent entourer la syllabe dictée sous le regard attentif
du maître et éventuellement en fonction de ses étayages ponctuels.
Le maître dicte donc les 10 syllabes manquantes dans la grille à trous.
Chaque fois, il laisse un temps pour répondre par écrit.
Ensuite, il demande aux élèves de se munir d’un stylo d’une autre couleur.
Il explique que maintenant tous les élèves doivent entourer une seconde
syllabe par ligne. Il procède à la dictée.
En fin de séance, la correction est collective.

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

쎲 Analyse de la différenciation
Lors de cette séance, l’enseignant détermine trois niveaux de compétences:
– le plus complexe consiste à écrire les syllabes, en autonomie, sous la dictée
du maître;
– le niveau intermédiaire nécessite simplement d’entourer les syllabes
dictées en autonomie;
– le dernier niveau consiste à entourer les syllabes dictées avec l’aide et la
vigilance du maître qui distille ses conseils et attend que chaque élève de
ce groupe ait apporté sa réponse. Il donne des éléments qui permettent
de guider l’élève vers la réussite.
Lors de cette différenciation pédagogique, chacun œuvre selon son besoin,
les plus faibles bénéficiant d’une activité d’approfondissement.
En choisissant de dicter une seconde série de syllabes, le maître permet à
tous les élèves de réaliser la même tâche. À ce moment-là, les élèves ne
sont plus en différenciation et le maître n’accorde plus d’aide particulière.
Ce moyen d’établir un diagnostic sur la capacité des élèves plus faibles à
travailler seuls est aussi l’occasion de montrer que la classe fonctionne
parfois sur des modalités communes.

Réviser la structure d’un écrit


Affiner des textes écrits – Tous niveaux

Dans cette fiche se pose la question de la correction d’un projet d’écri-


ture. Les élèves n’ayant pas tous un regard averti sur leurs écrits, l’aide
différenciée est nécessaire. L’idée est d’amener l’élève à repérer les points
du texte sur lesquels il y a des erreurs, en les évoquant à haute voix et en
discutant des solutions possibles à apporter pour restaurer des structures
syntaxiques et narratives correctes.

Différenciation : Groupe de besoin autour du maître – les autres élèves en


autonomie.

Objectif : Améliorer les productions écrites.

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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : outils de la langue

Compétences (I. O.) : – Écrire en gérant correctement les problèmes de syntaxe


et de lexique.
– Repérer des signaux susceptibles de déclencher des
accords.
– Effectuer des manipulations dans un texte écrit afin de
le corriger et de l’améliorer.
Matériel : – Un extrait d’une production d’élève, agrandi au format
double A3.
– Toutes les productions d’élèves analysées par le maître.

쎲 Prérequis
Les élèves ont tous réalisé le premier jet de leur écrit. Leur production est
conforme au projet d’écriture défini, sans pour autant exiger des
contraintes orthographiques trop lourdes. En effet, on ne peut pas à la fois
demander d’imaginer le propos, de le construire, de le coder et de
contraindre à un respect très strict des conventions orthographiques. Il y
aurait un risque de surcharge cognitive et les élèves pourraient se trouver
entravés dans leur fluidité de production.
Parmi les erreurs relevées dans les écrits des élèves, le maître peut en
identifier une ou deux, très récurrentes, portant sur des problèmes de
syntaxe, d’orthographe, de connecteurs temporel et logique. Durant la
séance, il rassemblera au sein du groupe de besoin les élèves qui ont commis
ce type d’erreur.
Au préalable, il saisit sur traitement de texte tous les premiers jets de
productions des élèves, en corrigeant les erreurs orthographiques. Il note
aussi des aides ponctuelles à la production future des élèves, introduit
des zones pointillées que l’élève devra compléter seul. Afin que ce nouveau
document ne semble pas plaqué et que l’élève puisse le comparer à sa
production originale, le maître l’agrafe à cette dernière.
Exemple de production d’élève et de sa transcription par le maître

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

États-Unis

Chère Rose Bonbon,

Je suis à New York.


J’ai rencontré une copine qui s’appelle Hermione.
Elle m’a dit: «Hello!». Ça veut dire bonjour aux États-Unis.
Je lui ai répondu: « ..............................................................................................
............................................................................................................................. »
J’avais très faim. Elle m’a fait goûter des gâteaux.
Ces gâteaux sont ..................................................................................................
................................................................................................................................
Ma copine vit dans un gratte-ciel qui est .........................................................
................................................................................................................................

Il photocopie également un extrait d’une production d’élève comportant


beaucoup d’erreurs, agrandi au format double A3, afin de réaliser une
affiche que toute la classe pourra lire à distance.

쎲 Déroulement
Pour démarrer la séance, le maître explique aux élèves que certains travaille-
ront seuls en vue de prolonger leur production écrite, alors que d’autres
seront avec lui pour travailler quelques points particuliers. Il réunit donc
les élèves du groupe de besoin face à l’affiche. Les autres prolongent leur
production, en autonomie, à leur table.
Dans un premier temps, l’enseignant demande au groupe de besoin pour-
quoi cet extrait leur est présenté, dans l’objectif de se mettre d’accord sur
le fait qu’il faut l’améliorer et l’enrichir.
Dans un deuxième temps, le groupe identifie quelques erreurs par un jeu
de questionnement mené par le maître. On émet alors des hypothèses sur
leur correction. Le maître peut solliciter ponctuellement l’aide d’un élève
plus expert ou revenir au texte souche. En biffant et en réécrivant ces parties
directement sur l’affiche, on améliore l’écrit et l’on identifie les problèmes
résolus. À partir de ces exemples, le maître explicite une ou plusieurs règles
applicables dans la production de chaque élève.
Lorsque ces règles sont posées, toute la classe est invitée à se tourner vers
l’affiche corrigée. Les élèves du groupe de besoin doivent expliquer les
corrections apportées et les règles fonctionnelles qu’on en a tirées.

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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : outils de la langue

Dans un dernier temps, chacun retourne à sa propre production, à dessein


de mettre en œuvre ces nouveaux outils.
En fin de séance, lorsque le maître relit les productions, il commente le
respect ou non des règles établies en commun, les reprécisant encore si
besoin.
Lors d’une séance ultérieure, le maître proposera une activité «décrochée»
en lien avec la notion orthographique ou grammaticale traitée lors de
l’analyse de l’affiche. Cette nouvelle séance aura pour but de renforcer
cette compétence.

쎲 Analyse de la différenciation
L’avantage de cette séance est que chacun possède les outils pour améliorer
sa production et travaille à son juste besoin.
Le maître aide la majorité des élèves en proposant des conseils ou des pistes
directement sur leur feuille. Ces élèves s’appuient aussi sur les outils
construits au fil des jours par la classe, dont ils trouvent trace sur des affiches
aux murs ou dans un cahier référence.
Les autres, moins autonomes, sont regroupés autour de l’affiche qui leur
permet de ne pas se disperser. Dans ce moment-là, ces élèves plus faibles
n’ont pas à leurs côtés les élèves plus experts qui d’habitude monopoli-
sent la parole. C’est donc à eux de proposer, réfléchir, émettre des
hypothèses. Ils sont confrontés en direct aux réalités de la langue.
Quand le texte de l’affiche est corrigé et que les premières règles sont
élaborées (matérialisées sur une affiche, par exemple), les élèves du groupe
de besoin expliquent les erreurs qu’ils ont identifiées aux élèves qui ont
travaillé seuls. Ils montrent également les solutions qu’ils ont trouvées.
Les élèves plus experts découvrent alors ces outils par l’aide des autres. Leur
capacité à comprendre et à assimiler rapidement ce que les autres leur
exposent leur permet de se les approprier plus facilement.
Les mêmes objectifs sont alors atteints pour toute la classe, puisque chacun
est doté des mêmes outils pour écrire. Tous les élèves travaillent de nouveau
sur leur production individuelle, riches de ces nouveaux outils.

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

Réviser l’orthographe d’un écrit


Affiner des textes écrits – Tous niveaux

Différenciation : Groupe de besoin autour du maître – les autres élèves en


autonomie.

Objectif : Autocorriger ses erreurs d’orthographe.

Compétences (I. O.) : – Amener l’élève à se poser des « problèmes d’ortho-


graphe».
– Permettre à l’élève de constituer ses premiers repères
et ses premières règles orthographiques.
– Comprendre qu’il existe des régularités dans l’ortho-
graphe lexicale et les mobiliser pour écrire.

Matériel : – Un extrait d’une production d’élève, agrandi au format


double A3.
– Toutes les productions d’élèves analysées par le maître.

쎲 Prérequis
Lors d’une séance précédente, les élèves ont réalisé le premier jet d’une
production écrite.
Il existe dans la classe des conventions de correction sous la forme d’un
codage dont chaque élève possède un exemplaire. Les élèves bénéficient
aussi d’outils de référence (regroupés dans un cahier ou affichés aux murs)
qui leur permettent de proposer des solutions adaptées aux erreurs que
le maître a mises en exergue.
Pour préparer cette séance, l’enseignant agrandit un extrait d’une produc-
tion d’élève au format double A3 à l’aide de la photocopieuse, afin de
réaliser une affiche lisible par toute la classe. Il annote également les
premiers jets de production des élèves à l’aide du codage connu de tous.
L’objectif visé est de les aider à autocorriger leurs erreurs d’orthographe.

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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : outils de la langue

Exemple de codage

쎲 Déroulement
L’organisation de cette séance est similaire à la précédente. Les élèves
autonomes travaillent seuls, à leur table, sur leur manuscrit annoté, à l’aide
de la grille de codage et des outils référence de la classe. Ils doivent corriger
puis recopier leur manuscrit.

Exemple de production codée

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

Exemple de production corrigée en autonomie

Pendant ce temps, le maître travaille autour de l’affiche avec les élèves


qui ont un besoin particulier. On rectifie les erreurs récurrentes (problèmes
d’accords, de ponctuation…). Ce groupe suit alors la même stratégie que
dans l’activité précédente: on repère les erreurs, on les identifie, on les
explique en formulant une règle, on corrige les productions écrites.
En fin de séance, une mise en commun autour des points traités par le
groupe-maître permet aux autres élèves d’affermir également leurs
compétences.

쎲 Analyse de la différenciation
La question de la révision orthographique n’est jamais simple à traiter. En
situation de production écrite, les élèves, même avancés, sont souvent plus
préoccupés par la mise en mots et le cheminement narratif que par les
contraintes orthographiques et syntaxiques. Cela ne signifie nullement
qu’ils ne possèdent pas ces compétences. Simplement, au moment d’écrire,
ils ne savent pas mobiliser ces acquis. En donnant les outils nécessaires
aux élèves plus experts, le maître leur offre la possibilité de rendre leur
production plus conforme aux exigences d’un écrit. C’est aussi l’occasion
de réviser et d’exercer ces compétences orthographiques.
Pour les élèves moins experts, cette autocorrection est souvent impos-
sible car leur production parfois trop décousue ne peut pas être codée de
cette manière, et surtout parce que ces règles et normes orthographiques
ne sont pas encore suffisamment acquises. En regroupant ces élèves, le
maître dispose du temps nécessaire pour aborder, non pas tous les points
qu’il faudrait traiter, mais ceux qui semblent les plus importants à la période
concernée. Les autres erreurs sont corrigées par le maître lui-même.
Ainsi, que l’élève ait travaillé seul ou avec le maître, il dispose d’une
production écrite exploitable, qu’il enrichira lors d’une prochaine séance.

15 2
5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:43 Page 153

C h a p i t r e 4 4
Pédagogie différenciée
et maîtrise de la langue :
acculturation

L’acculturation vise à construire des habitudes de vrai lecteur. Cela passe


par un travail patient et exigeant sur les supports réels de la lecture: romans
et albums, livres documentaires et encyclopédies, journaux et magazines,
écrits fictionnels.
Par cette rencontre répétée avec les écrits «vrais», l’élève parvient à se
bâtir une culture des écrits où des structures narratives, des archétypes,
des macrostructures, des usages sociaux sont identifiés. Cette culture est
essentielle car le lecteur s’appuie sur ce qu’il sait déjà pour comprendre ces
écrits longs ou résistants.
Cette confrontation avec les écrits « vrais » est celle qui exige le plus de
compétences complexes, notamment la capacité à inférer des informations
non contenues dans le texte, à s’appuyer sur l’implicite, à anticiper, à mettre
en lien logique des éléments disparates du texte, à hiérarchiser les données,
à se construire une représentation mentale du texte lu, à reformuler, à
entrer dans un débat interprétatif, à argumenter, à formuler ses goûts.
Ces activités sont généralement menées collectivement. Néanmoins, il est
parfois nécessaire d’adapter les tâches proposées aux élèves plus faibles –
les élèves les plus faibles sont généralement ceux qui sont le moins souvent
en situation de rencontre avec le monde des livres et de ses usages. Par
contre, il importe de finir la tâche collectivement, pour replacer le livre
commun au centre du groupe-classe.

153
5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:43 Page 154

Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

Se remémorer un album ou un conte


par ses paroles rapportées
Acculturation – Cycle 2

Différenciation : Groupe de besoin autour du maître – les autres élèves en


autonomie.

Objectif : Retrouver les relations causales au sein d’un conte.

Compétences (I. O.) : – Manifester la compréhension d’un texte dans un résumé,


une reformulation, des réponses à des questions.

Matériel : – Une copie par élève peu expert de la fiche élève avec
dessins.
– Une copie par élève bon lecteur de la fiche élève sans
dessin, et avec une activité de prolongement.

쎲 Prérequis
Lors d’une séance précédente sur la lecture d’un conte issu d’un album,
les élèves ont observé et analysé les illustrations. Ils connaissent donc
l’histoire et les personnages principaux.

쎲 Déroulement
Pour commencer, la classe raconte les grandes lignes du conte qui a été
lu précédemment. Pour cette activité, nous avons choisi le conte Hansel
et Gretel. Pour se remémorer les étapes de ce conte, le maître a sélectionné
certaines paroles rapportées significatives.
Puis, l’enseignant regroupe les élèves faibles lecteurs autour de la table
des besoins et laisse les autres en autonomie, à leur place. Il distribue aux
élèves autonomes une fiche qui reprend les paroles rapportées issues du
conte. Leur travail consiste à relier chaque citation au nom de celui qui
l’a prononcée. Ceux qui ont fini cet exercice avant la fin de la séance
réalisent l’activité de prolongement.

15 4
5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:44 Page 155

Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : acculturation

Exemple de fiche sans dessin pour un élève autonome à partir du conte Hansel
et Gretel

HANSEL ET GRETEL (Conte des frères Grimm)

A. Relie chaque phrase au personnage qui la prononce :

1. « Je ne peux pas faire cela. Comment pourrais-je


abandonner mes enfants tout seuls dans la forêt ? » 
 Hansel
2. « Imbécile, il vaut mieux
que nous mourions tous les quatre de faim ? » 
 Gretel
3. « Attendons que la lune se lève
et nous retrouverons notre chemin. » 
 le père
4. « Pourquoi t’arrêtes-tu sans cesse ?
Allez, marche donc ! » 
 la mère
5. « Grigno, grigno, grignoton !
qui grignote ma maison ? » 
 la sorcière
6. « C’est le vent, ce n’est que le vent. » 

7. « Tends-moi ton petit doigt


que je sente si tu es bientôt gras. » 

8. « Je ne sais comment m’y prendre pour y monter. » 

9. « C’est encore mieux que les petits cailloux. » 

B. Écris 4 phrases :

Les petits oiseaux a attiré les enfants dans le four.

Gretel ont mangé dans la maison de la sorcière.

L’oiseau blanc était en bonbons les miettes de pain.

La maison de la sorcière a poussé la sorcière pour attirer Hansel et Gretel.

......................................................................................................................................

......................................................................................................................................

......................................................................................................................................

......................................................................................................................................

......................................................................................................................................

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5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:44 Page 156

Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

Les élèves faibles lecteurs ont une fiche similaire, mais où les noms sont
remplacés par les images des personnages. L’activité de prolongement
est bien évidemment supprimée.

Exemple de fiche avec dessins pour un élève peu expert, à partir du conte Hansel
et Gretel

HANSEL ET GRETEL (Conte des frères Grimm)

A. Relie chaque phrase au personnage qui la prononce :

1. « Je ne peux pas faire cela. Comment pourrais-je


abandonner mes enfants tout seuls dans la forêt ? » 

 Hansel
2. « Imbécile, il vaut mieux
que nous mourions tous les quatre de faim ? » 

 Gretel
3. « Attendons que la lune se lève
et nous retrouverons notre chemin. » 

4. « Pourquoi t’arrêtes-tu sans cesse ?


Allez, marche donc ! »   le père

5. « Grigno, grigno, grignoton !


qui grignote ma maison ? » 
 la mère

6. « C’est le vent, ce n’est que le vent. » 

7. « Tends-moi ton petit doigt


que je sente si tu es bientôt gras. » 
 la sorcière

8. « Je ne sais comment m’y prendre pour y monter. » 

9. « C’est encore mieux que les petits cailloux. » 

Pendant que les élèves autonomes travaillent seuls, le maître lit chaque
phrase de manière expressive à ceux qui sont regroupés autour de lui. Au
fil de la lecture, ces élèves relient chaque citation au bon dessin.

15 6
5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:44 Page 157

Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : acculturation

Après ce temps, toute la classe est réunie. Le maître relit chacune des
phrases et les élèves proposent leurs réponses. Il leur demande alors de
raconter les circonstances qui ont amené ce personnage à prononcer cette
phrase. Grâce à ce procédé, la totalité du conte est racontée et reformulée.
Si des élèves autonomes ont réalisé l’activité de prolongement, on leur
demande d’expliquer cet exercice au groupe-classe et de donner leurs
réponses. Celles-ci sont débattues collectivement par toute la classe.

쎲 Analyse de la différenciation
Cette séance n’a pas pour objectif d’être un temps de lecture. C’est l’oral
qui nous intéresse particulièrement. Afin de pouvoir mettre les élèves moins
experts en situation participative, l’idée est d’éloigner ceux qui générale-
ment monopolisent la parole. Sans placer ces élèves sur une autre activité,
le maître change juste de modalité: ils travaillent seuls avec une grille de
questions adaptée à leurs besoins. Les autres, autour du maître, peuvent
alors entrer pleinement dans l’activité.
L’objectif de cette séance étant un travail autour de l’évocation d’un conte,
il importe peu que les élèves lisent réellement les phrases soumises. Il est
seulement souhaitable qu’ils les comprennent et les expliquent. C’est pour-
quoi, très guidés par le maître, il n’est pas choquant que certains ne lisent
pas réellement.
Les élèves qui travaillent en autonomie depuis peu se contentent de réaliser
l’activité A. C’est suffisant puisqu’il s’agit du cœur de la séance. Seuls les
élèves les plus avancés ont le temps de faire le prolongement, visant
toujours le même objectif: l’évocation du conte. Ce prolongement ne peut
pas être considéré comme une activité supplémentaire puisqu’il est exploité
collectivement en fin de séance. Néanmoins, il permet d’occuper intelli-
gemment des élèves qui, s’ils n’avaient rien eu à faire, auraient pu déranger
la classe.
En fin de séance, tous les élèves participent à une même mise en commun
afin de préserver le vécu collectif de la classe. Cet aspect est fondamental
pour ces activités d’acculturation qui nécessitent des interactions entre
élèves et des débats interprétatifs.
Enfin, les compétences des élèves experts sont mises au service du groupe-
classe, lors de l’explication de l’activité de prolongement. Finalement,
tous les élèves la réalisent, mais collectivement et à l’oral.

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

Se remémorer un album ou un conte


par ses illustrations
Acculturation – Tous niveaux

Différenciation : Individualisée (2 niveaux) – aide des pairs.

Objectif : Raconter collectivement l’histoire d’un conte à partir de


ses illustrations.

Compétences (I. O.) : – Trouver dans le texte ou son illustration la réponse à


des questions.
– Dire de qui ou de quoi parle le texte lu.

Matériel : – Pour chaque élève peu expert, une copie d’une illustra-
tion d’un album, dont on a découpé un détail essentiel.
– Pour chaque élève avancé, une copie d’un des détails
essentiels.

쎲 Prérequis
L’album choisi a été préalablement lu par les élèves et les illustrations obser-
vées lors d’une séance précédente.
Pour la réalisation du matériel, l’enseignant photocopie les illustrations,
puis découpe le détail essentiel qu’il souhaite masquer sur chacune d’elles.
Il colle ce détail sur une feuille blanche en le positionnant à l’endroit où
il se trouve réellement sur l’illustration originale: le détail est alors entouré
de blanc. Il colle une autre feuille blanche au dos de l’illustration dont il
a découpé le détail: à la place de ce dernier, on a un carré blanc.
Exemple de matériel à partir de cette illustration extraite de l’album Hansel
et Gretel

Guillerey Aurélie, Hansel et Gretel, Larousse, «Mon premier Larousse des contes», tome 2,
2004, p. 199.

15 8
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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : acculturation

Illustration avec détail masqué pour élève peu expert

Copie du détail escamoté pour élève expert

쎲 Déroulement
L’enseignant distribue une illustration par élève peu expert, en leur expli-
quant que l’image est issue de l’album, mais qu’un détail a été escamoté.
Chaque élève a une illustration différente. Il donne ensuite aux élèves plus
avancés les images portant le détail essentiel. Chaque élève a un détail
différent. La consigne consiste à recomposer l’image complète en dessi-
nant ce qui manque (ou en le décrivant par écrit).
Après un temps de production, chaque élève est invité à retrouver dans
la classe l’enfant qui possède l’image complémentaire de la sienne. Lors de

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5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:44 Page 160

Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

ces déplacements et de ces appareillages, on constate très souvent que


les élèves échangent des informations, comparent, argumentent. Dès que
les couples se sont formés, l’enseignant leur demande de placer leurs deux
images au tableau (à l’aide d’aimants). Pendant que certains attendent
les autres binômes, le maître leur confie le livre original afin qu’ils puissent
constater de visu la pertinence de leur reconstitution.
Lorsque tous les couples d’images sont accrochés, on rectifie collectivement
les éventuelles erreurs. On débat de manière à reconstituer l’enchaînement
chronologique des images, moment privilégié pour se remémorer l’en-
semble de l’histoire, tout en étudiant les aspects particuliers mis en évidence
par les cadrages sur les détails signifiants.
Lors de cette mise en commun, on analyse également la pertinence des
dessins réalisés par les élèves. Le maître les interroge sur les indices présents
dans la partie non escamotée et qui leur ont permis de deviner le hors-
champ. Il leur demande de verbaliser les difficultés qu’ils ont rencontrées
et éventuellement d’expliciter les causes des erreurs.
Plus tard, il pourra être intéressant de découper les dessins réalisés dans
les petites fenêtres et de les coller à leur place sur la feuille de leur cama-
rade, permettant ainsi une reconstitution. Les élèves pourront compléter
et mettre en couleur ce dessin commun. Puis, réunis de manière chrono-
logique, tous ces dessins deviendront l’album de la classe.

쎲 Analyse de la différenciation
Dans un premier temps, la différenciation se situe dans le choix du support
proposé à l’élève. Il est en effet plus simple de se représenter le petit
détail qui manque, le contexte lui donnant sens. À l’inverse, un détail
isolé n’est pas forcément signifiant sur ce qui se trouve hors champ.
Dans un second temps, lors des appareillages, les élèves débattent et argu-
mentent en binômes. L’élève plus avancé épaule alors le moins expert,
l’aidant à saisir pourquoi leurs deux images se complètent. Ce dialogue
est souvent hautement formateur pour les deux élèves. Celui qui argu-
mente doit trouver les bons mots pour convaincre son camarade. Placé face
à cet argumentaire, l’autre doit le comprendre, réagir et argumenter à son
tour.
Un autre aspect intéressant est que l’élève moins expert termine, pour une
fois, sa tâche dans les premiers, parce qu’il est épaulé par un camarade plus

16 0
5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:44 Page 161

Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : acculturation

avancé. Cette réussite rare chez les élèves faibles aide à préserver une estime
de soi, si importante pour soutenir l’effort et les progrès.

Lecture en écho et carnet de lecture


Acculturation – Tous niveaux

Différenciation : Individualisée (3 niveaux).

Objectif : Lire d’autres livres, en écho à un livre lu intégralement


en classe.

Compétences (I. O.) : – Lire personnellement au moins un livre de littérature par


mois.
– Acquérir des références culturelles par des mises en
réseaux ordonnées autour d’un personnage, d’un motif,
d’un genre, d’un auteur, d’une époque, d’un lieu, d’un
format, etc.
– Encourager les élèves à se doter d’un «carnet de lecture»
qu’ils utiliseront très librement.

Matériel : Des romans en nombre suffisant, choisis parce qu’ils se font


l’écho d’un autre étudié en classe.

쎲 Prérequis
Une œuvre littéraire a été préalablement lue (ou est en cours de lecture)
par les élèves. Lors de cette étude, des points majeurs ont été relevés.

쎲 Déroulement
Annoncée par le maître – dont l’objectif est la construction du savoir –,
ou sur proposition des élèves – dont la motivation est le plaisir de la
lecture –, cette activité vise à rendre explicite les liens entre un livre étudié
et des livres déjà lus. Par exemple, lors d’une étude sur la préhistoire, les
élèves qui ont lu Petit Féroce n’a peur de rien, de Paul Thies (Rageot),
peuvent évoquer des BD qu’ils auraient lues à la maison: Rahan le fils des
âges farouches, 22 albums, éditions Soleil/Lécureux productions; Tounga,
Jocker éditions ; ou des petits romans légers comme Ta mère est une
Néandertal, Bayard Poche.

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

Que ce soit le projet du maître ou celui des élèves, la démarche est la même:
réunir un grand nombre d’ouvrages autour du sujet traité. Comme en
librairie, les élèves placent tous ces livres en exposition dans un espace de
la classe. Un premier tri sommaire est réalisé: BD, romans, documentaires.
L’enseignant, lui, procède à un tri par difficulté de lecture – il regroupe
notamment les plus simples et les plus complexes.

Exemple de classement qui pourrait être proposé sur la préhistoire


– Livres les plus simples : Mon maître des cavernes (Nathan poche, 6-8 ans),
Noune, l’enfant de la Préhistoire (MSM), Ug, le petit génie de l’âge de pierre
(Grasset jeunesse), Cromignon (École des loisirs), Rahan (éditions Soleil/Lécureux
productions), Tounga (Jocker éditions), Ma mère est une Néandertal (Bayard
Poche)…
– Livres de niveau intermédiaire: Le Mammouth: un nouveau conte du chat
perché (Gallimard Jeunesse), d’autres romans dans la série «Petit Féroce»…
– Livres plus difficiles: Le Silex noir (Gallimard jeunesse), L’Écho des cavernes
(Encre bleue éditeur)…

Très librement, chaque élève emprunte le(s) livre(s) de son choix. Ces lectures
personnelles sont réalisées en dehors du temps de classe, ou plus rare-
ment dans des temps banalisés, lors d’un plan de travail par exemple. Quoi
qu’il en soit, ces lectures ne sont pas partagées, elles doivent demeurer
individuelles, intimes et personnelles.
La mise en écho de ces livres avec le roman lu en classe est réalisée en
prolongement de ces lectures cursives. Il n’est pas question de faire de la
littérature comparée à travers ces lectures croisées, car cet exercice relève
du collège. On vise seulement à inscrire ces différentes lectures dans des
réseaux ordonnés, en cherchant des constantes, des archétypes, des oppo-
sitions, des partis pris. Par exemple, pour la préhistoire, on peut simplement
lister les livres qui mettent les personnages en relation avec des
mammouths, relever divers éléments sur les descriptions de l’habitat,
chercher des constantes sur les quêtes et les peurs des personnages,
déterminer les livres qui se veulent informatifs, ceux qui jouent sur les
anachronismes… La modalité employée est mise en exergue lors d’un
débat, qui prend la forme d’une conversation libre.
Néanmoins, parallèlement à ces échanges collectifs, il est important que
le lecteur repense seul à sa lecture, dans son intimité. Le carnet de lecture
est un outil où l’élève consigne ses émotions, ses souvenirs, les pensées
qui émergent dans le prolongement de ses lectures.

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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : acculturation

Le maître peut aussi lui demander de restituer sa lecture par une simple
fiche mémoire qui sera collée dans ce carnet de lecture, propriété de l’élève,
que l’enseignant n’évalue pas.

Exemple de fiche mémoire que peut remplir l’élève après sa lecture (niveau
cycle 3)

Lors d’une séance suivante, l’enseignant peut aussi demander à des élèves
volontaires de présenter le livre lu. Dans ce cas, il les aide à préparer
leur restitution, en remplissant avec eux une fiche de lecture, dont un
exemple suit.

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

Exemple de fiche de lecture, outil pour présenter le livre lu à la classe (niveau


cycle 3)

• Pour présenter le livre à un auditoire, complète les rubriques ci-dessous.


Auteur, illustrateur, éditeur, collection, genre.............................................................
......................................................................................................................................
......................................................................................................................................
......................................................................................................................................
Époque, lieux ...............................................................................................................
......................................................................................................................................
......................................................................................................................................
Personnages principaux (caractéristiques, problème(s) qu’ils rencontrent au début
de l’histoire) .................................................................................................................
......................................................................................................................................
......................................................................................................................................
......................................................................................................................................
......................................................................................................................................
Le début de l’histoire, quelques événements importants (sans tout dévoiler)..........
......................................................................................................................................
......................................................................................................................................
......................................................................................................................................
......................................................................................................................................
......................................................................................................................................
......................................................................................................................................

• Passages à lire à haute voix : choisis deux ou trois passages ; pour les
retrouver facilement note la page du livre, puis écris le début et la fin du
passage en ajoutant des petits points entre les deux.
Premier passage page......................... chapitre...........................................
......................................................................................................................................
......................................................................................................................................
Deuxième passage page......................... chapitre...........................................
......................................................................................................................................
......................................................................................................................................
Troisième passage page......................... chapitre...........................................
......................................................................................................................................
......................................................................................................................................

Fichier photocopiable littérature, À livre ouvert CM1, sous la direction de C. Demongin,


Nathan, 2006, p. 46.

16 4
5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:44 Page 165

Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : acculturation

De façon moins formelle, les élèves peuvent simplement présenter le livre


lu avec une liste de mots associés à cette lecture (une musique, une couleur,
un sentiment, un animal…), quelques dessins, la copie d’un passage
apprécié… Là encore, bien sûr, l’enseignant n’évalue pas cette prestation.
Le maître pensera également à ménager un temps où, de manière infor-
melle, les élèves montreront leur carnet de lecture à leurs camarades de
cœur.

쎲 Analyse de la différenciation
On osera proposer aux élèves des ouvrages réputés trop faciles, trop courts
ou trop légers, car la difficulté à déchiffrer est une entrave terrible à
l’accession aux livres. Ces livres-là peuvent donc être lus par les élèves moins
experts. Sans être systématiquement le cas, il est vrai que les livres les plus
simples ne sont pas toujours les plus riches. Toutefois, il est préférable de
viser une lecture simple, quitte à perdre un peu sur le plan purement
littéraire, plutôt que ne rien lire du tout. Les élèves plus avancés ne doivent
cependant pas être oubliés, c’est pourquoi le maître propose aussi des livres
réputés plus complexes. Il importe de bien expliquer aux élèves que le
bon livre n’est pas le gros livre difficile, mais celui qu’on aime lire. C’est
en lisant que le goût se forme et que les attentes se complexifient.
Lors des mises en écho, il n’est pas nécessaire que tous les élèves aient lu
l’ensemble des livres. En avoir lu un permet déjà d’entrer dans cette acti-
vité de confrontation. En effet, pour servir de base à ces maillages de
données littéraires, il n’y a pas de bon ou de mauvais livre, ni de livre
trop facile. Chaque histoire est confrontée aux autres sans échelle de valeur.
Ainsi, l’élève qui n’a lu qu’une BD réputée facile peut tout autant entrer
dans le jeu des débats et des recherches.
Le carnet de lecture est aussi un outil qui permet la différenciation. Ce
carnet personnel de l’élève n’est pas évalué. L’élève le fait vivre comme
il souhaite et exige de lui-même ce qu’il veut. De nouveau, il importe
peu que son retour sur la lecture soit du domaine de l’analyse appro-
fondie ou pas. L’objectif est que l’enfant crée autour de sa lecture un
espace distancié, mais intime, moyen pour lui de mieux « digérer » cette
lecture.
En proposant aux élèves de se montrer mutuellement leurs carnets, on
espère des interactions visant à donner le désir de lire ces mêmes livres.

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

Lors de ces rencontres en binômes, l’enfant qui a lu permet à celui qui


lira de construire un horizon d’attentes, un projet de lecteur. Dans ce
dialogue se trouve déjà en germe une autre rencontre constructive à venir:
celle qui aura lieu lorsque le second lecteur aura fini de lire le livre conseillé
par son camarade.
Ainsi, le livre reprend sa vraie place pour l’élève moins expert : c’est un
objet qu’il ose prendre, feuilleter, lire un peu ou complètement, sans lui
donner un statut si élevé qu’il en deviendrait inquiétant, repoussant ou
en tout cas éloigné de toute intimité.

Mises en réseau
Acculturation – Tous niveaux

Différenciation : En groupes hétérogènes.

Objectif : Lire d’autres livres que l’on placera en réseau avec un


livre lu intégralement en classe.

Compétences (I. O.) : Acquérir des références culturelles par des mises en réseaux
ordonnés autour d’un personnage, d’un motif, d’un genre,
d’un auteur, d’une époque, d’un lieu, d’un format, etc.

Matériel : – Les livres à mettre en réseau.


– De grandes feuilles.

쎲 Prérequis
Une œuvre littéraire a été préalablement lue (ou est en cours de lecture)
par les élèves. Lors de cette étude, des points majeurs ont été relevés.

쎲 Déroulement
Collectivement, la classe explicite précisément l’axe fort du roman qu’elle
vient de lire. Il peut s’agir d’un personnage archétypal (sorcière, ogre, loup,
enfant bafoué…), d’une thématique (le sport, l’amitié, l’Afrique…), d’un
auteur ou d’un illustrateur (Anthonny Brown, Jules Verne, Roald Dahl,

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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : acculturation

Rascal…), d’un genre (policier, fantastique, aventure…), d’une structure


narrative, etc.
L’enseignant propose l’étude de cet axe avec une intention pédagogique.
Par exemple, après la lecture d’un conte, le maître souhaite que les élèves
lisent d’autres contes pour s’imprégner de leurs archétypes récurrents et
de leur structure narrative. Dans ce cas, il convient que l’enseignant
construise une programmation claire et didactiquement argumentée.
Comme exemple de cette activité, nous présenterons une démarche autour
du genre «fantastique».
Les élèves ont étudié Terriblement vert! d’Hubert Ben Kemoun (Nathan
poche). Lors d’une séance collective précédente, on a défini ce qu’est un
récit «fantastique»: c’est une histoire où le mystère et l’inexplicable font
irruption dans le monde réel.
Tout d’abord, le maître propose à la classe d’autres récits fantastiques. Dans
le cas de notre exemple, nous pouvons citer quatre autres romans du même
auteur, de la série «Samuel» (Nathan poche 6-8 ans): Un monstre dans la
peau, Le Maître du temps, Le Réveil du boomerang, Chasse à l’ombre.
Soit ces petits romans sont lus, au fil des jours, à haute voix, soit l’ensei-
gnant préfère les distribuer à des élèves qui prépareront une lecture pour
leurs camarades.
Il place les élèves en groupes hétérogènes. Chaque groupe doit rédiger le
résumé d’un de ces quatre livres, selon son choix. Le maître peut leur
proposer une aide, à partir de résumés trouvés sur Internet, notamment
sur le site de l’éditeur concerné (www.nathan.fr) ou sur celui de Ricochet
(www.ricochet-jeunes.org). Il conseille également aux élèves de se répartir
les chapitres pour mieux réussir ces résumés. Il attribue à l’élève le moins
expert le premier chapitre, qui généralement nécessite le moins
d’inférences.
Après la séance de travail, la classe écoute les rapporteurs de chaque
groupe, et l’enseignant note les traits saillants de chaque récit sur de
grandes feuilles. Ces traits saillants sont comparés afin de relever les points
communs: mêmes personnages, l’absence des parents, la bêtise à ne pas
faire, l’objet magique… On constate donc la relative similarité dans la struc-
ture des récits et l’on opère une analyse plus approfondie.
Ensuite, les élèves se replacent en groupes hétérogènes avec pour consigne:
relever les points communs entre le récit Terriblement vert! et le livre qu’ils

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

ont en main. Pour faciliter cette activité, l’enseignant leur distribue une
grille réponse.
Exemple de grille réponse

Ateliers de lecture «Terriblement vert!», brochure Nathan jeunesse, 2005.

De nouveau, les membres du groupe se répartissent la tâche. Il est conseillé


que l’élève le moins expert se charge des rubriques « personnages » ou
«action».
Lors de la mise en commun, les grilles sont comparées. On relève les points
récurrents, notamment la présence d’un objet magique, d’un moment

16 8
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Pédagogie différenciée et maîtrise de la langue : acculturation

paroxysmique, la brièveté du récit, l’implication d’un nombre limité de


personnages, caractéristiques des nouvelles fantastiques.
Il est possible d’aller plus loin en lisant d’autres nouvelles fantastiques. Ce
sera l’occasion de vérifier la véracité des conclusions relevées avec la série
des ouvrages de Hubert Ben Kemoun. L’enseignant propose alors à la classe
les livres suivants: Le Buveur d’encre d’Éric Sanvoisin (Nathan poche), La
Maison aux 52 portes d’Évelyne Brisou-Pellen (Pocket Junior), Le Grimoire
d’Arkandias d’Éric Boisset (Magnard), Camille la louve de Jean-François
Chabas (Hachette jeunesse), L’Homme-Bonsaï de Fred Bernard (Albin Michel
jeunesse), etc.
Comme pour la séance précédente, l’enseignant donnera aux élèves les
moins experts les romans les plus faciles d’accès. Dans le cas du thème
«fantastique», ce pourrait être: Le Livre qui rend chèvre d’Agnès Lestrade
(Nathan poche), Le Mot interdit de Nicolas de Hirsching (Bayard), Max et
les maximonstres de Maurice Sendack (École des loisirs).

쎲 Analyse de la différenciation
Dans cette activité, la différenciation est à l’œuvre durant le travail en
groupe. Lors de ces phases, l’élève moins expert se place souvent en posi-
tion de retrait, attendant simplement que les élèves moteurs fassent le
travail pour l’ensemble du groupe. Cette situation est catastrophique puis-
qu’elle renforce l’idée d’échec et d’incapacité dans laquelle ces élèves faibles
se sentent maintenus. Il convient donc de bien répartir les tâches au sein
du groupe. Chaque membre doit avoir sa fonction, et aucune ne peut
être subalterne.
Bien sûr, toutes les tâches n’ont pas le même degré de difficulté, c’est
pourquoi l’enseignant les attribue selon le niveau des élèves. En lecture
de textes la difficulté consiste à inférer et à construire des liens logiques
entre divers éléments du texte qui généralement ne se situent pas au
même endroit. Il répartit donc les tâches de manière à ce que ces élèves
moins experts travaillent sur les éléments les plus explicites d’un texte.
Ils sont généralement situés en début de récit. L’introduction est souvent
descriptive et son questionnement relève des simples «qui?», «quand?»,
« où ? », « quoi ? ». Non encore développée, l’intrigue ne nécessite pas
de faire, dès cette étape, des liens logiques complexes. De la même
manière, décrire des actions ou des personnages relève du factuel et

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5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:44 Page 170

Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

de l’explicite. Une fois encore, l’enseignant les réserve aux élèves les plus
en difficulté.
Les autres membres du groupe doivent être attentifs à ce que leur cama-
rade réputé moins expert soit en réussite, car le résultat du groupe en
dépend. Pour ce faire, le maître escompte des aides, des conseils, des
clarifications apportés par les autres membres du groupe, dont l’élève plus
faible bénéficie.

17 0
5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:44 Page 171

C h a p i t r e 5 5
Pédagogie différenciée
et mathématiques

Comme pour la maîtrise de la langue, l’approche différenciée en mathé-


matiques peut consister à dégager du temps pour les élèves qui présentent
davantage de difficultés. Ces élèves sont d’abord recensés à l’aide des évalua-
tions de début d’année et font ensuite l’objet d’une aide plus spécifique.
Au fil des apprentissages et durant l’année scolaire, d’autres élèves peuvent
également être aidés lorsque de nouvelles difficultés apparaissent.
L’enjeu est de taille car, tout comme pour l’apprentissage de la lecture, c’est
durant les premières années de la scolarité que l’approche pédagogique
des mathématiques transmet la base des apprentissages et peut susciter
l’intérêt des élèves.
Il faut certainement cesser de penser qu’il y a des élèves «matheux» et
d’autres non, que certains ont un esprit logique et d’autres rêveur voire
poétique. La «bosse des maths», une espèce de potentiel génétique qui
donnerait une prédétermination à ces activités et ces raisonnements,
n’existe pas.
Les problèmes de recherche favorisent l’émergence de concepts tout en
développant des interactions entre élèves, en dynamisant une pédagogie
de groupe et en contribuant de ce fait à la formation générale des élèves.
Ils tiennent une place primordiale dans l’enseignement des mathématiques
et sont considérés comme absolument nécessaires à cet enseignement.
Mais comment définir un élève en difficulté en mathématiques? Existe-
t-il une spécificité qui permettrait d’anticiper justement ces difficultés et
donnerait à tous une chance de progresser?

171
5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:44 Page 172

Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

L’élève en difficulté en mathématiques

Une étude, menée par la revue Grand N3 auprès d’élèves de CE2 et de 6e,
a permis de mieux cerner ce qu’est un élève qui présente des difficultés
dans ce champ disciplinaire. Un profil a été dessiné grâce à des « mini-
conversations» qui se sont instaurées entre les adultes dirigeant l’enquête
et les élèves.
À partir de ce profil, il est assez aisé d’aider les élèves, selon les traits qui
les caractérisent. Il existe différents types de difficultés – mais attention!
un élève ne présente pas forcément toutes les difficultés en même temps.
L’élève en difficulté peut manquer de capitalisation: il a du mal à mémo-
riser le vocabulaire et à retenir les points importants de la leçon. Ce manque
se double par la difficulté à mobiliser d’anciennes connaissances et à utiliser
des méthodes.
Parfois, l’élève en difficulté ne peut pas identifier facilement les enjeux des
situations didactiques. En effet, pour bien bénéficier des phases d’institu-
tionnalisation, un élève doit pouvoir prélever, dès la présentation du
problème, les éléments faisant l’objet d’un apprentissage. Il doit alors
anticiper sur les actions et sur les formulations. On constate généralement
qu’il y a pour ces élèves un divorce entre les phases d’action et les phases
d’institutionnalisation.
Le tableau suivant aide à définir les différentes étapes de la formation d’un
concept. Même si ces étapes sont nécessaires pour tous les élèves, elles sont
surtout fondamentales pour les plus en difficulté.
Caractériser les étapes de formation d’un concept4

Activités proposées Types d’évaluations


Étapes Commentaires
aux élèves caractéristiques

0 Étape zéro L’environnement Pas d’évaluation.


n’est pas exploité,
sinon de façon
occasionnelle, sans
programmation
a priori.

3. Grand N, n° 50, IREM, université de Grenoble, 1992.


4. Tableau emprunté à Gérard CHAMPEYRACHE, IEN à Paris et responsable académique de
l’enseignement des mathématiques.

17 2
5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:44 Page 173

Pédagogie différenciée et mathématiques

1 Imprégnation On réalise Pas d’évaluation, Cette étape et la


des activités sinon au regard du suivante sont
d’appropriation travail qui a été essentielles.
d’un champ fait, Le maître doit lui
d’action, sans viser indépendamment accorder tout
l’explicitation de la construction le temps nécessaire
d’un concept (jeux, ultérieure d’un afin que
constructions nouveau concept. les élèves puissent
concrètes, mener toutes
problèmes à les investigations
contraintes ayant qu’ils imaginent.
une solution Un regard
simple…) particulier est
porté sur les élèves
les plus fragiles.

2 Découverte On propose des Évaluation Étape essentielle à


situations diagnostique au laquelle le maître
problèmes, ou début : le maître accorde le temps
des problèmes fait le point sur nécessaire pour
de recherche. les représentations que les élèves
mentales puissent
Pour le maître, des élèves. confronter
le concept à le résultat de leurs
construire a Évaluation recherches.
le statut d’objet formative au cours
d’étude. des activités : La communication
le maître adapte et l’argumentation
ainsi son action. sont fortement
sollicitées. C’est
L’erreur constitue fondamental pour
alors un indice aider les élèves à
pour le maître. la construction
du concept.

3 Institution- Cette activité fait Évaluation Cette étape est


nalisation la synthèse des sommative directement
travaux effectués première : conduite par le
lors de l’étape de elle est immédiate maître. Elle est
découverte. pour un contrôle assez rapidement
direct. traitée, si les deux
Le maître nomme étapes
le concept, et précédentes ont
introduit les été correctement
conventions de la exploitées.
symbolisation. Cette étape
apparaît comme
La notion nouvelle une évidence et
s’oppose aux fait sens pour tous
autres, opérant les élèves de
une distinction la classe.
entre ce qui est et
ce qui n’est pas.

173
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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

4 Application Les problèmes Évaluation Les problèmes


d’application sont sommative d’application
plus ou moins seconde : on reprennent les
complexes. vérifie si l’élève questionnements
mobilise rencontrés lors
Pour le maître, le naturellement de l’étape
concept a le statut le concept, de découverte.
d’outil de y compris dans
résolution des situations ne L’élève exploite
(ce n’est plus comportant pas le concept
un objet d’étude). de «mots précédemment
inducteurs». construit par
L’aide est fournie raccourci
à partir de l’erreur. opérationnel.
La différenciation
pédagogique
prend alors tout
son sens et
porte sur des
explicitations liées
à l’étape de
découverte ou
d’institution-
nalisation.

5 Extension On réalise Pas d’évaluation À terme, cette


des problèmes spécifique, sinon activité constitue
introduisant celle qui porte sur une véritable
une contrainte la capacité de étape
d’un type nouveau l’élève à gérer de découverte
et destinés à une situation pour un autre
déstabiliser non habituelle. concept.
le concept
précédemment
construit.
Il s’agit encore de
problèmes de
recherche.

Ce tableau met en évidence le fait que la phase d’institutionnalisation


apparaît tardivement, surtout quand les élèves rencontrent des difficultés
d’apprentissage en mathématiques.
On remarque généralement chez ce type d’élèves une usure précoce des
situations proposées par le maître, liée à un manque d’investissement et
à une lassitude très rapide. Dans ce cas, l’élève en difficulté recherche
principalement des règles, il a donc du mal à changer de point de vue,
voire à tolérer un avis contraire.
Enfin, à cet ensemble de difficultés liées aux mathématiques peuvent
s’ajouter des problèmes d’expression, de langage, de lecture, et un refus

17 4
5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:44 Page 175

Pédagogie différenciée et mathématiques

fréquent d’un travail en groupe, un manque d’autonomie se traduisant


par la recherche d’une relation privilégiée avec l’adulte enseignant.
Ces difficultés se matérialisent lors de la mise en place de problèmes de
recherche dans la classe. Il est donc essentiel d’instaurer de telles situations
pédagogiques pour aider ces élèves.
En effet, lorsque l’élève doit rechercher une démarche, trouver le bon
parcours, faire appel à des connaissances antérieures ou à une certaine
logique, il doit faire preuve d’autonomie, de concentration et de téna-
cité. C’est quand il n’est pas guidé pas à pas que ses difficultés sont mises
en exergue.
La connaissance des caractéristiques de l’élève en difficulté en mathéma-
tiques donne un chemin tout tracé pour lui apporter les aides dont il a
besoin. Il n’est en aucun cas question de simplifier le problème ou d’ac-
cepter que l’élève n’arrive jamais au bout de sa résolution. Au contraire,
il doit à chaque fois être réorienté pour y parvenir.
Tout comme pour la maîtrise de la langue, le maître intervient donc selon
toute la palette du dispositif, que ce soit au niveau de la table indivi-
duelle de l’élève ou autour de la table des besoins. Il faut que l’élève se
sente épaulé, mais qu’il ne prenne pas le maître comme unique relais.

Les mathématiques et la formation générale


des élèves

Les mathématiques proposent des situations problèmes – comme d’autres


disciplines, telles que les sciences, l’EPS, ou encore l’histoire – qui favori-
sent l’initiative, l’imagination et l’autonomie. Le maître peut différencier
l’approche et la pédagogie, au sein de la classe, avec des problèmes peu
complexes, ou parfois similaires à des problèmes déjà donnés.
Les mathématiques permettent la confrontation des résultats et donc le
développement des compétences dans le domaine de l’argumentation et
de l’explicitation. Outre les qualités en expression orale que cela suppose,
l’élève est amené à considérer d’autres points de vue que le sien, ce qui
l’oblige à une décentration. Pour des élèves plus en difficulté, cette dimen-
sion suppose la socialisation, l’écoute et le respect de l’autre, nécessaires

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5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:44 Page 176

Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

à la bonne marche de la classe. En effet, les problèmes comportementaux


rencontrés par certains élèves peuvent être en partie régulés grâce à cette
technique, pour peu que s’instaurent dans la classe des moments de parole
et de prise de position.
Ces éléments sont mis au jour lors de la réalisation des problèmes de
recherche, qui sont largement décrits dans les documents d’application
et d’accompagnement proposés en mathématiques par le ministère. En
effet, en proposant de tels problèmes à résoudre dans la classe, les élèves
sont amenés à chercher, à comparer, à justifier. Ces moments riches de
discussion aident considérablement les élèves en difficulté, qui trouvent
par ce biais le moyen de retrouver confiance en eux.
La preuve est un autre point qui peut servir ce type d’élève. La preuve,
qui résulte de l’expérience mais aussi des connaissances accumulées en
mathématiques, permet d’apporter une solution à un problème. Ainsi,
la solution acquiert un statut différent que si elle est simplement donnée
par le maître ou si elle résulte d’une démarche trop experte. Les élèves
en difficulté ont besoin de nombreuses (mais non infinies) phases de
recherche et de temps utile à la résolution. L’école doit pouvoir proposer
ces temps de construction de la démarche. C’est probablement parce que
la solution est trop rapidement donnée (par le maître ou par quelques
élèves plus à l’aise) que certains élèves se sentent en difficulté. La preuve,
pour peu qu’elle soit apportée par des élèves de la classe, permet à tous
de se sentir concernés. Dans ce cas, les procédés de constitution des
groupes de recherche permettent à des élèves plus fragiles de se sentir
associés au résultat. Ces points sont caractéristiques d’une pédagogie
de la réussite.

La guestion différentiée des apprentissages


en mathématiques

Même s’il est communément admis que tous les élèves n’apprennent pas
la même chose en même temps ni à la même vitesse, force est de constater
que l’enseignement des mathématiques est encore trop souvent conçu
comme un processus linéaire et collectif.

17 6
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Pédagogie différenciée et mathématiques

Nous allons proposer quelques pistes pour mettre en œuvre et gérer les
dispositifs de différenciation5.
Précisons toutefois que cette mise en œuvre nécessite l’existence du groupe
classe dans son ensemble pour des raisons psychoaffectives et didactiques.
Quatre pistes de différenciation sont évoquées :

쎲 La différenciation par les procédures


Il s’agit pour l’enseignant d’accepter le fait que, dans certaines activités
(comme celle, par exemple, de la résolution de problèmes ou encore d’opé-
rations à effectuer) chacun puisse répondre avec sa propre solution, ses
propres procédures. Toutes peuvent avoir a priori la même valeur car ce
qui importe, c’est que la solution soit juste. Rappelons, comme le dit souvent
Françoise Cerquetti-Aberkane, qu’un exercice de mathématiques n’est ni
bien ni mal, il n’est que juste ou faux6.
Dans l’exemple de l’approche de la multiplication, il est tout à fait possible
d’accepter qu’un élève utilise des additions réitérées dans un premier temps
car il aura perçu que ce système fonctionne. Qu’on le veuille ou non, il est
sur la voie de l’acquisition de cette technique opératoire. Il s’agit d’une solu-
tion personnelle qu’il s’évertue à employer provisoirement et il est important
de lui laisser la possibilité de l’éprouver. Cette différenciation par la procé-
dure employée donne beaucoup de souplesse à l’enseignement des
mathématiques.
Ensuite vient la correction traditionnelle à laquelle on oppose bien souvent
l’idée de mise en commun, d’échange et de débat. Le fait de tabler sur
les interactions entre pairs, sur la confrontation de solutions diversifées
représente, en effet, un sérieux facteur de progrès. Cette mise en commun
peut être l’occasion d’analyser certaines erreurs. Elle renvoie ainsi au statut
de l’erreur sur laquelle il est possible de travailler par la suite pour peu
qu’elle soit identifiée7.

5. D’après Chacun, tous… différemment – Différenciation en mathématiques au cycle des


apprentissages – Rencontres pédagogiques n° 34, 1995, INRP.
6. Enseigner les mathématiques à l’école, Hachette Education, 2000.
7. On pourra se référer à l’excellent livre de J-P ASTOLFI : L’erreur, un outil pour enseigner,
ESF, 1997.

177
5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:44 Page 178

Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

Puis, la démarche didactique consiste à amener progressivement l’élève à


se saisir d’une démarche dite « experte » pour en favoriser son appro-
priation de façon durable.
Voici un exemple, avec la soustraction, pour amener l’élève à passer de la
solution personnelle à la solution experte à partir d’un petit problème.

Énoncé : Un autocar qui peut transporter 60 personnes est complet.


45 adultes y sont installés. Tous les autres passagers sont des enfants.
Combien y a-t-il d’enfants dans l’autocar ?

Dans le cas de l’apprentissage de la soustraction, l’élève visualise spon-


tanément cette opération comme une addition à trou, comme une distance
existant entre deux nombres. Entre 45 et 60, le calcul est relativement aisé.
Certains élèves déboucheront sur 45 + …… = 60 et trouveront 15.
Cette solution sera donc souvent privilégiée par l’élève ; il ne s’agit surtout
pas de l’interdire. Elle aide largement à la compréhension de ce qu’est
une soustraction.
Aussi, pour que tous identifient effectivement une soustraction, il suffit de
changer les données du problème :

Énoncé : Un train de 926 places est occupé par 389 adultes. Combien y
a-t-il d’enfants dans ce train ?

Entre deux nombres très éloignés (du type 389 et 92) la soustraction s’im-
pose car l’addition à trou est très longue, fastidieuse et source d’erreurs.
La solution experte devient nécessaire et efficace aux yeux de tous et prend,
de ce fait, toute sa légitimité.

쎲 La différenciation par les ressources disponibles


et les contraintes imposées
• • Les « coups de pouce »
Comme nous avons pu le voir lors des activités liées à la maîtrise de la
langue, ce type de différenciation en mathématiques vise à adapter la situa-
tion (qui est la même pour tous les élèves) aux besoins d’apprentissage
de certains d’entre eux.

17 8
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Pédagogie différenciée et mathématiques

Un premier moyen pour traiter la tâche consiste à proposer à certains des


outils comme des tables pour des opérations à effectuer, des schémas expli-
catifs, des formules, des modèles etc. Ces ressources disponibles, que l’on
peut qualifier de « coup de pouce », permettent à certains élèves de s’ins-
crire seuls dans l’activité demandée.
Un autre exemple…

• • Le trésor
Imaginons cette activité proposée dans une classe de Grande Section ou
en début de CP. Chaque élève dispose d’un « trésor » constitué de plusieurs
perles. À chaque lancer de dé, ce trésor augmente en fonction du nombre
indiqué par le dé. La taille du trésor initial et le nombre indiqué par le dé
sont évidemment des variables importantes. Selon leur valeur, l’élève pourra
plus ou moins représenter les quantités sur ses doigts, dessiner les collec-
tions, ou encore réaliser un surcomptage mental.
Il est donc assez aisé de jouer sur ces deux variables afin d’adapter la quan-
tité à la maîtrise des nombres par les élèves, mais aussi d’obliger certains
élèves qui en sont capables à abandonner une procédure pour une autre
plus élaborée (surcomptage, par exemple). De plus, le dé peut porter des
nombres figurés par des points ou des écritures chiffrées. Enfin, il peut
rester visible à la suite du lancer de façon à aider certains à utiliser le
surcomptage, alors qu’il peut être caché immédiatement afin de favo-
riser la mémoire, la représentation mentale des nombres, et donc la
construction de l’abstraction.
L’intérêt de ce type de différenciation est de permettre à tous les élèves
de confronter leur point de vue puisque le contexte et le type de questions
posées restent les mêmes pour tous.

쎲 La différenciation par les rôles


Dans certaines types d’activités, les élèves peuvent jouer des rôles différents. Par
exemple, l’un est caissier tandis que les autres sont des joueurs. La tâche attri-
buée à chacun exige des compétences différentes en même temps qu’elle en
permet le développement. Les rôles peuvent donc être répartis en tenant compte
des compétences et des besoins d’apprentissage de chacun.
• • Le jeu du banquier
Prenons l’exemple du « jeu du banquier » souvent utilisé en cycle 2 pour

179
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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

amener les élèves à maîtriser la distinction entre valeur et quantité. Selon


une règle d’échange pré-établie (1 jeton rouge vaut 5 jetons verts, ou
1 pour 10, 1 pour 20, etc.), un élève est responsable de la caisse et donne
aux autres élèves le fruit des échanges demandés. Il est communément
admis que certains élèves de CP n’acceptent pas l’idée qu’un seul jeton
puisse avoir la même valeur que 5 ou 10 autres jetons réunis, même d’une
autre couleur. Choisir un élève qui présente ce type de difficulté et lui
demander d’être le « caissier » dans le jeu du banquier peut s’avérer très
positif. En effet, les interactions avec les autres joueurs vont l’obliger
progressivement à accepter la règle d’échange et à la mieux comprendre.
Il utilisera alors spontanément les jetons à forte valeur. De plus, ce prin-
cipe aide à construire l’utilisation effective et ultérieure de la monnaie.

쎲 La différenciation par la tâche


Comme nous l’avons largement montré lors de la mise en place d’ateliers
ou de l’utilisation d’un plan de travail, ces dispositifs se déclinent égale-
ment dans le domaine des mathématiques. Les élèves ne travaillent alors
pas tous sur le même type d’activités. Organiser sa classe pour que certains
puissent vivre des activités d’approfondissement ou d’entraînement en
autonomie permet au maître de se rendre plus disponible. Dans le cas de
la différence entre valeur et quantité, abordée plus haut, un atelier spéci-
fique peut être créé par le maître pour aider certains élèves à comprendre
la règle d’échange.
Rappelons que ce type de différenciation a son intérêt à certains moments
mais qu’il ne doit pas être systématisé car il peut, à terme, priver certains
élèves moins habiles du dialogue avec les autres.
Ces quatre grands axes établis, on trouvera ci-après quelques proposi-
tions et séquences concernant des activités mathématiques fréquemment
menées dans les classes. Ces activités touchent aux domaines du calcul,
de la numération, de la géométrie ou de la résolution de problèmes.

• • Différencier du côté des opérations


Les techniques opératoires font parties des compétences attendues à
l’entrée au collège. Elles sont, de ce fait et à juste titre, particulièrement
travaillées à l’école élémentaire et il est important que les élèves s’y confron-
tent régulièrement.

18 0
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Pédagogie différenciée et mathématiques

Dans les moments d’entraînement ou de structuration où les élèves ont un


certain nombre nombre d’opérations à effectuer, il est possible d’utiliser
la différenciation pédagogique de façon à permettre à tous de calculer
efficacement. Voici quelques propositions :
– Donner des opérations plus simples pour certains.
– Donner moins d’opérations à effectuer.
– Donner des calculs intermédiaires pour certaines opérations : dans
l’exemple de la multiplication par un nombre à deux chiffres, remplir à
l’avance un calcul. L’idée de positionner le « 0 » dans le calcul des dizaines
peut aussi aider des élèves à ne pas oublier de décaler vers la gauche ce
résultat intermédiaire.
– Indiquer la nécessité de ne pas oublier les retenues par une flèche (ou
tout autre code) placée à l’avance. L’élève peut ainsi être vigilant pour inté-
grer la retenue dans le calcul. Dans le cas de la soustraction, ce repère de
vigilance peut porter aussi sur l’observation des chiffres dans chaque
colonne de façon à anticiper l’erreur fréquente d’une soustraction pour
laquelle le chiffre en haut est plus petit que celui du dessous.
– Autoriser, à certains moments de l’apprentissage de la division, le recours
à des soustractions successives. Certains élèves peuvent assez vite s’en passer
alors que d’autres en ont besoin assez longtemps.
– Mettre à disposition des élèves les plus fragiles des outils d’aide (les tables
d’addition ou de multiplication par exemple). Rappelons que ce type de
différenciation aide l’élève à mesurer où il en est dans l’apprentissage et
à l’inciter à se passer, à un moment opportun, de ces aides. Ceci relève de
la pédagogie du contrat dans laquelle l’implication est grande.
– Constituer un groupe de besoin qui sera mené par le maître. Ce dernier
invite les élèves à effectuer les opérations en sa présence. Outre qu’il
peut facilement se rendre compte des démarches pertinentes ou erro-
nées que ses élèves utilisent, il peut aussi demander à ceux-ci de verbaliser
autant que possible leurs procédures, à « penser tout haut » : Pourquoi
as-tu mis 5 ici, que signifie ce « 1 » pour une retenue ? Etc. Ceci est très
instructif et permet d’aider de façon très efficace

• • Apprendre les tables de multiplication ou d’addition


Le propre du calcul automatisé (les tables, quelques doubles et moitiés, le
calcul sur les dizaines et les centaines entières, les compléments à la dizaine

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

supérieure...), est de délaisser l’intuition des nombres, l’ordre de gran-


deur au profit de la mise en oeuvre d’un algorithme uniforme sur des
chiffres. C’est précisément le nœud de son efficacité. Sans disponibilité
rapide des résultats des tables, il n’y a pas d’accès possible aux techniques
opératoires. Rappelons qu’en fin de cycle 2, les élèves doivent pouvoir
fournir les résultats des tables d’addition ainsi que les différences et les
compléments associés.
Les tables de multiplication par 2, 3 4 et 5 auront, quant à elles, été large-
ment abordées avant l’entrée au cycle 3. Il faut viser, avant la fin du cycle
des approfondissements, une mémorisation totale des produits des tables
et la capacité à les utiliser pour répondre à des questions du type :
« Combien de fois 7 dans 56 ? », « 56 divisé par 7 ? ».
Pour aider et motiver certains élèves à mémoriser ces tables, nous emprun-
tons d’abord à François Boule, cette idée ludique de présentation.
Plus les produits se complexifient, plus ils grossissent et sont en gras.

Tournons-nous maintenant du côté de Pef, le célèbre auteur du Prince


de Motordu, avec cette idée assez succulente pour mémoriser le début
de la table de Pythagore.

En oralisant la lecture, on peut aboutir à :


2 x 4 = « huître » (pour huit),
2 x 7 = carrosse (pour quatorze), etc.
Il s’agit d’une piste originale qui peut s’avérer une aide pour certains élèves
tout simplement parce qu’ils s’appuient volontiers sur leur mémoire visuelle.

18 2
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Pédagogie différenciée et mathématiques

En revanche, avec des enfants moins habiles avec la langue, il ne s’agira


peut-être pas d’un moyen très judicieux…

• • Les énoncés de problèmes


La compréhension de ces textes particuliers est une première étape néces-
saire à la construction d’une représentation mentale de la situation
mathématique. Toutefois, ces textes sont parfois difficiles à comprendre
en raison des représentations sémantiques erronées parfois induites par
la polysémie des termes dont les élèves ne retiennent pas le sens en mathé-
matiques. Exemple : le sommet d’un triangle.
Les élèves rencontrent aussi des difficultés à opérer les inférences indis-
pensables ; l’interprétation des données est, de ce fait, difficile. Enfin, les
énoncés des problèmes arithmétiques sont nécessairement lacunaires : le
choix de l’opération à effectuer est lié à l’identification des relations entre
les données (données non directement explicitées par le texte)
Quelle démarche pour les énoncés de problème ?
Tout au long du cycle 3, il faut que les élèves soient confrontés aux énoncés
sans recours à une première lecture magistrale. Il y a donc nécessité d’en-
visager des énoncés adaptés, différenciés, outillés. Les élèves doivent
apprendre à naviguer entre données et questions, à passer du texte à
d’autres formes de représentations des données (schéma, tableau,
graphique, etc.). Cette flexibilité ne va pas de soi et l’aide peut être très
pertinente sur ce point. Ils doivent aussi apprendre à mobiliser leurs connais-
sances pour se représenter les situations et valider la vraisemblance de leurs
réponses. La médiation par le maître est plus ou moins présente ; elle
s’efface peu à peu à des moments différents selon les élèves.
Voici maintenant repertoriés quelques facteurs de difficultés dans la lecture
des énoncés de problèmes. Suivent des propositions qui permettront une
approche différenciée selon les besoins des élèves.
1. Place de la question : à la fin ou au début ?
– Inciter à une double lecture quand la question est en position termi-
nale. Penser à poser la question au début peut s’avérer très utile et guide
de nombreux élèves.
Exemple pour des élèves de CE1 : dans cet énoncé, la question « Combien
la fermière a-t-elle d’œufs » posée au début, guidera la lecture de l’élève
pour rechercher les informations pertinentes.

183
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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

La fermière porte au marché 26 boîtes contenant chacune douze œufs.


Combien a-t-elle d’œufs ?
2. Ordre des données : ordre correspondant à celui du traitement ou non ?
ordre syntaxique cohérent ou non ?…
– Proposer des énoncés avec des présentations variées.
Ainsi, dans le problème « Les cartes géométriques » proposé ci après, il
n’y a pas d’énoncé écrit ; seule la situation vécue (les cartes observées par
toute la classe et placées dans une boîte) débouche sur la situation-problème.
Ce type de présentation peut aider de nombreux élèves à s’intéresser d’em-
blée aux informations mathématiques que le problème contient.
3. Complexité du texte : phrases complexes, avec des relatives (surtout avec
dont) ?
– Faire effectuer des reformulations du texte ou produire un autre texte
plus explicite.
– Reprendre également les données sous d’autres formes, en proposant
des schémas ou des dessins.
Dans cet exemple de problème numérique, des caisses de fruits peuvent
rapidement être dessinées avec les kg respectifs qu’elles contiennent.
« Un commerçant vient de recevoir 15 caisses de pommes contenant chacune
5 kg, 10 caisses de poires contenant également 5 kg. Il a payé les pommes
1,10 euro le kilo et les poires 1,20 euro le kilo. Il les revend en augmentant
de 50 centimes le prix du kilo de pommes et 60 centimes celui des poires.»
Quelle sera la recette totale de ce commerçant lorsqu’il aura tout vendu ?
4. Caractère plus ou moins complet des données : quelles sont les données
indispensables ? les données parasites ?
– Les élèves ont tendance à « tout » utiliser dans un énoncé. Repérer les
données inutiles (les isoler, les supprimer).
5. Vocabulaire univoque ou non : présence ou non d’un lexique spéci-
fique aux mathématiques ? de formules pouvant poser problème (« des
livres à 12 euros pièce »)
– Élaborer un répertoire lexical (comme dans les autres domaines). Des séances
spécifiques d’étude de la langue en mathématiques sont aussi possibles8.

8. On pourra s’appuyer sur le Lexique des disciplines - Retz.

18 4
5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:44 Page 185

Pédagogie différenciée et mathématiques

6. Informations données sous plusieurs formes :. textes, graphiques, photos,


schémas ? Parvenir à relier ces diverses informations.
– Expliciter le caractère complémentaire des informations.
7. Problèmes à une ou plusieurs étapes de résolution : les étapes sont-elles
suggérées ou non par la question ?
– Veiller à passer d’énoncés où les étapes sont suggérées par les ques-
tions à des énoncés présentant uniquement la question.
8. Problème fermé ou problème ouvert : pas de réponse canonique ?
plusieurs solutions possibles ?
– Diversifier les textes pour éviter les représentations figées (de type une
question/une réponse).
Et les grands nombres ?
Dans les grandes classes du cycle 3, certains élèves ont de grosses difficultés
à lire les grands nombres. Le recours au tableau en colonne permettant
d’écrire les nombres peut s’avérer d’une grande aide mais il peut être
plus profitable d’utiliser parfois d’autres représentations. Il est évident qu’il
ne s’agit plus de passer par des manipulations comme dans les petites
classes ; d’abord, la taille des nombres abordés ne le permettrait pas, mais
le principe est bien que les élèves puissent avoir une représentation mentale
de ces nombres, qu’ils puissent les abstraire.
Ainsi, nous pouvons nous intéresser au modèle de Henri Planchon9, ce
didacticien des mathématiques qui nous offre des pistes d’aide à la diffé-
renciation à travers le support.
Voici un tableau pour aider les élèves à lire les grands nombres mais aussi
à les écrire.

Les nombres à lire sont 9 600 000 ; 5 173 437 ; 80 950.


9. Henri Planchon – Réapprendre les maths - ESF 1989.

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

Un tel tableau peut aider car il représente une approche « nouvelle » de


la numération. Le graphique donne des nombres (à lire/écrire/décomposer).
Chaque point placé dans une colonne correspond à un des chiffres des
nombres écrits. Lorsqu’une colonne n’a pas de point (le trait peut passer
dessus sans s’y arrêter), cela correspond à « 0 ».
Ensuite, on peut poursuivre le tableau vers la gauche : les «milliards», ou
vers la «droite» : les dixièmes (colonne B’), centièmes (C’), millièmes (D’).
Enfin, ce tableau permet une comparaison de nombres, une conversion.
Si cela s’avère nécessaire, ce second tableau peut être proposé plus tard
afin d’aider à mieux comprendre le premier. Il peut être destiné à certains
élèves plus fragiles dans leurs acquisitions.

Exemple de problème de recherche :


les cartes « géométriques »

Prenons un exemple de problème de recherche proposé dans le document


d’accompagnement en mathématiques pour l’école primaire. Il concerne
des élèves de cycle 3, d’un niveau CM1 ou CM2.
Un jeu de cartes est présenté aux élèves. Les cartes comportent des triangles
ou des carrés, comme ci-contre.

18 6
5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:44 Page 187

Pédagogie différenciée et mathématiques

3 4

Pour réaliser cet exercice, l’enseignant partage la classe en six groupes.


Trois cartes sont choisies par les groupes d’élèves et mises dans une boîte.
Il y a donc 18 cartes dans la boîte. 60 côtés de figures géométriques sont
comptés à partir des cartes choisies.
Consigne : Trouvez le nombre de cartes portant des carrés et de cartes
portant des triangles.
Nous proposons un déroulement possible de la recherche, qui est aussi
largement décrit dans le document ministériel. Nous démontrons comment
intervenir auprès des élèves les plus fragiles durant ce travail de résolution
de problème. Rappelons cependant qu’il est nécessaire de conserver pour
chaque groupe des éléments de recherche, c’est-à-dire que l’intervention
du maître ne doit pas se résumer à donner trop rapidement la solution.

1. Cinq minutes de recherche personnelle


Avant d’amorcer le travail de groupe, l’élève doit disposer d’un temps de
travail individuel pour s’approprier le problème. C’est à ce moment qu’il
est possible d’intervenir auprès des élèves qui en ont le plus besoin. Le
maître se rend alors disponible pour tout le groupe-classe. Ainsi, il relit
l’énoncé avec les élèves, incite à la notation de quelques nombres clés et
à la copie d’informations notées au tableau. Surtout, il prend le temps de
bien préciser la consigne du problème.

2. Première phase de recherche en groupe


C’est le moment des échanges multiples entre élèves. Certains proposent
de ne prendre que des carrés, d’autres que des triangles. À partir de ces
propositions, des élèves enlèvent des carrés ou des triangles afin de
respecter la consigne de 18 cartes et 60 côtés.

187
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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

À ce stade de la résolution, le maître aide l’élève à la conceptualisation


du problème. Il discute en aparté, avec les élèves concernés, du nombre
de cartes exigées et du nombre de côtés observés. Il précise la démarche
retenue par le groupe ou du moins l’incite en parlant de l’option «tout
triangles» ou de l’option «tout carrés».
L’aide consiste donc à mettre les élèves sur la voie de la recherche.
L’enseignant doit veiller cependant à intervenir en termes de proposition
et non pas en fixant une seule démarche. Il ne doit surtout pas s’imposer
immédiatement comme relais auprès de l’élève.

3. Pause
Le maître prévoit une pause à mi-parcours afin de favoriser les mises au
point des élèves. Il les laisse s’exprimer sur les étapes de la recherche et
invite les plus en difficulté à donner leur opinion. Ceci n’est possible
qu’après un temps d’observation minutieuse. Lors de la phase précédente
de recherche, le maître a prélevé ce que pouvaient dire ces élèves et
remarqué leur contribution effective à l’avancée de la recherche.

4. Nouvelle phase de recherche


Les groupes procèdent ensuite à un nouveau temps de recherche. Les procé-
dures sont affinées en fonction des commentaires donnés lors de la pause.
L’attitude du maître consiste à guider certains élèves pour qu’ils utilisent
effectivement les diverses mises au point. À ce moment, il peut isoler
certains d’entre eux afin de reformuler les différentes étapes retenues.
Dans cet exemple de la répartition entre nombre de triangles et nombre
de carrés, les élèves doivent être en mesure d’expliciter l’incidence du retrait
d’une carte «triangle» au profit d’une carte «carré». Il faut donc rappeler
si nécessaire et parfois à nouveau en aparté la constante des 18 cartes et
des 60 côtés obtenus.

5. Mise en commun
Les élèves exposent ce qu’ils ont trouvé et le maître reste neutre le plus
longtemps possible. Tous les élèves ont alors l’occasion de s’exprimer.
Ceux qui d’ordinaire présentent des difficultés rappellent les contraintes
du problème, en l’occurrence le nombre de cartes et de côtés. D’autres
précisent que, pour obtenir 60 côtés avec uniquement des triangles, il faut

18 8
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Pédagogie différenciée et mathématiques

20 cartes (20 x 3 = 60). On remarque alors que la condition de 18 cartes


n’est pas respectée. D’autres élèves ajoutent que, pour totaliser 60 côtés
avec seulement des carrés, on a besoin de 15 cartes (15 x 4 = 60). Alors la
condition de 18 cartes n’est toujours pas respectée.
Certains élèves oseront proposer des approches empiriques, à partir de
l’échange possible entre des cartes «triangle » et des cartes «carré». 18 cartes
« triangle » donnent 54 côtés… 17 cartes « triangle » et 1 carte « carré »
donnent 55 côtés… 16 cartes «triangle» et 2 cartes «carré» donnent 56
côtés… et ainsi de suite pour arriver à 12 cartes «triangle» et 6 cartes «carré».
La recherche corollaire peut aussi être menée à partir de 18 cartes «carré».
Ceci aboutit à un nombre supérieur de côtés, soit 72 côtés au lieu des
60 exigés. Par échanges successifs, on peut retrouver la juste répartition.
L’idée est de faire expliciter tous ces tâtonnements, mais aussi de faire parti-
ciper les élèves les plus faibles pour qu’ils suivent chaque stade de la
recherche. Tant de cartes « triangle » et tant de cartes « carré » donnent
tant de côtés et il faut arriver à 60 côtés : si on ajoute ou retire une carte,
quel nombre de côtés obtient-on?
Les élèves doivent porter un jugement critique sur les hypothèses de leurs
camarades. À l’inverse, ils doivent aussi accepter la critique des autres. Ce
point est essentiel pour les élèves en difficulté, qui souvent acceptent mal
le regard d’autrui.
Enfin, il est fondamental de terminer le problème de recherche en notant
la solution validée par la classe et le maître, mais aussi en ayant un retour
sur le vécu des élèves lors de la résolution collective. Ce volet relève davan-
tage du domaine du « vivre ensemble » dont rendent compte les
programmes officiels. Les élèves s’expriment à la fois sur les procédures
suivies et sur la façon dont le problème a été appréhendé individuelle-
ment. Certains élèves mentionnent alors les difficultés rencontrées sur la
représentation de la tâche à effectuer et/ou sur le bon prélèvement
d’informations dans l’énoncé.
Ces verbalisations sont fondamentales car c’est à ce moment que l’élève
peut prendre conscience d’une meilleure méthodologie. Il est alors impor-
tant que le maître précise à nouveau les procédés opérationnels de lecture
d’un énoncé et la représentation du contexte. Ceci peut paraître très simple,
néanmoins la répétition fréquente de cette démarche outille tous les élèves
de la classe en vue d’acquérir une attitude réflexive face aux problèmes
mathématiques qui leur sont proposés.

189
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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

Voici un nouvel exemple de problème de recherche, où la différenciation


pédagogique est possible.

La cible
Problème de recherche – CE2

Différenciation : Groupe de besoin autour du maître – les autres élèves en


autonomie.

Objectif : Appréhender la notion de «multiple».

Matériel : – Une cible par élève.


– Le dessin de la cible en grand au tableau.

쎲 Déroulement
L’exercice est le suivant.
Consigne : Quand on lance une flèche au centre de la cible, on marque
16 points. Quand on lance une flèche dans la couronne, on obtient 3 points.
Alexandre a obtenu 190 points.
Trouve quatre façons possibles d’obtenir le score d’Alexandre.

3 16 3

Pour commencer, le maître présente le contexte de ce problème de


recherche et lit la consigne. Il demande aux élèves les plus en difficulté
de décrire ce qu’a fait Alexandre : il a lancé des flèches sur la cible et a
obtenu 190 points.
Puis, lors d’un premier temps de recherche personnelle, il invite les élèves
à noter quelques calculs au brouillon. Il isole alors les élèves en difficulté
à la table des besoins pour construire avec eux la représentation du
problème et les amener à sa résolution. Il leur soumet deux pistes de
recherche :

19 0
5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:44 Page 191

Pédagogie différenciée et mathématiques

– Il est possible de lancer autant de flèches que nécessaire.


– Que se passe-t-il si toutes les flèches arrivent au centre de la cible?
À partir de ce principe, les élèves dressent la liste des multiples de 16 et
s’aperçoivent qu’il n’est pas possible d’atteindre le nombre 190 en ne
mettant que des flèches au centre de la cible (12 x 16 = 192 points).
Ainsi, pour chaque multiple obtenu, on peut chercher ce qui manque pour
atteindre 190. On obtient le tableau suivant :

Nombre de flèches
au centre 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11

Points obtenus 16 32 48 64 80 96 112 128 144 160 176

Complément
174 158 142 126 110 94 78 62 46 30 14
pour atteindre 190

Dans cette liste de compléments pour atteindre 190, les élèves doivent
trouver les multiples de 3 (qui correspondent aux flèches tirées dans la
couronne). Ils reprennent donc les chiffres un par un, en commençant
par le plus petit, à droite du tableau : 4 flèches tirées dans la couronne
donnent 12 points (4 x 3 = 12), et 5 donnent 15 points (5 x 3 = 15). Le résultat
14 est impossible. On procède ainsi de suite afin de mettre en évidence
les nombres suivants : 30 = 10 flèches ; 78 = 26 flèches ; 126 = 42 flèches ;
et enfin 174 = 58 flèches.
Les solutions possibles sont donc :
– 1 flèche sur le 16 et 58 flèches sur le 3 ;
– 4 flèches sur le 16 et 42 sur le 3 ;
– 7 flèches sur le 16 et 26 sur le 3 ;
– 10 flèches sur le 16 et 10 sur le 3.

쎲 Analyse de la différenciation
L’approche différenciée guide les élèves les plus fragiles dans la résolu-
tion du problème. Le maître doit être particulièrement attentif à l’évolution
des élèves et à leur capacité à travailler seul : au moment propice, certains
élèves peuvent quitter le groupe de besoin et retourner à leur table indi-
viduelle pour continuer la résolution.
Pour cet exercice, ces moments sont assez précis :
– dès que les élèves ont compris qu’il faut combiner des flèches sur le 16
et d’autres sur le 3 pour obtenir 190 ;

191
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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

– lorsque les élèves ont compris l’intérêt de lister les compléments de 190,
et de rechercher les multiples de 3 dans cette liste ;
– quand les quatre nombres multiples de 3 sont extraits de cette liste ;
– ou à la fin du problème, lorsqu’il s’agit d’écrire les solutions possibles.
Même lors de cette phase finale, si l’élève est capable d’écrire en situa-
tion autonome, il s’agit d’un progrès conséquent favorisé par l’approche
différenciée.

La géométrie à l’école : un point particulier

Ce domaine des mathématiques peut s’avérer tout à fait motivant et


salutaire pour des élèves présentant des difficultés. En effet, dans la contri-
bution des mathématiques à la formation générale des élèves, la géométrie,
en proposant des tracés de figures, des réalisations de solides ou de frises
diverses, développe l’attention, le soin et le goût du travail bien fait.
Cette dimension n’est pas négligeable car elle permet à de nombreux élèves
de trouver un terrain de réussite.
Ceci suppose une pratique récurrente du tracé, même s’il s’agit de simples
reproductions de figures. La progression des activités s’opère à partir du
support utilisé pour les tracés. Dans un premier temps, les élèves ont recours
à un quadrillage. Ils se sentent sécurisés et construisent progressivement
leur observation de la figure à reproduire. Ensuite, le maître demande des
reproductions de figures sur une feuille dépourvue de quadrillage, ce qui
nécessite des prises d’information conséquentes sur la figure existante
(dimension des côtés, type d’angles, etc.). Toutefois, pour des figures
complexes, il est encore possible de proposer un quadrillage, au moins
partiel.
En tout état de cause, il s’agit bien de retarder le plus possible la phase
d’institutionnalisation (les caractéristiques de tel triangle, de tel poly-
gone, etc.), et de développer plutôt le sens de l’observation, du tracé et
du soin. Tous les élèves peuvent se sentir concernés et s’imprégner des
figures qui les entourent. Tous peuvent avoir envie d’effectuer ces tracés
et de découvrir par imprégnation le monde de la géométrie.
En application, nous présentons deux exemples de pédagogie différenciée
en géométrie.

19 2
5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:44 Page 193

Pédagogie différenciée et mathématiques

Reproduire le symétrique
d’une figure géométrique
Géométrie – Cycle 3

Différenciation : Individualisée (3 niveaux).

Objectif : Tracer le symétrique d’une figure géométrique par rapport


à une droite avec ou sans quadrillage.

Compétences (I. O.) : Produire le symétrique d’une figure par rapport à une ligne
droite par pliage.

Matériel : – Une figure avec quadrillage pour les élèves en difficulté.


– La même figure sans quadrillage pour les élèves experts.

쎲 Déroulement
Le maître distribue une feuille d’exercice, dont la consigne est la suivante :
« Reproduis la figure sur l’espace prévu à droite. » Les élèves sont tous à
leur table individuelle, mais la tâche demandée est différenciée pour
aboutir au même tracé. En effet, selon le niveau de compétence des élèves
concernant les tracés, l’activité est proposée selon une différenciation à
trois niveaux.
Niveau 1
Les élèves disposent d’un quadrillage comme support tant pour la figure
modèle que pour celle à tracer en symétrie.

Exemple

193
5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:44 Page 194

Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

Niveau 2
La figure modèle est réalisée sur un quadrillage, en revanche la figure
symétrique est à tracer sur papier blanc.
Exemple

Niveau 3
Les élèves ne disposent plus d’un quadrillage comme support. La figure
modèle est tracée dans l’espace et ils doivent reproduire son symétrique
à droite de l’axe. Il leur faut donc prendre les mesures par rapport à la
droite et placer les points qui correspondent aux sommets des angles de
la figure. Ils doivent respecter le concept de « symétrie » et imaginer un
miroir.
Pour ce dernier niveau, le maître peut guider certains élèves en plaçant
quelques points à droite de l’axe.

Exemple

Lors de la mise en commun, les élèves vérifient la bonne réalisation de la


figure symétrique en pliant leur feuille au niveau de l’axe. Si les deux figures
se superposent parfaitement, l’exercice est réussi. Dans le cas contraire,
les élèves identifient leurs erreurs et tentent de les rectifier.

19 4
5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:44 Page 195

Pédagogie différenciée et mathématiques

쎲 Analyse de la différenciation
Cet exercice est en adéquation avec les principes directeurs de la
différenciation pédagogique. L’objectif visé est le même pour tous
les élèves de la classe, à savoir le tracé du symétrique d’une figure,
mais la difficulté de la tâche demandée varie selon les besoins de
chacun.
Pour le niveau 1, l’élève est libéré de toute mesure et peut ainsi
représenter le symétrique de la figure en s’appuyant sur le
quadrillage. Il compte simplement les carreaux et vérifie sa réalisa-
tion grâce au pliage, en veillant à la superposition exacte des deux
figures obtenues.
Pour le niveau 2, la tâche est plus complexe, mais le quadrillage à
gauche est un bon guide. D’ailleurs, certains traits de ce quadrillage
peuvent être poursuivis au crayon sur la partie droite pour créer
les repères nécessaires.
Le niveau 3 représente une démarche experte puisque l’élève doit
prendre les mesures par rapport à la droite et les reproduire en
symétrie. Seuls les bons élèves y parviendront.
En fin d’activité, il est intéressant d’inviter les élèves à comparer leurs
tracés, surtout entre les niveaux 1 et 3, pour instaurer une entraide
éventuelle. Lors de la correction, la superposition de plusieurs tracés
est une preuve tangible.

Même aire, même périmètre


Géométrie – Cycle 3

Différenciation : Groupe de besoin autour du maître – les autres élèves en


autonomie.

Objectif : Observer des figures géométriques et en définir l’aire et


le périmètre.

Matériel : – Pour chaque élève, une photocopie de cinq figures.


– Une reproduction de ces figures en grand format sur une
feuille (ou une représentation au tableau).

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

쎲 Prérequis
Pour effectuer ce problème, les élèves doivent connaître la notion de
périmètre. Celle-ci est abordée en cycle 2, mais davantage développée au
CE2. En revanche, il peut s’avérer nécessaire de rappeler la notion d’aire,
d’expliquer ce qu’elle représente (à savoir la surface à l’intérieur d’une
figure fermée).

쎲 Déroulement
La consigne de l’exercice est la suivante : Les cinq figures ci-dessous sont
construites à l’aide de deux formes géométriques. Elles ont toutes la même
aire, mais deux d’entre elles ont le même périmètre. Lesquelles ?10

L’enseignant distribue la feuille comportant les figures et lit la consigne.


Il demande alors à plusieurs élèves d’expliciter cette consigne afin de
favoriser l’imprégnation de ce qui est recherché. Il laisse ensuite le groupe-
classe s’approprier le problème, en leur accordant un temps de première
recherche individuelle. Puis, il réunit les élèves en difficulté autour de la
table des besoins pour guider leurs travaux. Les élèves sont choisis selon
deux critères :
– ceux que le maître désigne car il sait d’avance, grâce à des exercices
antérieurs, qu’ils rencontrent des difficultés de conceptualisation ;

10. Cet exercice est extrait d’un « rallye mathématiques » de l’académie de Paris, mai 2005.

19 6
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Pédagogie différenciée et mathématiques

– ceux qui désirent travailler avec le maître afin de se sentir épaulés. Pour
ce cas de figure, certains élèves peuvent rejoindre le groupe de besoin en
cours de résolution du problème.
Pendant que le reste de la classe fonctionne en autonomie, le maître aide
ces élèves à se représenter la tâche, en plusieurs étapes.
1. Grâce à une bonne observation, ils doivent comprendre que le segment
de droite correspond au rayon du cercle. Puis, l’enseignant met en évidence
le quart de cercle (constitué d’un arc de cercle), qu’il nomme quadrant.
2. Il demande alors aux élèves de lui montrer des rayons et des quadrants
sur certaines figures, dans l’objectif d’observer ces dernières et d’isoler les
données nécessaires.
3. Il explique ensuite la notion de périmètre avec l’idée de faire le « tour »
de la figure et d’en donner la mesure.
4. Ainsi, le groupe-maître analyse le périmètre de la figure A. Il s’agit
d’un rectangle construit avec 6 segments. Le périmètre de A est donc
égal à 6 rayons.
À ce moment de la recherche, le maître propose aux élèves qui en sont
capables de retourner à leur table individuelle afin de poursuivre l’obser-
vation des autres figures et de noter leur périmètre. Il est d’ailleurs tout
à fait possible qu’il n’y ait plus d’élèves à la table des besoins à ce stade.
5. Dans le cas contraire, l’enseignant mène, avec le reste du groupe, les
recherches pour aboutir au constat suivant : le périmètre de B est égal à
4 rayons et 2 quadrants ; celui de C à 2 rayons et 4 quadrants ; celui de
D à 4 quadrants ; et enfin celui de E à 2 rayons et 4 quadrants. La lecture
de toutes les caractéristiques des figures fait apparaître que la figure C et
la figure E ont le même périmètre et la même aire.
De la même façon qu’à l’issue de l’observation de la figure A, certains élèves
peuvent quitter au fur et à mesure le groupe de besoin.

쎲 Analyse de la différenciation
Certains élèves ont travaillé avec une aide totale ou partielle du maître ;
d’autres ont résolu le problème seuls. L’avantage de cette situation est que,
lors de la réunion du groupe-classe et de la mise en commun, tous ont l’oc-
casion de participer et d’expliquer les réponses trouvées. Le maître peut
solliciter les élèves qui ont fait l’objet d’une aide et les inviter à repérer

197
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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

les « rayons » et les « quadrants » sur les figures représentées au tableau.


Pour ce faire, il leur propose de surligner d’une autre couleur le péri-
mètre des figures et de compter le nombre de rayons et de quadrants
qui constituent chacune d’elles. Cela facilitera l’explication de leur démarche
d’observation. Il accorde alors des moments de discussion et de mise au
point, tout en restant le plus extérieur possible afin de favoriser les inter-
actions entre élèves.
Pendant la correction, on souligne le fait qu’une mesure n’est pas toujours
exprimée avec une unité légale (mètre, centimètre, etc.). Dans cet exercice,
il s’agit en effet de comparer simplement des périmètres construits avec
des segments et des quadrants.
Dans cette activité, la difficulté porte sur l’observation des figures. Les élèves
doivent comprendre qu’il ne faut pas mesurer les périmètres à l’aide d’un
outil, mais à partir de déductions. L’aide différenciée permet aux moins
experts de trouver cette démarche d’observation, de comparaison et de
déduction. En effet, une fois les rayons et les quadrants repérés, le problème
peut sembler beaucoup plus simple. Mettre certains élèves sur la voie de
la résolution permet à toute la classe de trouver la solution et surtout de
l’expliquer.
Ainsi, dans cet exemple, le rôle du maître consiste à amorcer la recherche
mais aussi à guider l’observation vers les points essentiels pour la résolu-
tion du problème. Il doit expliciter clairement la démarche à utiliser, et,
au final, la solution doit paraître comme indiscutable.

D’une manière générale et en guise de conclusion sur ce chapitre, ensei-


gner les mathématiques suppose de penser les apprentissages sur le
long terme car les notions se construisent sur la durée. En ménageant ce
temps de construction des notions, on donne la possibilité à tous les élèves
de trouver leur place dans l’enseignement des mathématiques.
L’outil de prédilection est très certainement la mise en place fréquente et
régulière des problèmes de recherche, dans lesquels le maître agit pour
aider chaque élève à participer à la recherche. On s’aperçoit à cette occa-
sion que les mathématiques ne sont ni réservées à quelques-uns, ni plus
difficiles qu’une autre matière scolaire. Ils représentent même un levier
pour la réussite de tous les élèves.

19 8
5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:44 Page 199

C h a p i t r e 6 6
Pédagogie différenciée
et autres champs disciplinaires

Comme nous l’avons évoqué lors de l’introduction de cette troisième partie,


ce dernier chapitre est relativement court. Rappelons que notre démarche
consiste à mettre l’accent sur la maîtrise de la langue tout simplement parce
que l’acquisition de compétences par les élèves dans ce domaine sert obli-
gatoirement les autres champs disciplinaires.
Cependant, nous mesurons tout à fait que de nombreux élèves trouvent
de nouveaux centres d’intérêt dans d’autres disciplines, se sentent davan-
tage concernés par les sujets qui y sont abordés et peuvent ainsi être en
situation de réussite. Ces autres champs disciplinaires se présentent alors
comme un levier pour aider les élèves en difficulté dans les domaines de
la maîtrise de la langue ou des mathématiques. Nous avons d’ailleurs
quelque peu abordé le sujet en traitant la différenciation pédagogique
liée à des activités de production d’écrits : nous avons montré l’impor-
tance de travailler sur des textes à caractère documentaire car certains
élèves s’y retrouvent davantage.
Ce dernier chapitre consiste donc en un rapide tour d’horizon des éléments
constitutifs des autres champs disciplinaires, qui font aussi l’objet d’une
différenciation pédagogique. Comme pour la maîtrise de la langue ou les
mathématiques, cette différenciation s’effectue avec un regroupement des
élèves à la table des besoins ou bien directement en approchant les tables
individuelles des élèves.
Par ailleurs, les trois premières disciplines que nous abordons peuvent
donner lieu à des exposés réalisés par les élèves. Alors, la constitution de
groupes devient aussi un moyen de différenciation pédagogique car chaque
élève y joue un rôle conséquent pour la réalisation de l’exposé.

199
5MP partie 3 Chap. 1 à 6 5/06/09 10:44 Page 200

Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

Histoire
Le travail lié à la chronologie et l’accès à différents types de documents
caractérisent ce domaine disciplinaire. L’élève est donc confronté à un type
de lecture documentaire et à la construction d’une ligne du temps. Les
difficultés sont parfois conséquentes pour le maniement des dates, pour
le respect des échelles, pour le prélèvement d’indices historiques dans un
document iconographique.
La différenciation porte alors sur:
– la construction des lignes du temps: placer les événements importants,
respecter l’échelle de représentation (1 cm correspond à tant d’années),
différencier la nature de l’événement (politique, social, culturel, etc.);
– la lecture ou la description d’un document visuel accompagné d’un
questionnaire;
– les aspects méthodologiques: utilisation du lexique, des légendes des
documents, perception de l’organisation du manuel (place du récit, repé-
rage des documents d’époque, etc.);
– les exposés, dont les thèmes sont multiples; citons les plus diachroniques,
comme la civilisation gallo-romaine, les seigneurs et les paysans au Moyen
Age, la révolution Industrielle ou encore l’entre-deux-guerres. Chaque élève
du groupe traite une partie du thème.

Géographie
Dans ce champ disciplinaire, les difficultés des élèves reposent surtout sur
la cartographie. Cette compétence est amorcée au cycle 2 et poursuivie
au cycle 3, en conséquence il ne s’agit pas de difficultés à proprement parler.
Cependant certains élèves ne sont pas à l’aise avec ce type de représen-
tation. L’aide porte alors sur :
– la lecture de la carte, en y prélevant des distances, en repérant les diffé-
rents éléments qui la constituent (parties hydrographiques, éléments
urbains, bourgs, infrastructures, etc.);
– la construction d’une carte. Le maître aide à une représentation soignée
et fidèle, au repérage des espaces principaux (mers, plaines, montagnes,
etc.), en donnant des pistes pour réaliser la légende.
L’autre volet de la géographie concerne la lecture de paysages à partir de
documents visuels. La différenciation est alors centrée sur :

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Pédagogie différenciée et autres champs disciplinaires

– l’utilisation du vocabulaire spécifique de la description (premier,


deuxième, arrière-plan);
– le repérage des éléments qui constituent le paysage (infrastructures, habi-
tats, zones cultivées, végétation naturelle, etc.). Comme pour la lecture
d’un texte, ces repérages se font rapidement avant la séance de géogra-
phie afin d’aider et d’outiller les quelques élèves qui en ont besoin. Ces
enfants pourront ainsi participer plus facilement à la leçon;
– les exposés, dont les sujets peuvent être les suivants : les villes et les
campagnes, les secteurs d’activité ou encore les régions de France.

Sciences et technologie
Outre les aspects documentaires que ce domaine requiert, ce qui est inté-
ressant en sciences et technologie c’est la mise en place d’une démarche
expérimentale. Cette démarche, qui fait très souvent l’objet d’un travail
en groupe, suppose que les élèves se représentent non seulement ce qu’il
faut démontrer, mais aussi le moyen d’y parvenir.
À ce stade, il peut être nécessaire de regrouper certains élèves à la table
des besoins pour leur demander de verbaliser la consigne. L’objectif est
de faire évoluer leurs représentations. L’enseignant en profite pour leur
proposer quelques pistes, leur donner quelques astuces, voire même du
matériel. Ils n’en seront que plus à l’aise lorsqu’ils réintégreront leur groupe.
L’exemple le plus courant concerne les différents états de la matière. Un
élève de cycle 2 doit parvenir à faire la relation entre de la glace et de l’eau,
et constater les différences de volume entre une bouteille plastique remplie
d’eau (liquide) puis d’eau gelée (solide).
Des exposés sont aussi proposés pour des thèmes qui ne nécessitent pas
forcément la mise en place d’une expérimentation, mais plutôt un recours
à une documentation scientifique. Par exemple : la classification des
animaux, les volcans ou encore les sources d’énergie.

Éducation physique et sportive (EPS)


Notons tout d’abord que l’EPS remporte, dans l’ensemble, une vive adhé-
sion de la part des élèves. Ceci correspond à un besoin de l’enfant: celui
de bouger et d’agir avec son corps. Pour certains élèves en difficulté dans
les autres apprentissages, ce domaine disciplinaire représente un terrain

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

d’expression et de réussite. Grâce aux jeux, aux règles, aux situations collec-
tives que l’EPS propose, ces élèves peuvent trouver une nouvelle place dans
la classe.
Il n’est pas facile de différencier au sein d’un exercice en EPS car
l’apprentissage d’un geste moteur se construit par essence selon le propre
rythme de chacun: c’est le corps qui doit vivre le mouvement. Toutefois,
lorsqu’un geste significatif est mal maîtrisé par certains élèves, un petit
atelier leur est proposé. Par exemple, apprendre à se laisser tomber au
sol sur un tapis peut se faire dans un petit atelier avec prise de confiance
et respect de la sécurité. Ainsi, lors des jeux d’opposition ou de lutte
proposés ultérieurement, les élèves seront plus à l’aise pour combattre
sur les tapis et se consacreront d’autant mieux aux diverses stratégies à
utiliser pour faire tomber le partenaire.
De la même façon, la réalisation d’un nœud sur une corde pour parti-
ciper à une séance d’escalade peut s’apprendre tranquillement, dans un
groupe spécifique.
On pourrait décliner ainsi beaucoup d’exemples, mais l’objectif principal
de l’EPS consiste à proposer des activités physiques variées qui mobilisent
tous les élèves de la classe en acceptant leurs différences de progression.
C’est toute la force de ces apprentissages qui servent naturellement la diffé-
renciation.

Arts visuels et éducation musicale


Tout comme l’EPS, ces domaines artistiques permettent à chaque élève
d’avancer à son propre rythme. Ils sont tout autant stimulants pour nombre
d’entre eux, qui y trouvent un éventuel terrain d’épanouissement.
Les activités proposées visent au développement de la créativité et de la
sensibilité. L’enseignant approche tel ou tel élève pour l’aider à mieux tenir
son pinceau (ou n’importe quel autre outil scripteur), appréhender l’es-
pace vide que représente la feuille de dessin, reconnaître tel instrument
musical, ou pour le guider lors de la réalisation de percussions selon un
rythme donné.
Quoique très précis, les objectifs poursuivis dans ces champs disciplinaires
visent le développement de certaines compétences artistiques dont la
maîtrise dépasse parfois largement le cadre de l’école primaire. Il paraît

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Pédagogie différenciée et autres champs disciplinaires

donc incongru de parler d’élèves en difficulté d’apprentissage en arts visuels


ou en éducation musicale et de chercher des situations de remédiation.
Toutefois, selon l’aisance des élèves, il est possible de proposer des tâches
variées et graduées au sein d’un même objectif, comme la réalisation de
spectacles collectifs dans lesquels les arts visuels et la musique ont une place
prépondérante.
Par exemple, les tâches sont réparties entre les élèves d’une même classe
lors de l’accompagnement musical d’un spectacle: certains rythment des
passages à l’aide de percussions alors que d’autres tiennent un rôle
d’accompagnement plus conséquent, comme des moments de solistes à
la flûte à bec ou au synthétiseur.
De la même façon, les tâches sont réparties selon les compétences de chacun
pour réaliser les décors ou les affiches qui accompagnent le spectacle.
Certains sont chargés de dessiner les personnages, les animaux, les
arbres, etc., alors que d’autres doivent simplement colorier le fond des
productions plastiques.
Les élèves comprennent très bien ces répartitions et s’y associent volontiers
sans se sentir exclus, bien au contraire. Ils mesurent en quoi leur tâche
contribue au succès du spectacle, qui représente à leurs yeux une œuvre
collective.

Langue vivante
Ce nouveau champ disciplinaire concerne pour l’instant principalement les
élèves de l’école élémentaire. Cependant, il faut penser que, dans un proche
avenir, tous les élèves de la maternelle au CM2 recevront ce type
d’enseignement.
Dans ce domaine, les Instructions officielles précisent que, lors des premiers
apprentissages, l’enseignant doit privilégier l’oral et les moments répéti-
tifs. Ceci est fondamental car c’est à cette condition que les élèves
s’imprègnent d’une langue vivante.
Néanmoins, l’enseignement collectif n’exclut pas les moments en petits
groupes, favorisant les élèves en retrait, inhibés et gênés par le grand
groupe. Grâce à son carnet de bord, qu’il renseigne en fin d’activité, le
maître sait qui il a interrogé ou sollicité lors d’une séance de langue vivante,
qui a cherché à s’exprimer dans la langue étrangère. Cela ne dispense pas

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Activités différenciées visant des contenus disciplinaires

pour autant d’organiser des petits groupes dans lesquels la parole est
plus aisée. Dans ce cadre, il entend davantage certains élèves, leur fait
répéter avec la prononciation adéquate, les sollicite autrement.
L’apprentissage d’une langue vivante nécessite aussi des moments d’écrit.
Certains élèves ont une perception plus «visuelle qu’auditive» et ont besoin,
pour fixer des apprentissages, aussi simples soient-ils, de voir des images
ou de l’écrit. À ce propos, les recommandations données dans les docu-
ments d’accompagnement des langues vivantes conseillent d’utiliser un
système d’affiches accrochées aux murs de la classe.
Il s’agit donc, pour tenir compte de tous les élèves, de proposer de
nombreuses approches pédagogiques, et ce même au sein de structures
répétitives. Ceci caractérise l’enseignement des langues vivantes à l’école.

Technologies usuelles de l’information


et de la communication à l’école (TUICE)

Terminons ce tour d’horizon par ce qui n’est pas à proprement parler un


domaine disciplinaire. Les TUICE étant au service des apprentissages dans
toutes les disciplines scolaires ont plutôt un statut d’outil.
L’outil informatique est très attractif pour les élèves, quelles que soient
leurs difficultés. Il est donc important d’utiliser ces nouvelles technologies
en classe. Nous proposons trois pistes pour les exploiter.
– Des logiciels de remédiation en lecture ou en mathématiques sont très
bien faits. Pour mieux les connaître, il existe déjà un portail informatique
dans chaque académie qui recense ces différents outils. Ce portail est
géré par les formateurs en informatique pédagogique (FIP). D’une façon
simple, et pour peu qu’il y ait un ou plusieurs ordinateurs en fond de classe,
les élèves faisant l’objet d’aides peuvent aussi travailler devant l’écran. Le
Scérén-CNDP propose également des logiciels directement utilisables dans
les classes.
– Lors d’activités de production d’écrits, le maître fait travailler les élèves
qui présentent des difficultés dans ce domaine sur l’ordinateur à l’aide d’un
traitement de texte. Des éléments inducteurs (parties de texte, phrases
introductives, mots de lexique, etc.) sont donnés à l’écran, et l’élève est
alors chargé de poursuivre l’activité. Curieusement, on s’aperçoit parfois

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Pédagogie différenciée et autres champs disciplinaires

que les élèves sont plus à l’aise pour écrire à l’aide d’un clavier qu’avec
un stylo. La tâche semble ardue, pourtant les notions d’espaces entre les
mots d’une phrase, la ponctuation ou encore la gestion de paragraphes
sont assez vite intégrées. À la fin de la séance, le travail de l’élève est
imprimé, ce qui représente une bonne trace écrite. Ceci est largement à
prendre en considération pour qui veut utiliser toutes les pistes pédago-
giques afin d’aider les élèves.
– Enfin, l’enseignant peut utiliser l’informatique lors de la dictée à l’adulte.
Cette méthode concerne bien sûr n’importe quel élève de la classe, mais
il est aussi possible d’améliorer et d’enrichir la production d’écrits de ceux
qui ont davantage de difficultés. On leur restitue ainsi un écrit propre,
mis en page et qui s’apparente à un modèle. Tous ces écrits sont archivés
dans un dossier au nom de l’élève afin qu’il constate ses progrès sur une
période donnée. Ceci participe pleinement de son évaluation formative.

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Bibliographie

쎲 Documents officiels (Scérén-CNDP)


Lire au CP (1), document d’accompagnement des programmes, 2003.
Lire au CP (2), document d’accompagnement des programmes, 2004.
Mathématiques, cycle 2, document d’application des programmes, 2002.
Mathématiques, cycle 3, document d’application des programmes, 2002.
Mathématiques, école primaire, document d’accompagnement des programmes,
2005.
Qu’apprend-on à l’école élémentaire ? Les nouveaux programmes 2008-2009,
Scèren/XO Éditions.

쎲 Ouvrages théoriques
Collectif, Différencier la pédagogie : pourquoi ? comment ?, CRDP, Lyon, 1986.
LEGRAND L., Les Différenciations de la pédagogie, PUF, Paris, 1995.
MEIRIEU Ph., L’École, mode d’emploi : des méthodes actives à la pédagogie diffé-
renciée, ESF, Issy-les-Moulineaux, 2004.
Observatoire national de la lecture, Apprendre à lire, CNDP/ Odile Jacob, Paris, 1998.
Observatoire national de la lecture, Maîtriser la lecture, Odile Jacob, Paris, 2000.
PERRAUDEAU M., Les Cycles et la différenciation pédagogique, Armand Colin/Bordas,
Paris, 1999.
PERRENOUD P., Pédagogie différenciée : des intentions à l’action, ESF, Issy-les-
Moulineaux, 2004.
PRZESMYCKI H., La Pédagogie différenciée, Hachette éducation, Paris, 2004.
RAYNAL F., RIEUNIER A., Pédagogie : dictionnaire des concepts clés, ESF, Issy-les-
Moulineaux, 2005.

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Bibliographie

ZAKHARTCHOUK J.-M., Au risque de la pédagogie différenciée, INRP, Lyon, 2001.

쎲 Revues
Les actes des Rencontres éducation en Seine-Saint-Denis, article de Jacques Crinon,
Nathan Pédagogie, oct. 1994, p. 88.
« L’Individualisation : enjeux et pratiques », Les Cahiers Innover & Réussir, n° 10,
rectorat de Créteil, mai 2005.
« Retour sur la pédagogie différenciée », Cahiers pédagogiques, supplément n°3,
oct.-nov. 1997.

쎲 Aide à l’évaluation
BENTOLILA A., Richaudeau F. (sous la dir. de), L’Atelier de lecture : évaluation, aide
à la remédiation, Nathan, Paris. (Existe pour les 5 niveaux.)
OUZOULIAS A. (sous la dir. de), MÉDIAL CP-CE1 : Moniteur pour l’évaluation des
difficultés de l’apprenti-lecteur, Retz, Paris, 1995.
On peut également consulter le site du ministère de l’Éducation nationale, qui
propose de nombreux outils d’aide à l’évaluation :
http://www.banqoutils.education.gouv.fr/

쎲 Aide à la gestion de classe


BENSIMHON D., Préparer et conduire sa classe à l’école élémentaire, Retz, Paris,
2003.
BATTUT É., Débuter en CP, Retz, Paris, 2009.

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Conception maquette : Michèle Bisgambiglia


Réalisation : AGD – Dreux
Direction éditoriale : Sylvie Cuchin
Édition : Adeline Guérin
Correction : Gérard Tassi

No de projet : 10157517
Dépôt légal : juin 2009
Achevé d’imprimer en France en juin 2009 sur les presses de l’imprimerie Sepec.

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