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Sous la direction de
Gérard TOUPIOL, président de la FNAME
Apprendre
et
Comprendre
Place et rôle de la métacognition
dans l’aide spécialisée
FNAME
www.fname.fr www.editions-retz.com
22, rue Saint-Michel 1, RUE DU DÉPART
66490 Saint-Jean-Pla-de-Corts 75014 PARIS
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N° de projet : 10120596
Dépôt légal : juin 2006
Achevé d’imprimer en France en juin 2006 sur les presses
de FRANCE QUERCY, 46090 Mercues
© Retz, 2006
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Sommaire
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PREMIÈRE
PARTIE
Apprendre,
comprendre
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La conceptualisation
se fait par domaines,
comment la favoriser ?
Rémi Brissiaud
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Apprendre, comprendre
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Apprendre, comprendre
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L’adulte qui anime la découverte par les enfants de cette double page
a pour objectif qu’ils la décrivent et anticipent ce que va faire le person-
nage : il va offrir les fleurs à la jeune femme ; c’est son amoureux, elle
va l’embrasser.
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Apprendre, comprendre
L’adulte interroge les enfants sur les raisons qui expliquent le chan-
gement d’humeur de l’enfant.
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2. Depuis, quatre autres albums sont parus dans la même collection (« Apprendre à
parler… parler pour apprendre ») : « C’est pas possible », « Mon papa, il est gentil mais… »,
« Ma maîtresse, elle est gentille, mais… » et « Dis papy, c’est quoi le bonheur ? ». Chacun
d’eux propose des scénarios en deux doubles pages, les secondes faisant le contrepoint des
premières. Après la découverte de l’album, les premières doubles pages servent de déclen-
cheurs d’une activité langagière complexe parce que les enfants sont amenés à utiliser des
connecteurs logiques et chronologiques tels que : « mais », « quand », « parce que », etc.
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Apprendre, comprendre
enfant dans ce dernier usage ne peut que faire obstacle au premier. Dans
la mesure où l’activité qui vient d’être décrite semble motiver l’ensemble
des élèves, cette première rencontre avec l’usage savant du mot vivant
ne peut qu’avoir des effets bénéfiques, même si les enfants ont tempo-
rairement des difficultés à réinvestir cet usage sans l’aide de l’adulte.
Conclusion
La conceptualisation a souvent été décrite comme résultant de
l’organisation des entités selon leurs ressemblances et leurs différences,
ce qui revient à la considérer comme résultant seulement d’un processus
d’abstraction-particularisation : un fauteuil, par exemple, est un siège
(processus d’abstraction) qui a un dossier et des accoudoirs (processus de
particularisation). Cependant, cette approche, très générale, ne met guère
en évidence le fait que, dans la conceptualisation, l’appropriation des rela-
tions causales entre propriétés apparaît souvent cruciale. S’il s’agit de
« conceptualiser l’esprit », par exemple, il est crucial de savoir ce qui cause
tel ou tel comportement ; pour conceptualiser le vivant, il est crucial de
savoir ce qui cause notre besoin de manger, celui de dormir, etc.
L’approche récente de la conceptualisation comme théorisation souligne
bien, en revanche, l’importance de ces relations causales.
De plus, cette approche récente de la conceptualisation souligne que
ces relations causales sont pratiquement toujours spécifiques à un domaine
de connaissances : trouver la cause des comportements d’un sujet dans ce
qu’il pense est l’objet spécifique de la psychologie du quotidien ; trouver
la cause des processus vitaux est celui de la biologie, etc. La conceptua-
lisation doit donc être étudiée domaine par domaine. De ce point de vue,
il est clair que la psychologie cognitive contemporaine conforte l’approche
des didactiques disciplinaires : l’étude des processus de conceptualisation
ne peut pas se faire sans s’intéresser aux spécificités du contenu à concep-
tualiser. Et il serait facile de montrer que cela reste vrai lorsqu’on s’inté-
resse à d’autres domaines comme celui de l’arithmétique élémentaire
(Brissiaud, 1995 ; 2003) ou encore de l’écrit.
Enfin, la présentation qui a été faite de l’album Il croit que… et celle
de séquences de classe favorisant la conceptualisation du vivant, prou-
vent qu’il est possible de s’inspirer de recherches récentes dans ces
domaines pour inventer de nouveaux dispositifs pédagogiques qui, vrai-
semblablement, favorisent mieux le progrès des élèves.
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Bibliographie
Astington J.-W., Comment les enfants découvrent la pensée, Paris, Retz, 1993/1999.
Barth B.-M., L’Apprentissage de l’abstraction, Paris, Retz, 1987.
Brissiaud R., « Une analyse du comptage en tant que pratique langagière en
souligne le rôle ambivalent dans le progrès de l’enfant », in Astolfi J.-P. et
Ducancel G. (éd.), « Apprentissages langagiers, apprentissages scientifiques »,
Repères, n° 12, 1995, pp. 143-164.
Brissiaud R., Comment les enfants apprennent à calculer (nouvelle édition) : le rôle
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des nombres, Paris, Retz, 2003.
Brissiaud R. et Malaussena P., Il croit que…, Paris, Retz, 2002.
Bruner J., Culture et modes de pensée, Paris, Retz, 1986/2000.
Bruner J., Car la culture donne forme à l’esprit, Paris, Eshel, 1990/1991.
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Cèbe S. et Paour J.-L., « Apprendre à apprendre à l’école maternelle », in
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Dunn J., Brown J. et Beardsall L., « Family talk about feeling states and chil-
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n° 27, 1991, pp. 448-455.
Houdé O., Rationalité, développement et inhibition : un nouveau cadre d’analyse,
Paris, PUF, 1995.
Inagi K. et Hatano G., « Young children’s understanding of the mind-body distinc-
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Keil F., Concepts, Kinds and Cognitive Development, MIT Press, 1989.
Piaget J. et Szeminska A., La genèse du nombre chez l’enfant. Pari, Delachaux &
Niestlé, 1941.
Wimmer H. et Perner J., « Beliefs about beliefs : representation and constraining
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Apprendre, comprendre
la lecture et
les « choses de l’école »
Gérard Chauveau
J e vais vous raconter une petite histoire, une histoire fort banale. Romain
et Jordan sont deux copains de six ans qui fréquentent la même classe de
CP. Au début, tout se passe normalement à l’école pour l’un et l’autre ;
l’enseignante constate qu’ils semblent « bien partis » et que, par exemple,
ils participent avec succès aux exercices de lecture-écriture : combinatoire,
déchiffrage, copie, reconnaissance de mots… Puis, assez vite, leurs parcours
divergent : dès la Toussaint, Romain fait partie du groupe des « bons »
tandis que Jordan « décroche ». Que s’est-il passé ? Romain a compris que
ce qui est à lire dans le manuel (Ratus), « c’est des histoires » ; il a compris
que ces textes à lire « sont drôles » et que l’on peut passer un bon moment
avec eux ; il a compris que les exercices de déchiffrage et de combinatoire
ont un sens : il peut les réutiliser quand il essaie de lire « une histoire de
Ratus », il peut les mettre au service de la lecture-compréhension. Et il a
compris que ce qu’il apprend avec le manuel Ratus est transférable : il peut
s’en servir pour lire dans un livre de la bibliothèque ou pour lire les affiches
dans la rue. Jordan n’a encore rien compris de tout cela : il pense que lire
dans Ratus, c’est « trouver des mots », point final.
Quelle est la morale de l’histoire ? Traditionnellement, l’enseignement
et la psychologie cognitive de la lecture se centrent – voire « se fixent » –
sur le décodage et l’identification des mots au CP. Jordan et Romain nous
montrent que c’est pour le moins insuffisant. Si l’on veut aider tous les
enfants de CP à devenir lecteurs, il faut aller au-delà des « méthodes de
lecture », au-delà de l’apprentissage/enseignement de la lecture, c’est-à-dire
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Apprendre, comprendre
Comprendre la lecture
Dans un premier temps, l’acquisition de la lecture (et de l’écriture)
– l’entrée dans l’écrit – est une acquisition pratique (ou pragmatique)1.
Au cours de cette première période – la phase d’expérience –, l’enfant
apprenti lecteur prend des habitudes… ou on lui donne des habitudes de
lecture et d’écriture : celle de se faire lire des histoires, celle d’observer
et de questionner les pratiques de lecture et d’écriture des « grands »,
celle de les imiter… Tous ces comportements, lorsqu’ils sont fréquents et
intégrés dans un rapport amical avec l’écrit, annoncent une probable réus-
site en lecture au CP. Ils servent de base pratique à l’acquisition des
connaissances et des compétences en lecture-écriture.
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Apprendre, comprendre
de ses activités sur/avec l’écrit partagées avec des « lettrés » (ceux qui
savent lire et écrire). Et cette partie conceptuelle sert elle-même de base
à l’installation des savoir-faire – les mécanismes, les outils – de la lecture.
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Mais il faut aller plus loin. Pour l’enfant-écolier de six ans, apprendre-
comprendre les choses de l’école ne se limite pas à apprendre-comprendre
la lecture ou, plus exactement, apprendre-comprendre « l’Écrit »
(l’ensemble langue écrite-lecture-écriture-culture écrite).
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Apprendre, comprendre
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2. Voir, par exemple, Émilia Ferreiro, Éducation et culture écrite, Paris, Retz, 2001.
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Apprendre, comprendre
phonèmes (la conscience phonique) semble faible. Mais on peut dire aussi
que cet enfant ne comprend pas la tâche ou la situation d’enseigne-
ment/apprentissage. Ou plutôt, il l’interprète d’une façon non scolaire : il
s’intéresse à l’objet concret, à l’animal (un chat) qu’on entend miauler
(« Miaou ») alors que l’enseignant attend qu’il s’intéresse à la forme sonore
du mot « chat » et à ses constituants phonologiques (on entend « a », on
isole « a »).
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Apprendre, comprendre
meilleur des cas – des « acquis » : ils connaissent n lettres, ils reconnais-
sent x mots… Mais la majorité d’entre eux n’a pas intégré ces connais-
sances ponctuelles, parcellaires dans une conception pertinente du
lire-écrire : c’est un savoir en miettes, voire un pseudo-savoir.
De la même façon, on peut faire des dictées tous les jours sans
apprendre l’orthographe. Il y a en fait deux sortes d’activités scolaires
nommées « dictées », deux façons radicalement différentes de faire – ou
de donner – une dictée3.
La première est exclusivement un exercice de contrôle qui permet de
noter et de classer les élèves.
La seconde est une situation d’apprentissage, un type particulier de
situation de résolution de problème : c’est l’occasion, pour chaque élève,
avec l’aide de l’enseignant ou/et du groupe, d’observer, de chercher,
d’analyser le fonctionnement de la langue écrite, l’occasion de comprendre
ses erreurs et d’améliorer ses techniques de production écrite. Le même
mot « corriger » peut prendre deux sens et renvoyer à deux conduites
contrastées, sinon opposées : soit l’élève corrige « mécaniquement » ou
« docilement » en exécutant l’injonction de l’enseignant (« Je mets un s
parce que le maître l’a dit. ») ; soit il corrige « intelligemment » en exer-
çant son activité réflexive ou son esprit (auto)critique (« Je mets un s
parce que j’ai réfléchi à la règle des adjectifs au pluriel ou/et parce que,
en me relisant, je m’aperçois que j’ai oublié le s. »). Certains élèves vivent
– et interprètent – toutes les tâches sur le seul mode du contrôle (ou de
l’exercice punitif)… et certains enseignants ne proposent que des dictées
de ce type.
3. Faut-il noter l’existence d’une troisième sorte de dictée qui a pour but d’occuper les
élèves un certain temps ? Et d’une quatrième : la dictée-punition ?
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l’alphabet) : ils vont donc avoir tendance à épeler les mots au lieu de les
décoder et de les identifier ; ils vont par exemple déchiffrer (décomposer)
« chat » en « c, h, a, t », ou « oiseau » en « o, i, s, e, a, u ». Ou bien ils
croient que la syllabe écrite se compose toujours de deux lettres présen-
tées dans l’ordre consonne + voyelle : peinture sera donc décodé « pe-ni-
tu-re » et armoire sera « lu » « ra-mo-ri-re ».
Avec des techniques voisines – et à première vue semblables – d’autres
intervenants réussissent quotidiennement à provoquer, activer « l’intelli-
gence » (la mobilisation intellectuelle) des faibles lecteurs sur le code.
Reprenons l’exemple des jours de la semaine. L’enfant a remarqué que
« “lundi, mardi, mercredi…”, ça finit pareil, ça s’écrit pareil à la fin ». De
même, il a noté que « “Mathieu, Marie, Mamadou…”, ça commence
pareil, ça s’écrit pareil au début ». Ces observations relèvent de l’activité
– et des habiletés – visuelles et grapho-perceptives… mais pas – ou pas
encore – de l’activité intellectuelle sur la langue écrite. L’enfant est en
activité intellectuelle quand, avec l’aide de l’adulte (éducateur ou réédu-
cateur), il réussit à dégager deux règles : « di » s’écrit d-i et « ma » s’écrit
m-a. Mettre l’enfant apprenti lecteur en activité intellectuelle sur le code,
sur « la mécanique » grapho-phonique de notre système d’écriture, c’est
l’aider à passer d’une logique visuelle ou grapho-perceptive à celle de
l’activité réflexive et linguistique.
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Bibliographie
Chauveau G., Comment l’enfant devient lecteur, Paris, Retz, 1997.
Chauveau G. (dir), Comprendre l’enfant apprenti lecteur, Paris, Retz, 2001.
Chauveau G., Rogovas-Chauveau É., « Des difficultés de lecture avant six ans »,
Psychologie et Éducation, n° 47, 2001, pp. 97-110.
Chauveau G., Comment réussir en ZEP, Paris, Retz, 2000.
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Aides et remédiations
aux difficultés
de compréhension de textes
Frank Jamet
Denis Legros
Emmanuelle Maître de Pembroke
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1. Circulaire n° 2002-113.
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patentes ont pu être observées ; il n’en demeure pas moins que dans certaines
situations, les progrès ne sont pas toujours au rendez-vous. Ce constat a
conduit les chercheurs à intégrer dans leurs conceptualisations de nouvelles
approches comme celle de la psychologie culturelle comparative.
Comprendre un écrit est, comme nous l’avons vu, un processus
complexe. Il résulte d’une interaction entre un sujet caractérisé par des
connaissances générales, des connaissances spécifiques, des croyances, et
un texte. Si les connaissances générales ont été prises en compte dans la
première génération de travaux par l’identification des mécanismes de
traitement de l’information textuelle, l’incidence des connaissances spéci-
fiques et idiosyncrasiques (Fayol, 1985), liées en particulier à la culture,
n’apparaissent que dans les travaux de la seconde génération.
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Exemple 1 :
État initial : Au lever du jour, les chiens du chasseur étaient sur
leur garde.
– Un canard s’envola du lac.
– Le chasseur saisit son fusil.
– Le chasseur tira sur la bête.
– L’oiseau s’écrasa lourdement au milieu des champs.
– Le chasseur lâcha les chiens.
– Les chiens se précipitèrent sur le cadavre ensanglanté.
État final : Il faisait nuit, les chiens du chasseur étaient assoupis.
Exemple 2 :
État initial : La montagne était calme.
– L’avalanche se déclencha au-dessus du village.
– La coulée dévala les pentes à une vitesse vertigineuse.
– Les sapins furent emportés comme des allumettes sous la
poussée.
– Le toit de la première maison s’effondra.
– La maison fut emportée rapidement par la masse neigeuse.
– La cloche sonna le tocsin pour appeler les secours.
État final : La montagne était dévastée.
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Pour le diagnostic final, le même type de tâche est proposé, mais avec
des textes dits « parallèles », c’est-à-dire présentant les mêmes structures
morpho-syntaxiques, et dont seul le contenu diffère.
Les séances d’aide et de remédiation portent sur une tâche où l’on
demande aux sujets de sélectionner le « mot-résumé » qui explique le
mieux l’histoire qui vient d’être lue. L’activité se structure en quatre
phases. Dans un premier temps, l’expérimentateur travaille l’explicitation
de la consigne. Dans un second temps, les élèves réalisent la tâche ; ils
doivent sélectionner parmi quatre propositions le mot qui explique le
mieux l’histoire. Le troisième temps se caractérise par une mise en
commun des stratégies utilisées. Le quatrième temps est consacré à une
synthèse des stratégies proposées. L’ensemble des séances est bâti sur ce
modèle.
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élèves français sont eux aussi confrontés actuellement à des textes prove-
nant de cultures différentes, notamment à toutes sortes de contes origi-
naires de toutes les parties du monde. Mais ces contes sont présentés
dans le même contexte scolaire, ils sont proposés dans les mêmes manuels,
ou sur des photocopies, ou dans des recueils que l’on trouve sur les mêmes
rayons de bibliothèques (Legros, Acuna et Maître de Pembroke, 2006).
Il semble donc que les enfants français traitent de la même manière les
différents textes proposés. En revanche, les enfants togolais, face à des
textes d’origines culturelles diverses, et qui leur sont présentés dans des
contextes différents, adaptent leurs modalités de traitement. Contrairement
à nos hypothèses de départ, ce résultat nous conduit à penser que les
enfants africains, même dans un contexte de diglossie, ou à cause de ce
contexte, ont un répertoire de modalités de traitement plus varié, que l’on
ne prend pas en compte dans la recherche didactique interculturelle.
Conclusion
Au terme de ce travail, nous avons montré qu’il est possible d’agir
pour réduire les difficultés de compréhension. La logique de ces inter-
ventions doit s’appuyer à la fois sur la dimension cognitive, mais égale-
ment sur la dimension culturelle. Comprendre, c’est mobiliser des
mécanismes qui permettent d’établir des relations temporelles et causales
entre les éléments du texte ; comprendre, c’est hiérarchiser l’importance
de cette information et être capable de condenser les données collectées.
Ces mécanismes universaux pourront être plus opérants grâce à la prise
en compte des contextes. Ainsi, les connaissances ne sont plus conçues
comme déterminées par une vérité et un ordre inscrit dans le monde,
mais, au contraire, fondées sur l’expérience et les contextes, ce qui remet
en cause bien des modèles de référence, conçus de façon ethnocentrée.
Les invariants cognitifs peuvent être (re)construits à partir des facteurs
de variabilité. L’individu peut alors être envisagé dans sa dimension cogni-
tive sans être réduit à une machine de « traitement de l’information ».
Fidèle à la tradition républicaine du monolinguisme et du monocultura-
lisme, l’école en France ne répond pas toujours à la complexité des situa-
tions linguistiques. Or, l’école devrait faciliter l’ouverture à l’autre et
faciliter la compréhension des difficultés des enfants. C’est loin d’être le
cas (Bertucci et Corbin, 2004).
Ce travail spécifique sur la prise en compte des contextes dans la
conception des aides à la compréhension doit évidemment être enrichi
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Apprendre, comprendre
Bibliographie
Baccino T. et Colé P., La Lecture experte, Paris, PUF, 1995.
Bertucci M. M. et Corbin C., Les Programmes de français face à la diversité linguis-
tique, Paris, L’Harmattan, 2004.
Brysbaert M., Lange M. et Van Wijnendaele I., « The effects of age-of-acquisi-
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Cordier M. et Legros D., « Étude de l’effet du mode d’apprentissage : formel
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langagières dans la remédiation en lecture », Psychologie Française, n° 44 (1),
1999, pp. 91-100.
Denhière G., Baudet S. et Verstiggel J.-C., Le diagnostic du fonctionnement cognitif
dans la compréhension des textes : démarches, résultats et implications, Paris,
Nathan, 1991, pp. 67-87.
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Apprendre, comprendre
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DEUXIÈME
PARTIE
Métacognition,
remédiation
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La construction du sens :
une approche socio-cognitive
de la médiation 1
Britt-Mari Barth
1. D’après l’entretien mené par Isabelle Vinatier avec Britt-Mari Barth, La nouvelle revue
de l’AIS, n° 1/2, 2e trimestre 1998, pp. 80-90.
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Métacognition, remédiation
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Métacognition, remédiation
Les observations retenues ici m’ont fourni une première grille rudi-
mentaire pour analyser les difficultés de compréhension des élèves. Une
question s’imposait alors : quelles conceptions du savoir et de l’appren-
tissage peut-on induire de ces observations ?
Le savoir semble être considéré comme un produit statique, figé : un
ensemble de réponses préétablies qui existent en dehors de leur contexte
d’utilisation. Des définitions universelles en quelque sorte, qui prétendent,
dans la tradition du positivisme, refléter la réalité comme un miroir.
Certaines questions posées par les élèves témoignent de cette conception
du savoir, comme celle-ci, posée juste avant une interrogation : « Monsieur,
quelle question poserez-vous pour cette réponse ? » Un métasavoir – un
savoir sur le savoir – leur est transmis en même temps, à leur insu : à une
question correspond une réponse, la plus juste. C’est comme s’il suffisait
de faire un lien stimulus/réponse pour apprendre… Cette attitude risque
fort de devenir un obstacle pour de futurs apprentissages. L’apprentissage
semble être perçu comme une activité solitaire : les connaissances s’acquiè-
rent – ou non – dans la pensée de chaque individu, indépendamment des
contextes ou des interactions. Le contenu semble être perçu comme ce
qu’on fait entrer dans la tête de l’élève et qui sort en tant que produit
mémorisé. La métaphore de l’ordinateur vient à l’esprit… La relation péda-
gogique, quant à elle, est fortement hiérarchisée et autoritaire dans cette
conception. Il n’y a pas beaucoup de place pour l’exploration ou le doute,
pour l’initiative ou l’auto-évaluation.
On peut constater que les individus adhèrent vite aux croyances et aux
attitudes qu’ils trouvent dans leur vie quotidienne. Certes, l’école ne peut
pas tout, mais elle a un grand pouvoir d’éduquer par la « culture », par le
genre de vie qu’elle offre tous les jours aux élèves. Il y a là une question
importante. L’école ne prépare pas seulement à la vie future, l’école est la
vie, ici et maintenant. Et la manière dont on mène cette vie forme l’indi-
vidu : sa façon de connaître, son rapport au savoir, ses attitudes, ses valeurs,
l’image qu’il aura de lui-même plus tard, et qui détermineront ses choix.
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Cela a été une préoccupation centrale dans mon travail. Pour tenter
d’aborder cette question, je me propose de décrire l’un des « scénarios »
pédagogiques que j’ai élaborés et expérimentés dans ce but2. Dans ses
travaux sur l’acquisition du langage (1987), Bruner observe que les mères
mettent en œuvre toutes sortes d’activités pour favoriser la communica-
tion avec leurs jeunes enfants. Il appelle ces activités « formats » ou
« scénarios » pour signifier qu’on pouvait y distinguer une structure
d’interaction entre un adulte et un enfant, laquelle se répétait de façon
rituelle. Il montre comment cette interaction familière et routinière
permet à l’enfant et à l’adulte de participer à une activité commune,
chacun ayant un rôle à jouer. Le scénario devient une manière à soutenir
l’enfant jusqu’à ce qu’il maîtrise son rôle et arrive à le jouer tout seul.
Grâce à cette dynamique, une relation de confiance s’installe, qui invite
l’enfant à réellement s’engager dans l’activité intellectuelle. Ces scénarios
ne sont pas à voir comme des « recettes » qu’il faudrait reproduire à la
lettre, mais simplement comme des exemples concrets d’une théorie de
l’apprentissage. Je m’en suis d’abord servi comme moyen pour étudier le
processus enseigner/apprendre ; je m’en sers à présent comme exemple
pour réfléchir sur ce processus et sur son lien avec les attitudes des élèves.
Voici un exemple modélisé d’un scénario pour apprendre, c’est-à-dire une
façon de ritualiser une situation d’interaction pour que le processus puisse
par la suite devenir une habitude, voire un outil de pensée :
2. Ces scénarios pédagogiques sont décrits dans le détail dans mon premier livre,
L’Apprentissage de l’abstraction, Paris, Éditions Retz, 1987, nouvelle édition augmentée, 2001.
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Métacognition, remédiation
Notre tâche consiste à comparer les exemples entre eux pour trouver
ce qu’ils ont en commun à chaque fois. Les contre-exemples servent
à délimiter le sens. L’enseignant notera toutes les idées au fur et à
mesure sur le tableau.
... pertinents…
Pour savoir ce qui est pertinent, on a une règle de pertinence : il
faut retrouver les éléments proposés dans tous les exemples, à chaque
fois. Si ce n’est pas le cas, on les barre. En cas de désaccord, les
exemples sont la référence et il faut aller vérifier. Il ne suffit pas de
répondre oui ou non, ou de simplement donner une réponse, il faut
toujours savoir justifier sa réponse et être prêt à l’argumenter. Chacun
a son tour pour discuter ses interprétations avec les autres.
... dont les critères de choix sont déterminés ensemble…
Chacun peut être juge ; les critères se déterminent ensemble ; l’ensei-
gnant aide à confirmer et à infirmer les exemples en cas de besoin.
Quand on est capable de vérifier la cohérence entre le mot, les
exemples et les attributs, et que l’on se trouve capable d’analyser des
exemples nouveaux de la même manière, on peut considérer qu’on
a compris. Cette compréhension peut être évaluée par chacun et
discutée ensemble, les critères étant connus de tous.
... avec, comme outils d’analyse, nos erreurs et les exemples et
contre-exemples proposés ou construits
Les erreurs sont admises et servent d’outils d’analyse ; on peut s’en
servir autant qu’il le faut. On peut demander autant d’exemples
nouveaux que nécessaire. Pour aller plus loin, on peut proposer ses
propres exemples et essayer de voir comment ils peuvent être utilisés
dans des situations et des domaines différents.
3. Comme j’aurai l’occasion de le dire plus tard, cela présuppose une conception dyna-
mique du savoir qui est de l’ordre du faire et non pas une mémorisation de réponses.
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Métacognition, remédiation
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élèves essayent à leur tour de verbaliser leur pensée (et il faut les y inviter,
ce n’est pas nécessairement spontané), il faut leur offrir un feed-back
constant pour qu’ils prennent conscience, explicitement, de l’utilisation
de ces « outils de pensée », au moment même où ils s’en servent. Savoir
ce que l’on fait quand on compare, par exemple, ou quand on fait une
inférence, prépare à un transfert de ces capacités. Quand ces activités
mentales ont pris un sens, dans des situations vécues, le moment est venu
(il n’est pas plus difficile) de les désigner par des mots précis.
Progressivement, les enfant peuvent devenir conscients de ce qu’ils font
quand ils pensent, et acquérir un langage qui leur permet d’en parler.
Comme disait cette petite fille qui avait participé, dans une classe spécia-
lisée, à un entraînement à la comparaison : « Comme c’est amusant, on
compare partout ! » C’est en faisant prendre conscience aux enfants de
ce qu’ils savent faire (y compris penser) – et des situations futures dans
lesquelles ils peuvent à nouveau réinvestir ce savoir – que l’on prépare
au transfert des capacités intellectuelles et des connaissances. Éduquer à
une pensée réfléchie est un travail à long terme, bien sûr, pour lequel il
faut se former. Mais cette éducation ne se fera que si l’enseignant peut
assurer ce guidage quotidien dans le cadre de la classe ordinaire. Pour
les enfants, c’est une habitude à prendre, dès le plus jeune âge.
Progressivement, dans ce processus d’aller-retour immédiat entre une
situation vécue et la verbalisation de cette situation (j’appelle cela « alter-
nance simultanée » pour insister sur l’importance de verbaliser ce que
l’on fait au moment même où on le fait), ils s’habituent à être conscients
du cheminement de leur pensée. Dans cette démarche, les élèves appren-
nent à évaluer eux-mêmes la pertinence de leurs réponses. Cette situa-
tion diffère d’une situation plus traditionnelle où l’on écouter d’abord la
leçon, et où l’on en fait ensuite une « application », sans nécessairement
percevoir les liens entre les deux. Par exemple, pour revenir à notre
« scénario », quand l’un des enfants a proposé que la grande tour Eiffel
soit le contraire de la toute petite voiture, les autres enfants ont immé-
diatement réagi et une discussion s’est engagée, qui a permis de préciser
que les deux éléments qui sont comparés par des critères qui les oppo-
sent, doivent être de la même catégorie. Celui qui avait proposé cet
exemple a pu comprendre la raison pour laquelle il n’était pas pertinent.
De cette façon, il a pu modifier sa compréhension en cours de route, au
lieu de laisser s’installer une fausse conception. D’autres exemples,
toujours argumentés et justifiés par rapport à la référence, ont été
proposés : un enfant a raconté une histoire mettant en scène deux chats,
l’un domestiqué, l’autre sauvage ; le premier habitait à l’intérieur, le
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pouvons pas communiquer avec les autres ou faire évoluer notre compré-
hension du monde. C’est pourquoi, il est tellement important de donner
accès aux langages symboliques à tous les enfants – et tout spécialement
à ceux qui ont des difficultés pour y arriver. On a tendance à penser qu’il
faut leur donner « du concret » alors que c’est justement les mots pour
le dire qui leur manquent. Ils ont davantage besoin d’être encouragés et
aidés à formaliser, à la fois pour prendre conscience eux-mêmes qu’ils
savent le faire et pour se faire prendre au sérieux par les autres. Les mots,
une fois qu’ils ont pris sens, modifient le regard, éclairent les expériences
à venir. Les mots vides de sens ne sont que des bruits, et ne peuvent
servir d’instruments pour comprendre le monde. Ils sont plutôt une
charge. La modification du regard – le sien et celui des autres – est le
début d’une identité. On ne peut donc pas séparer les connaissances de
la personne : quand on construit son savoir, on construit en même temps
sa personne. C’est pour cela qu’il est essentiel de réfléchir sur les manières
d’apprendre ! Ce sont les connaissances et les attitudes ainsi développées
qui vont permettre – ou non – à des individus de participer à une commu-
nauté et de donner sens à leur vie.
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Métacognition, remédiation
Cette grille, avec toutes ses limites, cherche ainsi à prendre en compte
l’apprenant dans sa globalité, en situant l’apprentissage dans ses dimen-
sions à la fois cognitive, affective et socioculturelle. Les différents « scéna-
rios » qu’un tel cadre théorique peut induire ont en commun de chercher
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Je laisse le dernier mot à ce jeune garçon de onze ans que j’ai connu
dans une classe de ZEP. Lui et ses camarades ont rapidement saisi l’intérêt
de travailler de cette façon et après une séance de mathématiques parti-
culièrement réussie, il s’est exclamé : « Vous savez, Madame, si c’est
comme ça que ça marche, on pourra aider les profs ! »
Bibliographie
Barth Britt-Mari :
– « L’apprentissage des concepts : stratégies d’apprentissages et stratégies d’ensei-
gnement », Les Dossiers du CEPEC, Lyon, 1981.
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La métacognition :
de sa définition
par la psychologie
à sa mise en œuvre à l’école
Anne-Marie Doly
Introduction
La métacognition – qui est d’abord à comprendre dans le champ
de la psychologie d’où elle est issue et qui l’a définie et expérimentée
comme un processus cognitif en jeu dans la résolution de problèmes favo-
risant à la fois les apprentissages, le transfert et la motivation – peut être
comprise, aussi et plus philosophiquement, du côté de la distanciation et
de la conscience de soi, c’est-à-dire d’une pensée qui peut fonctionner de
façon critique et réflexive : c’est dans cette double acception qu’apparaît
son intérêt pédagogique, en particulier pour les élèves en difficulté scolaire
puisqu’elle favorise à la fois la réussite et la motivation.
1. Voir, par exemple : Baker L., « How Do we Know when we Don’t Understand ? Standarts
For Evaluating Text Comprehension », in Forrest-Presley D. L. & co (ed.), Metacognition,
Cognition, and Human Performance, vol. 1, Academic Press, 1985 ; Gombert J.-E., « Le rôle
des capacités métalinguistiques dans l’acquisition de la langue écrite », Repères, n° 3, 1991 ;
Ehrlich M.-F., Cahour B., « Contrôle métacognitif de la compréhension : cohésion d’un texte
expositif et auto-évaluation de la compréhension », Bulletin de psychologie, n° 399, 1991.
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Métacognition, remédiation
à être à la fois celui qui lit et celui qui surveille son activité de lecture
pour en assurer la réussite. Elle s’affirme ensuite, pendant et après la
guerre, avec les travaux sur la métamémoire et la méta-attention, avec
l’apprentissage de stratégies de mémoire et d’attention, en particulier
chez les sujets en difficulté d’apprentissage2. Souvent mise en rapport
avec la notion piagétienne de « prise de conscience » – Piaget ne parle
pas de métacognition – qui s’exerce après coup, selon des niveaux
d’abstraction différents avec la maturation, elle ne peut lui être assimilée
puisque ce processus de contrôle indispensable à la résolution de problème
s’exerce avant, pendant et après la gestion de la tâche. On retrouve son
rôle dans des travaux de didacticiens sur l’apprentissage de la lecture, la
compréhension, l’écriture de texte, l’orthographe ou la résolution de
problèmes en mathématiques où le contrôle du sujet sur son activité est
indispensable. Elle est découverte également comme caractéristique des
élèves en réussite scolaire qui sont dits « experts en apprentissage »,
« métacognitifs », « transféreurs » et motivés (Wong, 1985 ; Bouffard-
Bouchard et al., 1991).
Cette dimension de réussite scolaire et de motivation de la métaco-
gnition, associée à la distanciation et au contrôle qu’exige l’appropriation
des savoirs de culture, se retrouve chez des sociologues de l’école comme
Élizabeth Bautier et Jean-Yves Rochex, dans leurs analyses des rapports
des élèves de banlieues difficiles à la scolarité et au savoir, des facteurs
d’échec social et langagier de jeunes adultes, ainsi que chez Bernard
Lahire, qui l’utilise pour comprendre l’échec des enfants de milieux popu-
laires à réussir dans une école qui transmet une culture à tradition écrite.
La tradition philosophique, qui définit depuis Platon et Descartes ce
qu’est penser par une capacité de distanciation réflexive et critique,
permet d’éclairer cette analyse. Ainsi, chez Kant, tout acte de connaître
exige une conscience de soi comme condition première et nécessaire, chez
Hegel, cette conscience de soi, significative d’humanité et de liberté se
construit et cela, dans la dynamique d’un rapport du sujet à l’autre, au
travail et à la culture (rapports que l’on retrouve à l’école) – la culture
étant comprise comme une sorte de pensée du monde des hommes et
des choses, qui reconstruit ce monde selon différents modes de repré-
2. Voir, en particulier : Cullen J. L., « Children’s ability to cope with failure : implica-
tion of a metacognitive approach for classroom », in Forrest-Presley D. L. & co. (ed.),
Metacognition, Cognition and Human Performance, vol. 2, Academic Press, 1985 ; Wong B. Y. L.,
« Metacognition and learning disabilities », in Forrest-Presley D. L. & co. (ed.), Metacognition,
Cognition and Human Performance, vol. 2, Academic Press, 1985.
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Métacognition, remédiation
Les métaconnaissances
Portant sur les produits et sur les processus, les métaconnaissances
peuvent être justes ou fausses ; elles sont générales, mais aussi et surtout
personnelles. Flavell distingue quatre catégories :
– les métaconnaissances sur les personnes et le fonctionnement cognitif
(celui de la mémoire, par exemple) et sur le sujet lui-même (comment je
fonctionne : savoir que j’ai une mauvaise mémoire, que je suis distrait…) ;
– les métaconnaissances sur les tâches, sur les connaissances, acquises
par des expériences et prises de conscience répétées (je sais que ce sont
tel et tel critères qui définissent un texte narratif et que personnellement
j’ai tendance à oublier ; je sais que j’ai des connaissances sur telle période
de l’histoire mais pas sur telle autre, etc.) ;
– les métaconnaissances sur les stratégies (procédures, méthodes de
travail) en général et personnelles : savoir que « la représentation du but
est déterminante dans le contrôle et la régulation » (Flavell, 1985) ; savoir
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5. Voir les travaux de M. Gilly et A. Baudry sur la gestion en dyade qui favorise la
gestion métacognitive des tâches : Gilly M., « Mécanismes psycho-sociaux de construction
cognitive », in Netchine-Grynberg G., Développement et fonctionnement cognitifs chez l’enfant,
Paris, PUF, 1990 ; Baudry A., Apprendre à deux. Études psycho-sociales de situations didac-
tiques, Paris, PUF, 1997 ; Baudry A., « Interactions sociales et apprentissages scolaires », Revue
française de pédagogie, n° 122, 1998.
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10. Par la comparaison de résultats d’élèves obtenus après des leçons effectuées sur le
même thème avec et sans métacognition tout au long des séances, nos travaux en classe
nous ont permis de constater que les élèves ont beaucoup de mal à rappeler les procédures
utilisées lorsqu’il n’y a pas eu de réflexion métacognitive pendant les différentes séances
(Doly, 1996b, 1999). Cela est confirmé par les travaux sur la mémoire : on se souvient
d’autant mieux d’événements (mentaux ou non) qu’ils ont été soumis au contrôle métaco-
gnitif (Mélot et Corroyer, 1992 ; Cauzinille-Marmèche, 1991).
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11. Voir la constitution de fiches de critères par les élèves (« Apprendre à écrire des
textes : exemple du texte narratif », pp. 100-105).
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12. Bautier É., Charlot B., Rochex J.-Y., École et savoirs dans les banlieues et… ailleurs,
Paris, Armand Colin, 1992.
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Métacognition, remédiation
les ER sont des élèves qui reconnaissent l’école comme une fin en soi –
apprendre des connaissances – et non comme un moyen – être « utile »,
apprendre un métier.
Les psychologues (Paris et Winograd, 1990 ; Bräten, 2000 ; Bouffard-
Bouchard, 1991a, 1991b ; Doly, 1996a, 1996b) mettent en avant que les ER
se connaissent comme apprenants : ils ont des métaconnaissances – et
peuvent en faire état – sur leur rapport aux stratégies, aux savoirs, aux
tâches. Ils ont développé une attribution interne : ils savent « que leurs
actions sont bien ce qui est responsable de leur performance et de leur
succès et que l’échec n’est jamais inévitable et incontrôlable » (Paris et
Winograd, 1990). Ils ont développé une « perception de [leur] efficacité »,
du rapport entre l’action et la performance (Bouffard-Bouchard, 1991b)
et, par là, une estime de soi « qui a les plus grands effets sur l’autorégu-
lation et les performances » (Paris et Winograd, 1990).
Ces études permettent de conclure, comme le montrent les observa-
tions menées sur les modalités éducatives des mères ou éducatrices de
jeunes enfants (Day, 1985 ; Bruner, 1983 sur les « règles d’interaction de
tutelle »), que ces compétences – qui définissent la motivation – s’appren-
nent et peuvent s’apprendre très tôt. Les mères/éducatrices d’enfants qui
deviennent « métacognitifs » font deux types de choses :
– elles choisissent des situations de type situation-problème, situées au-
delà de ce que l’élève peut faire seul mais « juste » au-delà, c’est-à-dire
en « zone proximale » (Vygotski, 1985) ;
– elles mettent en œuvre une aide systématique de type « tutelle sociale
langagière » (Bruner, 1983).
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13. Contrairement à la thèse piagétienne, les actes de l’enfant ne portent pas en eux-
mêmes tout ce qui permet de les comprendre, même s’il en portent le substrat : c’est le
langage de l’adulte qui médiatise le rapport au monde de l’enfant et à ses propres actes,
qui construit ce sens et le communique à l’enfant.
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14. Sur ce point, on peut consulter une synthèse d’études comparatives sur les caracté-
ristiques de l’environnement qui favorise ou défavorise la réussite, effectuée dans Dossiers
d’éducation et Formation, n° 101, juin 1998. Il y est notamment signalé que l’environnement
qui favorise la réussite, aide à l’exploration, oriente vers la tâche, encourage l’enfant à
évaluer les conséquences de ses actions, donne davantage de feed-back positifs, donne plus
d’indices et d’informations spécifiques et pertinentes, pose plus de questions, présente des
pratiques éducatives flexibles. Tandis que celui qui défavorise la réussite est plus directif,
intervient à la place de l’enfant, s’exprime sous forme impérative, donne la solution du
problème, oriente peu vers la tâche, donne plus de feed-back négatifs. On peut aussi consulter
le célèbre ouvrage de Bruner sur « le rôle de l’interaction de tutelle », 1985, pp. 261-280.
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15. Autrement dit, l’apprenant doit être capable d’évaluer ce qui va et ne va pas dans
une solution, ou encore se représenter le but par des critères d’évaluation.
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les élèves selon les objectifs et les formes de tutelle décrites (voir
« Caractéristiques de la tutelle langagière dans son contenu et dans sa
forme », pp. 96-99). C’est un moment essentiel de l’apprentissage : le
professeur vise à faire progresser les élèves dans leur capacité à évaluer
un texte narratif et, en même temps, comme on l’a dit, à représenter le
but à atteindre, c’est-à-dire ce qui définit le texte narratif, de façon à
améliorer leur capacité à le produire en vertu de l’hypothèse retenue
(voir « Une hypothèse de travail en classe », pp. 99-100), selon laquelle le
progrès dans la capacité à évaluer une production fait progresser dans la
capacité à la produire. Une meilleure représentation du but, plus précise
et consciente, construite peu à peu par les élèves avec ce travail d’évalua-
tion, est ce qui leur permettra de devenir plus contrôlés dans leur propre
production. Il s’agit donc pour le professeur de les aider à passer d’une
évaluation spontanée, globale et intuitive des copies proposées à une
évaluation précise et explicitable par critères, qu’ils devront utiliser pour
réécrire leur texte en les faisant « passer du non conscient au conscient
et volontaire », comme dit Vygotski (1985). L’aide plus individualisée
permet aussi au professeur de mieux connaître les difficultés des élèves
(« Qui a pu trouver quels critères ? ») et d’être plus efficace dans sa tutelle,
dans ses choix didactiques et dans la conduite de la séance d’évaluation
orale collective. Le professeur peut aussi sensibiliser les élèves à la ques-
tion, le plus souvent inhabituelle, de leurs procédures d’écriture qui sera
développée dans une étape ultérieure.
6. Le professeur ramasse les fiches, les analyse et en fait une synthèse
(« Qui a perçu quoi ? »). Cela lui permet également de prévoir l’aide à
apporter lors de la réécriture, les objectifs sur lesquels insister ou qu’il
conviendra d’abandonner pour un temps ; de prévoir, plus précisément
qu’au départ et de façon plus centrée sur les élèves, les critères vers
lesquels il veut les conduire.
7. Le professeur mène une séance orale et collective d’évaluation qui
doit conduire à l’écriture décontextualisée, formalisée, conceptualisée pour
être généralisable, des critères d’évaluation. Ce travail de reformulation
écrite collective est très important pour l’appropriation, par chacun, de
ces critères et pour la valorisation d’une sorte de savoir commun – profes-
seur et élèves – de référence sur la tâche d’écriture. Les élèves font part
de leur évaluation, échangent, discutent, sous le guidage éclairé du profes-
seur, qui note au tableau, au fur et à mesure, les propositions en les clas-
sant et en demandant au besoin un travail de reformulation. Il pourra,
par exemple, différencier ce qui concerne l’aspect local (répétition, style,
grammaire, orthographe, etc.) et l’aspect global (macrostructure). Les
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Cinq objectifs ont été visés dans cette évaluation collective : prendre
conscience des procédures utilisées spontanément par chacun (et le plus
souvent ignorées au départ) ; prendre conscience qu’il y en a d’autres (par
comparaison) ; prendre conscience qu’il y en a de plus efficaces que
d’autres (en comparant procédures et performances) ; prendre conscience
de la différence entre ordre de réalisation de procédures (sélection d’infor-
mations, introduction, conclusion, plan, relecture, etc.) et ordre de présen-
tation pour les lecteurs (ce qui exige une logique différente) ; faire évoluer
sa procédure (il ne sert à rien d’obliger un élève à mettre en œuvre une
procédure totalement extérieure à ses compétences actuelles ; cela retarde
au contraire son efficacité).
8. Les élèves évaluent individuellement leur copie avec leurs fiches
pour prendre conscience de leurs propres erreurs et se donner des objec-
tifs de réécriture. Ce travail individuel est difficile et demande l’aide du
professeur : il faut éviter la surcharge cognitive, et le contrôle de trois,
quatre erreurs est déjà exigeant.
9. Les élèves réécrivent leur texte individuellement avec l’aide-tutelle
systématique et différenciée du professeur. Ce dernier les aide surtout à
partir de leurs questions, qui sont beaucoup plus précises et pertinentes
après ce travail : ils ont appris à « se faire aider », ils peuvent dire quelque
chose de leurs difficultés, ils ont une référence commune avec le profes-
seur, à savoir la fiche de critères. Cette réécriture est totale ou partielle
selon les conseils du professeur et le choix de l’élève.
10. Le professeur évalue cette réécriture en annotant la copie elle-même
de telle sorte que l’élève sache sur quels critères il a progressé et ceux qui
restent à travailler. L’élève pourra ainsi se connaître comme « scripteur »,
et pourra éventuellement réécrire une seconde fois, ce qui a été le cas le
plus souvent et à leur demande. Il convient d’éviter les évaluations néga-
tives et sanctionnantes du type « charabia », « hors sujet », « incompré-
hensible », « incohérent », etc., et préférer les formules comme : « Réécris
cette phrase plus clairement », « Ajoute une phrase pour que l’on
comprenne », « Trouve un plus joli mot », « Annonce l’arrivée du person-
nage dans une phrase précédente », etc. Il s’agit en effet d’aider l’élève à
repérer ses erreurs par rapport aux critères connus afin qu’il puisse réécrire,
et non de le sanctionner par rapport à une norme non dite. Il n’est pas
nécessaire (et peu possible, surtout au collège) de reproduire ce schéma
complet à chaque écriture, mais les élèves qui s’habituent à ce travail
l’effectuent avec plus de rapidité. Ce travail développe clairement la moti-
vation et la persévérance des élèves qui se découvrent compétents et
capables de progrès, en développant une internalité du contrôle et un
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20. Chartier A.-M., « Épreuves du certificat d’études primaires en 1995. Études de quelques
facteurs ayant pu agir sur les résultats des élèves », Éducation et Formation, n° 53, mars 1998,
pp. 19-34.
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Évaluation de ce travail
Les évaluations régulières de ce travail montrent un progrès de
l’ensemble des élèves en orthographe, même si ce progrès est plus lent
pour les élèves de très bas niveau : il n’y a aucun élève qui ne progresse
pas du tout. Elles montrent aussi, et avec évidence, un progrès général
de la motivation, qui devient forte et très inhabituelle en orthographe
pour ce type de travail (« Chic, on va faire une dictée, je vais voir combien
je fais de fautes en moins », dit un élève de CM2), qui dédramatise le
rapport de l’élève à l’orthographe en permettant d’internaliser le contrôle,
en développant un sentiment d’autoefficacité, en particulier chez les
élèves qui progressent très lentement.
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des ressources avec les divers outils constitués en classe (affichages, fiches,
productions écrites diverses, etc.), et, surtout, l’aide-tutelle du professeur
qui intervient pour aider au contrôle métacognitif avant, pendant et après
la gestion de la tâche, pour les faire progresser dans la représentation de
l’écriture et du but à atteindre, c’est-à-dire dans leurs connaissances de
l’écrit et leurs compétences à écrire. Il intervient pour faire verbaliser et
analyser leur procédure et leurs résultats : en effet, ils inventent des règles,
font des analogies pour construire une procédure, parvenir à produire
quelque chose qui « ressemble » à la représentation qu’ils ont de l’écriture.
Le professeur vise à leur faire expliciter ces procédures et résultats, afin
de leur en faire prendre conscience, le but étant qu’ils saisissent égale-
ment la différence avec celles et ceux qui sont justes et, ce faisant, de les
leur faire acquérir progressivement. Il vise aussi à faire prendre conscience
aux élèves qu’ils progressent dans leurs compétences à écrire, ce qui permet
de développer leur motivation à apprendre à écrire et à lire.
– Étapes du travail :
Situation de départ : on apprend à écrire son prénom ; on écrit la phrase
qui suit une lecture arrêtée ; on écrit un mot à notre marotte pour lui
dire que nous sommes au cinéma, etc. Le maître choisit un énoncé dans
lequel de nombreux mots sont connus des élèves ou que ces derniers
peuvent retrouver facilement.
Premier jet : chacun écrit la même chose. Le professeur rappelle ou fait
rappeler des ressources utiles : mots connus, affichages, dictionnaire, etc.
Cette étape lui permet de savoir où en sont les élève dans la connais-
sance de la langue (ordre des lettres, des mots ? segmentation ? rapport
graphie/phonie ? principe alphabétique ?), de constater leurs procédures
(ils se disent lentement les mots pour bien articuler tous les sons) ; il les
aide à les reformuler, à identifier certaines erreurs (il peut aussi évaluer
le transfert d’autres activités sur l’écrit).
– Évaluation :
Le professeur demande à chacun de lire en suivant avec le doigt : il
vise à faire prendre conscience à l’enfant du rapport entre ce qu’il a écrit
et ce qu’il entendait et voulait écrire : « De ce qu’on a dit, qu’est-ce qui
est écrit ? » (Compter les mots, montrer tel mot, telle partie de mot…)
Il vise aussi à faire expliciter aux élèves les procédures qu’ils ont utilisées,
d’autant qu’il les aura aidés à en prendre conscience pendant l’écriture.
Il fait opérer des comparaisons entre les différentes productions des
élèves afin de leur faire prendre conscience de ce qu’ils ont fait et du fait
que d’autres ont fait autrement.
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22. Nous ne développons pas ici cette question, mais on pourra consulter Cassirer E.,
L’Idée d’Histoire, Paris, Éditions de Minuit, 1988, et La Philosophie des formes symboliques,
tome 3, Paris, Éditions de Minuit, 1972 ; Lévi-Strauss C., « Introduction », in Sociologie et
anthropologie, Paris, PUF, 1966 ; Doly A.-M. et De Rosa R., Construire son identité à l’école
maternelle, Paris, Nathan, 1999 ; Doly A.-M., Métacognition et Pédagogie : enjeux et proposi-
tions pour l’introduction de la métacognition à l’école, Thèse de doctorat, Lyon 2, 1998.
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23. Voir Condorcet, « Rapport et projet de décret sur l’organisation générale de l’instruc-
tion publique » (1792), in Vive l’école républicaine, Textes et discours fondateurs, Paris, Librio,
1999.
24. Voir Élizabeth Bautier et Jean-Yves Rochex, pp. 116-118.
25. La pensée « critique » et réflexive qu’est la raison n’est pas une pensée « qui critique »
mais une pensée qui est capable de « se critiquer », c’est-à-dire de différencier en elle-même
croyance et connaissance, vérité et fausseté, bien et mal et, par là, de juger.
26. Arendt H., « La crise de l’éducation », in La crise de la culture, Paris, PUF, 1972.
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27. Ceci est peut-être bien en train de changer dans notre école devenue plus encline à
chercher à s’adapter au monde qu’à éduquer les élèves à la raison et à la liberté et, par là,
à la citoyenneté, comme ces valeurs fondatrices l’y invitaient. Dans cette réflexion, le socio-
logue s’inspire du travail de Jack Goody (La Raison graphique, Paris, Éditions de Minuit,
1979) sur la signification et les conséquences du passage des cultures, de la tradition orale
à la tradition écrite.
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28. Nous reprenons cette expression à Bachelard qui, dans La Formation de l’esprit scien-
tifique (Paris, Vrin, 1960) fait dépendre la construction de la pensée scientifique de la capa-
cité à problématiser le réel pour le reconstruire dans et par les variations propres à
l’expérimentation, par une distance « cathartique » par rapport à « l’expérience première »,
immédiate, colorée et variée, et aux croyances et opinions qu’elle produit inévitablement.
29. Nous empruntons cette expression à la philosophe C. Kinstler dans La République
en question (Paris, Minerve, 1996) : « L’école est un espace où l’on s’instruit des raisons des
choses, des raisons des discours, des raisons des actes et des pensées [...] (ce qui exige
distance, réflexivité, rupture) pour acquérir la force et la puissance, celles qui permettent
de se passer de guide et de maître. [...] et cela ne peut se faire qu’en se soustrayant d’abord
aux forces qui font obstacle à cette conquête de l’autonomie. Il faut échapper à la force
de l’opinion, [...] à la demande d’adaptation, [...] aux données sociales pour construire sa
propre force ; l’école n’a donc pas pour tâche première d’ouvrir l’enfant à un monde qui
ne l’entoure que trop : elle doit lui ouvrir ce que le monde lui cache ; il ne s’agit pas
d’adapter, ni d’épanouir, mais d’émanciper. »
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Dans cette même perspective d’analyse d’une école qui se trompe sur
les moyens pédagogiques de sa démocratisation, valoriser, dans le cadre
d’un apprentissage de la langue, son usage comme outil de communica-
tion au détriment de l’étude de sa nature, de son fonctionnement et de
ses normes, ce qui exige un travail métacognitif précoce et continu, a
pour conséquences, contrairement à ce qui en est attendu, de creuser les
inégalités scolaires et de rendre plus difficile pour les élèves qui en sont
privés chez eux, le passage à une langue de culture et à l’écriture et donc
à la langue du pouvoir social et culturel30. C’est, là encore, le rôle culturel
d’émancipation et de préparation à la citoyenneté de l’école qui est remis
en cause31.
Conclusion
La métacognition telle qu’elle est définie par les psychologues, c’est-
à-dire ni au sens de connaissances métacognitives, ni comme autorégu-
lation, ni comme prise de conscience après coup, encore moins comme
modalité psychanalytique32, mais en tant que caractéristique des élèves
« experts en apprentissage », est prometteuse de motivation – dont nous
avons vu l’apport à la construction identitaire par le biais du concept de
soi – et de réussite dans les apprentissages. Cette fonction de contrôle et
de distanciation réflexive apparaît chez certains sociologues de l’école
comme indispensable à la réussite scolaire dans la mesure où le rôle de
l’école est de transmettre à tous les élèves les savoirs de leur culture, au
premier rang desquels figure le langage, à la fois outil et objet de cette
30. Voir à ce propos l’ouvrage de Bautier É., Pratiques langagières, pratiques sociales,
Paris, L’Harmattan, 1997.
31. Il faudrait rappeler le rôle de la métacognition dans des apprentissages fondamentaux
comme l’apprentissage de la lecture et la compréhension en lecture. Voir pour cela : Fayol M.,
David J., Dubois D., Rémond M., Maîtriser la lecture, Paris, Odile Jacob, 2000 ; Rémond M.,
Quet F., « Apprendre à comprendre l’écrit. Psycholinguistique et métacognition : l’exemple
du CM2 », Repères, n° 19, 1999, pp. 33-45. Sur l’écriture de textes, deux articles de Pratiques,
49, 1986 : Charolles M., Coltier D., « L’analyse des processus rédactionnels : aspects linguis-
tiques, psychologiques et didactiques », pp. 51-66 ; Garcia-Debanca C., « Intérêt des modèles
du processus rédactionnel pour une pédagogie de l’écriture », pp. 23-49.
32. Même s’il est possible de trouver des points de comparaison entre psychanalyse et
métacognition, comme, par exemple, l’exigence de la médiation langagière spécifique de
l’analyste pour que se fasse l’analyse, ce travail d’analyse de l’analysant n’a rien de commun
avec la prise de conscience liée à la métacognition : les objets de la prise de conscience du
sujet sur lesquels il exerce un contrôle métacognitif n’ont jamais fait l’objet d’une censure,
comme c’est le cas des éléments inconscients sur lesquels s’exerce le travail de l’analysant.
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transmission. Or, alors même que cette compétence tend à faire défaut
aux enfants issus de milieux populaires, l’école l’exige mais ne l’apprend
pas de façon spécifique. Le philosophe, et avec lui les fondateurs de l’école
qui parlent de conscience de soi, de liberté, de culture et de raison pour
définir ce qui humanise l’individu et le prépare à la citoyenneté, pour-
rait bien voir dans la métacognition, une médiation pédagogique et
scolaire capable de permettre aux élèves d’accéder dans le même temps
à une culture et à une pensée réflexive. Le pédagogue, particulièrement
soucieux des élèves qui n’ont que l’école pour apprendre et qui y sont
en difficulté, ne peut pas se désintéresser de la possibilité de faire de ce
processus mental un outil au service des apprentissages scolaires même
s’il sait aussi qu’il n’est pas le seul.
Nous avons présenté la métacognition dans ses fondements et dans des
modélisations pédagogiques et didactiques possibles qui ont été mises en
œuvre à l’école et évaluées qualitativement33. Ces modèles ne sont que
des mises en pratique possibles du concept de la psychologie. Il faut
rappeler deux choses à ce propos : il peut y avoir d’autres réalisations
possibles et il y a d’autres manières d’apprendre et d’enseigner qui ne
sont nullement contradictoires avec cet usage de la métacognition ; les
caractéristiques de la médiation par tutelle à la métacognition des élèves
que nous avons définies peuvent être mises en œuvre, à quelques nuances
près, dans un groupe classe et dans une situation d’enseignement de type
magistral34.
Notre thèse est que si la métacognition peut devenir un outil pédago-
gique digne d’intérêt à l’école, en particulier pour les élèves en difficulté,
cela ne peut se faire que dans certaines conditions : tout d’abord, des condi-
33. Notons que, parmi les « promesses » de la métacognition, la motivation des élèves
est la seule qui ait pu être clairement mise en évidence. Le rapport entre la métacognition
d’une part, et le transfert et la réussite d’autre part, même si nous en avons vu des effets
certains en comparant plusieurs classes, exigerait une étude quantitative sur le long terme,
ce qui est impossible dans un fonctionnement normal de classe. Mais il n’y pas qu’une
manière, qui serait scientifique et quantitative, de rationaliser le réel pour le maîtriser. Et
le pédagogue qui a à « conduire » sa classe, fait des choix dont il doit seulement pouvoir
rendre compte pour les soumettre à la réflexion critique, la sienne ou celle des autres. On
peut noter que les psychologues eux-mêmes ne sont pas parvenus à mettre ces rapports en
évidence de manière claire et scientifique.
34. Nous avons en effet effectué un travail de cette nature au collège (en orthographe
et en écriture de texte) et au lycée (en anglais) : cet enseignement doit simplement inté-
grer un ou deux moments de travail à deux ou trois, ou un temps de travail personnel à
la maison.
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Métacognition, remédiation
35. J. Bruner, Car la culture donne forme à l’esprit, de la révolution cognitive à la psycho-
logie culturelle, Paris, ESHEL, 1991.
36. Une relation de nature thérapeutique peut tout à fait avoir sa place auprès d’enfants
ou d’adolescents en difficulté psychologique, tels qu’on en rencontre dans l’éducation spécia-
122
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ne pouvant renoncer à leur rôle d’émancipation par les savoirs universels, en particulier
pour les enfants de milieux populaires, sans perdre ce qui fait leur sens, leur valeur, leur
raison d’être, bref leur « autorité ». Ne serait-ce pas en effet, la porte ouverte à toute forme
de « gouroutisation » des élèves dans la mesure où l’obligation scolaire les « livrerait » à des
pratiques incontrôlables dans leurs formes comme dans leurs contenus et leurs résultats.
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Aider à apprendre :
métacognition et explicitation
Armelle Balas-Chanel1
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Métacognition, remédiation
moment, en fonction des buts qui étaient les siens et des connaissances
qu’il a mobilisées) pour comprendre « comment il en est arrivé là » et
envisager comment « il aurait pu jouer sa partition autrement ». Il devient
alors praticien réflexif et engage un processus de métacognition.
Ces méthodes et cette posture réflexive proposées aux adultes et aux
praticiens sont-elles envisageables dans le cadre de l’aide à l’apprentis-
sage des enfants et, particulièrement, des jeunes élèves en grande diffi-
culté d’apprentissage ? La métacognition peut-elle aider ces derniers à
apprendre ? En quoi peut consister l’analyse de la pratique apprenante ?
Pour répondre à ces questions, nous définirons, dans une première
partie, à l’aide du modèle systémique de Jean Berbaum, ce qu’est
« apprendre », quelles sont les fonctions de l’apprenant et comment ce
modèle peut favoriser l’aide à l’apprentissage. Nous distinguerons, en
deuxième partie, la métacognition implicite de la métacognition explicite
pour étudier ce sur quoi porte la prise de conscience dans la métacogni-
tion explicite et quels peuvent en être les freins. Enfin, nous évoquerons
les techniques d’explicitation que peuvent utiliser les enseignants pour
faciliter « l’analyse de la pratique apprenante » des élèves en difficulté
d’apprentissage.
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Environnement
Apprenant
Objet Situation
T Évolution T’
3. Rosnay (de) J., Le macrocosme. Vers une vision globale, Le Seuil, 1975.
127
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Métacognition, remédiation
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Métacognition, remédiation
(recueil des données par la simple lecture de cet article, mise en relation
avec d’autres textes, d’autres connaissances ou des expériences person-
nelles antérieures ; élaboration de sens pour votre pratique d’enseignant
ou de formateur, si vous l’êtes…). Enfin, vous utilisez des voies d’accès à
la connaissance : un pôle physique (ici, la vue, sauf si quelqu’un vous lit
le texte ; auquel cas, il s’agit de l’ouïe), un canal sensoriel (auditif, si vous
vous entendez lire, visuel si vous vous faites des images) et un niveau de
conscience (ici, vous avez probablement conscience du contenu, mais avec
quelle conscience de vos stratégies pour comprendre et pour mémoriser ?).
Traiter l’information
En « exploitant » ainsi cette situation de lecture, si les informations
fournies sont nouvelles, vous allez sans doute élaborer une représenta-
tion nouvelle et compléter vos connaissances anciennes. Peut-être, si ces
connaissances vous permettent de le faire et si vous y trouvez un intérêt,
adopterez-vous ensuite un comportement nouveau dans vos pratiques
pédagogiques.
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ai-je fait pour réussir – ou non – à apprendre ? Comment ai-je fait pour
comprendre ce texte et en mémoriser des éléments ? Qu’est-ce que je
garde de ma manière d’apprendre ? Qu’est-ce que je pourrais faire d’autre
pour apprendre mieux, plus efficacement ? »). Il met alors en relation
l’objectif visé et l’objectif atteint avec les démarches adoptées pour
l’atteindre. Cette mise en relation permet d’évaluer l’efficacité des stra-
tégies adoptées et de procéder à leurs améliorations successives.
Les traits du schéma qui relient toutes les fonctions signifient que ces
cinq fonctions interagissent et peuvent toutes s’effectuer sur une autre
fonction du système : par exemple, l’apprenant peut prendre de la distance
par rapport à sa manière de formuler son projet ou au choix de ses situa-
tions d’apprentissage ; il peut traiter de l’information à propos de ses atti-
tudes, du choix des situations, de sa manière de prendre de la distance
ou de l’objet d’apprentissage lui-même ; il peut formuler un projet quant
à sa manière de prendre de la distance, etc.
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avec Berbaum que tout apprenant réalise les fonctions décrites plus haut,
on peut se demander ce qu’il sait de sa manière d’apprendre : générale-
ment, il en est peu ou pas conscient. L’élève peut n’être conscient que du
résultat obtenu ; peut-être met-il ce résultat en relation avec le but visé,
pour l’évaluer (le fait-il toujours ?). Mais prête-t-il attention à la démarche
qu’il a adoptée pour obtenir ce résultat ? Adopte-t-il une posture réflexive
par rapport à sa manière d’apprendre ? Aidé par l’enseignant, l’élève peut
lui-même décrire son apprentissage, notamment toute son activité mentale.
L’analyse se fait alors à la « première personne ». Cette posture nécessite
souvent un médiateur qui favorise, en l’accompagnant, ce retour réflexif,
et ainsi, la prise de conscience de sa manière d’apprendre.
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Métacognition, remédiation
De même que nous savons qu’un sujet peut avoir appris sans inten-
tion de le faire (apprentissage incident), on peut faire l’hypothèse qu’il
peut également apprendre à apprendre sans en avoir eu l’intention : le
simple fait d’avoir appris quelque chose permet en effet de construire
des connaissances implicites, transférables à d’autres apprentissages. J’ai
pu constater, lors d’entretiens de recherche, que la métacognition des
sujets pouvait être de « qualité » différente.
Les uns ont une métacognition élaborée de bric et de broc, sans
conscience réfléchie. Apprenant depuis sa plus tendre enfance, le sujet a
acquis des habitudes pour apprendre, plus ou moins cohérentes, plus ou
moins structurées, sous l’influence de modèles familiaux ou scolaires, et
sous la « pression » de l’environnement. Il a également développé, sans
s’en rendre compte, un état d’esprit qui lui donne, ou non, le goût
d’apprendre et qui pèse lourdement sur sa motivation et sa pugnacité à
réussir. De plus, il a acquis des connaissances implicites à propos de lui-
même, des différentes tâches à accomplir, des moyens dont il peut
disposer, de ses stratégies personnelles ou des stratégies possibles, et il
s’appuie plus ou moins explicitement sur ces connaissances pour mener
à son terme l’apprentissage en cours. Ces connaissances sont loin d’être
exhaustives, et elles peuvent être de nature scientifique, rationnelle ou,
au contraire, complètement « magique ».
D’autres apprenants ont une métacognition « clé en main », c’est-à-dire
qu’ils s’appuient sur des méthodes d’apprentissage déjà élaborées, souvent
issues de recherches menées dans les années 1980 autour de la « remédia-
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Savoir métacognitif :
ce que je sais sur …
9. Sorel M., Questions de pratique. L’éducabilité cognitive : une nouvelle compréhension des
conduites d’apprentissage, Paris, Rapport d’étude pédagogique, 1991.
10. Pinard P., La Conscience psychologique, Québec, Presses de l’université du Québec,
1989.
11. Schéma élaboré à partir de l’ouvrage d’A. Pinard, op. cit., tiré de Balas-Chanel A., La
prise de sa manière d’apprendre, de la métacognition implicite à la métacognition explicite,
thèse, 1998, p. 47.
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Métacognition, remédiation
La prise de conscience
Les contenus de la prise de conscience en métacognition
Le passage de la métacognition implicite à la métacognition expli-
cite nécessite tout d’abord la prise de conscience de l’existence même des
activités mentales, difficilement observables mais essentielles dans l’acte
d’apprentissage : par exemple, la découverte de son propre dialogue inté-
rieur ou de ses représentations visuelles plus ou moins nettes et précises.
Ce n’est qu’après cette première étape que le sujet peut commencer
à observer sa manière d’apprendre (« Comment je fais ? »). Il peut alors
expliciter les connaissances métacognitives jusqu’alors implicites sur
lesquelles sa manière d’apprendre se fonde (« Qu’est-ce que je sais, qui
fait que j’apprends ainsi ? »). En explicitant ses connaissances métacogni-
tives, il peut les nuancer, les faire évoluer, les modifier, voire en mesurer
le caractère rationnel (« Est-ce vrai que les maths ne sont “pas pour
moi” ? »)
L’entraînement à ce type de centration sur sa manière d’apprendre
peut favoriser une attitude métacognitive de la part du sujet, qui devient
ainsi capable d’être attentif alternativement au contenu de l’apprentis-
sage et à sa démarche pour apprendre. Il devient alors capable d’avoir
des « bulles métacognitives » durant son apprentissage, ce qui lui permet
de contrôler et de réguler explicitement ce dernier chaque fois que cela
est nécessaire. Ces « bulles » sont d’autant plus fréquentes que le sujet
est sensibilisé aux différents niveaux de conscience (précons-
cient / conscient) et aux différents contenus de la conscience et de l’atten-
tion (contenu de l’apprentissage/démarche d’apprentissage).
La prise de conscience ne joue pas le même rôle, et elle est de qualité
différente, selon qu’elle se déroule après, pendant ou avant l’apprentis-
sage. Si elle fait suite à l’apprentissage, elle sert à contrôler a posteriori
la pertinence de la démarche adoptée, au regard de la qualité des résul-
tats atteints et des efforts fournis. Cette prise de conscience nécessite un
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12. Peut-on parler encore de prise de conscience, quand l’action n’a pas encore eu lieu ?
Ne vaut-il pas mieux parler d’anticipation ?
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13. Vermersch P. et Maurel M., Pratiques de l’explicitation, Paris, ESF, 1998, p. 255.
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Métacognition, remédiation
sujet décrive de manière objective son vécu subjectif ; c’est qu’il prenne
ainsi connaissance, « avec une neutralité bienveillante », de ce qu’il a fait
pour apprendre et de la manière dont il l’a fait, quel qu’en soit le résultat.
Il ne s’agit pas de dire ce qu’il aurait « dû » faire, ni ce qu’il fait en général,
ni même d’« expliquer » comment ça s’est passé. Il s’agit de prendre le
temps de revivre le moment de l’apprentissage afin de décrire plus spéci-
fiquement ce qu’il a fait « à ce moment-là », et d’en prendre ainsi plei-
nement conscience.
Mais pour expliciter sa manière d’apprendre, l’apprenant a besoin d’un
« médiateur ». Les techniques d’explicitation utilisées par le maître E vont
permettre, d’une part, à l’apprenant de prendre conscience de ses stra-
tégies et, d’autre part, à l’enseignant de s’informer de la pratique appre-
nante de l’élève et de comprendre ainsi ses difficultés singulières. Il pourra
d’autant mieux répondre ensuite aux besoins de l’élève, d’un point de
vue pédagogique.
À ce titre, Pierre Vermersch (1994) repère trois buts aux entretiens
d’explicitation en général : aider l’intervieweur à s’informer (analyse
d’erreurs, expertise, recherche), aider l’interviewé à s’auto-informer (retour
réflexif sur la démarche suivie pour une tâche, qui permet de construire
l’expérience de l’apprenant), lui apprendre à s’auto-informer (moyen
d’apprendre à apprendre dans la mesure où il apprend à décrire sa
manière de faire et ainsi à en prendre conscience). Le maître E, en utili-
sant les techniques d’explicitation lors de l’analyse de la pratique appre-
nante, peut espérer atteindre ces trois objectifs.
14. Py J. et Ginet M., « L’entretien cognitif ; un bilan de douze années de recherche appli-
quée », Psychologie Française, n° 40-3, 1995, pp. 255-280.
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15. « Être en évocation, c’est faire exister mentalement une situation qui n’est pas
présente ; c’est remplacer la perception par la représentation. Subjectivement, c’est être plus
présent à la situation passée qu’à la situation présente. C’est une activité où le sujet peut
retrouver les images, les sons, les sensations de l’expérience passée. » (P. Vermersch, in Les
Cahiers de Beaumont, n° 52 bis-53, avril 1991, pp. 63-70).
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Métacognition, remédiation
Écoute ce que dit réelle- Décrit son action Repérer les contenus de verbalisa-
ment l’élève (et rien réelle passée et tion qui sont à approfondir par
d’autre) singulière l’explicitation : vécu + action de
l’élève
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Relance pour favoriser Décrit son action Ne relancer que sur l’action passée,
l’explicitation du déroule- réelle passée et réelle et singulière avant de ques-
ment de l’action singulière tionner les savoirs et les buts asso-
ciés à l’action réelle ; demander :
« Qu’est-ce que tu as fait ?
Comment tu l’as fait ? » avant de
demander : « Et quand tu fais cela,
comment tu sais qu’il faut le
faire ? » ou : « Et quand tu fais ça,
qu’est-ce que tu vises ? »
S’appuyer sur les propos de l’élève
(sans induire)
S’appuyer sur les caractéristiques
de l’action : temps, espace, frag-
mentation, satellites.
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Métacognition, remédiation
Bibliographie
Balas-Chanel A., La Prise de conscience de sa manière d’apprendre. De la méta-
cognition implicite à la métacognition explicite, 1998. Thèse téléchargeable sur
le site www.expliciter.net
17. Plusieurs articles décrivent cette pratique d’accompagnement : Balas-Chanel A., « Une
aide à l’apprentissage : le PADéCA », Cahiers pédagogiques, n° 311, 1993, pp. 58-60 ; « Mieux
apprendre par la prise de conscience de sa démarche : témoignages », Nancy, CRDP de
Lorraine, Collection « Clé à Venir », n° 12, 1996 ; Balas-Chanel A., Boudant M.-J., Gineste C.,
« Compte rendu d’une expérience : un PADéCA avec des élèves en grande difficulté », Cahiers
de Beaumont, numéro spécial, 1993, pp. 113-118.
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La métacognition dans
les apprentissages :
l’exemple de la compréhension
des consignes
Jean-Michel Zakhartchouk
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Nous reviendrons plus loin sur le champ qui peut être couvert, selon
nous, par la métacognition, notamment en ce qui concerne l’aide à l’élève
en difficulté. Mais abordons maintenant notre sujet par l’exemple évoqué
plus haut et qui est tout sauf anecdotique ou microscopique : la compré-
hension des consignes. Question essentielle, puisque comme le dit Philippe
Meirieu « les consignes constituent la pierre de touche de tout enseigne-
ment » : en effet, « que fait un enseignant sinon donner des consignes »10 ?
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Métacognition, remédiation
1. Je lis la consigne, qui peut être une question ou une sorte d’ordre
qui s’adresse à moi. Je la relis et j’essaie ensuite de la redire sans
la regarder. Si je n’y arrive pas, je recommence. Je ne commence
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Métacognition, remédiation
Reste qu’il n’y a pas un profil idéal de bon lecteur de consignes. S’il
existe des « je dois faire » incontournables, il y a des marges, des variables
individuelles, des « je peux » incontestables… Le rôle de la métacognition
peut être de faire découvrir ce qui va le mieux à chacun à l’intérieur de
quelques grands principes d’action. Rappelons qu’elle peut permettre à
l’individu à la fois de mieux connaître son « style cognitif » et d’agir en
connaissance de cause.
À cet égard, il est intéressant d’évoquer la psychologie différentielle et
les travaux sur les styles cognitifs et les systèmes de pilotage personnels.
Tout en restant prudents : le but n’est pas d’établir une typologie scien-
tifique ni d’hypostasier les différences. De même, il convient de ne pas
confondre ce que les élèves disent de leurs « préférences » et ce qui leur
va le mieux effectivement, et qui peut être contraire à leurs habitudes.
L’important n’est-il pas, au fond, de déclencher une réflexion sur les
manières de faire de chacun, le chemin étant plus important que le
but ?
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activités comme des « batteries d’exercices » qui peuvent être aussi vides
de sens que les exercices à trous classiques de rabâchage qui ont fait la
preuve de leur inutilité. Et notre ouvrage Comprendre les énoncés et
consignes a pu, à son corps défendant, être utilisé de cette manière. Isoler
telle fiche, telle activité de son contexte global qui lui donne sens réduit
le travail sur les consignes à un apprentissage méthodologique qui naîtrait
de l’entraînement et de la répétition, et qui s’avère vite illusoire…
On doit, à tout moment, se poser la question de savoir si ce genre de
pratique aide vraiment les élèves qui ont justement le plus besoin d’aide,
ou favorise des élèves déjà autonomes, conscients de leur manière de
faire, capables de prendre du recul, habitués à un mode d’éducation où
la question du « pourquoi c’est comme ça ? » n’est pas incongrue, bien au
contraire, où la souplesse est érigée en valeur-clé.
Ce type de travail est désormais peu ou prou mis en œuvre par un
nombre grandissant d’enseignants, mais il doit s’inscrire dans le cadre
d’une pédagogie de maîtrise centrée sur la relation d’apprentissage ;
il ne peut qu’être exigeant et nécessite à la fois beaucoup de savoir-
faire, mais aussi de modestie de la part de l’enseignant qui doit accepter
les remises en cause permanentes de ses croyances et ambitions. Comme
le dit Philippe Perrenoud, il importe tout autant de « ne pas réinventer
la poudre et de s’inspirer des façons de faire qui ont fait leur preuve »
que de « réinventer la poudre, de récréer pour un groupe spécifique,
dans une situation singulière, des raisons d’adhérer, de réfléchir,
d’apprendre »14.
14. « Rendre l’élève actif… c’est vite dit ! », Migrants Formation, n° 104, mars 1996, pp. 166-
181.
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Ce type de pense-bête n’est qu’un outil ; il doit être complété par l’habi-
leté professionnelle de l’enseignant qui posera les bonnes questions au
bon moment, qui évitera le style « interrogatoire de police » qu’on trouve
dans ce dessin de Pol Le Gall (voir page suivante), tiré du numéro « Aider
à travailler, aider à apprendre » des Cahiers pédagogiques (n° 336), où des
adultes se penchent sur un malheureux élève et l’assaillent de questions
(« Est-ce qu’il a parlé ? »).
À noter que les théoriciens de « l’entretien d’explicitation » insistent
sur l’importance de poser des questions commençant par « comment »
plutôt que par « pourquoi » (Sait-on toujours pourquoi on a dit ou écrit
telle ou telle chose ? Ne vaut-il pas mieux se demander comment on a
fait pour répondre, quelles procédures on a engagées, etc. ?).
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© Pol Le Gall
Obstacles à cette démarche, en particulier
dans l’enseignement spécialisé
De nombreux obstacles existent, nous l’avons déjà évoqué, pour
une mise en œuvre de la métacognition, en ce qui concerne la compré-
hension des consignes, comme pour d’autres thèmes d’apprentissage :
mémoriser des leçons, porter son attention sur l’objet d’apprentissage,
participer de manière pertinente à l’oral, s’organiser dans son travail, etc.
Ces obstacles sont liés aux élèves, mais également aux enseignants.
Actuellement, une pression existe pour le retour à une certaine auto-
matisation, en particulier pour les élèves les plus en difficulté. Le
« soutien » est davantage conçu comme un rabâchage, une reprise du
« même » plutôt que comme un retour réflexif sur les difficultés. On
critique, sur le plan de la lecture, des activités qui font appel au sens stra-
tégique pour mieux prôner le retour aux activités mécaniques « qui
auraient fait leurs preuves dans le passé ». Les enseignants sont tentés
par ce retour, car à court terme, faire remplir les trous d’un exercice de
Bled paraît plus rentable et demande beaucoup moins d’inventivité, de
psychologie, de sens de la communication (et de mille autres compé-
tences) qu’une mise en œuvre efficace de la métacognition. Il s’agit bien
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Ajoutons encore que le travail sur les consignes doit également avoir
pour objectif d’aider l’élève à comprendre le sens de l’école. Les
consignes ne tombent pas du ciel, elles sont des moments de l’appren-
tissage. Encore faut-il que l’enseignant lui-même en soit convaincu et se
situe dans une perspective de formation de citoyens actifs et lucides. Dans
la vie future, le jeune sortant de l’école devra continuer à répondre à des
consignes, il devra aussi en saisir le sens (pourquoi faut-il voter, respecter
l’environnement ou suivre le code de la route ?) afin d’être un acteur et,
aussi peut-être, un auteur qui aura à réinventer des consignes (à parti-
ciper à l’élaboration de nouvelles règles). La manière dont l’école l’aura
aidé ou pas à se construire un rapport à la fois positif et critique (les
deux sont indispensables) aura des effets sur son futur. Et cela est d’une
importance toute particulière pour les enfants qui ont des difficultés spéci-
fiques d’intégration à la société.
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Métacognition, remédiation
• Des études de cas : analyser avec les élèves la raison pour laquelle
ces derniers ont commis telles erreurs, ou les aider à anticiper les diffi-
cultés qu’ils risquent de rencontrer, etc. On se rend compte qu’il peut y
avoir sous-estimation de ces difficultés (par exemple, la complexité
syntaxique de certaines consignes) comme surestimation (on imagine que
les élèves auront du mal avec telle formulation, en oubliant que le
contexte peut faciliter la compréhension). L’enseignement spécialisé est
souvent friand d’analyses cliniques (et possède sans doute une longueur
d’avance sur les autres !). Le positionnement de tel ou tel élève face à
une consigne scolaire est souvent un révélateur du comportement de
l’élève devant le savoir en général.
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Bibliographie
Zakhartchouk J.-M., Comprendre les énoncés et consignes, CRDP d’Amiens et
CRAP, 1999.
« Consignes : aider les élèves à décoder », Pratiques, n° 90, juin 1996, pp. 9-25.
« Les consignes au cœur de la classe », Repères, revue de l’INRP, dossier « les
outils de l’enseignement du français », n° 22, 2000, pp. 61-81.
« Les aider à comprendre les consignes », NRAIS, dossier « Réussir ses appren-
tissages à l’école et au collège », n° 25, 1er trimestre 2004, pp. 95-104.
« Quelques pistes pour “enseigner” la lecture de consignes », L’apprentissage
de la lecture, revue des HEP de Suisse romande et du Tessin, n° 1, 2004,
pp. 71-82.
Sur la métacognition :
– Les Cahiers pédagogiques (www.cahiers-pedagogiques.com).
– Dossier « Savoir, c’est pouvoir transférer », n° 408, novembre 2002.
– Apprendre, hors série 1998, pp. 58-75.
167
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Quel fondement
pour l’aide spécialisée
« psychopédagogique »
aux élèves en difficulté ?
Philippe Cormier
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Métacognition, remédiation
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2. De même, pour notre propos, il faudra avoir à l’esprit que la métacognition est inhé-
rente à la cognition. Il y a dans la pensée humaine une dimension et une fonction méta-
cognitives de la cognition, et non pas une activité métacognitive qui pourrait exister à côté
de l’activité cognitive elle-même (auquel cas, on entre dans la réflexion méthodologique).
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Métacognition, remédiation
cognition, c’est-à-dire énonce un tant soit peu les opérations (au sens
cognitif) mises en œuvre dans le traitement d’un problème, et pas simple-
ment les procédures employées3. Je dis un tant soit peu, car, bien sûr, il
n’y a pas qu’un seul niveau d’énonciation métacognitive traduisant une
conscience (méta)cognitive plus ou moins élaborée : un enfant n’aura pas
la même compétence métacognitive qu’un enseignant spécialisé qui a
étudié les processus d’apprentissage !
Si je demande à un élève ce qu’il fait :
– « Je lis », répond l’élève.
– « Qu’est-ce que tu fais quand tu lis ? »
– « Je fais attention à ce qui est écrit. »
– « C’est quoi, faire attention ? »
– « Je me concentre, je regarde bien… Je pense à une image dans ma
tête… »
L’élève me montre qu’il a une certaine conscience cognitive, mais
complètement indéterminée quant à son objet ou son contenu. La
conscience de l’activité est présente, mais ce qu’est cette activité de lire
reste inconnu. La conscience que l’on a d’un phénomène psychologique
ne donne en effet aucune connaissance sur la nature de ce phénomène.
L’acte de lire implique une activité mentale complexe, et il ne suffit
pas d’attirer l’attention de l’enfant sur ce qui lui est plus ou moins acces-
sible, à savoir :
– la conscience supposée du genre d’activité (lire). Celle-ci correspond
en réalité à une représentation très vague de ce qu’est l’acte de lire, ainsi
que de la réalité de l’écriture ;
– la conscience qu’il se passe « des choses dans la tête » (parce qu’on
l’a dit à l’enfant, lequel est bien loin d’en avoir la même conscience que
l’adulte qui lui en parle). Sur ces « choses », on met des étiquettes, comme
« faire attention », « imaginer ». Mais qu’est-ce qu’imaginer ? Qu’est-ce que
je fais quand je fais attention ? Et je dois faire attention à quoi ? Pourquoi,
quelquefois, je n’y arrive pas ? Comment est-ce que je peux savoir ce qui
se passe dans ma tête ?
On voit que le guidage métacognitif reste impuissant à aider l’enfant,
parce qu’il ne porte pas sur le contenu de l’activité cognitive elle-même,
et que celle-ci reste inaccessible au sujet. L’enfant a certes une conscience
élémentaire de soi comme sujet de l’activité, mais cette conscience n’a
pas vraiment de contenu métacognitif, de sorte qu’une sollicitation méta-
cognitive qui ne vient pas de lui mais qui lui est suggérée, voire imposée
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Voilà qui nous permet de faire un pas de plus pour mieux comprendre
le contenu de la métacognition, en nous centrant sur la dimension de
raisonnement inhérente à toutes les situations d’apprentissage, de construc-
tion de savoirs et de construction de compétences intellectuelles (et pas
simplement pratiques). Considérons, par exemple, le petit problème
suivant (on excusera son faible intérêt pédagogique).
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Métacognition, remédiation
Procédure et processus
Par rapport au contenu de l’activité et à l’activité elle-même, procé-
dure et processus sont à distinguer. L’enfant peut décrire, plus ou moins
fidèlement, la suite des gestes ou des opérations techniques effectués
(« J’ai enlevé 2 fleurs » ; « J’ai mis le signe plus » ; « J’ai fait la soustraction
des deux chiffres ici » ; « J’ai mis –ent à la fin »…). Cela ne veut pas dire
qu’il soit en mesure d’expliciter les processus mentaux, autrement dit les
représentations, les concepts et la logique opératoire, la suite des opéra-
tions mentales mises en œuvre.
Les procédures
Parler des procédures peut s’envisager à deux niveaux :
– Répondre, par exemple, à la question « Et là, qu’est-ce que tu fais de
ça ? » permet à l’enfant, au moyen du langage et à certains moments de
l’activité (par exemple, lorsque l’on fait une pause pour prendre du recul),
de faire des liens ponctuels, de prendre conscience de certains détails
dans la chaîne opératoire. C’est utile : j’insiste, dans la mesure où cela
représente un guidage-accompagnement (non directif, puisqu’il ne
fournit pas d’éléments de réponse) et, par suite, un étayage cognitif
non négligeable.
– Mais être capable de répondre à la question « Comment as-tu fait ? »,
être capable de rendre compte d’une procédure dans son ensemble
suppose le problème résolu, donc que l’enfant a compris et qu’il sait faire.
Nous pouvons alors parler de compétence ou de maîtrise opératoire : c’est
lorsque l’on a vraiment compris que l’on peut expliquer ce qu’on a compris
et comment on a fait, à condition de maîtriser suffisamment le langage
correspondant à la procédure. Une telle performance prend valeur de
renforcement a posteriori de la confiance en soi et de la conscience cogni-
tive. En revanche, ce genre de question (« Comment as-tu fait ? ») n’aide
le processus de compréhension (tant qu’il est en chantier, inachevé et se
heurte à des obstacles) que dans la mesure où l’on accepte de suivre
patiemment l’enfant dans son tâtonnement, sans chercher à le diriger
vers « la » réponse et en sachant bien qu’il est encore loin de la maîtrise
opératoire qu’elle suppose.
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Les processus
À la différence des procédures (induites par le contenu explicite de
la situation–problème, le langage, les techniques, les règles, la présenta-
tion utilisés, etc.), les processus mentaux se situent au niveau opératoire
de la pensée, essentiellement conceptuelle et logique (mais impliquant aussi,
bien entendu, des représentations, des images mentales). On dira que les
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Métacognition, remédiation
5. Ici, catégorie est à prendre au sens d’outil de jugement (pour établir des rapports entre
des éléments). Par exemple, « plus (grand) que/plus (petit) que » est une catégorie qui me
permet de comparer la grandeur des objets, donc de porter des jugements de grandeur (en
grec, catégorein signifie juger). La catégorie n’est pas le concept d’un objet mais d’un rapport.
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Pourtant, c’est l’enfant, et lui seul, qui va être capable de nous emmener
là où il est en difficulté en lui-même, dans son fonctionnement personnel,
même si, naturellement, il ne sait pas où, ni pourquoi, ni comment il est
en difficulté : c’est ce fonctionnement personnel même qui va nous y
conduire, à condition que nous le laissions nous le montrer… L’essentiel,
pour le maître spécialisé, est alors de suivre l’enfant dans ses méandres
et dans son brouillard cognitif, de l’accompagner pas à pas dans son
cheminement personnel. Au psychopédagogue clinicien d’apprendre de
l’enfant comment il pense, sans trop le lui demander a priori, sans lui
demander « comment il doit faire » pour y arriver.
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Métacognition, remédiation
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cours ultérieur des apprentissages ne lui avait pas permis les accommo-
dations nécessaires. L’élève en difficulté reste fixé sur des modes de pensée
dans lesquels il se réfugie car, autour de lui, tout va trop vite, tout est
trop compliqué pour lui.
Les difficultés en lecture au CP renvoient ainsi largement à la manière
dont l’enfant s’est construit une représentation et une certaine concep-
tion de l’écrit depuis qu’il est tout petit, comme le montrent, par exemple,
les travaux d’Emilia Ferreiro. Avec un élève qui rencontre des difficultés
en lecture, il convient d’éviter de se fixer sur ses difficultés pour, à travers
toutes sortes de supports (langagiers ou non), le suivre dans sa façon de
les éviter ou de les aborder et d’en faire quelque chose, autrement dit
de les ré-élaborer. Le contenu d’une séance d’aide n’est donc pas program-
mable : seul le cadre et, à un moindre degré, les supports sont prévisibles.
On peut bien mettre par écrit le diagnostic, les objectifs (établis en concer-
tation avec le maître de la classe) et les moyens (démarche, supports),
mais c’est bien tout, et cela suffit ! Le maître chargé de l’aide spécialisé
doit réussir à se détacher de la prégnance du contenu qui, dans la rela-
tion d’aide, risque toujours de faire écran entre lui et les élèves.
C’est ainsi que :
– chaque enfant va apprendre au maître spécialisé, lui laisser décou-
vrir peu à peu, au détour du chemin, ses façons de penser, là où préci-
sément elles sont bloquées ;
– l’enfant va lui-même rencontrer ses propres difficultés, enfouies en
lui et non maîtrisées. Il ne peut les résoudre qu’à sa propre vitesse et
avec ses propres outils (mais justement, en les modifiant pour l’occasion).
C’est ainsi qu’il va pouvoir devenir « sujet » de ses difficultés au lieu de
les subir.
Ce travail d’auto-reconstruction ne peut être que stimulé par les inter-
actions cognitives dans un groupe accompagné par le maître spécialisé,
lequel peut demander des explications, pointer des « oublis », poser des
questions…
Loin d’être systématiquement interventionniste (pour telle difficulté,
on applique telle remédiation), l’aide spécialisée doit aussi donner l’occa-
sion de mettre en place un dispositif avec des supports ouverts permet-
tant à chacun, même dans un groupe, même avec un support commun
et des interactions, de reconstruire, à sa propre vitesse et dans sa propre
tête, son rapport personnel, singulier, à des objets de savoir. En cela, elle
n’est jamais didactique, et ne saurait viser de nouvelles acquisitions (qui
restent de la responsabilité du maître de la classe). Elle ne peut être
méthodologique qu’a posteriori, dans l’après-coup, certainement pas a
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Métacognition, remédiation
Un élève, par exemple, qui ne fait pas de lien opératoire (et de fait,
ce lien est très complexe) entre l’oral et l’écrit est peut-être un enfant
qui n’a pas encore différencié l’énoncé et le sens de l’énoncé, le contenu
sémantique et la forme verbale. Le signifiant et le signifié demeurent
« collés » pour lui. S’il ne peut séparer le contenu sémantique de l’énon-
ciation orale et, par suite, ne peut l’investir dans l’énonciation graphique :
– soit il relève d’une aide à la séparation symbolique et affective (et
une telle aide ne saurait être « à dominante pédagogique ») ;
– soit il va pouvoir explorer sans peur, dans un cadre sécurisant, le va-
et-vient entre « ce que je dis, je peux le dire, mais aussi l’écrire ; ce qui
est écrit, on peut le dire en parlant ; ces petits signes dessinés sont de
l’écriture qui dit quelque chose ». La tâche du psychopédagogue sera de
créer les conditions de cette exploration.
Sans la réversibilité entre le code oral et le code écrit impliquant la
conservation du signifié, l’enfant ne peut pas entrer dans la compréhen-
sion de l’écrit ; il reste dans l’oralité préopératoire, dans une structure de
pensée archaïque. Pour savoir où il en est, il faut se mettre à l’école de
l’enfant, mais aussi disposer pour cela d’une théorie suffisante du déve-
loppement cognitif. Ce sont ces deux composantes qui font un bon clini-
cien du rapport au savoir.
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Bibliographie
Andler D., Introduction aux sciences cognitives, Paris, Gallimard, 1992.
Barth B.-M., L’Apprentissage de l’abstraction, Paris, Retz, 1987.
Dor J., Introduction à la lecture de Lacan, Paris, Denoël, 1985-1992.
183
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Métacognition, remédiation
Ferreiro E., Lire – écrire à l’école : comment s’y apprennent-ils ?, Lyon, CRDP de
Lyon, 1998.
Flavell J. H., « Développement métacognitif », in J. Bideaud et M. Richelle,
Psychologie développementale, problèmes et réalité. Hommage à P. Oléron,
Bruxelles, Mardaga, 1985.
Gombert J.-E., Le Développement métalinguistique, Paris, PUF, 1990.
Grangeat M., La Métacognition, une aide au travail des élèves, Paris, ESF, 1997.
Huberman M., Assurer la réussite des apprentissages scolaires ?, Neuchâtel,
Delachaux et Niestlé, 1988.
Jakobson R., Essais de linguistique générale, Paris, Éditions de Minuit, 1963.
Lacan J., « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse », in
Écrits, Paris, Le Seuil, 1966.
La Garanderie A. de, Pédagogie des moyens d’apprendre, Paris, Centurion, 1989.
Noël B., La Métacognition, Bruxelles, De Boeck, 1991.
Papert S., Le Jaillissement de l’esprit, Paris, Flammarion, 1991.
Piaget J., La Prise de conscience, Paris, PUF, 1974.
Piaget J., Réussir et comprendre, Paris, PUF, 1974.
Piaget J., Problèmes de psychologie génétique, Paris, Denoël-Gonthier, 1972.
184
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Apprendre à comprendre :
pas de métacognition
sans cognition
Sylvie Cèbe
L e texte officiel qui définit les missions assignées aux enseignants spécia-
lisés stipule que leur intervention « doit permettre la prévention des diffi-
cultés d’apprentissage ou de leur aggravation et favoriser la réussite
scolaire des élèves »1. Le même texte précise que le maître E doit apporter
« son concours aux équipes pédagogiques pour l’analyse et le traitement
des situations scolaires qui peuvent faire obstacle au bon déroulement
des apprentissages des élèves. Il contribue, avec les autres enseignants, à
identifier les besoins éducatifs particuliers de certains élèves et favorise
autant que possible la mise en œuvre dans les classes d’“actions péda-
gogiques différenciées et adaptées permettant d’y répondre” »2. La tâche
qui échoit aux maîtres E pourrait donc être paraphrasée ainsi : rendre
possible (ou de nouveau possible) le travail et l’apprentissage des élèves
dans leur classe d’origine, autrement dit, leur permettre de suivre la classe
en bénéficiant des tâches proposées à tous. Si l’on s’accorde sur le bien-
fondé de cet objectif, il nous semble que le consensus disparaît dès lors
que l’on s’interroge sur les moyens à employer pour y parvenir.
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Métacognition, remédiation
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Métacognition, remédiation
familles). En outre, les difficultés rencontrées par les élèves les moins
avancés sont souvent masquées par la réussite du groupe et l’on en vient
à considérer comme acquises par tous des connaissances qui, de fait, font
encore défaut à certain(e)s. D’autres compétences font bien l’objet d’un
enseignement à un moment donné du parcours scolaire mais ne le sont
plus ensuite. Aussi les élèves qui n’auront pas réussi à profiter de cet
enseignement au bon moment n’auront-ils plus jamais l’occasion de le
faire ensuite. On ne peut pas véritablement en faire grief aux ensei-
gnants ordinaires, contraints par les exigences des programmes, du
collectif, des grands effectifs, etc. : « On ne peut pas tout faire, encore
moins tout refaire ! »
Les maîtres E qui enseignent plus intensément, qui offrent une réponse
adaptée aux élèves qui ont besoin de plus d’explications, de plus de temps,
de plus de « redescriptions6 », de plus de tâches, de plus d’entraînements,
de plus d’aides et de plus de guidages pour arriver aux mêmes résultats
que leurs camarades sont donc, pour nous, le dernier rempart contre
l’échec scolaire précoce.
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Métacognition, remédiation
Tout va bien, donc, tant que la situation est familière, que les contenus
sont connus et que la perception n’est pas trompeuse. Mais dès que la
situation change ou que la solution exige une modification de leurs procé-
dures, le problème devient intraitable. En conséquence, une procédure,
même si elle réussit, est inopérante à long terme pour celui qui ne la
comprend pas.
Pour cela, nous pensons qu’il ne suffit pas de laisser les enfants agir
librement, de modifier les supports de leur activité ou de leur faire refaire
les mêmes exercices en se bornant à augmenter le nombre de détails :
il faut les aider à comprendre les raisons de leur réussite en les amenant
à déplacer leur attention du résultat de leur action (leur performance,
le tri réalisé) à la manière dont ils l’ont atteint, c’est-à-dire la procédure
elle-même. Même si l’on a montré que le jeune enfant est capable, assez
tôt, de produire des catégories taxonomiques (quand il rassemble des
animaux ou des fruits, par exemple), il nous paraît raisonnable de penser
qu’il s’appuie toujours sur des schémas pour les construire (en regrou-
pant, par exemple, les fruits du compotier, les animaux d’un livre
d’images ou d’un dessin animé). Le jeune enfant qui regroupe des images
d’animaux puis désigne son regroupement par l’étiquette « des animaux »
n’est pas conscient de la nature des relations catégorielles qu’il vient
d’utiliser, ni de la manière dont les catégories qu’il connaît et qu’il utilise
sont organisées. Le plus souvent, le jeune enfant ne planifie pas son
rangement (il ne se fixe pas une règle dès le départ) ; il se laisse guider
par ce qu’il voit et se demande, après coup, quelle est la propriété
commune aux éléments rassemblés. Ce n’est qu’après avoir rangé les
éléments qu’il peut énoncer sa règle de tri et expliquer pourquoi ces
éléments « vont bien ensemble ». De surcroît, même lorsque la règle lui
« saute aux yeux », ses verbalisations ne correspondent pas toujours au
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Tant que les jeunes enfants n’ont pas compris la logique des procé-
dures qu’ils manipulent, ils ne peuvent pas utiliser leurs connaissances
de façon flexible. Ainsi par exemple, lorsqu’on présente à des enfants de
4 ans un ensemble d’images qui représentent des exemplaires de trois
catégories taxonomiques (humains, animaux et véhicules) que l’on peut
également insérer dans deux schémas connus (celui de la plage et celui
de la ferme), ils ont du mal à adopter successivement deux règles de tri
différentes. Bref, si les jeunes enfants savent bien trier, ranger, catégo-
riser, il s’agit davantage d’une maîtrise de type procédural (savoir-faire,
réussite en actes) que d’une compréhension conceptuelle de leur activité :
la difficulté à anticiper les tris, à les expliciter en les nommant, à modi-
fier les tris réalisés, à trouver d’autres tris possibles, à justifier les intrus,
à utiliser leurs connaissances catégorielles de manière stratégique (pour
planifier ou pour mémoriser, par exemple) en atteste.
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Métacognition, remédiation
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On voit comment, d’un tirage à l’autre, les élèves sont amenés à utiliser
leurs connaissances catégorielles pour trouver une règle de tri compatible
avec chacun des éléments déjà tirés. Précisons que l’important n’est pas
la découverte de la règle elle-même mais la mobilisation des connaissances
catégorielles mises en œuvre et la prise en compte du contenu de la boîte,
qui permettent de découvrir la règle (et non de trier) et la prise de
conscience des procédures efficaces. Notons d’ailleurs que les élèves
n’auraient aucun mal à la déceler si on leur présentait d’emblée le contenu
de la boîte. Dans ce cas, l’activité n’aurait pas d’autre intérêt que de révéler
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Métacognition, remédiation
Une fois la règle découverte, les élèves sont ensuite amenés à pour-
suivre le tri en s’occupant de vider la boîte BNT et de ranger les items
à leur place. Ceux qui correspondent à la règle de tri (râteau, clapier,
poule) seront placés dans la boîte BT, les autres (lion, immeuble, requin)
dans la boîte FT. Chaque élève tire une carte, annonce dans quelle boîte
il compte la ranger et explique systématiquement son choix. Les autres
élèves valident ou invalident son choix. Cette activité donne lieu à des
échanges souvent instructifs et animés quand, par exemple, un élève
décide de ranger l’image « cage » dans la boîte « animaux » parce que
celle-ci contient un canari, la carte « pneu » dans la catégorie « véhicule »
ou une poupée dans la catégorie « êtres humains »…
8. Précisons que ce sont les élèves qui décident quand il faut arrêter de sortir les objets
de la boîte, c’est-à-dire quand ils pensent que tout nouveau tirage ne modifiera plus leur
compréhension du contenu de la boîte. Cette caractéristique a une conséquence métaco-
gnitive importante : dans nos activités, c’est toujours aux élèves qu’il revient de dire quand
ils sont sûrs d’avoir fini, et de faire connaître leur critère d’arrêt.
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De la pratique à la théorie
Il nous faut à présent justifier théoriquement nos choix et les objec-
tifs que nous poursuivons.
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Métacognition, remédiation
Réguler le fonctionnement
Même si la centration sur la procédure est une aide fondamentale,
il faut encore s’assurer que les élèves traitent ces activités de manière effi-
cace. C’est là que le guidage de l’enseignant devient décisif : un guidage
effectif et serré. À première vue, il peut paraître paradoxal de proposer
(voire d’imposer) un cadre dans une intervention qui vise à donner à l’élève
le plus de contrôle possible sur le déroulement de l’activité et à accroître
ses capacités d’autorégulation. Mais le paradoxe n’est qu’apparent. Nous
pensons que ce sont justement ces contraintes qui favorisent – particu-
lièrement chez le jeune enfant – l’autonomie, qui confèrent à l’action son
caractère constructif. Une fois que l’élève aura formé ses compétences
dans l’interaction avec l’enseignant et les autres élèves, il pourra faire face,
tout seul, aux demandes scolaires en pariant que l’aide reçue dans son
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Métacognition, remédiation
Enfin, mis face aux difficultés que pose – toujours et pour tous – l’utili-
sation des connaissances relativement générales dans de nouvelles tâches
(le transfert), nous croyons essentiel de donner aux élèves des occasions
d’appliquer leurs compétences dans des activités aux contenus plus riches,
plus scolaires : c’est la fonction de nos tâches de transposition.
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peut retenir dans tous les domaines de son intervention, notamment les
plus spécifiques, les plus disciplinaires.
Ce sont ceux que nous avons retenus pour construire Phono (Goigoux,
Cèbe, Paour, 2004), un outil dédié à l’enseignement des compétences
phonologiques qui peut être d’une aide utile aux enseignants spécialisés
qui interviennent au cycle II.
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Métacognition, remédiation
9. Goigoux R., Cèbe S., Paour J.-L., « Favoriser le développement de compétences phono-
logiques pour tous les élèves en grande section maternelle », Repères, n° 27, 2004, pp. 71-92.
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Conclusion
On l’aura compris, si la prise en charge est toujours singulière, la
démarche que nous proposons pour améliorer la qualité du développe-
ment conceptuel des élèves est, elle, régulière et peut être schématisée
de la manière suivante : faire, réussir, redécrire, comprendre, s’entraîner,
transférer, systématiser. Nous comptons sur l’intelligence professionnelle
des maîtres E et sur la connaissance experte qu’ils ont du niveau d’acqui-
sition de leurs élèves pour savoir à quelle étape faire démarrer la prise
en charge. Il serait, en effet, tout aussi contre-productif et démobilisateur
de commencer par essayer de faire « comprendre » une procédure aux
élèves (sans s’être préalablement assuré qu’ils en disposaient bien) que
de séjourner trop longtemps à « faire faire » des tâches que les élèves
savent réussir depuis longtemps.
Bibliographie
Brigaudiot M., « Quelles connaissances linguistiques pour aider les élèves dans
la maîtrise des discours à l’école maternelle ? », in Elalouf M.-L. (éd.), Professeur
d’école enseignant de français, Paris, AFLA, 1997.
Campbell R. L. et Bickhard M. H. (eds.), Knowing Levels and Developmental
Stages, vol. 16, Basel, Karger, 1986.
Bruner J. S., Le Développement de l’enfant : savoir faire, savoir dire, Paris, PUF,
1983.
Bruner J. S., Contextes et formats : langage et communication à l’âge préscolaire,
Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 1984.
Bruner J. S., Comment les enfants apprennent à parler, Paris, Retz, 1987.
Cèbe S., Paour J.-L. et Goigoux R., Catégo, un imagier pour apprendre à catégo-
riser, Paris, Hatier, 2004.
Goigoux R., L’Apprentissage initial de la lecture : de la didactique à la psychologie
cognitive (étude longitudinale), Thèse de doctorat de l’Université René-
Descartes, Sorbonne-Sciences Humaines, 1993.
Goigoux R., Cèbe S. et Paour J.-L., « Favoriser le développement de compétences
phonologiques pour tous les élèves en grande section maternelle », Repères,
27, 2004, pp. 71-92.
Goigoux R., Cèbe S. et Paour J.-L., Phono, un outil pour développer la conscience
phonologique en grande section de maternelle et au début du CP, Paris, Hatier,
2004.
Karmiloff-Smith A., Beyond Modularity : A Developmental Perspective on Cognitive
Science, Cambridge, MA, MIT Press, 1992.
Karmiloff-Smith A., « Precis of beyond modularity : a developmental perspective
on cognitive science », Behavioral and Brain Sciences, 17, 1994, pp. 693-745.
203
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Métacognition, remédiation
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Marie-Thérèse Zerbato-Poudou
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Métacognition, remédiation
La recherche
Mes travaux de recherche, qui ont donné lieu à plusieurs publica-
tions (1994, 1995, 1997, 1998, 2000, 2003, 2004), portent sur les appren-
tissages scolaires à l’école maternelle. J’ai notamment étudié le rôle de
la médiation sociale et du langage dans une situation d’apprentissage
premier de l’écriture avec des élèves de moyenne section d’une école
maternelle en ZEP. Cette situation d’apprentissage, fondée sur la verba-
lisation par les élèves de leur activité, peut, en première analyse, être
comprise comme un travail métacognitif. Cette perspective fait émerger
bon nombre de questions par rapport au concept lui-même, ses modes
d’action, ses principes de fonctionnement, mais aussi par rapport aux
conclusions apportées à mes propres travaux : est-il possible de parler de
métacognition compte tenu de l’âge des élèves ? Les rapports qu’entre-
tiennent les échanges verbaux et la prise de conscience peuvent-ils soutenir
l’activité des enfants dans les situations scolaires ?
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3. Emilia Ferreiro (1990) : « L’enseignement dans ce domaine reste attaché aux pratiques
les plus désuètes de l’école traditionnelle, celles qui prétendent que l’on apprend seulement
au moyen de la répétition, de la mémorisation, de la copie systématique du modèle, de
l’automatisme […] on refuse l’accès à l’information linguistique jusqu’à ce que l’on ait
sacrifié aux rites d’initiation (prérequis), la langue écrite se présente hors tout contexte. »
4. Les critères de réalisation désignent les procédures d’exécution appropriées à la nature
de la tâche : pour l’écriture, le respect de la trajectoire du mot, des lettres, de l’ordre du
tracé des lettres…
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Métacognition, remédiation
vité de contrôle que les élèves exercent sur leur action. Mon attente était
donc double ; d’où l’énoncé des hypothèses suivantes :
– Les élèves ayant appris à écrire dans une situation de verbalisation
de critères sont censés obtenir des résultats plus performants dans
l’apprentissage formel de l’écriture comme dans le traitement de tâches
connexes : les caractéristiques de la situation d’apprentissage sont consti-
tutives de la régulation de l’action ;
– Les élèves bénéficiant de la situation de verbalisation des critères
sont censés atteindre un niveau conceptuel plus élaboré pour la compré-
hension du système d’écriture. Cette deuxième attente concerne l’acqui-
sition de concepts et la prise de conscience. Par l’entremise des dialogues,
la reconstruction par les élèves des modalités d’action sur le plan conscient
accroît les modes de régulation de leur activité cognitive.
Le dispositif
La recherche s’est déroulée « sur le terrain » de la réalité scolaire.
À l’aide de tests, ont été comparées les performances de trois groupes
d’élèves, issus de trois classes différentes de moyenne section, dans trois
écoles d’une même ville. Deux de ces groupes étaient situés dans une
ZEP, le troisième groupe dans un quartier socialement plus « favorisé ».
La classe dite « expérimentale » accueillait des élèves de ZEP. Dans la
deuxième classe située en ZEP, l’enseignant proposait quelques exercices
graphiques traditionnels et fondait ses activités sur les principes initiés
par la psychomotricité. Dans la classe située dans le quartier favorisé,
l’enseignante proposait quotidiennement des exercices graphiques tradi-
tionnels, hiérarchisés.
Les tests proposés pour vérifier la première hypothèse sur la régula-
tion de l’action comprenaient la copie d’un mot en cursive (ce type d’écri-
ture n’avait jamais été abordé dans aucune des classes ; la notation s’est
faite d’après les travaux de Auzias, 1966), ainsi que le test de Bender et
le test du bonhomme.
Pour vérifier la seconde hypothèse, les tests ont été empruntés à Emilia
Ferreiro : test de dictée de mots, test d’analyse des parties du prénom.
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Ils sont ensuite invités à écrire à leur tour, c’est-à-dire à produire la copie
de leur prénom. L’enseignante observe sans intervenir. De la sorte, elle
identifie les acquis des élèves dans ce domaine (tracé des lettres, séquen-
tialité, trajectoire, alignement, etc.) ; elle observe ainsi les réussites et les
difficultés, les procédures utilisées. Le travail de copie fini, il n’y a pas
d’évaluation de type validation : « c’est bien », ou « tu t’es trompé,
regarde… » ; les élèves sont invités à analyser leur production écrite,
réussie ou non, complète ou incomplète, au regard des critères énoncés
par l’enseignante (lors des premières séances, l’enseignante aura énoncé
les critères ; par la suite, le rappel sera fait par les élèves), ceci de façon
collective (l’intéressé doit d’abord s’exprimer, les autres élèves peuvent
ensuite réagir). La consigne est la suivante : « Nous allons voir si le mot
écrit est correct, si je peux lire votre prénom. » Voici l’énoncé des critères
retenus : « Pour que le mot soit bien écrit, que je puisse le lire, il faut :
qu’il y ait toutes les lettres (critère de complétude), dans l’ordre (critère
d’ordre), qu’elles ressemblent bien au modèle (critère de similitude ou
d’identité) et soient alignées. » Ces critères sont des critères de réussite,
des critères généraux non seulement pour l’écriture du prénom, mais
aussi pour toute écriture. Ce sont les règles élémentaires de fonctionne-
ment du système d’écriture qui sont énoncées. On peut ajouter ou réduire
le nombre de critères selon les besoins, le déroulement des séances, le
rythme de l’apprentissage, la nature de l’objet d’apprentissage (certains
sont minimisés selon le moment d’apprentissage, d’autres sont rajoutés,
comme les critères particuliers pour l’écriture cursive), etc. Les élèves véri-
fient si chaque critère est respecté en observant, en comparant leur propre
travail au modèle mais aussi à la production des autres élèves. Et c’est
sur ces « observables » que portent les échanges verbaux. Ensuite, afin de
rectifier le tracé de certaines lettres, l’enseignante demande aux élèves
d’expliciter leur procédure et les critères de réalisation qu’ils ont suivis.
J’insiste sur le fait qu’il s’agit d’une tâche concrète. Deux sortes de procé-
dures peuvent être distinguées : d’une part, celles qui sont inhérentes à
l’objet d’apprentissage lui-même, que l’on peut qualifier de « formelles »
(orientation gauche/droite de l’écrit, alignement des lettres) et, d’autre
part, celles qui sont propres à chacun des élèves, les procédures « person-
nelles » (stratégies de mise au travail – se précipiter sur la tâche ou bien
observer longuement le modèle ou bien encore observer les actions des
autres élèves – ; choix des procédures d’exécution, comme par exemple,
commencer par la lettre la plus facile, et non par la première, etc.). Dans
la situation expérimentale, les questions portaient aussi bien sur les procé-
dures personnelles que sur les procédures formelles.
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tion, sous forme d’une interaction langagière qui questionne l’enfant sur
tous les éléments pertinents de l’activité […] » : les interactions langa-
gières portent sur des objets pertinents de la tâche : les critères de réus-
site (analyse du produit, comparaison) et les critères de réalisation
(énoncé, découverte de procédures), ce qui permet un meilleur contrôle
de l’action et des conditions de l’activité ;
– « Le médiateur n’évalue pas de l’extérieur et de façon normative et
sanctionneuse, ne donne pas d’ordre, ne dit pas ce qu’il faut faire ou ne
pas faire » : dans la recherche, l’enseignante ne valide pas le travail
accompli, mais engage une co-évaluation avec l’élève concerné et le
collectif de travail en référence aux critères énoncés. Elle veille à ce que
les procédures proposées conduisent à la réussite de la tâche.
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6. Référence faite à Elkind (1976), selon lequel « puisque l’enfant doit classifier et sérier
et puisque de telles opérations caractérisent la période des opérations dites concrètes, il
vaut mieux attendre qu’il se situe dans cette période pour avoir des garanties de succès
dans l’apprentissage de la langue écrite » (p. 37).
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d’une opération, c’est en effet, la faire passer du plan de l’action sur celui
du langage, c’est donc la réinventer en imagination pour pouvoir
l’exprimer en mots. » Ce qui suppose un processus d’abstraction réfléchie
sur les modalités de l’action et non une simple description de ce qui a
été fait. Dans un premier temps, il s’agit d’une prise de « connaissance »
sur l’objet, qui donne lieu à des régulations automatiques, c’est le palier
de l’action matérielle. Dans un second temps, la prise de conscience
s’oriente vers l’action du sujet ; il y a alors recherche de moyens nouveaux
et délibérés, ce qui suppose la conscience. Il faut donc que les sujets puis-
sent se représenter l’action et pas seulement son résultat, c’est-à-dire, dans
le cas de tracés de lettres, se représenter mentalement le mouvement, la
trajectoire gestuelle adéquate. Or, selon Piaget, au stade de la pensée pré-
opératoire, l’enfant ne prend en compte que les changements d’état et
non les actions qui les produisent. Ce stade est caractérisé par le primat
de la perception (qui est une fonction figurative vs la fonction opérative).
Dans des tâches à composante spatiale, les images mentales sont statiques,
les représentations sont d’ordre topologique et non dynamique à l’âge
des élèves considérés par la recherche (Châtillon, 1988). Il s’ensuit qu’une
régulation de l’action ne peut être proposée avant l’étape des opérations
concrètes où se manifestent les images cinétiques. Selon Châtillon, cette
indifférenciation entre le but et les moyens ne permet ni la décentration,
ni la prise de conscience, ni la thématisation. Il faudrait donc envisager
de sensibiliser les élèves à cette dichotomie entre l’action et le résultat
de l’action pour favoriser la prise de conscience : la trace est le résultat
d’un geste orienté (ce qui est d’ailleurs régulièrement exigé des élèves
qui doivent respecter la trajectoire du tracé des lettres, notamment en
écriture cursive). Or, dans cette optique, il serait vain de demander aux
élèves d’élaborer une réflexion sur leurs procédures de résolution, et, dans
le cas de l’écriture, de décrire la manière dont ils ont procédé pour réaliser
tel ou tel tracé, et surtout d’anticiper sur la manière de réguler leur action,
sachant qu’ils doivent alors se centrer sur les procédures conduisant à un
changement d’état. Car écrire, c’est toujours anticiper sur l’adéquation
entre un geste et son résultat (respect de la forme, de la trajectoire, de
l’organisation temporelle des actions, des liaisons topologiques, etc.). Ainsi,
en ce qui concerne l’apprentissage de l’écriture, selon la théorie piagé-
tienne, la régulation ne pourrait porter que sur les états, sur la forme de
la lettre, le résultat de l’action et non l’action elle-même ; l’élève ne
pouvant dissocier le but des moyens, il ne peut avoir conscience des
actions motrices (donc des procédures) qui produisent la trace. Le mouve-
ment n’est pas identifié comme étant à l’origine du résultat. En revanche,
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7. Cité par Bideaud, Houdé, Pédinielli, L’Homme en développement, Paris, PUF, 1993,
pp. 143-145.
8. « J’ai conscience que je me souviens, c’est-à-dire que je fais de mon propre souvenir
l’objet de la conscience. » (Vygotski, 1934/1985)
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vers l’âge de 2 ans. C’est Vygotski (1985) qui attribue au langage le rôle
le plus puissant dans l’élaboration de la pensée (c’est « l’instrument
psychologique » par excellence) : « La pensée ne s’exprime pas dans le
mot, mais se réalise dans le mot […]. La relation de la pensée au mot
n’est pas une chose statique, mais un processus, un mouvement perpé-
tuel allant et venant de la pensée au mot et du mot à la pensée […]. Les
mots ne se contentent pas d’exprimer la pensée, ils lui donnent nais-
sance. » L’activité langagière est considérée comme étant fondamentale
dans le processus de métacognition. Pour autant, lorsque les élèves sont
sollicités pour dire « comment ils s’y prennent pour faire », élaborent-ils
une réflexion sur leurs processus de pensée ou, plus simplement, décri-
vent-ils leurs actions concrètes (en supposant qu’ils en aient conscience
et qu’ils verbalisent ce qu’ils ont réellement fait9) ? S’il n’y a pas de pensée
sans langage, le langage dans sa forme expressive ne suffit pas pour penser.
Seul un contexte dialogique précis peut être « productif » et la difficulté
dans l’enseignement consiste justement à instaurer, maintenir et faire
vivre un tel contexte.
D’où les questions : suffit-il d’échanger pour induire un processus méta-
cognitif ? La réflexion sur l’action est-elle un processus métacognitif ? La
réponse est très réservée, même en s’appuyant sur l’approche
vygotskienne. En effet, si Vygotski soutient que « la communication
verbale avec les adultes est un moteur, un facteur puissant du dévelop-
pement des concepts enfantins », il relativise la portée de ces interactions
pour les enfants d’âge préscolaire qui en sont au stade de la pensée par
complexes ou pseudo-concepts, les apparences étant trompeuses :
« L’enfant au stade de la pensée par complexes pense sous la significa-
tion d’un mot les mêmes objets que les adultes, ce qui permet la compré-
hension entre eux et lui, mais il pense cette même chose autrement, par
un autre procédé, à l’aide d’autres opérations intellectuelles. » Au regard
de ces propos, la verbalisation des élèves sur leur activité, les analyses
conduites au cours de la recherche par l’énoncé des critères seraient appré-
hendées comme de simples actes de communication fondés sur la mise
9. Il est intéressant de citer ici les propos de Vygotski à la fin de son ouvrage Pensée et
Langage, 1934/1985 : « Nous arrivons ainsi à la conclusion que la pensée ne coïncide pas
immédiatement avec l’expression verbale. […] Ce qui existe simultanément dans la pensée
se développe successivement dans le langage […]. C’est pourquoi le passage de la pensée
au langage est un processus extrêmement complexe de décomposition de la pensée et de
reconstitution de celle-ci dans les mots. » Ce qui implique un décalage, pas seulement
temporel, entre l’expression verbale et la pensée.
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Faut-il pour autant renoncer à engager les élèves dans cette activité
de verbalisation ? Bien évidemment non, car c’est bien parce que l’élève
est sollicité par l’adulte que le développement des concepts pourra avoir
lieu en son temps. Il faut simplement rester modeste quant à la nature
des changements observés (les réussites) et l’interprétation des interac-
tions car la possibilité de parler de ses processus de pensée nécessite que
l’enfant puisse réaliser un processus d’abstraction « des idées sur les
choses » et non un travail d’abstraction sur les choses. Or, c’est ce
deuxième travail qui est le plus à même d’être effectué en réalité avec
de jeunes élèves. Je pense que le processus de métacognition – la prise
de conscience des processus de pensée – est trop rapidement invoqué dès
lors que s’instaure un dialogue élève/adulte à propos de l’activité des
élèves. En effet, l’enfant d’âge scolaire (ce qui correspond à l’âge d’entrée
dans l’école élémentaire) « s’avère incapable encore de maîtriser les
processus de sa pensée propre et d’en prendre conscience […] son atten-
tion est toujours dirigée sur l’objet qu’il représente et non sur l’acte même
de la pensée qui l’appréhende » (Vygotski, 1934/1985).
10. Pour Vygotski, la voie de développement des concepts passe par trois stades : le
premier est basé sur des liaisons syncrétiques, le deuxième est la pensée par complexes, le
troisième concerne les pseudo-concepts : « Extérieurement c’est un concept, intérieurement
c’est un complexe. C’est pourquoi nous l’appelons pseudo-concept » souligne Vygotski, qui
ajoute : « Dans la pensée réelle et vivante de l’enfant d’âge préscolaire, les pseudo-concepts
sont la forme de pensée par complexes la plus répandue, prévalant sur toutes les autres et
souvent presque exclusive. » (1934/1985)
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La seconde critique nous est fournie par Johsua au cours d’un entre-
tien avec R. Amigues et M. Kherroubi (2003). Il critique fortement les
pratiques métacognitives qui seraient, selon lui, une impasse : « La
tendance la plus répandue consiste à penser que ce qui manque aux élèves
qui sont en difficulté pour maîtriser les concepts spécifiques d’une disci-
pline, ce sont des aspects métaconceptuels […]. J’estime qu’au lieu de
chercher la solution dans le “méta”, il faut s’attacher à trouver des solu-
tions par le bas, c’est-à-dire dans des techniques de bas niveau, que
j’appelle les techniques hypodidactiques. J’avoue que cette façon de faire
relève davantage d’une intuition que de résultats de recherche […]. Passer
par le haut, contrairement à ce qu’on pense, conduit à une impasse, et
il vaut mieux travailler une solution hypodidactique. » Il s’agit donc
surtout de ne pas négliger l’apprentissage de techniques élémentaires
spécifiques à chacune des disciplines. Demander un travail « méta » alors
que les bases ne sont pas suffisamment maîtrisées n’aide en rien les élèves
mais engendre pour eux davantage de difficultés.
Cependant, Johsua met en garde contre les perversions possibles liées
aux aides hypodidactiques qui consisteraient à maintenir trop longtemps
les élèves dans des tâches coupées les unes des autres, de rester sur un
apprentissage de techniques qui perdent leur sens car isolées de l’objet
d’apprentissage, dérives portées par la pédagogie par objectifs. C’est, par
exemple, à propos d’exercices de mathématiques : « Souligner les mots
importants. Voilà un exemple typique qui vient de la pédagogie de
15. Comme le montre l’exemple cité dans l’article de 1998 à propos de l’écriture du mot
« NOËL » : « Pour écrire le “O” de “NOËL”, il faut tracer un rond. Mais c’est un “O”. »,
p. 120.
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16. « Les travaux de Charlot, Bautier, Rochex (1992) montrent que les élèves en diffi-
culté, et ce dès le cours préparatoire, sont justement ceux qui n’ont pas élaboré un rapport
au savoir adéquat. Ils n’identifient pas les objectifs didactiques des enseignants, restent
centrés sur les aspects concrets de l’exercice, sur la réussite de la tâche et non sur ses fina-
lités. Ils privilégient le concret, les manipulations, les actions visibles et matérielles au détri-
ment des objectifs didactiques. » (Zerbato-Poudou M.-T., « Spécificités de la consigne à l’école
maternelle et définition de la tâche », Pratiques, n° 111-112, 2001, p. 117)
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passe-t-il lorsque les élèves doivent analyser leurs productions sur la base
des critères proposés par l’enseignante ? Ne sont-ils pas simplement dans
une activité de contrôle et de justification pilotée par l’adulte ? Le guidage
est externe, direct et explicite, l’attention des élèves est balisée de l’exté-
rieur ; ils répondent aux questions posées. Est-ce un processus d’autoré-
gulation ou de conformisation aux règles établies par l’enseignante ?
Dictée à l’adulte
Dans cette situation, l’enseignante va écrire elle-même le mot ou
les lettres sous la dictée des élèves (collectif). Prenons l’exemple du tracé
d’une lettre : l’enseignante décide d’écrire elle-même la lettre, non pas en
se positionnant comme modèle, mais en suivant scrupuleusement les indi-
cations des élèves. Si les consignes sont imprécises, elle n’anticipe pas sur
le tracé qu’elle connaît, mais répond strictement à la consigne, ce qui se
traduit la plupart du temps par un tracé erroné, plus ou moins volon-
taire :
– Enseignante : « Pour écrire cette lettre qui s’appelle un “E”, comment
je fais ? »
– Élèves : « Tu fais un grand trait tout droit ! »
L’enseignante trace un trait droit mais incliné alors que les élèves
l’attendent vertical (le modèle est sous les yeux). Ils réagissent vigoureu-
sement.
– Élèves : « Non, non ! tout droit, comme ça… »
Ils montrent avec leur doigt la trajectoire verticale.
– Enseignante : « Mais vous ne m’avez pas dit qu’il devait être comme
ça, vertical. Je fais ce que vous me dites moi ! (elle trace le trait vertical).
Et puis ? »
– Élèves : « Tu fais les petits traits… »
L’enseignante trace des traits en évitant de les placer au bon endroit,
n’importe où sur la feuille, puisque rien n’a été dit à ce sujet.
– Élèves : « Non ! accrochés au grand ! »
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– Enseignante : « Ah, vous avez dit “des petits traits”, et moi j’ai écouté,
j’ai fait des petits traits. Bon, alors je les accroche. »
Elle trace les petits traits accrochés au trait vertical mais en grand
nombre et positionnés au hasard (pas les trois attendus). La réaction est
toujours aussi vive.
– Élèves : « Non ! pas comme ça. Il en faut pas beaucoup ! Il en faut
comme ça… »
Ils montrent 3 avec leurs doigts.
– Élèves : « Ils sont pas mis comme ça ! c’est là et là… »
Ils désignent leur emplacement.
L’enseignante nomme les positions : en haut, en bas, au milieu…
Le jeu se poursuit jusqu’à réalisation complète et correcte de la lettre.
C’est un temps fort, ritualisé, et très productif pour les écritures ulté-
rieures de la lettre17. Dans cette situation, les interactions ne sont pas
du même type que celles qui sollicitent la verbalisation des critères. Elles
ne visent pas à questionner les procédures de chacun, ni à engager une
réflexion métacognitive. Ni à vérifier expressément l’adéquation à des
critères, forcément abstraits. Il s’agit ici d’instructions qui concernent la
nature des tracés, leur position et leur organisation spatiale, instructions
données à un autre scripteur et portant sur le résultat à atteindre et pas
nécessairement sur des procédures des actions motrices (le mouvement
de la main n’est pas signalé18). Ce faisant, les élèves sont engagés dans
un double processus de décentration : d’une part, ils n’effectuent pas
eux-mêmes les tracés ; ils sont libérés de la tâche concrète, et, d’autre
part, en désignant les actions, en décrivant verbalement les segments de
lettre, ils engagent un processus de décentration verbale qui peut sembler
identique à celui qu’ils devaient effectuer lors de la verbalisation des
critères. Or, il ne s’agit pas du tout de la même fonction. Pour
comprendre ceci, il faut se reporter à l’hypothèse centrale de Vygotski :
la loi génétique générale du développement humain : « Au cours du déve-
loppement culturel de l’enfant chaque fonction apparaît deux fois sur
17. Tous les enseignants qui utilisent ce procédé en constatent les effets positifs et rela-
tivement rapides.
18. Pour une même forme, deux mouvements ou plus parfois sont possibles. Le cercle
peut se tracer avec un geste orienté vers la gauche ou vers la droite, le résultat sera iden-
tique. Il en est de même pour tout tracé ; la trajectoire relève d’abord d’une procédure
personnelle, comme l’a montré L. Lurçat. Ces détails sur les procédures d’exécution sont à
prendre en compte à l’école, notamment lors de l’écriture cursive, qui impose des conven-
tions pour la trajectoire des lettres.
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la scène, sur deux plans ; d’abord le plan social, ensuite le plan psycho-
logique ; d’abord entre les personnes en tant que catégorie interpsy-
chique, ensuite à l’intérieur de l’enfant en tant que catégorie
intrapsychique. » (1983) Dans le cas de la verbalisation des critères, les
élèves répondent à des questions qu’ils ne se posent pas, l’adulte énonce
les critères et conduit les élèves à vérifier leur travail et à expliciter leur
procédure : le guidage et la régulation sont externes. On suppose qu’ils
seront intériorisés. Le passage de l’inter à l’intra est traité ici de cette
façon : ce qui est énoncé collectivement peut être intériorisé par chacun.
Dans le cas de la dictée à l’adulte, les élèves sont en situation de régu-
lation externe sur autrui ; ce sont eux qui proposent des actions desti-
nées à réguler celle qu’autrui devra réaliser, pour pouvoir les utiliser
eux-mêmes. Ainsi, les règles sont exercées dans le social avant d’être
reconstruites et appliquées pour soi : « En signifiant à autrui son
approche de la situation, l’enfant commence à se signifier à lui-même
la situation – et donc d’une certaine façon à se la re-présenter. »
(Brossard, 2004) Le recours à l’analyse des multiples fonctions du langage
mentionnées par Vygotski et regroupées par Wertsch (présentées par
Deleau, 198919) permet de traduire ce processus : le signe gestuel, puis
le mot-signe sont à l’origine des indicateurs pour agir, contrôler, réguler
la conduite d’autrui20 ; ils servent également à agir sur soi par intériori-
sation. Les fonctions du langage se décrivent par couples, où interagis-
sent les fonctions sociale et individuelle. On est là dans la situation décrite
par Vygotski, qui est au fondement même de sa théorie qui atteste de
l’essence sociale de la structure du psychisme : la loi développementale
du passage de l’interpsychique à l’intrapsychique, « l’action propre pour
ainsi dire, s’extériorise aux yeux de l’enfant et se réfléchit dans la réponse
d’autrui avant de s’intérioriser » (Deleau, préface de l’ouvrage de Bruner,
1983). Ainsi, considérer que le processus de l’inter à l’intra se déroule
ipso facto en situation de dialogue est insuffisant. Il faut également
prendre en compte l’activité même de communication et l’origine des
énonciations : qui parle ? Dans quel but ? Dans la dictée à l’adulte, les
élèves font l’expérience sur autrui des processus de contrôle qu’ils pour-
ront s’appliquer à eux-mêmes : le concept « en soi » et « pour autrui » se
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développe chez l’enfant avant le concept « pour soi »21. Par ailleurs, dans
cette situation, les élèves traduisent l’action concrète à un niveau symbo-
lique : le langage devient l’organisateur de l’action. À la différence de la
verbalisation des critères, les élèves ne sont pas dans une situation de
justification, ils n’appliquent pas des directives, mais organisent l’action
de l’enseignante, comme si le mot était le prolongement de la main. Ce
faisant, la fonction indicative du langage leur permet d’établir un
rapport nouveau avec les mots qui, non seulement décrivent les actions
mais introduisent également des rapports entre eux : les mots devien-
nent à eux-mêmes leur propre contexte. Le choix des mots acquiert ici
de l’importance car il faut s’intéresser alors à l’énoncé dans sa forme et
son contenu propres. Si, comme le dit Vygotski, la prise de conscience
est solidaire des nouvelles connaissances, on peut penser que la nouvelle
connaissance est, dans ce cas, l’expérience d’une nouvelle fonction du
langage : la valeur des mots ou signes est source de réorganisation
psychique. L’élève regarde ses connaissances anciennes du point de vue
de cette connaissance nouvelle : la fonction du langage. « Si une mise à
distance s’effectue entre l’enfant et la situation, une distance s’instaure
également entre l’enfant et lui-même. » (Brossard, 2004) Ainsi, on n’est
plus dans une perspective métacognitive qui s’exercerait sur sa propre
pensée mais sur la prise de conscience de l’usage des signes. La conscience
porte sur les mots pour faire, d’où l’importance donnée à l’hypo plutôt
qu’au méta, pour reprendre les termes de Johsua.
Conclusion
À travers les différentes situations présentées, j’ai tenté de montrer
que le simple jeu de questions/réponses, que ce soit sur l’action ou sur
les procédures, ne suffit pas, à lui seul, à engager le processus de prise
de conscience, surtout avec de jeunes enfants, si on se réfère aux analyses
de Piaget et de Vygotski. En outre, la prise de conscience n’est pas un
processus inédit qui s’élabore en dehors de la nature de l’objet d’appren-
tissage lui-même ni en dehors des connaissances préalables.
21. « Le concept “en soi” et “pour autrui” qui est déjà présent dans le pseudo-concept
est la prémisse génétique fondamentale pour que se développe un concept au sens véri-
table du mot. » Pour Vygotski, les pseudo-concepts coïncident avec les concepts adultes
parce qu’ils permettent la communication, mais ils n’ont pas la même signification ; leur
nature psychique est tout autre.
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quelque sorte un réseau interne de processus qui bien qu’ils soient suscités
et mis en mouvement au cours de l’apprentissage scolaire, ont leur logique
propre de développement. » (Vygotski, 1934/1985) Quelles attentes raison-
nables peut-on avoir envers les élèves de maternelle ? Je citerai encore
Vygotski dans cet extrait d’un texte récemment publié : « L’enfant de cet
âge passe à un tout nouveau type d’activité. Je suis forcé de caractériser
ce type nouveau d’activité comme le passage à une activité créatrice, si
l’on considère que dans tous les aspects de l’activité d’un enfant d’âge
préscolaire des rapports tout à fait originaux apparaissent entre la pensée
et l’action, en particulier la possibilité de réaliser concrètement un projet,
la possibilité d’aller de la pensée à la situation, et non pas de la situa-
tion à la pensée. »22
Pour finir, je ferai une critique de l’école qui a trop souvent tendance
à se saisir de concepts élaborés en situations de recherche souvent épurées
des nombreuses variables que l’on rencontre en classe, ce qui conduit à
normaliser ces concepts, à les détourner et même les pervertir. Il en est
ainsi de la métacognition, comme du conflit socio-cognitif, de la zone de
proche développement et d’autres dispositifs qui, livrés « clés en main »,
se dissolvent dans des pratiques aseptisées. Phénomène que Y. Clot (2003)
désigne comme « la chosification de l’œuvre de Vygotski dans une psycho-
logie orthopédique qui lui tourne le dos ». Selon Bruner, dit-il, « la critique
commence à poindre contre une “zone prochaine de développement”
tellement amorphe qu’elle n’est plus qu’une implantation chez l’enfant
d’une conscience déléguée ».
C’est en rendant lisibles et manipulables des manières de faire que les
élèves s’approprient des outils pour nourrir leur développement.
Bibliographie
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2000.
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Beaudichon J., Rousseau J., « Rôle du langage dans une situation de résolution
de problèmes », Bulletin de psychologie, XXIV, 1970, pp. 1038-1047.
Brossard M., Vygotski L., Lectures et perspectives de recherches en éducation,
Villeneuve d’Ascq, PU du Septentrion, 2004.
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Métacognition, remédiation
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