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Ostiane Mathon

Réussir
sa première classe
© ESF éditeur, 2012
Division de Reed Business Information - SAS au capital de 4 099 168 
Forum 52 - 52, rue Camille-Desmoulins, 92448 Issy-les-Moulineaux Cedex
Président : Antoine Duarte - Directeur de publication : Antoine Duarte
www.esf-editeur.fr

ISBN : 978-2-7101-2970-7
ISSN : 1158-4580

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et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes
citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction inté-
grale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou ses ayants droit, ou ayants cause,
est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce
soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du
Code de la propriété intellectuelle.
Sommaire
Avant-propos, Philippe Meirieu 5

Avant le grand jour…


Démarrez du bon pied 7

1. Le jour J
Une étape, pas une fin 13
Jour J, heure H 13
Le temps de l’accueil 16
Faire comprendre aux élèves le sens de l’école 21
Le contrat de vie collective 26

2. S’organiser et planifier
Une nécessité absolue 29
Délimiter sphère professionnelle et sphère privée 29
Programmer sans se figer dans le programme 32
Penser l’espace et le temps de la classe 40
Concevoir et mettre en place des situations d’apprentissage 57
Les mots clés de l’apprentissage 65
Deux idées pratiques pour aider les élèves à coopérer et à s’organiser 68

3. Observer pour mieux enseigner


Face à la complexité d’enseigner 71
Se connaître soi-même 72
Connaître ses élèves 75
Comprendre la complexité d’enseigner 80
Comment faire face à cette complexité 88

4. L’adaptation, un moyen au service de l’apprentissage


Un principe clé 93
Diversifier les approches pédagogiques 93
Les consignes, base de la relation pédagogique 96
Moduler les rythmes 102
Personnaliser, individualiser et personnifier l’enseignement 108

3
5. Faire équipe, une compétence essentielle
Avec les élèves, les parents, l’établissement, les réseaux 115
Fédérer le groupe-classe 115
Travailler avec les parents 124
Collaborer en équipe d’école 141
Se joindre aux réseaux sociaux 146

6. Faire la classe au quotidien


Aider les élèves à apprendre 153
Différencier enseigner et apprendre 153
Comment évaluer ? 169
Oser des détours pédagogiques 179
La question des devoirs à la maison 190

7. La discipline en classe
Vers une autorité éducative 197
Reconnaître les besoins des élèves 198
Poser un cadre sécurisant 206
Instituer la notion de contrat 215
Exiger avec bienveillance 223
Quatre clés pour une autorité éducative réussie 225

8. Le métier d’enseignant
Représentations, tensions et enjeux 227
Un métier soumis aux représentations 227
Un métier en perpétuelle évolution 229
Faut-il ou non se syndiquer ? 231

Pour conclure : un bouquet de paroles solidaires 235

Bibliographie - Webographie
Bibliographie utile 239
Webographie utile 240

Index des notions 245

Index des auteurs cités 249

Qu’est-ce que « Le Café pédagogique » ? 251

4
Avant-propos

O n raconte qu’un jour, le grand acteur Louis Jouvet,


à la sortie d’un de ses cours de théâtre, fut abordé
par une étudiante qui lui avoua : « C’est merveilleux,
Maître… Vous savez, quand je suis en scène, je n’ai absolument
pas le trac. » Et le Maître lui répondit, impassible : « Ne vous
inquiétez pas… Avec le talent, ça viendra ! »
La leçon ne concerne pas que les arts de la scène ! Et tout
enseignant chevronné pourrait la reprendre à son compte.
Entrer dans une classe, faire face à une vingtaine ou une tren-
taine d’élèves plusieurs heures par jour, s’imposer un devoir
de transmission, d’appropriation, d’émancipation, sans jamais
se résigner à l’échec d’un élève, gérer, au quotidien, un groupe
toujours plus ou moins imprévisible, faire face, à la sortie, aux
demandes de justification des parents, rendre régulièrement des
comptes à son inspecteur… Voilà qui justifie, pour le moins,
d’être inquiet ! Sigmund Freud a même parlé, à propos de l’édu-
cation, d’un « métier impossible », l’assimilant aux deux autres
métiers impossibles selon lui, la psychanalyse et la politique.
Et il est vrai qu’éduquer est une gageure : c’est permettre à un
« petit d’homme » de devenir un « petit homme », en sachant
que lui seul peut apprendre et grandir, mais qu’il ne peut pas le
faire sans l’aide des adultes.
Le grand mérite du livre d’Ostiane Mathon est de ne pas
occulter la difficulté de l’entreprise, mais d’en faire, en quelque
sorte, une chance pour débuter dans l’enseignement ! Elle ne
croit pas à l’existence de recettes magiques qui permettraient
de garantir la « tenue de classe » au moindre coût. Mais elle
n’abandonne pas pour autant le jeune enseignant à l’improvisa-
tion en misant sur son seul charisme, pas plus qu’elle ne le réduit

5
Avant-propos

à une « machine à enseigner » chargé de mettre en application,


de manière mécanique, des protocoles didactiques… C’est
qu’Ostiane Mathon connaît la pédagogie de l’intérieur, d’abord
comme praticienne, ayant acquis dans son domaine, une
remarquable expertise, ensuite comme chercheuse, ayant assi-
milé les principaux apports de la tradition et de la recherche
pédagogique.
C’est pourquoi son livre comporte les trois caractéristiques
essentielles qui permettent de « réussir sa première classe »…
et toutes les autres. D’abord, une attention extrême à ce que
Célestin Freinet a mis en lumière avec tant d’autres, le « maté-
rialisme pédagogique ». Beaucoup de choses, dans l’enseigne-
ment, se jouent dans la préparation technique de la salle, dans
la préparation des matériaux et des outils, dans l’affichage des
consignes, dans la mise en place de rituels. Il faut « instituer
l’École » dans la classe avant même que les élèves y entrent…
Ensuite, ce livre explique remarquablement que, tout en
ayant tout préparé, il faut savoir accueillir ce qui vient, saisir
les indices et les informations qui permettent de réguler au
fur et à mesure le travail : « programmer sans figer », précise
Ostiane Mathon… Enfin, on trouve dans cet ouvrage, en une
trame structurante, le principe même de l’attitude pédagogique
qui permet de « réussir toute classe » : associer étroitement, à
l’égard de chaque élève, la bienveillance et l’exigence, prendre
chacune et chacun « là où il en est », non pas pour le laisser
là où il est… mais pour l’accompagner le plus loin possible.
« Il faut toujours se mettre à la portée des élèves, expliquait
la grande pédagogue Maria Montessori. Mais jamais à leur
niveau. » Je suis convaincu qu’elle aurait beaucoup aimé le
livre que vous allez lire.

Philippe Meirieu
Professeur à l’université
Lumière-Lyon 2

6
Avant le grand jour…

«M adame, Monsieur,
nous avons l’honneur
de vous faire part de votre
Démarrez du
bon pied !
prochaine affectation au titre de professeur
au sein de l’établissement… en charge d’une classe de… »
Le facteur vient de passer, voilà qui est signifié et signé,
cette lettre d’affectation en témoigne, vous êtes dorénavant
enrôlé dans les effectifs officiels de la grande maison
Éducation nationale. Certains en sortent, d’autres
la quittent, vous y entrez ! Bravo !

☛☛Le début du commencement


« On n’apprend pas à commencer, pour commencer, il faut
simplement… du courage. »
Vladimir Jankélévitch

Ce courage, chaque enseignant y fait face, non seulement lors


de sa première classe mais également à chaque rentrée scolaire.
✗✗ Vais-je y arriver ?
✗✗ Suis-je suffisamment prêt ?
✗✗ Comment appréhender ce niveau de classe ?
✗✗ Vais-je réussir à tenir mes élèves ?
Ces interrogations, tout comme le doute qu’elles traduisent,
sont légitimes. Elles expriment à la fois la peur de l’inconnu et
posent la question de la légitimité professionnelle. Lorsqu’on
débute, on fait la dérangeante expérience du sentiment d’in-
compétence consciente. Paradoxalement, c’est plutôt une bonne

7
Avant le grand jour…

nouvelle ; cela signifie que vous avez dépassé le premier niveau,


celui de l’incompétence inconsciente (voir page 60) ! Vous
savez donc qu’il va vous falloir apprendre encore. Quoi de plus
normal en fin de compte pour un enseignant ? En effet, quel
serait cet enseignant, même « chevronné », qui ne continuerait
pas d’apprendre, sous prétexte qu’il aurait acquis un degré cer-
tain de maîtrise ? Et si tant est qu’il existât, serait-il vraiment
digne et toujours apte à enseigner ?
Il va donc vous falloir apprendre encore. De manière à apai-
ser l’appréhension des premiers pas, il convient peut-être de
recadrer les termes du questionnement de départ en passant du
je au nous, c’est-à-dire en se positionnant davantage comme l’un
des éléments d’un tout capable d’agir à la fois sur ce tout et sur
chacun de ses éléments.
1. Vous n’êtes plus seul, vous faites désormais partie d’une
équipe d’établissement. L’enseignant n’est pas un poor lone-
some cowboy enfermé dans la boîte noire de sa classe. En pas-
sant d’une vision solitaire à une pratique solidaire du métier,
on se sent bien plus fort ; plus encore, on est bien plus fort.
2. Vous n’êtes pas l’unique « responsable » de vos pro-
chaines réussites ou de vos futures difficultés auprès des
élèves. La communauté éducative tout entière en partage la
responsabilité. Les collègues, les familles, les élèves, le per-
sonnel d’éducation au sens large, tous y participent, chacun
à sa juste place. Cette notion de partenariat éducatif et de
co-responsabilité éducative permet de s’inscrire dans une
démarche moins autocentrée, moins culpabilisante, moins
angoissante aussi.
3. Vous débutez ? Et si c’était un atout ? Débuter, c’est regar-
der les choses d’un œil neuf, c’est une chance formidable pour
les élèves qui vous auront et une occasion inespérée pour
les « anciens » de ré-oxygéner leur système de pensée et

8
Avant le grand jour…

leurs pratiques routinières au sein d’une équipe recomposée


et pensée comme une organisation apprenante.
4. Vous entamez un parcours au long cours, soyez aussi
bienveillant avec vous-même qu’exigeant. Le tâtonnement,
le questionnement, le droit à l’erreur font partie exclusive
de votre quête d’identité professionnelle.
5. Vous doutez ? C’est plutôt bon signe. Enseigner, c’est établir
avec le doute une relation de confiance réciproque. Le doute,
lorsqu’il est apprivoisé, est un puissant facteur d’apprentissage.

☛☛Quelques conseils d’ordre méthodologique


Une fois votre lettre en main, n’hésitez pas à vous renseigner
sur l’établissement au sein duquel vous venez d’être affecté.
Une petite recherche rapide sur Internet devrait vous per-
mettre de glaner de précieuses informations : une adresse, une
géo-localisation, quelques photographies, voire davantage si
l’établissement possède un site en ligne régulièrement mis à
jour. Le cas échéant, surfez sur les onglets du site de manière à
récolter le maximum de détails. Cette étape préalable vous per-
mettra d’amorcer une première approche de la réalité qui vous
attend, d’effectuer votre premier « déplacement » professionnel
en vous projetant mentalement dans un espace, un lieu que vous
allez progressivement habiter.
Dans un deuxième temps, si la distance qui vous sépare de votre
prochain lieu de travail vous le permet, n’hésitez pas à vous
rendre physiquement sur place et à vous promener incognito
dans le quartier, faites le tour des rues avoisinantes, vous y puise-
rez des repères géographiques et sociologiques très révélateurs
de votre nouveau cadre de vie professionnelle. Vos futurs élèves
sont issus de ce quartier, de ce village, ils y vivent avec leur famille.
On l’oublie un peu trop vite, la vie d’un élève ne s’arrête pas aux

9
Avant le grand jour…

frontières de l’école, tout comme les lieux de savoirs ne se limitent


pas au cadre scolaire. Prendre le temps de vous saisir du contexte
environnant est une première façon d’apprendre à connaître
vos élèves et, d’une certaine manière, de vous placer dans ce que
Lev Vygotsky appelle la zone proximale de développement.
Enfin, assez rapidement, prenez rendez-vous avec le chef
d’établissement et, s’il vous y invite, n’hésitez pas à visiter les
locaux et à rencontrer l’équipe. S’il ne le fait pas, dites-le-lui avec
habileté en lui suggérant votre disponibilité. Ce pas supplémen-
taire dans le vif du sujet vous permettra, le jour J, d’arriver avec
moins d’appréhension ; en prenant appui sur un déjà-vu, vous
évacuez ainsi un certain nombre de zones d’ombre, vous aurez
identifié des visages, aurez pris autorité sur l’espace et aurez
en tête quelques repères visuels et topographiques, autant de
précieux alliés qui fluidifieront et faciliteront vos premiers pas.
Une dernière recommandation pratique : il vous serait très
utile, lors de ce premier contact avec l’école, de vous confection-
ner un dossier contenant le maximum d’informations officielles.

Dossier de mon école


• Projet d’école • Organisation et répartition
• Historique de l’établissement des classes
• Charte éducative • Rôle et présence des asso-
ciations de parents d’élèves
• Horaires et plannings
• Existence de professeurs
• Aménagement et répartition
« tuteurs » ou de référents
des programmes au sein des
pédagogiques
cycles
• Liste des collègues avec
• Dispositifs éducatifs
contacts mails ou
particuliers
téléphoniques
• Organigramme complet
• etc.
• Plan de l’établissement

10
Avant le grand jour…

Les premiers temps, vous allez absorber un grand nombre


d’informations, c’est une phase intense d’assimilation de
connaissances formelles et informelles qui mobilise beaucoup
d’énergie à elle seule. Il n’est pas question de tout connaître et
retenir dès le premier jour. C’est pourquoi la constitution de ce
dossier personnel vous sera d’une grande aide. Vous pourrez y
archiver, au fur et à mesure, les documents-ressources auxquels
vous pourrez avoir recours en cas de besoin.

Attention !
Chaque personne possède son fonctionnement propre, ses
manies, ses préférences, ses références. Cela est normal et
éminemment respectable.

Les outils proposés dans cet ouvrage ne doivent en aucun cas


enfermer, modéliser, cadrer. Ce serait contraire à sa mission pre-
mière d’accompagnement à la réflexion formative, bien différente
de la notion de formatage.

Si vous ne vous retrouvez pas dans telle fiche ou telle proposition,


ne vous imposez pas de supplice inutile, vain et contreproductif.
Il existe suffisamment d’injonctions par ailleurs pour que vous ne
vous en prescriviez vous-même de supplémentaires.

Si, en revanche, vous sentez qu’un conseil, une remarque ou une


vigilance résonne en vous et fait écho, fiez-vous à votre intuition,
c’est le signe que vous saurez en tirer le meilleur parti. Vous mieux
que personne savez ce dont vous avez besoin.

Si, après lecture, réflexion et confrontation au réel, vous reprenez


tout ou partie d’une proposition, vous la remaniez selon vos codes
d’écriture, vos schèmes d’action et votre créativité, alors c’est que
l’écriture et la lecture de cet ouvrage n’auront pas été inutiles.

11
1. Le jour J

V ous en avez rêvé, vous en


avez même parfois fait
des cauchemars et des nuits
Une étape, pas un
e fin
blanches, et puis un matin, ça y est…

Jour J, heure H
Ça y est, la cloche a sonné, c’est le moment du premier grand
rendez-vous. Vous étiez déjà peut-être en possession de la
liste de classe ? Vous en aviez lu et relu les dizaines de noms,
épelé chacun d’entre eux, tenté même d’y associer une image,
un portrait imaginaire ? Les représentations mentales que l’on
se forge, inconsciemment ou non, sont utiles ; elles servent de
bouclier interne et de balises intérieures, elles nous rassurent et
représentent un point d’ancrage important. Néanmoins, si on ne
les dépasse pas, elles risquent également de nous figer dans une
vision erronée de la réalité. Cette réalité, vous allez aujourd’hui
l’embrasser à bras-le-corps. Chaque prénom va s’incarner et
prendre le visage et la voix d’un enfant, d’un élève. Voilà qui est
plutôt rassurant, vous n’enseignez pas à une liste alphabétique,
vous n’êtes pas à la tête d’un formulaire bien ordonné ; derrière
chaque prénom se cache un profil particulier, une histoire de vie
personnelle, un désir d’apprendre, ou bien une peur.
De la même manière, ces enfants vont découvrir que vous
n’êtes pas juste Madame X ou Monsieur Y, maîtresse, pro-
fesseur, remplaçant ou titulaire. Vous êtes une personne à
part entière avec tout ce que cela comporte de mystérieux, de

13
1. Le jour J

palpable, d’intouchable aussi. La première rencontre, elle se


situe là, dans la découverte de l’autre. C’est un instant qui peut
certes donner le vertige, c’est également l’occasion d’éprouver
vos premières émotions pédagogiques. En passant de la théorie
à la pratique, vous franchissez un seuil capital, vous entrez dans
le champ de l’humain.

☛☛Un seuil inaugural


Non seulement vous allez à la rencontre des vint-cinq ou
trente « inscrits » sur votre registre d’appel, mais vous partez
également à la redécouverte de vous-même. De la même manière
que vous allez participer au façonnage de vos élèves, ces élèves
vont participer à votre propre façonnage professionnel. La
relation pédagogique n’est pas une relation à sens unique, elle
fonctionne à double sens. La première posture professionnelle
éthique et responsable est peut-être de se saisir de ce postulat
de départ : ce métier est, avant toute chose, un métier de rela-
tions et ce premier jour est l’occasion pour chacun d’entrer et
de s’ouvrir à cette relation en sachant qu’en cette matière, rien
n’est joué d’avance, rien n’est figé à jamais, rien n’est certain,
rien n’est totalement ni prévisible ni contrôlable et ce, qu’on
soit enseignant débutant ou qu’on soit enseignant expérimenté.

Être averti de cela est de bon augure : la première journée


n’est pas une fin en soi, c’est le début de quelque chose qui se
construira jour après jour, avec le temps. Se donner ce temps,
à soi-même comme à ses élèves, l’exprimer clairement dès le
départ comme un besoin fondamental d’inscription dans une
temporalité féconde et durable, pourrait bien être le premier
cadeau commun de bienvenue, offert à la classe et à vous-même
comme une promesse réciproque de présence à l’autre, bienveil-
lante et accompagnante.

14
1. Le jour J

☛☛« Maintenant qu’on est en classe,


je fais quoi de ce temps ? »
Les premières heures, les premières journées, la première
semaine, tout passe à toute allure ; la gestion du matériel, l’orga-
nisation et l’appropriation de l’espace, la découverte des nouveaux
outils, l’étiquetage des livres, le rangement des casiers, le rem-
plissage des multiples formulaires administratifs, la présentation
des cahiers, la mise en place des premières règles de vie. Tout cela
prend du temps, beaucoup de temps, et c’est un temps nécessaire.
Les aspects matériels, concrets, pratiques et logistiques sont
incontournables pour une bonne mise en route. Ils servent de
premières balises. Ce sont également des gestes qui nécessitent
pour beaucoup d’élèves un véritable apprentissage. Tout comme
vous, vos élèves vont absorber durant ces premiers temps un
grand nombre d’informations nouvelles. Il faut donc prendre ce
temps sans se sentir coupable de ne pas entrer immédiatement
dans le programme Dites-vous que si vous n’êtes pas dans le
programme, vous êtes bien néanmoins dans l’apprentissage.
Là est l’essentiel, n’est-ce pas ?
Pour autant, comme le dit le proverbe, trop d’informations
tuent l’information, il vous faudra donc ponctuer la fébrilité et
l’agitation des premières heures en y installant des espaces de
respiration, des pauses, des silences, des moments de calme et
de lâcher-prise. Une journée de classe n’est pas un marathon,
loin de là. S’il fallait trouver une image, elle s’apparenterait
davantage à une symphonie dont vous orchestrez les rythmes,
les tempos, les alternances entre piano, moderato et allegro, les
mélodies, les accords, les liaisons entre les différentes partitions,
le tout en prenant soin de ne perdre en route aucun des instru-
mentistes ! Oui, c’est ici un point sur lequel il semble important
d’insister, il convient de rester très vigilant dès le jour de la ren-
trée à n’oublier personne sur le bord du chemin, à commencer

15
1. Le jour J

par les nouveaux ! Votre premier geste éducatif consistera donc


à prendre le temps de l’accueil.

Le temps de l’accueil
Qu’on soit en maternelle, en élémentaire et même plus en
amont dans le cursus scolaire, le temps de l’accueil est un temps
précieux, tout à la fois pédagogique, stratégique et éducatif.
Il constitue une phase essentielle dans le dispositif d’apprentis-
sage et donc d’enseignement.
La pratique la plus courante qui illustre cette notion d’accueil
reste le traditionnel appel. S’il demeure nécessaire et obliga-
toire, est-il pour autant suffisant ? Au risque de paraître auto-
ritaire, la réponse est non, et pour justifier l’aspect catégorique
et sans appel de cette réponse, attardons-nous sur la mise en
lumière des principaux enjeux qui sous-tendent ce moment bien
particulier de l’accueil.

☛☛L’accueil : un moment clé


Pour apprendre, il faut avant toute chose se sentir reconnu
en tant que personne unique, tout en se sentant appartenir à un
collectif unique. Le temps de l’accueil doit incarner et symbo-
liser la prise en charge de chacun, la reconnaissance de tous et
participer ainsi à la constitution d’une identité collective forte,
rassurante et engageante. Pensé et vécu comme tel, l’accueil
favorise l’investiture de chacun des membres du groupe qui se
sent alors partie prenante, intégré et associé dans l’histoire par-
ticulière qui va se jouer là, en classe, aujourd’hui, demain et tout
au long de l’année à construire. L’accueil joue le rôle de ciment
vivant, celui qui scelle la pierre du vivre ensemble à celle de
l’apprendre ensemble.

16
1. Le jour J

L’accueil est ce moment privilégié de vie de classe qui permet


de passer de l’idée de groupe-classe à l’émergence d’un concept
bien plus fondateur, celui de classe-équipe. Une classe n’est pas
une simple juxtaposition de profils, c’est tout à la fois un lieu
de vie et d’apprentissage, un système complexe, dynamique et
vivant, constitué de personnes uniques mais interdépendantes
qui s’organisent pour parvenir à l’élaboration d’un projet com-
mun. L’accueil doit être l’occasion de vivre et faire vivre le sen-
timent de compétence sociale par le jeu de l’interdépendance de
ces altérités singulières que sont les élèves.
L’accueil, c’est ce temps qui investit et enrôle l’élève, cet
instant clé qui l’élève du statut de « présent » au statut d’acteur.
Ce geste inaugural fait de l’enseignant un être d’autorité par le
seul fait qu’il autorise l’autre à être, à devenir et à grandir. Voilà
pourquoi le seul appel ne suffit pas

☛☛Quelques rituels d’accueil


Il existe une infinité de pratiques autour de la notion d’ac-
cueil. Chacune d’entre elles correspond à un besoin et un objec-
tif particulier. Il conviendra, en fonction des vôtres et de ceux
de vos élèves, de les adapter, les affiner, les traduire, les décliner
de manière à vous les approprier au fil du temps. Voici pour
démarrer du bon pied trois scénarios possibles.

Théâtre au cycle 1 : Dure dure,


la vie des doudous
Matériel : un drap tendu entre deux axes verticaux, un tapis de sol
pour les enfants, quelques marionnettes « doudou ».
Objectif : permettre aux jeunes enfants, par le biais du jeu symbo-
lique mettant en scène des scénettes de vie enfantine, de dépasser
certains obstacles psychoaffectifs, d’appréhender et d’apprivoiser
leur nouvel espace de vie et d’apprentissage.

17
1. Le jour J

Ancrage théorique : psychanalyse et apprentissage.


Déroulement : au travers de petites histoire courtes (8/10 minutes)
inventées par vos soins, mettre en scène différentes situations
quotidiennes vécues par les doudous.
• Doudou n’a pas bien dormi
• Doudou a fait un cauchemar
• Doudou ne veut pas aller à l’école
• Doudou n’aime pas l’odeur du cartable
• Doudou a peur de la récré
• Doudou n’aime pas les épinards de la cantine
• Doudou ne sait pas dessiner, etc.
Prolongements pédagogiques : dans un coin de la classe, laissez
les marionnettes à disposition de manière à ce que les enfants
puissent y jouer en toute autonomie. Au fur et à mesure de l’année,
on peut imaginer confectionner avec eux de nouvelles marionnettes
« doudou », les faire participer à la création des scénarios, fabriquer
un album-recueil de présentation, préparer un spectacle pour les
parents, etc.

La météo personnelle au cycle 2


Matériel : une réglette en carton pourvue d’un curseur mobile,
graduée de 1 à 5 et illustrée par des émoticônes allant du smiley
très très grimaçant au smiley très très souriant.
Objectif : permettre aux enfants de prendre conscience de leur état
intérieur pour être en mesure soit d’y prendre appui, soit d’identifier
un obstacle à dépasser.
Ancrages théoriques : neurosciences, émotion et cognition.
Déroulement : après avoir confectionné leur réglette individuelle
(voir ci-après), demandez aux enfants de positionner leur curseur sur
le degré qu’ils jugent correspondre à leur état intérieur. Le traditionnel
« Bonjour, comment-vas-tu ? » est ici revisité et exploré de manière
plus authentique. On évitera dans un premier temps de solliciter
les enfants en grand groupe pour exprimer leur météo personnelle.
On les invitera plutôt, s’ils le souhaitent et avec possibilité d’utiliser
un joker, à se mettre en binôme ou en petit groupe de 3 ou 4,
pour leur donner l’occasion d’échanger sur leur positionnement.

18
1. Le jour J

Au cours de la journée, leur laisser la possibilité de déplacer leur


curseur, s’ils sentent qu’ils ont bougé intérieurement. Ces nouveaux
déplacements libres ne donneront pas forcément lieu à de nouveaux
échanges mais ils vous fourniront de précieux renseignements…
N’oubliez pas vous-même de vous associer à l’exercice !

Prolongements pédagogiques : on pourra, par la suite,


confectionner deux nouvelles réglettes, ce qui en fera trois au total,
de couleurs différentes. Une sera réservée à la météo physique,
la seconde à la météo intellectuelle, la troisième à la météo affective.
En complément, il faudra penser à associer une banque de voca-
bulaire évolutive permettant une plus fine expression des ressentis.

L’enrôlement hebdomadaire au cycle 3


Matériel : un tableau à double entrée : axe vertical les prénoms ;
axe horizontal les semaines par grande période (semaine 1, 2, 3…),
et un lot d’étiquettes vierges à scratch où seront inscrits les différents
rôles jugés par les élèves indispensables au bon fonctionnement
de la classe-équipe.
Objectif : permettre aux élèves de réfléchir à ce qui fait la consti-
tution et l’efficacité d’une équipe et à la manière dont ils peuvent
s’y associer en fonction de leurs compétences et de celles qu’ils
doivent développer.
Ancrages théoriques : pédagogie institutionnelle, intelligences
multiples.
Déroulement : les enfants sont généralement habitués à être
responsabilisés au travers de différentes tâches quotidiennes, telles
que responsable du tableau, du ménage, de la bibliothèque, de la
gestion du temps, de l’agenda de la classe, etc. Il s’agit à ce stade
d’aller un cran plus loin en identifiant de nouvelles habiletés sociales,

19
1. Le jour J

langagières, comportementales, etc., nécessaires au bon


fonctionnement des activités de groupe proposées en classe.
Par exemple : le médiateur, le chercheur, le contradicteur, l’artiste,
le secrétaire, le journaliste, l’humoriste, l’observateur, etc. Ces rôles
seront régulièrement mis à jour, déclinés et discutés avec l’ensemble
de la classe pour valider leur fonction et leur utilité.
Prolongements pédagogiques : il sera très intéressant de pour-
suivre ce rituel d’enrôlement par un travail sur la mise en évidence
des compétences sociales et civiques requises pour une bonne
maîtrise des différents rôles. Pour cela, on pourra développer en
parallèle des espaces citoyens de parole où les enfants exprimeront
le pourquoi du comment de la réussite ou de l’échec de leur parti-
cipation. Ces mini-conseils d’enfants permettent de mettre en place
un dispositif d’apprentissage dynamique, coopératif et réflexif.

☛☛Du bon usage des rituels


et de leurs limites
À quoi servent les rituels ? Les rituels servent à mieux
structurer, à mieux communiquer et à mieux travailler.
À qui servent les rituels ? Les rituels servent à l’enseignant.
Ils correspondent à des objectifs pédagogiques qui, eux, per-
mettent d’enseigner à apprendre :
– réguler le déroulement horaire de la journée de classe ;
– viser des apprentissages fonctionnels ;
– donner du sens aux apprentissages ;
– constituer la communauté de sa classe.
Les rituels servent également à l’enfant. Ils répondent à des
besoins d’apprentissage :
– prendre confiance et se rassurer ;
– prendre des repères dans l’espace, dans le temps ;
– vivre et comprendre son appartenance au groupe-classe ;
– apprendre à devenir un être social ;

20
1. Le jour J

– apprendre à communiquer ;
– apprendre à devenir autonome.
Ces conditions réunies permettent à l’enfant d’apprendre à
apprendre.

TROIS RÈGLES D’OR

Un rituel doit correspondre à un besoin de l’adulte en lien avec un


besoin de l’enfant.
➥☛ Règle n° 1 : double intentionnalité
Un rituel doit s’inscrire dans la durée.
➥☛ Règle n° 2 : appropriation = efficacité
Un rituel doit évoluer au cours de l’année.
➥☛ Règle n° 3 : évolution = je grandis

Faire comprendre aux élèves


le sens de l’école
Soulever d’entrée de jeu avec les élèves la question du sens
de l’école pourra paraître curieux aux yeux de l’enseignant. En
effet, s’agissant du métier qu’il a choisi, il connaît, pour ce qui le
concerne, les raisons de sa présence. Il en comprend les finalités
tant pour ses élèves que pour lui-même. Pour autant, le sens
qu’il donne à sa présence ne suffit pas à le rendre transposable
chez ses élèves, car, contrairement à lui, ils n’ont pas choisi de
devenir élève. Venir ou ne pas venir à l’école est une question
qui ne se pose pas à l’enfant. On va à l’école, un point c’est tout.
Ce contexte d’obligation ne doit pas pour autant éluder la
question du sens. L’aborder en classe, dès le début d’année,

21
1. Le jour J

constitue véritablement une phase clé, qu’il sera nécessaire de


réactiver chaque jour tant elle répond à un besoin capital pour
tout individu qui se déplace. Ainsi, pour vos élèves qui ont dû se
lever de bonne heure, il demeure essentiel de savoir où ils vont,
vers quoi ils se dirigent, comment ils vont y parvenir, par quel
chemin, dans quel but et avec quelle finalité.
Lorsque l’on pose oralement la question « Pour/quoi êtes-
vous là ? » aux élèves, on obtient, outre le silence interloqué de
certains, deux grands types de réponses. Certains élèves répon-
dront à la question « dans quels buts ? ». Ils auront entendu un
« pour quoi » en deux mots, alors que d’autres, répondant au
« pourquoi » en un mot justifieront les raisons pour lesquelles
ils viennent.

Pour/quoi viens-tu en classe ?


Je viens :
– pour être plus intelligent ;
– pour connaître des choses ;
– pour avoir un métier plus tard.
Bref, je viens pour apprendre.

Je viens :
– parce que c’est la fin des vacances ;
– parce que c’est comme ça ;
– parce qu’on n’a pas le choix.
Bref, je viens parce que c’est obligatoire.

Si la première catégorie de réponses comprend une part de


réalité, elle est également la plus convenue et la plus télécom-
mandée car la plus attendue par la majorité des adultes. Or ces
adultes sont censés représenter le savoir et la connaissance sans
pourtant forcément savoir très bien ce qu’apprendre signifie et

22
1. Le jour J

quelle différence existe entre connaître et apprendre. Ce point


sera développé tout au long de l’ouvrage.

☛☛Venir en classe pour apprendre


En réalité, la si jolie réponse « On vient pour apprendre »
répond à une deuxième question intérieure et silencieuse que les
élèves ont, bien malheureusement, très vite appris à se poser :
« Qu’est-ce que je dois répondre à mon maître, à ma maîtresse
pour que ce soit une “bonne” réponse pour lui, pour elle ? »
Cette stratégie de détournement qui témoigne d’une fine
intelligence intuitive et relationnelle de la part de l’élève pose
néanmoins un réel problème, celui de la signification que l’élève
attribue à sa présence. De cette signification dépendra la moti-
vation, l’engagement, le désir de dépasser les obstacles, la capa-
cité de tester des solutions, l’autonomie et, en fin de compte, le
savoir-apprendre.

☛☛Venir en classe parce que c’est obligatoire


Le deuxième type de réponse, plus impertinent mais aussi
plus authentique, témoigne d’une certaine liberté et d’une réelle
lucidité. Oui, la grande majorité de nos élèves vient à l’école car
l’école est le lieu par excellence incarnant l’obligation d’instruc-
tion. Eh oui, c’est comme ça, à moins d’avoir des parents qui ont
fait le choix du home schooling, pour l’immense majorité des
enfants, la question du choix ne se pose pas, ils viennent parce
que c’est obligatoire, ni plus ni moins ; c’est déjà une bonne
chose d’en avoir conscience et de pouvoir l’exprimer.
Effectivement, lorsque l’on a conscience d’un état ou d’un fait
ainsi que des obstacles qu’il peut générer, on peut alors cher-
cher à mettre en place un dispositif mental et méthodologique
facilitant le changement de positionnement.

23
1. Le jour J

☛☛Les bonnes questions à se poser


Une double réflexion vous engage alors, à laquelle il faut asso-
cier intimement, quotidiennement et inlassablement vos élèves.
D’une part, un questionnement régulier doit intervenir autour
du premier type de réponses :
– C’est quoi, l’intelligence ? N’y a-t-il qu’une seule forme
d’intelligence ?
– C’est quoi, la connaissance ? N’y a-t-il de connaissance qu’à
l’école ?
– C’est quoi, apprendre ? Comment apprendre ? Et surtout,
est-il possible d’apprendre à apprendre ?
D’autre part, une réflexion devra émerger, en lien avec le deu-
xième type de réponses : comment dépasser le caractère injonc-
tif du cadre scolaire pour y trouver, au-delà de l’obligation, une
signification, un sens, un désir et donc un projet ?
Il ne s’agit pas de disserter chaque jour avec les élèves sur
de grands concepts philosophiques, il s’agit plutôt de tou-
jours garder à l’esprit que, contrairement aux idées reçues, il
n’y a pas d’évidence en matière d’apprentissage. Au travers des
consignes, des activités proposées, des questions soulevées, des
situations rencontrées et des tâches à effectuer, on ne peut faire
l’économie d’un tel questionnement. Solliciter et répondre à ce
questionnement, c’est faire preuve de responsabilité éducative
en inscrivant sa démarche d’enseignement dans une démarche
qui fait sens pour les élèves et leur donne le sens de leur propre
posture d’apprenant.
✗✗ Quand on travaille sur la signification, on travaille à la
durabilité du projet d’apprentissage en l’inscrivant dans une
démarche globale d’éducation visant l’autonomisation et la
réalisation du petit d’homme en devenir.

24
1. Le jour J

✗✗ Quand on travaille sur le sens, on s’emploie à ancrer au


quotidien les différentes situations d’apprentissage en cor-
respondance avec des objectifs explicites à plus court terme.
✗✗ Quand on travaille sur le désir, on veille à maintenir ou
susciter l’envie des élèves de s’impliquer dans la réalisation
des différents projets eux-mêmes au service d’un plus large
projet.
En situant l’acte d’enseigner dans cette triple dimension,
on donne la possibilité aux élèves de s’emparer de ce que les
Anglo-Saxons appelle l’empowerment. Ce terme, curieuse-
ment, ne trouve pas d’équivalent lexical dans la langue fran-
çaise. Il répond pourtant en grande partie à un ensemble de
problématiques récurrentes dans notre enseignement à la fran-
çaise. Un enseignement marqué bien souvent - les enquêtes en
témoignent - par l’ennui, le manque de sens et l’absence d’impli-
cation. Veiller à se préserver de cet écueil dès le premier jour
de classe établit d’entrée de jeu un environnement climatique
favorable à la mise en place d’une pédagogie éclosive, réflexive,
dynamique, impliquante, sensée, exigeante et rigoureuse.

Qu’est-ce que l’empowerment ?


L’empowerment est cette capacité à prendre le pouvoir sur ce
que l’on fait, comment on le fait et pour quelles raisons on le fait.
L’augmentation du pouvoir-agir allant de pair avec le savoir-agir,
l’enseignant devra donc proposer des pistes de travail pour
permettre à l’élève de s’engager pleinement. En misant sur
le développement de la compétence clé « apprendre à apprendre »,
il y contribuera grandement.

25
1. Le jour J

Le contrat de vie collective


Ceci est une salle de classe, on y vient pour apprendre ensemble.
Ceci est notre salle de classe, nous y venons pour apprendre
ensemble.
Ceci est ma salle de classe, j’y viens pour apprendre des autres,
aux autres et avec les autres.
Voilà ce qui pourrait constituer le point de départ d’une charte
éducative qu’il faudra, au fil des jours, décliner et s’approprier.
Une fois ce préalable posé, il convient bien évidemment de
mettre en œuvre des situations pédagogiques cohérentes incar-
nant cet « apprendre ensemble », tout en veillant à co-construire
avec les élèves le cadre qui en garantira le bon fonctionnement.
C’est un travail qui, s’il commence le premier jour, reste à réac-
tiver chaque jour. Il s’agit d’un véritable apprentissage au quoti-
dien et sur la durée. À partir de là, il faudra également déplacer
la réflexion vers les différents espaces scolaires. La cour, les
couloirs, les toilettes, les escaliers, le réfectoire, le gymnase, le
dortoir des petits, etc. Au final, ce dont il est question ici, c’est
d’interroger la manière dont on construit un espace citoyen
et la façon dont on s’approprie un lieu collectif par le biais de
repères explicites, signifiants, sécurisants, permettant à chacun
de trouver sa place dans un territoire commun et partagé.

☛☛Donner leurs légitimités aux règles


Construire et s’approprier, deux dimensions qui ne peuvent
se développer l’une sans l’autre. Impliquer les élèves dans
cette double intentionnalité, c’est faire le pari qu’ils ne seront
plus juste considérés comme les exécutants d’un règlement
intérieur qui leur est totalement extérieur mais bien comme les
co-rédacteurs d’une charte vivante dont ils sont, à la fois, les

26
1. Le jour J

auteurs, les destinataires et les garants. Ainsi pensé, le règle-


ment devient véritablement intérieur car intériorisé.
L’élève ne devient pas élève le jour où il entre à l’école, il le
devient progressivement au contact de ses pairs, des adultes et
des dispositifs d’apprentissage qui lui permettront de devenir
cet élève autonome, responsable et respectueux des règles qu’il
reconnaîtra alors peu à peu comme les gardiennes bienveillantes
d’un cadre nécessaire et non comme des injonctions prescrites
par un pouvoir supérieur incarné par des adultes autoritaires.
L’autorité autorise bien plus qu’elle n’impose. Elle autorise
l’autre à grandir et à s’engager. L’autorité révèle plutôt qu’elle
n’impose. Elle révèle que les savoirs partagés et co-construits
permettent aux élèves de s’élever, de s’émanciper, de gagner en
hauteur en devenant co-auteurs de cette autorité. L’autorité
ouvre plus qu’elle n’enferme. Elle ouvre les esprits et les cœurs
en diffusant les valeurs de respect, de bienveillance, de récipro-
cité, d’engagement. L’autorité engage.

☛☛Cultiver la coopération
Il revient donc à l’enseignant et à l’ensemble de l’équipe édu-
cative de développer un environnement propice et une pédago-
gie visant ces apprentissages du vivre ensemble. Cela passe par
des détours, cela demande du temps, de l’organisation et l’impli-
cation de tous, mais un grand nombre d’études le démontrent,
les classes et les écoles qui fonc-
tionnent sur les principes de À MÉDITER
coopération et de réciprocité
« Le futur citoyen n’a pas seulement à
sont des écoles où règne un cli- apprendre à obéir à la loi mais aussi
mat scolaire particulier et où à le faire avec les autres. Dès lors, du
enseignants, parents et élèves côté de l’élève, il ne s’agit pas de se
soumettre à quelqu’un mais d’obéir à
ont plaisir à venir travailler
la loi. » Bernard Defrance
ensemble.

27
1. Le jour J

Des outils au service de la loi


Voici quelques pratiques de classe permettant d’incarner et de
développer au quotidien les principes d’appartenance collective,
de coopération et de respect mutuel.

L’adage : chaque quinzaine, choisir pour la classe ou pour l’école


un adage qui donnera une couleur particulière à la vie collective.
Selon le niveau de classe et les propositions des enfants : l’illustrer
par un dessin, une photo, un article, l’afficher, le mimer, le décliner
en changeant un ou deux mots, le traduire en différentes langues,
etc.

Les ateliers philosophiques : régulièrement, proposer des groupes


de parole multi-âges pour traiter d’un sujet particulier : la peur,
la colère, la solidarité, la justice, la bienveillance, la confiance, etc.

Les conseils de coopération : proposer des réunions mensuelles de


réflexion et de travail collaboratif au service de la régulation de la vie
au quotidien. Y convier enfants, enseignants, parents pour y analyser
ce qui va, ce qui manque, ce qui ne fonctionne pas dans la classe
ou dans l’établissement. Proposer des remaniements, élaborer des
outils de communication, réfléchir à la place, aux formes et aux rôles
de la sanction, etc.

Le forum théâtralisé : former les enfants à la médiation, à


la communication non violente, à la gestion de conflit par le biais
de scénettes extraites de la vie de tous les jours. Jouer et rejouer
des situations conflictuelles en y apportant de nouvelles
réponses.

28
2. S’organiser
et planifier

A gencer, structurer, aménager,


orchestrer les temps, les lieux,
Une nécessité
les contenus, les dispositifs pédagogiques de
absolue

manière à ce qu’ils profitent au mieux apprendre


et au mieux vivre des élèves, des enseignants et de toute
la communauté éducative, tel peut être le double enjeu
d’une organisation pensée davantage comme une hygiène
de vie que comme une succession ininterrompue d’étapes
et d’actions mécaniques rigides et sclérosantes.
(S’)organiser n’est ni remplir, ni (s’)enfermer, c’est
permettre l’ouverture d’esprit nécessaire au travail,
c’est créer les conditions favorables à l’émergence
d’une disponibilité et d’une présence au travail.

Délimiter sphère professionnelle


et sphère privée
Comme tout jeune professionnel qui débute dans son métier,
vous allez passer par une phase intense d’absorption, d’assimi-
lation, de production et d’action. Entrer dans le vif du sujet ne
doit pourtant en aucun cas vous couper ni de l’indispensable
réflexion préalable ni du besoin essentiel de distanciation et de
respiration sans lesquels vous courez le risque de l’épuisement,
de l’autostigmatisation négative et du sentiment d’échec qui
l’accompagne.

29
2. S’organiser et planifier

☛☛Se respecter soi-même


Comme vos élèves, vous avez une vie avant, après et hors de
l’école qu’il n’est pas question, du jour au lendemain, de réduire
à peau de chagrin tant elle est essentielle à la constitution d’une
identité personnelle et professionnelle équilibrée. L’équilibre
parfait est une quête sans fin qui, paradoxalement, ne doit pas
viser la perfection mais plutôt la recherche d’une éthique et
d’une esthétique de vie. L’un des premiers apprentissages que
vous allez faire, c’est donc celui de l’imperfection… Difficile
pour un jeune enseignant en quête de légitimité profession-
nelle ; difficile également dans un monde, une société et une
école où l’on ne cesse de vanter le mérite de la perfection et
de l’exactitude, et où la tolérance à l’essai et à l’erreur est bien
souvent réduite à zéro.

✗✗ Le droit à l’imperfection. Pourtant, ce droit à l’imperfection


et à l’erreur, vous devez le revendiquer, l’exiger et l’assumer
sans culpabilité et avec bienveillance vis-à-vis de vous-même.
Lorsqu’on débute, on se sent vulnérable, redevable et illégi-
time. On se sent coupable d’imperfection au regard des autres
membres de l’équipe, des parents et des élèves ; on est prêt
alors à de multiples sacrifices pour se hisser à la hauteur qu’on
imagine être la leur et qu’on imagine être la bonne. Ce côté
sacrificiel est à éviter et à refuser absolument. Vous débutez,
vous avez donc beaucoup à apprendre. Jusque-là, rien d’anor-
mal, rien de honteux ou de punissable. Finalement, rien que
de plus légitime. Votre statut de jeune professionnel ne doit
pas vous rendre esclave des autres ou de vous-même. Il paraît
important de souligner ce point : on est souvent un juge bien
sévère envers soi-même et on risque de se transformer en un
bourreau de travail implacable et sans merci.
✗✗ Apprendre à s’accepter. L’expérience de l’imperfection n’est
pas l’éloge de la paresse, du laisser-faire ou celui de la facilité,

30
2. S’organiser et planifier

de l’à-peu-près et du n’importe quoi n’importe comment.


L’expérience de l’imperfection est une expérience exigeante
et souvent douloureuse car génératrice de frustrations. Elle
consiste à accepter que nous sommes tous des êtres en deve-
nir, des personnes bancales tiraillées par des forces internes
et externes, positives et négatives, qui nous dépassent et dont
nous évitons de prendre conscience. Apprendre à s’écouter,
ne jamais cesser de se respecter, n’est pas chose aisée, c’est
pourtant vital.

☛☛Arbitrer et discerner
✗✗ Apprendre à choisir. L’expérience de l’imperfection, ce
pourrait être la sagesse de se dire : stop, je marque une pause,
je respire, je demande de l’aide ; ou bien décider de réduire
ses exigences, de manière à préférer la qualité à la quantité,
la profondeur à la superficialité, le savoir-être à l’agitation
et l’essentiel au superflu. L’expérience de l’imperfection,
c’est l’expérience du discernement, de l’arbitrage – et non de
l’arbitraire –, du choix salutaire. Mais voilà : choisir revient
également à renoncer et à assumer ce renoncement, qu’il soit
partiel, total, provisoire ou définitif. Or, en choisissant, on
favorise une action ou un projet plutôt qu’un autre, un ins-
tant de détente et de lâcher-prise plutôt que le risque d’une
surcharge cognitive ou physique et du décrochage qui peut
en découler.
✗✗ Reconnaître ses besoins et ceux de ses élèves. Prendre
soin de votre équilibre de vie sur la durée permet non seu-
lement de reconnaître vos propres besoins fondamentaux
d’être vivant, d’être humain et d’être en évolution, mais, par
effet ricochet, également de reconnaître ces mêmes besoins
chez vos élèves. Besoin de respirer, d’éprouver et de se
reposer, besoin d’intimité et de spiritualité, besoin de rire,
de partager et de bouger, besoin d’apprendre, de douter, de

31
2. S’organiser et planifier

comprendre et de questionner, besoin de se nourrir, de digé-


rer, d’assimiler, enfin besoin d’être entendu et d’être reconnu
dans toutes ces dimensions. Ces différents besoins seront
approfondis régulièrement au cours des différents chapitres ;
ils témoignent de ce double principe d’éthique et d’esthétique
de vie indispensable à l’école.

Programmer sans se figer


dans le programme
Demandez le programme ! Oui, le programme, bien sûr le
programme. Le connaître, le comprendre – ce qui est différent
de le connaître – afin de l’enseigner font partie de vos attri-
butions professionnelles. Le programme est incontournable, il
donne des repères, des points d’ancrage et des balises. Il fixe
des orientations, explicite des notions et clarifie les acquis vers
lesquels il faut tendre.
Pour autant, le programme ne se substitue ni à la pédago-
gie ni à l’apprentissage. Le programme n’est ni le cœur ni la
colonne vertébrale de l’acte éducatif. Cela peut sembler para-
doxal de lire ces mots dans un ouvrage comme celui-ci, mais
le programme est là pour qu’on s’en détache. Non pas qu’on
l’oublie ou qu’on le méprise, mais plutôt qu’on établisse avec
lui une relation saine et positive car distancée. Cette distance
amicale vous permettra alors de vous focaliser sur l’essentiel de
votre présence, de votre mission, de votre engagement, à savoir
vos élèves et les apprentissages de vos élèves.
Pour qu’un programme fasse sens et soit assimilé par les
élèves, il faut un enseignant qui enseigne et non un répétiteur de
programme. Un enseignant qui enseigne est un professionnel
qui apprend à ses élèves à apprendre à apprendre de nouveaux

32
2. S’organiser et planifier

savoirs scolaires qu’il doit scrupuleusement veiller à mettre en


scène et à déscolariser au sens de rendre vivants et signifiants
aux yeux des enfants.
Sans vie ni signification, un savoir est un savoir mort-né,
désincarné, un point de programme parmi d’autres qu’on aura
tôt fait d’oublier et d’enterrer au fond des oubliettes du tiroir
à informations diverses et variées qu’on appelle aussi mémoire
inactive car inactivable…

LES BONNES QUESTIONS À SE POSER

Voici quelques questions qu’il est bon de se poser régulièrement,


qu’on soit débutant ou non !
➥☛ Mon rôle est-il de garantir le déroulé chronométré d’un pro-
gramme ou d’accompagner les enfants qui me sont confiés dans
l’acquisition de savoirs multiples et complexes ?
➥☛ Ma fonction est-elle de cocher chaque semaine tous les x items
d’une programmation annoncée ou de permettre à mes élèves
d’apprendre et de progresser en fonction de leurs besoins immi-
nents et réels ?
➥☛ Bref, le programme est-il une finalité en soi ou un outil au service
de mon enseignement, lui-même au service de l’apprentissage ?

Pensé comme un outil, le programme vous sera très utile,


incontournable et précieux. Interprété comme une finalité, il
devient vite une supercherie, voire une arme de destruction
massive. En gardant cela à l’esprit vous éviterez l’écueil de la
pédagogie « McDo » qui consiste à gaver sans nourrir, à faire
consommer du savoir sans l’habiller des saveurs qui le rendent
goûteux, subtil, unique. Les élèves ont faim de nourritures bien
plus raffinées qu’on ne l’imagine, offrons-leur un festin plutôt
qu’un plateau-repas prêt-à-manger…

33
2. S’organiser et planifier

Le programme est l’ensemble des notions qu’un enseignant


doit faire acquérir à une classe d’âge sur une année ou, plus
conformément à la loi d’orientation de 1989, sur la durée d’un
cycle, à savoir trois années.

Point de vigilance
Le programme étant découpé en domaines, matières ou disciplines,
il conviendra d’éviter de les traiter de manière saucissonnée et
cloisonnée, afin de ne pas perdre de vue la cohérence du tout et
l’interdépendance de chacun des éléments de ce tout. Le rôle de
l’enseignant ici est de redonner du sens à un ensemble déconstruit
et fractionné par commodité d’écriture.

☛☛Le programme de l’école maternelle


Il est décliné en six grands domaines de compétences :
1. S’approprier le langage
2. Découvrir l’écrit
3. Devenir élève
4. Agir et s’exprimer avec son corps
5. Découvrir le monde
6. Percevoir, sentir, imaginer, créer

On voit bien ici qu’il apparaît urgent de mettre en lien ces


différents domaines. Par exemple, en découvrant le monde (5),
l’enfant découvre l’écrit (2) et, notamment, son caractère fonc-
tionnel ; en se promenant dans la rue, il s’appropriera le rôle des
enseignes, des panneaux, des plaques de rues. En agissant avec
son corps (4), il sera à même de s’approprier le langage (1) ; en
roulant, en sautant, en grimpant (4), le jeune enfant va tout à la

34
2. S’organiser et planifier

fois percevoir des sensations (6),


RESSOURCES
apprendre à les reconnaître, les
nommer, les expliciter (1). C’est Pour en savoir plus sur les contenus
en créant (6) qu’il deviendra un de la maternelle, vous pouvez vous
élève (3) acteur, créateur et créa- reporter au site officiel en ligne :
www.education.gouv.fr/bo/2008/hs3/
tif. À l’enseignant revient donc programme_maternelle.htm
la tâche d’orchestrer des situa-
tions d’apprentissage en lien
avec ces grands domaines, avec les capacités de ses élèves, avec
leurs besoins et avec la réalité de la vie.

Remarque
Correspondance des cycles et des classes
L’école maternelle englobe la petite (PS), la moyenne (MS) et la
grande section (GS).

Le cycle 1, cycle des apprentissages premiers, ne recouvre que la


PS et la MS. La GS, quant à elle, tient une place particulière, étant
intégrée au cycle 2 aux côtés du CP et du CE1.

☛☛Le programme du cycle 2,


cycle des apprentissages fondamentaux
Il recouvre la grande section (GS), le cours préparatoire (CP)
et le cours élémentaire 1 (CE1). Le programme y est décliné en
sept grands blocs de matières :
1. Français
2. Mathématiques
3. Éducation physique et sportive
4. Langue vivante

35
2. S’organiser et planifier

5. Découverte du monde
6. Pratique artistique et découverte des arts
7. Instruction civique et morale
Là encore, il faut veiller à maintenir une logique pluri et inter-
disciplinaire. Lorsque l’on aborde, par exemple, l’étude d’une
œuvre musicale (6), on ne peut faire l’impasse sur la place et
le rôle du corps (3) ni sur le contexte historique et culturel
(5), ni sur un travail d’explicitation lexicale (1). De même, en
mathématiques (1), comment s’approprier les formes géomé-
triques comme les solides sans faire référence à l’architecture
du monde qui nous entoure (5 et 6), sans les manipuler avec le
corps (3), sans faire référence au
patrimoine artistique (6) ?
RESSOURCES
Parallèlement au programme,
Pour en savoir plus sur le détail des et durant les trois années du
différents points, vous pouvez vous
reporter au site officiel en ligne :
cycle, les élèves doivent travail-
www.education.gouv.fr/bo/2008/hs3/ ler le palier 1 du socle commun
programme_CP_CE1.htm (voir ci-après) qui sera validé en
fin de CE1.

☛☛Le programme du cycle 3,


cycle des approfondissements
Il recouvre le cours élémentaire 2 (CE2), le cours moyen 1
(CM1) et le cours moyen 2 (CM2). Le programme s’y décline en
onze blocs disciplinaires :
1. Français
2. Mathématiques
3. Éducation physique et sportive
4. Langue vivante

36
2. S’organiser et planifier

5. Sciences expérimentales et technologie


6. Culture humaniste
7. Histoire et géographie
8. Pratiques artistiques
9. Histoire des arts
10. Techniques usuelles de l’information et de la communication
11. Instruction civique et morale
En travaillant autour d’un roman, par exemple Fifi Brindacier
(de l’auteure suédoise Astrid Lindgren), on peut tout à la fois
approfondir les compétences de lecture et d’écriture (1), s’enga-
ger dans de courtes traductions (4), découvrir une culture sin-
gulière (7), créer des illustrations (8), mimer des passages (3),
écrire un résumé sur un blog de classe (10), découvrir les usages
citoyens d’Internet (11).
Plus on ancre les apprentissages dans une démarche globale
et vivante, plus on enrôle les élèves dans des tâches diversifiées
et complémentaires, plus on mobilise leurs savoir-faire, savoir-
être, savoir-penser, savoir-apprendre, savoir-entreprendre…
La pédagogie de projet y contribue grandement, permettant
l’acquisition de savoirs fondamentaux et sans perdre de vue les
points de programme.
RESSOURCES
Parallèlement au programme,
et durant toute la durée du cycle, Pour en savoir plus sur le détail des
les enfants doivent travailler le différents points, vous pouvez vous
palier 2 du socle commun (voir reporter au site officiel en ligne :
www.education.gouv.fr/bo/2008/hs3/
ci-après) qui sera validé en fin programme_CE2_CM1_CM2.htm
de CM2.

37
2. S’organiser et planifier

☛☛Le socle commun de connaissances


et de compétences
Ce texte de loi de 2005 traduit en sept piliers l’ensemble
des attitudes, aptitudes et connaissances que les enseignants
doivent faire valider à leurs élèves au cours des quatre paliers
de la scolarité obligatoire.

Point de vigilance
Là encore, il conviendra de ne pas traiter de manière exclusive et
segmentée chacun des piliers mais bien de les relier les uns aux
autres en portant une attention toute particulière aux piliers 6 et
7 qui véhiculent, par essence, des compétences fondamentales,
indivisibles et indissociables de l’acte même d’apprendre.

Rappel des sept piliers :


1. La maîtrise de la langue française
2. La pratique d’une langue vivante
3. Les principaux éléments de mathématiques et de la culture
scientifique et technologique
4. La maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la
communication
5. La culture humaniste
6. Les compétences sociales et civiques
7. L’autonomie et l’initiative

Pour éviter de tomber dans l’excès de zèle programmatique,


pour mieux comprendre comment on peut croiser et concilier
programme et socle commun, acquisition de connaissances et

38
2. S’organiser et planifier

développement de compétences,
RESSOURCES
et pour avoir une vision plus
claire et concrète de ce qui se Pour en savoir plus, vous pouvez
fait et de comment on fait, rien consulter le site officiel en ligne :
ne vaut la veille institutionnelle www.education.gouv.fr/cid2770/
le-socle-commun-de-connaissances-
et pédagogique. et-de-competences.html
Vous trouverez à cet effet, en
fin d’ouvrage, une webographie
utile qui vous permettra de suivre en direct l’évolution des
textes (qui ne cessent d’évoluer), ainsi que les pratiques cou-
rantes ou innovantes en lien avec ces évolutions. De nombreux
sites en ligne sont de précieuses mines d’informations et de for-
mation. Il serait dommage de s’en priver tant elles regorgent de
pistes, de talents, de ressources généreusement partagées.

Quelques définitions utiles associées


à l’organisation
La programmation : c’est la répartition au sein d’un cycle des
différents points à aborder, traiter, approfondir, et des projets qui
porteront les apprentissages en question. Une programmation
concertée en équipe de cycle permet une logique, une cohérence
et une continuité en laissant toute leur place au temps et à la
maturation nécessaires aux élèves pour progresser et apprendre.

La progression : c’est l’organisation en cinq grandes périodes


et la planification sur une année des différents apprentissages.
Cette programmation est formalisée sous formes de synopsis,
de tableaux ou de cartes mentales. L’avantage de ces dernières,
c’est qu’elles restent très souples et laissent une grande marge
de manœuvre. Ne pas oublier, planifier ne doit jamais occulter le
fait que seul le contact avec l’élève et les élèves vous permettra
de savoir réellement où ils en sont et ce dont ils ont besoin. Si la
course à la réalisation de votre progression prend le pas sur la
progression effective de vos élèves, c’est qu’il vous faut prendre un

39
2. S’organiser et planifier

peu de recul, lâcher prise avec l’outil, vous focaliser davantage


sur vos élèves et ré-agencer certains points de votre planification.

La séquence : c’est le déroulé sur deux ou trois semaines de


la mise en place d’une situation d’apprentissage particulière.
On y trouve l’ensemble du dispositif pédagogique : les grands
objectifs, les compétences travaillées, les références aux
programmes, la méthodologie, les choix d’approches différenciées,
les types d’activités, les ressources utilisées, les modalités et
formes d’évaluation. Les différentes phases d’apprentissage
doivent apparaître clairement : découverte, place et fonction
de l’erreur, questionnement, recherche, entraînement,
approfondissement, transfert, temps de réappropriation ou
de re-médiation, etc. Une séquence comporte plusieurs séances,
autant qu’il sera nécessaire pour l’appropriation des notions
et compétences visées.

La séance : c’est le focus sur un temps d’apprentissage précis.


On y trouve les objectifs affinés, les moyens pour y parvenir,
les consignes précises, le matériel, les approches proposées,
les méthodes au service de la diversification, la chronologie,
les moments de transition. Ne pas oublier d’y inclure des phases
de métacognition permettant aux élèves de réfléchir à voix haute,
de raisonner sur ce qu’ils font et comment ils le font. Cette phase
est souvent oubliée, elle est pourtant fondamentale.

Penser l’espace et le temps de la classe


Enseignant-architecte, telle est l’une des nombreuses compé-
tences du maître. On ne peut, en effet, dissocier la forme de son
contenu ou de son contenant. Penser les apprentissages revient
à:
– penser la manière dont vous allez permettre que les savoirs
circulent ;
– penser la manière dont vous allez créer un contexte favorable
à la construction de ces savoirs ;

40
2. S’organiser et planifier

– penser l’environnement et l’écosystème propices à l’éclosion


des forces vives de chacun ;
– penser la manière dont vous allez faire vivre ensemble les mul-
tiples intelligences pour permettre l’émergence d’une organi-
sation apprenante dotée d’une intelligence collective féconde.

☛☛L’organisation de l’espace :
pour un « design spatial »
Contrairement au professeur de collège ou de lycée, vous êtes
en possession de votre espace-classe. Vous avez donc tout le loi-
sir de l’aménager en fonction de l’âge des enfants, de votre style
et du type de pédagogie que vous souhaitez mettre en place,
sans oublier le fait que des tables et des chaises, ça se déplace.

ASTUCE

En fixant des balles de tennis à chaque pied de table et de chaise,


vous diminuerez considérablement le bruit désagréable des
crissements sur le sol.
Demandez à vos élèves en début d’année de compter le nombre
de balles nécessaires, petite activité mathématique qui peut, au
passage, s’avérer intéressante même avec de très jeunes enfants,
puis invitez-les à récupérer ici et là des balles défectueuses, ou
écrivez avec eux une demande de récolte auprès d’un établissement
tennistique.
Plus vous associerez vos élèves à la gestion de la vie de classe,
plus ils s’y associeront. Sans compter qu’ainsi, vous répartissez les
rôles et les tâches et que vous gagnez en temps et en efficacité.

L’espace de la classe doit être en cohérence avec ce qu’il se passe


en classe. Il existe de nombreuses pratiques, en l’occurrence,
chacune ayant ses fonctions, ses atouts et ses limites. Sans doute
faut-il sortir d’une vision statique de l’espace et passer à une
vision modulable. Sans avoir à vous transformer en déménageur

41
2. S’organiser et planifier

chronique, il est intéressant de varier régulièrement les


dispositifs en fonction de ce que vous souhaitez proposer à vos
élèves.

Les différentes configurations


de salle de classe
Les îlots : propice au travail de groupe, c’est une configuration
très utilisée en maternelle pour la mise en place des ateliers et
qui, chose curieuse, tend à disparaître dès l’entrée à la « grande
école ». Pourtant, le travail de groupe est une chose très sérieuse !
Dans la vie, la vraie, ne sommes-nous pas constamment reliés aux
autres ? Dans le milieu professionnel, est-ce le chacun pour soi
qui donne du fruit ou le travail collaboratif ?

Le U : propice à la circulation des échanges, le U permet tout à


la fois la pédagogie frontale face au tableau et la possibilité de faire
communiquer les élèves entre eux sans qu’ils aient à se retourner
perpétuellement. De plus, cette disposition laisse le champ libre
au milieu du U pour mettre en scène un dispositif visible par tous.
Par exemple, lors d’une expérience scientifique, vous pouvez
installer votre matériel au cœur de la classe tout en ayant recours
au tableau si nécessaire.

Le cercle : il se rapproche du U mais il est fermé. Il instaure une


intimité plus forte, une proximité, une reliance entre les partici-
pants. Le cercle est parfaitement adapté pour les temps de lan-
gage institutionnalisé. Ronde de chansons, contes de randonnée,
histoires à inventer mais aussi débat, forum, conseil de classe y
ont toute leur place. Le cercle est alors au service de la ronde
des mots. C’est par ailleurs une configuration naturelle ancestrale
qu’il est intéressant de redécouvrir. Un point à souligner : dans
une telle disposition, vous pouvez vous inscrire dans la ronde,
être l’un des points du cercle et non le centre.

Les rangées : c’est le dispositif le plus classique et qui présente


par ailleurs des atouts si l’on n’en fait pas un dispositif unique.
Dans cette configuration, l’enseignant peut circuler dans la classe
et aller voir ses élèves un à un à leur table lorsqu’ils sont en travail

42
2. S’organiser et planifier

individuel. Tous face au tableau, ils peuvent suivre un exposé


magistral. Le travail en binôme est également facilité par ce type
de disposition.

L’open-space : sans aucun doute, le plus rare de tous ! Il s’agit,


le temps d’une journée particulière, de vider la classe de ses
chaises et de ses tables et de proposer, une fois n’est pas
coutume, de travailler autrement. Oui, mais alors sans chaise
et sans table, que fait-on ? On fait du bricolage, du théâtre, on
travaille une chorégraphie, on réinvente l’espace en traçant des
plans à la craie sur le sol, on se demande comment font les enfants
qui ont classe sur la place du village, etc. Les enfants sont surpre-
nants ; quand on libère leur énergie créative, ils nous emmènent
très loin ; quant aux tables et aux chaises, on s’organise en amont
pour les stocker dans un coin de l’école le temps d’une journée…

En marge de ces configurations, il existe un certain nombre


d’espaces à penser, à configurer, à organiser, à relier.

Le couloir adjacent
}}
Espace « sas », il conduit progressivement vers la classe.
✗✗ Pour les plus petits, il conviendra d’y laisser de « petits cail-
loux », de manière à ce qu’ils retrouvent aisément le che-
min de la classe. Les jeunes enfants aiment naturellement les
animaux, on pourrait imaginer symboliser chaque itinéraire
par des empreintes ou des icônes, sorte de tags au service
du repérage : pattes de poussins pour la classe des poussins,
nénuphars pour la classe des grenouilles, noisettes pour la
classe des écureuils, etc.
✗✗ Pour les jeunes élèves, ne pas oublier de personnaliser les
porte-manteaux avec une photo, un prénom ou un dessin
plastifié réalisé par l’enfant. Ce dessin, ce peut être son bon-
homme du mois pour les plus petits. Une manière de se voir
grandir et de montrer qu’on grandit.

43
2. S’organiser et planifier

✗✗ Pour les plus grands, le décor du couloir revêt d’autres fonc-


tions mais reste tout aussi important. Il sert généralement de
galerie d’exposition, de mur vivant reflétant la vie de classe.
On y côtoie des œuvres artistiques, des affiches, des exposés.
C’est une sorte de panneau-portfolio de présentation.
✗✗ Il est d’ailleurs peu courant et pourtant très intéressant
d’aller avec vos élèves visiter ces lieux scolaires particuliers
que sont les couloirs, avec tous ces travaux d’élèves affichés.
Cela permet à chacun à la fois de se situer mais aussi de se
projeter : « Quand j’étais petit, je dessinais comme ça… » ou
bien « Quand je serai grand, je saurai faire pareil… ». Et de
votre côté, vous y puiserez un grand nombre d’idées !

Le seuil extérieur
}}
Passage du dehors au dedans, il signifie aux élèves qu’ils sont
bien arrivés chez eux. On pourra y trouver la liste et la photo de
classe, le nom de l’enseignant et le niveau de la classe. Bienvenue
chez les CM1, dans la classe de Monsieur M et de ses élèves…
On pourra également y afficher l’adage de la semaine, un smiley
accueillant , une invitation à entrer.

L’entrée
}}
Un petit truc : placez-vous à l’entrée et demandez-vous quel
est le point de vue, le panorama qui s’offre à celui qui entre dans
la classe. Un lieu est un langage, il parle, il dit des choses. Que
dit votre classe lorsqu’on y entre ? Que transmet-elle comme
signaux visuels lorsqu’on passe le seuil ? Que dit-elle à vos
élèves, que traduit-elle à l’étranger qui y arrive ? La porte est-
elle fermée ? ouverte ? entrebâillée ?

Votre bureau
}}
Devant, derrière, sur le côté, cet espace est le vôtre ; il est
aussi situé dans l’espace commun et doit donc être pensé comme
l’un des éléments du tout remplissant sa fonction propre.

44
2. S’organiser et planifier

✗✗ Le bureau est un espace de travail, vous y corrigez, vous y


préparez, vous y passez un bon nombre d’heures. Prenez soin
de vous et transformez-le en un espace inspirant selon votre
propre personnalité.
✗✗ Le bureau est également un espace où vos élèves vont venir
vous solliciter, où vous allez avoir des conversations plus ou
moins privées avec eux, il paraît donc important qu’il favo-
rise un climat de confidentialité, d’écoute et d’accueil. Ayez
toujours une seconde chaise disponible à côté de la vôtre, un
espace libre pour qu’un enfant puisse venir vous y rejoindre.
Cet espace pourra également servir ponctuellement pour un
enfant qui a besoin d’être extrait temporairement du groupe,
dans un esprit de soutien canalisant et non de punition.

ASTUCE

Pour de multiples raisons, il arrive qu’on ne souhaite pas être


dérangé à son bureau. Confectionnez-vous une fleur à double face
en papier Canson, planté dans un pot. Face rouge vers les élèves,
ils ne doivent pas venir vous interrompre, vous êtes occupé(e) ;
face verte, le bureau est à nouveau accessible. Une façon de gérer
les flux et de préserver votre intimité lorsque vous en avez besoin,
par exemple quand vous êtes avec un élève en particulier.

Le(s) tableau(x)
}}
Espaces d’écriture, de lecture, de mutualisation, d’exposition,
d’entraînement, de correction, d’interaction, c’est sans doute,
dans l’imaginaire collectif, l’élément le plus associé à l’idée de
classe. Il revêt aujourd’hui différentes formes.
✗✗ Le tableau noir : classique, associé à l’odeur de la craie, il est
encore majoritaire dans le quotidien scolaire, c’est la grande
ardoise collective sur laquelle vous allez passer un temps non

45
2. S’organiser et planifier

négligeable. Un conseil : lorsque vous écrivez au tableau,


ne parlez pas en même temps car vous tournez le dos aux
enfants. Écrivez puis retournez-vous et énoncez oralement
ce que vous avez à dire. C’est important, notamment pour
un grand nombre d’enfants qui ont besoin de votre regard
pour comprendre ce que vous dites, surtout lorsqu’il s’agit
de consignes.

✗✗ Le tableau blanc : plus récent, il s’apparente davantage par


sa couleur et par les feutres utilisés à l’espace du cahier. Un
truc : n’hésitez pas, si vous êtes en possession d’un téléphone-
appareil-photo, à « capturer », de temps à autre, les réalisa-
tions, les schémas, les exercices effectués par vous-même ou
par les enfants. Ce sont des traces que vous pourrez réutili-
ser et réinjecter dans les séances prochaines. De nombreux
enfants, par exemple, ont du mal à recopier ce qui est écrit sur
le tableau, surtout si la copie est dense. Ils se perdent dans la
surface du tableau, ont du mal à coordonner repérage et lec-
ture verticale sur une grande surface et écriture horizontale
sur le cahier. En leur proposant une version imprimée de la
photo que vous aurez prise, vous gagnerez du temps et facili-
terez le travail de vos élèves.

✗✗ Le TBN (tableau blanc numérique) : préférons cette appel-


lation à celle de TBI, tableau blanc interactif. En effet, ce n’est
pas le tableau qui est ou non interactif, c’est la manière dont
vous allez l’utiliser et le faire utiliser. Un tableau classique
peut tout aussi bien être interactif qu’un tableau numérique
et un TBI peut devenir très vite statique selon l’usage que
vous en faites. Néanmoins, ce nouveau type de tableau, dont
le développement est lié à celui des outils numériques, est
riche de fonctionnalités en tout genre que je vous souhaite de
découvrir et de faire découvrir à vos élèves.

46
2. S’organiser et planifier

✗✗ Il s’accompagne souvent d’une CLIM (classe Internet


mobile), petite armoire à roulettes comprenant des ordina-
teurs portables et tout le matériel nécessaire à son utilisation.
Une petite formation ou autoformation ou, mieux encore,
co-formation reste nécessaire pour passer de l’utilisation au
bon usage des TICE. À proposer au reste de l’équipe ?

✗✗ Le paper-board : chevalet sur lequel sont accrochées de


larges feuilles de papier, il est très pratique et pédagogique
car vous pouvez au fur et à mesure soit les détacher et les
afficher au mur, soit les mettre en réserve et les ressortir au
moment opportun. On peut très bien imaginer outiller une
école d’un chevalet par cycle ou par étage.

Les murs
}}
Espaces verticaux, ils supportent l’architecture globale de
votre classe et témoignent de l’architecture complexe de l’acte
éducatif au service de l’autonomie des élèves.

✗✗ L’affichage tient une place et un rôle considérable et fon-


damental comme en témoigne le tableau page suivante. De
natures variables, allant du poster des catégories d’aliments
à celui du mode d’emploi de la bibliothèque en passant par
celui de la dernière exposition visitée, ses nombreuses fonc-
tions visent principalement à rendre les élèves autonomes.
Plus les enfants seront impliqués dans la réalisation de l’affi-
chage, plus il deviendra un outil de travail efficace, vivant
et accessible. Schémas, listes, étiquettes, dessins, fléchage,
règles, programmations, chacun de ces affichages répond à
des besoins fonctionnels particuliers. Il faudra veiller à les
rendre explicites en expliquant, chaque fois qu’il sera néces-
saire, leur présence et leurs rôles.

47
2. S’organiser et planifier

✗✗ Natures et fonctions de l’affichage

L’affichage

Natures Fonctions

Didactique Communication
Esthétique Planification
Institutionnel Structuration
Pédagogique Cohérence
Méthodologique Acculturation
Organisation
Désignation
Outillage
Repérage
Témoignage
Identification

L’affichage doit être vivant et accessible au service de l’autonomie

✗✗ Garder un espace vierge. Il est également souhaitable


qu’une petite partie du mur visible des enfants soit réservée
au repos de l’œil et du cerveau. Pensez donc à consacrer ou à
tracer un cadre qui restera vierge et où les enfants pourront
venir se reposer l’esprit et pratiquer en toute autonomie leur
minute de yoga-zen. Minute magique, il conviendra de les
initier collectivement à cet instant de décontraction avant de
les inviter à le faire à leur gré et selon leur besoin, en leur
précisant bien qu’il s’agit d’une minute !

Les « coins »
}}
Traditionnels en maternelle, il est bon de questionner leurs
fonctions de manière à se rendre compte qu’ils gardent toute
leur place tout au long de l’école primaire (voire au-delà…).

48
2. S’organiser et planifier

Minute yoga-zen
« Besoin de lâcher prise ? Tes yeux tirent ? Ton esprit s’envole
ailleurs ? Et si tu prenais une toute petite minute pour déposer
ta fatigue et faire le plein d’énergie ?
Laisse-toi aller dans cet espace vide, respire profondément.
Trois fois. Inspire par le nez, détends-toi ; expire lentement par
la bouche ; tu te sens léger, léger. En inspirant, tu recharges
les batteries, en soufflant, tu expires la fatigue.
Puis, ferme les yeux, compte jusqu’à dix et, en rouvrant
les yeux, sens l’énergie traverser ton corps. Te voilà prêt
à reprendre le fil de ton travail. »

✗✗ Coin-jeux : jouer, c’est apprendre, un ouvrage entier ne suf-


firait pas à le démontrer. On pourrait aller jusqu’à imaginer
une école idéale construite en cercle autour d’une pièce cen-
trale : la pièce à jouer, ouverte sur chacune des classes… Mais
il est peu probable que vous soyez muté dans une telle école.
Voici donc quelques exemples plus réalistes pour aménager
les coins jeux de votre première classe :
– les jeux de faire-semblant qui développent l’imaginaire et
les sentiments d’identité et d’estime de soi ;
– les jeux de construction (Kapla, Lego, etc.) qui développent
la créativité et stimulent considérablement les connexions
neuronales ;
– les jeux à règles qui invitent au respect des autres et déve-
loppent le sentiment de compétence sociale ;
– les jeux-devinettes qui favorisent le langage et initie à la
pensée scientifique.

✗✗ Coin-repos : certes obligatoire en maternelle, il reste très


important par la suite. Une journée d’école, c’est long, très
long… Constamment sollicités en grand groupe, les enfants
ont besoin d’avoir des temps de lâcher-prise et de retour aux

49
2. S’organiser et planifier

sources. Leur permettre d’aller se reposer quelques instants


sur un coussin ou un matelas, c’est respecter leur besoin
fondamental d’intimité et d’extraction momentanée du réel.
Le cancre de Jaques Prévert en est une belle illustration. Un
truc : si l’on ne dispose pas d’espace suffisant, on peut prévoir
deux petits coussins à disposition que les enfants puissent
aller chercher et mettre sous leur tête le temps d’une pause.
On peut également prévoir deux casques antibruit pour favo-
riser l’effet bulle.
Certains enfants, comme les autistes, par exemple, seront,
pour d’autres raisons, très touchés par cette attention. En
effet, ceux qui sont atteints de troubles sensoriels aigus, tant
visuels qu’auditifs trouveront là une solution ponctuelle pour
apaiser l’apparition soudaine d’une souffrance extrême due à
une sur-sollicitation perceptive.
✗✗ Coin-bibliothèque : l’école est un lieu d’acculturation, le livre
y a donc toute sa place ! Associez le plus possible les enfants
et les familles dans la mise en place de cette bibliothèque
de classe. Dons, prêts, gestion, organisation, cet espace-là
regorge d’activités à mettre en place et de rôles à distribuer.
On pourra, selon l’âge des enfants, les responsabiliser pour
telle ou telle tâche. Étiquetage, classement, rangement, mise
en avant d’un livre, d’un thème, réalisation d’affiches, élabo-
ration de la charte du lecteur, etc. Ne pas oublier non plus, à
l’instar de Daniel Pennac, de travailler la question des droits
de ne pas lire… tout et tout le temps !
✗✗ Coin-énergétique : c’est un espace réservé à la collation
ponctuelle. Une carafe d’eau et des gobelets nominatifs (évi-
ter le jetable peu écologique), quelques raisins secs ou des
carrés de chocolat, en ayant pris soin en amont de vérifier
auprès des familles s’il existe des contre-indications de
type régime particulier ou allergie à tel aliment. Travailler
consomme beaucoup d’énergie. Sans inciter au grignotage

50
2. S’organiser et planifier

perpétuel, néfaste pour la santé, il faut savoir que certains


enfants ne prennent pas de petit déjeuner et que tous ont un
métabolisme différent. Le besoin d’eau est fondamental pour
la bonne marche du cerveau, si vous ne deviez retenir de ce
buffet pédagogique qu’un seul élément, ce serait celui-ci.
✗✗ Coin-palabres en sourdine : c’est un coin de paisible convi-
vialité où les enfants peuvent se retrouver, par exemple,
parce qu’ils ont terminé un travail plus rapidement que les
autres. Cela permet de gérer les différences de rythme et
de canaliser les bavardages. Bien sûr, comme pour tous les
coins d’ailleurs, des règles de vie doivent être préalablement
votées, signées et respectées……

Point de vigilance
Le terme de « coin », traditionnellement utilisé à l’école, peut porter
à confusion ; il convient donc de clarifier son usage et de lever
certains quiproquos.

Ces coins doivent rester des espaces ouverts et intégrés à


l’espace globale de la classe. Il ne s’agit ni de compartimenter
ni de cloisonner, ni de territorialiser l’espace global de la classe
en dessinant des frontières étanches entre ces différents lieux.
Au contraire, il est ici question de dynamiser et fluidifier les flux,
les passages, les déplacements.

Véritables espaces d’apprentissage, ils permettent une meilleure


circulation des savoirs et mettent en évidence l’aspect protéiforme
de l’acte d’apprendre. On apprend tout le temps et en tout lieu, pas
juste lorsqu’on est assis sur sa chaise face à sa table.

Les rangements
}}
Les questions de l’ordre et du désordre sont de vraies ques-
tions, et plus stratégiques qu’on ne le pense. Qu’est-ce que
l’ordre et qu’est-ce que le désordre ? Existe-t-il des désordres

51
2. S’organiser et planifier

organisés et structurants au sens où, derrière une apparente dis-


parité, se cachent un agencement et une organisation humaine
et fonctionnelle ? À qui doit servir cet ordre, aux enfants, à l’en-
seignant ou aux deux ? Quelques exemples :
✗✗ La cloche sonne, un enfant n’a pas terminé son puzzle, doit-il
le ranger sous prétexte qu’il est l’heure au risque de ne pas
terminer son activité et de lui apprendre par là-même qu’on
peut bien laisser en plan un travail commencé ?
✗✗ Sur une table dans le fond de la classe, gisent épars ciseaux,
colles, papiers en tout genre, boîtes, bouts de ficelle, objets
insolites à moitié cassés, etc. C’est le coin-désordre oublié
dans la liste précédente… Voilà un désordre de bon augure ;
inspirant et créateur, les enfants feront sans aucun doute un
très bon usage de ce désordre pédagogique.
✗✗ Le casier d’untel déborde de toute part, mais il sait toujours s’y
retrouver et ne perd jamais un stylo. Faut-il, sous prétexte que
ça perturbe votre sens esthétique, le forcer à organiser autre-
ment ses affaires sous peine de désorganiser ses repères ? Cet
exemple est significatif car il permet de mettre le doigt sur un
point capital : chaque personne a un fonctionnement qui lui est
propre et qu’il est utile de rendre conscient. S’il est opération-
nel, il est important de le valoriser et de montrer aux autres
enfants que cette façon de faire existe et qu’elle n’est ni bonne
ni mauvaise, qu’elle est fonctionnelle. En revanche, si pour
un autre, ça ne fonctionne pas, il faudra alors revoir avec lui
ses stratégies d’organisation, non pas qu’elles sont mauvaises
(jugement de valeur) mais inopérantes. Voilà au passage une
manière de personnaliser les apprentissages que vous pourrez
transférer à d’autres domaines.

52
2. S’organiser et planifier

Astuce : la tringle à affichage


Matériel : – une tringle à pieds ;
– des porte-manteaux à pinces.
Au fur et à mesure que le temps passe, que les notions sont
abordées, que les règles à retenir sont assimilées, que les apprentis-
sages se succèdent, les affichettes se bousculent sur le mur de
la classe. Vous voudriez bien garder un peu plus longtemps celle
des terminaisons des verbes à l’infinitif mais il vous faut bien afficher
celle des terminaisons au présent et vous ne disposez plus d’espace
suffisant sur le mur. Il faut donc laisser la place aux suivantes.
De manière à permettre un libre accès aux précédentes, les enfants
ayant régulièrement besoin de réactiver une connaissance ou
de se réapproprier un moment de classe particulier, il vous suffit
de suspendre sur la tringle en question les affiches de manière
chronologique ou bien thématique selon la modalité qui vous
convient et convient aux élèves.
Cette mémoire vivante et illustrée permet :
– de constituer une banque de données accessibles par tous à tout
instant ;
– d’allier rangement, efficacité et souplesse d’utilisation ;
– d’apprendre à vos élèves à savoir aller chercher une information
et une ressource dont ils ont besoin ;
– de mettre en place une pédagogie personnalisée au service
des apprentissages de vos élèves.

☛☛L’organisation du temps :
pour un « design temporel »
Tout comme l’espace, la configuration et la gestion du temps
sont des éléments clés dans la pratique quotidienne de classe.
Les élèves y seront confrontés, tout comme vous. « Pas le temps,
je n’ai pas le temps ! Allez, allez, dépêchons-nous, on n’a pas que
cela à faire ! » Attendez-vous à entendre, à dire ou à penser tout
bas mille fois par jour ce genre de lamentation. Comment faire
donc pour mieux vivre et mieux travailler avec ce temps qui file

53
2. S’organiser et planifier

et ne s’arrête jamais au présent de l’ici et du maintenant ? Sitôt


là, le présent de l’indicatif se conjugue déjà au passé composé.

Comment « employer » le temps scolaire ?


}}
Plus que de temps morcelé, plus que d’emploi du temps, ce
dont les enfants ont besoin pour construire leurs apprentissages,
c’est de temporalité. De la même manière que l’espace, le temps
de classe s’inscrit dans une dynamique vivante, en lien avec les
activités présentées. Évidemment, il vous est demandé en début
d’année de construire votre emploi du temps, en prenant soin
de respecter le quota d’heures réglementaires et d’y faire appa-
raître chaque discipline explicitement. Cet exercice présente
l’intérêt de mettre en évidence les grands blocs de matière et de
poser sur le papier le patchwork des multiples domaines d’étude
à traiter. C’est aussi une façon de penser les rythmes et les varia-
tions. Une fois le cadre officiel posé, le risque serait d’en rester
prisonnier. Là encore, il vous faudra faire preuve de souplesse
et de bienveillance vis-à-vis de vous-même et de vos élèves. La
réalité et la complexité de l’acte d’apprendre surprennent bien
souvent l’enseignant là où il s’y attend le moins.

Trois exemples d’aménagement


du temps scolaire
u Prolonger ou non une séance
Vous aviez prévu, comme chaque lundi, 45 minutes de sciences et,
à la fin de la séance, vos élèves en redemandent. Deux possibilités
s’offrent à vous : soit vous les gardez en haleine et vous leur donnez
rendez-vous en fin de semaine, comme l’emploi du temps le suggère
et comme vous l’aviez décidé et écrit dans votre cahier journal, soit
vous saisissez le miracle au vol et poursuivez l’activité qui passionne
tant vos petits chercheurs en herbe.
Les deux options sont tout aussi acceptables l’une que l’autre, il vous
faudra donc choisir non pas parce que l’emploi du temps vous le dicte
mais parce que vous jugez qu’il est pédagogiquement judicieux

54
2. S’organiser et planifier

d’arrêter une séance en suscitant l’envie d’y revenir ultérieurement


ou, au contraire, qu’il est intéressant de suivre l’appel des enfants
et de vous fier à cette petite flamme en vous qui brûle de continuer.

u Réduire ou non une séance


Vous aviez prévu, comme tous les jeudis, de consacrer une demi-
heure de temps à la chorale que vous avez montée avec vos élèves
et pour laquelle ils se montrent très enthousiastes. Ce jour-là, vous
ne savez pas très bien pourquoi, mais ça ne passe pas, les enfants
s’agitent et commencent à faire les zèbres. Là encore, deux options.
Soit vous tenez le rythme coûte que coûte, baguette en main, et
peut-être qu’au final, le tempo va l’emporter sur l’agitation. Soit vous
jugez que tenir n’est, ce jour-là, pas la solution et vous décidez de
stopper l’activité. Dans ce cas, prenez soin de ne pas culpabiliser
les élèves mais essayez de comprendre avec eux ce qui n’a pas
fonctionné.
Votre emploi du temps ne vous en voudra pas et vous aborderez
dans le même temps des questions relatives à la charte du vivre
ensemble et de l’apprendre ensemble.

u Intégrer un projet de découverte


Vous souhaitez proposer à vos élèves un projet pédagogique de
découverte culturelle et historique qui vous conduit sur une période
de deux mois à mener de nombreuses visites et excursion hors
de l’école. Pendant ces huit semaines, votre emploi du temps sera
donc fortement perturbé. Non seulement vous ne respecterez plus
le quota d’heures prévu par discipline, mais, inévitablement, tout le
travail de classe s’en trouvera impacté.
Première précaution : reportez-vous à votre programmation initiale,
si vous n’aviez pas déjà intégré ce projet, et réorganisez-la. Si vous
faites plus d’histoire sur ces deux mois et moins de mathématiques,
veillez à rééquilibrer les contenus et les quotas d’heures de manière
à respecter les uns et les autres. Puis, dans un deuxième temps,
invitez les parents à une réunion d’information. Lors de cette réunion,
vous aurez préparé l’argumentaire qui rassurera les parents sur
la question des autres apprentissages. Enfin, osez proposer aux
parents de s’investir, s’ils le peuvent et le souhaitent, dans ce projet,
pas simplement comme accompagnateurs, mais également
comme personnes-ressources. On se prive trop souvent
à l’école des talents et des compétences des parents.

55
2. S’organiser et planifier

Comment orchestrer le temps sur la journée ?


}}
Car il s’agit bien de cela, d’orchestration plus que de décou-
page ; le temps, c’est cette portée invisible qui va soutenir la
partition de la journée. Sur cette portée, on trouvera des inten-
sités, des points culminants, des altérations, des modifications
de tempo, des ornements, des silences, des variations. Pour
qu’une partition soit harmonieuse, il faut qu’elle soit riche,
variée, vivante, évocatrice. Il en va exactement de même pour
la journée d’école. Il ne suffit pas de remplir une portée de
jolies notes pour qu’elle soit harmonieuse ; l’effet produit risque
même d’être cacophonique, abrutissant, insoutenable. Il en va
de même pour le temps de l’apprentissage. Remplir votre cahier
journal d’objectifs, de compétences, de connaissances extraites
d’un programme, aussi fondamentales soient-elles, n’aboutira à
rien d’autre qu’à dégoûter les élèves. Pensez symphonie plutôt
que découpage horaire, pensez situations d’apprentissages plu-
tôt que points de programme, et vos journées, en plus d’être
fructueuses, seront bienfaisantes, pour les élèves et pour vous !

Un exemple en CE2
(Cet exemple n’a pas valeur de modèle.)

Matin : accueil en musique, rituel de langage, « course-relais » de


calcul mental par équipe, lecture dialoguée. Récréation. Rituel de
retour au calme. Plan de travail personnel avec, en parallèle, accom-
pagnement individualisé par vos soins pour un petit groupe de trois
ou quatre élèves, mise en projet pour l’après-midi. Pause déjeuner.

Après-midi : détente yoga-zen, confection, d’après une fiche


technique, d’un tétraèdre en 3D, temps libre avec activités au choix.
Récréation. Jeux collectif en plein air, retour au calme, écriture
d’un texte poétique. Mise en projet pour le lendemain.

56
2. S’organiser et planifier

Au travers des termes choisis, on sent bien le rythme et la


dynamique de la journée, on y repère les moments forts et les
transitions. On y perçoit la diversité et l’équilibre, on comprend
qu’il s’agit de temps d’apprentissage et non d’application taylo-
riste d’emploi du temps. On
visualise derrière les mots une UN BON CONSEIL
démarche pédagogique active au
service des apprenants. Autant que possible, lorsque vous
pensez votre journée et la formalisez
Vous avez besoin de savoir ce sur le papier, posez-vous la ques-
que vous allez faire ; vos élèves tion : est-ce que ça donne envie ?
En imaginant que l’école ne soit pas
également ont besoin de se obligatoire, est-ce que mes élèves
projeter. Une façon simple de viendraient quand même ?
les y inviter est de présenter, à
la fin de chaque journée, non pas
l’emploi du temps, mais le menu du lendemain. Avec un peu de
pratique, vous pourrez même les enrôler dans l’élaboration du
menu ou dans la prise en charge d’un temps particulier. Les
élèves adorent ça…

Concevoir et mettre en place


des situations d’apprentissage
Afin de rester dans le concret – tout en gardant à l’esprit que
le concret n’est jamais dissociable de la réflexion préalable et
de la compréhension fine de la réalité –, vous allez maintenant
entrer au cœur de la notion de situation d’apprentissage. Vous
pourrez ensuite mieux appréhender la manière de les concevoir
et les mettre en place dans votre pratique de classe. Cette notion
est capitale pour comprendre comment vous allez faire de votre
enseignement un acte qui permettra à vos élèves d’apprendre à
se former et à se transformer.

57
2. S’organiser et planifier

☛☛Situations d’apprentissage,
activités et tâches
Une situation d’apprentissage ne se réduit pas à une activité
mais, au sein d’une situation, on pourra trouver des activités et
des tâches à effectuer.
L’exemple suivant a vocation à illustrer la différence entre
activité et situation et à mettre en relief la posture d’enseigne-
ment dans laquelle vous avez à entrer. Une posture invitant
au questionnement, au dépassement d’obstacles et à l’élabora-
tion de stratégies efficaces conduisant à s’approprier des outils
opératoires.

Exemple : apprendre par cœur


Apprendre par cœur une table de multiplication n’est pas une
situation d’apprentissage. En revanche, c’est une activité essentielle
dans le processus global d’apprentissage, qu’il faudra réitérer régu-
lièrement, voire quotidiennement si vous êtes en CE2, CM1 et CM2.

Cette activité d’entraînement et d’assimilation prendra tout son sens


au sein d’une situation plus large et complexe, comme, par exemple,
donner le bon total d’argent à un commerçant pour payer les achats
en sachant qu’il y a beaucoup de gens qui attendent leur passage à
la caisse et qu’il faut donc être rapide et efficace.

Pour rendre cette activité plus authentique, il serait intéressant que


les enfants soient confrontés personnellement et physiquement
à cette situation. Vous pourrez alors soit écrire un petit mot aux
familles pour qu’elles participent à ce défi-math en amenant leur
enfant au marché, soit mettre en scène en classe une halle mar-
chande. Atelier « Chez le boucher », atelier « Chez la boulangère »,
atelier « Chez le fromager », etc.

Évidemment, l’idéal pour les enfants serait de vivre cette expérience


à l’extérieur de l’école et au sein de l’école. Mais, pour être honnête,
bien que ce genre de démarche soit recommandé, il est impossible

58
2. S’organiser et planifier

dans le contexte scolaire d’aujourd’hui de le proposer systématique-


ment pour chaque apprentissage.

Ici, on comprend qu’il est plus efficace de multiplier des nombres


identiques représentant un même objet que d’additionner successi-
vement ces mêmes objets ; même si l’opération n’est pas fausse
en soi, elle est juste inappropriée dans un contexte particulier.

Connaître et apprendre les tables de multiplication devient donc


un point de programme indispensable à acquérir pour l’élève.

Loin d’être uniquement centrée sur les élèves, une situation


d’apprentissage permet également à l’enseignant d’expliciter et
de positionner son rôle dans le dispositif global.
Planificateur en amont, il vous revient la tâche de penser
l’apprentissage dans son intégralité avant de le faire vivre aux
élèves.
✗✗ Comment allez-vous présenter la situation à la classe ?
Sous forme de défi, de problématisation, d’invitation, de pro-
jet, etc.
✗✗ Quels apprentissages précis visez-vous ? De nombreux
apprentissages annexes se greffent sur une même situation
mais vous devez cibler ceux que vous visez plus particulière-
ment et qui donneront lieu à d’ultérieurs temps d’évaluation.
✗✗ Sur quels points d’appui, appelés également pré-requis,
vous reposez-vous ? Attention, vous ne pouvez envisager un
pré-requis comme effectif que si vous l’avez vous-même traité
auparavant ou vérifié. En début d’année, ne misez donc pas
trop sur de soi-disant pré-requis qui risquent de ne pas être au
rendez-vous et de déstabiliser l’ensemble de votre dispositif.
Le début d’année est propice à l’observation et au diagnostic,
le chapitre suivant y est consacré.

59
2. S’organiser et planifier

✗✗ Quels moyens allez-vous mettre à disposition des élèves


pour qu’ils puissent s’approprier la démarche et le contenu
d’apprentissage ? Dans les moyens, on peut trouver :
– les ressources (apportées par vos soins ou par les élèves ou
encore construites en classe) ;
– les modalités de travail (en groupe, en individuel, en binôme) ;
– la typologie des intelligences sollicitées (kinesthésique,
rythmique-musicale, logico-mathématique, verbalo-linguis-
tique, naturaliste, interpersonnelle, intrapersonnelle, visuo-
spatiale). Se reporter ici à la théorie des intelligences
multiples d’Howard Gardner ;
– la place et le rôle des obstacles et de l’erreur. Un véritable
apprentissage passe nécessairement par le tâtonnement et
l’expérimentation, c’est un va-et-vient constant entre essai-
erreur et essai-réussite. L’erreur est un moyen d’apprendre ;
– les différentes modalités d’évaluations intermédiaires au ser-
vice de l’apprentissage (diagnostique, formative, co-évaluation,
autoévaluation). L’évaluation dite certificative ou sommative
n’arrive qu’en toute fin de situation d’apprentissage.

Quelles sont les principales étapes


d’apprentissage ?
Elles sont communément répertoriées en quatre grandes
phases : incompétence inconsciente, incompétence consciente,
compétence consciente et compétence inconsciente.
La phase d’incompétence inconsciente : c’est une phase,
trop souvent oubliée dans les dispositifs d’apprentissage et
qui, pourtant, se révèle être un point d’ancrage nécessaire pour
susciter l’envie d’apprendre. L’élève ne sait pas qu’il ne sait pas,
puisqu’il n’a jamais été confronté à la situation. Il ne peut donc
avoir l’envie d’apprendre une chose dont il ne sait pas qu’elle
existe. À cette phase, il convient généralement de susciter
un étonnement détonateur, en lien avec l’apprentissage ciblé.

60
2. S’organiser et planifier

Vous pouvez, par exemple, proposer une tâche irréalisable dans


l’état actuel des connaissances et des compétences mais qui
pourra être réussie ultérieurement : c’est une manière de s’emparer
de l’impossible et de s’en faire un allié.
La phase d’incompétence consciente : l’élève découvre qu’il ne
sait pas et comprend qu’il va falloir dépasser cette incompétence
pour parvenir à atteindre l’objectif qui lui a été fixé ou, mieux
encore, qu’il s’est lui-même fixé. « Voilà mon défi, pour l’emporter,
je dois découvrir et apprendre un certain nombre de choses.
Il va falloir que je cherche, que je m’exerce, que je m’applique,
que je m’engage. » C’est une phase d’engagement, d’enrôlement
qui va rendre l’élève actif et donner du sens à l’investissement
qui l’attend.
La phase de compétence consciente : essentielle, elle vient
couronner les efforts précédents. C’est la phase de réussite. Elle doit
être valorisée à plusieurs reprises et au travers de diverses tâches,
de manière à ce que l’élève renforce son sentiment de compétence
scolaire et son estime de soi. Bien souvent, on se limite à la seule
évaluation finale et la réussite de l’élève n’est sanctionnée que par
une note, qui sert de prétexte au remplissage du livret. La compé-
tence et la réussite ne sont en rien réductibles à une note ou à une
moyenne. Nous reviendrons ultérieurement sur cette question.
La phase de compétence inconsciente : c’est cette phase
magique où l’élève ne sait plus qu’il sait ; il utilise et mobilise ses
connaissances et ses compétences sans en avoir conscience dans
le cadre de nouvelles activités, ou tâches ou situations. Il transfert
naturellement ou mécaniquement des savoirs dont il n’avait au
début même pas conscience de l’existence. Là encore, il est bon
de valoriser ponctuellement cette incompétence inconsciente.
« Eh bien, tu vois, là, sans y avoir pensé, tu as rédigé cette phrase
en accordant parfaitement les verbes avec leur sujet. Tu te
souviens, tu ne savais même pas qu’il existait des mots qui
s’appelaient verbe et sujet. Tu es devenu un petit expert ! »

Remarque : on voit bien ici, au travers de ces quatre phases,


combien la temporalité est nécessaire à l’apprentissage. Une leçon,
un entraînement, un contrôle, ce n’est pas un apprentissage…

61
2. S’organiser et planifier

☛☛Quel enseignant êtes-vous ?


Guide ou garde-fou, le choix de vos postures est déterminant
dans le processus d’apprentissage. Vous aurez tour à tour à jouer
sur une large palette d’attitudes en fonction des objectifs, en fonc-
tion des élèves, en fonction du moment d’apprentissage, en
fonction de vous aussi. En voici quelques-unes, déclinées en verbes
d’action avec, pour chacun d’entre eux, un exemple concret.

L’enseignant éveilleur
}}
Il s’applique à ouvrir des fenêtres, à vivre avec intensité, à
favoriser et partager l’enthousiasme sans lequel il est bien dif-
ficile d’apprendre :
– il suscite la curiosité : l’envie d’en savoir plus sur ces glaçons
qui fondent et disparaissent… ;
– il partage un émerveillement : une rencontre poétique ou
artistique ;
– il rend possible la quête spirituelle : le questionnement sur le
sens da la vie, de l’invisible, de l’indicible, de l’être ;
– il encourage la créativité : libre évocation autour d’une image,
d’un mot.

L’enseignant guide
}}
Il se situe en adulte ressource et référent et devient un moyen
pour ses élèves d’apprendre à mieux penser, mieux faire et mieux
apprendre :
– il induit un raisonnement : conduite d’une argumentation orale
sur les causes et les effets climatiques ;
– il conseille sur des méthodes : comment relire une dictée ;
– il propose des outils : une frise numérique ;
– il suggère des stratégies : comment tirer profit d’une recherche
sur Internet.

62
2. S’organiser et planifier

L’enseignant soutien
}}
Cette posture est celle de la présence authentique et de l’em-
pathie, centrales dans la relation pédagogique :
– il valorise : en témoignant oralement ou par écrit des progrès
effectués chaque fois qu’il s’en présente un ;
– il accompagne : en proposant à un enfant qui rencontre une
difficulté un atelier personnalisé ;
– il sécurise : en se rapprochant tranquillement d’un élève qui
semble perdu dans un exercice ;
– il écoute : en regardant l’enfant et en reformulant sans inter-
prétation pour s’assurer qu’il a compris ce que l’élève a dit et
que c’est bien cela qu’il voulait dire.
L’enseignant garde-fou
}}
Les différents aspects de ce profil d’enseignant déclinés ci-
dessous participent à la construction d’une organisation et
d’une cohérence éducative au service du groupe :
– il délimite le cadre : organisation des équipes de travail, rôle
de chacun, objectif commun ;
– il explique le cadre : fonction du collectif et du cadre, mises en
garde explicites sur les conséquences du non-respect du cadre ;
– il veille au cadre : régulation et gestion de l’ensemble de la
classe, de chacun des groupes et de ses élèves ;
– il incarne le cadre : adaptabilité, exigence, bienveillance,
cohérence.

L’enseignant optimiste
}}
Ce positionnement consiste à reconnaître et à donner de
la valeur et de l’importance à la personne-élève. Se sentant
reconnu, il s’engagera davantage et avec plus d’enthousiasme :
– il croit en ses élèves : en leurs talents, leurs forces, leur
éducabilité ;
– il crée un environnement positif : le jeu du bien-veilleur invi-
sible (voir en fin de chapitre) ;

63
2. S’organiser et planifier

– il accueille les rêves des élèves : le temps du « koi de 9 du côté


de ton rêve ? » ;
– il sollicite leur point de vue : en laissant place à l’imprévu qui
en découle.

L’enseignant chercheur
}}
Par effet miroir, en se positionnant personnellement en cher-
cheur, il développera la posture de chercheur chez ses élèves :
– il observe leurs pratiques : que voyez-vous de la manière dont
ils procèdent ? ;
– il questionne leurs stratégies : il cherche à faire exprimer ce
qui n’est pas visible ;
– il explore leurs représentations : dessin du trajet d’un aliment
dans le corps ;
– il propose des expérimentations : protocoles de germination
d’une graine de haricot.

L’enseignant apprenant
}}
Là encore, en se situant lui-même dans une démarche appre-
nante et ouverte, il facilitera la mise en apprentissage des élèves :
– il pratique l’innovation : écriture d’un blog ou ouverture d’un
compte Twitter pour la classe ;
– il ose la prise de risque : improvisation théâtrale ;
– il développe l’esprit d’initiative : texte libre à la manière de
Freinet ;
– il permet l’autonomie : l’exercice du choix du moment de
l’évaluation, par exemple, si l’enfant se sent prêt.

L’enseignant animateur
}}
Animer revient à donner aux élèves les clés et les moyens de
se saisir et de s’approprier les savoirs, sans s’imposer ni s’effa-
cer. L’enseignant animateur est celui qui assure l’engagement
de ses élèves en leur permettant d’être acteurs et auteurs de
leurs apprentissages :

64
2. S’organiser et planifier

– il favorise la mutualisation : partage de documents pour un


exposé ;
– il fait circuler la parole : en veillant à équilibrer son temps de
parole et celui des élèves ;
– il stimule la mise au travail : pratique des autodéfis ;
– il valorise l’investissement : enrôlement des élèves.

Les mots clés de l’apprentissage

☛☛Activité
Une activité désigne l’ensemble des tâches effectives dans un
contexte particulier. Elle désigne ce qui est fait. Le dessin est
une activité.

☛☛Tâche
Une tâche désigne « ce qu’il y a à faire », elle poursuit un but
précis et s’accompagne de consignes qui explicitent clairement
comment et avec quelles contraintes parvenir à la réalisation de
la tâche. Par exemple, en éducation physique et en découverte
du monde :
« Construire le plan humain de Paris. Avec vos seuls corps
et à l’aide du maxi-plan illustré à disposition, vous devez phy-
siquement représenter Paris. Il faudra qu’apparaissent : les
quatre points cardinaux, les contours de la capitale, la Seine
et les grands monuments figurant sur le plan. Pour cela, vous
devrez, en premier lieu, décider entre vous quelle partie du plan
ou quel monument vous incarnez. Vous disposez de 30 minutes.
Je vous prendrai en photo à l’issue de la séance. »
Cette activité s’inscrit dans une séance elle-même incluse
dans une séquence plus large. On aura pris la précaution, en

65
2. S’organiser et planifier

amont, de travailler sur le maxi-plan illustré, d’y identifier et


d’y repérer les éléments significatifs. On pourra ultérieurement,
dans d’autres séances et en fonction des objectifs pédagogiques
de la séquence, faire une recherche documentaire sur la ville
de Paris, classer les monuments par ordre chronologique de
construction, apprendre une chanson sur le thème de Paris,
découvrir des œuvres plastiques représentant la capitale, etc.
La découverte du monde est un domaine qui permet de varier à
l’infini les entrées, de diversifier les types de tâches, de mettre
en place des dispositifs d’apprentissage riches et structurants.

☛☛Exercice
L’exercice est une tâche particulière qui permet d’entraîner,
d’exercer, de stabiliser, d’appliquer une connaissance antérieure
ou un savoir-faire déjà existant. L’exercice est incontournable
dans le processus d’apprentissage mais il ne s’y réduit. Par
exemple, en orthographe grammaticale :
« Effectuer si nécessaire les accords en genre et en nombre
dans les groupes nominaux soulignés dans ce court texte. »
Cet exercice trouvera toute sa place et son utilité en fin de
séquence, avant la phase d’évaluation. En amont, on aura lar-
gement abordé les notions de nom, de nom noyau, de genre,
de nombre. On aura travaillé longuement sur l’organisation du
groupe nominal, sur ses différents agencements, sur sa place
dans la phrase. On aura travaillé à partir de textes sur la ques-
tion du lien entre sens et orthographe.
Voici un autre exemple niveau CM1/CM2, à travailler en
amont dans une démarche de construction de la notion et non
d’entraînement :
« Ses cheveux se répandaient en large(s) bandeau(x) sur ses
joues. »
Faut-il ou non mettre un s et un x ?

66
2. S’organiser et planifier

Quelle image du visage de cette femme apparaît dans votre


esprit ?
Peut-on imaginer que les cheveux dessinent un seul large
bandeau ?
Qu’est-il écrit à la fin de la phrase ?
Après analyse des représentations mentales et prise d’in-
dices textuelles, on s’aperçoit qu’il est écrit que ses cheveux se
répandent sur « LES joues » au pluriel. Donc, même s’ils des-
sinent un seul large bandeau de chaque côté (ce qui est tout à
fait possible dans la représentation imagée que se fait l’enfant
qui lit), étant donné qu’il y a ici écrit « les joues » et qu’elles
sont au nombre de deux, il y a au minimum deux larges ban-
deaux ; le groupe nominal prend donc la marque du pluriel.
Une autre chose aurait été d’écrire et d’accorder :
« Ses cheveux se répandaient en large(s) bandeau(x) sur cha-
cune (singulier) de ses joues. »
Ici, les deux orthographes se justifient, tout dépend du déter-
minant qui a été élidé :
– ...en (de) larges bandeaux sur chacune de ses joues.
– ...en (un) large bandeau sur chacune de ses joues.
Le mieux, pour un arbitrage certain, serait d’avoir sous les
yeux le portrait de la femme en question ! C’est tout le problème
du cadre de référence en orthographe qu’il convient à chaque
fois de questionner et de révéler.
La question de l’orthographe a toujours été, dans notre
culture, un sujet délicat, ultra-sensible. Régulièrement, comme
un vieux serpent de mer dont on ne parvient pas à se défaire, la
question du niveau refait surface dans les gros titres des jour-
naux ou donne l’occasion d’une nouvelle circulaire. Le constat
ne fait de doute pour personne : le degré de performance a bien
baissé. C’est pourquoi, et sans entrer dans la polémique stérile
du « c’était mieux hier », il convient effectivement de se montrer

67
2. S’organiser et planifier

particulièrement attentif et vigilant sur cette question. Non pas,


comme le serait un vigile chargé de veiller au bon respect d’un
sacro-saint code, mais plutôt à la manière d’un ami critique et
fidèle qui, chaque jour et à chaque fois que la langue française
l’y invite, ne cesse d’interroger cette curieuse orthographe, d’en
faire un objet rigoureux de questionnement permanent et non
un sujet de culpabilité ou de tri sélectif.

Deux idées pratiques pour aider les élèves


à coopérer et à s’organiser
En proposant le jeu suivant dès le début de l’année, vous incar-
nez la posture de l’enseignant garant du cadre tout en impli-
quant chacun des élèves dans cette même posture et faites entrer
la dimension coopérative et collective dans l’espace-classe.

Exemple de jeu : le bien-veilleur invisible


Objectif : favoriser l’entraide et la bienveillance, renforcer
le sentiment d’appartenance, de sécurité et d’estime de soi.
Le principe est simple : en début de semaine, par l’intermédiaire
d’une enveloppe surprise, chaque élève se voit attribuer secrètement
le nom d’un camarade sur lequel il sera chargé de veiller.
Le but étant d’être suffisamment discret pour n’être pas démasqué
et suffisamment présent pour accomplir sa tâche.
Pour n’être pas démasqué, un moyen simple : apporter son soutien
à d’autres qu’à son seul protégé. (Ne rien dire sur ce point,
les enfants le découvriront eux-mêmes !)
En fin de semaine, petit débriefing : « Alors, selon vous,
qui était votre ange-gardien ? »
À vivre en classe, en équipe et pourquoi pas en famille ?

68
2. S’organiser et planifier

L’outil proposé ci-dessous pourra aider les enfants à s’organiser,


à anticiper et à gérer leur quotidien de façon autonome.

Le labyrinthe pour une journée d’école réussie

69
3. Observer
pour mieux enseigner
Face à la com
L e premier outil de l’enseignant
réside dans sa capacité à
observer. Observer avec ses yeux,
plexit
d’enseigner é
bien sûr, mais également avec ses oreilles,
son cœur, ses émotions, ses intuitions et sa subjectivité
autant que son objectivité. Observer nécessite
la mobilisation de toute la personne : toutes
ses intelligences, ses compétences, ainsi que tous
les éléments constitutifs de son identité tant personnelle
que professionnelle. Observer vous permettra de relever
des indices qui serviront de points d’appui pour la mise
en place de situations d’apprentissage.

L’enseignant, débutant ou chevronné, doit être résolument


attaché à ce principe de base qu’une observation fine et régulière
de ses pratiques et de celles de ses élèves lui permet de consti-
tuer, au plus proche du terrain, une formidable base de don-
nées et de réflexion. Grâce à ces données, il pourra construire
et réguler, après traitement et analyse, un authentique contexte
d’apprentissage en lien avec des stratégies d’enseignement,
elles-mêmes reliées à des besoins identifiés chez les élèves.
Observer donc, avant d’agir, permet de se donner les moyens
de mieux organiser sa pensée pour mieux agir. En effet, un
grand nombre d’indices, lorsqu’on apprend à les chercher et à
les repérer chez soi comme chez ses élèves, permet une com-
préhension fine, éclairée et éclairante d’une réalité par nature
complexe. Enseigner et apprendre sont des actes complexes,

71
3. Observer pour mieux enseigner

et le groupe-classe est un système complexe lui-même consti-


tué d’éléments complexes que sont les élèves et l’enseignant.
Ces derniers interagissent avec la construction des savoirs,
également complexes… Pour éviter les déconvenues et les
désillusions, il paraît sage d’intégrer dès le départ cette donnée
incontournable.

Pour autant, l’observation ne conduit pas à la simplification.


Il ne s’agit pas de simplifier la complexité mais d’apprendre à
la regarder en face, telle qu’elle est et non telle qu’on voudrait
qu’elle soit. Premier aveu d’humilité, l’enseignant ne peut agir
contre cette réalité, il doit apprendre à agir avec elle. Et puisque
l’enseignant fait partie intégrante de cette réalité, il semble
incontournable que l’objet de son observation et de son ques-
tionnement se trouve mobilisé en premier lieu sur sa propre
personne.

Se connaître soi-même

Le premier objet d’étude, c’est donc soi-même. Vous trouve-


rez ci-après une série de questions qui peuvent aider à l’explo-
ration et l’explicitation de soi et à la reconnaissance de ce qui
fait de chaque être humain un être absolument unique et non
reproductible à l’identique. C’est dans cette première prise de
conscience, malheureusement trop souvent ignorée, que réside
votre tout premier acte que l’on pourrait qualifier de fondateur
d’une éthique professionnelle. Reconnaître le caractère unique
et exceptionnelle de votre personne – chacun étant une excep-
tion du genre humain – et réaliser l’originalité de votre par-
cours de vie vous permettront plus facilement de voir en chaque
élève une personne unique face à un destin unique. Pour rendre
la chose plus aisée, on peut imaginer se prêter à l’exercice du

72
3. Observer pour mieux enseigner

questionnaire avec un collègue ou avec un ami, sous forme d’en-


tretien interactif. Les propositions de réponse ne sont en aucun
cas exhaustives, à vous de les compléter, le cas échéant.

Questionnaire pour faire le point

1. Comment êtes-vous En suivant un trajet logique et sans détour de la case


arrivé à ce métier ? départ à la case d’arrivée ?
En empruntant des chemins de traverse non
programmés au hasard des rencontres et de la vie ?
En découvrant, suite à d’autres expériences
professionnelles, que l’enseignement vous attirait ?

2. Quel fut votre Tranquille et sans encombre ?


parcours scolaire ? Brillant et fulgurant ?
Mouvementé et saccadé ?

3. Quel enfant Plutôt solitaire ou toujours entouré d’amis ?


étiez-vous ? Enfant de la ville, des champs ou du voyage ?
Enfant unique, aîné d’une fratrie, benjamin, cadet ?
Calme et réfléchi ou tonique et réactif ?
Peintre, musicien, comédien ?
Aimant les livres ? les animaux ? les sports collectifs ?

4. Quel élève Heureux d’aller à l’école ou inquiet dès le réveil ?


étiez-vous ? Rêveur silencieux ou clown invétéré ?
Impliqué, perfectionniste, soumis ou révolté ?

5. Quel était Curieux, enthousiaste, créatif ?


votre profil Pragmatique, organisé ?
d’apprenant ? Visuel, auditif, kinesthésique ?


73
3. Observer pour mieux enseigner

6. Qu’aimiez-vous Bouger, faire du sport ?


faire en dehors Rester tranquille, vous ressourcer ?
de l’école ? Jouer ?

7. Comment est-ce Seul ou avec d’autres ?


que vous aimiez Dans l’effervescence ou dans le calme ?
apprendre ? Au sein d’un cadre précis ou bien dans un
environnement ouvert ?

8. À quoi est associé À un camarade, un prof, un directeur, un surveillant ?


votre meilleur À une activité, un projet, un défi relevé ?
souvenir à l’école ? À une classe, une cour, un jardin ?

9. Qu’est-ce qui Travailler seul ou à plusieurs ?


vous mettait La prise de parole ou le travail écrit ?
mal à l’aise ? Une matière en particulier ?
Les contrôles, les notes ?

10. Qu’est-ce qui Faire plaisir au professeur, à vos parents ?


vous motivait ? Vous prouver que vous pouviez le faire ?
Retrouver vos camarades ?

11. Quels enseignants


vous ont-ils
marqué ? Pour
quelles raisons ?

12. De quelle école


rêviez-vous quand
vous aviez sept,
dix ou quinze ans ?

13. Et aujourd’hui…
de quelle école
rêvez-vous
encore ?

74
3. Observer pour mieux enseigner

Chaque question mérite qu’on s’y attarde. Elles portent en


elles un grand nombre d’indicateurs sur vos motivations à
enseigner, sur vos obstacles, sur vos représentations, sur vos
valeurs, sur vos propres modes d’apprentissage et schémas de
pensée, qui, tous, prennent racine au cœur de votre histoire
de vie. Prendre conscience de ses forces positives et négatives
permet d’entrevoir avec plus de clairvoyance le pourquoi et le
comment de votre désir de devenir enseignant, et ainsi de mieux
vous hisser à la portée de vos élèves.

Connaître ses élèves


Le principal travers de l’enseignant dans sa classe est d’être
souvent très prolixe et proactif, scrupuleusement axé sur ce
qu’il doit faire apprendre et centré sur SA tâche ; bref, « trop »
autocentré. Il va vous falloir apprendre à vous décentrer et à
vous focaliser davantage sur vos élèves. Le début d’année est
de ce point de vue un moment clé. Donnez-vous le temps d’ob-
server vos élèves pour comprendre véritablement qui ils sont,
connaître leurs besoins, et ainsi mieux concevoir la manière
dont vous allez répondre à ces besoins.
Vous trouverez ci-après un outil bien utile pour comprendre
et repérer les profils de vos élèves. Il est extrait de l’ouvrage
de Jean-François Michel, Les sept profils d’apprentissage aux
éditions d’Organisation.

75
3. Observer pour mieux enseigner

Tableau des 7 profils d’apprentissage

76
3. Observer pour mieux enseigner

Le tableau suivant pourra vous servir de guide pour savoir où,


quand et quoi observer, avec quels outils et dans quels buts. En
en faisant un usage régulier, vous apprendrez progressivement
à observer de façon bien plus efficace et naturelle.

Pour une observation réfléchie

• Dans la cour
Où observer ? • Dans les couloirs
• Dans la classe

• Quand ils jouent


Quand observer ? • Quand ils travaillent en atelier
• Quand ils travaillent seuls

• Leurs préférences
Quoi observer ? • Leurs stratégies
• Leurs blocages

• Un petit carnet
Quels outils pour fixer vos observations ? • Un dictaphone
• Une banque de Post-It

• En reparler avec l’élève


• En faire une matière première
Que faire de cette observation ?
• Y trouver des pistes de
différenciation

Cette observation des élèves vous fera gagner en efficacité.


Elle vous permettra, par exemple, de repérer les préférences ou
les pratiques de tel élève, de zoomer sur une compétence révélée
au travers d’une activité, puis d’ajuster et de personnaliser une
situation de travail en fonction de ce que vous aurez observé
en amont. L’analyse et le traitement de votre observation vous

77
3. Observer pour mieux enseigner

donneront de nombreuses pistes pour enrichir votre offre d’en-


seignement. Il serait dommage et restrictif de limiter l’observa-
tion à la seule évaluation diagnostique pratiquée généralement
en début d’apprentissage. Cette dernière est l’un des moyens
d’observation, pas le seul, comme on peut le vérifier à travers
les outils d’observation proposés ici.
Il est au passage intéressant de constater que le terme de
diagnostic, tout comme celui de remédiation sont issus, l’un
comme l’autre, de l’univers médical. Mais les élèves ne sont
pas malades ! Ils ont juste des savoir-faire et des connaissances
encore mal débroussaillés ou simplement encore mal adaptés
au contexte scolaire. Tout couper ou injecter un engrais qui
ne correspondrait ni à la nature de la difficulté, ni à l’éco-
système représenté ici par l’enfant serait vain, contreproductif
et dangereux.
Vous trouverez ci-contre la fiche d’observation de Caroline
Coudé, enseignante en maternelle1. Cet outil simple d’utilisa-
tion permet de noter en situation des indices précis et de réflé-
chir à partir de là aux évolutions et aménagements possibles au
service des apprentissages.

1. Auteure du blog EDU Caroline petite section de maternelle.

78
3. Observer pour mieux enseigner

Fiche observation en PS de maternelle

À partir de www.sitecoles.com

79
3. Observer pour mieux enseigner

Comprendre la complexité d’enseigner


Les termes « complexe » et « compliqué » renvoient tous
deux à l’idée de « difficile ». Mais, au-delà de cette similitude, il
est nécessaire de bien les différencier. On peut venir à bout du
compliqué, on n’en finit jamais avec la complexité.

☛☛Différencier le « compliqué »
et le « complexe »
Par exemple, un problème mathématique est compliqué à
résoudre, même si l’on sait bien lire et compter, car il contient
un grand nombre de données à comprendre et traiter. Mais ses
éléments une fois identifiés et organisés sont stables et per-
mettent de trouver la solution. D’où l’expression « Il n’y a pas
de problème, juste des solutions ».
Enseigner est complexe et donc difficile, même pour un
enseignant expérimenté, car cette tâche comporte un grand
nombre de données, et parce que ces données sont de natures
différentes. Par ailleurs, en plus de ces données, il existe une
multitude de facteurs externes et internes, difficilement saisis-
sables et « stabilisables ». Il n’y a donc pas de solutions toutes
faites ni de recettes « prêtes à poser » en matière d’éducation ;
il existe un ensemble de moyens pédagogiques à décliner et à
mettre en œuvre au service des apprentissages des élèves.
Il est donc complexe de comprendre « simplement » pour
quelles raisons un enfant n’a pas réussi à résoudre un problème
compliqué. Sans doute parce qu’apprendre n’est ni simple, ni com-
pliqué, apprendre est infiniment complexe. Alors enseigner …
Plus de vingt ans de pratique autorise cet appel à la vigi-
lance : la fameuse réciprocité « j’enseigne, ils apprennent » est
une hypothèse sur laquelle il ne faut pas fonder trop d’espoir.

80
3. Observer pour mieux enseigner

Le temps de l’enseignement n’est ni égal ni proportionnel au


temps de l’apprentissage.
Il faut donc à la fois apprendre à départager le complexe
du compliqué mais également différencier ce sur quoi on tra-
vaille : son objet d’étude. Ce n’est pas parce qu’un problème
n’est « que » compliqué qu’il n’est pas complexe pour l’enfant
d’apprendre à le résoudre et pour vous de comprendre com-
ment l’aider à comprendre comment il peut « décompliquer »
le problème.

L’élève, le savoir et l’enseignant : trois focus différents à relier

L’ENFANT LE PROBLÈME DE MATH L’ENSEIGNANT

qui apprend à à résoudre qui apprend à l’enfant qui


comprendre apprend à comprendre

☛☛Trois écueils à éviter


✗✗ Se centrer uniquement sur les difficultés rencontrées par
l’élève : le risque, c’est que l’enfant soit réduit au problème,
devienne LE problème et soit catalogué comme un « élève-
en-difficulté ». C’est lui faire porter une bien lourde charge,
qui ne lui incombe pas exclusivement. En procédant ainsi,
on oublie que, bien souvent, les solutions sont à chercher en
dehors du seul problème.
✗✗ Se centrer uniquement sur l’objet d’apprentissage :
le savoir est alors considéré comme un objet quasi sacré,
accessible par quelques-uns et en dehors de toute démarche
d’apprentissage, et inaccessible aux autres, privés ainsi de
l’apprentissage auquel ils ont droit.

81
3. Observer pour mieux enseigner

✗✗ Se centrer uniquement sur vos préparations : en cas de


réussite, ce sera votre réussite et non celle de l’élève ; en cas
de difficulté ou d’échecs répétés, vous risquez de vous démo-
biliser, de vous culpabiliser ou de vous raidir en renvoyant la
faute au temps, au programme, à l’élève, au système.
Entre ces trois entités que sont l’élève, le savoir et l’ensei-
gnant, il y a des fils à tisser, des interrelations et des connexions.
On parle ainsi de système et de complexité.
L’apprentissage est relié à des facteurs endogènes, propres au
dispositif que vous aurez conçu en classe. Il est relié également
à des facteurs exogènes, extérieurs à l’espace-classe sur lesquels
vous avez moins de prise mais qui restent totalement reliés à la
classe par l’intermédiaire de la personne élève.

☛☛D’où viennent les difficultés


d’apprentissage ?
Pour anticiper les difficultés d’apprentissage ou essayer d’y
pallier, il vous faudra donc aller chercher des explications, des
réponses et des aménagements dans ces deux zones. Agir sur
les facteurs endogènes ne tient qu’à vous ; interagir avec les
facteurs exogènes vous demandera un véritable travail de com-
munication et de relation de partenariat avec les familles et les
personnes-relais concernées.
En réalité, l’hétérogénéité, si souvent évoquée lorsque l’on
parle de classe, ne tient pas, comme on pourrait le laisser croire,
au seul problème de niveau. Cette hétérogénéité est de facto une
composante indissociable de la nature humaine. Le problème ne
vient pas des élèves, mais du fait que l’école a imaginé un modèle
totalement arbitraire et artificiel, qui ne correspond en rien à la
réalité humaine. Il s’agit d’un modèle d’éducation qui prévoie
tout-pour-tout-lemonde-en-même-temps-et-de-la-même-façon.

82
3. Observer pour mieux enseigner

Source des difficultés d’apprentissage

Facteurs endogènes Facteurs exogènes

Rythme : trop soutenu, il sature, Linguistique : l’inadéquation entre la


ou trop lent, il démobilise. langue maternelle et le langage scolaire.
Contenu : trop compliqué, Culturelle : la méconnaissance
il décourage, trop simple, des codes de notre système éducatif,
il démotive. de ses implicites et les quiproquos
Pédagogie : trop directive, que cela peut engendrer.
elle peut enfermer, trop ouverte, Économique : le manque d’espace
elle peut déstabiliser. et d’intimité pour le travail à la maison.
Pression : différente de l’émulation Cognitif : le retard ou le trouble mental
et de la stimulation positive, avéré par un bilan psychologique d’un
la pression est source d’angoisses. enfant.
Évaluation : mal dosée ou Psychologique : le désordre affectif et
inappropriée, elle devient un facteur psychologique plus ou moins passager
de compétition et de souffrance. affectant la capacité de l’élève à
Espace : l’inadaptation de l’espace- se focaliser sur ses apprentissages.
lieu et de l’espace-temps introduit Médicale : la présence d’une maladie
des contraintes physiques et ou d’un handicap.
psychologiques fortes. Comportementale : la relation à l’autre
Mouvement : la place du corps, et à soi apparaît défaillante et
véritable vecteur d’apprentissage, en contradiction avec les attentes
est souvent délaissée. socialisantes de l’école.

Les sept postulats de R.W. Burns2

Postulats de Burns Commentaires


1. « Il n’y a pas deux apprenants ...mais les progrès de chacun doivent
qui progressent à la même vitesse. » être valorisés et encouragés.

2. « Il n’y a pas deux apprenants ...d’où l’intérêt de proposer


qui soient prêts à apprendre régulièrement des ateliers à la carte
en même temps. » où chaque élève sera tenu de passer
dans un délai raisonnable pour
tous. Un planning hebdomadaire
ou par quinzaine peut aider au bon
fonctionnement et à la régulation
des élèves.


2. In Essor des didactiques et des apprentissages scolaires, J.-P. Astolfi, 1995.

83
3. Observer pour mieux enseigner

Postulats de Burns Commentaires

3. « Il n’y a pas deux apprenants qui ...c’est pourquoi le travail sur


utilisent les mêmes techniques la diversification méthodologique
d’étude. » est important.

4. « Il n’y a pas deux apprenants ...le travail en binôme dans ce cadre


qui résolvent les problèmes se révèle très riche car il permet
de la même manière. » aux élèves de confronter leurs
stratégies.

5. « Il n’y a pas deux apprenants ...d’où la nécessité de prendre


qui possèdent le même répertoire en compte la diversité des profils
de comportement. » d’apprentissage.

6. « Il n’y a pas deux apprenants ...mais en variant régulièrement


qui possèdent le même profil les types d’activité d’apprentissage,
d’intérêt. » vous touchez au final un plus grand
nombre d’élèves.

7. « Il n’y a pas deux apprenants ...c’est pourquoi le travail sur


qui soient motivés pour atteindre l’identité et l’appartenance
les mêmes buts. » collective est essentielle dès
le début d’année.

Est-ce vraiment ce qui fonctionne dans la vraie vie ? Votre


passionnante mais néanmoins difficile tâche sera de faire cor-
respondre attendus scolaires et réalité des élèves. Et cela reste
possible si l’on considère l’hétérogénéité non pas comme une
maladie, un défaut ou une déformation, mais comme le sel de
la vie.
Pour illustrer cette hétérogénéité, on pourra prendre appui
sur la théorie des intelligences multiples développée en 1983
par Howard Gardner. Ce chercheur en neurosciences, profes-
seur à l’université de Harvard, s’est intéressé notamment aux
cas des enfants en grande difficulté d’apprentissage scolaire.
Le fruit de ses recherches introduit alors une nouvelle façon
d’envisager et de comprendre l’intelligence.

84
3. Observer pour mieux enseigner

Les huit intelligences multiples (d’après Howard Gardner)

1. Intrapersonnelle : aptitude à accéder à ses propres sentiments et à


reconnaître ses émotions ; connaissance de ses propres forces et faiblesses.

2. Interpersonnelle : aptitude à discerner l’humeur, le tempérament,


la motivation et le désir des autres personnes et à y répondre correctement.

3. Kinesthésique et corporelle : aptitude à maîtriser les mouvements de son


corps et à manipuler des objets avec soin.

4. Verbale et linguistique : sensibilité aux sons, aux structures, à la signification


et aux fonctions des mots et du langage.

5. Logico-mathématique : sensibilité aux modèles logiques ou numériques


et aptitude à les différencier ; aptitude à soutenir de longs raisonnements.

6. Musicale et rythmique : aptitude à produire et à apprécier un rythme,


une tonalité et un timbre ; appréciation des formes d’expression musicale.

7. Visuelle et spatiale : aptitude à percevoir correctement le monde


spatio-visuel et à y apporter des transformations.

8. Naturaliste : aptitude à discerner l’organisation du vivant.

Principes clés de la théorie


}}
Selon Gardner, chaque personne est dotée, dès la naissance,
d’un bouquet de huit intelligences, et, en fonction du contexte,
elle en développera davantage telle ou telle. Aucune de ces
intelligences ne disparaît jamais totalement. Aucune n’est supé-
rieure à une autre. Elles fonctionnent en réseau et interagissent
les unes avec les autres. À tout âge, il reste toujours possible de
redécouvrir et développer telle ou telle intelligence.

85
3. Observer pour mieux enseigner

Les intelligences et l’école


}}
À l’école, les deux intelligences les plus sollicitées sont la
verbale-linguistique, elle-même réduite au savoir « lire-écrire »,
et la logico-mathématique, réduite à son tour au savoir compter.
On arrive ainsi aux fameux fondamentaux « lire-écrire-
compter ».
Se priver des six autres intelligences et des connexions exis-
tantes entre elles empêche les élèves les moins agiles dans les
deux premières de progresser et de développer leur potentiel
verbal, linguistique, logique et mathématique.
Voici quelques exemples de l’interconnexion des intelligences :
– un enfant peu hardi en calcul mental, mais très sensible au
rythme musical apprendra bien plus facilement ses tables en
musique ;
– un enfant peu inspiré en expression écrite mais très visuo-
spatial trouvera de vrais supports d’inspiration au travers
d’images et d’illustrations, plus évocatrices et parlantes pour
lui, qu’un énoncé de type : « Racontez vos dernières vacances » ;
– un enfant rencontrant des difficultés de compréhension en
lecture, mais par ailleurs très habile dans ses relations inter-
personnelles gagnera sans doute en confort grâce à une lec-
ture alternée ou dialoguée.
Cette théorie issue des neurosciences est largement reprise et
développée aujourd’hui par Bruno Hourst. Elle présente l’avan-
tage de fournir à l’enseignant tout à la fois des moyens de lec-
ture et de compréhension des aptitudes de ses élèves ainsi que
des moyens d’action pédagogiques.
La théorie des huit intelligences fournit :
– un cadre d’observation pour repérer les intelligences fortes
des élèves et les aider à en prendre conscience ;
– des moyens de valoriser chaque type d’intelligence, aucune
n’étant plus noble qu’une autre ;

86
3. Observer pour mieux enseigner

– un panel riche de diversifications pédagogiques ;


– des entrées variées pour la mise en place de suivis person-
nalisés.

Point de vigilance
Le risque, comme pour toute théorie, est d’en faire un outil
modélisant, unique et donc enfermant. Ce serait ici contraire
aux principes, aux fondements et aux valeurs portés par Gardner.

Pour citer ici un auteur de référence en matière de complexité,


Edgar Morin parlera, lui, de stratégie de reliance au service de
la complexité de l’intelligence.
« Quand je parle de complexité, je me réfère au sens latin
élémentaire du mot “complexus”, «ce qui est tissé ensemble».
Les constituants sont différents, mais il faut voir, comme dans
une tapisserie, la figure d’ensemble. Le vrai problème, c’est que
nous avons trop bien appris à séparer. Il vaut mieux apprendre
à relier. Relier, c’est-à-dire pas seulement établir bout à bout
une connexion, mais établir une connexion qui se fasse en boucle.
Du reste, dans le mot relier, il y a le “re”, c’est le retour de la
boucle sur elle-même. La connaissance doit avoir aujourd’hui
des instruments, des concepts fondamentaux qui permettront de
relier3. »

3. Edgar Morin, « La stratégie de reliance, pour l’intelligence de la complexité », in


Revue internationale de systémique, vol. 9 n° 2, 1995.

87
3. Observer pour mieux enseigner

Comment faire face à cette complexité


Tout d’abord, vous déculpabiliser, vous n’êtes pas responsable
de la difficulté d’enseigner, vous en êtes le témoin au quotidien
et bien souvent la première victime. En revanche, vous êtes
responsable de la manière dont vous allez orchestrer cette
complexité. Pour autant, vous n’êtes pas seul, il conviendrait
donc davantage de parler de co-responsabilté. Il s’agit d’une
réflexion à mener en équipe et en association avec les familles
de manière à définir conjointement les axes prioritaires de
travail et les stratégies à mettre en œuvre.

☛☛Choisir ses priorités grâce à l’équipe


Vouloir tout faire, c’est s’assurer de ne rien bien faire Et faire
chacun dans son coin conduit inévitablement à un manque de
cohérence, de visibilité, d’efficacité. Le travail d’équipe sert tout
à la fois le travail et l’équipe. Il évite l’isolement et la grande
solitude qu’on peut éprouver, enfermé dans la « boîte noire » de
sa classe. Toutefois, toutes les écoles ont un fonctionnement dif-
férent. Si vous sentez que les us et coutumes de l’établissement
ne vont pas dans le sens du partage, trouvez-vous des parte-
naires. Soit au sein du cycle dans lequel vous êtes affecté, soit en
vous liant par affinité avec un ou deux enseignants, même s’ils
exercent à des niveaux de classe différents. Le tout est de ne pas
rester seul et de pouvoir mutualiser.
Quatre grands thèmes à aborder en équipe :
– la diversification ;
– la différenciation ;
– l’accompagnement personnalisé ;
– l’évaluation.
Pour chacun de ces thèmes, partir de ces trois principes :
✗✗ Il s’agit d’un travail d’équipe autant que d’un travail personnel.

88
3. Observer pour mieux enseigner

– Commencer par parler d’un des thèmes en équipe.


– Partir de ses points d’appui personnel et faire un état des lieux
de ses pratiques de classe.
✗✗ Mieux vaut avancer à petits pas que reculer après un échec :
– Choisir en équipe un besoin clairement identifié et partagé.
– Choisir en classe un élément sur lequel vous allez concentrer
vos efforts.
✗✗ Pas de projet sans évaluation :
– Définir ce qu’on veut essayer et les résultats attendus.
– Prévoir à court terme un bilan d’étape des actions entreprises.
Ne pas oublier que, quelles que soient les priorités retenues en
fonction des observations de chacun des membres de l’équipe, il
convient de s’inscrire dans une démarche apprenante qui néces-
site de se donner le droit au tâtonnement et parfois même à
l’erreur.

☛☛Faire de la systémique une alliée


Dans un système, chaque élément du tout étant relié aux
autres par une infinité de liens, choisir de travailler sur un seul
de ces éléments permettra in fine de jouer sur l’ensemble du
système. Voilà qui devrait rassurer l’enseignant perfectionniste
qui, affolé par l’ampleur de la tâche, court le risque, en voulant
tout faire, de s’épuiser, se désespérer et de se perdre dans un
tout insaisissable. Il est donc question ici de stratégie à moyen
et long terme, de priorité à définir en équipe et d’expérimen-
tation professionnelle à mener dans sa classe.
C’est votre première classe, votre première rentrée, misez
donc sur vos talents, vos atouts, vos compétences, vos appé-
tences. N’oubliez pas de prendre goût à ce que vous faites, vous
le ferez avec foi et authenticité. Le reste suivra, faites-vous
confiance et donnez-vous du temps.

89
3. Observer pour mieux enseigner

Pour vous aider à trouver un point d’entrée dans cette com-


plexité, consultez le document ci-contre sous forme de carte
mentale. Il vous permettra d’avoir une vision globale de ce que
peut signifier enseigner et de choisir une ou deux priorités sur
lesquelles vous concentrerez davantage vos efforts.
Il s’agit d’un outil d’observation élaboré lors de la mise en
place du tutorat dans la formation initiale des enseignants, outil
conçu dans une optique d’accompagnement du jeune profes-
sionnel en lien avec des points de vigilance particuliers. On y
voit différentes branches reliées par des pointillés qui n’ont rien
de statiques ou de finis.
À vous de tracer de nouvelles trajectoires, en fonction de vos
besoins et de vos pratiques d’enseignement. Sur chacune de ces
branches, on peut également observer de minis ballons de bau-
druches codés de C1 à C10. Il s’agit là d’un écho au dix compé-
tences professionnelles du référentiel métier.

Les dix compétences du professeur


C1 : Agir en fonctionnaire de l’État et de façon éthique et
responsable.
C2 : Maîtriser la langue française pour enseigner et communiquer.
C3 : Maîtriser les disciplines et avoir une bonne culture générale.
C4 : Concevoir et mettre en œuvre son enseignement.
C5 : Organiser le travail de la classe.
C6 : Prendre en compte la diversité des élèves.
C7 : Évaluer les élèves.
C8 : Maîtriser les technologies de l’information
et de la communication.
C9 : Travailler en équipe et coopérer avec les parents
et les partenaires de l’école.
C10 : Se former et innover.

90
3. Observer pour mieux enseigner

Pour avoir accès à la carte mentale en couleurs, vous pouvez vous reporter
au site de l’auteure :
http://lewebpedagogique.com/ostiane/files/2009/11/Observer-et-accompagner1.JPG

91
3. Observer pour mieux enseigner

Comme en témoignent les différents tracés, on s’aperçoit qu’il


s’agit bien d’un tout dont les différents éléments sont reliés.
Si vous choisissez, par exemple, en début d’année de focali-
ser votre attention sur l’élaboration de vos consignes, et l’on ne
peut que vous encourager dans cette voie, vous constaterez très
vite que cette priorisation vous aidera :
– à travailler la maîtrise de la langue en lien avec les disciplines
concernées ;
– à agir sur les différentes fonctions de la parole en classe ;
– à modeler différents dispositifs d’évaluation ;
– à mieux gérer la mise au travail de vos élèves ;
– à développer vos compétences en termes de gestion de classe ;
– à affiner les typologies d’activités que vous proposerez ;
– etc.
En résumé, on le constate visuellement ici, en entrant par l’un
des multiples points du système, vous touchez à l’ensemble du
système. C’est cela, faire de la systémique une alliée et jouer
avec la complexité.

92
4. L’adaptation,
un moyen au service
de l’apprentissage

L’ adaptation n’est ni une béquille


temporaire, ni un recours d’ultime
secours, c’est un réel principe de base et
Un principe clé

un moyen fécond d’enseignement. L’adaptation est


présente à chaque étape du processus d’enseignement.
Elle doit être pensée et organisée de façon à devenir
un moyen au service de l’apprentissage de tous les élèves.
Elle se situe au niveau des approches, des consignes,
des rythmes et du suivi des parcours. Elle permet de relier
collectif et personnel, enseignement et apprentissage,
construction et évaluation des savoirs.

Diversifier les approches pédagogiques


Lorsque l’on parle d’une alimentation diversifiée, on évoque
tout à la fois la diversité des saveurs, des odeurs, des couleurs,
des textures, et celle des différentes catégories d’aliments. Puis,
immédiatement, on met en lien cette diversification alimentaire
avec les besoins essentiels de l’organisme. Pour s’épanouir avec
équilibre et harmonie et croître en bonne santé, le corps néces-
site d’être nourri d’une pluralité nutritionnelle et sensorielle
adaptée à ses besoins physiologiques. Eh bien, il en est exacte-
ment de même pour l’apprentissage.

93
4. L’adaptation, un moyen au service de l’apprentissage

Plus vous diversifierez vos approches, vos supports, vos


formes de présentation et plus vous adapterez le contenu
d’enseignement aux différents profils d’apprentissage de vos
élèves en permettant à chacun d’entre eux de trouver, grâce
à cette multiplicité, le cadre ou la clé qui lui offrira le meilleur
moyen d’entrer dans l’apprentissage. Il s’agit ici, par le biais
de la diversité des approches que vous proposez, de toucher le
maximum d’élèves. Plus cette diversification sera riche et omni-
présente pour tous, plus vous répondrez sans stigmatisation et
de manière très naturelle aux attentes des enfants « diagnosti-
qués » à l’extérieur de l’école comme ayant des « besoins édu-
catifs particuliers ».

☛☛Un exemple de diversification en histoire


pour le cycle 2
L’objectif, dans cet exemple, concerne la construction de la
notion de temporalité en histoire. Les compétences visées sont :
se repérer et se situer dans le temps.

1. Diversifier en alternant les supports :


– les types d’écrits : le calendrier, le récit historique, le texte
épistolaire, le journal intime, le reportage, etc. ;
– les supports visuels : des frises, des photos, des peintures, des
objets, des vidéos, etc. ;
– les supports audio : des musiques, des bandes sons, des poèmes,
des chansons, des témoignages, etc.

2. Diversifier en variant les thèmes :


– les inventions ; – les transports ;
– les métiers ; – les vêtements ;
– l’école ; – les jeux ;
– les paysages ; – etc.
– les quartiers ;

94
4. L’adaptation, un moyen au service de l’apprentissage

3. Diversifier en modifiant les tâches à accomplir :


– rechercher ; – raconter ;
– trier ; – décrire ;
– observer ; – mimer ;
– comparer ; – construire ;
– ordonner ; – etc.

4. Diversifier en jouant sur les modalités de travail :


– en grand groupe ; – en binôme ;
– en atelier ; – en individuel ;

☛☛Plus on diversifie, plus on personnalise


Cette diversification que vous incarnez et mettez en scène
collectivement permet bien d’adapter le message et la notion
que vous souhaitez aborder en fonction des profils, des centres
d’intérêt et des sensibilités de chacun, et non pas en fonction
des aptitudes ou du niveau de compétence de chacun des élèves.
Vous parlez ainsi à tout le groupe en vous donnant une chance
à un moment ou à un autre de vous adresser à chacun.
Reprenons l’image culinaire du début de chapitre. Mettez sur
la table des carottes râpées, des carottes à la crème, une soupe
de carotte, une purée de carotte, des carottes nature à croquer,
un gratin de carotte et un gâteau à la carotte. Il y a fort à parier
que vous aurez bien plus de chance de trouver preneur, de réga-
ler et de nourrir l’ensemble de vos convives qu’en ne proposant
qu’un plat unique censé correspondre à tous : des carottes à
l’eau. C’est un peu cela, la diversification des approches.

95
4. L’adaptation, un moyen au service de l’apprentissage

Les consignes,
base de la relation pédagogique

Le rôle de la consigne est prépondérant dans le dispositif


d’enseignement. C’est elle qui intronise la tâche à accomplir. Elle
relie vos attendus en termes d’accomplissement de la tâche et
induit la bonne compréhension de cette dernière par les élèves.
Enfin, elle autorise ou non l’enfant à entrer dans l’apprentis-
sage demandé, dans l’exercice proposé ou dans l’évaluation pré-
sentée. Une attention toute particulière doit donc être portée à
l’élaboration de vos consignes, à la manière dont vous allez les
communiquer ainsi qu’au soin que vous prendrez à vérifier la
bonne traduction de celles-ci par vos élèves. C’est véritablement
un triple point de vigilance à garder sans cesse en tête.

La consigne incarne et porte en elle toute la complexité de la


relation pédagogique : la relation à l’autre, la relation au savoir,
la relation à l’apprendre et la mise en relation harmonieuse et
efficace de ces trois dimensions dans le but de mettre en action,
dans un contexte précis et avec une finalité particulière, une
pluralité de savoirs, savoir-faire et savoir-être.

☛☛La consigne et la relation à l’autre


Une consigne est censée communiquer à l’autre par le truche-
ment du langage une commande d’action précise. La première
des vigilances réside donc dans une utilisation de termes com-
préhensibles, appropriés et adaptés au destinataire, tous issus
d’un lexique connu car utilisé précédemment. Le message d’une
consigne doit avant tout mettre en confiance. Il doit conduire
l’autre à l’élaboration mentale de ce premier préalable positif :
« Je comprends ce qu’on me demande de faire, même si je ne suis
pas à ce stade encore certain de savoir bien le faire. »

96
4. L’adaptation, un moyen au service de l’apprentissage

Exemple de consigne en moyenne section


Objectif pédagogique : évaluer la reconnaissance d’une forme
géométrique particulière, quelle que soit sa taille et sa disposition
dans l’espace.
Consigne orale : « Il faut colorier en rouge tous les triangles que
vous voyez, et seulement les triangles. »
Ce type de consigne orale sera le plus souvent possible
accompagné d’une consigne gestuelle mimée et exécutée
par vous.
De manière à valider la bonne compréhension de la tâche
à effectuer, il sera utile de la faire reformuler par un enfant
puis ré-exécuter par un autre face au groupe.
Sur la feuille individuelle de l’enfant apparaîtra la consigne qui lui est
adressée et reprise sous une forme écrite synthétique et évocatrice.
On usera, par exemple, sous la consigne écrite, de pictogrammes
connus des enfants, associés à des mots en couleur et/ou à des
formes en fonction de ce que vous cherchez à obtenir de l’élève.
Sur le tableau et en grand, les enfants retrouvent un exemplaire
grand format de leur feuille individuelle.

Ce qui peut donner :


« Colorie en rouge tous les triangles que tu vois. »

CONSEIL PRATIQUE
XXX
De manière à vous saisir de ce temps d’évaluation comme d’un
temps privilégié d’observation, proposez ce genre d’activité en
atelier de six ou sept enfants regroupés sur un îlot de tables et
travaillant individuellement. Les autres élèves étant répartis dans
d’autres ateliers en autonomie. Cela vous permet d’observer les
stratégies de chacun et de relever de précieux indices pour la suite.

97
4. L’adaptation, un moyen au service de l’apprentissage

☛☛La consigne et la relation au savoir


Vous aurez certainement à vous poser la question suivante :
que faire si certains enfants n’ont pas colorié TOUS les triangles
présents ? La reconnaissance de l’objet d’étude est-elle acquise
ou non ? Vous observerez que la consigne demande de colo-
rier tous les triangles vus et non tous les triangles sans excep-
tion. Ce qui importe ici est d’être cohérent avec vos objectifs
en termes de savoirs construits. Si un enfant a colorié les trois
quarts des triangles mais n’a pas fait de confusion avec d’autres
formes géométriques, c’est que la compétence est belle et bien
acquise. Il est important, lorsqu’on évalue une compétence, de
ne pas confondre perfection et acquisition.
Si, en revanche, de nombreuses erreurs apparaissent à côté
de nombreuses réussites, il faudra revoir ultérieurement avec
l’enfant ce qu’il entend par triangle, lui demander de compa-
rer ses réussites avec ses erreurs, d’expliciter les différences en
termes de nombre de côtés et de sommets, lui faire manipuler
sur le plan de sa table des triangles de toutes dimensions, puis,
une fois cette phase d’entretien oral terminée, lui proposer une
autre chance de savoir faire :
« Maintenant que tu as compris tes erreurs et que tu sais
reconnaître un triangle d’une autre forme géométrique, quelle
que soit sa place dans l’espace, tu vas reprendre ton travail et
découper aux ciseaux tous les triangles que tu vois, nous colle-
rons tes réussites dans ton cahier personnel. »
De cette manière, vous accompagnez l’apprentissage, vous
valorisez les réussites, vous autorisez l’erreur, vous vous servez
d’elle comme d’une alliée, vous adaptez de nouvelles consignes
et proposez d’autres manière de faire, ainsi vous autorisez l’en-
fant à se construire une représentation positive du savoir.

98
4. L’adaptation, un moyen au service de l’apprentissage

Le point de vue de Pierre Vermersch


« L’efficacité d’un apprentissage n’est nullement garantie par
la simple réussite immédiate. En revanche, quand le sujet prend
du recul par rapport à ce qu’il fait, comprend comment il s’y est
pris et peut expliciter ses méthodes et ses procédures de travail,
alors il devient progressivement capable d’agir seul, à sa propre
initiative et de transférer ce qu’il a appris. »

☛☛La consigne et la relation à l’apprendre


Le travail sur les consignes peut, à lui seul, constituer un axe
de développement de la compétence 7, à savoir l’accès à l’auto-
nomie et à la prise d’initiative. Dans ce cadre-là, il est intéressant
de vous confectionner, au fil du temps et en fonction du niveau
de classe dont vous aurez la charge, une banque d’étiquettes
lexicales, d’icônes et de pictogrammes relatifs aux consignes.
Pensez à confectionner avec les élèves une boîte à consignes
grand format pour la classe et à leur en faire fabriquer une indi-
viduelle à garnir au fur et à mesure des apprentissages.
À partir de là, et en fonction de l’âge des enfants, on pourra
imaginer toutes sortes d’activités langagières et comportemen-
tales autour de l’élaboration et de l’écriture de consignes à faire
réaliser par des élèves puis exécuter par leurs pairs. Il s’agit ici
d’aider l’enfant à se représenter en train de faire, en train de
faire faire et ainsi d’anticiper ce qu’on sera susceptible de lui
demander de faire dans différentes situations de classe, voire en
dehors de la classe et de l’école. Vous pourrez alors travailler
avec eux autour de plusieurs axes pour leur permettre, grâce au
repérage lexical et syntaxique, de comprendre le sens, la signi-
fication, la logique, l’intention et la portée d’une consigne.

99
4. L’adaptation, un moyen au service de l’apprentissage

☛☛Classification des consignes


Ces différentes classifications vous permettront d’appréhen-
der l’aspect multiforme des consignes. Averti de cette pluralité,
vous pourrez en user avec discernement et mettre en place avec
les élèves un véritable travail autour des consignes : écriture,
lecture, traduction, transposition.

Catégories et types de consignes

Les grandes catégories


Les types de consignes
de consignes

Les consignes de travail Les consignes explicites : « Illustre cet


adage par un dessin de ton choix »
Les consignes du vivre ensemble
Les consignes semi-explicites :
Les consignes de jeu « Quel est le point commun
grammatical entre tous ces mots
Les consignes de sécurité soulignés ? »

Les consignes d’organisation Les consignes implicites :


« Dans cet extrait, que peut-on
déduire du caractère du héros ? »

On veillera à utiliser et adapter tel ou tel type de consignes


en fonction des objectifs pédagogiques poursuivis et des com-
pétences que l’on souhaite mobiliser et/ou évaluer. On se gar-
dera, si les attentes sont précises, de rester dans l’implicite. En
revanche, si on cherche à faire émerger librement des repré-
sentations ou des stratégies singulières, on s’appuiera sur l’im-
plicite en prenant alors soin d’en accepter les conséquences, à
savoir l’expression de propositions spontanées que l’on n’aura
pas anticipées et qu’il conviendra d’accueillir.

100
4. L’adaptation, un moyen au service de l’apprentissage

La classification de Bloom permet d’approcher au plus près


la formulation des consignes en lien avec des attendus exprimés
sous forme d’actions objectivées.
D’après Bloom, six grandes capacités cognitives peuvent être
sollicitées selon les « verbes d’action empruntés » correspon-
dant eux-mêmes à des objectifs d’apprentissage précis :
✗✗ Reconnaître : « Liste, nomme, identifie, cite, souligne, relie,
etc. » pour récupérer de l’information
✗✗ Comprendre : « Donne un exemple, classe, explique, illustre,
observe, etc. » pour traiter l’information
✗✗ Appliquer : « Utilise, exécute, construis, résous, réalise,
etc. » pour mobiliser des connaissances et des savoir-faire
✗✗ Analyser : « Organise, recherche, compare, structure, etc. »
pour identifier des éléments d’un tout
✗✗ Évaluer : « Choisis, justifie, contrôle, sélectionne, argumente,
etc. » pour estimer en appliquant des critères
✗✗ Créer : « Propose, invente, imagine, compose, etc. » pour
concevoir une idée, un projet, un produit

Sur ce thème relatif aux consignes, n’hésitez pas, tant il est


majeur, à vous référer aux recherches qui s’y sont attelé. Elles
sont riches d’enseignements et vous permettront de manière
très concrète de relier réflexion et pratique. Je citerai pour clore
cette section les cinq recommandations délivrées par Jean-
Michel Zakhartchouk, professeur, formateur et auteur, dans la
même collection, de l’ouvrage Réussir ses premiers cours.

101
4. L’adaptation, un moyen au service de l’apprentissage

Cinq recommandations
pour l’utilisation des consignes
1. Il ne suffit pas d’améliorer nos consignes ; et, nous défaisant de
l’illusion de la consigne parfaite, attelons-nous à la tâche d’aider
les élèves à savoir lire toute consigne, même floue ou mal bâtie.
2. Cet enseignement méthodologique doit à la fois être construit,
se développer de façon structurée et être occasionnel, réitéré
régulièrement au quotidien.
3. Il s’agit à la fois de faire réfléchir les élèves, en développant des
activités méta et de leur faire acquérir de bons automatismes, en
les faisant passer du noviciat à l’expertise. Il n’y a pas à opposer
ces deux modes de l’apprentissage, mais à les conjuguer.
4. Ce travail se situe tout autant en cours ordinaire que lors d’activités
spécifiques, certaines concernant davantage les élèves en difficulté.
5. La compréhension des consignes implique plusieurs piliers
du socle commun, le 1, probablement le 4, certainement
le 7 et d’une certaine façon le 6.

Moduler les rythmes


Adapter les contenus en diversifiant les approches, adapter
également les consignes en les différenciant selon les atten-
dus, sont deux points de vigilance auxquels il faudra ajouter la
nécessité d’adapter les rythmes en ayant toujours en tête l’his-
toire de la tortue et de son rival, le lièvre.
Chaque enfant a son propre rapport au temps et chaque élève
l’exerce de manière différente en fonction de sa motivation,
bien sûr, mais également en fonction de la tâche à réaliser et
de son mode préférentiel d’apprentissage. Il vous faudra tenir
compte de cette diversité de rythme d’apprentissage, là encore
en l’incorporant dès le départ dans la conception de vos séances.
Si vous partez du principe que lutter contre cette donnée est un

102
4. L’adaptation, un moyen au service de l’apprentissage

risque vain et contreproductif, vous pourrez même assez rapi-


dement tirer parti et profit de cette hétérogénéité naturelle.

☛☛Gérer les rythmes dans un grand groupe


Pour les temps de travail en collectif, il peut arriver que vous
proposiez à tous la même activité en même temps. Prévoyez
alors des espaces annexes dotés, par exemple, de jeux éducatifs
pour que les enfants les plus rapides puissent, à l’issue de leur
travail, aller s’adonner à d’autres activités silencieuses pour ne
pas déranger le groupe : casse-tête chinois, Rubik’s cube, grilles
de mots fléchés, puzzles, Tangram, solitaires, cartes à jouer en
mode patience, sudokus, jeu des embouteillages, etc.
Une charte spéciale « Et maintenant, je fais quoi ? » pourrait
être élaborée en début d’année pour formaliser l’organisation de
la prise en compte des différences de rythme.

Et maintenant, je fais quoi ?


« Quand j’ai fini un travail, je peux :
– jouer en silence ; – faire des propositions
– lire un livre ; pour la boîte à idées ;
– me reposer ; – écrire dans le cahier
– aller m’entraîner sur de vie collective ;
un poste d’ordinateur ; – avancer dans mon plan
– terminer un dessin ; de travail personnalisé ;
– revoir une poésie ; – etc.
– confectionner une affiche
mémo pour la classe ;

Je dois respecter le temps de travail des autres élèves et


me déplacer en silence pour ne pas les déranger. Si l’enseignant
en a donné l’autorisation en début d’activité, je peux aussi proposer
mon aide à un camarade parce que savoir, c’est bien, mais
partager le savoir, c’est encore mieux ! »

103
4. L’adaptation, un moyen au service de l’apprentissage

Deux précautions sont à prendre :


✗✗ Certains enfants sont experts pour « se débarrasser » très vite
d’une tâche afin de vaquer à d’autres activités plus réjouis-
santes à leurs yeux. Il faudra alors leur apprendre à auto-
valider leur « arrêt de travail » par un petit questionnaire qui
pourra être adapté en fonction de l’âge et de l’activité réalisée :
– ai-je bien lu la consigne ?
– ai-je bien répondu à toutes les questions ?
– ai-je soigné ma présentation ?
– ai-je vérifié mon orthographe ?
– ai-je utilisé la bonne opération ?
– etc.
✗✗ Ce sont souvent les mêmes enfants qui finissent les premiers,
il faudra alors veiller, par souci d’équité, à proposer ces temps
libres à d’autres moments aux autres enfants pendant que les
experts en rapidité seront investis, eux, dans des tâches du
type :
– j’apprends à me lancer dans une activité à long terme ;
– j’apprends à devenir minutieux, méticuleux ;
– j’apprends à aiguiser mon sens du détail.

La ludo-famillo-thèque
Une façon économique, éducative et pédagogique de vous
constituer en classe un coin jeu évolutif, vivant et à moindre frais,
est d’inviter les familles dès le début d’année à construire et enrichir
cet espace par des dons ou des prêts mensuels.
Vous pouvez alors suggérer à des parents volontaires, après leur
avoir expliqué l’objectif de cette demande, de jouer alternativement
le rôle de relais-ludothèque en charge de la communication et
de l’élaboration des fiches de prêt.
Vous pourriez enfin les convier à tour de rôle et leur confier des
ateliers de mise en route et de découverte lors de l’introduction
de nouveaux jeux.

104
4. L’adaptation, un moyen au service de l’apprentissage

En procédant ainsi :
– vous impliquez les parents en valorisant leur présence ;
– vous ouvrez des passerelles éducatives ;
– vous permettez aux parents de s’investir autrement que comme
« parent d’élève » ;
– vous les autorisez à entrer dans votre démarche pédagogique ;
– vous jouez le jeu de la co-éducation et du partenariat éducatif ;
– vous faites le bonheur des enfants ravis de voir leurs parents
participer à la vie de la classe.

☛☛Tirer profit des différences


dans les travaux de groupe
Dans un travail de groupe, tout le monde ne fait pas la même
chose en même temps, sinon, ce n’est pas un travail de groupe
mais du travail en groupe…

Le point de vue de Gérard De Vecchi


« Travailler en groupe, c’est simplement se regrouper ; le travail de
groupe suppose une coopération et une implication collective1. »

L’enrôlement personnel de chaque enfant au service d’une


réalisation commune et collective se révèle un dispositif idéal
pour valoriser les compétences propres à chacun. Il permet
également à chacun de progresser selon son rythme dans des
domaines et sur des sujets représentant alors un défi tant pour
le groupe en question que pour chacun des élèves investis.
Les travaux de groupe sont souvent boudés par les ensei-
gnants qui redoutent le chahut, la prise de pouvoir par les plus

1. Gérard De Vecchi, Un projet pour enseigner le travail de groupe, éditions


Delagrave, 2006.

105
4. L’adaptation, un moyen au service de l’apprentissage

dominants, la mise en retrait des plus timides, la perte de


contrôle sur ce qu’ont réellement fait les uns et les autres. Ce
sont effectivement là de véritables risques qui mettent en évi-
dence le rôle central de l’enseignant qui s’y frotte.
Pour les travaux de groupe, il faut à la fois énoncer très
clairement l’attendu final et prévoir une organisation du
travail garantissant la bonne marche du projet. Le travail pré-
liminaire résidera donc dans cette mise en projet de tous et
de chacun au travers d’un questionnement d’ordre méthodo-
logique. Les élèves doivent bien avoir en tête ce que signifie
un travail de groupe. Ils doivent en connaître les objectifs en
termes de réalisation et de résultat, mais également, et c’est là
un point crucial, en termes d’apprentissages liés à la gestion de
projet, aux notions de coopération et collaboration.

Exemple en CM2
Réalisation d’un poster « Pour bien relire
sa dictée »
Les compétences sollicitées sont :
les connaissances :
– connaître les savoirs disciplinaires en question,
– connaître son niveau de compétences dans ce domaine,
– connaître les ressources à disposition ;
les aptitudes :
– savoir communiquer par oral et par écrit,
– savoir s’engager dans un projet, s’organiser, co-agir,
– savoir développer un esprit critique, assurer le suivi du projet,
réajuster le cas échéant les termes du contrat de départ ;
les attitudes :
– faire preuve de motivation et de vision positive,
– faire preuve de sens de l’initiative et de créativité,
– faire preuve d’adaptabilité et de flexibilité.

106
4. L’adaptation, un moyen au service de l’apprentissage

Une fois posée sur le papier, l’ampleur de la tâche due aux


multiples savoirs, savoir-faire et savoir-être en jeu – il n’est pas
juste question ici d’orthographe –, on pourra lister au tableau
toutes les compétences nécessaires à la bonne marche d’un
tel projet. On invitera alors les enfants avant la constitution
des groupes à se questionner sur leurs points d’appui. Untel
se sait compétent en dictée, unetelle est pourvue de qualités
relationnelles reconnues, untel a le sens du détail et de la pré-
sentation, unetelle est une organisatrice née, untel aime le défi,
untelle fonctionne bien en résolution de problème, etc. Chacun
pourra inscrire sur un papier libre nominatif ses trois ou quatre
points forts par ordre décroissant et vous les soumettre.
Vous aurez alors en main une vision d’ensemble de la façon
dont vos élèves se perçoivent (précieux trésor au passage) et
serez à même de proposer un tableau récapitulatif de rôles
possibles à l’ensemble de la classe. Pour une meilleure visi-
bilité, vous pourrez regrouper par couleur les enfants se recon-
naissant dans une compétence commune.
L’étape suivante consistera en la composition des équipes qui
devra respecter ce simple mot d’ordre : dans chaque équipe, on
doit retrouver le maximum de couleurs. On appellera au tableau
les quatre ou cinq capitaines d’équipes : ceux qui se sont inscrits
comme compétents en termes de relations et/ou sens de l’orga-
nisation. Puis, comme on le fait souvent en sport, ils appelleront
chacun à leur tour un nouveau membre de leur équipe en tenant
compte de la consigne de départ : obtenir une équipe multi-
colore. Par souci d’équité et dans le respect d’un esprit collégial,
chaque nouvel appelé pourra appeler à son tour un nouveau
membre.
Avec ce dispositif :
✗✗ Les élèves savent ce qui les attend.
✗✗ Ils se sont personnellement investis.

107
4. L’adaptation, un moyen au service de l’apprentissage

✗✗ Ils ont été reconnus par le collectif.


✗✗ Les équipes sont constituées.
Pour continuer l’exercice, il vous faudra maintenant :
– spécifier et planifier les temps de travail ;
– mettre à disposition le matériel nécessaire ;
– veiller à la bonne marche des différents projets ;
– gérer les conflits sociocognitifs ;
– faire confiance au capital réussite de chacune des équipes ;
– encourager positivement à chaque avancée du projet ;
– accompagner les enfants qui ont du mal avec ce type de
dispositif ;
– valoriser le fait que, pour ce genre de tâche, l’intelligence
collective est toujours plus efficace et performante que le tra-
vail individuel.

Personnaliser, individualiser
et personnifier l’enseignement
On entend beaucoup parler, dans les discours relatifs aux poli-
tiques éducatives ou aux pratiques d’enseignement, de notions
se rapportant à la personnalisation ou à l’individualisation.
Parfois même, on entend le terme de personnification. Sans
doute faut-il commencer par une petite mise au point d’ordre
terminologique avant d’entrer dans la réalité des concepts. En
effet, de nombreuses interprétations hasardeuses sur ces sujets
tiennent au fait qu’on laisse s’installer un flou autour de la
définition même des mots lorsqu’on les emploie. De manière
à cerner ici ce dont on parle, il paraît cohérent de définir et
d’illustrer ces différents termes, de façon, par la suite, à les
ancrer sans quiproquo dans telle ou telle démarche éducative.

108
4. L’adaptation, un moyen au service de l’apprentissage

☛☛Personnaliser son enseignement


Personnaliser signifie donner un caractère personnel à un
objet, un lieu ou un message. En personnalisant son enseigne-
ment, le professeur va permettre de personnaliser les apprentis-
sages en fonction de l’élève à qui il s’adresse. Il va autoriser les
élèves à s’approprier le contexte. Cette personnalisation peut
s’effectuer sur différents éléments :
✗✗ personnaliser un porte-manteau, une présentation de cahier
ou de classeur ;
✗✗ personnaliser une classe à l’image de l’identité collective de
celle-ci : la classe des écureuils, la classe des explorateurs, la
classe des CP musiciens, etc. ;
✗✗ personnaliser une consigne : pour un même attendu, en fonc-
tion de l’élève, on pourra demander, par exemple :
– de relier par un trait les termes d’une opération et son
résultat, ou bien de réécrire l’opération dans son ensemble,
– de numéroter dans l’ordre
les phrases d’un court texte BON À SAVOIR
ou de le réécrire dans son
Personnaliser une consigne permet
intégralité, de l’adapter au profil de l’élève
– de trouver dans un extrait sans changer pour autant la com-
au moins trois verbes à l’in- pétence visée ni rabaisser le niveau
d’exigence.
finitif, ou bien six verbes,
– etc. ;
✗✗ personnaliser une correction en s’adressant directement à
l’élève :
– « Je n’arrive pas à lire ce que tu as écrit »,
– « Reporte-toi au point 4 de la leçon sur les parallélogrammes
pour corriger ta figure »,
– « Tu as bien progressé en orthographe lexicale »,
– « Comment as-tu trouvé ce résultat ? »,
– etc. ;

109
4. L’adaptation, un moyen au service de l’apprentissage

BON À SAVOIR

Corriger ne se résume ni à barrer ni à supprimer des points. Un élève


doit sentir que c’est SON travail que vous avez évalué, pas juste
l’exactitude du résultat d’un exercice. Il a droit, en retour de son
effort, à des indicateurs tangibles qui l’aideront à progresser.

✗ personnaliser un plan de travail hebdomadaire :


– en offrant à l’enfant la possibilité de suivre une progression
en lien avec ses propres défis,
– en lui permettant de sélectionner, parmi plusieurs exercices
relevant d’un même domaine et d’une même compétence,
celui qu’il souhaite,
– en lui autorisant à choisir ses moments d’évaluation, quand il
s’estime prêt,
– etc.

À propos du plan de travail


Lorsque l’on travaille à l’aide d’un plan de travail personnalisé, il
faut veiller à contractualiser la démarche. Il ne s’agit pas de laisser
l’enfant faire ce qu’il veut, comme il veut, quand il veut. Vous avez
des attendus et des exigences qui doivent être clairement expli-
cités. Au sein de ce cadre préalablement défini, l’élève apprendra
à devenir en partie autonome et responsable de son parcours
d’apprenti.

Le plan de travail personnalisé ne doit évacuer ni les temps


collectifs de classe ni l’aspect coopératif des apprentissages.
C’est un dispositif que l’on peut insérer dans un emploi du temps
hebdomadaire. Chaque matin, ou en fin d’après-midi et/ou encore
quand un enfant a terminé une tâche avant les autres.

110
4. L’adaptation, un moyen au service de l’apprentissage

Le plan de travail personnel se différencie de l’aide personnalisée.


Il est proposé à chaque élève au sein des heures de classe col-
lectives. L’aide personnalisée répond, quant à elle, à une exigence
institutionnelle qui prévoit, depuis 2007, que l’enseignant, libéré
de deux heures hebdomadaires devant la classe entière, réutilise
ces deux heures au profit d’enfants rencontrant des difficultés
particulières d’apprentissage. Chaque école ayant son propre dis-
positif d’aide personnalisée, il vous faudra vous enquérir de savoir
comment elle s’organise dans votre établissement.

Derrière le terme « personnaliser », on trouve une forte


dimension relationnelle autorisant la personne, ici l’élève, à
exister à part entière et à prendre sa place en étant reconnue
comme singulière. La reconnaissance de cette singularité ne doit
toutefois pas empêcher la reconnaissance du collectif auquel elle
appartient et dont elle est l’un des éléments. Personnaliser son
enseignement, c’est reconnaître l’enfant dans l’élève, ou l’élève
dans l’enfant, et reconnaître son caractère unique, original,
« extra »ordinaire. Personnaliser son enseignement revient à en
refuser l’aspect grégaire qui considère que tous les élèves, dispo-
sés les uns à côté des autres, doivent réaliser individuellement la
même tâche au même moment. Personnaliser son enseignement
permet à l’enfant, au sein du groupe, de se dire, de se penser et
de se représenter « moi avec les autres et au sein des autres » et
de passer plus volontiers du « je » au « nous » et inversement.

☛☛Individualiser son enseignement


Individualiser, c’est donner un caractère individuel à une
démarche, un apprentissage, un parcours. Dans le cadre de l’en-
seignement, il faudra veiller à bien différencier l’individualisa-
tion de la personnalisation en privilégiant, autant que faire se
peut, la seconde sur la première. En effet, le terme « individuel »

111
4. L’adaptation, un moyen au service de l’apprentissage

renvoie à celui d’individu. On notera que l’aspect personnel et


donc relationnel, – partant du principe qu’on ne peut devenir soi
qu’en relation aux autres –, n’apparaît plus dans le radical. Il dis-
paraît au profit du seul individu. Une pédagogie individualisée
renvoie à une conception solitaire, égocentrique, segmentée et
désincarnée de l’apprentissage. Travail individuel, matériel indi-
viduel, parcours individuel, une consigne pour tous et chacun
pour soi ou encore une consigne pour chacun et toujours cha-
cun pour soi, tels sont les éléments récurrents de l’enseignement
individualisé. Le risque encouru par une telle pédagogie est celui
du développement de l’individualisme, avec comme triste corol-
laire une vision marchande et consommatrice de l’école. « Moi,
mon projet, ma réussite et les autres », ou encore, ce à quoi on
assiste trop souvent, « Moi contre les autres ». Le « nous » a
disparu, il ne reste qu’une somme de « je ».

☛☛Personnifier son enseignement :


regarde comment tu enseignes,
tu verras d’où tu viens et qui tu es
Enseigner consiste à se positionner d’un point de vue anthro-
pologique et philosophique. C’est se poser la question des
valeurs transmises par les savoirs et via le mode d’acquisition
de ces savoirs. En ce sens, par le type de pédagogie qu’on utilise,
on incarne et donc on personnifie en soi les valeurs qu’on porte
et défend.

On entend souvent dire de tel enseignant qu’il est le pouvoir


personnifié, de tel autre l’autorité personnifiée, ou encore la jus-
tice personnifiée, le savoir personnifié, le laxisme personnifié,
l’ordre personnifié, la bienveillance personnifiée, etc. Derrière
ces jugements, il y a des gestes professionnels, et, derrière ces
gestes, il y a la personne avec tout ce que cela suppose en termes
d’héritage, de représentations et de valeurs.

112
4. L’adaptation, un moyen au service de l’apprentissage

L’héritage
}}
✗✗ La manière dont on enseigne traduit bien souvent la manière
dont on a été soi-même enseigné.
✗✗ La façon dont on évalue reflète bien souvent celle à laquelle
on a été soumise.
✗✗ La confiance qu’on place en la capacité de réussite de ses
élèves traduit bien souvent la confiance dont on a été gratifié.
✗✗ etc.
Heureusement, l’homme n’est pas qu’un héritier ; il est aussi
un « animal doué de raison » et doté de liberté. Avoir conscience
de cet héritage aidera à mieux penser et mieux exercer sa liberté.

Les représentations
}}
✗✗ Le type de relation pédagogique qu’on développe traduit la
vision qu’on se fait de la place et de la nature de la relation
dans l’apprentissage.
✗✗ L’espace d’autonomie et de responsabilisation qu’on laisse
aux élèves en dit long sur l’image qu’on a de son propre posi-
tionnement dans le dispositif d’apprentissage.
✗✗ La place qu’on laisse en classe à l’expérimentation entre
directement en résonnance avec la conception qu’on se fait
de l’erreur et de l’usage du temps.
✗✗ La capacité de dire « non » à un élève et la façon dont on pose ce
« non » révèle le schéma de pensée qu’on attribue à l’autorité.
✗✗ etc.
Là encore, il est possible, par une régulière analyse raison-
née de ses pratiques et par une coutumière formation, de com-
prendre les représentations qui dictent les gestes professionnels.
De ce point de vue, les groupes d’analyse de pratiques (GAP) sont
un moyen très efficace de compréhension et donc d’évolution.

113
4. L’adaptation, un moyen au service de l’apprentissage

Les valeurs
}}
Elles peuvent s’exprimer dans :
– les modalités d’accueil ;
– l’organisation du travail ;
– le dispositif d’évaluation ;
– la manière dont on valorise l’effort et l’engagement ;
– la gestion du cadre et des sanctions ;
– l’attention accordée au questionnement métaphysique et
existentiel ;
– la place faite à l’humour ;
– etc.
Ces attitudes sont autant d’indicateurs qui révèlent les
valeurs fortes de l’enseignant telles que la bienveillance, l’empa-
thie, l’entraide, l’exigence, la rigueur, la constance, la cohérence,
l’équité, l’humanisme, l’esthétique ou l’optimisme… Voilà pour-
quoi on ne peut dissocier l’acte éducatif de l’acte d’enseigne-
ment, l’un et l’autre étant intimement liés.

114
5. Faire équipe,
une compétence
essentielle
A vec les élèves
F édérer, collaborer, coopérer,
mutualiser, ces compétences-là,
attachées à la démarche de « faire
les parents,
,
l’établissemen
équipe », sont essentielles et centrales. t,
Elles touchent, en effet, l’ensemble du les réseaux
système éducatif et se déclinent aussi
bien au quotidien en classe avec les élèves, qu’avec
les familles dans un esprit de partenariat éducatif,
et également avec les différents membres de l’équipe
d’établissement. Sans oublier la formidable ouverture
que proposent aujourd’hui les réseaux sociaux et dont
on aurait bien tort de se priver, tant ils sont riches
en termes d’échanges, d’auto et de co-formation.

Fédérer le groupe-classe
« Chouette, demain, je retourne en classe ! » Quel ensei-
gnant ne rêve-t-il pas d’entendre l’élève prononcer ces mots ?
Combien de parents partagent aussi cette attente ? Combien
d’enfants rêvent un jour de pouvoir les prononcer ? Combien
d’entre eux ignorent juste que c’est possible ? Et enfin combien
de parents et d’enfants souhaiteraient lire cette envie du lende-
main dans les yeux de leur enseignant.

115
5. Faire équipe, une compétence essentielle

☛☛Faire équipe donne envie et l’envie fédère


le groupe
Susciter l’envie du lendemain, l’envie de l’encore, l’envie de
davantage et de toujours plus… quel beau projet !

Rêves d’élèves…
Demain, je vais retrouver mes camarades, demain, je vais apprendre
encore, demain, je vais réussir. Demain soir, après ma journée
d’école, je serai encore moi mais je serai plus riche de savoirs, de
culture, d’amitié, de projet, de confiance. Oui, demain soir, j’aurai
encore grandi et cela ne me fait pas peur… parce qu’on est une
classe forte, soudée, même si on n’est pas tous les meilleurs amis
du monde, parce que le maître nous attend, nous connaît, nous
permet d’apprendre chaque jour quelque chose de différent, parce
que même quand c’est difficile, on sait que c’est normal et qu’on
n’est pas seul, parce qu’on regarde dans la même direction même
si on ne prend pas tous le même chemin, parce qu’hier, on a planté
des graines et que j’ai hâte de voir comment ça pousse, parce
que demain, je passe ma ceinture marron de numération et que je
pourrai devenir tuteur à mon tour, parce que demain, c’est le jour
du conseil de coopération et que j’ai plein de choses à proposer,
parce que demain, c’est mon copain Mustapha le gardien de l’arbre
à palabres et il va nous raconter un conte de chez lui, parce que
demain, le maître l’a annoncé, on accueille un nouveau camarade
et on lui a préparé une surprise, parce que demain, oui, c’est sûr,
demain sera différent d’hier et d’aujourd’hui !

Oui, c’est bien tout cela qui se joue dans une journée d’école,
et « l’apprendre » est bien au centre ; plus encore : il est le cœur
du dispositif. Il est inconcevable de fédérer des élèves autour
de la seule obligation scolaire ou du seul programme. Il faut
un projet, un désir pour se lever le matin et aller à l’école et
ce projet consiste bien à apprendre. Si les enfants se démobi-
lisent, c’est très souvent qu’ils ont l’impression de n’être pas ou

116
5. Faire équipe, une compétence essentielle

plus capables d’apprendre ou, au contraire, de ne rien apprendre


qu’ils ne savaient déjà ou encore d’apprendre « des choses »
dont ils ne comprennent ni le sens ni la signification. On entend
souvent cette phrase absurde : « Cet élève n’EST pas motivé. »
Mais la motivation ne fait pas partie du caractère intrinsèque
de la personne, c’est un état d’esprit qui se développe au contact
d’un contexte particulier. C’est à l’enseignant au sein du groupe-
classe de rendre une situation d’apprentissage motivante pour
les élèves.
Un des moyens privilégiés pour dynamiser l’esprit de travail
d’équipe reste la démarche de projet. En effet, en mobilisant les
élèves autour d’une réalisation concrète et collective, ce type de
pédagogie leur donne l’occasion d’acquérir de nouveaux savoirs
– nécessaires pour dépasser les obstacles rencontrés – tout en
faisant appel à de multiples interactions sociales stimulantes et
fédératrices. Pour des élèves, se lancer dans un projet de classe
équivaut à partir à l’aventure, à s’embarquer dans un navire
où chacun aura un rôle actif et déterminant pour la bonne
marche du voyage. La pédagogie de projet permet de relever à
plusieurs un défi qu’on ne pourrait honorer seul ; cette dimension
de surpassement est extrêmement valorisante pour un jeune
enfant.

☛☛La pédagogie de projet


Par sa forme et son contenu la démarche de projet est un puis-
sant fédérateur, catalyseur et générateur de savoirs très divers.
En effet, elle :
– contractualise ;
– passe par l’engagement volontaire ;
– laisse une marge d’autonomie et d’esprit d’initiative ;
– implique tous les élèves en lien avec des centres d’intérêts
variés ;
– permet d’apprendre et d’apprendre ensemble.

117
5. Faire équipe, une compétence essentielle

Pour toutes ces raisons, la pédagogie de projet se révèle donc


un formidable levier de motivation et d’apprentissages. Il est à
noter qu’en plus de servir la dimension collective de la classe, ce
type de démarche, en s’ancrant dans la réalité de l’enfant, donne
du sens à ses besoins d’apprentissage et rend ses acquisitions
vivantes, durables et transférables.

La pédagogie de projet et les pédagogues


Philippe Perrenoud
« La notion de projet évoque souvent des activités complexes
et de longue haleine. En fait, il y a projet dès qu’il y a représentation
d’un état désirable et désiré, qui n’adviendra qu’au prix d’une
action volontariste et efficace. »

Philippe Meirieu
« Il faut, à la fois, que le projet mobilise et qu’il ne soit pas
réalisable sans acquérir des savoirs qui, précisément, sont
imposés par le programme. C’est précisément ce que les
pédagogues nomment une situation-problème : une situation
qui fait problème et qui, à ce titre, incite l’élève à se mettre
en route pour le résoudre. »

Un instituteur d’une école Freinet à Mons-en-Bareuil


« C’est ce facteur travail, c’est-à-dire remettre le travail au centre,
mais un travail émancipateur et libérateur, c’est cela qui a le plus
pacifié l’école. »
« Les enfants ont envie de faire des choses qu’ils ne faisaient pas
avant, et c’est cette envie-là qui fait en sorte que les règles valent
le coup d’être respectées. »
Notons au passage que cette école avant de passer à la pédagogie
coopérative de projet était classée dans les plus mauvais rangs
tant en termes de résultats scolaires qu’en termes de climat
scolaire et de violence. L’expérimentation a fait ses preuves,
aujourd’hui, elle n’est plus désertée, elle n’est plus menacée
de fermeture et elle s’est repositionnée de manière spectaculaire
dans le haut du classement.

118
5. Faire équipe, une compétence essentielle

La démarche de projet est donc cette forme particulière de


pédagogie qui associe l’élève à l’élaboration et la construction
de ses savoirs, par le biais d’un contrat d’apprentissage expli-
cite. Dans ce cadre-là, l’enseignant joue un rôle majeur comme
on a déjà pu le constater au chapitre précédent.
Il ne s’agit pas de laisser l’élève tout seul construire ses
savoirs. Il ne s’agit pas non plus de se limiter à mettre les élèves
en action en pensant que puisqu’ils font, ils apprennent. Le lear-
ning by doing cher à John Dewey ne signifie pas I do so I learn.
On peut faire et même faire très bien sans rien apprendre, mais,
pour apprendre, il faut faire, quitte parfois, souvent même, à mal
faire. Que ce soit physiquement ou mentalement, apprendre
signifie « prendre avec », se saisir de, et ce, avec tout son corps
et avec toutes les fonctions qu’il offre, qu’elles soient motrices,
cognitives, sensitives.
Il ne s’agit pas non plus de placer l’élève au centre en atten-
dant qu’un miracle se produise, les miracles en pédagogie, ça
n’existe pas. Et, bien sûr, il ne faut pas considérer le projet et
son résultat comme l’aboutissement de la démarche. La péda-
gogie de projet n’est pas la pédagogie du projet. Ce serait ici
se méprendre sur l’enjeu et la finalité d’une telle pédagogie et
confondre les moyens avec le but visé.
Ce qui est au centre, ce qui est visé, ce sont bien les appren-
tissages, les nouveaux savoirs à acquérir, que l’enseignant va
orchestrer, et qui vont fédérer l’implication et l’adhésion des
élèves.

☛☛Quelques amorces pour entrer


dans la logique de projet
Voici quelques exemples reposant sur des démarches diffé-
rentes mais illustrant bien chacune cette idée de mise en marche
des enfants autour de l’élaboration de nouveaux savoirs. On ne

119
5. Faire équipe, une compétence essentielle

pourra entrer dans le détail de chacune mais, à ce stade, il s’agit


déjà de comprendre la posture de départ.
La mise en projet peut partir d’un événement extérieur qui va
interroger et questionner les élèves :
✗✗ Lucas a jardiné avec son grand-père pendant les vacances et
revient avec cette question : comment le bulbe planté sous la
terre va-t-il survivre sans air ni lumière ?
✗✗ Le grand frère de Sarah a oublié une bouteille d’eau dans le
congélateur et Sarah s’interroge : pourquoi la bouteille d’eau
a-t-elle explosé ?
Ces deux interrogations de nature scientifique amèneront à
entrer dans la démarche expérimentale, dans un projet régi par
un protocole d’actions, parmi lesquelles on trouvera le ques-
tionnement, la formulation d’hypothèses et l’argumentation
en lien avec la réalisation d’expériences dans lesquelles l’ensei-
gnant s’investira au côté des élèves.

Le point de vue d’André Giordan


« En premier, une démarche expérimentale est une tentative de
réponse à une question. Le chercheur, le simple individu est face
à quelque chose qui l’intrigue, qui l’interpelle ou le préoccupe.
Il constate un décalage entre le réel, du moins tel qu’il le perçoit,
et l’idée qu’il s’en fait. La situation devient insatisfaisante, il a envie
de savoir. »

Dans certains cas délicats, le questionnement peut être


déplacé par l’enseignant :
✗✗ La grand-mère de Lydie est morte et Lydie revient avec ce
terrible chagrin qu’elle exprime à la classe à l’occasion d’un

120
5. Faire équipe, une compétence essentielle

« Quoi de neuf ? ». Pourquoi les gens qu’on aime s’en vont-


ils pour toujours ? Oui, ce genre de questions fait partie de
la vie des enfants et s’ils en font état, il faut être en mesure
de l’accueillir. On ne peut fuir devant une telle authenticité et
une telle confiance.
Comme il s’agit ici d’un questionnement d’ordre existentiel,
il convient de se montrer très humble et très empathique ; cer-
taines questions n’ont pas de réponse, il faut juste apprendre,
sans en avoir peur, à en accepter l’intensité et la charge émo-
tionnelle. Certains élèves se confieront à leur tour, d’autres
préfèreront le silence. Un silence partagé, un silence de com-
munion sera l’occasion de témoigner de sa compassion. Et puis
peut-être, un peu plus tard, quand la douleur sera moins vive,
on pourra proposer un second questionnement :
✗✗ Comment ça serait la vie, si on ne mourait pas ?
À partir de cette question inconcevable au regard de notre
expérience de vivant-mortel, on laissera les enfants exprimer
leurs idées sur le sujet ; on s’apercevra vite qu’il y aura dif-
férents types de réponses : poétiques, scientifiques, mystiques,
artistiques, etc. Ce pourrait être l’occasion de répartir les élèves
en équipes chargées d’illustrer cette question en fonction des
représentations qu’ils auront évoquées. Un premier groupe
pourrait, selon des thèmes suggérés, inventer un poème, un
autre créer une fresque picturale, un troisième serait en charge
d’un article sur le thème du cycle de vie, un quatrième aurait
pour mission de chercher du côté des religions, etc. Le rôle de
l’enseignant ici est multiple : récolter, écouter, organiser, mettre
au travail, encourager, valoriser la recherche, la prise d’initia-
tive, la créativité et l’imagination.

121
5. Faire équipe, une compétence essentielle

Le point de vue de Gaston Bachelard


« On veut toujours que l’imagination soit la faculté de former
des images. Or, elle est plutôt la faculté de déformer les images
fournies par la perception, elle est surtout la faculté de nous
libérer des images premières, de changer les images. S’il n’y a pas
changement d’images, union inattendue des images, il n’y a pas
imagination, il n’y a pas d’action imaginante. Si une image présente
ne fait pas penser à une image absente, si une image occasionnelle
ne détermine pas une prodigalité d’images aberrantes, une
explosion d’images, il n’y a pas imagination. »

Un pré-projet peut être apporté par vos soins parce qu’il cor-
respond, par exemple, à un moment clé du calendrier :
– Et si nous publiions un album de contes de Noël ?
– Que diriez-vous de monter un spectacle pour la fin d’année ?
Ce type de proposition va être l’occasion de travailler sur
le long terme et sur des domaines très variés. On touche ici
à l’interdisciplinarité. On pourra être amené à décloisonner le
groupe en travaillant avec d’autres classes.

Le point de vue de Nicolas Mascret


« En décloisonnant les disciplines d’enseignement dans le premier
degré autour d’un thème commun et fédérateur, ce type de projet
peut pleinement participer à l’évolution des élèves, aussi bien sur
le plan des apprentissages que sur celui du vivre ensemble. »

Une situation-problème ponctuelle peut être proposée en


lien direct avec un point de programme :

122
5. Faire équipe, une compétence essentielle

– Voici une « feuille », je voudrais que vous lisiez ce qu’il y a écrit,


puis, quand vous serez prêts, nous nous poserons mutuellement
à l’oral des questions au sujet de ce que vous avez lu.
– En réalité, il s’agit d’un extrait, par exemple tiré du conte de
la Belle au Bois dormant, dont on aura préalablement sup-
primé tous les signes de ponctuation, les majuscules ainsi que
la forme visuelle du texte : titre, alinéa, paragraphes, etc.
– proposer avec un objectif lire-comprendre-écrire du cycle 3.
Dans ce cas, on placera en premier lieu les élèves en recherche
individuelle, pour qu’ils se confrontent chacun au problème
posé, qu’il le fasse émerger eux-mêmes. Puis, dans un deuxième
temps, en grand groupe, on constatera, après échanges, qu’en
l’état actuel, on ne peut accéder au sens et donc on ne peut for-
muler de questions sur le sens. Il manque un élément central : la
ponctuation. On pourra alors leur demander de constituer des
binômes pour tenter de palier le manque de lisibilité. Le travail
de lecteur-chercheur-écrivain commence. Un travail rigoureux
qui nécessitera plusieurs séances de travail. En fin de recherche,
on proposera le texte initial, on comparera, etc. Alors pourra
commencer la formulation de questions sur le sens. Ayant pré-
alablement construit ce sens, il y a fort à parier qu’ils trouve-
ront des questions en lien avec des réponses qui, elles-mêmes,
feront écho à la cohérence et la grammaire textuelle, à savoir :
les marques graphiques d’organisation, le découpage en para-
graphes, les mots organisateurs textuels, le travail sur les subs-
tituts, le système verbal, les types de discours rencontrés, etc.
Pour conclure sur la notion de mise en projet et vous invi-
ter à aller plus loin dans les lectures, voici la synthèse des cinq
grandes fonctions.

123
5. Faire équipe, une compétence essentielle

Les cinq grandes fonctions de la démarche


Selon Marc Bru et Louis Not
1. Thérapeutique : les élèves s’engagent dans des activités dont
ils perçoivent le sens, ce qui renouvelle leur intérêt pour l’école.
2. Didactique : les actions nécessaires à la réalisation du projet
sont des moyens de mobiliser des savoirs acquis et de
développer des connaissances nouvelles.
3. Économique et de production : l’action à réaliser doit tenir
compte des contraintes économiques, matérielles, temporelles
et humaines.
4. Sociale : le projet permet de s’ouvrir aux autres, à d’autres
institutions, à partager des compétences, à confronter des avis
5. Politique : la participation active au projet implique une vie
collective et donc une formation à la vie civique.

Travailler avec les parents


Comment demander aux enfants de travailler en équipe, de
coopérer, de s’écouter, de se comprendre, de se respecter si nous
n’en sommes nous-mêmes pas capables entre adultes ? Le point 9
du référentiel métier de l’enseignant est précis sur ce point :
« Le professeur coopère avec les parents.
Il connaît le rôle et la fonction des associations de parents
d’élèves.
Il est capable de communiquer avec les parents :
✗✗ en contribuant à l’établissement d’un dialogue constructif
dans le but :
– de les informer sur les objectifs de son enseignement ou
de son activité,
– de rendre compte des évaluations dans un langage adapté,

124
5. Faire équipe, une compétence essentielle

– d’examiner les résultats, les aptitudes de leurs enfants,


les difficultés constatées et les possibilités d’y remédier ;
✗✗ en mobilisant ses connaissances dans le domaine de
l’orientation pour aider l’élève et ses parents dans l’élabo-
ration d’un projet professionnel.
Il est capable de favoriser l’engagement des parents dans la
vie de l’établissement comme dans la valorisation des savoirs.
Le professeur observe, dans l’exercice de son activité profes-
sionnelle, une attitude favorisant le travail collectif, le dia-
logue avec les parents et la dimension partenariale. »
Une fois les termes posés sur le papier, comment s’y prendre
au quotidien, surtout lorsqu’il s’agit de sa première classe ?
Première chose : c’est peut-être votre première année d’ensei-
gnement, cela ne vous enlève pas le fait d’être un profession-
nel. Un jeune professionnel peut-être, mais un professionnel
reconnu digne et apte à enseigner. Donc acte.
La réunion de début d’année sera pour vous une première
occasion d’incarner ce professionnalisme en exposant dans
votre présentation votre démarche pédagogique.
Deuxième point, les parents d’élèves ne sont pas des adver-
saires, ce sont des parents, avec leur charge d’affect, de peurs,
de désirs, de représentations qui peuvent parfois effectivement
ressurgir, s’exprimer et transformer la forme du message de
départ. Il vous faudra donc apprendre à traduire et saisir l’in-
tention initiale du message en vous distançant de mots parfois
maladroits.
Un troisième point dont vous aurez à tenir compte : les parents
sont les premiers éducateurs de leurs enfants, eux mieux que
personne connaissent leurs forces et leurs faiblesses, c’est donc
dans un esprit de co-éducation qu’il sera intéressant d’initier
vos échanges.

125
5. Faire équipe, une compétence essentielle

Enfin, dernier point et non des moindres, les parents issus


d’une grande diversité sociale, culturelle et professionnelle
constituent un véritable vivier de ressources et de compétences
dont il serait dommage de ne pas tirer profit ; on aborde là la
question du partenariat éducatif.

☛☛Une relation à initialiser et à construire


Présenter un contenu et en clarifier
}}
la mise en œuvre pour rassurer
La traditionnelle réunion collective de début d’année repré-
sente une étape importante dans le processus de communica-
tion. En revanche, si elle n’intervient que de manière différée,
rien ne vous empêche, dès la première semaine, d’écrire un mot
aux familles. Cela présente l’avantage de nouer un premier
contact dont vous êtes l’initiateur et de vous engager person-
nellement sans attendre que l’institution le fasse pour vous.
Vous envoyez ainsi aux parents ce message implicite et posi-
tif que vous les intégrez dès le départ à cette année qui va se
jouer, que vous les considérez comme des acteurs qui comptent,
que vous leur reconnaissez une place centrale dans l’accompa-
gnement scolaire de leur enfant. Du même coup, vis-à-vis des
enfants qui seront porteurs de ce message par le biais du car-
table, vous témoignerez de votre prise en considération de leurs
parents. Dans cette communication, ne l’oublions pas, l’enfant
est tout à la fois : acteur, témoin, destinataire, messager et
médiateur.
Ce peut être une courte lettre comme celle présentée dans
l’exemple suivant.

126
5. Faire équipe, une compétence essentielle

Exemple de lettre adressée aux parents


« Chers parents, une nouvelle année scolaire débute pour
vos enfants. C’est une nouvelle aventure qui commence pour
eux comme pour vous et moi. Nous aurons l’occasion de faire
connaissance dans quelque temps et vous recevrez prochainement
une invitation à nous retrouver. Ce sera l’occasion de me présenter,
d’accueillir les nouvelles familles, de vous expliquer les apprentis-
sages à venir et de convenir ensemble des moyens de
communication en vu d’accompagner au mieux chacun de
vos enfants qui sont aussi, le temps d’une année, les élèves
dont j’ai la charge et la responsabilité. Je m’engage à vos côtés
dans cette belle aventure à aider vos enfants à grandir, à apprendre,
à donner le meilleur d’eux-mêmes, afin qu’ils se construisent et
construisent au mieux leur parcours scolaire. En vous souhaitant
une très bonne année, j’espère vous voir nombreux à notre
prochaine réunion collective. Bien respectueusement… »

La deuxième grande étape en termes de communication est


celle de la fameuse réunion. Voici quelques « trucs » à utiliser
(ou pas ) et les points clés à clarifier :

Réunion, mode d’emploi


}}
✗✗ Prévoir un accueil personnalisé avec, sur chaque table, une
petite pochette nominative (et pourquoi pas customisée par
chaque enfant ?), dans laquelle vous aurez glissé une feuille
blanche pour prendre des notes ainsi qu’un ordre du jour.
Au fur et à mesure de la réunion, vous pourrez distribuer,
le cas échéant, de nouveaux documents utiles tels que la liste
de classe, l’emploi du temps, la charte de vie de classe élabo-
rée avec les élèves, le rappel des grands apprentissages (sans
entrer dans le détail), enfin, une synthèse des différents points
que vous aurez abordé dans cette réunion.

127
5. Faire équipe, une compétence essentielle

Vous veillerez à récupérer les pochettes qui n’auront pas


trouvé preneur de manière à les transmettre aux parents qui
n’auront pu se rendre disponibles ce soir-là, afin qu’ils ne soient
pas exclus de la communauté éducative qui se constitue.
✗✗ Brancher une petite musique d’ambiance, le temps que
tout le monde arrive et s’installe. Disposer à l’entrée deux
ou trois coupelles de petits biscuits pour l’aspect convivial.
Lorsque la musique prend fin, c’est le signal que vous pouvez
commencer. Souriez-vous intérieurement.
✗✗ Si vous avez affiché des œuvres d’enfants aux murs, ayez soin
que chaque enfant soit bien représenté.
✗✗ Se présenter brièvement. N’ayez pas peur de dire qui vous
êtes, d’où vous venez, ce qui vous a poussé à devenir ensei-
gnant et les formations ou les expériences qui vous ont
forgées. Être capable de se dire, c’est une manière très pro-
fessionnelle d’asseoir son autorité par la transparence.
✗✗ Présenter les nouvelles familles ou leur donner la parole
pour qu’elles se présentent.
✗✗ Transmettre un premier feedback positif sur ce début
d’année. Il y a toujours des éléments positifs à renvoyer,
quelle que soit la situation.
✗✗ Donner une image chiffrée de la classe : nombre d’enfants,
répartition filles/garçons. Éviter en revanche, le cas échéant,
de donner le nombre de doublants ou d’enfants en avance.
✗✗ Faire circuler une liste de classe pour que les parents qui
le souhaitent inscrivent leurs coordonnées : adresse postale,
mail et numéro de téléphone. Cette liste sera photocopiée et
redistribuée dans un second temps. (Penser à faire la même
demande aux absents.)
✗✗ Donner également, si vous le désirez, un mail personnel
en expliquant qu’il s’agit de rester mesuré dans son usage

128
5. Faire équipe, une compétence essentielle

mais que cela peut se révéler bien utile pour la communica-


tion à l’heure d’Internet.
✗✗ Évoquer l’espace et l’organisation de la classe en donnant
à voir concrètement et pédagogiquement ce que cela signifie
au quotidien.
✗✗ Présenter les supports de travail, leurs fonctions et leurs
usages.
✗✗ Expliquer les modalités d’évaluation. Rassurer sur le fait
qu’il n’est pas question de compétition mais d’évaluer les pro-
grès de chacun en termes d’évolution positive ou de défi à
relever.
✗✗ Informer sur la mise en œuvre du dispositif de l’aide
personnalisée.
✗✗ Exprimer les attentes en termes d’exigences face au travail
et face à la charte du vivre ensemble.
✗✗ Dire concrètement ce que vous attendez de la participa-
tion des élèves en classe.
✗✗ Illustrer une journée type.
✗✗ Donner à voir, pour un objectif d’apprentissage ciblé, au
travers d’un exemple précis prélevé dans un passé proche,
la démarche pédagogique employée. Y situer la place de
l’erreur pour la dédramatiser.
✗✗ Clarifier la manière dont ils peuvent s’impliquer à la maison
dans l’accompagnement scolaire : relecture d’un texte ou
d’une leçon, échanges sur ce que leur enfant a appris et décou-
vert, invitation à compléter un apprentissage par une activité
extrascolaire (jeux, musée, promenade, lecture, théâtre, etc.),
autant de partages qui marqueront un fort signe d’intérêt.
✗✗ Évoquer avec eux la question des devoirs à la maison en
vous référant au texte qui les interdit. Rassurer sur le fait que
le travail effectué en classe sera suffisamment conséquent
pour éviter d’y revenir le soir à la maison.

129
5. Faire équipe, une compétence essentielle

✗✗ Profiter de ce point pour exprimer sans détour deux


besoins fondamentaux de l’enfant : jouer et se reposer.
Leur expliquer que sans fenêtres de décompression ni repos
réparateur, les enfants ne parviennent plus à être disponibles
en classe pour les apprentissages.
✗✗ Présenter les projets de classe prévus ; inviter les parents
à s’y investir et y participer.
✗✗ Proposer un mode de communication au quotidien.
Donnez vos disponibilités, les jours et les horaires qui vous
arrangent pour convenir d’entretiens individuels en mon-
trant votre capacité à vous adapter à leur marge de manœuvre
personnelle et professionnelle. Les parents également ont
des contraintes.
✗✗ Enfin, penser à laisser un espace d’échanges et de ques-
tions diverses entre les points.
✗✗ Et pourquoi ne pas terminer par une petite visite des
espaces significatifs de l’école. Tous les parents n’ont pas
eu l’occasion de s’approprier les lieux et ce sera une façon
dynamique et conviviale de terminer ce premier rendez-vous.
La communication étant une histoire d’intention et cette
intention étant véhiculée par le langage verbal à 20 % et non
verbal à 80 %, autant que ces 20% soient utilisés de la manière
la plus efficace possible de façon à optimiser les chances de faire
passer votre message et votre intention.
Le tableau suivant vous donnera quelques illustrations
d’écueils à éviter.

130
5. Faire équipe, une compétence essentielle

L’art et la manière d’animer une réunion

À ne pas faire/dire Faire/dire plutôt


Commencer la réunion Si tel est le cas, si la classe vous semble trop
par un feedback négatif : agitée, il sera préférable d’évoquer ce point
« Bien, il était temps lorsque vous présenterez la charte de classe
que cette réunion ait lieu et de préférer une formulation de type :
pour recadrer les choses • « J’ai pu remarquer depuis la rentrée une
car vos enfants sont certaine propension au bavardage dans la classe
particulièrement pénibles (vous faites état d’une observation sans jugement
et je compte d’ailleurs de valeur) ;
sur vous • cela signe de la part de vos enfants de véritables
pour les remettre capacités relationnelles et langagières et traduit
dans le droit chemin. » une bonne entente dans le groupe, ce qui est
tout à fait appréciable et nécessaire (vous glissez
une touche d’humour en valorisant la face
positive du problème).
Néanmoins, il va falloir qu’ils apprennent, et c’est
là notre rôle d’adultes, à canaliser leur spontanéité
naturelle de manière à ce que cela n’entrave pas
le travail (vous co-responsabilisez sans culpabiliser
et formulez une attente en termes d’apprentissage
et donc de changement).
Nous avons co-écrit cette charte du vivre
ensemble, je vous la soumets et vous la laisse
de manière à ce que vous puissiez en reparler
régulièrement et tranquillement avec eux.
De mon côté, j’ai prévu un conseil d’enfants
à cet effet. Nous avançons donc dans la bonne
direction (vous proposez un moyen d’action
conjointe et positive et faite preuve d’optimisme
et de sens des responsabilités). »

Formuler une suite L’injonction ne fait pas l’autorité. Elle incarne


ininterrompue de propos davantage une prise de pouvoir autoproclamée,
injonctifs : infantilise le destinataire du message, à savoir ici
Vous devez… les parents et risque de provoquer un malaise,
voire des conflits, là où il n’y en a pas.
Ils doivent…
Préférer des tournures comme :
Il faut que…
Il serait utile que vous…
Je souhaiterais qu’ils…
Je vous invite à…

131
5. Faire équipe, une compétence essentielle

À ne pas faire/dire Faire/dire plutôt

Utiliser Toute phrase négative possède son équivalent


systématiquement en termes de communication non violente sous
la forme négative. une forme affirmative.
Le risque de la forme …on pourra préférer :
négative est d’introduire « Il est important, tant pour le respect de
un ressenti négatif chez la ponctualité des autres que pour une
celui qui reçoit bonne et efficace mise au travail, que chacun
le message. arrive à l’heure le matin. Sur ce point, je suis
Par exemple, particulièrement exigeant(e). »
à la phrase :
« Il n’est pas acceptable
qu’un enfant arrive en
retard. Ce n’est pas
respectueux envers
les autres et cela n’aide
ni la mise au travail
du groupe ni celle
de l’élève. »

Évoquer des situations Comme cette réunion est un premier rendez-vous


en nommant tel dont le contenu s’adresse au collectif, il sera
ou tel élève en cours préférable d’inviter collégialement les parents
de réunion ou en qui en éprouvent le besoin ou de se présenter
interpellant tel ou tel en fin de réunion de manière à envisager de visu
parent en fin de réunion. un prochain entretien individuel, ou d’en faire la
Sauter sur le père ou demande écrite dans le cahier de correspondance
la mère d’un enfant chez ou l’agenda.
qui vous avez repéré Enfin, vous signifierez également à l’ensemble
certaines difficultés des parents que, de votre côté, vous utiliserez le
risque de le ou la mettre même canal pour les propositions de rendez-vous,
dans une situation et que, par conséquent, il leur sera utile pour
délicate au regard un suivi efficace de leur enfant de le consulter
des autres parents. régulièrement.
Cela présente également
le désavantage de nouer
un premier contact
en focalisant sur
un problème.

132
5. Faire équipe, une compétence essentielle

À ne pas faire/dire Faire/dire plutôt

Laisser la place à Vous pourrez en revanche exprimer la notion


des sous-entendus : d’hétérogénéité :
« J’en ai déjà repéré « Tous les enfants, sur une même notion,
certains qui ne savent n’avancent pas au même rythme. C’est tout
toujours pas compter à fait normal.
jusqu’à 10. » En revanche, connaître la frise numérique jusqu’à
Vous générez un doute 10 et comprendre ce que le nombre 10 signifie
et un malaise chez est l’une des acquisitions fondamentales pour
les parents. les apprentissages à venir.
Vous entrez dans De mon côté, comme enseignant(e), et du vôtre,
une logique de comme premier éducateur, il nous faudra veiller
culpabilisation. ensemble à ce que l’enfant le maîtrise correctement.
Vous laissez transparaître C’est mon travail et, pour cela, je mets en place
l’idée de comparaison, des ateliers de progrès auxquels vos enfants seront
de compétition et de alternativement conviés en cas de besoin.
stigmatisation. Chez vous, n’hésitez pas à jouer avec lui aux cartes,
Vous ne proposez aucun aux dés, etc. Le jeu en famille est un excellent
moyen de remédier à moyen de transférer, de vérifier, d’entraîner les
la situation. savoirs et les compétences scolaires. C’est en plus
un joli moment de plaisir partagé. »

Formuler des propos


qui ne s’adressent pas
à l’auditoire :
« Bien entendu, les
parents qu’on aurait
souhaité voir ne sont pas
là aujourd’hui. »
Cette phrase est inutile
puisque, de fait, les
parents auxquels vous
faites référence sont
absents.
Cette allusion stigmatise
les parents en question
puisque, par déduction,
tout le monde aura
compris de qui vous
parlez.
À proscrire donc.

133
5. Faire équipe, une compétence essentielle

Comprendre et s’approprier le langage des mots et du corps


favorise la communication et par là même instaure ou restaure
l’autorité de la personne. En travaillant sur ces points, vous
travaillez à l’élaboration de votre posture d’autorité éducative,
vous démontrez votre capacité à entrer en relation. En termes
de communication, les parents ont davantage besoin d’être ras-
surés que convaincus, reconnus dans leurs besoins de communi-
quer que satisfaits pleinement par les réponses apportées.

Entendre et traduire un message


}}
pour mieux le comprendre et y répondre
Au-delà de cette réunion de début d’année qui, selon les
cultures d’établissement, peuvent également varier dans leurs
formes, vous aurez à faire face à de multiples situations de com-
munication plus ou moins formelles, écrites ou orales. Vous
êtes un professionnel de la communication, les parents, eux, le
sont plus ou moins, mais, avant tout, ce sont des parents, avec
des désirs et des projections de parents. Ce sont aussi, pour la
grande majorité d’entre eux, d’anciens élèves avec leur lot de
souvenirs plus ou moins heureux de l’école, d’espoirs déçus ou
de revanche à prendre. Ils arrivent et se présentent à vous avec
tous ces non-dits, ces rêves cachés et ces peurs qui, même s’ils
ne vous appartiennent pas, vont conditionner la relation qui va
s’installer au travers des mots et des attitudes. En tenir compte
vous aidera à établir une relation professionnelle éclairée et
constructive.
Comment réagir sans sur-réagir ? Comment interpréter sans
falsifier un message ? Comment prendre du recul sans faire la
sourde oreille ?
À travers quelques exemples concrets de paroles ou de pos-
tures de parents, vous verrez la manière dont on peut les déco-
der pour tenter d’y répondre.

134
5. Faire équipe, une compétence essentielle

Certains parents sont invisibles, vous ne les voyez jamais ni


aux réunions ni au portail. Cette absence peut traduire :
– une peur ;
– une très grande confiance ;
– une incompatibilité d’agenda ou d’organisation familiale ;
– mais rarement un désintérêt ou un désengagement.
En fonction de la situation scolaire de l’enfant et de son besoin,
vous tenterez de les convier à des entretiens individuels, de leur
signifier par écrit l’importance pour leur enfant de leur implica-
tion dans l’école, de leur exprimer que vous avez besoin d’eux
pour mieux comprendre et accompagner leur enfant. Certaines
familles ne manient pas correctement la langue écrite, il faudra
alors passer par le téléphone. En tout état de cause, il faudra
éviter de transmettre le message via l’enfant. « Tu diras à tes
parents que je dois absolument les rencontrer » ou « Voilà un
mot pour tes parents, il faut de tout urgence qu’ils le signent ».
L’enfant peut oublier ou encore vouloir dissimuler, il peut éga-
lement être mal reçu à la maison, etc. Il se retrouve alors pris en
otage et victime d’une communication difficile.
Certains parents, au contraire, sont systématiquement
aux aguets le soir, ils cherchent à vous parler, vous posent
sans cesse des questions sur le déroulé de la journée. Cela peut
signifier :
– une grande angoisse ;
– un manque de communication.
Il sera judicieux de les convier rapidement pour faire un point,
les rassurer sur l’évolution scolaire de leur enfant, leur dire que
s’il y avait la moindre raison de s’inquiéter, vous les inviteriez à
un nouvel entretien, que si vous ne le faites pas, c’est que tout va
bien. Enfin, vous exprimez très tranquillement que vous avez
vous-même des contraintes professionnelles et personnelles qui
ne vous permettent pas de consacrer chaque jour dix minutes

135
5. Faire équipe, une compétence essentielle

de votre temps à une conversation au beau milieu du couloir


ou du trottoir, lieux ouverts à toutes les indiscrétions, très peu
propices à l’écoute et à la confidentialité. Ainsi, vous rassurez
et vous recadrez.
Dans la situation suivante, vous découvrirez différentes
manières de réagir à une observation de parent.

Les quatre manières de recevoir un même message


et d’y répondre1

Réponse de l’enseignant Commentaire

« L’année dernière, tout allait bien pour mon fils ; cette année, depuis qu’il est
dans votre classe, il ne cesse de régresser. »

1. « Écoutez, Madame, Face au message indélicat, vous renvoyez


si vous preniez un peu avec la même indélicatesse la patate chaude
plus sérieusement en main à votre interlocuteur. Retour à l’envoyeur.
le travail de votre enfant, La relation, lorsqu’elle prend la forme d’un
cela se passerait un peu tournoi de joutes verbales, ne risque pas
mieux. » de produire du bon. Chacun reste sur ses
positions et sur ses gardes. 1 point partout.
Qui sera le gagnant ? Qui sera le perdant ?

2. « Bien, c’est vrai… vous Face à la critique déguisée du propos, vous


avez raison, j’ai beaucoup prenez l’accusation pour vraie, vous endossez
de mal avec votre enfant. le rôle de victime et de coupable, vous vous
Je n’y arrive pas… je ne punissez doublement en prononçant un aveu
me sens pas à la hauteur. d’échec sans appel. Votre confiance en vous
Vous savez, je débute… est réduite à néant et vous rentrez chez vous
je suis désolé. » prêt à démissionner. Là encore, la relation
risque fort de se détériorer car ni la mère
ni vous n’êtes engagés dans un processus
constructif.


1. Selon les principes de la communication non violente dont le père est Marshall
B. Rosenberg.

136
5. Faire équipe, une compétence essentielle

Réponse de l’enseignant Commentaire

3. « Écoutez, Madame, Face à l’insatisfaction de cette maman,


manifestement vous n’êtes vous prenez acte de son désarroi et vous
pas satisfaite, vous vous vous tournez vers elle en manifestant votre
faites du souci cette année intérêt pour ce qu’elle ressent. En posant
pour votre fils et ne savez une question, vous permettez à la relation
pas comment faire pour de se poursuivre et vous ouvrez la porte à un
endiguer ses difficultés. dialogue à venir. La relation à ce stade n’est
C’est bien cela ? » certes pas formidable mais le principal est là,
elle reste possible.

4. « Si je saisis bien, vous êtes Face à l’absence de précision et au caractère


très inquiète pour votre global de la déclaration, vous exprimez,
enfant, et cela vous met en tout en prenant en compte l’inquiétude
colère, mais pourriez-vous de votre interlocutrice, votre besoin de vous
m’indiquer un ou deux appuyer sur des éléments tangibles.
éléments concrets pour Vous ne niez pas le problème. Vous ne vous
que je puisse comprendre positionnez pas en coupable. Vous entendez
exactement ce dont vous la plainte. Vous exprimez des attentes.
parlez et, dans un deuxième Vous ouvrez un questionnement responsable
temps, envisager un moyen et responsabilisant. La relation va pouvoir
d’action ? » se construire équitablement.

Quand on se place du côté de l’efficacité de la communication,


il va sans dire que les deux derniers types de répliques sont à
privilégier. Ils témoignent d’une capacité à faire preuve d’empa-
thie, vis-à-vis de l’autre (3) et vis-à-vis de soi (4). Cette empa-
thie qui refuse la logique d’une communication violente envers
l’autre (1) ou envers soi (2) permet de recadrer positivement
une situation qui aurait pu dégénérer en conflit. Là encore, la
manière dont vous allez écouter, traduire et formuler des pro-
pos conciliants et efficaces donnera de l’épaisseur à votre statut
d’autorité. Une autorité à la fois bienveillante et assertive (voir
à ce sujet le chapitre 7).
L’enjeu d’une communication constructive comportera des
attitudes telles que :
✗✗ Recentrer l’écoute pour discerner le véritable message.
✗✗ Entendre la demande derrière l’expression spontanée.

137
5. Faire équipe, une compétence essentielle

✗✗ Traduire la parole énoncée en besoins spécifiques.


✗✗ Exprimer ses propres besoins et formuler des attentes.
✗✗ Clarifier les propos pour transformer les maux implicites en
mots explicites.
✗✗ Dépasser le ressenti personnel pour entrer dans la posture
professionnelle.

☛☛Une relation au service de l’enfant


Écouter et dialoguer en vue de co-éduquer
}}
Les parents sont les premiers éducateurs de leurs enfants. Si
tant est que l’enfant appartienne à quelqu’un, il appartiendrait
d’abord à sa famille. C’est elle qui l’a élevé et l’élève au quoti-
dien, c’est elle qui connaît les recoins de son histoire person-
nelle, elle qui le suit jour après jour depuis sa naissance, elle
encore qui sait, mieux que l’école, ses faiblesses et ses forces,
ses habitudes, ses doutes. Finalement, il faut bien l’avouer, la
connaissance que l’enseignant a de l’élève, au regard de celle des
parents, reste très limitée et parcellaire. Néanmoins, l’école joue
un rôle essentiel dans la construction du petit d’homme. Elle
va lui permettre de se construire une identité et une expérience
propres, hors du giron familial. En se détachant progressive-
ment d’un univers dont il connaît tous les codes – et qui connaît
presque tout de lui –, il va ainsi se forger de nouvelles attaches,
s’enrichir d’une culture nouvelle et de savoirs nouveaux. Ces
nouvelles données, les parents également vont devoir les absor-
ber, les comprendre et les assimiler, de manière à accepter la
séparation progressive et à accompagner leur enfant dans cette
quête personnelle.
On voit donc apparaître ici la nécessaire collaboration des
uns avec les autres au service de l’émancipation de l’enfant.
L’enseignant a besoin de l’éclairage des parents et ces derniers
ont besoin de celui de l’école, dont l’enseignant, le temps d’une

138
5. Faire équipe, une compétence essentielle

année, est le représentant. Il s’agit donc bien d’un travail de


co-éducation.
Les enjeux de la co-éducation traversent différentes sphères :
– responsabiliser chacune des parties ;
– établir une relation de confiance ;
– entrer dans une logique de réciprocité ;
– lutter contre l’échec scolaire ;
– aider à l’insertion des familles ;
– installer l’enfant-élève au centre du système famille-école ;
– jouer la carte de la complémentarité ;
– respecter les besoins relationnels fondamentaux.

Les six besoins relationnels fondamentaux,


selon Jacques Salomé
1. Besoin de s’exprimer. 4. Besoin d’être valorisé.

2. Besoin d’être entendu. 5. Besoin d’interagir et d’influencer.

3. Besoin d’être reconnu. 6. Besoin d’intériorité et d’intimité.

Pour l’élaboration et le suivi des différents entretiens indivi-


duels auxquels vous participerez, ces six points peuvent consti-
tuer un très utile trousseau de clés. En restant vigilant sur ces
différents besoins, en les attribuant tout aussi bien à l’enfant, à
ses parents comme à vous-même, vous vous donnez toutes les
chances de nouer une relation durable, harmonieuse et efficace.
Vous éviterez ainsi l’écueil de la recherche d’une relation idéale,
c’est-à-dire une relation idéalisée, bien souvent idéale au seul
regard de celui qui l’a définie comme telle.

139
5. Faire équipe, une compétence essentielle

« Enseigner la compréhension entre les humains est la condi-


tion et le garant de la solidarité intellectuelle et morale de l’hu-
manité. » Edgar Morin

Inviter et valoriser les parents


}}
dans un esprit de partenariat
Informer les parents, les accompagner dans le suivi de leur
enfant et mettre en place des outils au service de cette colla-
boration ne doit pas faire oublier qu’au-delà de leur statut de
parents d’élèves, les parents sont également des adultes riches
de compétences multiples, d’expériences de vie diverses et de
savoirs insoupçonnés. L’école aurait tort de s’en priver tant ils
constituent une mine de ressources dé-multipliables à l’infini.
Pour peu qu’on les y invite, pour peu qu’on leur laisse une part
de liberté de propositions et d’actions, les parents sont ravis,
lorsqu’ils le peuvent, de partager ce qu’ils ont à offrir. Solliciter
ici ne signifie ni imposer, ni rendre corvéable à merci, ni utiliser
en vu de satisfaire vos seuls objectifs, mais bien rendre parte-
naire, ouvrir des passerelles de communication valorisantes et
productives pour l’ensemble de la communauté éducative.
Quelques exemples de demandes auprès des parents :
✗✗ Dans la classe :
– animer un forum de métiers ;
– prendre en charge des ateliers de jeux ;
– accompagner un projet sur un thème précis ;
– témoigner ponctuellement d’une expérience de vie ;
– lire et raconter des histoires ;
– etc.
✗✗ En dehors de la classe :
– ouvrir une papothèque, un espace de paroles pour et par les
parents ;
– organiser des petits déjeuners des familles ;

140
5. Faire équipe, une compétence essentielle

– participer à une radio, un blog ou un journal d’école ;


– animer la bibliothèque de l’école ;
– etc.
Sur ce thème de la relation école-famille, on pourra se repor-
ter à l’ouvrage, Un projet pour repenser la relation parents-
enseignants (voir bibliographie). Il y est décliné et illustré plus
abondamment cette question de la relation, du dialogue et du
partenariat éducatif.

Collaborer en équipe d’école


Des passages extraits du référentiel métier, propres à consti-
tuer une première base de travail pour une première année d’en-
seignement, serviront ici de fil conducteur.

☛☛Du référentiel à la pratique


« Le professeur participe à la vie de l’école ou de l’établis-
sement. »
Une école est donc une organisation vivante. Voilà une bonne
nouvelle pour tous les membres de la communauté éducative.
Qu’entend-on ici par « la vie de l’école » ? Tentons de visualiser
ce concept de « vivant » et de l’appliquer à l’école. Cela pourrait
donner une histoire en cinq temps :
1. Un jour, une école naît dans un village, dans un quartier.
2. Cette école respire et se nourrit ; les échanges qu’elle entretient
tant en interne qu’avec l’extérieur la maintiennent en vie.
3. Cette même école se développe, elle croît, elle évolue, elle
bouge.
4. Parfois même, cette école se reproduit, elle donne naissance
à de nouvelles formes d’organisation scolaire.

141
5. Faire équipe, une compétence essentielle

5. Enfin, cette école peut finir par mourir si elle cesse de respi-
rer, se nourrir, se développer et créer.
Un établissement scolaire est donc un système vivant.
Qu’il s’agisse de temps de classe ou de temps hors classe, il s’y
passe un certain nombre d’événements qui participe de cette vie
et auxquels vous êtes priés de prendre part. Ce peut être des
événements très divers comme :
– la mise en ligne d’un site web ;
– un projet d’agrandissement ou de réfection ;
– l’élaboration d’un éco-projet « cantine et santé » ;
– un spectacle de fin d’année ;
– la participation à une manifestation sportive ;
– une tombola de Noël ;
– l’organisation d’un projet multi-culturel ;
– la mise en place d’un espace de jeux dans la cour ;
– des rencontres conviviales qui n’ont d’autre but que d’être
conviviales ;
– etc.
Il n’est pas question pour vous de vous engager à tout-va
sur de multiples projets. Vous avez déjà fort à faire avec cette
première rentrée. Néanmoins, en contribuant, même modes-
tement, à cette « vie intérieure » de l’école, vous contribue-
rez à votre propre développement professionnel ; vous serez
amené à rencontrer certains de vos collègues dans un cadre dif-
férent de celui du quotidien, vous trouverez de nouveaux par-
tenaires, vous lierez de nouvelles affinités professionnelles et
amicales, et glanerez certainement de multiples moyens d’enga-
ger vos élèves dans telle ou telle initiative.
« Le professeur contribue également à la vie de l’institution
scolaire […] en participant à la formation initiale et continue
des professeurs. »

142
5. Faire équipe, une compétence essentielle

C’est ici une bonne nouvelle pour vous, l’équipe tout entière
est chargée de votre bonne intégration et de votre for-
mation. L’établissement est donc pensé ici en lien avec son
caractère formatif. En effet, un établissement scolaire forme ses
élèves mais il est également responsable de la co-formation de
tous ses acteurs, acteurs dont vous faites partie. On aborde ici la
notion d’organisation apprenante, notion qu’on ne peut évoquer
sans citer Monica Gather Thurler, spécialiste de cette question.
Elle définit « l’école, comme organisation apprenante lorsque
celle-ci se caractérise par sa capacité et sa volonté d’apprendre
au sens large, c’est-à-dire de modifier sa vision du monde
(scolaire). »
Vous voilà donc pris en charge et impliqué dans cette affaire-
là. Comme professeur débutant, vous avez, plus qu’un autre,
le droit de demander conseil et de questionner, et par le fait
même d’interroger le fonctionnement de l’école ou de solliciter
vos collègues sur tel ou tel sujet, vous amenez l’équipe entière à
se réapproprier ce fonctionnement, à se repositionner, à revisi-
ter leurs propres pratiques ; vous les invitez à mutualiser, com-
parer, adapter, changer. Le cercle vertueux est lancé et, d’une
certaine manière, vous en êtes l’initiateur. Voilà pourquoi il est
utile, sain et générateur de progrès qu’une école accueille des
professeurs néo-titulaires.
« Le professeur travaille avec les équipes éducatives de l’école
et de ses classes. Le conseil des maîtres à l’école constitue un
instrument privilégié du travail en équipe.
Il connaît :
– les partenaires et les interlocuteurs extérieurs à l’école avec
lesquels il est amené à travailler ;
– les dispositifs d’aide à l’insertion des élèves ;
– les procédures d’orientation et les différentes voies dans les-
quelles les élèves peuvent s’engager. »

143
5. Faire équipe, une compétence essentielle

Dès votre première classe, vous serez confronté à l’accueil


d’enfants à besoins particuliers ou relevant de l’aide spécia-
lisée. La loi de 2005 concernant l’inclusion des enfants por-
teurs de handicaps est un formidable progrès pour ces enfants
comme pour notre propre rapport à l’humanité. Pour autant,
ouvrir les portes ne suffit pas, encore faut-il être en mesure de
leur proposer un vrai projet éducatif et pédagogique. Il vous
faudra sur ce point compter dans un premier temps sur l’aide de
vos collègues et de votre chef d’établissement. Les conseils de
maîtres est le lieu par excellence pour traiter de ces questions.
Quels dispositifs ? Quels moyens ? Quels outils ? Quelles orien-
tations ? Quels partenaires ? Sans oublier de poser la question :
quelle formation en équipe ?
En effet, cette question demeure centrale, il ne s’agit pas de
se déresponsabiliser de sa tâche d’enseignant en se limitant à
« médicaliser » ou « externaliser » la prise en charge de ces
enfants. Il s’agit de mettre en place un véritable dispositif
professionnel permettant de croiser les regards et d’appor-
ter un panel de solutions. En classe donc, il faudra également
veiller à apporter des adaptations. Le bon côté, c’est qu’en pre-
nant en compte ces enfants différents, en mettant en place des
outils et des modalités particulières, on s’aperçoit là encore
qu’on développe sa capacité à diversifier, à adapter et finalement
à répondre aux besoins de nombreux autres élèves curieuse-
ment considérés, eux, comme non particuliers.
Vous trouverez en fin d’ouvrage des sites ressources vous
permettant de mieux appréhender ces élèves « différents ».

☛☛Harmoniser, une question d’éthique


« Le professeur est capable :
✗✗ d’inscrire sa pratique professionnelle dans l’action collective
de l’école ou de l’établissement, notamment :

144
5. Faire équipe, une compétence essentielle

– dans le domaine de la programmation des enseignements ;


– dans le domaine de l’évaluation (supports et échelles d’éva-
luation harmonisés, livrets scolaires, bulletins trimestriels,
etc.). »
Intégrer un établissement scolaire, c’est entrer dans une
culture d’établissement, dans une histoire collective dont il va
falloir apprendre à décoder les us et coutumes, les pratiques
conscientes et inconscientes, de manière à vous y inscrire avec
le plus de discernement possible. Il ne s’agit pas d’arriver et de
tout révolutionner, il n’est pas non plus question de vous glisser
docilement dans des sabots qui ne sont pas à votre taille et vous
blessent les pieds chaque jour un peu plus. Il s’agit d’observer,
de comprendre, de participer et d’influencer ces pratiques par le
biais de la confrontation, de l’échange, de la co-formation.
Chaque établissement possède son caractère propre et, au sein
d’une école, chaque enseignant procède d’un fonctionnement
particulier. Pour autant, la liberté pédagogique du maître ne
doit pas lui faire oublier que cette liberté est, avant toute chose,
adressée au mieux apprendre des élèves qui eux s’inscrivent
dans une logique à long terme. Sans cohérence d’ensemble,
sans cohésion éducative, comment peuvent-ils s’engager dura-
blement et avec confiance ? Comment peuvent-ils s’y retrouver
si, d’une année sur l’autre, parce qu’ils changent d’enseignant,
ils ne retrouvent ni balise, ni référence commune, ni rituel ?
Où est le sens du parcours si, à chaque étape, ils ont l’impres-
sion de revenir au point de départ ou de se retrouver propulsés
dans un univers inconnu ou encore d’avoir à tout déconstruire
parce que Madame L. et Monsieur R. n’ont pas le même avis
sur la question de l’évaluation et parce qu’ils n’ont pas réussi à
trouver un terrain de consensus minimum et ont des pratiques
radicalement opposées ? Comment demander à des enfants de
considérer des adultes qui feraient preuve d’une telle incohé-
rence et d’un tel mépris vis-à vis d’eux ?

145
5. Faire équipe, une compétence essentielle

Le travail d’équipe est avant tout un travail au service des


élèves, de leur curriculum scolaire. Il doit, sans uniformiser,
tendre vers une harmonisation des pratiques.
✗✗ On ne peut pas en CM1 A pratiquer la dictée quotidienne
notée, en CM1 B pratiquer la dictée coopérative d’appren-
tissage et, en CM1 C, ne jamais prononcer le mot de dictée.
Quelle logique ? Quelle justice ? Quelle cohérence ?
✗✗ On ne peut pas en CE2 découvrir la préhistoire, au CM1 pas-
ser sans transition au Moyen Âge et au CM2 s’étonner du
manque d’ancrage historique et de repérage chronologique.
N’est-ce pas rendre l’enfant responsable de l’irresponsabilité
des adultes ? N’est-ce pas lui infliger beaucoup de violence ?
« Le métier d’élève n’est pas partout le même. Des pédago-
gies traditionnelles aux pédagogies actives, ses contours varient.
Ils changent encore d’un maître à l’autre, selon ses méthodes,
son mode de gestion de classe, sa conception de l’apprentissage,
de l’ordre, du travail, de la coopération, de l’évaluation, etc. »
Philippe Perrenoud
Le travail collaboratif des enseignants devrait être l’occasion
d’une réflexion approfondie sur cette question du sens et de la
cohérence. Se soustraire à cette dimension apprenante et col-
lective, c’est se soustraire au devoir de responsabilité éducative.

Se joindre aux réseaux sociaux


« L’accès aux savoirs au xxie siècle pourra-t-il rester enfermé
dans des lieux aussi indifférents qu’un musée, une bibliothèque,
une école, une université, etc., alors que les réseaux numériques
font tomber une à une les frontières de ces institutions ? » Telle

146
5. Faire équipe, une compétence essentielle

est la question posée par Bruno Devauchelle en introduction


de son dernier ouvrage, Comment le numérique transforme les
lieux de savoirs.
Cette question essentielle est centrale même. Elle inter-
roge tout à la fois la manière dont l’enseignant va construire
son propre parcours de formation tout au long de la vie et la
manière dont il va envisager la formation de ses élèves dans ce
nouveau contexte d’apprentissage. En effet, Internet fait explo-
ser les contours de la salle de classe ou de la salle des maîtres. Il
donne accès, sans filtre, à toutes formes d’information et auto-
rise des échanges jusque-là réservés à des experts. Internet
ouvre le champ de l’apprenant à une exploration des savoirs
et des savoir-faire qui, jusque-là, était définie en un lieu et en
un temps, et visait un contenu bien déterminé par une seule
autorité, celle du sachant, à savoir, ici, le maître ou le forma-
teur. Internet révolutionne la conception classique du théâtre
des apprentissages.

☛☛Le principe des trois unités et l’école


Unité de lieu, unité de temps, unité d’action ou de contenu ;
en fin de compte, si l’école depuis sa création n’a certes jamais
cessé d’évoluer, elle l’a toujours fait en respectant scrupuleuse-
ment cette règle des trois unités issue du théâtre du xviie siècle :
✗✗ Un lieu : la classe.
✗✗ Un temps : la journée, ou le trimestre, ou l’année.
✗✗ Une intrigue : le savoir.
Or, depuis l’arrivée d’Internet, ces trois unités ne sont plus
d’actualité. Elles sont même réduites à néant. On peut le
déplorer, ou bien y trouver son compte, il n’en reste pas moins
que l’enseignant est contraint de s’y adapter, sous peine de vivre
hors de son temps et donc hors de la réalité.

147
5. Faire équipe, une compétence essentielle

En s’aventurant dans les réseaux sociaux, l’enseignant va


découvrir la réalité de la virtualité numérique et ouvrir son
champ de connaissances et de compétences professionnelles.
Qu’est-ce qu’un réseau social ? Un réseau social est un
ensemble de personnes reliées entre elles par des centres d’inté-
rêts communs, complémentaires ou divergents, et s’intercon-
nectant sur le principe du vieil adage : « Les amis de mes amis
sont mes amis. »

Dix bonnes raisons de tisser sa toile


1. S’initier aux usages des techniques Internet de communication.
2. Veiller et participer à la veille pédagogique et institutionnelle.
3. S’intégrer dans des communautés de pratiques professionnelles.
4. Surfer, découvrir et apprendre selon le principe de sérendipité.
5. Renouveler et accroître son capital créatif.
6. Mutualiser et coopérer en toute liberté.
7. Accéder à une vision nomade et dynamique de l’apprentissage.
8. Découvrir les principes de l’autoformation et de la co-formation.
9. Vivre avec son temps et celui des élèves.
10. Innover, expérimenter, entrer dans une logique de formation tout
au long de la vie.

On ne choisit pas sa famille, on ne choisit pas son école, mais,


sur le web, on peut choisir ses contacts et les collègues avec qui
on peut échanger, confronter, collaborer, travailler, gagner du
temps.

☛☛Internet et le principe de sérendipité


Ce principe n’est pas nouveau mais l’usage d’Internet l’a for-
tement renforcé. On pourrait définir la sérendipité comme l’art

148
5. Faire équipe, une compétence essentielle

de trouver la bonne information, sans l’avoir vraiment cherchée,


au gré des rencontres, des lectures, des expériences fortuites.
Mais comment trouver une information si on ne la cherche pas ?
Effectivement, la question se pose. On pourrait alors transfor-
mer le propos initial en inversant la donne.
Lorsqu’on pratique la sérendipité numérique, on surfe d’une
page web à une autre, d’un lien hypertexte à un autre, d’un
réseau à un autre, par curiosité, par plaisir, par intérêt. Il peut
survenir alors que le regard se pose sur un mot, une image, une
vidéo qui, curieusement, entre en résonnance avec une question
qu’on ne s’était pas encore clairement posée, avec un sujet dont
on ne connaissait pas encore l’existence mais qui invite l’inter-
naute à s’y arrêter.
En réalité, à cet instant précis, ce n’est pas l’internaute qui
trouve l’information, c’est l’information qui le trouve. En s’au-
torisant plus ou moins consciemment à perdre du temps, celui
qui pratique la sérendipité finit non seulement par en gagner
mais il s’enrichit « avant l’heure », de connaissances nouvelles.

Qu’est-ce qui circule


sur les réseaux sociaux ?
Des outils pratiques à télécharger.
Des blogs de réflexion où s’alimenter.
Du flux d’information pour se tenir à jour.
Des conversations apprenantes où s’immiscer.
Des transmissions d’événements en direct auxquels participer.
Des pratiques de classe innovantes à découvrir.
Des partages d’expérience pour se faire un avis.
Des plateformes de formation à distance pour s’autoformer.
Etc.

149
5. Faire équipe, une compétence essentielle

La prise d’initiative et l’autonomie exercées sur le web ren-


forcent le sentiment de compétence professionnelle et d’estime
de soi. La satisfaction et le plaisir associés au développement
de nouvelles habiletés sociales et technologiques intensifient le
désir de s’y développer davantage. Et quand le désir est là, la
motivation suit et la capacité d’apprendre est démultipliée.
« Il n’y a pas de réussite scolaire sans des enseignants
compétents, mais aussi motivés. L’amour du métier, l’amour
d’apprendre à autrui est fondamentale. » Stéphane Clerget
À cette très belle phrase, on pourrait inclure, à côté de
« l’amour d’apprendre à autrui », l’amour d’apprendre tout
simplement. Ainsi, une fois familiarisé avec l’outil et éclairé sur
les multiples moyens pédagogiques qu’il autorise, vous pour-
rez plus aisément et sans peur introduire l’usage du Net dans
votre pratique d’enseignement. En effet, vous prenez place dans
l’école du xxie siècle et devez former de jeunes enfants nés dans
ce siècle, vivant dans ce siècle et se projetant dans un avenir
qu’ils devront à leur tour inventer. Dans ce cadre, en tant qu’en-
seignant, vous vous situez entre un passé à transmettre, une
modernité à incarner et une science-fiction à imaginer à leurs
côtés !
De la même manière que nul n’est censé ignorer l’existence
et le contenu de la loi, nul enseignant aujourd’hui n’est censé
ignorer l’existence de ce nouvel espace d’apprentissage qui
change radicalement l’accès au savoir, la construction de ce
savoir et le rapport qu’on entretient avec ce savoir.

150
5. Faire équipe, une compétence essentielle

Leurs points de vue


Jean-Michel Fourgous
« Le monde change. […] L’éducation d’hier ne permettra pas
de créer les talents de demain. […] La classe doit devenir
une communauté d’apprentissages ouverte sur le monde.
Où l’enseignant est metteur en scène et non acteur. »

Michel Serres
« De même que la pédagogie fut inventée (paideia) par les Grecs,
au moment de l’invention et de la propagation de l’écriture ;
de même qu’elle se transforma quand émergea l’imprimerie,
à la Renaissance ; de même, la pédagogie change totalement
avec les nouvelles technologies. »

151
6. Faire la classe
au quotidien

«U ne, deux j’enseigne ; trois,


quatre, ils apprennent »…
Tel pourrait être le premier grand
Aider les élèv
à a p p re ndre
es
malentendu de la situation, malentendu
qui trouve racine dans la représentation initiale
et souvent erronée qu’on se fait de l’acte d’apprendre
et de l’acte d’enseigner. Or la première chose à retenir
quand on est professeur, c’est de bien distinguer
« enseigner » et « apprendre ».

Différencier enseigner et apprendre


Informer n’est pas former, donner une méthode ne conduit
pas à rendre méthodique, énoncer une règle et la faire appliquer
ne signifie pas qu’elle soit comprise et intégrée durablement.
Apprendre réclame du temps. À l’enseignant donc d’agencer
son enseignement de manière à rendre l’apprentissage possible
et efficace.

☛☛Enseigner, transmettre, apprendre :


une réciprocité complexe
« Je ne comprends pas, vous deviez apprendre votre leçon sur
l’accord de l’adjectif qualificatif que nous avons longuement
vue et recopiée hier et, aujourd’hui, mis à part pour quelques-
uns d’entre vous, votre exercice est truffé de fautes, ce n’est pas

153
6. Faire la classe au quotidien

sérieux. Je vous donne une nouvelle chance, mais attention :


demain, vous aurez un contrôle pour vérifier que vous avez bien
appris. »
Manifestement, l’enseignant ci-dessus ne comprend pas que
ses élèves n’aient pas réussi un simple exercice d’application
sans piège alors qu’il avait pris soin la veille de consacrer une
séance d’une heure et demie à :
– la formulation de la règle ;
– l’explication de la règle ;
– l’illustration de la règle au travers d’exemples proposés par
quelques enfants ;
– la trace écrite sur le cahier ;
– l’entraînement oral et écrit par le biais d’exercices pris dans
le livre.
De son point de vue, il a enseigné, preuve en est que quelques-
uns des élèves ont bien réussi. Selon sa représentation de l’acte
d’apprendre, il a effectivement enseigné, en respectant scrupu-
leusement un certain nombre d’étapes préparées et élaborées
consciencieusement chez lui. Il semble honnêtement très sur-
pris devant le piètre résultat des copies qu’il vient de corriger et,
toujours selon sa conception des choses, ne peut qu’en déduire
que la grande majorité des élèves n’a pas appris la règle à la
maison, comme il l’avait demandé. Il leur suffisait pourtant d’y
consacrer juste quinze ou vingt minutes puisque tout avait été
vu en classe ; ce temps d’apprentissage ajouté aux quatre-vingt-
dix minutes de cours représente à ses yeux un temps d’acqui-
sition non négligeable au regard de ce qu’il reste à apprendre
(le programme) et largement suffisant pour ce qui concerne ce
point précis. Encore faut-il qu’il y ait eu acquisition…

Une impasse pédagogique fréquente


}}
Observez la manière dont cet enseignant conçoit l’acte
d’apprendre. Pour lui, on apprend lorsque :

154
6. Faire la classe au quotidien

– on reçoit une information (ici, une règle d’orthographe) ;


– on se conforme à cette information (par des exemples et des
exercices) ;
– on mémorise l’information (par cœur).
Partant de là, ayant pour sa part transmis la règle et son fonc-
tionnement, il revient aux élèves de finaliser le tout en mémo-
risant l’information donnée. Enfermé dans ce schéma de pensée
et, par ailleurs, bienveillant, il propose donc une seconde chance
à ses élèves… qu’on pourrait qualifier en réalité de la « chance
des condamnés ». Il est fort à parier, en effet, que les résultats
du lendemain ne soient pas véritablement meilleurs. Certains
enfants, néanmoins, y grappilleront quelques points supplémen-
taires, ce qui confortera le maître dans le fait qu’apprendre se
passe à l’extérieur de l’école et en dehors du processus d’ensei-
gnement. « Une, deux, j’enseigne ; trois, quatre, ils apprennent ;
cinq, six, je contrôle. »
Du point de vue de cet enseignant :
✗✗ Enseigner, c’est transmettre.
✗✗ Un savoir transmis équivaut à un savoir acquis.
✗✗ Évaluer revient à contrôler.

Cette conception erronée de l’enseignant le conduit ici à une


triple méprise :
1. il confond enseigner et apprendre : enseigner, c’est per-
mettre à l’autre d’apprendre, et non pas apprendre à l’autre ;
2. il assimile information et savoir : une information se
reçoit, un savoir se construit ;
3. il méconnaît le rôle de l’évaluation : on n’évalue pas un
élève, on évalue le degré de maîtrise d’une connaissance ou
d’une compétence et son évolution.

155
6. Faire la classe au quotidien

Dans cet exemple, l’enseignant se trompe de cible, il ne véri-


fie pas l’acquisition d’un savoir ; pour cela, il faudrait qu’il se
penche sur son dispositif d’enseignement. Il contrôle, par le
biais du résultat d’une production, le fait que les élèves aient
consacré chez eux le temps nécessaire à ses yeux pour mémo-
riser une leçon. Il croit, par ailleurs, fermement qu’il n’existe
qu’une manière de mémoriser : le « par cœur ». Enfin, il est
persuadé que cette seule mémorisation suffira à la mise en place
d’un savoir-faire et justifiera la sanction d’une mauvaise note
ou la mise en place d’une aide spécifique pour élève en diffi-
culté. Nous sommes là au cœur de ce qu’on pourrait appeler une
impasse pédagogique. Pour tenter de dépasser cette impasse,
il convient d’approfondir cette question de la réciprocité entre
enseigner et apprendre, en commençant par interroger ce
qu’apprendre signifie, en dehors même du seul contexte sco-
laire, avant de l’y intégrer dans un deuxième temps.

Qu’est-ce qu’apprendre, dans la vie ?


}}
Faut-il nécessairement qu’il y ait enseignement pour qu’il
y ait apprentissage ? C’est quoi apprendre quand on n’est pas
encore entré à l’école ?
✗✗ On apprend par mimétisme : sauf trouble avéré, le nourris-
son qui voit sa mère lui sourire une fois, deux fois, dix fois,
finira par lui sourire à son tour. Il aura donc appris à sourire
sans intention de le faire et sans que sa mère ait à lui dire :
« Tu vois, quand tu te sens bien, tu exerces une contraction
des muscles de la joue qui vont alors eux-mêmes entraîner de
manière oblique et vers le haut les deux coins de tes lèvres.
Regarde, tu vois, c’est comme ça qu’on fait. Allez, à ton tour :
1, 2, 3, à toi ! » Il ne viendrait même pas à l’idée d’une mère de
procéder ainsi, en endossant un statut d’enseignant.
✗✗ On apprend par l’expérience sensible : le petit enfant de 6
mois, que l’on couche sur le ventre et que l’on retrouve pour

156
6. Faire la classe au quotidien

la première fois un matin sur le dos, allongé de l’autre côté du


lit, a bien appris à se retourner et à ramper sans que son père
ou sa mère lui explique ou lui montre comment faire. Il aura
donc appris seul en découvrant par lui-même et en explorant,
depuis sa naissance, les contours de son corps interagissant
avec les limites du monde qui l’entoure.
✗✗ On apprend par imitation : le petit garçon de trois ans, qui
joue à l’automobiliste dans son tracteur tout en se racon-
tant des histoires très sérieuses, a bien appris, sans jamais
conduire lui-même ni prendre
de leçons de conduite, com-
PETIT EXERCICE
ment on se déplace et se
repère sur un plan. Lorsque Allons un cran plus loin… interrompez
son père l’emmène en voiture quelques minutes votre lecture et
faire des courses, il ne lui dit posez-vous cette question : dans votre
expérience de vie, proche ou loin-
pas : « Là, tu vois je tourne taine, quelles sont toutes les petites
mon volant à gauche et ma choses que vous faites et aimez faire
voiture tourne à gauche. » En et pour lesquelles il n’a jamais été
question d’enseignement explicite ou
voyant faire et en cherchant
implicite ? Listez-en une dizaine. Cela
intentionnellement à refaire vous donnera l’occasion d’en tirer de
en imitant, l’enfant apprend, précieuses conclusions…
à la manière de l’autodidacte.

Finalement, on s’aperçoit très vite que le seul fait de vivre


signifie apprendre. Alors, si c’est aussi naturel, qu’apprend-on
de différent à l’école qui nécessite que l’enseignant enseigne,
participe et enrichisse cet apprentissage ?

Qu’est-ce qu’apprendre à l’école ?


}}
En entrant à l’école, l’enfant apprend tout d’abord à devenir
élève et, dans cet apprentissage-là, il y a un grand nombre de
nouvelles connaissances et compétences qui n’ont plus rien de
naturelles.

157
6. Faire la classe au quotidien

Qu’est-ce qu’un élève ?


Devenir élève, c’est :
• Accepter la séparation.
• Vivre à côté puis avec les autres.
• Partager l’espace, le temps, les référents adultes.
• S’intégrer dans un groupe.
• Communiquer avec les adultes et les pairs.
• Adhérer à des projets en s’impliquant dans des activités.
• Apprendre une culture scolaire.
• S’ouvrir au monde.
• Devenir autonome.

La question qui se pose alors à vous est : comment faire


pour que mon enseignement permette à l’enfant d’apprendre
à devenir cet élève ? Le terme de devenir est très important.
Il implique bien cette notion de transformation, de temps et
de durée. Si l’enfant prend le statut d’écolier le jour où il entre
à l’école, il ne se formera à sa nouvelle posture d’élève, c’est-
à-dire d’apprenant, qu’au travers des situations qui lui seront
proposées pour lui permettre d’acquérir de nouveaux savoirs et
de nouvelles habiletés.

Acquérir de nouveaux savoirs


}}
À l’école, l’élève reste un enfant et, même s’il intègre un
contexte qui n’a rien de naturel, il continuera d’apprendre grâce
au mimétisme, à l’expérience et à l’imitation ; pour autant, de
nouveaux savoirs purement scolaires vont faire irruption dans
sa vie ; il vous appartient alors de les faire acquérir de manière
efficace, évolutive et durable. En ce sens, vous jouerez un rôle
non négligeable de médiateur. Ce n’est pas l’enseignant qui

158
6. Faire la classe au quotidien

apprend à son élève. Il lui permet d’apprendre. Seul l’élève


apprend. En revanche, il vous revient la tâche de permettre la
médiation des savoirs, de jouer le rôle de facilitateur.
Apprendre revient toujours à désapprendre quelque chose,
transformer ce quelque chose et reconstruire un nouveau
quelque chose. L’apprentissage s’inscrit dans une temporalité
active et dans la confrontation avec des conceptions initiales.
Ces conceptions, vous aurez à les faire émerger, à en tenir
compte, « à faire et avec et contre elles » pour reprendre une
expression chère à André Giordan. Vous aurez à orchestrer et à
suivre l’évolution et la transformation de ces conceptions, enfin,
à en évaluer la fiabilité, la durabilité et la transférabilité.
Cette médiation ne peut se penser sans penser le disposi-
tif qui la rendra possible. Là encore, vous êtes en charge de
sa conception et de son organisation. Pour illustrer sa mise
en œuvre, un exemple concret vous est présenté ci-après.
Il est issu d’une situation d’apprentissage mise en place dans
une classe de maternelle et décrite par Dominique Luscan et
Pascale Bolsius1.

☛☛Enseigner de manière à apprendre


aux élèves
L’enjeu est d’enseigner pour leur permettre d’apprendre.
« On résout un problème qu’on se pose et non un problème qui se
pose. » Henri Poincaré

1. Dominique Luscan est professeur des écoles à l’école Montaigu et Pascale


Bolsius enseigne à l’IEN. Vous pourrez retrouver la vidéo associée sur le site www.
crdp-montpellier.fr/bsd/.

159
6. Faire la classe au quotidien

« Le jeu de l’ordre 2 »
}}
Il s’agit de permettre aux élèves de traiter une situation pro-
blème par tâtonnement, essais, erreurs, ajustements : ils doivent
mémoriser les contenus de dix petites boîtes suspendues à un
bâton orienté. Ils envisagent donc de constituer une liste, en
utilisant des traces graphiques : l’écrit. Ils affinent progressi-
vement leur représentation pour parvenir à localiser les objets,
notamment en prenant en compte l’organisation dans l’espace et
en respectant l’ordre des boîtes. Tout au long de la séquence, la
maîtresse accompagne la réflexion et guide les moments d’ana-
lyse, sans jamais imposer de stratégie ni donner de solution.
Niveau : cycle 2 classe de grande section (GS).
Domaines d’étude :
✗✗ Découverte du monde.
✗✗ Appropriation du langage.
Objectifs d’apprentissage :
✗✗ prendre conscience de la conservation de l’ordre dans la
linéarité ;
✗✗ progresser dans la maîtrise de la langue française.
Moyens pour y parvenir : résolution d’une situation-problème
✗✗ Se repérer dans l’espace.
✗✗ Représenter une situation spatiale complexe.
✗✗ Expliciter sa pensée : échanger, s’exprimer, s’expliquer, se
justifier.
✗✗ Comprendre un interlocuteur qui apporte des informations
nouvelles.
Déroulement : cette séquence se déroulera sur quatre
semaines à raison de deux séances hebdomadaires.

2. © CRDP de Lorraine / Dominique Luscan, Pascale Bolsius.

160
6. Faire la classe au quotidien

La première séance, en quatre phases, présente le matériel et


le jeu.
Les sept autres séances se déroulent sur un même schéma en
trois phases.
Vous trouverez ci-dessous les deux tableaux récapitulatifs
mettant en relief l’importance du dispositif, de sa mise en place
et le rôle de médiateur que joue l’enseignant. Dans la première
séance, on perçoit clairement la place que jouent la présentation
du matériel et du jeu ; la formulation de consignes très expli-
cites ; et l’enrôlement des élèves dans l’observation et la prise
de notes (dessins libres).

Séance 1 : présentation du matériel et du jeu

Phase Organisation Déroulement Matériel


Présentation Collectif / dirigé L’enseignant présente : Le bâton, fixé
du matériel Coin – le bâton, orienté, de telle sorte
regroupement avec ses dix boîtes que les boîtes
accrochées à égale pendent.
distance les unes Dix objets, faciles
des autres ; à identifier et
– les dix objets, nommés à représenter.
par l’ensemble de la
classe, pour s’assurer
d’un vocabulaire
commun.

Préparation Collectif / dirigé L’enseignant insère, Garder une liste


du jeu Coin avec les enfants, de référence
regroupement un objet dans chaque (ordre des objets)
boîte. pour l’analyse
des productions
des élèves.

161
6. Faire la classe au quotidien

Phase Organisation Déroulement Matériel


Présentation Collectif / dirigé L’enseignant énonce
du jeu : Coin la consigne suivante :
consignes regroupement « Je vais placer le
matériel sur la table.
Les boîtes seront ouvertes
jusqu’à ce soir ; vous
pourrez aller les voir
autant que vous le
voudrez.
Demain après-midi,
je remettrai le bâton
en place sur les chaises
(les boîtes seront
fermées).
Lorsque je vous montrerai
une boîte, vous devrez
me dire ce qui se trouve
à l’intérieur.
À vous de trouver
comment faire pour vous
souvenir du contenu
des boîtes. »
Premier temps Travail Par groupes de six Le bâton sur
d’observation : individuel ou sept, les enfants la table, boîtes
phase en situation observent le matériel réparties de part
d’écriture et de groupe et écrivent leur liste et d’autre.
d’encodage Ateliers mémoire. À disposition dans
Le reste de la classe la classe : feuilles
participe à d’autres et crayons.
ateliers, indépendants
du projet.

© CRDP de Lorraine / Dominique Luscan, Pascale Bolsius © Banque de


séquences didactiques, SCEREN [CNDP-CRDP].

Après le départ des enfants, l’observation des listes permet


de sérier les problèmes rencontrés et donc de choisir l’ordre
dans lequel « interroger » les enfants à la séance suivante, afin
d’expliciter les erreurs pour conduire à la réussite.
En guise de boîte, l’enseignant se sert de boîtes d’allumettes
vides qu’il remplit d’objets simples à reconnaître et à dessiner :

162
6. Faire la classe au quotidien

balle, petite voiture, feutre, etc. Ces boîtes sont suspendues par
des élastiques sur un bâton orienté par une flèche représentant
la linéarité et lui-même posé entre deux chaises.

Le jeu de l’ordre en grande section de maternelle

10 boîtes d’allumettes contenant


10 objets différents et disposées à égale distance

L’enjeu pour les enfants est d’être capable de livrer le contenu


des boîtes, une fois celles-ci fermées grâce à leur prise d’indices
visuels et écrits.
Pour cela, ils devront s’appuyer sur une multitude de prise
de repères, mettre en œuvre des stratégies de représentation et
de codage, les confronter au principe de réalité au moment du
décodage, transformer la manière dont ils perçoivent et trans-
crivent la réalité, développer de nouvelles habiletés plus perti-
nentes, plus efficaces. Mais de cela, l’enseignant ne dit rien. Il va
permettre aux élèves de l’apprendre.

Les difficultés de la représentation écrite


}}
Ces difficultés sont des difficultés assumées par l’enseignant
qui considère que c’est dans les obstacles qu’elles représentent
que les élèves vont entrer dans l’apprentissage, en s’y confron-
tant. Il les conduira ainsi dans les séances suivantes à opérer
une transformation de leur façon de voir, d’agir, de penser et
de savoir. En partant des représentations écrites de ses élèves,

163
6. Faire la classe au quotidien

il va y prendre appui pour les amener à prendre conscience de


leurs erreurs, à les analyser, à raisonner autrement et chercher
de nouvelles stratégies, de nouvelles solutions.

Les enjeux de la phase de codage


(écriture)
• Représenter lisiblement les objets. • Représenter l’alignement.
• Ne pas oublier d’objet. • Ordonner les objets.
• Ne pas intervertir deux objets. • Représenter
l’orientation.

Dans les sept séances suivantes, on notera la place laissée par


l’enseignant :
1. aux conceptions initiales ;
2. aux modes de représentation ;
3. à la trace écrite ;
4. à l’erreur ;
5. à la verbalisation ;
6. au raisonnement ;
7. à la médiation ;
8. à la personnalisation ;
9. au tâtonnement ;
10. à l’exploration autonome ;
11. à la possibilité d’essais réitérés.

Tout est fait pour que les enfants apprennent et qu’ils réus-
sissent. Et tout est fait pour que cet apprentissage et cette
réussite soient le fruit de leur œuvre, de leur travail et de leur
engagement.

164
6. Faire la classe au quotidien

Séances 2 à 8

Phases Organisation Déroulement Matériel


Phase Phase collective, Après avoir sélectionné Le bâton sur
de jeu dirigée six à huit listes de les chaises, boîtes
Coin différents « niveaux » suspendues.
regroupement de représentation,
l’enseignant fait jouer tour
à tour chacun des enfants
concernés, en demandant
ce que contient l’une des
boîtes.
À chaque erreur ou
réussite, il essaie de faire
verbaliser le « pourquoi ».
Tous les autres élèves
ont l’occasion de tester
leur liste à d’autres
moments de la journée.
C’est indispensable avant
qu’ils ne procèdent à
une nouvelle écriture.

Nouvelle Phase collective, L’enseignant retire tous


disposition dirigée les objets et les remet dans
de jeu Coin les boîtes dans un ordre
regroupement différent.

Phase Travail individuel Par groupes de six à huit, Le bâton sur


d’écriture et en situation de les enfants observent la table, boîtes
d’encodage groupe le matériel et écrivent réparties de part
leur liste mémoire. et d’autre.

© CRDP de Lorraine / Dominique Luscan, Pascale Bolsius © Banque de


séquences didactiques, SCEREN [CNDP-CRDP].

Les difficultés de la lecture


}}
Voici maintenant une description de quelques-unes des pro-
ductions avec, pour chacune d’entre elles, l’analyse des réussites
et des erreurs, et le type d’aide apportée, le cas échéant. Seule
l’analyse de l’erreur par l’enseignant lui permettra d’apporter
une médiation ajustée si l’enfant, de lui-même, ou un pair, ne
propose pas de solution.

165
6. Faire la classe au quotidien

L’enjeu de la phase de décodage


(lecture)
• Être capable de relire son codage.
• Être capable de relier lecture du schéma et positionnement
spatial.

On notera la place laissée au tâtonnement et à l’erreur. De ce


point de vue, la démarche utilisée ici rejoint ce principe majeur
et central en pédagogie que toute erreur est digne d’intérêt.
Elle est le signe apparent d’un fonctionnement cognitif singu-
lier exercé à un moment T sur un objet d’apprentissage par-
ticulier et exprimant quelque chose de significatif. L’erreur
est toujours pertinente, elle parle et, pour peu qu’on prenne le
temps de l’écouter et de la comprendre, elle conduira, à terme,
à la mise en place de nouvelles procédures mentales. Comme
l’évoque très justement Fabien Crégut, professeur de Sciences
et Vie de la Terre : « Il y a plus d’intelligence dans le stylo d’un
élève qui fait une erreur que dans le stylo du maître qui accable
l’erreur. »

Description, erreur et médiation


1) L’élève a représenté dix objets, le bâton est orienté, il existe un
codage de l’ordre mais les dessins ne sont pas reconnaissables.
Médiation possible :
• Proposer une schématisation très simple des objets.
• Proposer des étiquettes qu’il n’y a plus qu’à coller aux enfants
incapables de dessiner efficacement les objets.

2) Seuls quatre objets sur dix sont représentés, bien placés dans les
boîtes d’allumettes. Le bâton est représenté et orienté mais l’élève

166
6. Faire la classe au quotidien

est dans le figuratif : il se donne du mal pour dessiner certains


objets en détail et n’anticipe pas sur la place dont il aura besoin
pour représenter tous les objets.
Médiation possible :
• Faire verbaliser l’oubli par l’élève ou ses camarades.
• Proposer des feuilles plus grandes.
• Proposer une schématisation, et donc une réduction de la taille
des objets.

3) Les dix objets sont représentés, mais sans alignement ni ordre ;


la réalisation du dessin prime sur la mise en ordre des objets.
Médiation possible : lors de la phase de jeu, les remarques des
camarades font prendre conscience de l’importance d’ordonner
les objets pour gagner.

4) La représentation et l’ordre sont corrects, mais le bâton n’est pas


orienté : l’élève a oublié de tenir compte de la flèche, ce qui réduit
de moitié les chances de réussir.
Médiation possible : pour faire prendre conscience du problème,
l’enseignant place sciemment l’élève du mauvais côté du bâton.

Ce jeu se déroulant dans les mêmes conditions sur sept séances,


les enfants ont le temps d’entrer dans le processus d’apprentissage.
Séance après séance, ils prennent confiance, affinent leurs
stratégies, comprennent qu’une erreur n’a rien de dramatique,
qu’elle permet de progresser jusqu’à la réussite. Cette réussite
est rendue possible par le dispositif qu’a conçu l’enseignant
et non par l’enseignant lui-même.

Ainsi, les élèves construisent durablement non seulement


un savoir lié à une notion précise, ici la conservation de l’ordre
dans la linéarité, mais également ils se forgent une certaine idée
de ce qu’apprendre signifie, ils perfectionnent cette compétence
clé qu’est « apprendre à apprendre », compétence qu’ils pourront
transférer dans de nouvelles situations.

Il n’y a donc pas eu perte de temps. Le temps consacré à ces huit


séances, et qui peut sembler long à l’enseignant pressé d’avancer
dans son programme, est en réalité du temps optimisé pour
les apprentissages à venir.

167
6. Faire la classe au quotidien

Pour finir, il est intéressant de signaler deux points supplé-


mentaires en lien avec la posture de l’enseignant :
✗✗ S’il décide d’arrêter le jeu après la huitième séance, car il
lui semble que les quelques enfants qui n’ont toujours pas
réussi seuls ne sont pas encore prêts, il décide de mettre en
place une dernière séance en plaçant chacun de ces enfants en
binôme avec un camarade qui a déjà gagné, afin qu’aucun ne
reste sur un échec.
✗✗ Enfin, à la demande de quelques élèves, le jeu a été reconduit
de façon ponctuelle deux ou trois fois lors du dernier tri-
mestre, pour ceux qui le souhaitaient.
On voit, au travers de ce type de séquence, tous les « agir »
nécessaires à l’apprentissage et rendus possibles par un dispo-
sitif rigoureux faisant le lien entre apprendre et enseigner et
permettant la mobilisation et l’acquisition de multiples connais-
sances et compétences. Profitons de l’occasion pour expliciter
ces deux dernières notions.
Connaissance et compétence
Connaissance et compétence sont deux notions très dis-
tinctes, souvent complémentaires, parfois indépendantes l’une
de l’autre sans pour autant être antinomiques. Toutes deux se
construisent dans l’action et nécessitent une intériorisation.
✗✗ Un élève peut connaître la comptine de la frise numérique :
« 1, 2, 3, nous irons au bois, 4, 5, 6, etc. », sans pour autant
savoir compter.
✗✗ Un élève peut connaître la définition du pronom relatif sans
être capable lui-même d’intégrer habilement une proposition
relative dans une phrase complexe.
✗✗ Un élève peut être capable de réaliser un exposé sur le Moyen
Âge sans pour autant connaître la liste de tous les rois de France.
✗✗ Un élève peut être capable de tracer un triangle sans en connaî-
tre sa définition mathématique.

168
6. Faire la classe au quotidien

Le point de vue de Philippe Perrenoud


« Le malentendu consiste à croire qu’en développant des
compétences, on renonce à transmettre des connaissances.
Presque toutes les actions humaines exigent des connaissances,
parfois sommaires, parfois très étendues, qu’elles soient issues de
l’expérience personnelle, du sens commun, de la culture partagée.
[…] Plus les actions envisagées sont complexes, abstraites,
médiatisées […] plus elles exigent des connaissances étendues,
pointues, organisées et fiables » (Philippe Perrenoud, in Construire
des compétences dès l’école).

Comment évaluer ?
De la même manière qu’il est déplacé et contreproductif
d’entamer une relation pédagogique avec ses élèves en se foca-
lisant d’entrée de jeu sur une évaluation normative, il semble
tout aussi saugrenu auprès de jeunes professionnels d’agiter
le drapeau rouge de l’évaluation avant d’avoir pris la peine de
poser le décor de la classe et d’avoir soulevé les obstacles liés à
l’apprentissage et à l’enseignement. Plus vous vous emploierez
à développer un contexte favorable à l’apprentissage, auquel,
on le verra, l’évaluation peut s’associer, moins l’évaluation
« finale » posera de problème. Plus vous donnerez à vos élèves
le temps et les moyens d’apprendre, plus l’évaluation apparaî-
tra comme quelque chose de naturel dans le dispositif. Le vrai
problème aujourd’hui, c’est qu’on a inversé la tendance. Tout
employé à évaluer, contrôler, comparer, semaine après semaine
et jour après jour, on en oublie le temps d’enseigner et le temps
d’apprendre.

169
6. Faire la classe au quotidien

☛☛Qu’entend-on par évaluation ?


Le terme évaluation est composé du radical valu, qui renvoie
à « valeur », auquel on a ajouté le préfixe é (ex en latin) qui
signifie « hors de ». Dans cette logique-là, on peut définir le
verbe évaluer comme « tirer hors de quelque chose la valeur de
ce quelque chose ». En bon français, on dirait plutôt « estimer
la valeur de » et, pour ce qui concerne le cadre scolaire, on
veillera toujours et scrupuleusement à estimer la valeur d’un
travail et non celle d’un enfant.
Au milieu du xixe siècle, le verbe évaluer prendra également
la signification de « déterminer une quantité par le calcul ».
On évalue alors la part d’un héritage, la surface d’un domaine,
la densité de la population, etc. Et, très curieusement, c’est ce
sens-là qui, bien souvent, prédomine dans l’univers scolaire au
détriment du sens premier. Oubliées la valeur, la force, la vail-
lance, place aux calculs, aux plus, aux moins, aux notes, aux
moyennes, aux moyennes de moyennes à ce qu’André Antibi
appelle aujourd’hui la « constante macabre ».

La « constante macabre » d’André Antibi


1. On légitime la crédibilité et le bien-fondé d’une évaluation par
l’existence d’un certain pourcentage d’échecs.
2. On transmet cette idée qu’on ne peut être bon que s’il y a des
mauvais, qu’on ne peut gagner que s’il y a des perdants.
3. On entretient le tiers inférieur d’une classe par une évaluation
négative, stigmatisante, dévalorisante, enfermante.

Pour aller plus loin, voir le site : http://mclcm.free.fr/.

170
6. Faire la classe au quotidien

☛☛Trois types d’évaluation


Enseigner pour permettre d’apprendre, évaluer pour per-
mettre d’évoluer, mais aussi évaluer sans dévaluer – pour
reprendre ici le titre d’un récent ouvrage de Gérard De Vecchi –,
ces trois points de vigilance devront demeurer présents dans
votre esprit. Quelles sont donc les différentes natures et fonc-
tions de l’évaluation en classe au sein du dispositif d’apprentis-
sage ? Nous allons voir qu’elles sont multiples dans leurs types,
leurs usages et leurs formes. Il n’y a pas qu’un seul modèle
d’évaluation, il existe une variété de dispositifs, chacun ayant
une fonction bien particulière.

L’évaluation diagnostique
}}
Elle permet de se rendre compte des points d’appui positifs
d’un élève et des manques qu’il lui faudra combler. Elle met en
lumière la marge de progression vers laquelle il faudra qu’il
tende et donne des indications tangibles, à l’enseignant comme
à l’élève, en termes de nouveaux savoirs à acquérir. L’évaluation
diagnostique permet également d’orienter en amont de l’action
de formation.
L’évaluation diagnostique vient ainsi compléter le sommaire
de votre livre de classe, et réorienter la progression que vous
vous étiez fixée. Elle vous apporte de nouveaux éclairages quant
aux priorités à travailler. Une manière de formuler le contrat
d’apprentissage pourrait être :
« J’ai lu avec soin et beaucoup d’intérêt vos textes, j’y ai
remarqué un grand nombre de réussites qui montrent que vous
avez des choses à dire et des outils pour les dire. Je n’en doutais
pas, mais cela fait plaisir à lire, à dire et à entendre. Néanmoins,
j’ai pu observer aussi, et cela est tout à fait normal, des erreurs
et des maladresses qui montrent de réels besoins d’apprentis-
sage dans certains domaines qui vont nous servir de guide cette

171
6. Faire la classe au quotidien

année. Nous avancerons donc ensemble avec un programme de


progression. Parallèlement, chacun de vous étant différent, et, là
aussi, c’est positif, vous trouverez sur vos copies des annotations,
des remarques personnelles qui serviront, elles, de support pour
un parcours de réussite personnelle. Ainsi, nous avancerons tous
ensemble, mais aussi, à certains moments, vous travaillerez à
relever vos propres défis. Et, quel que soit le mode de travail, je
serai là pour que vous réussissiez, c’est pour cela que je suis là. »

Application pratique
Un exemple au cycle 3
dans le domaine de la langue
En début d’année, la rédaction d’un texte libre, proposée à
l’ensemble de la classe, donne l’occasion de récolter un grand
nombre d’indices :
– des indices propres à chaque enfant qui pourront donner lieu à
un travail personnalisé et à la mise en place d’un plan de travail
individuel ou d’un portfolio d’apprentissage ;
– des indices récurrents et significatifs qui vous permettront de
prioriser un apprentissage collectif en fonction des besoins de la
classe et des prérogatives du programme.

Ces indices permettront de dresser une liste d’objectifs principaux


d’apprentissage parmi lesquels :

• des objectifs en matière de cohérence textuelle :


– gérer les répétitions,
– relier des information grâce aux connecteurs,
– utiliser de manière cohérente les temps et les modes verbaux,
– réorganiser la structure d’un texte ;

• des objectifs se rapportant à la grammaire de phrase :


– enrichir le groupe nominal,
– ponctuer un texte et le mettre en page,
– affiner le vocabulaire,
– réviser l’orthographe.

172
6. Faire la classe au quotidien

Ainsi, vous faites de cette première évaluation un point de


départ vers un avenir à construire. Elle constitue une amorce de
contrat engageant l’ensemble de la classe et chacun des élèves.
C’est également l’occasion de valoriser des connaissances et
des compétences et un moyen d’expliciter de nouveaux besoins
d’apprentissage.
De cette manière, vous témoignez d’une posture d’écoute
bienveillante et de responsabilité éducative, en dédramatisant
l’apprentissage, en (re)donnant confiance, en engageant posi-
tivement les élèves dans un parcours de progrès et de réussite
dans lequel vous vous associez.

L’évaluation formative
}}
Elle consiste à réguler le processus d’apprentissage d’une
séquence et permet d’ajuster une stratégie, un outil, une
méthode. L’évaluation formative informe l’élève sur le chemin
qui reste à parcourir. Elle marque des étapes significatives en
termes de construction de la notion.

Le point de vue de Charles Hadji


Pour être formatrice, une évaluation doit être :
– sécurisante : elle affermit la confiance en soi de l’apprenant ;
– aidante : elle fournit des repères explicites pour progresser ;
– utile : en donnant le plus vite possible des feedbacks
sur les étapes franchies et les difficultés rencontrées ;
– dialoguée : en nourrissant un échange entre l’enseignant
et l’élève fondé sur des données précises.

Ce type d’évaluation va :
– informer ponctuellement l’enseignant et l’élève sur l’avancée
d’un apprentissage précis ;

173
6. Faire la classe au quotidien

– prendre de nombreuses formes, orales ou écrites, indivi-


duelles, en groupe de pairs ou collectives ;
– avoir lieu régulièrement sous forme d’évaluations intermé-
diaires ;
– se centrer sur les processus de production et sur l’activité et
non sur le résultat d’un produit fini.

Des pratiques utiles à mettre en place


Voici, répertoriés sous formes d’actions pédagogiques, quelques
points relatifs à l’évaluation sur lesquels vous pourrez vous
appuyer pour mettre en œuvre une évaluation constructive.
• Cibler très clairement ce sur quoi va porter l’évaluation.
• Effectuer des quiz préparatoires en utilisant les consignes
que vous utiliserez dans l’évaluation.
• Préparer en classe la révision en aidant les enfants à trouver
des questions susceptibles d’être posées que vous réinjecterez
dans l’évaluation.
• Donner des repères temporels et organisationnels.
• Laisser le temps nécessaire à chaque enfant pour aller au bout
de son travail.
• Si l’on utilise une évaluation chiffrée, préférer une notation
positive à une notation négative.
• Accorder, en plus des points totalisés, des points bonus calculés
sur l’écart positif depuis la dernière note. (Ne pas sanctionner
en cas de moins bonne réussite.)
• Lors de la correction, expliciter le type d’erreur (retenue oubliée,
alignement de l’opération non respectée, confusion de sons,
mauvaise interprétation de la consigne, etc.).
• Proposer des ateliers de progrès en cas de non-réussite avec,
à la clé, possibilité d’être réévalué.

Le rôle de l’enseignant dans ce type d’évaluation est celui d’en-


traîneur et non d’arbitre, pour renvoyer vers une image utilisée
par Jean-Pierre Astolfi dans son ouvrage L’école pour apprendre.

174
6. Faire la classe au quotidien

Il doit guider, accompagner, éclairer tout en valorisant les efforts


visibles, sans tomber dans la démagogie ; les enfants ne sont pas
dupes et il n’y a pas pire trahison pour un enfant qu’un mensonge
énoncé par un adulte en qui il a toute confiance…

L’évaluation sommative ou certificative


}}
Elle couronne la fin (toujours provisoire) d’un apprentissage
et vise à dresser un bilan des acquis en référence à un objectif
de maîtrise de compétence ou de connaissance. Elle est centrée
sur le produit final, le résultat d’une réalisation ou d’une tâche.
L’évaluation sommative vérifie et certifie à certains moments
clés du parcours : en fin de séquence, en fin d’année, en fin de
cycle, en fin de pallier du socle commun. Elle doit donc rester
très ponctuelle.
Étant donné que nous sommes en primaire, il convient de gar-
der à l’esprit que les enfants se situent au début d’un cycle qui ne
se terminera qu’à la fin de leur vie… Il s’agit donc d’utiliser avec
beaucoup de parcimonie et de prudence ce type d’évaluation cer-
tificative, en veillant à ne fermer aucune porte de façon définitive.

☛☛Différentes modalités d’évaluation


Les trois modalités d’évaluation qui suivent sont très intéres-
santes car elles impliquent toutes très fortement l’élève. Celui-ci
devient acteur à part entière de cette évaluation.

L’autoévaluation
}}
L’enfant évalue sa propre production ainsi que les procé-
dures qu’il a utilisées. Pour l’y aider, il pourra se servir d’outils
construits collectivement en classe, comme des grilles de relec-
ture ou des tableaux de consignes ; il peut s’agir également de
ressources comme un dictionnaire, un cahier de leçons, un logi-
ciel Internet, etc.

175
6. Faire la classe au quotidien

Dans cette perspective, l’enfant prend en charge lui-même la


régulation de son travail, il prend du recul par rapport à sa pro-
duction grâce à l’aide de référentiels externes qu’il va lui même
juger nécessaires. Ainsi, il élabore de nouvelles stratégies de
recherche et de questionnement, ce qui impacte durablement
ses processus cognitifs.

L’évaluation mutuelle
}}
Deux ou trois élèves ayant été confrontés à un même travail
évaluent conjointement leurs productions et leurs démarches.
Ensemble, ils confrontent leurs points de vue, négocient sur des
outils à solliciter pour valider une solution.
Riche en interactions, cette forme d’évaluation permet la
décentration. Les enfants y sont amenés à interpréter et analy-
ser des procédures qui ne sont ni les leurs, ni celles de l’ensei-
gnant. Ils envisagent ainsi de nouveaux modèles opératoires.

La co-évaluation
}}
L’élève confronte son autoévaluation à l’évaluation de l’ensei-
gnant, voire même d’un autre enseignant que le sien. Il s’agit de
croiser les regards, de dialoguer sur le bon usage de tel référen-
tiel externe, sur son adéquation avec la tâche demandée.
Dans cette situation, l’élève enrichit ses procédures d’éva-
luation de procédures expertes, il remanie les siennes, met en
relation différents critères.
L’avantage et la particularité de ces formes d’évaluation sont
d’être toutes trois à la fois un moyen et un but d’apprentissage
à part entière. Elles sont intégrées au processus et au contrat
d’apprentissage, elles servent aussi bien l’élève que l’enseignant.
Elles participent à la diversification des moyens et à la per-
sonnalisation des apprentissages.

176
6. Faire la classe au quotidien

Application pratique
Co-évaluer une compétence en CP3
Il s’agit de lire et comprendre un texte.
La compétence, telle qu’elle
apparaît dans le socle
commun, est déclinée
en huit indicateurs,
les fameux items que
l’on trouve dans les
instructions officielles.
Ainsi, pour lire et
comprendre un
texte, l’élève doit être
capable de :
– dire de quoi parle
le texte ;
– déchiffrer des mots
inconnus ;
– répondre à des questions ;
– lire des mots-outils ;
– connaître les lettres ; – lire des mots connus ;
– lier lettres et sons ; – repérer des syllabes.
Dans le schéma proposé par l’enseignant en guise d’outil
de co-évaluation, chaque indicateur est représenté dans des perles
partagées en quatre parts et reliées entre elles sous la forme
d’une roue.
L’enfant colorie avec l’accord de l’enseignant le nombre de part
en fonction du degré de maîtrise de cet indicateur.
Cette évaluation est positive car elle met en avant ce que
l’enfant sait faire. Elle permet aussi de poser clairement
les connaissances et les capacités à apprendre.

3. Par Jean-Emmanuel Maigret, professeur des écoles, maître E, chef d’établissement


et formateur.
Vous trouverez sur son site « Développer ses compétences en formation et
ail-leurs » d’autres outils d’évaluation : cibles d’autoévaluation du langage en
maternelle, kimono de la lecture au CP, etc. (http://jemaigretportfolio.over-blog.com/
categorie-11964498.html).

177
6. Faire la classe au quotidien

On le voit, l’évaluation peut être très positive lorsqu’elle est


pensée en termes de valorisation, d’aide à l’apprentissage et
d’engagement cognitif de l’élève. Il est temps de sortir de l’idée
d’évaluation-sanction ou d’évaluation-récompense qui condi-
tionne plus qu’elle n’émancipe, qui freine l’apprentissage plus
qu’elle ne le féconde et empêche d’entrer dans une dynamique
positive.
Pour finir, voici un petit test qui donne à voir et à réfléchir sur
l’évaluation

Que voyez-vous ?
(cachez les 3 points qui suivent pour ne pas être influencé)

4 8 9 8
+ 3 + 3 + 4 + 5
7 11 12 13

80 % des personnes interrogées sur ce test répondent : il y a une


erreur.
19 % expriment le fait qu’il y a trois opérations justes.
1 % seulement énonce le fait qu’il y a quatre additions posées
correctement, avec, pour trois d’entre elles, un résultat juste et pour
une seule, un résultat faux.

À chacun sa manière d’appréhender une même réalité…

Réalité, objectivité et subjectivité sont des termes qui tous


trois font appel à une incontournable relativité. Sur cette ques-
tion de la subjectivité et de l’objectivité en évaluation, on citera
les travaux d’André de Peretti et François Muller dont les syn-
thèses sont exprimées dans l’ouvrage Mille et une propositions
pédagogiques.

178
6. Faire la classe au quotidien

Oser des détours pédagogiques


Programme, programmation, organisation, gestion, évalua-
tion… L’enseignant pêche souvent davantage par excès de zèle
que par laxisme, tout concentré qu’il est à atteindre le but de son
expédition et oubliant, dans le même temps, que le voyage est
tout aussi important que le franchissement de la ligne d’arrivée.
Les voyages forment la jeunesse, dit avec beaucoup de sagesse
ce dicton populaire.
Et si l’apprentissage était un voyage plus qu’une expédition,
de quoi ce voyage serait-il fait ? De balises, d’étapes, de par-
cours, mais aussi de moments de respiration et de pauses, néces-
saires à l’oxygénation du corps, elle-même indissociable de la
capacité d’effort et d’endurance. Tous ces détours, ces imprévus
et ces hors-pistes marqueront durablement la mémoire de notre
voyageur de souvenirs ineffaçables.

☛☛Marquer des pauses, reprendre son souffle


Pourquoi cette photo de Doisneau où l’on voit un écolier assis
sur son pupitre incliné, les deux joues posées sur ses bras croi-
sés et le regard en biais, perdu dans le gris d’un arrière-plan
flouté, nous attendrit-elle tant ?
Et cette autre-là, où l’on aperçoit un enfant, assis en fond de
classe, la plume à la main et la tête à cent quatre-vingts degrés,
accrochée désespérément au tic-tac l’horloge, pour quelles rai-
sons nous fait-elle tendrement sourire ?
Sans doute parce que ce poète du noir et blanc a su, mieux
que personne, capturer ces secondes d’éternité qui suspendent
le temps, l’espace d’une pause salutaire, d’une respiration inspi-
rante. Ces photos ont fait le tour du monde, elle nous parlent,
évoquent en nous de vieux souvenirs d’école ou bien nous font

179
6. Faire la classe au quotidien

penser à tel et tel élève qui semblent l’un et l’autre tout droit
sortis d’un de ces portraits de classe dont Doisneau avait le
secret.

☛☛ Comprendre les décrochages


L’ennui peut être une explication à ces fugues momentanées.
Ce peut être aussi le besoin d’intériorité qui s’exprime avec
force ou, tout simplement, la marque d’une surcharge affective
ou cognitive. Le cerveau est ainsi fait qu’il ne peut fonctionner
à plein régime sur le seul prétexte qu’un maître s’agite sur l’es-
trade ou que le sablier du problème à résoudre s’écoule impla-
cablement. Le cerveau décroche pour de multiples raisons :
par souci d’économie, par instinct de survie, pour éviter la sur-
chauffe en quelque sorte. Il convient donc en classe d’y apporter
une attention particulière.
Charles a huit ans, il est en CE1, c’est un enfant calme, réservé
et un élève attentif. La récréation vient de se terminer et tous
rentrent en classe. La maîtresse distribue les livres de lecture et
demande aux enfants de lire en silence la première page d’une
nouvelle histoire et de colorier en bleu chaque fois que le nom
d’un personnage apparaît. Consciencieusement appliqué à sa
tâche depuis une bonne dizaine de minutes, voilà que subite-
ment, sans raison apparente, Charles se met à gigoter sur sa
chaise, refaire ses lacets, farfouiller dans sa trousse alors qu’il
n’a besoin de rien d’autre que de ses yeux pour lire et de son
crayon bleu qu’il tient à la main. Juste derrière lui, Laurie,
d’habitude plus agitée, se tient très tranquille, les yeux bien arri-
més à sa page de lecture.

Étude de cas : du côté de l’enseignante


}}
On peut imaginer qu’elle considère que la pause récréative
aura permis à chacun de se changer les idées, de se divertir et

180
6. Faire la classe au quotidien

donc d’être plus disponible pour entrer dans une tâche délicate,
celle de la lecture sélective.
✗✗ Elle commet l’erreur de croire que la récréation repose.
Hors, il n’en est rien. Il se passe mille et une choses dans
une cour de récréation qui réclament un investissement total
des enfants. Jouer, c’est très fatigant, courir aussi, se dispu-
ter, gagner une partie de billes, tout cela mobilise beaucoup
d’énergie. La récréation est une coupure en termes d’espace
et de type d’activité, mais ça n’est en rien une pause.
✗✗ Elle commet une deuxième erreur, celle de passer sans tran-
sition de l’effervescence de la cour à l’engagement dans une
tâche où le corps se retrouve brutalement immobilisé, où les
fortes émotions vécues la minute précédente doivent subite-
ment laisser place à la concentration.

CONSEIL PRATIQUE

La procédure suivante est utile à connaître. Faire entrer les enfants


en classe, leur demander de rester quelques instants debout der-
rière leur chaise, les yeux fermés ou semi-clos, une main sur la
poitrine, à l’écoute du battement de leur cœur. Puis les inviter, une
fois leur rythme cardiaque stabilisé, à s’asseoir sur leur « chaise de
cristal », en prenant soin de les soulever délicatement de manière à
ne pas prendre le risque de les briser. Ce type de rituel présente le
triple avantage de jouer le rôle de sas, de contribuer à la régulation
interne, de constituer une vraie minute de pause et de récupération.

Du côté de Charles
}}
On peut se féliciter qu’il soit entré ainsi si facilement dans
l’activité, faisant fi de l’incroyable découverte qu’il vient de faire
sous le marronnier de la cour et dont il n’a parlé à personne…
une procession de fourmis très organisées ! Élève consciencieux
et curieux de nature, il se plonge donc volontiers dans le récit,

181
6. Faire la classe au quotidien

à la recherche de nouvelles aventures. Les livres d’histoire en


regorgent, ça tombe bien ! Seulement voilà, arrivé au milieu
du deuxième paragraphe, il lit les lettres j.a.r.d.i.n « jardin » !
Patatras, le voilà projeté en l’espace d’une seconde sous l’arbre
aux merveilles, au beau milieu de ses amies les fourmis.

CONSEIL PRATIQUE

Voici un autre rituel qui aurait bien servi à notre ami Charles. En
début d’année, on peut proposer aux enfants de se confectionner
mentalement une boîte à secrets. On explique aux élèves qu’ils
peuvent y déposer à chaque fois qu’ils rentrent en classe leur
découverte, leur chagrin ou toute autre chose qu’ils jugent impor-
tant. On les invitera, à certains moments, à ouvrir leur boîte et à en
partager, s’ils le souhaitent, le contenu.
Cet outil mental très utile permet de réguler les émotions sans les
étouffer, de donner de l’importance à ce qui est important aux yeux
de l’enfant et de favoriser sa disponibilité d’esprit, sa concentration
et sa mise au travail. « Mon secret est là, bien gardé, j’y reviendrai
plus tard, je peux m’investir sans arrière-pensée dans ce qui m’est
demandé. »

Du côté de Laurie
}}
Il est plus compliqué d’analyser son comportement curieuse-
ment impliqué. Elle qui d’habitude pose dix questions avant de
se lancer, se lève trois fois pour solliciter l’aide de l’enseignante,
la voici assise bien tranquillement, le crayon bleu à la main et
les yeux rivés sur sa page de lecture. De deux choses l’une, soit,
pour une raison qu’elle seule connaît, elle s’est véritablement
lancée dans l’activité demandée, auquel cas il faudra en reparler
avec elle et la féliciter. Soit, pour une autre raison qu’elle seule
connaît aussi, elle s’est habillée du costume de l’élève et singe,
sans que personne ne s’aperçoive de la supercherie, la parfaite

182
6. Faire la classe au quotidien

élève silencieuse et concentrée. Mais ses yeux glissent, sans


prise, sur la page du livre, et le crayon bleu cerne ici et là des
mots qui ressemblent vaguement à des noms de personnage.
Elle est en pause depuis le début et n’a jamais activé le bouton
« on ».
Ces moments de lecture silencieuse sont évidemment néces-
saires. L’enseignante a choisi de rendre cette lecture active par
la recherche de mots clés (soulignons au passage que toute
vraie lecture est active par définition). Néanmoins, pour cer-
tains enfants en CE1, la lecture est encore mal acquise, ce qui
rend ce genre de situation très compliqué pour eux. Le risque
est qu’ils n’entrent pas dans l’activité ou qu’ils décrochent après
trois ou quatre minutes.

ASTUCE

Un petit outil très simple à confectionner avec eux, appelé tétra’aide


(voir-ci après), permet de mettre en place une signalétique entre
l’élève et l’enseignant. Il s’agit d’un tétraèdre régulier qui permet de
réguler et de personnaliser l’accompagnement en classe.
➥☛ Sommet vert en l’air : tout va bien.
➥☛ Sommet bleu en l’air : j’aide ou je suis aidée par quelqu’un.
➥☛ Sommet jaune : j’ai une question non urgente.
➥☛ Sommet rouge : j’ai besoin d’aide.

On pourra imaginer d’autres outils signalant un besoin


ponctuel de repos. Le cadre de la minute zen évoqué au
chapitre 2 peut ici être très utile. De cette façon, on reconnaît
le besoin de lâcher prise mais on le circonscrit dans un espace-
temps délimité pour éviter le grand plongeon invisible effectué
par Laurie.

183
6. Faire la classe au quotidien

Le tétra’aide
un tétraèdre régulier pour gagner du temps en classe
1. Découpe la surface extérieure de ce patron.
2. Colorie chaque face d’après le codage ci-dessous.
La zone « Ce tétraèdre appartient à : » est à colorier en vert.
3. Inscris ton prénom au bon endroit.
4. En t’aidant de l’illustration, marque les 6 plis nécessaires.
5. Encolle les 3 parties indiquées (pour cela, de la colle « en bâton » est plus pratique…)
6. Réalise le collage des languettes, et donc le montage de ton tétraèdre.
7. Tu peux, si tu le désires, renforcer chaque arête avec du ruban adhésif.
8. Utilise ton « Tétra’aide » pour faire savoir à ton enseignant(e)
si tu as besoin, d’aide ou non…

La face supérieure
indique l’état de
mon travail.

Codage

VERT Tout va bien…


BLEU J’aide ou je suis aidé(e) par quelqu’un.
JAUNE J’ai une question non urgente.
ROUGE À l’aide !!! Au secours !!! Je me noie !!! Blurrrpppp !!!

Outil élaboré par Bruce Demaugé-Bost.

184
6. Faire la classe au quotidien

☛☛Attention, concentration et focalisation


Bien souvent, on entend dire d’un enfant qu’il manque de
concentration et que sa capacité d’attention est limitée. En réa-
lité, dans la grande majorité des cas, sauf trouble ou déficit de
l’attention, il s’agit simplement d’un manque de savoir-faire en
termes de focalisation, savoir-faire que l’enseignant pourra et
devra développer.
Que se passe-t-il dans la tête d’un enfant qui se met à regarder
par la fenêtre alors que vous êtes en train d’expliquer au tableau
la règle de trois ? Son attention s’est ponctuellement détournée
du tableau pour se focaliser ailleurs. Son attention s’est dépor-
tée, s’est transportée vers autre chose qui absorbe alors toutes
ses capacités attentionnelles. Il ne manque donc pas d’attention,
il manque en revanche d’outils pour rester focalisé sur un objet
extérieur à lui : le cours qui a lieu sous ses yeux. L’emploi du
terme « extérieur » est ici très important. On ne peut rester
attentif, et donc concentré, que si on est impliqué intentionnel-
lement et donc intérieurement dans la tâche.

Le point de vue d’Alain Sotto


« Être attentif, c’est faire exister dans sa tête en images, en mots,
ce qui est perçu par les sens. Être attentif, pour l’élève, c’est
extraire de l’environnement visuel ou sonore les éléments sur
lesquels il va exercer sa pensée. Être concentré, c’est maintenir
une attention soutenue, sans parasitage. C’est résister dans
la durée à la distanciation » (Alain Sotto, in Que se passe-t-il
dans la tête de votre enfant ?).

De nombreuses études sur le cerveau mettent en relief le fait


que cette capacité de focalisation continue sur un objet exté-
rieur à soi ne dépasse pas les huit ou dix minutes. Nous autres,

185
6. Faire la classe au quotidien

adultes, ne dérogeons pas à cette règle. Le tout est donc de per-


mettre à l’enfant de s’impliquer intellectuellement ou physique-
ment dans la tâche en question, en l’y rendant le plus possible
acteur et auteur. Mais alors comment faire en classe ? En effet,
pour de multiples raisons, il n’est pas toujours possible ou sou-
haitable de mettre les élèves au cœur du dispositif. Le travail
en grand groupe collectif fait effectivement partie des moda-
lités quotidiennes de travail et est incontournable. Il faudra
donc user de stratagèmes pédagogiques, comme ceux évoqués
ci-après, pour y impliquer les enfants et marquer des pauses
régulières. Stratagèmes que, peu à peu, les enfants apprendront
à utiliser mentalement et de manière autonome.

☛☛Pratiquer « l’école buissonnière »


« De toutes les écoles que j’ai fréquentées, c’est l’école buis-
sonnière qui m’a paru la meilleure » Anatole France, in Petit
Pierre, 1918.
Curieuse formulation pour un enseignant dont le cadre
d’exercice reste celui de l’école et de la classe. Comment peut-
on pratiquer l’école buissonnière au sein d’un espace qui n’a rien
de bucolique ? Et pour quelles raisons devrait-on emprunter
des chemins de traverse hors des sentiers battus ? Ne serait-ce
pas là encourager les élèves à la dispersion ?

Pour une déconnexion maîtrisée et bénéfique


}}
L’expression « école buissonnière » nous rappelle cette triple
évidence, qu’il convient de se remémorer régulièrement :
✗✗ l’école n’est pas l’unique dépositaire des apprentissages ;
✗✗ aux côtés du programme obligatoire, il existe mille et une
choses passionnantes ;
✗✗ l’enseignant n’est pas le seul maître d’œuvre.

186
6. Faire la classe au quotidien

Jeux pour favoriser l’implication


et la concentration des élèves
Le jeu du bingo : on distribue aux enfants une planche imagée
ou rédigée (différentes pour chacun) dans laquelle apparaissent,
dans des cases, des éléments de la leçon que vous allez traiter de
manière magistrale au tableau. Au fur et à mesure que les exemples,
les illustrations et les explications avancent, les enfants cochent les
cases et lorsqu’ils obtiennent une diagonale, ils ont « gagné ».
Sans préparer autant de planches différentes que d’enfants,
vous pouvez juste intervertir l’emplacement des cases ou proposer
des éléments différents : un tableau Excel, quelques copier/coller,
et le tour est joué.

La bonne pioche : cela consiste à donner, en début de cours


magistral, une carte à jouer à chaque enfant. De votre côté,
vous avez un double de ces cartes distribuées ; il vous faut
donc deux jeux de cartes au total. Toutes les dix minutes, vous
interrompez votre démonstration ou votre correction ou votre
lecture, etc., et vous piochez ou demandez à un enfant de tirer
dans votre paquet une carte. Vous demandez alors à l’enfant
dont la carte a été tirée au sort de prendre la parole soit pour
poser une question, soit pour exprimer une idée, soit pour passer
son tour et donner la parole à un autre. Ici il ne s’agit pas
d’interroger les élèves mais de leur donner la possibilité d’interroger
ou de rebondir sur ce qui a été dit.
Ce dispositif, qui ne demande aucune préparation, est très efficace
et présente l’avantage d’augmenter les chances de faire parler
tous les élèves et pas seulement ceux qui en général lèvent la main.
Vous pouvez garder le paquet de cartes tout au long de la journée,
ainsi, quand toutes les cartes ont été jouées, c’est le signal que
tous les élèves ont participé à un moment ou à un autre.
De nombreux jeux existent sur ces modèles. On les appelle
les jeux-cadres car ils exploitent des jeux de base dont tout
le monde connaît les règles d’utilisation. Leur concepteur et
principal ambassadeur est Sivasailam Thiagarajan, dit Thiagi,
maître incontesté des activités interactives.

187
6. Faire la classe au quotidien

Bernard de Clairvaux, moine cistercien du xiie siècle disait


déjà : « Tu trouveras bien plus dans les forêts que dans les
livres. » Cependant, à moins d’être à proximité d’un parc ou d’un
bois, il ne reste guère d’arbres dans nos cours d’école. L’idée est
donc, au sein d’une organisation particulière, de proposer aux
élèves des temps spécifiques où l’enseignant se met en retrait
au profit d’un temps de classe moins cadré, moins pré-délimité
où le temps appartient alors davantage aux élèves qu’au maître.
Cette manière d’enseigner en pratiquant l’école buissonnière
participe des trois types de pédagogie suivants :
– une pédagogie alternative car elle propose d’autres modè-
les d’apprentissage que ceux de la traditionnelle pédagogie
directive ;
– une pédagogie éclosive car elle autorise l’éclosion de pos-
tures spontanées ;
– une pédagogie inclusive car elle permet de faire entrer en
classe des objets d’apprentissage venus d’ailleurs.
Si les élèves déconnectent ponctuellement de ce qui se déroule
en classe et que leur esprit s’envole ailleurs ou si leurs questions,
par moment, paraissent totalement « hors sujet », il faut voir
dans cet ailleurs, dans cette interrogation décalée, l’existence
d’un pan entier de vagabondages exploratoires les impliquant si
fortement qu’ils en oublient leur métier d’élève.
Pratiquer l’école buissonnière inclusive revient à considé-
rer que cet ailleurs n’est ni condamnable ni indigne d’intérêt,
et que toute question, même si elle semble saugrenue, mérite
toute l’attention que l’enfant y a injectée. Comment faire alors
en classe ? Lorsque surgit ce genre d’événement, il est indis-
pensable de :
– le reconnaître ;
– lui permettre d’exister ;

188
6. Faire la classe au quotidien

– l’intégrer dans l’instant ;


– le différer.
Mise en œuvre possible
}}
Lorsque vous vous apercevez qu’un enfant est parti « dans
la lune », vous lui manifestez, par un signal discret dont vous
aurez convenu préalablement avec la classe, que vous avez bien
remarqué son embarquement. Ce signal permet à l’enfant de
s’autoréguler.
✗✗ Soit il a besoin d’une pause, et vous l’inviterez d’un regard
furtif à pratiquer sa minute de yoga zen dans le cadre
imparti pour cela (voir chapitre 2).
✗✗ Soit il considère que ce qui le mobilisait est d’une importance
relative, il le note alors sur un Post-It ou le dépose dans sa
boîte à secret de manière à y revenir plus tard.
✗✗ Soit il estime que la cause de son évasion virtuelle mérite
qu’on s’y arrête ; il peut alors proposer le « vote de la paren-
thèse ». L’enfant soumet à la classe l’objet de sa diversion
et la classe procède à un vote pour l’une de ces deux propo-
sitions : on s’arrête ici et maintenant pour s’y consacrer le
temps d’une parenthèse buissonnière, ou bien on diffère ce
temps de manière à l’explorer plus tard dans le cadre d’un
« Quoi de neuf ? » spécifique.

Curieusement, on s’apercevra que les enfants, reconnus dans


leurs besoins, n’abuseront pas de ce type de dispositifs. Ils s’y
essaieront au début, pour valider le fait que vous êtes authen-
tique, sincère et respectueux, que vous tenez parole. Puis, au fur
et à mesure, la confiance réciproque s’installant, ils l’utiliseront
à bon escient.
En expliquant clairement aux élèves les finalités et le mode
d’emploi de cette pratique, vous témoignez d’une disponibilité,
d’une écoute et d’une reconnaissance respectueuse de vos élèves

189
6. Faire la classe au quotidien

qui influeront fortement sur le climat de la classe, sur l’enga-


gement des élèves, sur leur sens des responsabilités, sur leurs
capacités progressives de régulation et d’initiative… et, en fin
de compte, sur les apprentissages. Oser des détours pédago-
giques n’a rien de laxiste lorsque cette pratique est mesurée
et assumée. Bien au contraire, elle signifie que vous faites pas-
ser l’apprentissage réel et la motivation des élèves avant le bon
déroulé de votre enseignement, tel que vous l’aviez prévu sur
votre cahier journal.
Pratiquer « l’école buissonnière » n’est pas évident lorsqu’on
débute, elle demande une certaine assurance posturale et
requiert, de la part de l’enseignant, une distanciation par rap-
port à son savoir à laquelle on n’est pas habitué dans notre sys-
tème éducatif. Sans en faire un modèle unique, aucun modèle
unique n’est souhaitable, vous pourrez néanmoins l’utiliser ici
ou là, l’expérimenter et vous familiariser avec la non-directivité
ponctuelle. En l’intégrant comme une modalité possible de tra-
vail en classe, vous élargissez votre palette d’outils au service
de la diversification.

La question des devoirs à la maison


Un point épineux auquel vous serez confronté, surtout si
vous enseignez en classe élémentaire, est celui qui concerne
les devoirs du soir, appelés par certains « les devoirs au noir ».
Faut-il en donner ou non ? Comment faire pour vous position-
ner sur un sujet qui n’a jamais abouti, dans les faits, à un consen-
sus assumé par les différentes parties concernées, à savoir, les
enseignants et les parents ? Nul n’étant censé ignorer la loi, la
première démarche consiste à prendre connaissance de la règle-
mentation officielle en vigueur. De ce point de vue, comme vous
allez le voir, l’argument légal est sans équivoque.

190
6. Faire la classe au quotidien

☛☛Les devoirs à la maison et les textes


Depuis 1956 jusqu’à nos jours, non seulement aucun texte ne pré-
conise de donner des devoirs à la maison, mais, à y regarder de plus
près, ils stipulent tous, avec des formulations différentes, l’interdic-
tion formelle de donner du travail écrit aux élèves de primaire.

La circulaire du 29 décembre 1956


Application de l’arrêté du 23 novembre 1956 relatif à la suppression
des devoirs à la maison (BOEN n° 1 du 3 janvier 1957)
« Des études récentes sur les problèmes relatifs à l’efficacité du
travail scolaire dans ses rapports avec la santé des enfants ont mis
en évidence l’excès du travail écrit, généralement exigé des élèves.
En effet, le développement normal physiologique et intellectuel
d’un enfant de moins de onze ans s’accommode mal d’une journée
de travail trop longue. Six heures de classe bien employées
constituent un maximum au-delà duquel un supplément de travail
soutenu ne peut qu’apporter une fatigue préjudiciable à la santé
physique et à l’équilibre nerveux des enfants. Enfin, le travail écrit,
fait hors de la classe, hors de la présence du maître et dans des
conditions matérielles et psychologiques souvent mauvaises, ne
présente qu’un intérêt éducatif limité.
En conséquence, aucun devoir écrit, soit obligatoire, soit facultatif,
ne sera demandé aux élèves hors de la classe. »

Il est intéressant de noter que cette première circulaire faisait


déjà état d’études scientifiques et de rapports officiels émis par
les instances responsables de la santé publique et qui tous poin-
taient du doigt les dangers encourus par les enfants lorsqu’ils
sont soumis à un régime de travail sur-dosé.

191
6. Faire la classe au quotidien

La circulaire n° 64-496 du 17 décembre 1964


Interdiction des devoirs à la maison pour les élèves des classes
primaires (BOEN n° 1 du 7 janvier 1965)
« Mon attention a été appelée sur le travail des élèves à la maison
ou en étude, d’une part, dans les cours élémentaires et moyens,
d’autre part, au cours préparatoire. L’arrêté du 23 novembre 1956
et la circulaire du 29 décembre 1956 ont précisé qu’aux cours
élémentaires et moyens, les devoirs doivent être faits dans l’horaire
normal de classe et non plus à la maison ou en étude. Le silence
de ces textes en ce qui concerne le cours préparatoire où cette
question ne semblait pouvoir se poser y a encouragé la pratique
des devoirs à la maison qui venaient précisément d’être supprimés
dans les classes supérieures. Je tiens à préciser que l’interdiction
formelle de donner des travaux écrits à exécuter hors de la classe
s’applique également aux élèves des cours préparatoires et
vise, d’une façon plus générale, l’ensemble des élèves de l’école
primaire. Le ministre de l’Éducation nationale, Christian Fouchet. »

On remarquera ici que, s’agissant des devoirs personnels, il


est une nouvelle fois notifié le fait qu’ils ne doivent en aucun cas
être faits à la maison, et que tout travail écrit est rigoureuse-
ment interdit en dehors de la classe.

La circulaire n° 94-226 du 6 septembre 1994


Organisation des études dirigées à l’école élémentaire
(BO n° 33 du 15 septembre 1994)
Ce texte abroge la circulaire du 29 décembre 1956.
« Organisées et conduites par le maître, pour tous les élèves de
sa classe, elles renforcent les activités d’enseignement et
favorisent l’apprentissage du travail personnel. Elles contribuent
à apporter à chaque élève l’aide personnalisée dont il a besoin,

192
6. Faire la classe au quotidien

permettant ainsi de prévenir les risques d’échec et de réduire


les difficultés provenant des inégalités des situations familiales.
S’adressant à tous les élèves, elles ne doivent pas se confondre
avec les activités de soutien en faveur des élèves en difficulté.
[…] Dans ces conditions, les élèves n’ont pas de devoirs écrits
en dehors du temps scolaire. À la sortie de l’école, le travail donné
par les maîtres aux élèves se limite à un travail oral ou des leçons
à apprendre. »

Cette circulaire recadre les modalités du travail personnel


que l’on peut demander à un élève. Ce travail est supervisé par
l’enseignant au sein de la classe et des horaires collectifs et dans
le cadre d’un temps spécifique consacré aux études dirigées.
Il peut toutefois être agrémenté d’une leçon à apprendre ou
d’un travail oral à préparer à la maison, les devoirs écrits étant,
là encore, proscrits.

L’arrêté du 25 janvier 2002


« La suppression d’un horaire spécifique accordé aux études
dirigées ne signifie pas la disparition de celles-ci, mais une
autonomie supplémentaire laissée aux maîtres pour utiliser cette
pratique en fonction des besoins particuliers d’une classe tout
au long de l’année ou pendant une période déterminée. Cette
souplesse permet à l’équipe de cycle d’ajuster les enseignements
au plus près des besoins et aux maîtres d’adopter à chaque étape
le rythme qui leur convient. Il peut arriver d’ailleurs que le conseil
de cycle décide d’accorder à telle activité une importance plus
grande, en fonction d’une actualité ou de tout autre motif. »

193
6. Faire la classe au quotidien

Promulguant les horaires et les programmes de l’école pri-


maire à partir de la rentrée 2002, cet arrêté ne fait plus mention
des horaires consacrés aux études dirigées.
Ce dernier texte, plus ambigu quant à la place laissée dans
l’emploi du temps aux études dirigées, ne revient pour autant
pas sur l’interdiction de donner des devoirs à la maison. Cet
interdit reste donc toujours d’actualité, même s’il est ici moins
explicite. Ce non-rappel de l’interdit a cependant ouvert la voie
à toutes sortes d’interprétations, s’arrangeant de l’implicite
pour s’octroyer un « passe-droit illégal » : celui de donner du
travail à faire à la maison, d’où l’expression « devoir du soir,
devoir au noir ».
À l’argument légal reposant sur ces nombreux textes de réfé-
rence, s’ajoute le ferme positionnement du HCE (Haut conseil
de l’évaluation de l’École) qui exprime très clairement, dans sa
publication de mai 2005, qu’il « considère qu’il ne faut pas tolé-
rer plus longtemps des dérives qui entretiennent, voire creusent
les inégalités ».
Effectivement, dans les faits, ces textes de loi sont quotidien-
nement bafoués à l’école car soumis à la pression de plus en
plus grande exercée par « le haut ». Au lieu de se concentrer
sur ce qu’on peut demander à un enfant de faire à huit ou dix
ans, on se focalise sur ce à quoi il sera soumis au lycée et au-
delà. On lui injecte alors par voie cérébrales des devoirs du soir
censés accroître ses performances, en oubliant un peu vite que
le dopage n’a rien de naturel, qu’il contribue à dérégler l’orga-
nisme des personnes qui y sont exposées et à développer col-
lectivement la surenchère précoce de stratégies de plus en plus
compétitives et sélectives. On en arrive à cette idée qu’un ensei-
gnant de CP qui ne donne pas de devoir à la maison ne prépare
pas ses élèves à la réussite scolaire à laquelle ils ont droit et
qu’un parent qui n’est pas en mesure d’épauler son enfant à la
maison est un parent irresponsable et démissionnaire.

194
6. Faire la classe au quotidien

Comment faire donc au quotidien pour répondre de manière


cohérente à cette triple contrainte : obéir à la loi, comprendre
les attentes des parents, respecter les besoins et les droits des
enfants ?

☛☛Le travail personnel, mode d’emploi


En référence à l’arrêté du 25 janvier 2002, et uniquement si
vous êtes en élémentaire (CP-CM2), convenez en équipe d’un
créneau quotidien consacré aux études dirigées. Si vos collègues
n’en font pas usage, rien ne vous empêche de le mettre en œuvre
dans votre classe. Dix ou vingt minutes par jour en fonction
de l’âge des enfants suffisent à écrire un petit résumé de leçon,
poser une ou deux opérations, remplir une frise historique, colo-
rier les reliefs d’une carte, conjuguer un verbe, réviser une poé-
sie, préparer une dictée, etc. Le choix s’effectuera en fonction de
vos attentes et des besoins des élèves. Tous n’ont pas besoin de
travailler et s’exercer sur la même notion.
Soumettez aux parents un outil de liaison qui leur permette,
jour après jour ou en fin de semaine, de s’entretenir avec leur
enfant sur les apprentissages en cours. Ce peut être un petit
classeur de présentation, appelé également portfolio, où auront
été sélectionnées par les enfants eux-mêmes certaines réalisa-
tions faites en classe. Ainsi, vous rassurez les parents sur le tra-
vail effectué et leur offrez l’occasion d’un échange constructif
autour de ce qui a été fait et non de ce qui est à faire. Vous
transformez la corvée des devoirs en un moment de partage
convivial autours des savoirs. Vous permettez, par ailleurs, aux
enfants, en racontant des situations déjà vécues, de verbaliser,
synthétiser et mémoriser ce qui a été travaillé.
Proposez en plus, le cas échéant, de relire à la maison un texte,
réciter une table de multiplication, vérifier la mémorisation

195
6. Faire la classe au quotidien

d’une poésie, terminer un dessin d’illustration, visiter le blog de


classe, si vous avez opté pour cette pratique, etc.
Suggérez régulièrement aux parents, en lien avec les appren-
tissages en cours et l’actualité culturelle du quartier ou du
village, une exposition qui complètera une activité de classe,
l’adresse d’une bibliothèque où emprunter des livres, des idées
de jeux éducatifs spécifiques, un film à aller voir en famille, etc.
Ces suggestions ne doivent pas se transformer en injonctions. Il
s’agit là d’inviter les familles à accompagner autrement que par
le scolaire les apprentissages scolaires de leur enfant.
Expliquez clairement, lors de la réunion de début d’année, les
modalités de travail personnel, le temps d’études dirigées, la
fonction du classeur de présentation cité ci-dessus, le besoin des
élèves de se reposer après une journée de classe, l’importance
des activités pratiquées en famille (voir également chapitre 5
page 127 sur ce point).
Enfin, pour compléter cette réflexion sur les devoirs à la
maison, n’hésitez pas à vous reporter au site académique de la
Goutte d’Or, sur lequel vous trouverez un argumentaire com-
plet sur cette question : http://18b-gouttedor.scola.ac-paris.fr/
spip.php?article377.

196
7. La discipline en classe
Vers une auto
«N os jeunes aiment le luxe,
ont de mauvaises manières,
se moquent de l’autorité et n’ont
éducative
rité

aucun respect pour l’âge. À notre époque, les enfants


sont des tyrans. » Socrate, 470-399 av. J.-C.
Comme en témoigne cette citation, la question
de l’autorité, contrairement aux idées reçues,
n’a eu de cesse de traverser les âges.
Elle n’est ni nouvelle, ni propre aux jeunes d’aujourd’hui, ni le
fruit d’une école post-soixante-huitarde ou de parents laxistes
et démissionnaires. En revanche, quel que soit le contexte,
elle interroge directement la forme de la posture éducative de
celui qui élève, de celui qui enseigne et de toutes celles et ceux
qui incarnent cette autorité. L’autorité militaire est une forme
d’autorité, dans un contexte spécifique, en vue d’atteindre des
objectifs particuliers. Si cette autorité dans ce cadre-là semble
légitime, elle n’est en rien comparable à l’autorité éducative que
l’on doit à nos élèves. La caserne n’est pas l’école.
À l’école, l’autorité ne se décrète pas. Elle se vit au quoti-
dien, au travers des gestes et des mots, du type de cadre que
l’on pose, de la relation au savoir que l’on tisse avec les élèves,
de l’exigence bienveillante dont on témoigne vis-à-vis d’eux.
L’autorité éducative est sans doute la plus délicate des postures
car elle engage chacun des protagonistes dans une relation à
construire et ne se limite certainement pas à un face-à-face
dominant-dominé.

197
7. La discipline en classe

Reconnaître les besoins des élèves


Le terme d’autorité va de pair avec celui de respect. Respect
du cadre, respect de soi, de l’autre et des autres. Tout comme
l’autorité, le respect ne se décrète pas, il découle d’une récipro-
cité de la relation dont l’adulte est l’initiateur, le modèle et le
garant. L’enseignant qui connaît et respecte les besoins de ses
élèves gagnera en respect et en autorité par le seul fait de recon-
naître chez chacun d’entre eux l’existence d’un certain nombre
de besoins fondamentaux, besoins qu’il ne faut pas ici confondre
avec désirs.

☛☛Un besoin n’est pas un désir


Précaution incontournable, il convient d’entrée de jeu de mar-
quer la différence entre besoin et désir pour éviter de glisser
vers une posture inadéquate favorisant chez l’enfant le dévelop-
pement de comportements débordants, compulsifs et impulsifs.
Ces enfants sont parfois si tyranniques qu’ils se voient qualifiés
d’enfant-roi ou d’enfant-tyran.
Un enfant-roi est un enfant dont chaque désir est comblé
dès lors qu’il s’exprime, voire même anticipé avant qu’il ne se
manifeste ou ne se soit élaboré dans l’esprit de l’enfant. L’adulte
craignant d’avoir à le contredire ou persuadé que le bien-être
signifie la satisfaction permanente et que le « non » équivaut
à l’expression d’un désamour, commet l’imprudence de ne pas
avoir à se positionner face à une demande ou une commande de
l’enfant.
Un enfant-roi est un enfant à qui on n’a pas permis de faire
l’expérience de la frustration, qui ne supporte pas le « non » et
pousse le « oui » jusqu’aux limites de l’inacceptable. L’enfant-
roi, devenu roi sans en avoir la maturité, se retrouve alors dans

198
7. La discipline en classe

la situation d’un puissant tyrannique, insatisfait des autres et


de lui-même, semant partout où il passe la zizanie et le trouble.
Faisant le malheur des autres, il entretient son propre malheur.
En fin de compte, l’enfant-roi est un enfant perdu, sans repère
fixe, sans appui stable, sans référence signifiante et sans struc-
ture organisante.

Définitions et retour aux sources


}}
Le besoin est la recherche d’un moyen en vue d’obtenir une
satisfaction plus ou moins vitale. Il est objectif, naturel et néces-
saire. Une fois satisfait, il passe. Les besoins sont définis et limi-
tés dans leur nombre. On les retrouve d’une culture à une autre,
d’une société à une autre, d’une époque à une autre.
Un enfant a besoin de se nourrir ; si ce besoin n’est pas satis-
fait, il risque de mourir. Il va donc mettre en œuvre des straté-
gies pour subvenir à ce besoin. Pleurer s’il est bébé, voler s’il est
vagabond, etc.
Abraham Maslow, psychologue de la seconde moitié du
xxe siècle,hiérarchise ces besoins sous la forme d’une pyramide,
en distinguant, en partant de la base, cinq niveaux de besoins,
tous indispensables au bon développement de l’être humain, à
sa capacité à s’engager intellectuellement et socialement. Cette
représentation s’est progressivement imposée dans le domaine
de la psychologie du travail et nous intéresse donc ici directe-
ment. On y retrouve, autour de la notion de besoin, des termes
incontournables tels que sécurité, appartenance, estime et
réalisation.

199
7. La discipline en classe

La pyramide des besoins selon Maslow

Besoins Besoins
secondaire de réalisation
« ÊTRE »
Besoins d’estime

Besoins d’appartenance

Besoins
Besoins de sécurité
primaires
« AVOIR »
Besoins physiologiques

Le désir est la recherche d’un plaisir, d’une satisfaction rela-


tivement immédiate. Il est subjectif et éphémère. Sitôt satisfait,
il réapparaît de plus belle. Les désirs sont infinis. Ils diffèrent
selon les contextes.
Un enfant désire une glace, si ce désir n’est pas assouvi, il ne
risque rien. En revanche, il sera soumis à une frustration qui
peut le conduire à la colère, ce qu’en langage adulte, on appelle
caprice. Cette frustration, si elle est accompagnée par l’adulte,
peut également être l’occasion pour lui de gagner en connais-
sance et en maîtrise de soi.

En situation de classe
}}
Quel rapport entre la glace et ce qui se passe en classe ?
Dans le cadre de l’enseignement, il existe toute une catégorie
de besoins liés à l’apprentissage et au vivre ensemble.

200
7. La discipline en classe

Besoins liés à l’école


Besoins physiologiques : respirer, bouger, se nourrir, se reposer.
Besoins cognitifs : découvrir, raisonner, manipuler, imaginer, créer.
Besoin de grandir : être respecté dans son rythme de développe-
ment et de maturité.
Besoin d’autorité, de cadre : se sentir en sécurité.
Besoins affectifs : être reconnu et valorisé, aimer et être aimé.
Besoins de relations sociales : interagir, influencer.
Besoins d’intimité : se recentrer sur lui, se ressourcer
intérieurement.
Besoins de jouer : rire, éprouver le plaisir.

Ces besoins entrent souvent en conflit avec les désirs, ce qui


conduit à l’amalgame. Ce n’est pas parce qu’un enfant a besoin
de jouer et de courir qu’il faudra accepter son envie subite de
jouer au foot en pleine séance de mathématiques. Ce n’est pas
parce qu’un enfant a besoin d’aimer qu’on tolèrera son désir
spontanée d’embrasser sa camarade en pleine activité de
géographie. Ce n’est pas parce qu’un enfant a besoin d’interagir
qu’on le laissera bavarder à tout va, ou interrompre un camarade
qui présente un exposé sur les escargots, etc.
L’enseignant doit donc faire preuve de vigilance et de
pertinence. Face à telle ou telle situation, et en fonction de l’âge
de l’enfant, il lui faudra faire la part des choses, comprendre la
nature de la demande ou de la résistance manifestée par l’élève
et expliciter ses choix, sans dévaloriser ni culpabiliser. Il n’y
a pas, d’un côté, le « bon besoin » et, de l’autre, le « mauvais
désir ». Ce sont juste deux notions distinctes qu’il faut appren-
dre à repérer et intégrer. Le cas échéant, l’enseignant posera un
« non » efficace, il témoignera d’une autorité légitime rigoureuse

201
7. La discipline en classe

et émancipatrice et non d’une autorité subjective fondée sur la


quête d’une obéissance aveugle et dénuée de sens. L’autorité
autoritaire n’est pas l’autorité éducative.
Face à un enfant qui fait de la résistance, deux types de pos-
ture sont possibles. Vous pouvez, par exemple, lui dire :
« Je comprends que tu n’aies pas envie d’apprendre ta leçon,
mais ton exercice montre que tu as besoin d’acquérir des auto-
matismes. Il est essentiel que tu combles ce besoin si tu désires
progresser. »
En parlant ainsi :
– vous vous fiez à des indicateurs tangibles ;
– vous signifiez à l’élève qu’il a des besoins précis ;
– vous encouragez son désir de progrès ;
– vous incarnez l’autorité mais ce qui fait autorité, c’est le savoir
à acquérir.
Vous pouvez également lui expliquer :
« Tu n’as manifestement pas envie d’obéir, mais en ne te
pliant pas à la règle qui consiste à ne pas courir dans les esca-
liers, tu prends le risque de te blesser ou de blesser un camarade,
tu ne respectes pas le besoin de sécurité. Je ne peux pas te laisser
faire, tu descendras donc en récréation en me tenant la main
et tu pourras courir tant que tu veux une fois dans la cour, en
prenant soin tout de même de ne bousculer personne. »
En parlant ainsi :
– vous partez d’un événement concret ;
– vous rappelez la fonction de la loi ;
– vous responsabilisez en exprimant les actes et leurs consé-
quences ;
– vous incarnez l’autorité mais ce qui fait autorité, c’est le cadre
sécurisant de la règle.

202
7. La discipline en classe

☛☛Être autoritaire, faire autorité,


avoir de l’autorité
Comment enseigner avec autorité et faire autorité sans être
autoritaire ? Comment, moi, jeune enseignant, puis-je incarner
l’autorité éducative ?
Votre statut d’enseignant, de professionnel vous donne une
première légitimité. L’institution vous a reconnu comme adulte
de référence et, par ce fait, elle vous donne un caractère légal
qui suggère le respect dû à votre statut. Mais un statut ne suffit
pas à asseoir son autorité. Il va falloir être à la hauteur de ce
statut en évitant les pièges du seul recours à ce dernier.
L’autorité éducative est celle qui élève l’autre en lui permet-
tant de s’élever au rang de personne responsable. Dans ce
cadre-là, elle ne peut reposer sur l’unique question de l’obéis-
sance à un statut. Pour approcher de plus près cette notion
d’autorité éducative, on peut procéder par élimination en reje-
tant quelques postures souvent assimilées à l’autorité en vertu
des représentations qu’on s’en fait.

Ce que n’est pas l’autorité éducative


Le pouvoir qui mène à l’infantilisation
La contrainte qui génère le refoulement
Le recours au chantage qui suscite la culpabilité
La domination qui appelle la rébellion
La manipulation qui conduit à la rupture de confiance

L’autorité éducative se situe dans un équilibre subtil basé sur


une triple dimension : le respect du cadre qui assure la sécurité et
la justice, la raison qui permet la réflexion et l’autonomisation, et
l’empathie qui invite à l’écoute et à la prise en compte de l’autre.

203
7. La discipline en classe

Vous aurez donc à travailler ces trois dimensions de manière


à habiter avec autorité votre statut d’autorité.
Pour reprendre une formule
TROIS ÉCUEILS À ÉVITER
de Bruno Robbes, auteur de l’ou-
➥☛ S’en tenir au cadre de manière psy- vrage L’autorité éducative dans
chorigide. la classe, « l’autorité éducative
➥☛ Confondre réflexion et dialogue de
se situe entre l’autorité autori-
sourds.
➥☛ Faire de l’empathie un droit à la taire et l’autorité évacuée ».
déresponsabilisation.
L’enfant construit peu à peu
ses connaissances et ses com-
pétences civiques et sociales ; la prescription, l’interdiction, la
sanction, tout comme l’absence de règles et la complaisance
démagogique, loin de l’y aider, génèrent un manque de lisibi-
lité et de cohérence incompatibles avec l’autorité éducative et
l’apprentissage du respect de cette autorité.
Le tableau ci-dessous permet d’envisager la manière dont
vous pourrez faire face à un problème de discipline en évitant
certaines réponses inappropriées.

Flagrants délits d’antipratiques et contrepropositions

Situation Pratiques nocives Alternatives


Face à Saisir la copie, mettre S’approcher tranquillement
un enfant un zéro, donner une de l’enfant, marquer d’une croix
qui triche heure de colle et un mot au crayon à papier l’emplacement
à faire signer par les où vous avez surpris l’enfant en train
parents. de tricher, lui demander à demi-voix
Demander à l’enfant de terminer son travail et de venir
d’arrêter son travail, vous voir en fin de séance.
de venir vous voir à Lui signifier alors que, selon
votre bureau et entamer la charte dont il est lui-même
une discussion sans fin co-auteur et co-signataire,
sur le pourquoi il a enfreint la règle et qu’il
du comment. s’expose donc à la sanction
votée préalablement en classe.

204
7. La discipline en classe

Situation Pratiques nocives Alternatives

Face à Excuser l’enfant sans Réfléchir avec lui sur la manière


un enfant condition ni retour dont il aurait pu éviter d’avoir
qui triche critique, en considérant recours à son voisin ou à une
(suite) que ce n’est pas si grave, antisèche.
qu’il est jeune et que Lui exprimer clairement que vous
vous lui faites confiance considérez cet événement comme
sur le fait qu’il ne une erreur de sa part et non comme
recommencera plus. une faute, que cette erreur ne doit
plus se reproduire sous peine de
devenir une infraction susceptible
d’entraîner un entretien avec
les parents.

Face à Faire preuve soi-même Inviter les protagonistes à vous


un enfant de violence verbale ou retrouver en fin de matinée ou
qui a insulté physique. de journée. (Éviter le traitement
un camarade Prendre la position de à chaud.)
juge sans permettre aux Permettre aux enfants concernés
intéressés de s’exprimer. de s’expliquer dans un lieu calme
Les renvoyer dos à dos et confidentiel.
en leur demandant de Sachant qu’il est très difficile de
régler eux-mêmes leurs remonter à la source du conflit,
histoires. les amener à s’interroger sur le sens
et le poids des mots, et sur l’émotion
et les sentiments qu’ils peuvent
provoquer. Garder en tête qu’un
mot peut paraître injurieux pour
l’un et ordinaire pour l’autre.
Leur proposer un atelier sur la
communication non violente dans
lequel ils seront amenés à imaginer
un mini-sketch pour le prochain
conseil d’enfants. Si le sketch joué
devant la classe révèle une vraie
prise de conscience, leur proposer
de devenir médiateurs dans la cour.

Face à un Donner une punition Demander d’office la mise en place


méfait dont collective. d’un conseil d’enfants. Engager
on ne connaît Exercer un chantage une réflexion autour de la notion
pas l’auteur en vue d’obtenir une d’espace collectif et de responsa-
dénonciation. bilité individuelle. Leur soumettre
Passer à autre chose les trois idées ci-dessus exprimées
sous le prétexte comme antiéducatives et engager
« pas vu, pas pris ». un débat.
Inviter le responsable anonyme
à venir de lui-même et en toute
confidentialité se présenter à vous
de manière à discuter ensemble.

205
7. La discipline en classe

Bien conscientisée et assumée, l’autorité éducative autorise


plus qu’elle n’interdit, elle permet de mieux vivre ensemble,
de mieux être, de mieux apprendre et de mieux penser. Elle
conduit à l’autonomie progressive et émancipatrice de tous.

Poser un cadre sécurisant


Les deux grandes fonctions de la loi sont la protection et la
restauration. Elle vise à sécuriser chacun des membres d’une
communauté, ici, la classe, et permet également en cas d’infrac-
tion à cette loi, de restaurer l’image de soi de la victime, si vic-
time il y a, comme celle du coupable ou responsable, selon le
type de transgression commis. Vu le jeune âge des élèves, on
préfèrera utiliser le terme de responsable. Cette question de la
restauration est déterminante pour le choix de la mise en place
du système de sanctions encourues.
Plus le cadre prendra en compte les besoins de sécurité, créera
un sentiment d’appartenance et d’estime de soi, incorporera les
besoins tels que Maslow les a définis, et plus il sera légitime,
juste et efficace.

☛☛Prendre en compte les besoins des élèves


Établir un sentiment de sécurité pour répondre
}}
au besoin de sécurité
Le sentiment de sécurité, tout comme celui de confiance, fait
partie des besoins fondamentaux de l’être humain. Le cadre sco-
laire se doit d’incarner l’un et l’autre, tout en développant, au
sein de la communauté éducative, des apprentissages relatifs à
leur compréhension, leur respect et leur mise en œuvre. Pour
la très grande majorité des élèves, l’école est obligatoire, elle

206
7. La discipline en classe

ne se négocie pas chaque matin, en fonction de la météo ou de


l’emploi du temps des parents. Ils sont donc contraints de s’y
rendre. La toute première des responsabilités éducatives des
adultes est de faire de ce cadre imposé un cadre d’accueil où
règne un fort sentiment de sécurité.
Pourtant, un trop grand nombre d’enfants, sans être victimes
de violences visibles, souffrent en silence de ce qu’on appelle
aujourd’hui la violence ordinaire. On évoque beaucoup les vio-
lences extra-ordinaires, celles dont on parle dans les journaux
et dans les campagnes de lutte contre le harcèlement. Ces cam-
pagnes demeurent sans nul doute nécessaires, mais elles ne
doivent pourtant pas occulter ce deuxième type de violence,
nettement plus fréquent et qui reste un tabou. Il est peu analysé
dans la littérature pédagogique et quasiment inexistant dans
les médias. Ce silence complice lui permet de régner en toute
impunité.
Ce qui caractérise cette violence, c’est d’être :
– invisible ; – subjective ; – quotidienne.
– muette ; – multiformes ;

Exemples de violences ordinaires


• Les sourires moqueurs à répétition qui font tache d’huile.
• Les petits gestes méprisants qui lancent la mode d’un nouveau
bouc émissaire.
• L’indifférence dans laquelle l’enfant se noie jour après jour.
• Le cœur qui se serre à l’idée de descendre en récréation.
• Les humiliations ressenties à chaque mauvaise note.
• Le malaise éprouvé face à la page blanche.
• La solitude quotidienne face aux devoirs du soir.
• La lassitude ou le désespoir d’avoir à revivre tout cela
chaque matin.

207
7. La discipline en classe

Ce qui la rend difficilement saisissable et lui procure un vaste


terrain d’expérimentation. Elle peut s’exercer en classe ou dans
la cour, dans les vestiaires, comme dans les couloirs et jusqu’à
la maison.
Maux de ventre, migraines, troubles du sommeil, déprimes
larvées, troubles du comportement, autant de symptômes
extra-scolaires qui trouvent leur origine, pour une grande part,
au sein du cadre scolaire et sur lesquels, en tant que garant du
cadre, on ne peut décemment pas fermer les yeux sous peine
d’en être complice. Les jeunes enfants français font partie des
plus grands consommateurs de pilules en tout genre : anti-
spasmodiques, anticéphaliques, antidépressives, etc. Une cami-
sole chimique le matin, une autre le soir, et voilà la souffrance
anesthésiée mais le mal amplifié. On traite la manifestation du
malaise, on n’en traite ni la cause ni l’origine.

Le point de vue de Janusz Korczak


« La fièvre, la toux, les vomissements sont, pour le médecin,
ce que le sourire, la larme, les joues rouges sont pour l’éducateur.
Il n’y a pas de symptômes sans signification. Il faut tout noter et
tout soumettre à la réflexion, rejeter ce qui est dû au hasard, lier
ce qui est similaire, chercher des lois fondamentales chercher ce
qui manque à l’enfant, ce qu’il a en trop, ce qu’il exige, ce qu’il peut
donner l’école est un terrain d’analyse, une clinique d’éducation »
(Janusz Korczak, 1878-1942, in Les moments pédagogiques).

Si l’on souhaite que les jeunes respectent les adultes qui les
élèvent et le cadre dans lequel ils sont éduqués, la première des
conditions est de rendre ce cadre respectueux de leurs besoins
fondamentaux, dont le premier est celui de sécurité, qu’elle soit
physique, psychique, affective ou intellectuelle.
Sans satisfaction de ce besoin originel, aucune relation n’est
envisageable, aucun cadre n’est légitime, aucun apprentissage

208
7. La discipline en classe

n’est possible. La classe est donc le lieu de prédilection pour tra-


vailler cette question, notamment par le biais du développement
de sentiment d’appartenance à une culture de classe et du senti-
ment d’identité nécessaire pour exister dans l’espace-classe.

Créer un sentiment d’appartenance pour répondre


}}
au besoin d’appartenance
Voici un petit questionnaire sous forme de bilan autoéva-
luatif1 qui vous permettra de vous interroger sur la manière
dont vous créez un sentiment d’appartenance. Il est vivement
conseillé de le refaire deux à trois fois par an. En outre, en réali-
sant cette pause réflexive, vous développerez par la même occa-
sion vos compétences dans les domaines de l’éthique et de la
responsabilité, deux domaines qui correspondent au point 1 du
référentiel métier.

Les questions à se poser vis-à-vis du sentiment d’appartenance

Moi, enseignant-adulte-référent-éducateur, est-ce que…


je fournis aux élèves des occasions pour partager leurs sentiments
positifs, leurs frustrations et leurs préoccupations générales ?
j’aide mes élèves à développer des habiletés sociales comme être un
ami, travailler en équipe et être sensibles aux besoins des autres ?
je planifie des activités qui favorisent la complicité et l’esprit d’équipe ?
je montre à mes élèves au sein du groupe que je suis fier d’eux ?
je donne aux élèves qui ont fourni des efforts des occasions pour
gagner la reconnaissance de la classe ?
je donne aux élèves des occasions pour travailler ensemble ?
je dissuade mes élèves de ridiculiser ou de rejeter les autres ?
je connais les forces de chaque élève ?
j’applique les règles sans dévaloriser les élèves ?

Pour chaque question, on pourra répondre par TS (très souvent), S (souvent),


DTET (de temps en temps), PJ (presque jamais).

1. Autoévaluation de l’enseignant, document de source et d’auteur inconnus.

209
7. La discipline en classe

}}Construire le sentiment d’identité pour répondre


au besoin d’estime et de réalisation
Sans conscience de soi, affirmation de soi et estime de soi, il
est bien difficile d’exister au sein d’un groupe, de reconnaître
l’existence des autres et donc de développer son sens de l’enga-
gement et du respect mutuel.

Les questions à se poser vis-à-vis du sentiment d’identité

Moi, enseignant-adulte-référent-éducateur, est-ce que…

je fais savoir à mes élèves que je m’intéresse à chacun


d’eux en tant que personne unique ?

j’alloue du temps à mes élèves pour parler dans un contexte


semi-privé plus intime et personnel ?

je discute individuellement avec mes élèves de sujets


qui ne sont pas directement liés à leur travail académique ?

j’adopte une attitude chaleureuse et intéressée à l’égard


de mes élèves ?

je partage avec mes élèves mes sentiments personnels ?

je remarque et commente les choses qui sont importantes


pour mes élèves ?

je montre aux élèves qui reviennent après une absence


qu’ils nous ont manqué ?

les renseignements que je donne aux élèves concernant


le développement de leurs habiletés les aident à construire
des sentiments positifs plutôt que négatifs ?

j’utilise des questionnaires qui mesurent le concept de soi pour


évaluer comment mes élèves se sentent par rapport à eux-mêmes ?

je renforce les éléments positifs de chaque élève ?

Pour chaque question, on pourra répondre par TS (très souvent), S (souvent),


DTET (de temps en temps), PJ (presque jamais).

210
7. La discipline en classe

On le voit ici assez concrètement, les gestes et postures de


l’enseignant signent une relation à l’autorité qui lui permet tout
à la fois d’incarner le cadre, de le mettre en œuvre dans sa classe
et d’y associer les élèves. Reste à évoquer les cas où la trans-
gression nécessite la mise en place de sanctions jouant, à l’école,
le rôle capital d’outils de responsabilisation, de restauration et
de réparation.

☛☛Appliquer des sanctions qui élèvent


et restaurent
À l’école primaire, les enfants sont là pour apprendre. Les
compétences civiques et sociales sont des domaines d’apprentis-
sage comme les autres. La sanction doit donc se penser comme
l’un des éléments du dispositif, non obligatoire puisque certains
élèves n’en auront pas besoin. Elle doit être éducative, contex-
tualisée et fournir aux élèves des points de repères explicites,
cohérents et signifiants.
La sanction vise l’avenir en s’appuyant sur des éléments du
règlement qui n’ont pas été intégrés correctement par l’enfant ;
elle s’attache à rendre compréhensible l’objet de la transgres-
sion, pourquoi il y a eu trans-
gression et comment ne pas RAPPEL
réitérer cette transgression. La
sanction est une modalité de Rappelons au passage, qu’en mater-
médiation, non un dispositif nelle, la sanction est interdite depuis
la circulaire n° 91-124 du 6 juin 1991
punitif. Elle comporte certes un (1) modifiée par les circulaires n° 92-
caractère contraignant mais la 216 du 20 juillet 1992 et 94-190 du
nature de cette contrainte est 29 juin 1994.
avant tout apprenante.

211
7. La discipline en classe

Parole d’enseignant
Oser intervenir
Toi, mon élève, ma sœur, mon frère,
Je te respecte assez pour te dire que tu fais fausse route,
que tu perds ton temps, que tu t’esquintes la santé, que tu te détruis.
Je ne te dirai rien qui puisse te blesser ou t’humilier.
Mais quand ton comportement me choquera,
je ne fermerai pas les yeux.
Parce que je veux que tu grandisses, je te parlerai franchement.
Je risquerai ma parole au gré de ta liberté.
Je parlerai en face, et pas derrière toi.
Je sais les capacités de jugement, d’amour,
de responsabilité, que tu portes en toi,
Et je crois que le fait de te dire ce qui ne va pas peut t’aider
à te ressaisir pour progresser.
Peut-être ne reconnaîtras-tu que plus tard
qu’il était bon que je te parle.
En tout cas, sache que ce que tu me confies,
je ne le répéterai pas à tout vent,
je n’en rirai pas avec d’autres…

Christiane Conturie, in Enseigner avec bonheur.

Oser intervenir, poser une parole d’autorité, dire stop et faire


apparaître la ligne rouge franchie sont autant de gestes profes-
sionnels qui doivent accompagner l’enfant en amont comme à
l’instant de la sanction.
S’il est indispensable d’intervenir et d’agir pour rappeler la
règle à certains, toutefois, certaines conduites sont à proscrire
absolument :
– ridiculiser l’élève en tête à tête ou devant le groupe entier ;
– le mépriser et montrer du dédain pour sa culture ou son édu-
cation familiale ;

212
7. La discipline en classe

– le juger par une critique à l’encontre de sa personne ;


– le priver de droits imprescriptibles liés à ses besoins fonda-
mentaux ;
– punir sans lien avec une charte préétablie ;
– l’extraire du groupe sans surveillance ;
– superposer plusieurs sanctions ;
– procéder à un chantage affectif ;
– mettre un terme à la relation de confiance.

Point de vigilance :
à propos des devoirs-sanctions
1. On veillera à ne pas abuser des devoirs écrits supplémentaires,
le risque étant de provoquer chez l’élève une colère ou un dégoût
vis-à-vis de l’écrit et de développer un rapport négatif à sa
relation au travail. « Si on me punit par le travail, c’est que
travailler est une punition. »
2. On évitera également les devoirs supplémentaires à faire
à la maison en se référant au texte interdisant les devoirs écrits
en primaire depuis la circulaire du 29 décembre 1956.

Pour être efficace, une sanction doit :


– être légale et correspondre aux dispositions fixées par le
règlement ou la charte ;
– se plier au principe de contradiction en permettant aux inté-
ressés de s’exprimer ;
– être proportionnelle et graduée en fonction de l’âge et du type
d’infraction ;
– être personnalisée et individualisée tout en respectant le prin-
cipe d’équité ;
– être en lien avec le caractère particulier du lieu où elle
s’exerce : ici, l’école.

213
7. La discipline en classe

Une sanction doit permettre de faire acquérir un sentiment


de compétence sociale. Dans cet esprit, elle rejoint certaines
caractéristiques de la notion de situation problème. Face à un
problème, une situation particulière rencontrée, l’enfant a com-
mis une erreur, ici, un manquement au règlement. La sanction
doit alors jouer le rôle d’obstacle et fournir à l’élève une occa-
sion d’autoévaluation, de raisonnement et de compréhension, de
manière à ce qu’il y ait un véritable changement de conception
autorisant un changement de comportement. Attention, cette
analogie ne doit pas conduire à la réciproque. Dans une situa-
tion d’apprentissage, l’erreur n’est pas une faute ! Le parallèle
effectué ici est une façon d’exprimer que l’apprentissage des
règles est un apprentissage à part entière, même si l’erreur dans
ce cas est appelé faute car elle correspond à un non-respect de
la loi.

Exemples de sanctions et de réparations


(à adapter en fonction de l’âge des
enfants)
1. Un enfant a détérioré volontairement un livre de la bibliothèque.
Sanction : tu n’as plus accès pendant une semaine à l’espace
collectif de lecture.
Réparation : tu seras chargé la semaine prochaine, en fin
de journée, du classement et du rangement de la bibliothèque.

2. Un enfant a insulté un camarade.


Sanction : tu n’as plus le droit à la parole en classe aujourd’hui.
Réparation : tu animeras avec ton camarade le prochain
atelier philo sur le thème « Des mots qui font mal ».
Nous le préparerons ensemble.

Enfin, dernier point, la sanction doit être l’occasion pour l’en-


fant de reconquérir l’estime de soi et restaurer l’estime de l’autre

214
7. La discipline en classe

lorsqu’il y a eu violence physique ou verbale. Il ne suffit pas de


dire « Pardon, je ne le ferai plus ». Il ne suffit pas non plus de
donner son pardon comme on absout un péché. Il convient de
donner des moyens concrets aux enfants de se réhabiliter et de
réhabiliter l’autre au sein de dispositifs qu’on pourrait appeler
« Des paroles et des actes ».

Instituer la notion de contrat


Comment engager nos élèves dans l’élaboration de leur
conscience civique ? Comment les responsabiliser tout en les
éclairant sur le fait qu’une loi ne se marchande pas ? Comment
trouver alors, au sein d’un cadre strict, des espaces propices à
la négociation et la contractualisation ? Sans doute, avant toute
chose, faut-il travailler avec eux à la question du négociable et
du non-négociable, du prescriptible et de l’imprescriptible.

Le point de vue de Bruno Hourst


« Le non-négociable, c’est le cadre où s’applique directement
l’autorité de l’adulte, pour des raisons claires : sécurité, santé, soin,
enseignement, valeurs morales. C’est ce qu’on interdit absolument.
L’interdit n’est pas un caprice de celui qui exerce l’autorité, c’est ce
qui protège l’enfant, contre les agressions des autres autant que
contre ses propres débordements. C’est ce qui permet de vivre
ensemble dans un groupe ou une société.
Le négociable, c’est… tout le reste (Bruno Hourst, in J’aide mon
enfant à bien vivre l’autorité).

☛☛Le non-négociable : la loi


On ne transige pas sur tout ce qui relève de la sécurité phy-
sique et de l’intégrité morale.

215
7. La discipline en classe

✗✗ On ne frappe pas, on ne mord pas, on ne pousse pas sciem-


ment dans les escaliers, etc.
✗✗ On ne joue pas à certains « jeux dangereux » dans la cour
(jeux de non-oxygénation, jeux d’agression).
✗✗ On ne calomnie pas, on ne profère pas d’insultes raciales,
sexuelles ou religieuses.
✗✗ On ne perturbe pas l’intimité d’un enfant aux toilettes.
✗✗ On ne transige pas non plus sur des délits du type vol et
dégradation de matériel.
Pour être accessibles, les articles relevant de la loi impres-
criptible doivent être clairs et peu nombreux. En cas de faute,
il convient d’être très ferme et réactif dans l’application de la
sanction prévue à cet effet dans le règlement de l’école. Aucune
négociation ne peut être mise en œuvre. Une réflexion sera
nécessaire, une réparation également, comme on l’a évoqué pré-
cédemment mais aucune soustraction à la sanction immédiate.
Il s’agit là de stopper net un comportement et de protéger les
personnes contre les conséquences de ce comportement. Ne pas
appliquer le règlement serait la marque d’un manque de sens de
la responsabilité de la part des adultes.
Pour autant, on ne peut appliquer un règlement que si on le
connaît véritablement. Lire en deux minutes un texte de loi et
le faire signer par les enfants et les parents en début d’année
n’est pas suffisant. Cela donne bonne conscience, cela permet au
moment de la sanction de dire : « Vous avez signé, vous saviez. »
Mais, en réalité, cela traduit un certain manque de cohérence et
d’honnêteté intellectuelle de la part des adultes. Un vrai travail
d’équipe de sensibilisation et de communication doit faire l’objet
d’une campagne régulière et rigoureuse.

216
7. La discipline en classe

Exemples de sanctions en lien avec la loi


Exclusion temporaire du groupe sous surveillance d’un adulte
avec une graduation possible :
– mise à l’écart momentanée d’un enfant sur un banc pendant
la récréation ;
– mise à l’écart provisoire d’un élève dans la classe ;
– renvoi dans le bureau du chef d’établissement.
Communication de l’équipe éducative avec une progressivité possible :
– simple mot dans le carnet de correspondance ;
– entretien avec les parents ;
– avertissement solennel ;
– convocation à un conseil de discipline.

☛☛Le règlement : l’esprit plutôt que la lettre


Selon les situations, il est nécessaire d’expliquer et d’adapter
le règlement.
Ainsi, on ne s’adresse pas avec les mêmes mots à un enfant
de quatre ans qu’à un autre de dix ans. Ils n’ont pas non plus
le même rapport au monde.
Il faudra donc penser à décliner le règlement selon l’âge de
l’enfant sans perdre l’essence de son contenu. Par exemple :
– un enfant de deux ou trois ans qui mord en maternelle ne peut
être considéré de la même façon qu’un enfant de neuf ans qui
mord au sang un camarade. Ils n’ont pas la même expérience
de la relation aux autres ;
– un jeune élève de cinq ans qui met dans sa poche un jeu qui
ne lui appartient pas ne peut être sanctionné de la même
manière qu’un autre de dix ans qui fouille dans le cartable de
son voisin. Ils n’ont pas la même conscience de la propriété
individuelle ;
– chacun sera averti et sanctionné en accord avec son dévelop-
pement psychocognitif.

217
7. La discipline en classe

Certaines familles ne maîtrisent pas suffisamment la lan-


gue française pour lire et comprendre un texte souvent long et
abscons. Il conviendra alors :
– de le réduire pour lui donner de la lisibilité et de la valeur ;
– de l’expliciter sous une forme orale et visuelle à l’aide de
forums théâtralisés ou de vignettes pour lesquels on misera
sur la collaboration des enfants et des familles.
On peut signer un document le deux septembre et en oublier
le contenu trois mois plus tard. Pensez à afficher ici et là des
extraits illustrés du règlement et à en changer régulièrement
l’aspect visuel, de manière à susciter l’intérêt.
L’enjeu de la loi scolaire est également de faire le lien avec
la Loi tout court. Si les enfants sont soumis à cette loi, les
adultes le sont également, à l’école et hors de l’école. Personne
n’échappe à cette loi. La France est un État de droit. Chacun
peut y vivre librement grâce à cette loi et grâce à son respect. Il
est important, notamment au cycle 3, d’insérer cette dimension
à chaque fois que l’occasion se présentera.

☛☛Le négociable : la charte


L’espace donné au négociable, au regard de celui occupé par
le non-négociable, est finalement bien plus large. Le négociable
touche toutes les règles du savoir-vivre et du savoir-travailler
relative à :
– l’organisation du travail ;
– la circulation des personnes ;
– la régulation de la parole ;
– les bases de la politesse.
Elles sont de nature fonctionnelle et relationnelle et visent
à rendre efficace et humain le temps scolaire. Elles facilitent,
guident, informent et permettent de réguler au fur et à mesure
de l’année les différents apprentissages par l’acquisition de

218
7. La discipline en classe

nouvelles compétences civiques. La co-élaboration de ces règles


quotidiennes, le vote démocratique qui entérine les choix effec-
tués, la signature apposée de chacun des élèves conduisent à
considérer l’obéissance à ces règles non pas comme une sou-
mission, mais comme le reflet d’une contractualisation. Cette
contractualisation prend valeur d’engagement authentique
pour l’élève qui fait acte d’autorité sur lui-même en comprenant
ce qu’il gagne et en acceptant ce qu’il perd.
La loi est la même pour tous dans l’école, les chartes sont
déclinées différemment dans chaque classe, en écho au travail
réalisé par les enfants avec leur enseignant. La liberté pédago-
gique de l’enseignant se superpose ici à l’espace de liberté offert
aux enfants dans la conception de leur charte.

Le point de vue de Michel Develay


« Construire de la loi en classe, c’est pour un enseignant accepter
de discuter […] à propos de ce qu’il est utile de faire pour
apprendre et vivre ensemble, ce qui va se traduire en dernier
ressort par le règlement de la classe. La loi, élaborée collectivement,
est l’exigence pour passer d’une société de droit oral à une société
de droit écrit. Elle est la condition pour faire vivre une classe
comme une réalité groupale et pas uniquement comme une somme
d’individus » (Michel Develay, in Donner du sens à l’école).

☛☛Formuler les règles d’une charte


La forme affirmative est la plus adaptée : « J’ai le droit de…
quand… » ; « J’ai aussi le devoir de… car… »
Voici, formulés dans le désordre et sans aucun caractère pres-
criptif, quelques exemples de formulation que l’on pourrait
trouver dans une charte collective de classe. On peut également

219
7. La discipline en classe

envisager une charte générale et plusieurs mini-chartes relatives


à des situations précises : charte d’utilisation d’Internet, charte
du bon usage de la récréation, charte de l’espace bricolage, etc.

Exemples de formulation d’une charte


« J’ai le droit d’aller dans l’espace jeu quand j’ai terminé un travail
et j’ai le devoir de respecter le silence pour ne pas déranger mes
camarades. »
« J’ai le droit de poser les questions qui me semblent utiles ou
intéressantes et j’ai le devoir d’écouter celles posées par mes
camarades parce qu’elles sont utiles à leur yeux. »
« J’ai le droit de faire des pauses pour récupérer de l’énergie
et j’ai le devoir de respecter mon temps de sommeil à la maison. »
« J’ai le droit d’utiliser l’ordinateur en libre accès quand j’ai pris
de l’avance dans mon plan de travail et j’ai le devoir de l’éteindre
et de ranger le matériel avant de quitter le poste pour les suivants. »
« J’ai le droit d’apporter mon doudou à l’école et j’ai le devoir de
le déposer dans la maison des doudous quand je commence une
activité. »
« J’ai le droit de m’exprimer en classe et j’ai le devoir de demander
la parole pour le faire. »
« J’ai le droit de temps en temps d’oublier mon matériel à la maison
et j’ai le devoir chaque fois que c’est nécessaire de prêter un outil
de travail à mon voisin. »
« J’ai le droit de ne pas être ami avec tout le monde
et j’ai le devoir d’accepter de travailler avec eux. »

Pour chacune des règles, il faudra penser à user de logos,


de dessins ou de photos d’élèves en situation, de manière à
rendre les messages les plus visuels et explicites possibles et
à les habiller esthétiquement. Règles de vie, espace citoyen,
convivialité et esthétique sont ainsi réunis dans une même idée :
mieux travailler et vivre ensemble.

220
7. La discipline en classe

Une charte de vie évolue en fonction des nouvelles situations


rencontrées. Il sera judicieux de veiller à des temps institu-
tionnalisés pour faire le point, adapter, proposer de nouveaux
éléments, de nouvelles illustrations. Il faudra au maximum lais-
ser les enfants proposer et formuler : les ajustements néces-
saires doivent venir d’eux pour être efficaces.
Les adages illustrés sont une manière très éloquentes de
faire passer un message. Ils peuvent être ajoutés aux règles ou
servir de règle à eux seuls. Là encore, on pourra les modifier au
fil du temps, une belle manière de jouer avec la langue française
et de partir à la recherche d’auteurs.
✗✗ « Que le soleil est beau quand tout frais il se lève, comme une
explosion nous lançant son bonjour ! » (Charles Baudelaire).
✗✗ « Mieux vaut être accueilli par quelqu’un à bras ouverts que
par personne à Brazzaville » (Sim).
✗✗ « Au travail, le plus difficile, c’est d’allumer la petite lampe du
cerveau. Après, ça brûle tout seul » (Jules Renard).
✗✗ « Le respect est le lien de l’amitié » (proverbe oriental).
✗✗ Etc.
Pour chaque droit et devoir, il convient d’expliciter les consé-
quences de son non-respect : « Si je ne respecte pas les condi-
tions demandées, alors je m’expose à… »

Droits et devoirs Conséquences du non-respect


« J’ai le droit de jouer au foot dans « Mais si je ne respecte pas
la petite cour les jours rouges et j’ai ce calendrier, je serai privé de jeu
le devoir, par souci d’équité, de laisser de ballon pour une durée d’une
la place aux autres les jours verts. » semaine. »

« J’ai le droit de choisir mes amis « Et si je fais preuve de mépris


en fonction d’affinités réciproques ou d’indifférence, alors je ne pourrai
et j’ai le devoir de respecter tous valider cette semaine le niveau deux
les élèves de l’école parce qu’ils sont de ma ceinture de comportement. »
aussi respectables que moi. »

221
7. La discipline en classe

Là encore, il faudra veiller à ne pas transformer la charte en


prétexte à la mise en place d’une gestion administrative et pro-
cédurière excessive. La charte doit être au service de la fluidité
du travail et des échanges au travail, et garantir l’harmonie des
relations entre les personnes. Si vous deviez vous métamorpho-
ser en directeur gestionnaire de la charte, c’est qu’elle n’est pas
adaptée, qu’il faudra la revoir en conséquence.

Une pratique en contexte : les ceintures


de comportement2
Une classe de cycle 3

Les ceintures symbolisent, reconnaissent et organisent les droits,


devoirs et responsabilités de chaque élève. Leur attribution dépend
de la prise en compte de plusieurs critères : le comportement dans
la classe et dans l’école, la qualité du travail, l’autonomie et l’état
d’esprit. Le changement de ceinture est ascendant, plus l’élève
progresse dans les couleurs, plus il bénéficie de droits étendus ;
parallèlement, les exigences sont plus grandes et il est moins
toléré d’écart.
Ceinture blanche : « être élève dans la classe ».
Ceinture jaune : « s’investir pour soi ».
Ceinture orange : « s’investir pour soi et la classe ».
Ceinture verte : « s’investir pour soi, la classe et l’école ».
Ceinture bleue : « s’investir au-delà de l’école ».
Ceinture marron : « je peux organiser ma vie dans l’école ».
Ceinture noire : « je suis capable de définir seul(e) les critères
de passage, d’en remplir les exigences et de
négocier les droits afférents avec le conseil
des maîtres ».

2. Méthode mise en place par Bruce Demaugé-Bost, professeur des écoles en


classe multi-âges à Vaulx-en-Velin.

222
7. La discipline en classe

Chaque ceinture est organisée en cinq rubriques déclinées


en items correspondant à des critères de réussite très explicites.
Pour en savoir plus sur cette pratique, issue de la pédagogie
institutionnelle, dont Fernand Oury est l’une des grandes figures
de référence, je vous invite à vous rendre sur le site de l’enseignant,
où vous trouverez en accès libre un grand nombre d’outils
(http://bdemauge.free.fr/code.pdf).

Point de vigilance
Il y est exprimé très clairement que cette pratique est le fruit
d’une réflexion menée dans un contexte précis et qu’il serait vain
d’en faire un copier-coller sans adaptation au nouveau contexte.
Comme toute pratique, elle trouve son inspiration chez d’autres,
mais, pour être efficace et légitime, se décline en fonction de besoins
locaux spécifiques. On retrouve ici cette idée qu’il n’y a pas de
recette en pédagogie, pas de modèle prêts à poser. En revanche,
il existe une multitudes de pratiques inspirantes à explorer,
exploiter, adapter en lien avec vos besoins et votre profil.

Exiger avec bienveillance


« Tout le monde est un génie. Mais si vous jugez un poisson
sur ses capacités à grimper à un arbre, il passera sa vie à croire
qu’il est stupide. » Einstein
On ne peut exiger d’une personne que ce qu’elle est en capa-
cité d’offrir ou de produire. Demander à un chat d’aboyer, à un
tigre de vivre en appartement, à un poisson de respirer à l’air
libre, vous aurez beau le faire avec toute l’autorité du dompteur,
vous n’y parviendrez pas.
L’autorité éducative est celle qui refuse de démissionner tout
en refusant de s’appliquer par la force morale, verbale ou phy-
sique. Le forcing n’a rien à voir avec l’exigence, surtout lorsque
celle-ci est inadaptée et inappropriée. L’exigence, la véritable

223
7. La discipline en classe

exigence, c’est celle qui permet à chacun de parvenir à ce


qu’André de Peretti appelle « son excellence propre ».

L’autorité repose sur la raison


« Si j’ordonnais à un général de voler d’une fleur à l’autre à la façon
d’un papillon, ou d’écrire une tragédie, ou de se changer en oiseau
de mer, et si le général n’exécutait pas l’ordre reçu, qui de lui ou de
moi, serait dans son tort ?
– Ce serait vous, dit fermement le Petit Prince.
– Exact. Il faut exiger de chacun ce que chacun peut donner, reprit
le roi. L’autorité repose d’abord sur la raison. Si tu ordonnes à
ton peuple d’aller se jeter à la mer, il fera la révolution. J’ai le droit
d’exiger l’obéissance parce que mes ordres sont raisonnables. »

Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince, in Les Cahiers


Pédagogiques, n° 483.

Quand l’autorité se rallie à la raison, elle devient bienveillante


et légitime. La bienveillance n’a rien à voir avec la gentillesse.
L’enseignant n’a pas à être gentil avec ses élèves, ni méchant
bien évidemment. L’enseignant doit veiller à ajuster son regard,
sa parole, sa posture et le contenu de sa demande en ne cessant
de s’interroger sur l’accessibilité au contenu de cette demande.
Est-elle possible ? Fait-elle grandir ? Permet-elle à l’enfant de
s’élever vers son excellence propre ?

224
7. La discipline en classe

Quatre clés
pour une autorité éducative réussie
✗✗ Valoriser en signifiant régulièrement à l’enfant d’où il vient
et où il est arrivé.
« Tu pensais que tu n’y arriverais pas et regarde : tu as fini
par y parvenir. Tu as gagné en excellence. Et ce n’est pas
fini ! Ce qui te semble encore aujourd’hui infaisable, demain
te paraîtra une évidence. »
✗✗ Accompagner les difficultés sans les réduire.
« Cette tâche est loin d’être simple à réaliser. Tu vas essayer,
tâtonner, te tromper. C’est normal, c’est comme cela qu’on
apprend. Je vais te laisser faire pour comprendre comment tu
t’y prends et si tu n’y arrives pas, on en reparlera ensemble
jusqu’à ce que tu réussisses, car je sais que tu peux réussir et
cette réussite, ce sera la tienne, ce sera ta victoire. »
✗✗ Formuler explicitement les attentes
« Ce que j’attends de toi, ce n’est pas juste le résultat de ton
travail, c’est avant tout l’état d’esprit dans lequel tu travailles.
J’attends de toi que tu fasses preuve de davantage d’investis-
sement personnel, que tu oses montrer ce que tu sais faire et
accepter que tu as encore des choses à apprendre. »
✗✗ Se souvenir de l’enfant que l’on a été
« Avant de t’indigner, rappelle-toi de quoi tu étais capable
lorsque tu avais leur âge » Fernand Deligny, in Graine de
crapule, 1960.

L’autorité éducative est donc cette posture professionnelle


particulière qui se décline au quotidien au travers d’une multi-
tude d’attitudes : intonation de voix, gestuelle corporelle, rela-
tion au savoir, capacité d’écoute, principe de bienveillance, sens

225
7. La discipline en classe

des limites, rapport à la loi. En travaillant à développer cette


autorité éducative, vous évitez de tomber dans le piège de la
dramaturgie autoritaire dont la première conséquence est de
transformer la relation pédagogique en relation disciplinaire.

Le point de vie de Philippe Meirieu


« Ne faisons pas de ces questions de discipline un domaine séparé.
Ne nous en déchargeons surtout pas systématiquement sur des
personnels spécialisés qui seraient en charge d’assurer le maintien
de l’ordre pour que nous puissions, de notre côté, enseigner
tranquillement. Nous ne pouvons enseigner que si nous faisons de
la discipline en classe, notre problème : le problème de l’organisation
d’un espace et d’un temps socialisés pour permettre la transmission
des savoirs ; le problème pensé et débattu progressivement avec les
élèves en fonction de leur âge et de leur niveau de développement,
des conditions qu’on doit se donner pour apprendre ensemble »
(Philippe Meirieu, in Lettre à un jeune professeur).

226
8. Le métier
d’enseignant
R eprésentations
«L e niveau baisse ! »
« Les élèves d’aujourd’hui
sont désinvoltes ! » « Les enseignants
tensions et en
jeux
,

n’enseignent plus ! » « Les parents n’éduquent plus ! »


« De mon temps, on savait écrire trois lignes
sans faute d’orthographe ! » « Au même âge,
je connaissais mes tables de multiplication
dans l’ordre, le désordre et sans calculette ! »
À trop écouter certains discours récurrents, on serait vite
tenté de jeter l’éponge, de sombrer dans le négativisme
ou de se réfugier dans un idéal trompeur. En décidant
de devenir enseignant, non seulement vous n’avez pas fait
le choix d’un métier facile et routinier, mais vous allez
devoir affronter les multiples représentations et tensions
qui le traversent. Pour envisager le plus calmement
possible cette réalité, dites-vous que cela aussi, comme
tout le reste, s’acquiert et s’apprend avec le temps
et l’expérience.

Un métier soumis aux représentations


Sous prétexte que tout le monde, ou presque, est allé un
jour à l’école, chacun se sent légitime à donner son opinion
sur l’état du système ou à juger les pratiques de tel ou tel
enseignant. En poussant un peu la caricature, nous pourrions

227
8. Le métier d’enseignant

presque calculer le nombre exact d’experts scolaires en l’ajus-


tant au nombre d’adultes étant passés par l’école… Si tous les
points de vue sont recevables, il n’en demeure pas moins que des
opinions issues d’expériences restreintes et personnelles n’ont
rien à voir avec la connaissance du métier. Et c’est ici que le bât
blesse et ce, à tous les niveaux de la société. Vous entendrez des
amis, des parents de tous bords politiques et de toutes catégo-
ries professionnelles vous donner leurs avis, en prenant cet avis
pour une expertise généralisable.
Vous serez ainsi soumis non seulement à vos propres repré-
sentations mais aussi à celles de tous ceux qui vous entourent.
Ces opinions, il faut savoir les entendre et les reconnaître
sans pour autant vous laisser déstabiliser par le jugement du
premier venu ou par toutes sortes de soi-disant vérités sur la
manière dont il convient d’apprendre à lire, à écrire et à compter.
Pour éviter de tomber dans les mailles de ces multiples pres-
sions individuelles et subjectives, il est essentiel, de votre côté,
d’entretenir un rapport étroit avec votre formation tout
au long de la vie, avec les évolutions dues aux résultats de la
recherche et avec l’analyse réflexive de votre pratique. En écou-
tant d’une oreille intéressée les conversations de salon mais
en demeurant résolument attaché au principe actif de veille
formative, vous vous donnerez toutes les chances de construire
sereinement, durablement et efficacement votre parcours
professionnel.
Devenir enseignant, tout comme devenir élève, demande du
temps, de l’implication, de la formation initiale, continue, per-
sonnelle et collective. Une fois devant votre classe, vous serez
plongé dans votre quotidien, dans l’action au jour le jour.
Vous découvrirez alors les joies et les difficultés d’un métier
particulier aux prises avec cette double tension, à savoir :

228
8. Le métier d’enseignant

– d’une part, la conduite de classe au quotidien qui réclame


une énergie physique, émotionnelle et intellectuelle difficile-
ment imaginable par ceux qui ne s’y sont jamais frottés ;
– et, d’autre part, l’incontournable réflexion liée aux muta-
tions d’un monde qui ne cesse d’évoluer et à laquelle l’école
ne peut décemment pas se dérober.

Un métier en perpétuelle évolution


L’école d’aujourd’hui n’est plus seulement le creuset de la
culture d’une nation ; à l’heure de la mondialisation des savoirs
et des techniques de communication de plus en plus élaborées,
elle se retrouve au cœur des nouveaux enjeux planétaires.
Quels enfants formons-nous, pour quel monde, quelle pla-
nète et quel projet ? À quels défis les futurs adultes qui fré-
quentent aujourd’hui votre classe seront-ils soumis ? Quelles
compétences leur seront demandées pour qu’ils puissent, sans
peur, inventer le monde qui sera le leur et répondre à des ques-
tions qui, aujourd’hui, ne se posent pas encore ? Quels savoirs
fondamentaux leur permettront non seulement de faire face,
mais plus encore d’imaginer ce monde qu’ils auront à dessiner ?
Écartelée entre la transmission d’un fabuleux patrimoine,
riche, porteur de sens, de valeurs et de connaissances ances-
trales, et l’élaboration d’un non moins fabuleux destin dont elle
ne connaît pas encore la forme, l’école doit ainsi répondre au
présent avec les moyens récoltés par le passé aux attentes
du futur… En devenant enseignant, vous incarnez ce défi
majeur de conjuguer les verbes « enseigner, apprendre et édu-
quer » sur une ligne du temps qui n’a rien de linéaire et sur
laquelle vous aurez à vous déplacer en funambule professionnel.

229
8. Le métier d’enseignant

Le point de vue de François Taddéi


« Il existe aujourd’hui un million de fois plus de publications
scientifiques qu’il y a trois cents ans. Arrêtons donc de nous
demander quelle millionième partie de ces savoirs on doit espérer
acquérir. Demandons-nous plutôt : comment apprendre et travailler
ensemble pour que notre intelligence collective nous permette de
faire des choses que les générations précédentes ne pouvaient
pas faire ? La réponse sera, elle aussi, collective et les nouvelles
générations contribueront à réinventer ensemble d’autres manières
d’apprendre. » (François Taddéi, membre du Haut conseil de l’édu-
cation (HCE) et directeur de recherches interdisciplinaires
à l’université Paris-Descartes, in La Croix, 30 mai 2012.)

Dans ce cadre-là, l’enseignant que vous êtes occupe une place


essentielle. N’étant plus l’unique détenteur des savoirs, ceux-
ci étant aujourd’hui disponibles en tout lieu et à tout moment,
vous êtes en charge de l’accessibilité à ces savoirs. Dans un
environnement où les éléments de connaissance sont à la portée
de tous, comme des biens de consommation gratuits et libres
d’accès, il vous revient d’aider vos élèves à savoir où les cher-
cher, comment les trier et les organiser de manière à les rendre
capables d’agencer les informations et de les transformer en
connaissances réelles.
Internet étant devenu la mémoire externalisée de la civili-
sation planétaire, il vous appartient de développer chez vos
élèves toutes les compétences qui leur serviront à exploiter
au mieux cette mémoire collective, à les aviser quant à la
validité de ce qu’ils y trouveront, à les initier à la création de
nouvelles richesses qu’ils partageront à leur tour, devenant ainsi
des contributeurs engagés et autonomes. Ces compétences-là se

230
8. Le métier d’enseignant

travaillent évidemment en lien avec des pratiques impliquant


l’usage du Net, mais elles peuvent également se développer au
travers des dispositifs d’apprentissage moins « branchés » mais
tout aussi formateurs s’ils s’inscrivent autour de démarches de
résolution de problème incluant la coopération, la recherche, la
créativité, l’esprit critique et la capacité d’analyse.
En donnant quotidiennement à vos élèves la possibilité en
classe de relever des défis, tant collectifs que personnels, vous
les préparez à grandir et à s’insérer dans un monde au sein
duquel ils sauront prendre leur part de responsabilité, ayant été
initiés dès le plus jeune âge à naviguer dans un contexte à la
fois mobile et apprenant. L’enjeu est de taille, certes, mais il est
inéluctable.
Devenir enseignant au xxie siècle, c’est un peu s’engager
comme explorateur aux côtés des enfants qui vous sont confiés.
L’explorateur ne part pas de rien, il porte dans son sac les pré-
cieux acquis de ces prédécesseurs ; pour autant, il décide de
ne pas en rester là et tente de poursuivre toujours plus loin la
conquête de nouveaux territoires. À vous et à vos élèves de vous
inscrire dans cette quête sans cesse renouvelée d’exploration
des connaissances et des savoirs nécessaires à la construction
du monde de demain.

Faut-il ou non se syndiquer ?


Bien sûr, il n’appartient pas à un ouvrage comme celui-ci de
traiter cette question qui relève de votre liberté individuelle
et professionnelle. Néanmoins, en entrant dans la maison
Éducation nationale, vous serez amené à vous positionner sur
ce point, et quelques éclairages peuvent vous y aider…

231
8. Le métier d’enseignant

☛☛Qu’est-ce qu’un syndicat


et quel est son rôle ?
Le point de vue de Philippe Perrenoud, chercheur à la
Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation à l’uni-
versité de Genève : « Dans la mesure où les enseignants sont
des salariés comme les autres, leurs syndicats sont des syndi-
cats comme les autres, des associations classiques de défense des
professionnels face aux employeurs et aux usagers, des instru-
ments de négociation des conditions de travail, des salaires, des
qualifications, de l’emploi, des règles régissant les vacances, le
statut, la carrière, la formation continue, la retraite, la soli-
darité sociale, etc. […] Le syndicalisme enseignant n’est pas
toujours, cependant, un syndicalisme comme les autres. Même
dans le secteur privé le plus mercantile, l’éducation n’est pas un
business banal, on prétend concilier profit et humanisme. Quant
à l’école publique, elle ne répond pas à une demande solvable
sur un marché, elle applique une loi censée répondre à un besoin
fondamental de la société et des individus : préparer les généra-
tions nouvelles à s’insérer dans le système tout en contribuant à
l’épanouissement de chacun. »
Le point de vue de Laurent Frajerman, chercheur associé
à l’institut de recherches de la FSU, professeur agrégé d’His-
toire au lycée de Thiais : « Le syndicalisme n’a pas pour unique
fonction de défendre les intérêts de salariés, il sert également à
exprimer et à conforter des identités collectives. »

☛☛Les 3 principaux syndicats1


✗✗ Le Syndicat national unitaire des instituteurs, profes-
seurs des écoles et PEGC (SNUIPP) est un syndicat des
enseignants du premier degré français, affilié à la Fédération

1. Source : Wikipédia.

232
8. Le métier d’enseignant

syndicale unitaire (FSU). Il est actuellement le syndicat


majoritaire dans cette profession avec 51 000 adhérents.
Site : www.snuipp.fr
✗✗ L’UNSA Éducation, Union nationale des syndicats auto-
nomes, représente 15 % des voix des enseignants avec 75 000
adhérents, de la maternelle à l’université.
Site : www.se-unsa.org
✗✗ Le Syndicat général de l’Éducation nationale (Sgen-
CFDT) a la particularité de rassembler dans un même
syndicat tous les personnels de son domaine : enseignants
titulaires ou contractuels, chercheurs, techniciens, person-
nels de santé, documentalistes, bibliothécaires, psychologues
en orientation, personnels d’encadrement et d’administra-
tion, personnels d’éducation.
Site : www.sgen.cfdt.fr

Aux côtés de ce trio de tête, il existe un grand nombre d’autres


organisations syndicales qu’il vous appartiendra, le cas échéant,
de découvrir et de solliciter de manière à vous faire un avis per-
sonnel en lien avec vos préoccupations professionnelles et vos
affinités singulières.

POUR ALLER PLUS LOIN

Pour en savoir plus sur l’histoire, l’évolution et les enjeux du


syndicalisme enseignant en France, vous pouvez vous reporter à
l’ouvrage de Bertrand Geay, Le syndicalisme enseignant, dans la
collection Repères aux éditions La Découverte. L’auteur est maître
de conférences en sociologie à l’université de Poitiers et directeur
du laboratoire SACO (Savoirs, cognition et rapports sociaux).

233
Pour conclure :
un bouquet de paroles
solidaires

En refermant ce livre, vous allez entamer un nouveau chapitre


de vie, et non des moindres, celui de votre première classe. Vous
en serez cette fois-ci l’auteur et vos élèves, les co-rédacteurs.
N’oubliez jamais de prendre plaisir à ce que vous faites, d’y mettre
tout votre professionnalisme, même débutant, sans oublier d’y
ajouter toute votre foi d’éducateur optimiste. Cet optimisme, les
élèves en ont besoin pour grandir et apprendre, et vous en aurez
besoin pour enseigner et continuer vous-même d’apprendre.
En guise de cadeau de bienvenue, voici un bouquet de paroles
et de témoignages qui vous est personnellement adressé. Des
mots de professionnels et de parents qui tous, comme vous
aujourd’hui, ont débuté un beau matin de septembre. Ils ont
souhaité ici participer à cette conclusion collective, en répon-
dant spontanément à cet appel lancé sur le Net, via ce statut
Facebook : « Si vous aviez un mot d’encouragement positif à
délivrer à un jeune enseignant qui se lance, quel serait-il ? »
Voici leurs réponses, juste pour vous.

235
Pour conclure

Messages destinés
à un(e) jeune professeur(e) débutant(e)

« Je lui offrirais cette phrase de saint Paul qui m’aide bien :


“Ce que tu ES est plus fort que ce que tu FAIS”… On me l’aurait dit
à mes débuts, peut-être aurais-je moins fait pour notre mieux-être
à tous… » Anne Lebras, directrice et enseignante en cycle 3

« Faites en sorte que votre élève sente tout l’intérêt que vous lui
portez et tout l’amour que vous lui vouez, c’est le meilleur véhicule
du savoir ! » Nora Kasse, enseignante de FLE, Français langue
étrangère

« Dites-vous que si vous n’êtes pas encore sûr de savoir leur


apprendre quelque chose, vous pouvez au moins être certain
qu’ils vont beaucoup vous apprendre ! » Corine Lefort, enseignante
en élémentaire et formatrice en école d’application

« On se lance chaque année et même à chaque heure de cours ! »


Philippe Watrelot, professeur de SES, Sciences économiques et
sociales, président du CRAP-Cahiers pédagogiques et formateur

« Toutes les nouvelles aventures sont les plus dures, mais aussi les
plus exaltantes, et, pour vous, chaque heure, chaque classe sera
une nouvelle aventure… Un vieux souvenir : qu’elle était difficile
cette classe, et combien je l’ai aimée, et s’ils savaient que de
tous mes anciens élèves, ce sont eux qui me manquent le plus…
ils doivent avoir 25 ans maintenant… Si vous n’avez pas envie
de donner, ils n’auront pas envie de recevoir… » Émilie Kochert,
professeur d’Histoire-géographie

« C’est une belle rencontre. Soyez vous-même, posé et positif,


favorisez le dialogue pour apprendre à les connaître, et n’oubliez
pas… c’est quand le professeur se tait que les élèves commencent
à réfléchir. » Odile Belrose, professeur de Sciences et vie de la Terre

« Une citation de C. G. Jung, que j’ai souvent cité dans mon premier
livre : “La discipline à étudier est évidemment un matériau dont on
ne peut se passer, mais la chaleur est l’élément vital nécessaire
à la plante comme à l’âme de l’enfant.” » Sylvie Sarzaud Aupetit,
sophrologue-somatothérapeute et auteure

236
Pour conclure

« N’écoutez pas tout ce qui est dit sur les profs et l’enseignement,
vous êtes là pour construire des notions et développer des
compétences avec ceux qui vous sont confiés. » Fabien Crégut,
professeur de Sciences et vie de la Terre

« Au lieu d’enseigner, faites en sorte que vos élèves apprennent… »


Stéphane Edet, chargé de mission au CNDP, Centre national de
documentation pédagogique

« Une citation de William Shakespeare : “Si l’on passait l’année


entière en vacances, s’amuser serait aussi épuisant que
travailler.” » Tchao Oliv, papa d’élève nomade

« Ne pas prêter foi au conseil le plus idiot que j’ai reçu en début
de carrière : “Ne pas sourire avant la Toussaint.” » Alexandra
Rayzal, professeur d’Histoire-géographie

« De tous les autres boulots que j’ai pu faire, rien n’équivaut


le métier de prof, parce que rien ne vaut la joie de l’instant
où un élève comprend/réussit/construit seul un raisonnement.
Et ça compense tous les moments de lassitude ou de
découragement. » Mélodie Pichon, professeur de Lettres
modernes

« Vous faites le plus beau métier du monde ! » Maryline Baumard,


journaliste et responsable du pôle éducation au Monde

Ces paroles illustrent merveilleusement la solidarité profes-


sionnelle que vous trouverez en vous inscrivant sur les réseaux
sociaux. Ceux qui ont fait le choix d’y être présents ont égale-
ment fait celui du partage de connaissances. En vous y asso-
ciant, vous pourrez continuer d’apprendre et de comprendre ce
qu’enseigner signifie. Vous y serez accompagné par des profes-
sionnels généreux, innovants et apprenants, et pourrez poser
vos questions, confier vos découragements, valoriser vos réus-
sites. Vous vous sentirez plus fort car moins seul et de plus en
plus compétent car inscrit au cœur d’un réseau d’enseignants
aux profils très divers mais qui tous participent à leur manière

237
Pour conclure

à l’exploration et l’enrichissement de la galaxie des pratiques


d’enseignement formée autour du mot « apprendre ».
Enfin, pour couronner ce bouquet d’encouragements, voici
une dernière citation, celle déjà évoquée en introduction…
Souvenez-vous toujours, pour vous, comme pour vos élèves :
« On n’apprend pas à commencer, pour commencer il faut
simplement… du courage. » Vladimir Jankélévitch
Bon courage donc, mais aussi bon voyage, à vous et à vos
élèves !

238
Bibliographie
Webographie
Bibliographie utile
ALEXANDRE Danielle, Les méthodes qui font réussir les élèves,
ESF Éditeur, 2011.
BRENIFER Oscar, La pratique de la philosophie à l’école pri-
maire, SERAP Éducation, 2007.
BRISSIAUD Rémi, Comment les enfants apprennent à calculer,
Retz, 2003.
CONNAC Sylvain, Apprendre avec les pédagogies coopératives,
ESF Éditeur, 2009.
CORBENOIS Madeleine, DEVANNE Bernard, DUPUIS Éric,
MARTEL Monique, Apprentissages de la langue et conduites
culturelles Maternelle, Bordas, 2000.
DE VECCHI Gérard, GIORDAN André, L’enseignement scien-
tifique, comment faire pour que ça marche ?, Delagrave,
2003.
GUILLAUMOND Françoise, Le groupe-classe en maternelle,
activités pour communiquer, Retz, 1998.
HOURST Bruno, À l’école des intelligences multiples, Hachette
Éducation, 2006.
MATHON Ostiane, Un projet pour repenser les relations
parents-enseignants, Delagrave, 2009.
MONTELLE Christian, La parole contre l’échec scolaire,
L’Harmattan, 2005.
MULLER François, Manuel de survie à l’usage de l’enseignant,
L’Étudiant, 2005.

239
Bibliographie - Webographie

OUZALIAS André, Favoriser la réussite en lecture : les MACLE,


Retz, 2004.
PERRENOUD Philippe, Dix nouvelles compétences pour ensei-
gner, ESF Éditeur, 1999.
RODARI Gianni, Grammaire de l’imagination, Rue du Monde,
1998.
Coffret : série de six films documentaires, éditée par le CreaDev
« Faire face à l’éducation dans un monde en crise », écrite et
réalisée par Armand BERNARDI, Caroline CHAPPERON
et Philippe POTON.

Webographie utile
ANAE : une revue en ligne spécialisée dans l’Approche neuro-
psychologique des apprentissages chez l’enfant, par Catherine
de Grave. Vous y trouverez de nombreuses informations rela-
tives au handicap et aux troubles neuropsychologiques, des élé-
ments d’analyse, des dossiers pédagogiques.
www.anae-revue.com
Aide aux profs : une association loi 1901 dédiée à l’information,
le conseil et l’accompagnement de projets professionnels, par
Rémi Boyer. Le dispositif en ligne permet d’entrer en contact
avec des professionnels expérimentés qui répondent à toutes
les interrogations en rapport avec les questions pratiques liées
à l’évolution de carrière.
www.aideauxprofs.org/index.asp?affiche=Accueil.asp
Banque de séquences didactiques : un outil multimédia pour
la formation des enseignants, par le CRDP de l’Académie de
Montpellier. Par le biais de situations d’apprentissage filmées
en classe et de leur analyse didactique et pédagogique, ce site
permet d’entrer dans des dispositifs d’enseignement très variés
et exercés à tous les niveaux de classe.
www.crdp-montpellier.fr/bsd

240
Webographie

Blog Bleu Primaire : un blog de réflexion pédagogique, par


Ostiane Mathon, enseignante, formatrice et auteure de ce livre.
Cette plateforme interactive offre un large spectre d’outils et
d’analyses. Il donne également accès au travail de publication
en ligne, réalisé en classe par les élèves. Vous y trouverez, dans
les liens utiles proposés, de très nombreuses adresses web vous
permettant de voir ce qui se fait dans d’autres classes et écoles
primaires. Enfin, une rubrique spéciale « Réussir sa première
classe » vous permettra, au-delà de la lecture de cet ouvrage, de
poursuivre votre autoformation.
http://lewebpedagogique.com/ostiane

Coop’ICEM : un site sur la pédagogie Freinet, par l’Institut


coopératif de l’École moderne. Vous y puiserez toutes les res-
sources nécessaires pour enseigner selon les grands principes
de la pédagogie coopérative. Des liens vers des blogs et sites
d’enseignants vous permettent d’entrevoir ce qui est fait dans
certaines classes.
www.icem-pedagogie-freinet.org

Eduscol : le portail national des professionnels de l’enseigne-


ment, site officiel du ministère de l’Éducation nationale, met à
disposition toutes les informations officielles à caractère insti-
tutionnel, administratif ou pédagogique.
http://eduscol.education.fr

Diversifier : un site sur la diversification pédagogique, par


François Muller. Une régulière consultation du site vous
permettra de développer vos compétences professionnelles,
d’enrichir vos connaissances pédagogiques et de découvrir les
nouveautés en termes d’innovations pédagogiques.
http://francois.muller.free.fr/diversifier

Idées ASH : un blog spécialisé dans l’aide aux enfants en situa-


tion de handicap, par Hélène d’Heygère, enseignante et forma-
trice. De multiples outils y sont référencés dans une logique
d’accompagnement à la scolarisation des élèves, porteurs
notamment de troubles « dys ». Un site qui répond à toutes les

241
Webographie

questions en lien avec l’accueil des enfants à besoins éducatifs


particuliers.
http://sites.google.com/site/ideesash

Inspection de la Goutte d’Or : un site d’informations péda-


gogiques et administratives, par Claire Boniface, inspectrice de
l’Éducation nationale. Régulièrement mis à jour, on y trouve un
large panel de rubriques spécifiques à l’enseignement primaire.
http://18b-gouttedor.scola.ac-paris.fr/?lang=fr

Le Café pédagogique : pour suivre toute l’actualité pédago-


gique sur Internet, par François Jarraud. Quotidiennement
agrémenté de nouveaux articles, il vous permettra également
de vous inscrire dans une logique de partage pédagogique.
www.cafepedagogique.net/Pages/Accueil.aspx

Les Cahiers pédagogiques : un site de veille éducative édité par


le Cercle de recherche et d’action pédagogiques (CRAP). Outil
de réflexion, moyen de formation et véritable réseau d’échange,
ce site propose également des publications mensuelles sous une
forme papier à laquelle on peut s’abonner personnellement ou
collectivement.
www.cahiers-pedagogiques.com

Le site de Philippe Meirieu : un lieu pour explorer l’histoire


et l’actualité de la pédagogie, par Philippe Meirieu, chercheur
en pédagogie. Véritable mine, ce site permet de découvrir
l’ensemble des pédagogues d’hier à aujourd’hui et de prendre
connaissance des débats qui reflètent les enjeux éducatifs
actuels.
www.meirieu.com

Mieux apprendre : un site pour tirer le meilleur parti de ses


ressources sur le concept de Bruno Hourst. Vous y trouverez,
entre autres, des idées de jeux cadres à exploiter et des entrées
possibles pour enseigner à partir de la théorie des intelligences
multiples.
www.mieux-apprendre.com

242
Webographie

Pédago-psy : un site sur les facteurs humains dans l’enseigne-


ment et la formation d’adultes, par Jaques Nimier, membre du
Laboratoire de psychologie appliquée de l’Université de Reims.
www.pedagopsy.eu
Syndicats-enseignants : un site qui recense la liste des syndi-
cats de l’enseignement.
www.syndicat-fonctionnaire.fr/enseignants
Twittclasses francophones : un site pour suivre l’actualité des
classes utilisant le réseau social Twitter dans leur enseigne-
ment. En vous abonnant au compte de l’une ou l’autre d’entre
elles, vous comprendrez très concrètement les différents avan-
tages de l’usage de ces pratiques dans votre quotidien de classe.
http://twittclasses.posterous.com
Veille et Analyse TICE : un blog de réflexion sur les usages
du numérique, par Bruno Devauchelle, formateur au CEPEC
(Centre d’études pédagogique pour l’expérimentation et le
conseil).
www.brunodevauchelle.com/blog
VousNousIls : un magazine en ligne où vous trouverez de
nombreuses informations éducatives, pédagogiques et ins-
titutionnelles. Un onglet « Votre métier » est spécialement
consacré aux questions pratiques. Des fiches pédagogiques, des
dossiers thématiques et l’essentiel du Bulletin officiel vous y
sont proposés.
www.vousnousils.fr

243
Index des notions

A Co-évaluation : 176, 177


Cognition : 18
Accompagnement personnalisé : 88 Collaborer : 141
Accueil : 16 Communauté éducative : 8
Activité : 58, 65 Communication non violente : 132,
Adage : 28 136, 205
Aide personnalisée : 111, 129, 192 Compétence : 38
Apprendre : 153 Compétences du professeur : 90
Atelier philosophique : 28 Concentration : 185, 187
Attention : 185 Configuration de salle : 42
Autiste : 50 Conflit sociocognitif : 108
Autoévaluation : 175, 214 Conseils de coopération : 28
Autorité : 197, 203 Consigne : 92, 96, 97, 98, 99, 100
Autorité éducative : 197, 203 Contrat : 26, 215
Coopération : 27
Cycle : 34, 35, 39, 175
B - cycle 1 : 17, 35
- cycle 2 : 18, 35, 94, 160
Besoin : 31, 139, 198 - cycle 3 : 19, 36, 172, 218, 222
- des apprentissages
Besoin de sécurité : 206 fondamentaux : 35
Besoin d’estime : 210 - des approfondissements : 36
Besoins des élèves : 198, 206
Bienveillance : 223
D
Blog : 37, 149, 241, 243
Déconnexion maîtrisée : 186

C Décrochage : 180
Détour pédagogique : 179
Carte mentale : 39, 90 Devoirs : 190
Charte : 218 Devoirs-sanctions : 213
Classe-équipe : 17 Dictée : 106

245
Index des notions

Différenciation : 77, 88
G
Difficultés d’apprentissage : 82, 83
Diversification : 84, 87, 88, 93, 94, Groupe : 16, 103, 116
95, 176, 190 Groupe-classe : 17, 20, 72, 115
Groupes d’analyse de pratiques
E (GAP) : 113

École buissonnière : 186


École Freinet : 118
H
École maternelle : 34 Handicap : 83, 144, 240, 241
Écriture : 164 Histoire : 94
Éducabilité : 63
Empathie : 63, 114, 137, 203, 204
Empowerment : 25
I
Enseigner : 153 Identité : 210
Équipe : 88, 141
Implication : 187
Erreur : 9, 30, 60, 98, 164, 165, 166,
Individualisation, individualiser :
167, 178
108, 111
Éthique : 144
Intelligences multiples : 19, 60, 84,
Évaluation : 88, 155, 170 85
- diagnostique : 171
- formative : 173 Internet : 37, 148, 230
- mutuelle : 176
- sommative ou certificative : 175
Évaluer : 155, 169 J
Exemple de lettre adressée aux
parents : 127 Jeu : 68, 187

Exercice : 66 Journée d’école : 69

F L
Fiche observation : 79 Lâcher prise : 49
Focalisation : 185 Lecture : 165
Formation : 228 Loi : 215
Forum de métiers : 140 Loi de 2005 : 38, 144
Forum théâtralisé : 28 Ludo-famillo-thèque : 104

246
Index des notions

M Relation à l’autre : 96
Relation au savoir : 98
Médiation : 28, 164, 166, 167 Relation pédagogique : 96
Métacognition : 40 Réparation : 214
Métier : 227 Représentation : 13, 113
Représentation écrite : 163
O Réseaux sociaux : 146
Réunion : 28, 55, 125, 126, 127, 131,
Obligation d’instruction : 23 196
Organisation : 39, 53 Rituel : 17, 20
Organisation apprenante : 9, 41, 143 Rythme : 102

P S
Papothèque : 140
Sanction : 211, 212, 213, 214, 217
Parents : 124
Schème : 11
Partenariat : 140
Séance : 54, 55
Pédagogie de projet : 37, 117, 118,
119 Sens : 21
Pédagogie institutionnelle : 19, 223 Sentiment d’appartenance : 209
Personnalisation, personnaliser : Sérendipité : 148, 149
108, 109, 111, 164, 176 Se syndiquer : 231
Personnification, personnifier : Situation d’apprentissage : 57
108, 112 Socle commun : 36, 37, 38, 39,
Plan de travail : 110 102, 177
Posture : 14, 58, 62, 63, 64, 68, 138, Support : 94
168, 197, 224, 225 Syndicalisme : 233
Principales étapes Syndicat : 232, 233
d’apprentissage : 60
Systémique : 89
Priorité : 88
Profil : 73, 75, 76, 84
Programme : 32, 34, 36 T
Tâche : 58, 65, 95, 104
R Tétra’aide : 183, 184
Règlement : 217 Transfert : 61
Relation à l’apprendre : 99 Transmettre : 153

247
Index des notions

Travail de groupe : 42, 95,


105, 106, 162, 165, 186
V -Y
Travail personnel : 195 Valeur : 114
Tringle à affichage : 53 Yoga : 49
Twitter : 64 Yoga-zen : 56

248
Index des auteurs cités
Antibi André : 170 Hadji Charles : 173
Astolfi Jean-Pierre : 83, 174 Hourst Bruno : 86, 215
Bachelard Gaston : 122 Jankélévitch Vladimir : 7
Bloom Benjamin : 101 Korczak Janusz : 208
Bru Marc : 124 Mascret Nicolas : 122
Burns R.W. : 83 Meirieu Philippe : 118, 226
Clerget Stéphane : 150 Morin Edgar : 87, 140
Conturie Christiane : 212 Muller François : 178
Defrance Bernard : 27 Not Louis : 124
De Peretti André : 178 Perrenoud Philippe : 118, 146, 169
Devauchelle Bruno : 147, 243 Robbes Bruno : 204
De Vecchi Gérard : 105 Salomé Jacques : 139
Develay Michel : 219 Serres Michel : 151
Dewey John : 119 Sotto Alain : 185
Fourgous Jean-Michel : 151 Taddéi François : 230
Freinet Célestin : 64 Vermersch Pierre : 99
Gardner Howard : 60, 84, 85 Vygotsky Lev : 10
Gather Thurler Monica : 143 Zakhartchouk Jean-Michel : 101
Giordan André : 120, 159

249
Dans la même série

Réussir ses premiers cours, Jean-Michel Zakhartchouk


Les méthodes qui font réussir les élèves, Danielle Alexandre

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