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à la réussite
Pratiques pédagogiques
Une collection d’ouvrages associant sources théoriques, en lien avec les recherches les plus récentes,
et situations concrètes d’apprentissage à destination des enseignants, des formateurs d’enseignants,
des maîtres formateurs, des conseillers pédagogiques,
des inspecteurs, des enseignants débutants, des futurs enseignants.
Pratiques pédagogiques
De l’échec scolaire
à la réussite
Accompagner l’élève
en difficulté d’apprentissage
Pour toute demande, commentaire, renseignements, Pierre Vianin peut être contacté à
l’adresse e-mail suivante : pierrevianin@bluemail.ch
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de spécialisation, consultez notre site web : www.deboecksuperieur.com
Dépôt légal :
Bibliothèque nationale, Paris : février 2022 ISSN 0778-0451
Bibliothèque Royale de Belgique, Bruxelles : 2022/13647/019 ISBN 978-2-8073-4040-4
À tous mes élèves,
pour l’excellente formation qu’ils m’ont donnée.
Sommaire
Remerciements ............................................................................. 9
Introduction .................................................................................. 11
PREMIÈRE PARTIE
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE :
TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
CHAPITRE 1
Les mesures institutionnelles ....................................................... 37
CHAPITRE 2
Les mesures pédagogiques .......................................................... 65
CHAPITRE 3
Les mesures d’aide individuelle ................................................... 95
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DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE
SECONDE PARTIE
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE :
QUELQUES REPÈRES
POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
CHAPITRE 4
L’appui pédagogique : définition et fonctionnement .................. 133
CHAPITRE 5
La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui ............ 145
CHAPITRE 6
Évaluation de l’appui comme mesure de promotion
de la réussite scolaire................................................................... 173
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Remerciements
Merci enfin – et surtout – à toutes mes femmes (!) : Ursula, Camille, Maëlle
et Évane.
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Introduction
La lutte contre l’échec scolaire est d’une extrême complexité. Les causes de la
difficulté d’apprendre sont multiples. Dès lors, la tentation est grande de renoncer
devant l’ampleur de la tâche et d’attendre une aide extérieure – de l’adminis-
tration publique, de l’institution scolaire, du monde politique – pour combattre
le phénomène.
Or la lutte contre l’échec scolaire ne se fera pas d’abord par des dispositifs
lourds ou des décisions politiques. Elle doit au contraire se construire par les
enseignants1 ici et maintenant. Il y a urgence ! On ne peut pas espérer indéfi-
niment des solutions idéales ou des dispositifs exemplaires. La petite Sophie
qui n’apprend pas à lire, le petit Julien qui ne sait pas résoudre des problèmes
mathématiques ne peuvent pas attendre. C’est aujourd’hui qu’ils ont besoin de
notre aide.
Les raisons premières de notre engagement pour les enfants en difficulté
touchent à des questions éthiques et à des valeurs humanistes. L’école doit impé-
rativement renoncer à exclure, à marginaliser les enfants les moins performants.
Pour un élève, redoubler ou être orienté vers une structure spécialisée, c’est
être placé en marge, ne plus trouver sa place dans son monde à lui, l’école.
Comme le relève Siaud-Facchin (2008), « les apprentissages sont au centre de
l’école, l’école est au centre de la vie de l’enfant : un échec scolaire retentit sur
toutes les sphères de sa personnalité, sur toute sa vie affective, sur tout son
développement » (p. 23).
Si tous les enseignants partagent le souci de la lutte contre l’échec scolaire,
nombreux sont ceux qui se sentent souvent bien seuls et démunis dans ce combat.
De plus, la gestion de la classe devient de plus en plus difficile : la population
scolaire est toujours plus hétérogène, les parents sont devenus critiques et exi-
geants, les chercheurs questionnent le fonctionnement de l’institution scolaire,
1 Le masculin utilisé dans cet ouvrage est purement grammatical. Il renvoie à des collectifs composés
d’hommes et de (très nombreuses !) femmes.
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DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE
1 Le « nous » utilisé dans ce livre est un pluriel de modestie et, par conséquent, engage uniquement son
auteur.
2 Les orthophonistes – ou logopèdes – sont appelés « logopédistes » en Suisse.
3 En France, les « maîtres E » sont chargés des aides à dominante pédagogique, alors que les « maîtres G »
s’occupent des aides à dominante rééducative.
4 En Suisse, l’enseignant de la classe régulière est souvent appelé « enseignant titulaire », « titulaire »,
« enseignant régulier » ou « enseignant ordinaire ». Nous utilisons donc ces termes comme des synonymes
dans cet ouvrage.
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Introduction
1 Comme nous enseignons en Valais (Suisse), la présentation s’inspire du modèle que nous connaissons
le mieux. Celui-ci constitue selon nous un dispositif fonctionnel et efficient de lutte contre l’échec scolaire.
En effet, depuis plus de trente ans, le système scolaire valaisan propose un accompagnement intégré des
élèves en difficulté et en situation de handicap.
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Propos liminaires
L’échec scolaire :
définitions et enjeux
1 Les degrés du primaire indiqués dans cet ouvrage correspondent à la classe d’âge en Suisse. Pour
les autres pays, le lecteur peut consulter le tableau de correspondance des classes d’âge dans les systèmes
scolaires francophones (annexe 13).
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE
en difficulté est un jeune qui, à un âge donné, ne maîtrise pas les compétences
annoncées dans les programmes » (Delvolvé, 2010, p. 40).
Mais si l’échec peut se définir par des critères plus ou moins objectifs
(redoublement, résultat insuffisant suite à l’évaluation, retard dans les acqui-
sitions, objectifs non atteints, etc.), il est souvent subjectif et dépend des
appréciations des différents partenaires. Il peut être défini par le vécu d’un
élève qui pense que, quoi qu’il fasse, il n’y arrivera pas. D’autres fois, ce
sont les parents qui induisent un sentiment d’échec en ayant des attentes de
réussite très (trop ?) importantes. Par exemple, des parents peuvent trouver
que leur enfant est en échec parce qu’il ne pourra pas poursuivre des études
secondaires, alors que l’enseignant, dans la même situation, peut estimer que
son élève réussit puisqu’il passe l’année ; et le même enfant peut penser, quant
à lui, qu’il réussit parfaitement puisqu’il peut poursuivre sa scolarité avec ses
copains de classe !
Une clarification qui peut être utile consiste à distinguer la difficulté scolaire
de l’échec. Alors que la « difficulté » est passagère, l’« échec » peut compromettre
la réussite scolaire et réduire les opportunités de formation. « La difficulté est
normale et utile. Elle est inhérente à tout parcours : il n’existe pas de parcours
sans obstacle. La difficulté fait partie de la formation, elle est indispensable »
(Siaud-Facchin, 2008, p. 31). Si l’élève en difficulté peut compenser son
retard par des exercices complémentaires, du temps supplémentaire ou un
surcroît d’aide, l’aide à un élève en échec exigera une réflexion de fond sur
ses ressources, ses difficultés et ses besoins. Alors que l’élève en difficulté pro-
fitera d’une forme de rattrapage scolaire ou d’« aide personnalisée » (Vigarié,
2014), l’élève en échec devra bénéficier d’un projet pédagogique répondant
à ses besoins spécifiques.
Pour certains auteurs (Célestin-Westreich et Célestin, 2008), la notion
d’échec scolaire est étroitement liée aux troubles qui l’accompagnent : « L’échec
scolaire consiste implicitement aussi bien dans les difficultés à acquérir les
matières scolaires, récentes ou non, que dans les troubles d’ordre compor-
temental, émotionnel ou relationnel susceptibles d’interférer significative-
ment avec les processus d’apprentissage ou la trajectoire scolaire dans son
ensemble » (p. 33). La distinction entre « retard d’apprentissage » ou « trouble
d’apprentissage » est connexe à celle qui permet de différencier la difficulté
de l’échec : alors que le retard désigne l’écart entre le niveau de l’élève et
celui attendu à son âge, le trouble montre une réelle difficulté d’apprentis-
sage (Loret, 2010). Si le retard peut se compenser par un rattrapage scolaire
(« faire plus » ou « faire mieux »), le trouble engage une réflexion sur les causes
de l’échec scolaire et justifie la mise en place d’un projet pédagogique (« faire
autrement » ; cf. chapitre 3.3).
Quoi qu’il en soit, l’échec scolaire peut être défini comme un écart à la
norme. « La difficulté apparaît majoritairement décrite dans les discours en
termes d’écart à une norme scolaire, définie comme l’ensemble des compétences
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Propos liminaires – L’échec scolaire : définitions et enjeux
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DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE
1 Si l’objectif de l’évaluation était d’orienter l’élève vers des structures de formation post-obligatoires
correspondant à son profil de compétences, la sélection serait remplacée par l’orientation. Par conséquent,
l’échec ne serait plus la solution à la sélection et l’école serait focalisée prioritairement sur la formation
et l’orientation.
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Propos liminaires – L’échec scolaire : définitions et enjeux
dans une autre discipline, avec un autre enseignant ou dans une autre situa-
tion d’apprentissage.
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DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE
Les difficultés scolaires sont souvent associées à des troubles affectifs. Comme
le relève Geddes (2012), « les expériences sociales et émotionnelles influencent
le comportement à l’école et peuvent avoir des répercussions sur l’apprentis-
sage » (p. 53). Les problèmes personnels, familiaux ou d’intégration dans le
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Propos liminaires – L’échec scolaire : définitions et enjeux
1 Ce qui ne devrait pas empêcher l’enfant de retrouver à l’école son statut d’« élève » et non plus d’« enfant
du divorce » – statut qui le maintiendrait dans une situation compliquée et risquerait de le perturber dans
ses apprentissages scolaires.
2 Lire à ce propos Prot (2010).
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DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE
Comme les recherches l’ont suffisamment montré, l’échec scolaire touche mas-
sivement les élèves issus de familles dites « défavorisées socio-culturellement »
(handicap socioculturel) : « La destinée scolaire est en lien étroit avec le niveau
d’études des parents plus qu’avec tous les autres paramètres corrélés tels que
la catégorie socioprofessionnelle ou les revenus » (Wahl et Madelin-Mitjavile,
2007, p. 244). Historiquement, l’école obligatoire est une école bourgeoise,
défendant certaines valeurs et elle est, de ce fait, culturellement orientée. Un
écart important peut ainsi exister entre les normes culturelles et idéologiques de
certaines familles et les valeurs de l’école. Le contenu scolaire n’est donc pas
neutre, mais orienté idéologiquement. L’habitus des classes sociales dominantes
s’est imposé à l’école ; de ce fait, le rapport au savoir et à l’apprentissage de
certains milieux socioculturels défavorise certains enfants. L’école, loin de lutter
efficacement contre ce phénomène, amplifie souvent les inégalités (carrefours
décisionnels, aspirations, pronostics de réussite, etc.).
Les enfants de milieu socioculturel défavorisé présentent deux difficultés
principales lors de leur entrée à l’école :
– ils ne sont pas préparés à y apprendre parce qu’ils n’ont pas reçu les
informations nécessaires à la compréhension des enjeux de l’école.
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Propos liminaires – L’échec scolaire : définitions et enjeux
« Personne ne leur a expliqué les raisons de leur présence sur les bancs.
Ils ne peuvent implicitement endosser l’uniforme de l’écolier pour la rai-
son simple que ce statut d’élève ne fait aucun écho à aucune image. Dès
lors, ils partent déjà avec un décalage, un retard » (Loret, 2010, p. 40) ;
– le rapport au langage est particulièrement en cause. Lors de l’entrée à
l’école, certains élèves doivent se défaire du langage ordinaire et adopter
le langage scolaire pour réussir : « Ils n’imaginent pas que c’est cet autre
usage possible du langage, dans lequel les énoncés construisent un point
de vue spécifique sur les objets du monde étudiés, que l’école attend qu’ils
s’approprient » (Bonnéry, 2007, p. 120).
Alors que certains élèves sont « complices des évidences scolaires » (ibid.,
p. 92), d’autres vivent un grand écart culturel avec la norme scolaire et les enjeux
d’apprentissage. Pour Bonnéry (2007), ces élèves, pour réussir doivent devenir
des « transfuges culturels ». Ils sont sommés de déserter leurs valeurs et de passer
à l’ennemi ! Ils doivent abandonner leur famille et leurs conceptions pour se
rallier à celles de l’école. Pour les élèves de classe populaire, « la confrontation
à l’école est une confrontation socialement située, avec une distance culturelle
(qui) entraîne donc une perception d’un écart culturel considérable, insurmon-
table » (Bonnéry, 2007, p. 149).
2.5 La famille
Pour certains, la famille est « coupable », soit parce qu’elle n’a pas donné à
l’enfant un capital intellectuel suffisant (« mauvaise » hérédité), soit parce qu’elle
ne lui a pas donné un capital culturel suffisant (« mauvaise » éducation). L’école a
donc réussi l’exploit de transformer – par un exercice de prestidigitation séman-
tique – l’« échec scolaire » en « échec de l’enfant », voire en « échec familial ». Or il
s’agit de ne plus faire porter le poids de l’échec à l’enfant et sa famille (Boutin
et Martinez, 2008), mais d’envisager avec eux une collaboration permettant à
l’enfant de surmonter ses difficultés.
Le rôle des parents est tout d’abord de donner un cadre qui permet à
l’enfant de grandir et de s’épanouir en toute sécurité. Ils n’ont pas à jouer le
rôle d’« enseignants domestiques », notamment celui de rattraper à la maison
le retard pris par l’enfant à l’école. Il s’agit avant tout d’offrir une bonne hygiène
de vie à l’enfant, ce qui lui permettra d’être disponible pour les apprentissages
en classe. Mais poser un cadre, c’est également définir des règles de fonction-
nement et poser des limites à sa volonté de toute-puissance. Comme le relève
Prot (2010), « certains élèves ont entendu leur premier non au commissariat de
police. Depuis l’enfance, ils ont testé les adultes sur leur capacité à poser des
limites. N’en ayant pas rencontré assez tôt, ils sont allés se confronter à la loi,
dans son institution » (p. 58).
En effet, l’échec scolaire est parfois la manifestation d’un cadre éducationnel
un peu lâche, de conditions matérielles précaires ou encore d’une mauvaise
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DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE
1 Nous avons effectué une présentation complète de ces facteurs de réussite dans notre dernier ouvrage
(Vianin, 2020).
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Propos liminaires – L’échec scolaire : définitions et enjeux
1 « L’école peut recourir à la différenciation structurale, c’est-à-dire à la création au sein d’un même
système scolaire d’un ou de plusieurs types de classes regroupant des élèves en difficulté. Chaque type
est censé correspondre à un certain profil d’élève défini essentiellement par son degré d’“inaptitude” à
répondre aux exigences d’une classe régulière. L’élève se voit exclu de la classe régulière » (Doudin et al.
2009, p. 12).
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DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE
par l’évaluation et l’orientation. C’est pourquoi nous traiterons plus bas, dans
les mesures de lutte contre l’échec scolaire, de la question des notes et du
redoublement (cf. chapitres 1.1 et 1.2).
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Propos liminaires – L’échec scolaire : définitions et enjeux
Les différentes causes présentées jusqu’ici peuvent expliquer, chacune, l’échec sco-
laire. Dans la réalité, elles sont souvent croisées. Dans la figure 1, nous synthétisons
ces différentes causes en proposant trois centrations possibles (Catheline et al.,
2019) : sur l’élève (facteurs individuels), sur le milieu familial (facteurs familiaux)
ou sur l’école (facteurs pédagogiques).
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DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE
Centration
sur l’élève :
– les aptitudes
– les « dys »
– les troubles affectifs
et psychologiques
Centration Centration
sur le milieu familial : sur l’école :
– le milieu socioculturel – l’échec de l’école
– la famille (cadre – l’effet-maître/
et conditions) effet-établissement
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Propos liminaires – L’échec scolaire : définitions et enjeux
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PREMIÈRE
PARTIE
Après avoir défini l’échec scolaire et identifié ses principales causes (chapitre
préliminaire), nous pouvons maintenant aborder les modalités de l’intervention
qui permettent de lutter contre l’échec scolaire et de promouvoir la réussite.
Nous observons tout d’abord que l’intervenant peut travailler à des niveaux très
différents, sans pourtant s’éloigner de sa fonction première, l’aide aux élèves
en difficulté.
Les mesures d’appui peuvent se classer en trois catégories principales : les
mesures que l’on pourrait qualifier d’« institutionnelles » (chapitre 1), les mesures
« pédagogiques » (chapitre 2) et les mesures « individuelles » (chapitre 3). Cette
distinction entre les trois niveaux d’intervention correspond à celle avancée par
Fuchs dans son « modèle de réponse à l’intervention » (RAI) (in Tremblay, 2012).
On pourrait avancer que les interventions « institutionnelles » concernent tous les
élèves de l’école (niveaux 1 à 3 de la figure 2), alors que les mesures pédago-
giques seraient ciblées sur le niveau 2 du modèle de Fuchs et l’aide individuelle
(le PPI) se situerait au niveau 3.
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Contre l’échec scolaire : trois niveaux d’intervention
ne peut ignorer cet aspect. Nous verrons plus loin comment, très concrètement,
là où il se trouve, l’intervenant peut avoir une influence sur l’institution scolaire.
Cette « sphère d’intervention » (Granger et Dubé, 2015), qui concerne l’école
et son fonctionnement, vise à responsabiliser l’équipe-école, à travailler en
communauté ou encore à impliquer les enseignants dans un projet d’établisse-
ment. Les questions du redoublement, de l’évaluation et des tâches à domicile
relèvent de ce niveau d’intervention (cf. chapitre 1).
Pour Fuchs (cf. figure 2), 80 % des élèves apprennent – heureusement ! – grâce
à l’enseignement proposé par le titulaire à l’ensemble des élèves de sa classe.
« Le niveau 1, celui de l’intervention primaire ou universelle, comprend la
qualité de l’enseignement de base, offert à tous les élèves » (Tremblay, 2012,
p. 65). Les mesures d’aide « institutionnelles » tendent en effet à offrir aux
élèves une école plus tolérante, apte à accueillir dans les meilleures conditions
possibles l’ensemble des élèves. Par exemple, nous savons qu’une école qui
renonce au redoublement obtient de meilleurs résultats qu’une école qui sanc-
tionne l’échec par une reprise du programme (cf. chapitre 1.1). De même, une
école qui évalue tout le temps de manière sommative et notée (cf. chapitre 1.2)
est moins efficiente que celle qui privilégie l’évaluation formative et formatrice.
1 Pour rappel : en Suisse, l’enseignant de la classe régulière est souvent appelé « enseignant titulaire »,
« titulaire », « enseignant régulier » ou « enseignant ordinaire ». Nous utilisons donc ces termes comme des
synonymes dans cet ouvrage.
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DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE
ou de niveau, d’un tutorat, etc.1. Il s’agit donc de mesures que nous qualifions
de « pédagogiques » dans cet ouvrage. « Les pratiques à favoriser à ce niveau
(enseignement collaboratif, mutuel, tutorat, enseignement stratégique, etc.) sont
largement marquées du sceau de la différenciation pédagogique et de l’individua-
lisation » (Tremblay, 2012, p. 65). Les pratiques de co-enseignement (enseignant
régulier / enseignant spécialisé) se situent également à ce deuxième niveau.
1 Le groupe de niveau réunit les élèves en fonction du résultat obtenu (par exemple, l’enseignant
travaille avec le tiers des élèves qui ont obtenu un moins bon résultat au dernier test de maths). Le groupe
de besoin est organisé en fonction des difficultés repérées par l’enseignant (par exemple, celui-ci travaille
avec les élèves qui ne connaissent pas la bonne stratégie pour résoudre un problème mathématique).
2 La relation d’aide qui sera envisagée dans ce chapitre prendra en compte la problématique singulière
de l’élève en difficulté. Il s’agira donc de montrer comment construire un processus d’aide à partir de
l’élève lui-même, de ses difficultés propres et de ses ressources.
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Contre l’échec scolaire : trois niveaux d’intervention
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CHAPITRE
1.1. LE REDOUBLEMENT
OU LA PROMOTION AUTOMATIQUE
Le redoublement est une mesure inefficace, nocive et pernicieuse. Voilà qui est
dit ! La recherche en éducation a démontré, depuis longtemps et de manière
1 Philippe Theytaz a conçu une démarche visionnaire lorsqu’il a pensé et organisé le dispositif de
l’appui pédagogique en Valais à la fin des années 1980 : l’appui, tel qu’il l’a pensé et mis en place, est
encore actuellement, selon nous, l’approche la plus pertinente dans la lutte contre l’échec scolaire en
contexte inclusif.
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
irréfutable, les effets négatifs de cette mesure tant en ce qui concerne les
apprentissages scolaires que l’estime de soi, l’intégration sociale et la motivation
(Crahay, 2019). « Le redoublement est une mesure non seulement inefficace,
mais nocive pour une majorité d’élèves, tant sur le plan des apprentissages
cognitifs (langue maternelle, lecture, mathématiques, sciences) que sur le plan
socio-affectif (motivation, équilibre émotionnel, intégration sociale, persévé-
rance au travail) » (Doudin et Lafortune, 2006, p. 48). Pourtant, cette mesure
est encore appliquée de manière massive et est considérée par une majorité
d’enseignants comme une bonne mesure1.
Ce qui fait illusion, c’est que le redoublement paraît, a priori, une mesure de
bon sens : l’enfant n’a pas atteint les objectifs, c’est donc normal qu’il reprenne
le programme. De plus, lorsque l’enfant redouble, il progresse et l’enseignant
constate que la mesure est efficace à court terme – ce qui le renforce dans ses
convictions… Ce que l’enseignant ne sait généralement pas, c’est que l’enfant
se retrouve souvent de nouveau en échec après quelques années.
La problématique du redoublement est d’abord de nature institutionnelle. De
nombreux pays ont renoncé à cette mesure, sans que les rendements scolaires
ne souffrent de cette suppression (Crahay, 2019). C’est le cas de la plupart des
pays nordiques et leur niveau, en comparaison internationale, est excellent (PISA
notamment). La Suède, par exemple, ne note plus les élèves avant 12 ans et
a renoncé au redoublement. Or la grande majorité de ses élèves atteignent le
niveau du bac et le taux de diplômes supérieurs est très élevé en comparaison
internationale.
Premier constat : le redoublement est une des problématiques scolaires les plus
étudiées et les recherches convergent de manière tout à fait claire vers un constat
très négatif. « Le redoublement est probablement, de toutes les mesures de ges-
tion de l’hétérogénéité, celle dont la recherche en éducation a montré depuis le
plus longtemps et de la manière la plus décisive, non seulement l’inefficacité,
mais le caractère significativement nocif, et cela aussi bien pour les apprentis-
sages d’ordre cognitif que pour les critères socio-affectifs, d’intégration sociale
ou de persévérance dans le travail » (Éducateur Magazine, 6/96).
Une recherche, réalisée en France, dresse également un constat sans appel :
« Contrairement à une idée qui reste largement répandue, aussi bien chez les
parents que chez les enseignants, le redoublement ne constitue pas une seconde
chance pour les élèves rencontrant des difficultés. Il leur est généralement nui-
sible du point de vue de leurs progrès cognitifs, de leur motivation à l’égard de
l’école et de leur orientation » (HCéé, 2004, p. 2). Les résultats obtenus dans
1 Par exemple, en Suisse, « c’est près de 40 % de la population scolaire qui redouble un, voire deux
degrés au cours de la scolarité obligatoire » (Doudin et Lafortune, 2006, p. 48).
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Les mesures institutionnelles
d’autres pays (lire notamment Bless, Bonvin et Schüpbach, 2005) ne sont pas
différents et arrivent aux mêmes conclusions : la mesure de redoublement est
inefficace et doit être remplacée par d’autres dispositifs de remédiation.
Le constat général de l’inefficacité du redoublement est clair. Essayons main-
tenant d’affiner notre analyse et de considérer les différents aspects du problème.
1 La courbe de Gauss se présente sous la forme d’une « courbe en cloche ». Elle permet de représenter
graphiquement la distribution d’une série de résultats ou de notes. Elle montre une forte concentration
des valeurs autour de la moyenne, puis des valeurs de plus en plus faibles aux deux extrémités.
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
qu’il fréquente » (Crahay, 2019). En réalité, l’élève en échec est l’élève qui est
le dernier du groupe-classe auquel il appartient et non l’élève qui n’a pas atteint
les objectifs du programme (cf. chapitre 1.2).
Penser que le redoublement est une bonne mesure manifeste une non-
compréhension de la problématique de l’échec scolaire. Si un enfant rencontre
des difficultés scolaires, il faut effectuer une analyse fine de sa situation et
comprendre les raisons de ses difficultés et les moyens à mettre en œuvre
pour l’aider. Autrement dit, il faut envisager un projet pédagogique alternatif
et une aide spécialisée. Or, lorsque l’enfant redouble, on se trouve dans une
logique du « plus de la même chose » : l’élève refait le même programme, avec
les mêmes moyens et souvent avec le même enseignant. Comment peut-on
dès lors imaginer que l’enfant pourra surmonter ses difficultés, alors que rien
n’est fait pour les analyser sérieusement et comprendre ainsi les raisons de son
échec ? On pourrait dire que le redoublement est un dispositif qui se situe à
l’extrême opposé du Projet pédagogique individuel (PPI) – qui part justement de
la conviction qu’il s’agit de « faire autre chose » pour aider l’élève à surmonter
ses difficultés (cf. chapitre 3.3).
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Les mesures institutionnelles
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
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Les mesures institutionnelles
3P objectifs 3P
3P objectifs 3P
redoublement
Promotion
3P objectifs 3P 4P objectifs 4P
automatique
Compar
ais
3P objectifs atteints fin 3P on
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
lacunaires. Comme le relève Theytaz (2020), « une année redoublée est une
année perdue puisqu’elle conduit les élèves faibles au niveau qu’ils atteindraient
une année plus tôt s’ils avaient pu poursuivre leur scolarité avec les camarades
de leur classe » (p. 9).
Le constat est sans appel, nous l’avons vu : le redoublement n’est pas une
mesure efficace de lutte contre l’échec scolaire. Néanmoins, certains élèves
– rares mais bien réels ! – profitent du redoublement. Les recherches confirment
que le redoublement peut être une bonne mesure pour certains élèves et à cer-
taines conditions. Dans sa synthèse des recherches effectuées sur la question,
Leblanc (2000) montre que la mesure est efficace pour 10 à 15 % des élèves
qui redoublent. C’est peu (1 seul élève sur les 10 qui redoublent), mais c’est une
réalité dont nous devons également tenir compte. Il semblerait que ces « bons »
redoublements concernent surtout les élèves plus âgés qui, à l’occasion d’un
redoublement, réfléchissent à un projet scolaire nouveau ou à une orientation/
réorientation professionnelle.
Dès lors se pose la question des conditions qui font que, parfois, cette
mesure fonctionne. Une approche très intéressante de la question est d’analyser
globalement la situation de l’élève en vérifiant si certaines conditions permettent
d’envisager cette mesure. Pour Theytaz (2020), trois conditions devraient être
remplies pour envisager un éventuel redoublement :
1. Analyser la situation de l’élève selon les trois axes de formation que sont
les savoirs, les savoir-faire (compétences et aptitudes) et les savoir-être
(attitudes et savoir vivre ensemble). Si les objectifs de ces deux derniers
axes sont atteints, et ceux du premier partiellement atteints, les ensei-
gnants se demanderont si la solution du redoublement est opportune.
2. Deuxième condition : les parents doivent adhérer au projet de redouble-
ment pour leur enfant.
3. Troisième condition : l’enfant doit avoir les ressources suffisantes
pour compenser les inconvénients redoutés du redoublement (perte
de confiance, dévalorisation, démotivation, résignation, sentiment
d’incapacité, etc.).
Cette manière de poser le problème est intéressante puisqu’elle ne focalise
pas le débat sur les vertus ou les difficultés du redoublement, mais propose d’ana-
lyser, au cas par cas, la situation de l’élève. Dans l’école où nous travaillons, cette
démarche a été proposée aux enseignants de classe régulière : le redoublement
n’est pas exclu a priori, mais une analyse fine de la situation de chaque élève
en difficulté est réalisée. Nous avons élaboré une grille (cf. annexe 1 : Grille
d’entretien et d’analyse globale de la situation de l’élève) qui aide les enseignants
à prendre en compte globalement la situation. Cette analyse approfondie nous
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Les mesures institutionnelles
Mais alors, si les enfants ne redoublent plus, que font-ils à la place ? Eh bien,
ils sont promus ! Et ils bénéficient de la mise en place d’un programme dif-
férencié. C’est ici qu’intervient l’enseignant spécialisé. C’est à lui en effet de
mettre en place un programme différencié et de s’assurer de la faisabilité de la
démarche auprès de l’enseignant régulier qui accueille l’enfant. On ne peut pas
surcharger indéfiniment le travail – déjà tellement difficile – des enseignants. Le
programme différencié doit donc être « gérable » par l’enseignant régulier sans
que celui-ci s’épuise : c’est un critère essentiel à la réussite de la démarche. Le
projet doit bien évidemment être élaboré en partenariat avec le titulaire, mais
l’enseignant spécialisé assumera toute la préparation du matériel nécessaire à
sa concrétisation. Pour illustrer très concrètement le dispositif de la promotion
avec programme différencié, la situation d’un élève – que nous avons suivi dans
notre école – va être présentée maintenant1.
Lucas est un garçon adopté qui vit en Suisse depuis quelques mois. Lors de
son arrivée dans notre pays, il est intégré dans une classe de 5P pour le second
semestre2. Il est, à ce moment-là, pris en charge par une enseignante de soutien,
spécialisée dans l’accueil des enfants allophones et dans l’apprentissage du fran-
çais. Lucas a de grandes difficultés en raison de son manque de maîtrise de la
langue. En janvier de l’année suivante, alors qu’il se trouve en 6P, il est signalé
en appui pour des difficultés importantes en raisonnement mathématique, en
grammaire, en composition et en compréhension de lecture. Les causes de ses
problèmes semblent plus globales et indépendantes des difficultés premières,
liées à la maîtrise du français.
Lors du bilan de fin de 6P, l’intervenant constate avec la titulaire que les objectifs
ne sont pas du tout atteints par Lucas. Sa moyenne annuelle est de 3.2 en français
et de 3.1 en maths3. Aux examens de fin d’année, il obtient 3.2 en grammaire-
orthographe, 3.8 en vocabulaire et 2.7 en maths. Seuls les objectifs de lecture
semblent atteints (moyenne de 4.1 à l’année et 3.7 à l’examen de fin d’année).
Suite à un bilan effectué avec le directeur de l’école et le conseiller pédagogique,
les enseignants proposent aux parents une promotion en 7P avec programme dif-
férencié, alors qu’il devrait redoubler. Le soutien des autorités, l’engagement des
parents dans la démarche et la bonne intégration de Lucas dans son groupe-classe
1 Tous les exemples présentés dans cet ouvrage sont réels, mais les noms ont été modifiés pour assurer
l’anonymat des personnes concernées.
2 Pour rappel, le degré du primaire correspond à la classe d’âge en Suisse. Pour les autres pays, le
lecteur peut consulter le Tableau de correspondance des classes d’âge dans les systèmes scolaires
francophones (annexe 13).
3 En Valais, la meilleure note est 6 et la moyenne nécessaire à la promotion est 4.
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
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Les mesures institutionnelles
Les questions pédagogiques sont toujours complexes et, par conséquent, les
réponses définitives sont rares. Étonnamment, la problématique du redoublement
met pourtant tous les chercheurs d’accord ! Le Haut Conseil de l’évaluation de
l’école (2004) présente ainsi une méta-analyse de 850 recherches internationales
(sic) et arrive à la conclusion que « le redoublement est préjudiciable aux élèves
qui en sont l’objet, c’est-à-dire que les redoublants progressent significative-
ment moins que les élèves faibles promus, aux caractéristiques comparables,
et ce quelle que soit l’année redoublée (entre la première et sixième année de
l’enseignement primaire) » (p. 17).
Fort de ce constat, la question du redoublement devient un problème
éthique. Quel médecin recommanderait à ses patients un médicament qui ne
guérit qu’un malade sur dix et qui tue presque tous les autres ? Comme le relève
Crahay (1996), « lorsque les médecins ont renoncé à pratiquer la saignée, c’est
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
parce qu’ils en avaient perçu les aspects nocifs ; ils ne disposaient pourtant pas
nécessairement des moyens thérapeutiques susceptibles de traiter efficacement
les affections qu’elle était supposée soigner. Simplement, ils ont délaissé une
pratique inefficace » (p. 296). Ainsi, c’est une exigence éthique de « soigner » les
élèves en difficulté en renonçant à une médication inefficace. En leur accordant
un appui intensif – sous la forme d’un Projet pédagogique individuel (PPI) – et un
programme différencié, la promotion devient tout à fait possible et est favorable
aux apprentissages de l’élève et à son avenir scolaire.
1 Du nom d’un enseignant hollandais, en poste en Indonésie, qui a formulé en 1947 la loi suivante :
un enseignant a tendance à ajuster son enseignement et ses évaluations de manière à conserver
approximativement la même distribution gaussienne des notes, et ce, quels que soient sa classe et le niveau
de ses élèves. Bringuier (2016) parle à ce propos de « classe-bicorne » du nom du chapeau en forme de
courbe de Gauss. De là à penser que les deux cornes ont une signification métaphorique…
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Les mesures institutionnelles
et non l’élève qui n’a pas atteint les objectifs du programme. Le problème, c’est
que le niveau de la classe influence l’enseignant et ses évaluations. Ainsi, « un
élève peut être jugé en réussite dans une classe donnée et en difficulté dans
une autre, selon le niveau général des autres élèves » (Desombre et al., 2010,
p. 6). Il ne suffit donc pas de comprendre et d’apprendre pour réussir, mais il
faut absolument éviter de comprendre et d’apprendre un peu moins vite que
les autres et se trouver ainsi dans le dernier tiers de la classe !
L’implication dans le travail des enseignants est dès lors évidente : il y aura
toujours un dernier de classe, donc un élève potentiellement en échec. C’est
donc un travail « à la Sisyphe » qui attend l’enseignant1 ! Comme le relève Antibi
(2019), « chaque examen est un concours déguisé et la lutte contre l’échec
scolaire restera vaine » (p. 14) tant que la référence est le groupe-classe et non
le plan d’études.
Pour utiliser une métaphore illustrant ce qui précède, l’enseignant spécialisé
ressemble à un entraîneur qui aide le coureur en difficulté à rattraper le peloton.
Or, s’il réussit dans son entreprise, apparaît un nouveau coureur qui occupe la
dernière position et qui a besoin de nouveau de l’aide de l’entraîneur. Lorsque
plusieurs coureurs auront appris à courir plus vite, le groupe dans son ensemble
courra plus vite et un nouveau coureur (bon, mais moins que les autres) se
retrouvera en queue de classement. Le processus est sans fin et le salaire de
l’entraîneur assuré !
Paradoxes connexes : lorsque l’intervenant apporte son aide à la classe, par
exemple lorsqu’il fonctionne en duo pédagogique, il permet au groupe-classe
de progresser, mais est d’une efficacité très limitée dans la lutte contre l’échec
scolaire : Posthumus guette… et répartit de toute façon les élèves dans une
distribution gaussienne des résultats. Autre conséquence funeste de la loi de
Posthumus, la diminution de l’effectif de classe entraîne, paradoxalement, une
augmentation du taux d’échecs (Crahay, 2019). Par exemple, si l’enseignant
considère « normal » qu’un ou deux élèves de sa classe redoublent, alors le nombre
d’élèves en échec double lorsque l’on divise par deux l’effectif de sa classe !
Depuis longtemps déjà, on sait que l’école assume des rôles nombreux et parfois
contradictoires. Alors qu’elle promeut dans le discours l’égalité des chances et
le respect des différences individuelles, elle est devenue dans les faits un outil
au service de la sélection.
L’évaluation joue à ce propos un rôle déterminant et est devenue l’instru-
ment décisif et redoutable de la sélection. C’est d’ailleurs par la pratique de
1 Dans la mythologie grecque, Sisyphe est le fondateur de Corinthe. C’est parce qu’il a construit un
palais démesuré que son châtiment dans les enfers consiste à rouler un rocher au sommet d’une montagne,
d’où il finit toujours par retomber.
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
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Les mesures institutionnelles
Imaginons maintenant un autre jeu (que l’on pourrait appeler le « jeu du (re)
pêcheur » !) : l’enseignant place tous ses élèves sur la ligne de départ, au fond
de la salle. Il leur explique que le jeu consiste à traverser la salle en courant à
toute vitesse de manière à franchir la ligne d’arrivée en moins de 10 secondes.
Il leur dit encore que si des élèves ne réussissent pas tout de suite l’exercice,
il leur laissera du temps pour s’entraîner et qu’il souhaite que, d’ici la fin de
l’année, tous les élèves réussissent l’exercice. Il est prêt à « repêcher » les élèves en
difficulté et à les aider à atteindre l’objectif. Il leur propose même de s’entraider
pour qu’aucun enfant n’échoue…
Cet exemple nous montre que nous, les enseignants, avons tellement
intériorisé la répartition des performances des élèves en termes de « courbe
de Gauss » que nous nous satisfaisons difficilement d’une classe où tous les
élèves réussissent. On a tendance à considérer que, si le système est exigeant,
performant, donc sélectif, il est bon ! Ce qui devrait démontrer l’inefficacité du
système – le fort taux d’échec – est présenté comme le garant de son efficacité.
Imaginons le directeur d’une usine de voitures se flattant de jeter à la casse la
moitié de sa production…
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
Si l’école désire lutter efficacement contre l’échec scolaire, elle doit impérati-
vement définir les objectifs poursuivis en termes opérationnels (pour le jeu du
repêcheur : « Tu traverseras la salle de gym en moins de 10 secondes »). Il s’agit
donc bien d’une problématique institutionnelle. Les plans d’études doivent être
entièrement repensés, redéfinis beaucoup plus clairement et accompagnés de
batteries de tests permettant de clarifier les attentes. Sinon, l’échec scolaire
dépendra du résultat d’un jugement subjectif, fabriqué par chaque enseignant
et qui varie d’une classe à l’autre.
Pour prendre un exemple, l’objectif principal de lecture, pour la fin du pre-
mier cycle (4e primaire) est de « comprendre des textes par une lecture autonome »
(Plan d’études romand). On imagine volontiers les différences inévitables qui
apparaîtront dans l’interprétation de cet objectif par les enseignants de qua-
trième primaire. L’arbitraire étant total, chaque enseignant fixera lui-même ses
critères… en fonction derechef du groupe-classe avec lequel il travaille. Comme
le précise Crahay (2019), l’évaluation ne peut plus avoir comme seule référence
le microcosme propre à chaque classe. Elle doit se référer à des attentes plus
explicites en termes d’objectifs à atteindre. Ce n’est pas acceptable éthiquement
de confier à la subjectivité de chaque enseignant la responsabilité de l’évaluation
des élèves sans s’assurer qu’elle est équitable. Il n’est plus tolérable qu’un élève
en échec dans une classe aurait pu être le meilleur dans la classe parallèle !
L’enseignant spécialisé, dans sa lutte contre l’échec scolaire, doit impérati-
vement tenir compte de ce phénomène. Il pourra par exemple encourager les
collègues de son établissement scolaire – ou d’un degré particulier – à se réunir
et à clarifier les attentes en termes d’objectifs opérationnels. Si, de plus, la grille
d’objectifs est accompagnée d’une batterie d’évaluations permettant de valider
les compétences de l’enfant, les enseignants pourront situer les élèves de leur
classe par rapport à une population de référence beaucoup plus large. Ainsi, les
exigences de fin d’année scolaire ou de cycle seraient beaucoup plus précises et
les enseignants sauraient – enfin – contre quoi ils se battent quand ils souhaitent
lutter contre l’échec scolaire. Les enseignants pourraient alors comparer leurs
exigences lors des évaluations qu’ils proposent aux élèves et élaborer des épreuves
communes permettant d’évaluer les compétences des élèves dans leur classe
en fonction des objectifs officiels. Des études ont montré que, très souvent, les
examens préparés par les enseignants débordent du programme et portent en
partie sur les objectifs… de l’année suivante ! Ainsi, dans un souci de bien faire,
les enseignants devancent le programme officiel – parfois de plus d’un an – avec
les conséquences dramatiques que l’on imagine pour les élèves en difficulté.
Une fois les objectifs précisément définis, il s’agit de préparer une évalua-
tion notée qui corresponde strictement à ceux-ci (ce qui n’est pas toujours une
évidence…). Pour l’élève en difficulté, c’est à l’enseignant spécialisé de veiller
à clarifier très précisément, avec l’enseignant régulier, les attentes en termes
d’objectifs, de manière à ne pas « piéger » l’enfant par des évaluations qui ne
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Les mesures institutionnelles
Comme il a déjà été souligné, les enseignants ont tendance à dépasser lar-
gement le programme et à introduire des questions discriminatives qui piègent
les enfants. Les trois consignes ci-dessus ne correspondent pas aux objectifs du
plan d’études, mais aux exercices du manuel. Or ce sont les objectifs qui doivent
définir le travail de l’enseignant et non les moyens proposés. Dans cet exemple,
l’enseignante a élaboré son évaluation en fonction du manuel de maths et non
en fonction des objectifs qui, pour une fois, étaient explicites !
L’importance de la définition opérationnelle des objectifs sera soulignée
à plusieurs reprises dans nos propositions, c’est pourquoi nous avons abordé
d’emblée cette importante problématique. L’évaluation est évidemment
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
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Les mesures institutionnelles
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
Tâches à domicile
– Les tâches à domicile, pouvant comporter des devoirs et des
leçons, visent à développer l’autonomie de l’élève en renforçant
les connaissances acquises à l’école et à maintenir le contact et la
collaboration avec les familles.
– Dans un volume adapté, elles doivent être différenciées selon l’âge
des élèves et réalisables de façon autonome.
1 Cette distinction n’est pas toujours claire dans les ouvrages consultés. Certains auteurs parlent des
« devoirs » pour désigner l’ensemble des tâches à domicile, alors que d’autres définissent les devoirs comme
des tâches écrites seulement.
2 Lire notamment Bouysse et al., 2008 ; Clerc, 2009 ; Mansuy et Zakhartchouk, 2009 ; Chupin 2013 ;
Benghali Daeppen et al., 2015 ; Czerniawski Kidd, 2015 ; Tinembart, 2015 ; Thibert, 2016.
3 Département de l’économie et de la formation du canton du Valais.
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Les mesures institutionnelles
Le fait de clarifier les enjeux aidera les familles, mais également les élèves (et
parfois les enseignants – qui ne se posent pas toujours la question des objectifs
poursuivis par les tâches à domicile). Si l’autonomie est l’objectif premier, alors
les parents pourront dire à leur enfant que les tâches à domicile font partie de
leur « métier d’élève ». Tant que les enseignants et les parents portent le travail
de l’enfant à sa place, ce dernier ne va pas s’engager, selon le principe des
vases communicants. Si les parents réussissent à clarifier leur rôle et, de manière
connexe, celui de l’enfant, les tensions familiales autour des tâches à domicile
s’apaisent rapidement.
Concrètement – et à titre indicatif –, on peut définir le temps de travail
attendu, par degré : environ 10 à 20 minutes pour les enfants de 6-7 ans
(au CP, puis CE), 30 à 40 minutes pour ceux de 8-9 ans (CM1, puis CM2),
environ 1 heure en fin de scolarité primaire et 1 heure et demie au niveau du
premier degré du secondaire. Autrement dit, en troisième primaire, cela devrait
correspondre à 10-15 minutes par jour et en 8P à 60 minutes (on ajoute envi-
ron 10 minutes par degré). Cette fourchette permet aux parents des élèves
en difficulté de voir si le temps consacré chaque soir aux tâches à domicile
correspond aux attentes. Si un devoir n’a pas pu être terminé dans les délais,
les parents pourront le noter dans l’agenda et en indiquer éventuellement les
raisons. « Il faut savoir à ce propos que, d’un enfant à l’autre et pour une même
activité, le temps peut varier de 1 à 6 (de 20 minutes à 2 heures, par exemple) »
(Theytaz, 2005, p. 91).
Plusieurs recherches établissent des corrélations entre les conditions maté-
rielles de travail à domicile et la réussite scolaire (Benghali Daeppen et al.,
2015). Ainsi, disposer d’un petit espace de tranquillité (dimension spatiale)
et d’un moment dédié aux tâches à domicile (dimension temporelle) permet
d’offrir un cadre propice à la réalisation des tâches à domicile. Les rituels et
les routines sont très importants, notamment lorsque l’enfant est jeune (Faure
et Tourret, 2019). Par exemple, si l’élève sait qu’en revenant de l’école, il
mange un fruit, puis fait tout de suite ses tâches à domicile (e.g. de 17 h à
17 h 30), il va intégrer cette routine et sa mise au travail en sera grandement
facilitée. On peut même envisager de mettre par écrit cette « routine du soir »
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
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Les mesures institutionnelles
Du côté de l’enseignant, les enjeux des tâches à domicile peuvent être résu-
més en énonçant quelques conditions indispensables (Gauthier et al., 2013 ;
Tinembart, 2015)1 :
– les objectifs poursuivis par le devoir doivent être en lien avec le travail
effectué en classe ;
– les devoirs doivent être courts, simples et soigneusement préparés en
classe ;
– le devoir est corrigé par l’enseignant et revu rapidement en classe ; il fait
l’objet d’un feed-back à l’élève ;
– l’enseignant explicite précisément ce qui est attendu ; il rappelle par
exemple les objectifs du devoir, introduit la première étape, liste le matériel
nécessaire, explique les consignes, etc.
– il présente la démarche, la méthode et les stratégies à mobiliser.
L’enseignant pourrait parfois proposer à ses élèves de commencer les
devoirs à l’école, de façon à discuter des méthodes d’apprentissage de chacun.
Les stratégies de mémorisation pourraient notamment être apprises en classe.
Cette approche fait sens si elle est accompagnée par l’enseignant puisqu’elle
permet à l’élève d’associer la stratégie à la tâche elle-même. Il ne s’agit donc
pas de donner aux élèves des « cours de stratégies », mais d’intégrer la dimension
stratégique (le « comment ») à chacune des tâches scolaires. Pour les leçons,
l’enseignant devrait permettre à ses élèves « d’identifier des questions auxquelles
il faudra savoir répondre quand on aura mémorisé » (Bouysse, 2008, p. 35).
L’enseignant pourrait également donner parfois le choix des devoirs – et
même des leçons – à ses élèves (devoirs à la carte). C’est une piste doublement
intéressante, du fait qu’elle vise l’autonomie et permet l’autodifférenciation.
Par exemple, l’enseignant peut mettre à la disposition de ses élèves trois bacs
dans lesquels l’élève pourra choisir l’exercice le mieux adapté à ses besoins
(Amaro, 2020). Le fait de donner du choix aux élèves (autodétermination) les
responsabilise et favorise leur motivation.
Ce qui est étonnant, c’est que, pour la plupart des enseignants, les devoirs
sont surtout utiles aux plus faibles (fonction de rattrapage), alors que ce sont eux
qui sont le plus démunis pour les réaliser et qui sont le moins bien accompagnés
par les parents. « D’un côté, on donne des devoirs-exercices supplémentaires
aux élèves les plus faibles pour lutter contre les inégalités et l’échec scolaire,
mais d’un autre côté, les devoirs donnés sont inutiles lorsqu’ils sont faisables,
impossibles à accomplir seuls lorsqu’ils favoriseraient vraiment le développement
et les apprentissages fondamentaux » (Rayou, 2012).
Quant à l’apprentissage des leçons, il convient de rappeler que le travail de
mémorisation doit être réalisé à 95 % en classe. « L’entraînement qui permet
la maîtrise et l’automatisation des acquis a sa place en classe ; alors, dans le
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
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Les mesures institutionnelles
Participation de l’enfant-élève
Du côté des parents enfin, nous constatons que les tâches à domicile empoi-
sonnent très souvent la vie des familles, sont sources de tensions importantes
et focalisent toutes les énergies domestiques. « Selon certaines enquêtes
d’associations de parents d’élèves, les devoirs sont un sujet d’angoisse ou sont
simplement mal vécus par environ 50 % des enfants et des parents » (Theytaz,
2005, p. 84). Dès que les tâches à domicile deviennent la source de tensions
familiales, les parents devraient en parler avec l’enseignant, voire se faire aider
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
en sollicitant l’avis d’un professionnel : « Dès lors qu’il devient source de conflit
ou apparaît comme l’enjeu affectif dominant de la vie familiale, il semble utile
de partager le contrôle du travail scolaire avec un enseignant, un “psy” ou tout
autre adulte sans lien affectif familial » (Wahl et Madelin-Mitjavile, 2007, p. 9).
De plus, les tâches à domicile sont antidémocratiques puisque devant les
tâches à domicile, les enfants ne sont pas égaux ; les parents non plus, d’ailleurs.
Les tâches à domicile desservent clairement les élèves en difficulté et creusent les
écarts entre les enfants de milieu défavorisé et ceux qui peuvent être accompa-
gnés par leurs parents. En effet, les études montrent que les tâches à domicile
creusent les différences entre les milieux socioculturels des élèves. « Parmi les
effets négatifs associés aux devoirs à domicile, on peut citer le renforcement
de la sélection scolaire, la détérioration des échanges familiaux, la diminution
des activés extrascolaires et des moments ludiques et de repos en général, voire
la diminution du temps de sommeil, et le rejet de l’école » (Benghali Daeppen
et al., 2015, p. 22). De plus, leur efficacité n’est pas prouvée.
Ici encore, la clarification des rôles est essentielle. Trois principes peuvent
guider les parents dans leur accompagnement des tâches à domicile :
1. Rester parents : ne pas s’asseoir à côté de l’enfant et « jouer » à l’enseignant.
2. Fixer des habitudes de vie : heure du coucher, du petit déjeuner, heure pour
les devoirs et leçons, etc. Ces habitudes de vie permettent d’aménager
de bonnes conditions de travail (espace, temps, tranquillité).
3. Construire des ponts entre les apprentissages scolaires et la vie familiale
(par exemple, valoriser l’utilisation de l’écrit à la maison).
Le travail à la maison est l’occasion privilégiée pour que les enfants déve-
loppent leur autonomie. Aussi, les parents ne devraient pas s’asseoir à côté
de l’enfant pour réaliser les tâches avec l’enfant – et parfois à sa place ! Les
tensions familiales autour du travail à domicile sont souvent dues à un manque
de clarification de cet objectif d’autonomie. Il faut donc absolument éviter de
transformer les familles en « institutions de sous-traitance pédagogique » (Thibert,
2016, p. 9). Si tous les partenaires (l’enseignant, l’enfant et les parents) adhèrent
à cet objectif d’autonomie, l’enfant est davantage motivé – parce que respon-
sabilisé – et les inégalités socioculturelles s’atténuent.
En résumé, le rôle des parents se limite à poser le cadre et à contrôler si
le travail est réalisé, le reste étant le « métier de l’élève ». Les parents peuvent
utiliser le carnet de tâches pour toutes les communications avec l’enseignant
(e.g. si le travail est trop long ou trop difficile ou source de conflits, etc.). Les
parents peuvent mettre fin au devoir s’il est trop long.
Pour les parents, le plus important est finalement de montrer de l’intérêt pour
le travail de l’enfant : « Qu’il s’agisse pour eux de créer des conditions favorables
pour une relecture ou une révision de la leçon apprise, dans un moment de
calme, de s’assurer que tout le travail a été fait en regardant le cahier qui porte
la trace des écrits s’il y en a et en écoutant une récitation du texte mémorisé
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Les mesures institutionnelles
Dans l’établissement où nous travaillons, nous avons élaboré une charte permet-
tant de définir la priorité des tâches à domicile et les rôles de chacun (tableau 1).
La charte que nous avons réalisée est présentée ci-dessous, à titre d’exemple1.
Elle définit l’objectif prioritaire pour l’école, ainsi que les rôles de chacun,
élève, parents et enseignant. L’exercice de réalisation de la charte est tout aussi
important que le produit final. C’est en effet par la discussion que peuvent être
définis les objectifs prioritaires de l’école. « Les communautés d’enseignants et
d’apprenants dans lesquelles les devoirs sont un sujet de conversation et de
planification mutuelle favorisent grandement l’établissement d’une culture des
devoirs » (Czerniawski et Kidd, 2015, p. 80). Une fois la charte rédigée, les
attentes sont explicites et peuvent être clairement communiquées aux parents.
Droits Devoirs
Les enseignants Travaux écrits : Travaux écrits :
Réceptionner des travaux Donner des tâches réalisables
écrits soignés par l’enfant seul
Sanctionner si ce n’est pas
Leçons :
le cas
Donner les stratégies
Leçons : d’apprentissage permettant
Évaluer l’apprentissage d’apprendre ses leçons
des leçons
Travaux écrits et leçons :
Travaux écrits et leçons : Préciser l’objectif (but)
Différencier et les attentes (critères
d’évaluation)
Informer les parents
de ses attentes
1 Cette proposition de charte est le fruit de la réflexion de mes collègues de Sierre (école de Noës).
Merci à eux pour la qualité de leur réflexion et leur magnifique collaboration dans ce projet.
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
Droits Devoirs
Précisons enfin que les écrans entrent très souvent en concurrence avec
les tâches à domicile (Moka, 2018). Les enfants passent en moyenne plus
de temps devant un écran qu’à l’école. Or les études ont montré que plus les
enfants passent de temps devant la télévision et les jeux vidéo, plus leurs notes
à l’école sont basses. Limiter le temps devant un écran (pas de télévision, de
tablette, d’ordinateur ou de téléphone dans la chambre de l’enfant) et favoriser
l’activité physique doivent être des priorités éducatives.
— 64 —
CHAPITRE
— 66 —
Les mesures pédagogiques
1 Certains auteurs parlent plutôt d’« évaluation diagnostique » pour souligner l’importance de poser un
diagnostic au départ de la séquence (Brookhart, 2012). Nous préférons réserver cette expression lorsque
l’évaluation formative sert à réguler son enseignement lors de problématiques complexes (élèves en
difficulté ou en échec). Dans l’accompagnement des élèves en difficulté, la démarche est bien « formative »
– elle participe d’une dynamique d’accompagnement différencié – mais elle est également « diagnostique »
– puisqu’elle permet une analyse fine de la problématique de l’élève en difficulté.
— 67 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
Avant de présenter l’expérience que nous avons menée dans notre école, nous
énonçons les trois principes qui ont guidé notre réflexion et qui précisent dans
quel esprit nous avons travaillé :
– Premier principe : nous accordons une place toute particulière à
l’auto-évaluation et à l’autorégulation, et ce, pour deux raisons principales :
premièrement parce qu’elles touchent à l’autonomie et à l’autoresponsabi-
lité, deux finalités essentielles en éducation et, deuxièmement, parce que,
sans elles, la pédagogie différenciée devient ingérable. Comme le dit Meirieu
(1989), « toute pédagogie qui ne transfère pas progressivement sur le sujet
apprenant la responsabilité de la différenciation se condamne soit à la para-
lysie – parce que l’analyse des besoins s’avère trop longue et complexe – soit
au dressage – parce que cette analyse est possible et génère des dispositifs
strictement adaptés au profil de chaque sujet » (p. 177). De plus, l’autogestion
des apprentissages par l’ensemble des élèves permet à l’enseignant de mieux
cibler ses interventions auprès des élèves en difficulté et de leur consacrer
davantage de temps.
– Le deuxième principe relève de la « transparence » et de l’« explicite ». Il
s’agit en effet d’informer impérativement les élèves des objectifs poursuivis, de
la signification des activités, des moyens et des méthodes utilisés, des critères
de réussite, des progrès accomplis, etc. C’est seulement ainsi que les élèves
pourront devenir réellement acteurs de leur formation. Relevons également ici
le lien étroit qui existe entre l’explicite, la motivation et l’engagement de l’élève
dans le projet.
— 68 —
Les mesures pédagogiques
2.1.3 Le dispositif
Séquence d’enseignement-apprentissage
Étapes 1 2 3 4 5 6 (7)
Évaluation Évaluation Évaluation Évaluation
Évaluations
— 69 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
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Les mesures pédagogiques
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
corrigés par l’enseignant. Il s’agit donc bien de « vérifier que l’évaluation porte
sur ce qui est à évaluer, sur ce qui a été enseigné et sur ce qui a été annoncé »
(André, 2015, p. 232). Les élèves peuvent mesurer maintenant leur progres-
sion en comparant leur résultat avec l’évaluation formative de départ, ce qui
est une démarche favorisant beaucoup leur motivation et leur implication dans
la démarche.
7. La remédiation : si l’enseignant constate, après avoir corrigé l’examen,
que certains élèves n’ont toujours pas atteint les objectifs attendus, il pourra
évidemment apporter encore une aide et, éventuellement, proposer une nouvelle
évaluation sommative. Dans le projet mené avec M. Coteau, aucun élève n’a
dû bénéficier d’une remédiation après l’évaluation sommative.
Le bilan effectué après cette expérience a été qualifié de « globalement très satis-
faisant » par l’enseignant titulaire. Dans son évaluation du dispositif, Monsieur
Coteau apporte les précisions suivantes :
– le « coin évaluation » – qui permet aux élèves d’évaluer les 6 objectifs-
noyaux quand ils le désirent – a été particulièrement apprécié ;
– les problèmes de discipline ne se sont pas posés, la motivation étant très
forte pendant les trois semaines et demie.
Dans les points à améliorer, l’enseignant ajoute les remarques suivantes :
– le thème étant tout à fait nouveau pour les élèves (« introduction de
l’algorithme de la division »), l’évaluation formative de départ aurait dû
se limiter uniquement à l’évaluation des prérequis ;
– l’enseignant doit être clair et explicite dans l’utilisation de la fiche d’auto-
évaluation (annexe 5) lors d’une première expérience de ce type ; la
démarche exige en elle-même un apprentissage.
L’évaluation formative qui a accompagné toute la séquence correspond
bien à la définition donnée par Brookhart (2012, p. 2) : « L’évaluation formative
désigne le processus continu auquel les élèves et les enseignants participent
ensemble lorsqu’ils :
1. se concentrent sur les objectifs d’apprentissage ;
2. font le point sur les travaux en cours en regard de ces objectifs ;
3. prennent des mesures pour s’approcher des objectifs. »
C’est en effet la bonne connaissance, par les élèves, des objectifs poursuivis
qui les engage activement dans la démarche. L’auto-évaluation devient alors
possible et les élèves gagnent en autonomie et en motivation. « Cette démarche
constitue l’essence même de l’apprentissage, à savoir un processus continu dans
le cadre duquel l’élève évalue la maîtrise de ses connaissances et de ses habiletés,
— 72 —
Les mesures pédagogiques
Lors de l’année scolaire suivante, le modèle a été appliqué à tous les degrés
primaires de notre établissement. Plusieurs enseignants travaillent dorénavant
de cette manière dans plusieurs domaines. Un enseignant a même élaboré son
programme annuel dans toutes les branches principales selon ce modèle.
Néanmoins, cette expérience appelle un commentaire qui touche aux
finalités mêmes de l’enseignement. En fait, il s’agirait maintenant de profiter
de la dynamique créée dans notre école pour généraliser la pratique de la dif-
férenciation à l’ensemble du programme et de permettre ainsi à tous les élèves
de réussir. Or, comme le relève Davaud (in Allal et al., 1993, p. 25), il y a
« incompatibilité fonctionnelle » entre notre système sélectif (exigence sociale)
et l’idéal de différenciation qui permettrait à tous les élèves de s’approprier les
connaissances scolaires (discours pédagogique). Il s’agirait donc à l’avenir de
tenter de résoudre ce paradoxe et de concilier exigence de sélection et péda-
gogie de la réussite.
Dans ce projet, nous avons proposé une « assistance indirecte » à nos collè-
gues. Nous ne sommes intervenu ni directement auprès des élèves, ni dans les
classes. Nous avons d’abord travaillé sur un thème spécifique avec un enseignant
(M. Coteau) et avons ensuite proposé le modèle aux autres enseignants de l’école.
Nous avons donc encouragé nos collègues à modifier le fonctionnement de leur
classe et à faire un pas vers une évaluation formative et une différenciation de
la pédagogie. C’est donc bien une mesure de type « pédagogique » qui a été
menée dans ce contexte.
2.2. LE CO-ENSEIGNEMENT :
EXEMPLE D’UNE PRATIQUE
DE CO-INTERVENTION EN LECTURE
L’exemple précédent a permis de mieux comprendre le rôle que l’enseignant spé-
cialisé pouvait jouer dans l’« assistance indirecte ». Le modèle de co-enseignement
— 73 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
abordé ici présente une modalité d’intervention qui correspond à l’« assistance
directe » : l’enseignant spécialisé intervient en effet directement dans la classe
et travaille en duo pédagogique avec le titulaire. L’intérêt de cette approche est
de tenter de prévenir l’échec scolaire en s’occupant de la classe, de son fonc-
tionnement propre, des élèves en échec, mais également des élèves à risque.
Dans l’exemple que nous présentons ci-dessous, les deux enseignants – régulier et
spécialisé – se partagent la responsabilité de la classe et échangent fréquemment
leurs rôles. Ils pratiquent donc un « enseignement partagé » (Tremblay, 2013) qui
leur permet de se sentir totalement coresponsables de la classe. « Cette orga-
nisation nécessite le plus haut degré de collaboration et de confiance entre les
co-enseignants. Elle exige également que les deux enseignants soient en mesure
de mailler ou mélanger des styles d’enseignement. Globalement, ce modèle peut
être le plus enrichissant tant pour les enseignants que pour les élèves. Il y a une
plus grande quantité de la responsabilité partagée. Cette configuration permet
une grande créativité, d’essayer des techniques novatrices qu’ils n’auraient pas
tentées seuls » (Tremblay, 2013, p. 30).
— 74 —
Les mesures pédagogiques
— 75 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
les élèves signalés « à risque ». En effet, les enfants concernés par le projet ont
tous atteint les objectifs de la 4P.
L’expérience vécue en quatrième par les deux enseignants s’est poursuivie
durant plusieurs années et s’est développée dans l’établissement scolaire. Le
projet a été élargi à tous les enseignants du cycle 1 (de la première à la quatrième
primaire). Les objectifs visés en fin de 4P (annexe 6) sont devenus les objectifs
du parcours de formation dès la première. Les enseignants ont ainsi effectué
un meilleur travail préventif de l’échec scolaire et ont permis à tous les élèves
d’atteindre les objectifs de lecture en quatre ans.
Cette extension du projet à l’ensemble du cycle d’apprentissage concerne
évidemment aussi les mesures institutionnelles, le découpage de la scolarité
en années étant une caractéristique majeure du fonctionnement de notre
école. L’intérêt de ce travail en cycle d’apprentissage concerne également la
problématique du redoublement. Les études montrent en effet que le nombre
de redoublants diminue fortement lorsque les objectifs sont fixés pour la fin du
cycle. On peut donc souligner une nouvelle fois que les mesures institutionnelles,
pédagogiques et individuelles sont, dans la pratique, tout à fait imbriquées.
Ce projet de co-enseignement a permis de constater qu’une collaboration
plus intensive entre les enseignants réguliers et les enseignants spécialisés,
dans un souci de prévention, est un facteur décisif dans la lutte contre l’échec
scolaire. Deux conditions semblent néanmoins nécessaires au bon déroulement
de ce type de projet :
– la collaboration entre les enseignants concernés – régulier et spécia-
lisé – est indispensable. Il s’agit d’instaurer une bonne relation avant
d’envisager un projet de co-enseignement. Un climat de confiance et de
collaboration dépend notamment de l’ouverture au partenariat des ensei-
gnants, de la définition de buts communs, du partage des responsabilités,
de l’instauration d’un climat de respect mutuel et de la compatibilité des
personnalités (Tremblay, 2013) ;
– le co-enseignement exige une grande disponibilité de la part des
enseignants. Une limite importante à sa généralisation touche au nombre
limité de classes dans lesquelles l’enseignant spécialisé peut intervenir.
Selon St-Laurent et al. (1999), un enseignant spécialisé à plein temps
peut travailler avec six à sept classes au grand maximum. Le statut actuel
des enseignants spécialisés ne permet donc pas la généralisation du
co-enseignement (pour le moment…).
Précisons enfin que, si le co-enseignement est une pratique pédagogique
très intéressante pour prévenir les difficultés, il ne remplace pas les mesures
d’aide individuelle (que nous présentons dans le chapitre 3). En effet, ce dis-
positif se situe bien au niveau « pédagogique ». Son objectif est d’accompagner
l’enseignant régulier dans des pratiques de différenciation et ne remplace donc
pas les interventions d’aide individuelle. En effet, « on constate que les élèves à
besoins spécifiques n’ont pas toujours profité d’une intervention directe. Quand
— 76 —
Les mesures pédagogiques
ils en ont bénéficié, celle-ci pouvait être superficielle, interrompue, peu préparée,
manquant d’intensité et loin de mener à des objectifs à long terme » (Tremblay,
2013, p. 31). En effet, le groupe-classe et les multiples sollicitations de tous
les élèves ont tendance à happer l’enseignant spécialisé – qui ne peut plus, dès
lors, accompagner correctement et spécifiquement les élèves en difficulté. Si
le travail en classe est très intéressant, l’aide individuelle en salle d’appui est
néanmoins parfois nécessaire et complémentaire au travail en duo.
2.3. L’ENSEIGNEMENT-APPRENTISSAGE
STRATÉGIQUE
La lutte contre l’échec scolaire et la promotion de la réussite se passent d’un
atout essentiel si elles n’envisagent pas un accompagnement stratégique des
élèves en difficulté : toutes les recherches actuelles sur le travail métacognitif
montrent en effet que les élèves qui réussissent à l’école ont des compétences
métacognitives efficaces. « Apprendre à apprendre » relève de la métacognition,
c’est-à-dire de « la conscience de son propre apprentissage de même que de sa
propre réflexion et comprend également le savoir sur l’apprentissage en général »
(Pohlman, 2011, p. 154). « Apprendre à apprendre » : le slogan vieillit, mais
ne prend malheureusement aucune ride ! Or l’enseignement stratégique est au
cœur du métier d’apprendre1. En effet, « les processus cognitifs regroupent les
opérations mentales qui permettent de saisir, de comprendre et de traiter une
information : mémoriser, être flexible, transférer, se repérer dans l’espace, dans le
temps, se construire une représentation mentale… » (Brunbrouck, 2018, p. 110).
Si de nombreuses études démontrent la pertinence d’une approche straté-
gique, le constat réalisé dans les classes montre que les enseignants travaillent
avec leurs élèves surtout le contenu scolaire (en français, en maths, en his-
toire, etc.), mais peu les stratégies permettant de se l’approprier. Par exemple
en lecture, « sur une période de 4.469 minutes d’observation d’enseignement
de la lecture en quatrième élémentaire, seulement 20 minutes ont été consa-
crées à l’enseignement de la compréhension ! » (Bianco et Bressoux, 2009,
p. 41). Or lire, c’est comprendre (et non décoder – qui est le moyen d’accéder
à la compréhension). Il s’agirait donc de « rendre les élèves plus actifs dans leur
processus d’apprentissage, leur demander d’inspecter le texte en profondeur,
d’en identifier les idées principales, gérer leur propre état de compréhension et
finalement conduire à une compréhension plus approfondie du texte » (Bianco
et Bressoux, 2009, p. 42).
Un autre intérêt de l’enseignement-apprentissage stratégique touche au
phénomène de l’attribution causale. Lorsque l’élève réussit – ou échoue – dans
un apprentissage, il peut avancer plusieurs explications très différentes des
1 Certains auteurs (notamment Bouysse, 2008 ; Brunbrouck, 2018) parlent de « méthodologie » pour
parler de l’ensemble des techniques relevant de « l’apprendre à apprendre ».
— 77 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
— 78 —
Les mesures pédagogiques
des processus qu’ils doivent actualiser, ils pourront réaliser correctement leurs
tâches scolaires. « Mettre des mots sur “comment se construit l’apprentissage”
favorise l’autonomie et l’indépendance cognitive de l’élève : “Je sais comment
faire pour apprendre. J’ai des outils pour résoudre un problème” » (Brunbrouck,
2018, p. 110). Il s’agit donc de rendre explicite l’utilisation des stratégies efficaces
pour comprendre, apprendre et mémoriser (Stordeur, 2014).
L’explicitation, l’objectivation, la verbalisation tiennent une place cen-
trale dans cette approche stratégique. Comme l’écrivait Confucius (cité par
Brunbrouck, 2018), « l’expérience est une bougie qui n’éclaire que celui qui la
porte » (p. 158). Le rôle de l’enseignant est d’éclairer ses élèves sur les enjeux
des apprentissages sans qu’ils doivent le découvrir et l’expérimenter eux-mêmes.
C’est un travail de médiation qui permet aux élèves, grâce à l’objectivation, de
profiter des « lumières » de l’expert. Ainsi, « l’enseignement de stratégies passe
par l’explicitation, la prise de conscience de l’élève et la mise en œuvre délibérée
des procédures à travers la discussion, l’argumentation et le débat » (Bianco et
Bressoux, 2009, p. 43). C’est donc à un vrai travail de médiation qu’est invité
l’enseignant qui accompagne, guide, conseille ses élèves dans l’utilisation des
stratégies efficientes d’apprentissage.
— 79 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
Samuel est en 5P. À la fin du premier semestre, il est signalé en appui pour
des difficultés globales. Ses résultats sont faibles dans toutes les branches et
les enseignantes se demandent comment elles peuvent l’aider. Lors d’un cours
d’appui, l’enseignant spécialisé soumet à Samuel la fiche sur « les mots de sens
proche » (annexe 8) en lui proposant d’effectuer les exercices tout seul.
Pendant que l’élève travaille, l’enseignant l’observe discrètement et note sur
sa « grille des processus » (annexe 9) ses remarques. Il constate par exemple
que Samuel ne prend pas son livre de lecture pour réaliser les deux premiers
exercices. Il travaille par contre posément et reste concentré sur sa tâche durant
toute l’activité. Lorsque l’élève lui donne sa fiche, l’enseignant d’appui constate
que Samuel a commis de nombreuses erreurs. En analysant le « produit », il peut
compléter certains items de la « grille des processus ». Comme Samuel n’a pas
comparé le texte de la fiche avec le texte du livre, les deux premiers exercices
sont totalement incorrects. L’enseignant suppose alors que Samuel n’a pas lu
les deux premières consignes… et il se trompe !
L’enseignant (M) engage maintenant un « entretien pédagogique » avec l’élève (E) :
— (M) Est-ce que tu es d’accord de m’expliquer comment tu as fait cette fiche ?
— (E) Oui… j’ai souligné les mots dans cet exercice, puis là j’ai écrit et j’ai
fait le dernier exercice.
— (M) Explique-moi ce que tu as fait tout au début, quand tu as reçu la fiche.
— (E) J’ai lu ici (me montre le début de la première consigne).
— (M) Est-ce que tu sais ce que tu as travaillé dans cette fiche ?
— (E) Oui, les verbes.
Dans ce petit dialogue, l’intervenant constate que Samuel n’a pas observé glo-
balement la fiche : il n’a pas lu le titre, ne sait donc pas à quel thème rattacher
ces exercices et ne comprend pas quels apprentissages il va effectuer dans cette
fiche. Il pense en effet réaliser des exercices de conjugaison. De plus, il ne voit
pas le logo qui lui indique qu’il doit sortir son livre de lecture à la page 58.
L’enseignant poursuit l’entretien en retournant la fiche. Il veut vérifier si Samuel
a compris la consigne du premier exercice, sans lui permettre de la relire :
— (M) Est-ce que tu peux me raconter cette consigne ?
— (E) Oui, c’est marqué qu’il faut souligner les verbes qui sont proches.
— (M) Est-ce que cette consigne te demande autre chose ?
— 80 —
Les mesures pédagogiques
— (E) Non.
— (M) Est-ce que cette consigne parle encore d’autre chose ?
— (E) Non, c’est tout, il faut souligner dessous les verbes qui sont proches.
Samuel a effectivement lu la consigne, comme il l’avait dit. Par contre, il n’a
pas évoqué la première partie de la consigne et a compris « les verbes qui sont
proches » pour « les verbes de sens proche ».
L’entretien se poursuit ainsi durant quelques minutes et permet d’analyser avec
l’élève sa démarche dans la réalisation de cette fiche. Relevons simplement la
fin de l’entretien :
— (M) Est-ce que tu peux me dire ce que tu as appris en faisant cette fiche ?
— (E) Oui… à souligner.
Ce dialogue a donc permis de « dérouler » avec l’élève tout le « film » de sa
démarche. Finalement, lorsque Samuel retourne dans sa classe, l’enseignant peut
compléter sa « grille des processus » et a maintenant une idée claire de la procédure
que l’enfant a mise en place face à cette tâche (annexe 9 – Commentaires). Il
émet l’hypothèse que Samuel est en difficulté parce qu’il ne comprend pas l’enjeu
des tâches qu’on lui propose : il pense travailler « les verbes » alors qu’il réalise
une fiche de vocabulaire et dit avoir appris « à souligner » en effectuant ce travail.
Lors des cours d’appui suivants, l’enseignant spécialisé a pu proposer à Samuel
d’autres fiches (grammaire, orthographe, maths, etc.) pour vérifier si les hypo-
thèses qu’il a émises lors de cette première évaluation étaient correctes. Il a
constaté qu’effectivement Samuel ne sait jamais ce qu’il fait et pourquoi il le
fait. Il a donc pu envisager une remédiation ciblée sur cette problématique. Il a
montré à l’élève, à partir d’autres fiches, comment il peut mieux comprendre
l’enjeu des exercices en lisant systématiquement le titre et en mobilisant ses
compétences dans le domaine abordé dans la fiche. Par exemple, lorsque Samuel
effectue maintenant une fiche d’orthographe, il commence toujours par lire le
titre (par exemple « la relation sujet-verbe ») et prend du temps pour expliciter,
avec ses propres mots, l’attente liée aux exercices proposés. S’il lit la consigne
(par exemple « Choisis le verbe qui convient et écris-le au présent »), il peut établir
le lien entre ce qu’on lui demande dans l’exercice et l’enjeu global de la fiche.
Finalement, on peut dire que Samuel, grâce à cet accompagnement, a appris une
stratégie efficace et a développé des compétences métacognitives indispensables
à sa réussite scolaire.
— 81 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
1 Certains auteurs préfèrent parler de « prise en compte » et non de « prise en charge », cette dernière
expression laissant croire que l’élève est un poids à porter et non un enfant à accompagner… (Bedoin
et al., 2018).
— 82 —
Les mesures pédagogiques
Sans elles, tout ce qui a été compris est perdu. Comme le relèvent Gauthier
et al. (2013), « les enseignants efficaces consacrent 15 à 20 % de leur temps
d’enseignement à la révision hebdomadaire et mensuelle » (p. 117).
Ce travail de mémorisation devrait s’effectuer autour des mots clés, dans
chacune des disciplines. La mémoire sémantique est en effet organisée en un
réseau de concepts interreliés, en arborescence (Demnard, 2009). Alors que nous
avons cru pendant longtemps que le raisonnement était le meilleur prédicteur de
réussite, « cette théorie renouvelle le thème de l’intelligence au point que, pour
beaucoup de chercheurs, l’intelligence repose en grande partie sur la mémoire,
notamment la mémoire des connaissances » (Lieury, 2004, p. 10). Autrement
dit, pour favoriser la réussite scolaire de nos élèves, il faut augmenter leur
vocabulaire. En effet, « l’estimation du vocabulaire acquis chez le meilleur élève
(17/20 de moyenne scolaire générale) est d’environ 4.000 concepts tandis que
cette estimation chute à 1.000 concepts pour l’élève ayant la moyenne scolaire
la plus basse. […] Ainsi, selon les années, les corrélations sont de .60 à .72
entre la richesse du vocabulaire encyclopédique et la réussite scolaire » (Lieury,
2004, p. 12)1.
Comme nous l’avons souligné, l’école privilégie souvent le raisonnement
et la compréhension au détriment de la mémorisation. Or ce modèle de réseau
sémantique montre que nos connaissances sont organisées en un tissu de
concepts et donc que le rôle de la mémoire est très important dans le fonction-
nement cognitif. L’apprentissage et la mémorisation du vocabulaire sont donc
essentiels à la réussite scolaire.
Dans notre pratique d’enseignant d’appui, lorsque nous accompagnons
un élève en difficulté dans l’apprentissage d’une discipline scolaire spécifique,
nous établissons toujours une liste des concepts de cette discipline que nous
demandons à l’élève de mémoriser. Chaque fois que l’élève vient en appui,
nous travaillons, durant les cinq premières minutes, un ou deux concepts que
l’élève mémorise. Après quelques mois, l’élève maîtrise ainsi parfaitement plu-
sieurs dizaines de concepts clés sur lesquels il peut s’appuyer pour comprendre
et raisonner. En classe, l’enseignant pourra utiliser des ardoises sur lesquelles
les élèves inscriront le concept étudié. Cette forme d’interrogation collective
permet de vérifier que chaque enfant, individuellement, a bien mémorisé le
concept étudié (Bouysse, 2008).
Ces connaissances lexicales peuvent se présenter sous la forme d’un glos-
saire, d’une carte conceptuelle (mindmap), d’un cahier de réactivation, d’un dic-
tionnaire mathématique, d’un memory box, etc. (« cartes flash » ; Hourst, 2016),
qui reprennent uniquement les concepts centraux d’un domaine d’apprentissage.
Par exemple, l’apprentissage de l’histoire peut se construire autour des concepts
principaux de Préhistoire, d’Antiquité, de Moyen Âge, de Temps moderne et
1 Pour un développement complet des implications pédagogiques de ces résultats, il est possible de
se référer à Vianin, P. (2020). Comment donner à l’élève les clés de sa réussite ? L’enseignement des
stratégies d’apprentissage à l’école. Louvain-la-Neuve : De Boeck Supérieur.
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
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Les mesures pédagogiques
1 Nous avons déjà présenté ces six axes dans un précédent ouvrage (2016) : Comment développer
un processus d’aide pour les élèves en difficulté ? Louvain-la-Neuve : De Boeck Supérieur. Ils sont repris
et résumés ici.
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
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Les mesures pédagogiques
S’il est parfois difficile de proposer une tâche qui correspond à la motivation
intrinsèque de l’élève, il est toujours possible d’envisager des pistes favorisant sa
motivation extrinsèque, celle qui vient de l’extérieur. La motivation extrinsèque se
construit sur ce que l’enfant va obtenir grâce à ton travail : une récompense concrète,
mais également la reconnaissance de l’enseignant, de ses parents ou de ses pairs.
L’approche béhavioriste propose ici des outils tout à fait efficaces. Avec la
motivation extrinsèque, la source de la motivation se situe à l’extérieur du sujet :
ce sont les renforcements, les feed-back et les récompenses qui alimentent la
motivation. L’élève réalise une activité pour en retirer un avantage. La présen-
tation agréable du travail, l’effet de surprise, un matériel ludique, etc. participent
également de cette motivation extrinsèque.
En caricaturant, nous pourrions dire que trois formes de motivation extrin-
sèque sont possibles : la carotte, le bâton et la carriole. Le bâton est probablement
la plus connue et la plus utilisée. Comme professionnel et/ou comme parents,
nous avons souvent tendance à sanctionner lorsque le comportement nous paraît
inadapté. Or les recherches montrent clairement que le bâton, s’il est efficace
à court terme (et renforce donc l’adulte dans son usage !), ne permet pas une
modification du comportement à long terme. Rangeons donc le bâton dans le
réduit des outils motivationnels dépassés.
Par contre, la carotte est beaucoup plus motivante, mais son efficacité
dépend de quelques règles fondamentales :
– utiliser tout d’abord des renforçateurs tangibles (bons points, activités
renforçantes, gommettes, jetons, etc.) ;
— 87 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
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Les mesures pédagogiques
Raphaël est un enfant impulsif. Il est toujours très pressé de terminer son travail
et ses résultats scolaires en souffrent. L’enseignant lui a fixé trois objectifs :
– travailler seul (sans solliciter constamment l’aide de l’adulte) ;
– travailler posément (« pas trop vite ») ;
– présenter un travail de qualité (sans erreurs, si possible).
Lorsque ces trois critères sont respectés, Raphaël peut colorier un smiley. Après
5 smileys, il peut choisir un jeu. Sa motivation est ainsi entretenue par une défi-
nition précise (opérationnelle) des attentes, un feed-back régulier sur la qualité
de son travail et une récompense qui renforce sa motivation.
1 La zone proximale de développement (ZPD) de Vygotski désigne la zone qui se situe entre le niveau
actuel de l’enfant lorsqu’il réalise la tâche seul et le niveau qu’il peut atteindre grâce à la médiation de
l’adulte. Elle représente l’écart entre le niveau actuel de l’enfant et ses capacités latentes.
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
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Les mesures pédagogiques
Léo est un enfant de 9 ans qui présente des difficultés motivationnelles impor-
tantes, notamment en lecture. Lors d’un entretien avec son enseignant, il précise
que, quand il sera grand, il voudra devenir « fermier comme son papa » et que
« les fermiers, ils ne doivent pas lire ».
Pour l’instant, apprendre à lire n’a donc pas de sens pour Léo. Un travail sur
la valeur de la tâche semble donc indispensable si nous voulons le motiver dans
son apprentissage de la lecture. Une réflexion a donc été menée avec l’élève, à
partir des questions suivantes : « Lire quoi ? Lire pourquoi ? Lire où et quand ?
Lire comment ? ». Léo est allé poser ces questions à son papa fermier.
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
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Les mesures pédagogiques
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CHAPITRE
Dans une réflexion avec un groupe d’étudiants en pédagogie spécialisée, nous avons
demandé de noter rapidement sur une feuille trois propositions concrètes de lutte
contre l’échec scolaire. Les différentes propositions des étudiants ont été classées
dans les trois catégories déjà citées : celles qui touchaient aux mesures « institution-
nelles », celles qui correspondaient plutôt à une approche « pédagogique » et celles
qui proposaient de s’occuper d’abord de l’enfant en difficulté (« aide individuelle »).
Sur 33 propositions, 2 seulement suggéraient un questionnement de l’institution
scolaire elle-même, 13 proposaient une réflexion de nature pédagogique et 18 concer-
naient directement l’aide individuelle à l’enfant.
Ce petit exemple montre que parler d’échec scolaire, c’est souvent parler
de l’enfant en échec en lui faisant porter une grande part de responsabilité
dans ses difficultés. L’appui pédagogique risque bien de contribuer ainsi à
conserver l’organisation scolaire actuelle s’il n’est pas capable de questionner
le fonctionnement institutionnel et les pratiques pédagogiques. En désignant
l’enfant comme « responsable » de ses difficultés, il lui fait porter le poids de son
échec. Or ce qui a été montré jusqu’ici, c’est que l’école devait assumer un rôle
important dans la production de l’échec. L’intervenant doit donc, comme nous
l’avons vu, travailler à tous les niveaux du fonctionnement de l’école, individuel,
mais également pédagogique et institutionnel.
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
1 Selon les pays, les cantons ou les contextes d’intervention, différents acronymes ou sigles sont utilisés :
dans le domaine pédagogique, on parlera par exemple de PRI (Plan de rééducation individualisé), de PEP (Plan
éducatif personnalisé), du PI (Plan individualisé), du PIP (Plan d’intervention personnalisé), du PIA (Programme
d’intervention adapté), du PPAP (Programme personnalisé d’aide et de progrès), du PPRE (Programme
personnalisé de réussite éducative), de PAPS (Projet d’aide pédagogique spécialisé), de PRP (Plan de réussite
personnalisé), de PSR (Projet de suivi rééducatif), ou de PPI (Projet pédagogique individuel / individualisé).
D’autres projets sont également évoqués dans la littérature, même s’ils relèvent plus d’un programme adapté
que d’un PPI (cf. chapitre 3.3) : le PPS (Projet personnalisé de scolarisation), le PIPS (Projet individualisé de
pédagogie spécialisée), le PP (Programme personnalisé) ou encore le PEI (Projet éducatif individualisé). Même
si des différences existent entre ces approches, elles relèvent toutes d’une dynamique de projet.
2 Nous avons précisé plus haut notre choix de parler d’une évaluation « diagnostique ». Rappelons ici
qu’il ne s’agit évidemment pas de poser un « diagnostic » de type médical ou thérapeutique, mais de tenter
d’identifier pourquoi l’élève bloque dans les apprentissages. Nous présentons au chapitre 3.2 la question
sensible du diagnostic et sa place dans la compréhension de la problématique de l’enfant.
— 96 —
Les mesures d’aide individuelle
Étape 1
La demande d’aide et le premier entretien
Étape 2
L’évaluation diagnostique globale
Étape 3
La rédaction du Projet pédagogique individuel (PPI)
Étape 4
La phase de remédiation
Étape 5
Le bilan
1 Nous avons présenté ce processus d’aide, de manière complète, dans un autre ouvrage : Vianin, P. (2016).
Comment développer un processus d’aide pour les élèves en difficulté ? Louvain-la-Neuve : De Boeck Supérieur.
Le présent chapitre peut donc être considéré comme un résumé de ce livre. Certains thèmes (par exemple
la collaboration, le recadrage, le transfert ou la motivation de l’élève) ne sont abordés que dans l’ouvrage cité.
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
1 Les Rased (Réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté), en France, ont pour mission d’apporter
une aide spécialisée aux élèves en difficulté dans les classes régulières. Les « maîtres E » sont chargés des
aides à dominante pédagogique, alors que les « maîtres G » s’occupent des aides à dominante rééducative.
Un accompagnement personnalisé (AP) est proposé aux élèves scolarisés en milieu ordinaire bénéficiant
d’un soutien ou d’une aide particulière.
2 Pour rappel, les degrés du primaire indiqués dans cet ouvrage correspondent à la classe d’âge en
Suisse. Pour les autres pays, le lecteur peut consulter le Tableau de correspondance des classes d’âge
dans les systèmes scolaires francophones (annexe 13).
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Les mesures d’aide individuelle
dans la lecture des consignes. Quand elle a commencé l’école, elle ne parlait pas.
Il semblerait que cette enfant ait été peu stimulée à la maison. D’ailleurs son
vocabulaire est pauvre, ce qui la handicape évidemment dans sa compréhension.
L’intervenant demande à Mme Marcelle ses attentes : celle-ci précise alors qu’elle
désire que l’enseignant spécialisé effectue une évaluation précise des difficultés
d’Emma et travaille en particulier sur la lecture et la compréhension des consignes.
Lors de cette première étape, l’élève est fréquemment l’objet d’une demande
formulée par un autre (souvent le titulaire ou les parents). C’est évidemment
une situation qui pose, d’emblée, certains problèmes. Comment l’objet d’une
demande peut-il devenir le sujet du processus d’aide ? Lorsque l’élève n’est pas
demandeur en son nom propre, le processus est déjà mal engagé. Nous le savons
bien : nous ne pouvons pas faire le bonheur des autres malgré eux ! Imposer
une aide à une personne qui n’en veut pas – ou qui n’y croit pas – est inutile.
Une première rencontre avec l’élève est donc nécessaire, dès le début du
processus d’aide. Une réelle demande d’aide ne peut émerger que si l’enfant
a conscience de ses difficultés et connaît les offres d’aide possibles. Il s’agira
donc d’aider l’élève, lors de cette première séance, à passer du statut d’objet
d’une demande à celui de sujet d’un projet. Cette première étape est capitale :
l’efficacité de tout le processus d’aide dépend en effet de la qualité de la relation
qui s’installe dès la première rencontre entre l’intervenant et l’élève. Lorsque
l’on souhaite accompagner quelqu’un, il s’agit d’abord d’« accueillir et écouter,
ensuite participer avec lui au dévoilement du sens de ce qu’il vit et recherche,
enfin cheminer à ses côtés pour le confirmer dans le nouveau sens où il s’engage »
(Lescouarch, 2014, p. 132).
— 99 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
Centration
sur le sujet :
– savoirs
– cognition
– estime de soi
– affectivité
– corps, motricité et santé
Centration
Centration
sur le contexte :
sur l’activité :
– environnement
– autonomie
– milieu familial
– comportement
– milieu scolaire,
– motivation
professionnel
– attitude face à la tâche
– loisirs
– stratégies
– relations sociales
— 100 —
Les mesures d’aide individuelle
En général, les élèves en difficulté sont signalés à l’appui par le titulaire de classe.
Souvent, la demande est formulée sur le pas d’une porte, dans le hall de l’école,
en salle des maîtres et même parfois… lors de l’apéro du vendredi soir ! Si ce
premier contact est important, il est toujours insuffisant pour envisager une prise
en charge pertinente. Ce signalement, même s’il est informel, est important
parce qu’il montre que l’intervenant est intégré au fonctionnement de l’école et
peut être joignable à tout moment : point n’est besoin de téléphoner dans un
office spécialisé ou de prendre un rendez-vous formel pour échanger ses soucis
avec l’intervenant (c’est pourquoi il est indispensable que celui-ci soit souvent
présent en salle des maîtres, lors des pauses et au bistrot lors de l’apéro !).
Comme la situation de l’enfant – nécessairement complexe – ne peut être
comprise lors d’un contact informel de quelques minutes, l’intervenant deman-
dera un rendez-vous à l’enseignant pour une discussion plus approfondie, dans
un climat plus favorable. « Quand un collègue vient nous voir parce qu’il n’y
arrive plus avec un de ses élèves et qu’on prend l’élève, on est dans l’urgence.
[…] On ne peut démarrer une rééducation ainsi. Le véritable travail commencera
lorsqu’on aura fait face à l’urgence et qu’on pourra analyser avec un peu de
sérénité ce qui a amené cette urgence » (La Monneraye, 2005, p. 108).
Lors de ce premier échange formel, l’intervenant recueillera toutes les
informations disponibles et demandera au titulaire d’exprimer ses attentes par
rapport à l’évaluation et à une éventuelle prise en charge – qui ne se décidera
qu’après, et seulement après, la phase d’évaluation. L’enseignant est évidemment
une source très précieuse d’informations. C’est lui qui travaille toute la semaine
avec l’élève et les occasions d’observations sont multiples. S’il connaît l’enfant
depuis plusieurs semaines, il aura recueilli, sans toujours s’en rendre compte,
une multitude d’informations.
L’utilisation par l’intervenant de questionnaires ou de grilles d’entretien peut
ainsi aider l’enseignant à aborder des thèmes dont, spontanément, il n’aurait pas
— 101 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
— 102 —
Les mesures d’aide individuelle
Si les sources dans lesquelles puiser les informations sont nombreuses, les
domaines d’évaluation sont également multiples. C’est pourquoi nous parlons
d’évaluation diagnostique « globale », pour insister sur l’importance de « ratis-
ser large ». Plus l’intervenant aura recueilli d’informations, meilleure sera sa
compréhension de la problématique, et plus efficace, par conséquent, sera la
remédiation. Pour l’instant, toutes les hypothèses sont ouvertes.
— 103 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
comprendre comment l’enfant travaille, réfléchit, aborde une fiche, évalue son
propre travail, etc. La démarche est donc ici cognitive et métacognitive. La
pratique de l’entretien d’explicitation (Vermersch, 2011) est particulièrement
indiquée dans cette deuxième étape de l’évaluation.
Si l’élève est en échec scolaire, c’est très souvent, comme nous l’avons
déjà vu (cf. chapitre 2.3), parce qu’il ne maîtrise pas les procédures efficaces
dans ses tâches et ne connaît pas les bonnes stratégies. Or le « métier d’élève »
consiste à réaliser des tâches – en particulier lorsque les élèves sont évalués. Si
l’enfant n’a pas appris, par exemple, comment on « entre » dans une fiche et
comment on lit une consigne, il sera nécessairement en échec. L’intervenant
tâchera donc d’analyser les procédures, les stratégies, les processus cognitifs
et métacognitifs, etc., que l’élève actualise face à la tâche. Il pourra être inté-
ressant de comparer ici comment l’enfant aborde une fiche scolaire ou une
activité ludique. Parfois, l’utilisation d’un matériel scolaire – trop « contaminé »
pour l’enfant, qui a associé ses difficultés aux fiches utilisées en classe – ne lui
permettra pas de montrer toutes ses potentialités.
C’est également dans cette étape que l’intervenant veillera à faire émerger
les représentations de l’enfant dans les tâches qui lui posent problème. Les
travaux de Giordan (2016) ont mis notamment en évidence l’importance pour
l’enseignant de comprendre les représentations de l’enfant et de partir de ses
conceptions propres si on désire lui apporter une aide adaptée et efficace.
Comme nous l’avons vu, les titulaires signalent très souvent l’enfant pour un
problème lié à une discipline scolaire particulière (français ou maths en général).
L’intervenant complétera donc son évaluation par une analyse plus spécifique
des difficultés dans la branche désignée par le titulaire. Cette étape, qui paraît a
priori plus simple à réaliser, demande une connaissance didactique approfondie
des difficultés liées à l’apprentissage de chacune des disciplines du programme.
L’intervenant devra donc être à la fois un spécialiste de l’apprentissage de la
lecture, de l’orthographe, de la construction du nombre chez l’enfant, des pro-
cessus mnémoniques, etc.
— 104 —
Les mesures d’aide individuelle
ressources. Dans un premier temps, les difficultés seules seront évoquées par la
personne qui effectue la demande d’aide (c’est un peu normal puisque l’élève
est signalé pour un problème). C’est donc à l’intervenant de veiller à recueillir
également les ressources, les forces et les besoins. Cette mise en évidence des
points positifs est déjà une forme de recadrage : l’élève ne se résume pas à ses
difficultés ni à son diagnostic, mais présente de nombreuses forces sur lesquelles
il pourra s’appuyer pour trouver des solutions à son problème.
Précisons que, si les trois étapes de cette phase d’évaluation diagnostique
globale peuvent sembler longues et fastidieuses, elles ne sont pas si difficiles
à mettre en œuvre. Dans la pratique, seuls certains champs sont explorés de
manière approfondie. En effet, certaines évaluations peuvent être réalisées très
rapidement. Par exemple, si le titulaire de classe dit que son élève est bien inté-
gré en classe et que son comportement est exemplaire, l’intervenant ne va pas
évaluer ces domaines de manière approfondie. Par contre, si l’enfant commet
souvent « des fautes bêtes », par exemple, il sera attentif à bien comprendre
l’attitude face à la tâche et à analyser précisément les processus d’apprentis-
sage. Les domaines à explorer plus précisément dépendent donc de l’évaluation
globale des différents champs.
D’autre part, cette phase d’évaluation n’est pas difficile parce que les infor-
mations sont souvent disponibles : il suffit de les chercher et de les réunir. Six
sources principales peuvent être distinguées (Levine, 2003 ; Pohlman, 2011) :
– l’élève lui-même ;
– les observations des enseignants (lors du travail autonome, des interactions
sociales et des temps libres) ;
– l’examen des différents travaux de l’élève ;
– les antécédents scolaires (dossiers, rapports, enseignants, etc.) ;
– l’information fournie par les parents ;
– des tests effectués spécifiquement.
Quoi qu’il en soit, l’évaluation diagnostique globale est une étape capitale et
complexe. De sa qualité dépendent la pertinence des objectifs du projet et l’effi-
cacité du processus d’aide. « Seule une approche globale des troubles, explorant
à la fois les causes psychologiques et cognitives, permettra de donner à l’enfant
les moyens de retrouver sa propre dynamique de réussite et de le relancer sur
son parcours scolaire. Un trouble des apprentissages, au cœur de l’échec ou
des difficultés scolaires, ne peut être correctement diagnostiqué que par une
démarche qui intègre les perspectives intellectuelles, cognitives, biologiques,
affectives. Une démarche limitée à une seule hypothèse théorique fait courir le
risque d’erreurs diagnostiques et de prises en charge inadaptées, lourdement
préjudiciables pour l’avenir de l’enfant » (Siaud-Facchin, 2008, p. 47).
Le risque est, sinon, de se précipiter dans une démarche d’aide (étape 4)
qui répond au signalement, aux symptômes, voire au diagnostic, mais qui ne
correspond pas aux besoins de l’élève. « La difficulté est comme un iceberg
— 105 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
dont on ne voit qu’une infime partie émergée. Ce n’est pas parce qu’on ne
la voit pas qu’elle n’existe pas. Au contraire, c’est le fait de la considérer dans
son ensemble qui favorise une meilleure connaissance et une meilleure prise
en charge » (Loret, 2010, p. 96). Cette phase d’évaluation diagnostique globale
engage justement l’intervenant à aller voir sous la surface et à plonger dans la
complexité de la problématique.
Lorsqu’un enfant est en échec à l’école, le souci légitime des parents et des
enseignants est de vouloir comprendre les raisons qui expliquent ses difficultés.
La tendance actuelle – qui présente des risques de dérives importants – est de
demander systématiquement l’avis d’un thérapeute ou d’un spécialiste. Or, si
le diagnostic tombe, l’enseignant peut être tenté d’arrêter là ses investigations :
l’étiquette étant désormais connue, la situation est claire et le processus d’aide
peut s’engager maintenant de manière certaine ! Or le diagnostic n’est qu’un
élément de compréhension de la situation de l’élève. La problématique de ce
dernier est largement – et heureusement – beaucoup plus complexe que l’éti-
quette que le spécialiste a pu lui coller. « Les étiquettes ont tendance à simplifier
de manière excessive les cas des différents élèves en ne tenant pas compte des
caractéristiques qui leur sont propres » (Pohlman, 2011, p. 12).
Le diagnostic permet certainement de mieux identifier les difficultés de
l’élève et de mieux comprendre ses besoins, mais, comme le dit très justement
Gardou (2011), « si la catégorisation permet la connaissance, elle interdit la
reconnaissance »1. En effet, le diagnostic est important pour une meilleure
connaissance des difficultés, mais il risque d’enfermer l’élève dans son syndrome
et d’interdire la prise en compte de ses besoins spécifiques – toujours singu-
liers (cf. tableau 2). Et, du côté de l’élève, si le diagnostic peut l’aider à mieux
comprendre sa problématique, il peut également l’enfermer dans une forme
de résignation peu favorable à sa motivation : l’enfant « dyslexique » risque de
considérer son problème comme incurable et donc se résigner par rapport aux
efforts qu’il pourrait faire pour compenser ses difficultés.
D’autre part, le diagnostic est toujours posé à un moment donné et dans un
contexte précis. C’est donc une photographie de l’ici et du maintenant qui ne
garantit aucunement qu’ailleurs et plus tard, elle serait la même. Le diagnostic
est donc utile, mais totalement insuffisant pour engager une remédiation perti-
nente. « Si ces évaluations peuvent avoir toute leur pertinence en soi, elles sont
très rarement traduites en termes opérationnels pour l’enseignant. Savoir qu’un
enfant est dyslexique, hyperactif, surdoué, psychotique ou borderline peut être
utile pour un thérapeute, mais cela n’aide pas l’enseignant à travailler avec son
élève » (Curonici et al., 2006, p. 231).
1 Citation relevée lors d’une conférence donnée à Sion, en 2011. Charles Gardou est l’auteur de
nombreux ouvrages consacrés aux personnes en situation de handicap.
— 106 —
Les mesures d’aide individuelle
Risques Opportunités
Meilleure compréhension
Simplification de la problématique
de la problématique
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
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Les mesures d’aide individuelle
1 C’est pourquoi la décision du Programme adapté ne peut pas être prise, en Valais, par les enseignants
uniquement. L’accord de l’inspecteur et de l’autorité scolaire est nécessaire, ce qui garantit une décision
mûrement réfléchie.
2 Seul un retard de plus d’un an et demi, voire deux ans (par rapport aux objectifs du plan d’étude),
justifie la mise en place d’un programme adapté. Mais ce n’est pas le seul critère. Seule une évaluation
globale peut justifier une décision aussi importante puisqu’elle engage la suite de la scolarité de l’élève et,
souvent aussi, son insertion professionnelle future.
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
1 La force musculaire est démultipliée grâce à un appui (e.g. un caillou) et un levier (e.g. un bâton) s’ils
sont disposés judicieusement (cf. figure 8).
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Les mesures d’aide individuelle
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
ÉVALUATION
DIAGNOSTIQUE GLOBALE
FOCALISATION
POINT NODAL
HYPOTHÈSE
OBJECTIF GÉNÉRAL
OBJECTIF SPÉCIFIQUE
OPÉRATIONNEL
INTERVENTION
inutile, voire dommageable. Le point nodal relève en effet très souvent d’une
problématique globale, et non uniquement scolaire. Un seul exemple, emblé-
matique : si votre élève n’aime pas les maths et que vous lui imposez des heures
supplémentaires de maths, vous risquez bien de le bloquer pour longtemps dans
ses apprentissages. Et si le point nodal était plutôt sa motivation, en lien, par
exemple, avec la méconnaissance de la bonne stratégie ? Ou sa confiance en
soi : à force d’échouer en maths, il est convaincu qu’il n’a pas « la bosse des
maths » ? Ou encore, l’enfant n’est-il pas dans un conflit de loyauté, son papa
ayant toujours affirmé qu’il avait bien réussi dans la vie alors qu’il était « nul en
maths » à l’école ?
— 112 —
Les mesures d’aide individuelle
un premier temps. Par contre, lorsque la tâche lui est familière, Emma peut
montrer de très bonnes compétences. Le point nodal serait donc un manque
de confiance en soi.
3.3.3 Le recadrage
— 113 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
Jules est signalé en appui en fin de cinquième primaire pour des difficultés crois-
santes en mathématiques, difficultés qui existent depuis le début de la scolarité
de l’enfant, mais qui sont devenues tellement importantes maintenant qu’elles
remettent en question la promotion même de l’enfant.
Au début de la sixième, l’intervenant effectue donc une évaluation de l’enfant.
Effectivement, Jules a de grandes difficultés en mathématiques, mais son atti-
tude face à cette branche inquiète davantage que ses lacunes scolaires : Jules a
intériorisé le fait qu’il est « nul en maths » et que le problème est trop important
pour espérer trouver une solution à ses difficultés.
Un élément intéressant est apparu lors de l’évaluation de départ : les lacunes
de Jules sont en partie dues à un vocabulaire mathématique indigent – ce qui,
entre parenthèses, est très souvent le cas chez les enfants en difficultés de maths.
L’intervenant décide alors de « recadrer » la situation en expliquant à Jules, à
son enseignant et à ses parents que, non, Jules n’a pas de grandes difficultés
en maths ; par contre, il a des difficultés en vocabulaire – sur lesquelles il est
facilement possible d’intervenir ! L’objectif sera par conséquent tout à fait simple
à poursuivre : l’intervenant va aider Jules à mémoriser les mots nécessaires à la
compréhension des consignes mathématiques.
L’étude du vocabulaire mathématique en appui a évidemment permis de clarifier
aussi les concepts connexes : l’intervenant a explicité les notions correspondant
aux mots appris et leur utilisation.
Lors du premier semestre de sixième, Jules a obtenu la moyenne en maths.
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Les mesures d’aide individuelle
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
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Les mesures d’aide individuelle
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
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Les mesures d’aide individuelle
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
terminé tout ce travail, il doit le soumettre à l’analyse critique des autres parte-
naires et notamment de l’élève. « Parvenir à valider ensemble et de bonne foi
une vision unifiée de l’enfant et de ses difficultés apporte aux protagonistes un
soulagement et une confiance réciproque qui sont autant de gages de bonne
volonté » (Bringuier, 2016, p. 114).
Après avoir rédigé le PPI, l’intervenant invite donc toutes les personnes
impliquées dans le projet à une rencontre, la « séance PPI ». L’objectif de cette
séance est double :
– la rencontre permet tout d’abord de partager les différentes visions de la
situation problématique ; l’hypothèse explicative proposée par l’interve-
nant est confrontée aux différents points de vue, notamment à celui de
l’élève ; il s’agit donc ici d’informer/s’informer (cf. chapitre 5.1) ;
– elle permet ensuite de définir les objectifs de la phase de remédiation :
lorsqu’un consensus est établi sur la définition de la problématique et du
point nodal, les partenaires envisagent concrètement les pistes d’inter-
vention et définissent le rôle que chacun jouera dans le projet ; il s’agit
maintenant de s’impliquer/impliquer.
Comme nous l’avons souligné, l’intervenant a émis une hypothèse sur le
point nodal lorsqu’il a rédigé le PPI. Comme c’est une hypothèse de travail, il
s’agit maintenant de la soumettre à la réflexion critique des autres partenaires.
Si son hypothèse est correcte – ou du moins plausible… –, l’intervenant pourra
constater qu’elle interpelle les participants parce qu’elle propose une nouvelle
définition du problème (recadrage). « Plus simplement, il s’agit de raconter une
nouvelle histoire, incluant les anciens éléments dont disposaient les parents et
les nouveaux mis à jour ensemble, une histoire qui illustre la vision commune
construite, une histoire dont la simplicité doit avoir la force de l’évidence et
le pouvoir de contrebalancer la prégnance de la lecture précédente » (Berlioz-
Ruffiot, 2016, p. 183).
Si l’hypothèse est validée par les partenaires lors de cette séance, le processus
vient de franchir une étape décisive : l’instrument PPI peut alors être adopté
comme un « contrat d’intervention » entre les différents partenaires. À partir de
cet entretien, il pourra effectivement être considéré comme un réel contrat qui
engage chacun dans le projet en définissant clairement les tâches. D’ailleurs,
le document est signé à la fin de la rencontre par les différentes personnes
s’engageant dans le projet (cf. annexes 11 et 12). « La définition de ce but doit
se faire par les partenaires de manière concertée et consensuelle. De plus, le
rôle fédérateur du but communément identifié gagnera en pertinence si une
vision claire des résultats escomptés est définie. […] Il semble essentiel que
le partenariat soit formalisé, que soient connues les tâches de chacun, ainsi que
ses fonctions, ses marges de manœuvre et ses ressources pour atteindre le but
communément visé » (Alvarez et al., 2015, p. 40).
Si, par contre, l’hypothèse n’est pas validée par l’ensemble des partenaires,
il s’agit de réfléchir à nouveau à la problématique et envisager une focalisation
— 120 —
Les mesures d’aide individuelle
sur un autre point nodal. « Dans le cas où ils ne reconnaissent pas leur enfant
dans le portrait que j’esquisse, j’abandonne ma proposition de lecture et je les
questionne pour mieux cerner la difficulté qu’ils lui attribuent. […] La capacité
à faire machine arrière permet de ne construire que sur l’acceptation des inter-
locuteurs » (Berlioz-Ruffiot, 2016, p. 188). Autrement dit, l’hypothèse permettant
de définir le point nodal reste toujours une hypothèse, donc sujette à falsification.
En résumé, la séance PPI poursuit « trois objectifs :
– compléter et confirmer (ou non) les renseignements fournis par l’enfant,
donc valider ou invalider les premières hypothèses faites ;
– initier une collaboration avec la famille ;
– fixer ensemble un ou plusieurs objectif(s) concret(s) dans un futur proche »
(Berlioz-Ruffiot, 2016, p. 183).
Ainsi, le PPI – qui était jusque-là un instrument de réflexion et de synthèse
utilisé prioritairement par l’intervenant – change de statut lors de la séance PPI :
il prend maintenant une fonction officielle de contrat impliquant les différents
partenaires. Il permet à l’élève – partenaire numéro 1 ! – de comprendre les
enjeux du processus d’aide et de devenir acteur d’un projet qui doit avoir du
sens pour lui. Il définit également le rôle des autres partenaires et les moyens
à mettre en œuvre. Il doit permettre à tous de passer du pôle « actif » au pôle
« acteur » : il ne s’agit plus de s’activer dans tous les sens – chacun dans son
coin et avec ses représentations de la situation –, mais de piloter consciemment
le projet en visant un but commun et précisément défini. Chacun devrait être
maintenant au clair avec les attentes, connaître les finalités et la signification du
projet, les moyens à mettre en œuvre et son rôle spécifique dans le processus.
L’efficacité de la prise en charge sera ainsi décuplée par une harmonisation
des interventions.
— 121 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
— 122 —
Les mesures d’aide individuelle
dépendent du point nodal et des objectifs, toutes les modalités sont envisageables
(Bedoin et al., 2018) : adaptation du cadre de travail (conditions matérielles,
spatiales, temporelles, etc.) / tutorat entre pairs / guidance de l’enseignant /
aide stratégique / conseils aux parents / support technique ou matériel / etc.
Comme nous l’avons maintes fois souligné, l’implication de l’élève dans le
projet est indispensable à sa réussite. Le terme de « prise en charge » est à ce
propos ambigu. L’intervenant « ne prend pas en charge » l’enfant, comme le
ferait le médecin qui établit un diagnostic et prescrit un médicament. L’élève
doit absolument connaître les objectifs poursuivis et les moyens qu’il peut mettre
en œuvre pour devenir auteur et acteur de sa réussite. Le malade peut guérir
sans rien comprendre à sa maladie et aux raisons de l’efficacité de la thérapie.
En pédagogie, le malade meurt, s’il ne devient pas sujet de sa propre thérapie !
L’élève est donc considéré dans le processus d’aide comme le partenaire
numéro 1 du projet : le succès de toute la démarche dépend de son implication.
Il est donc essentiel que l’intervenant prenne du temps pour l’informer des
enjeux du PPI et de son rôle dans le projet. Même s’il a participé à la rencontre
collective (séance PPI), une discussion individuelle avec l’élève autour des objectifs
à poursuivre est essentielle. C’est l’occasion pour l’intervenant de vérifier sa
compréhension du projet. Parfois, c’est un élément anecdotique qui a retenu
son attention lors de la séance collective. L’intervenant pourra ainsi reprendre
posément avec lui la lecture de l’instrument PPI. Il vérifiera, en lui demandant
de les exprimer avec ses propres mots, sa compréhension de ses ressources, de
ses difficultés et des objectifs à poursuivre. Seule une information complète et
précise permettra à l’élève d’adhérer aux objectifs définis et de devenir acteur
du projet.
Lors de cette phase de prise en charge, l’évaluation est interactive, c’est
pourquoi l’intervenant s’informera régulièrement auprès du titulaire des progrès
de l’enfant. Des réajustements seront peut-être alors nécessaires. « Le plan
d’intervention ne devrait pas être un document coulé dans le béton. Il devrait
plutôt être dynamique et évoluer » (Pohlman, 2011, p. 166).
Pratiquement, l’intervenant organisera son travail grâce à un « journal
d’appui » (plan de travail individuel quotidien) dans lequel il indiquera, pour
chaque cours, l’objectif poursuivi et les activités prévues. Une troisième colonne,
vide, lui permettra de noter toutes ses observations et de procéder ainsi à une
évaluation interactive durant tout le projet.
En classe, Mme Marcelle est attentive à la manière dont Emma entre dans la
tâche : elle ne lui laisse dorénavant qu’une minute pour se mettre au travail et
chaque fois qu’elle réussit, elle renforce l’élève en la félicitant pour son effort.
En appui, Emma s’entraîne à piloter correctement son entrée dans la tâche
(notamment lire et comprendre la consigne) et à vérifier la qualité de son travail
(durant l’activité) et à la fin en se référant au critère de réussite de l’exercice.
— 123 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
Dans tout projet, il faut un pilote : sur un bateau, c’est le capitaine ; dans une
équipe de football, c’est l’entraîneur ; en classe, l’enseignant. Il s’agira donc de
désigner, d’emblée, qui est responsable de garder le fil rouge de la remédiation.
Dans un processus d’aide scolaire, c’est en principe l’enseignant spécialisé qui
est le référent, celui qui assume la responsabilité de piloter le projet. Comme
c’est lui qui rédige le PPI, il est le mieux placé pour avoir une compréhension
globale de la problématique et une vision claire des objectifs poursuivis.
Si la situation est complexe et les intervenants multiples, le risque d’une
dilution des responsabilités est réel, chacun pensant que c’est l’autre qui assume
le leadership. C’est donc très important de désigner une personne référente.
Ses fonctions peuvent être définies ainsi :
– le référent effectue une évaluation diagnostique globale de la situation de
l’élève (étapes 1 et 2) et rédige le PPI (étape 3) ;
– il réunit régulièrement les différents partenaires, organise les séances et
les anime (étape 4) ;
– il coordonne les différentes interventions et s’assure de l’avancement
du projet (étape 4) ; il est le garant du fil rouge et de la cohérence de
l’intervention ;
– il réoriente le projet, si nécessaire, ou clôt le processus d’aide (étape 5 ;
cf. chapitre 3.5).
Le référent est donc le garant de la pertinence du processus d’aide et de son
pilotage. Son rôle est d’inciter l’élève et/ou les différents partenaires à agir et
à entreprendre les changements désirés. Sa capacité à mobiliser et motiver les
différents partenaires est fondamentale pour la réussite de l’accompagnement.
Le référent est également le garant de la « mémoire » du projet, de son histoire
et de son évolution. C’est lui qui va rappeler les objectifs fixés, les moyens à
mettre en œuvre, les délais de réalisation et les résultats obtenus. Il joue le rôle
d’un « accompagnateur », « qui est garant des cohérences du dispositif. Il aide à
cadrer les échanges en participant à la définition des règles de fonctionnement.
Il garantit la rigueur de la démarche, notamment le non-jugement, le respect
des personnes et de leur projet. […] L’accompagnateur est aussi un catalyseur.
Il aide à structurer, à mettre en forme, à modéliser les situations. Il contribue
ainsi à la progression des accompagnés vers les buts qu’ils se sont fixés » (Charlier
et Biémar, 2012, p. 158).
Durant tout le projet, le référent régulera les interventions en fonction
des objectifs fixés dans le PPI. Il évaluera de manière formative et interactive
— 124 —
Les mesures d’aide individuelle
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
— 126 —
Les mesures d’aide individuelle
progrès de l’enfant sont souvent importants, mais ses résultats sont toujours
inférieurs à ceux de la classe, ce qui laisse penser que l’enfant n’a pas progressé
(la faute de Posthumus, toujours !). Si l’intervenant peut s’appuyer alors sur la
comparaison entre l’évaluation de départ et l’évaluation d’étape et si, de plus,
il peut comparer l’évaluation à un objectif formulé en termes opérationnels, il
pourra facilement démontrer les progrès de l’élève et l’efficacité des démarches
entreprises par les enseignants.
Nous avons souligné, dans le paragraphe précédent, l’importance d’effectuer,
durant tout le processus, des évaluations formatives. Ces prises d’information
continues permettent de réguler le travail et d’ajuster les interventions. Ces
évaluations formatives interactives permettent de « prendre le pouls » du projet
et de s’assurer que la convalescence se déroule bien et que le patient est en
train de guérir. L’étape du bilan participe de cette démarche d’évaluation, mais
elle est plus formelle et se déroule à la fin du processus (ou éventuellement lors
d’une étape importante de la démarche).
Mais avant même cette étape de bilan, l’intervenant peut avoir le sentiment
de se trouver dans une impasse. S’il sent qu’il s’enferme dans une démarche
d’aide stérile, que sa motivation baisse, que l’élève s’épuise, il doit s’arrêter et
envisager une autre modalité de travail. Le sentiment de fatigue chez les diffé-
rents partenaires est en général un bon indicateur : il est temps de procéder à
un recadrage qui ouvre de nouvelles perspectives. Comme le relèvent Curonici
et Mc Culloch (1999), « il est utile d’être particulièrement attentif aux interac-
tions redondantes, aux cercles vicieux dans lesquels on se sent enfermé, à ce
qui “tourne en rond” dans la relation avec l’enfant. Identifier ces répétitions,
prendre conscience que la solution apportée est en fait devenue une partie
du problème, ouvre généralement la voie à des interventions alternatives qui
peuvent amener des changements positifs » (p. 25).
En résumé, l’objectif du bilan est de voir si le processus s’est bien déroulé et
d’évaluer les objectifs du PPI. Il s’agit donc d’effectuer un bilan de l’évolution du
projet et de constater les changements qui sont intervenus depuis le début du
processus. Ce bilan ne s’effectue pas à bâtons rompus, mais à partir de l’instru-
ment PPI. Ce sont en effet les objectifs et les moyens fixés lors de la séance PPI
qui sont alors discutés – et non des impressions générales, souvent vagues, sur
la situation de l’élève. Sinon, le risque est que le bilan se résume à échanger des
impressions, de manière informelle et peu structurée. Le référent veillera donc
à parcourir les différents points du PPI avec les partenaires concernés par le
projet et à évaluer si les objectifs fixés sont atteints et les moyens correctement
mis en œuvre.
— 127 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
changé : Emma est maintenant beaucoup plus sûre d’elle et se montre auto-
nome dans la gestion de son travail. Si elle travaille toujours lentement, elle
n’est plus la dernière à rendre son travail.
Le bilan est donc positif et l’appui peut donc s’arrêter.
Nous avons vu dans la première partie de cet ouvrage que, pour lutter contre
l’échec scolaire et promouvoir une école de la réussite, l’intervenant peut agir
selon trois modalités principales (figure 10) : tout d’abord, il peut intervenir
sur le fonctionnement institutionnel en clarifiant les objectifs poursuivis, en
renonçant au redoublement et en définissant clairement la fonction des tâches
à domicile. Ensuite, par des mesures pédagogiques, il doit encourager, par
son assistance directe ou indirecte, l’évaluation formative et la différencia-
tion de la pédagogie, la promotion d’un enseignement stratégique et de la
motivation scolaire. Enfin, il peut apporter une aide individuelle à l’enfant
en difficulté en déployant un dispositif d’aide en cinq étapes, le Projet péda-
gogique individuel (PPI).
Si l’intervenant peut travailler à ces trois niveaux et peut articuler les
différentes modalités d’intervention, il gagnera en efficacité. Par contre, s’il
consacre tout son temps à modifier le fonctionnement institutionnel, il risque
d’oublier que le petit Julien – qui a besoin de son aide en ce moment – ne peut
pas attendre que l’école change. Si, à l’opposé, il travaille uniquement dans
le registre de l’aide individuelle, il s’épuisera en constatant que les demandes
d’aide se multiplient, que son travail est sans espoir et que, toujours et sans fin,
l’école produit de l’échec.
— 128 —
Les mesures d’aide individuelle
Promotion Évaluation
automatique vs redoublement formative et différenciation
Évaluation Co-enseignement
formative vs sommative Enseignement stratégique
Tâches à domicile Motivation
École
de la réussite
Mesures individuelles :
Le Projet pédagogique
individuel (PPI)
— 129 —
SECONDE
PARTIE
— 132 —
CHAPITRE
L’appui pédagogique :
4
définition et fonctionnement
Dans ce chapitre sera clarifié le concept d’« appui pédagogique intégré ». Actuellement,
cette mesure existe dans de nombreux pays, mais son mode de fonctionnement
diffère souvent et son appellation est également variable. En France, on a retenu le
terme de « rééducation », d’« actions à dominante rééducative » ou d’« actions d’aide
spécialisée à dominante pédagogique », voire de « regroupement d’adaptation » (RA).
Les termes de « classe-ressource » ou de « dénombrement flottant » sont utilisés au
Québec. Dans de nombreux cantons suisses, on parle de « soutien », de « soutien
pédagogique spécialisé » (SPS) ou de « renfort pédagogique » (RP).
Pour désigner la fonction d’« enseignant d’appui », on parle, selon les pays ou
les contrées, d’« orthopédagogue », de « maître E » (aide pédagogique), de « maître
d’adaptation », de « maître G » ou « rééducateur », d’« enseignant-ressource » ou
encore d’ECSP (Enseignants chargés du soutien pédagogique). Pour la France
plus spécifiquement, les enseignants spécialisés du Rased (Réseau d’aide spécia-
lisé aux élèves en difficulté) sont soit des « maîtres E », soit des « maîtres G ». Les
premiers apportent une aide pédagogique et « visent à prévenir et repérer les
difficultés, aider les élèves à prendre conscience, maîtriser des attitudes et des
méthodes de travail pour favoriser les progrès dans l’appropriation des savoirs et
des compétences. Les seconds apportent une aide aux élèves avec des troubles
du comportement. Il s’agit de réconcilier l’élève avec les exigences de l’école,
instaurer ou restaurer l’investissement scolaire » (Bedoin et al., 2018, p. 36).
Dans cette seconde partie de l’ouvrage, nous allons présenter des modalités
de fonctionnement efficientes et éprouvées depuis longtemps1. Tout d’abord,
l’appui pédagogique sera défini précisément, puis son fonctionnement sera
décrit. Le terme d’« enseignant spécialisé » ou d’« enseignant d’appui » pourra
1 En Valais, l’enseignement d’appui a été introduit dès la fin des années 1980. La fonction s’est adaptée
– notamment à l’inclusion scolaire –, mais le concept a fait ses preuves et est resté globalement le même.
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
— 134 —
L’appui pédagogique : définition et fonctionnement
qui lui sont confiés. Il s’agit donc de renoncer aux explications simplistes – et
fausses ! – qui voudraient que l’intelligence est innée et que le potentiel intellectuel
est déterminé par les dispositions héréditaires. La « bosse des maths » n’existe
pas. Pas plus d’ailleurs que n’importe quelle autre protubérance providentielle1 !
Lorsqu’un élève est accueilli en appui individuel, il serait bon que l’ensei-
gnant spécialisé lui dise qu’il est un enfant intelligent, mais que, pour l’instant,
ses résultats scolaires sont insuffisants et qu’ils vont chercher ensemble à
comprendre pourquoi. Si l’enseignant spécialisé doit parler à l’enfant de cette
manière, ce n’est pas d’abord parce que ces belles paroles font du bien à
l’enfant, mais parce que l’enseignant spécialisé doit être intimement convaincu
des potentialités énormes de chaque enfant. Toute notre approche repose sur
un même postulat, « à savoir que l’accompagnement suppose la confiance en
la compétence de l’Autre, en ses ressources internes. Il mise sur la potentia-
lité de l’Autre de se développer, d’apprendre dans certaines conditions dont,
notamment, celles créées dans le processus d’accompagnement » (Charlier et
Biémar, 2012, p. 155).
D’ailleurs, toutes les recherches actuelles en neurosciences prouvent que les
structures cérébrales et le potentiel intellectuel sont modifiables. Le fonctionnement
du cerveau influence évidemment le fonctionnement cognitif, mais, à l’inverse,
le fonctionnement cognitif modifie constamment les connexions neuronales. Le
cerveau est ainsi constamment remodelé par l’activité cognitive de l’élève et les
stimulations de l’environnement. Nous savions déjà, depuis plusieurs années, que
les connexions entre les cellules nerveuses peuvent se créer durant toute la vie,
mais les récentes découvertes montrent que le cerveau produit également des
neurones en permanence. Le câblage se modifie et se réorganise donc tout le
temps, permettant même, parfois, de compenser des lésions dues à un accident.
Le postulat d’une intelligence éducable, évolutive, en constant développe-
ment, oriente évidemment les démarches d’enseignement. Il encourage une
foi indéfectible dans les possibilités de progrès de l’enfant et encourage les
enseignants à activer les ressources du milieu. Il est ainsi très important d’« éviter
d’essentialiser les enfants, il n’y a pas plus de “bon en maths” que de “nul en
maths” ; [il s’agit donc de] valoriser le travail en montrant aux enfants ce qu’ils
ont réussi à surmonter par leurs efforts [plutôt que par des prédispositions] »
(Faure et Tourret, 2019, p. 51).
De plus, on connaît, depuis les recherches de Rosenthal et Jacobson, à
la fin des années soixante, l’effet créateur de la prévision et les phénomènes
d’autoréalisation des prophéties : si l’enseignant est persuadé que l’enfant avec
lequel il travaille est intelligent, ce dernier réussira bien mieux que s’il est per-
suadé du contraire. De nombreuses recherches ont mis clairement en évidence
ce phénomène que l’on connaît sous le nom d’effet Pygmalion.
1 Pour l’anecdote, cette notion de « bosse des maths » date du XVIIIe siècle et s’inscrit dans les recherches
en phrénologie de Gall qui pensait que la forme des bosses du crâne reflétait la personnalité du sujet et
ses capacités intellectuelles.
— 135 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
Il n’est peut-être pas inutile de rappeler ici une expérience proche du monde
scolaire qui permet de mieux comprendre les implications de l’effet Pygmalion
dans la classe (expérience relatée par Achor, 2012).
Une équipe de psychologues, dirigée par Robert Rosenthal, débarque d’une
université prestigieuse dans une classe d’école primaire pour faire passer aux
élèves un « test d’épanouissement intellectuel ». Les tests sont corrigés et certains
résultats sont communiqués aux instituteurs et institutrices : il faudra s’attendre
à ce que l’intelligence des élèves Sam, Sally et Sarah se développe tout parti-
culièrement au cours de cette année scolaire, car leurs capacités sont excellentes.
Tel est le verdict du prétendu test qui ne mesurait en fait absolument rien,
les enfants « au grand potentiel d’évolution » ayant été désignés au hasard.
Mais le verdict d’un autre test, tout à fait sérieux lui, qui a mesuré le quotient
intellectuel des enfants au début et à la fin de l’année scolaire, corrobore tout
à fait ce « test d’épanouissement ». Il a donc suffi que les enseignants soient per-
suadés des possibilités de certains élèves – tirés au hasard ! – pour que ceux-ci
augmentent, non pas seulement leurs notes scolaires, mais, plus subtilement
et indirectement, leur quotient intellectuel. Les enseignants leur avaient invo-
lontairement et implicitement communiqué la confiance qu’ils avaient dans
leur potentiel d’évolution.
4.2. LE CONCEPT
D’APPUI PÉDAGOGIQUE INTÉGRÉ
On peut définir l’appui pédagogique intégré comme « une mesure d’enseigne-
ment spécialisé intégrée à l’école régulière dont le but est d’apporter une aide
aux élèves ayant des besoins scolaires particuliers reconnus » (DECS/OES,
— 136 —
L’appui pédagogique : définition et fonctionnement
1 Comme nous travaillons comme enseignant d’appui en Valais (Suisse), la présentation de l’appui sera
exemplifiée par notre pratique. Ses fondements conceptuels se baseront sur le modèle de l’enseignement
spécialisé valaisan, notamment sur le document du DECS/OES (2012). Organisation et conditions cadre
de l’appui pédagogique intégré en Valais. Sion : Service de l’enseignement.
— 137 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
1 L’originalité du concept valaisan (DECS/OES, 2012) est de prévoir cette double fonction : l’action
de l’enseignant spécialisé est centrée prioritairement sur les élèves en difficulté (80 %), mais sa fonction
de « personne-ressource » pour l’école est également reconnue (20 % du temps de travail annuel).
— 138 —
L’appui pédagogique : définition et fonctionnement
— 139 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
signalé quitte sa classe, en général deux à quatre fois par semaine, et rejoint
l’enseignant spécialisé pour une séance d’une durée de 20 à 45 minutes.
Parfois, l’enseignant spécialisé travaille avec un petit groupe d’élèves. Il peut
également intervenir directement dans la salle de classe. Cette seconde formule
se heurte fréquemment à la résistance des enseignants qui tolèrent souvent mal
la présence d’un collègue dans leur classe. Néanmoins, un fonctionnement en
duo pédagogique est souvent possible, lorsque les relations avec l’enseignant
régulier sont bonnes. Quoi qu’il en soit, la prise en charge individuelle n’est
pas nécessairement la meilleure solution (par exemple, lors de problèmes de
comportement qui se manifestent en classe).
Une question se pose fréquemment quant au moment idéal où l’élève doit
quitter sa classe et rejoindre l’enseignant spécialisé. Il y a quelques années, les
directives précisaient que l’enfant sortait de la classe pendant les cours où il
montrait le plus de difficultés. Depuis, le discours est plus nuancé. Nous pensons
qu’un enfant qui a des difficultés en maths peut néanmoins profiter de certaines
activités mathématiques dans le cadre de la classe. Il s’agit par contre de veiller
à ne pas pénaliser un enfant qui s’absenterait toujours durant le même cours
pendant toute l’année.
— 140 —
L’appui pédagogique : définition et fonctionnement
L’enseignant d’appui doit donc laisser sa porte ouverte après les heures de classe
et être disponible pour un échange avec ses collègues.
Précisons encore que le suivi en appui se déroule en principe sur un temps
réduit (quelques semaines, voire quelques mois). « Sauf cas exceptionnel, aucun
suivi n’est renouvelé automatiquement d’une année sur l’autre. Il me semble
important que l’enfant ait le droit de “recommencer à zéro” avec un nouvel
enseignant, d’autant que ce changement peut se révéler suffisant pour que
l’attitude de l’enfant évolue » (Berlioz-Ruffiot, 2016, p. 23). L’accompagnement
doit être un processus limité dans le temps, sinon le paradoxe de l’aide guette
(cf. chapitre 6.1). Puisque l’élève doit être le sujet du projet et devenir acteur
de la démarche, son accompagnement vers l’autonomie est prioritaire : « C’est
un processus limité dans le temps, avec un début et une fin, qui vise l’auto-
nomisation des personnes accompagnées » (Charlier et Biémar, 2012, p. 155).
— 141 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
— 142 —
L’appui pédagogique : définition et fonctionnement
Théo est un élève de quatrième primaire qui est signalé à la mi-octobre par les
deux enseignants qui se partagent la classe. Le premier entretien permet de
constater que l’enfant n’a pas du tout investi l’école. « On ne sait pas qui il est »,
dira de lui Mme Pont.
De plus, ses absences sont fréquentes. L’année dernière déjà, le directeur des
écoles avait demandé aux parents de justifier les nombreuses absences de l’enfant.
« En classe, même présent physiquement, il est absent », précisera M. Michel,
ajoutant « qu’il se ferme dans sa coquille si on le frustre ».
Les résultats scolaires sont très faibles. Les deux enseignants pensent que l’enfant
a de nombreuses ressources, mais qu’il ne les actualise pas. Face à la tâche, il est
décrit comme lent, désorganisé, indolent. Mme Pont et M. Michel demandent
à l’enseignant spécialisé d’effectuer une évaluation des compétences de l’élève.
L’évaluation effectuée en appui confirme l’hypothèse des enseignants : Théo se
montre très compétent, tant en lecture qu’en mathématiques. De plus, il perçoit
clairement sa situation scolaire et peut verbaliser ses ressources, ses difficultés
et son manque de motivation. Il apprend très vite et possède un excellent
raisonnement.
Les discussions menées par l’enseignant spécialisé avec Théo font ressortir un
élément important : Théo lui parle très souvent d’un copain plus âgé, Paul, avec
qui il entretient une amitié exclusive. Il ne signale aucun copain de classe avec qui
il aurait des liens privilégiés. Lors du bilan, le père de Théo confirme que l’enfant
n’a effectivement tissé aucun lien avec les élèves de la classe. Le père confirme
l’amitié exclusive de Théo pour Paul et nous confie que sa famille est « plutôt
fermée sur elle-même ». Il est alors décidé que les interventions des enseignants
viseront à développer les relations de Théo dans son groupe-classe.
Suite à cet entretien, M. Michel aura une discussion déterminante avec Théo : il
lui dira que lui aussi a des amis extérieurs à l’école, mais qu’il est aussi important
de tisser des liens d’amitié dans l’école.
Depuis la rentrée de Noël, le comportement de Théo a beaucoup changé : main-
tenant, il participe à la vie de la classe et se montre beaucoup mieux intégré.
Il se confie plus volontiers aux deux enseignants et s’investit dans son travail
scolaire. Le père nous apprendra plus tard que, pour la première fois, Théo est
arrivé à la maison avec deux copains de sa classe…
— 143 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
— 144 —
CHAPITRE
Léa est signalée en appui, au début de la cinquième primaire, pour des difficultés
mathématiques importantes. Durant de nombreux mois, l’enseignant spécialisé
essaie de lui redonner confiance. Il effectue également un travail de fond en
numération (numération positionnelle) et en opération. Les résultats commencent
vraiment à s’améliorer et l’élève reprend enfin confiance en elle.
Lorsque l’enseignant spécialisé voit la titulaire pour un bilan, l’entretien per-
met de souligner les progrès importants de l’élève. L’interprétation qu’en fait
la titulaire laisse néanmoins l’enseignant spécialisé dubitatif : l’enseignante
affirme, ingénument et avec le plus grand sérieux, que « c’est quand même fou
les progrès que Léa a faits grâce aux cours privés que les parents lui ont offerts
depuis trois semaines… ».
Les cours privés en question sont donnés par une jeune voisine de Léa, étudiante
au collège et ne bénéficiant d’aucune formation pédagogique !
— 146 —
La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui
1 Christine Favre et Michel Bender – que nous profitons de remercier ici pour les nombreux et riches
échanges sur la pratique de l’appui.
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
Cette grille a permis, d’une part, de structurer les entretiens et, d’autre part,
de mesurer le degré d’implication des partenaires dans le projet :
– Le degré 1 de la collaboration (informer) consiste à simplement informer
le partenaire de la situation telle qu’on la comprend. Le partenaire se
contente à ce moment-là de prendre connaissance de la situation de
l’enfant.
– Le degré 2 (s’informer) demande du partenaire qu’il explicite comment
lui voit le problème, ce qu’il a déjà fait pour sa résolution et ses attentes
pour la suite du projet. Le partenaire apporte donc ici des informations
et participe à une meilleure compréhension de la problématique.
– Le troisième degré (s’impliquer) touche aux moyens que l’enseignant a mis
– ou désire mettre – en œuvre pour la résolution du problème. Il envisage
son implication dans le projet et les objectifs qu’il compte poursuivre ; il
communique ces informations au partenaire.
– Le degré 4, le plus élevé de la collaboration (impliquer), consiste à impli-
quer le partenaire dans le projet en fixant avec lui – et pour lui – des
objectifs et des moyens qui l’aideront à participer activement au projet.
C’est ici que le PPI peut fédérer les différents partenaires autour d’un
projet commun (Pulzer-Graf, 2014).
Une rencontre qui est structurée selon cette clé de collaboration (informer /
s’informer / s’impliquer / impliquer) crée les conditions d’une co-construction
de solutions pertinentes et adaptées au contexte de chacun des partenaires. Un
des écueils majeurs de tout échange « consiste à sauter trop vite du problème
à une solution. […] Au début d’une rencontre de co-construction nous n’avons
qu’une idée générale de quel est le problème que rencontre l’enseignant avec son
élève et de ce qu’il serait utile de faire pour le résoudre. Ce savoir se construit
à deux (ou à plusieurs si on est en groupe). L’expertise principale dont nous
devons faire preuve pendant l’entretien est celle d’encadrer avec rigueur et
respect l’ensemble de la réflexion » (Curonici et Mc Culloch, 2010, p. 381).
Il est intéressant de constater que ces quatre degrés de la collaboration
correspondent aux critères d’un « partenariat interprofessionnel (PI) » (Alvarez
et al., 2015). Ce système pyramidal définit une gradation dans les formes de
collaboration : l’échange mutuel d’information, à la base de la pyramide, précède
la coordination et la concertation. Puis la coopération – qui suppose l’entraide,
le soutien et le consensus – trouve son accomplissement dans la cogestion.
Voyons maintenant concrètement, avec un exemple, comment peut s’établir
une collaboration entre tous les partenaires du projet et quel est le degré de
collaboration atteint lors de chaque phase. La situation présentée ci-dessous a
permis un haut degré de collaboration entre le titulaire, les parents, l’enseignant
spécialisé et l’élève1.
— 148 —
La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui
Arthur est un élève de septième primaire qui est signalé au début de l’année
scolaire pour des difficultés en maths et en lecture. Il est décrit par M. Solla, son
enseignant, comme « un élève intelligent et paresseux, désirant être pris pour un
grand et attirer l’attention sur lui ».
Lors du premier entretien formel avec le titulaire, l’enseignant spécialisé apprend
qu’Arthur a dans la classe un statut privilégié : il fait par exemple « des commen-
taires d’adulte » sur le fonctionnement de la classe et se propose régulièrement
pour aider M. Solla dans le rangement de la classe ou dans le classement de
documents. Par contre, Arthur ne s’engage pas dans ses apprentissages : il est
fort civil, respecte les règles de la classe, mais n’apprend rien et effectue ses
tâches très lentement et sans aucune motivation.
La relation d’Arthur avec ses camarades est également particulière. Comme c’est
un élève apprécié, il s’est arrangé pour que, chaque jour, un élève lui prépare
son sac en fin de matinée et réunisse les affaires nécessaires à la réalisation de
ses tâches à domicile. Ainsi, Arthur est surprotégé par ses camarades et jouit
d’un statut privilégié dans la classe. M. Solla informe l’enseignant spécialisé
que lui-même apporte régulièrement une aide complémentaire à l’élève avant
ou après les heures de classe.
Lors de ce premier entretien, la collaboration est de degré 1 pour l’enseignant
spécialisé – qui se contente d’écouter et de comprendre la situation – et de
degré 2 pour le titulaire – qui informe l’enseignant spécialisé de la situation,
de la problématique et des solutions qu’il a déjà envisagées.
Après l’entretien avec le titulaire, l’enseignant spécialisé décide de convoquer
rapidement les parents afin de mieux comprendre la situation et de connaître leur
avis sur les difficultés d’Arthur. Les parents apportent à l’enseignant spécialisé de
nombreuses informations importantes. Tout d’abord, ils parlent spontanément
des ennuis de santé d’Arthur pendant sa petite enfance et de la relation très forte
qui unit la mère et l’enfant depuis cette maladie. Ils expliquent ensuite le parcours
scolaire difficile d’Arthur. Ils précisent que leur enfant a toujours bénéficié de
l’aide importante des enseignants ; ils sont donc très reconnaissants envers eux
– notamment envers M. Solla – qu’ils ont toujours remerciés pour l’aide qu’ils
ont apportée à leur enfant. Les parents précisent encore que, parfois, Arthur
a une attitude déplaisante à la maison et qu’il est impertinent avec sa maman.
Les relations avec son petit frère sont également tendues.
Quand l’enseignant spécialisé leur explique l’attitude d’Arthur en classe, ils ne sont
pas surpris d’apprendre que leur enfant jouit d’un statut particulier dans la classe. Ils
ne comprennent pas, par contre, pourquoi il ne s’engage pas dans ses apprentissages.
Lors de cet entretien avec les parents, la collaboration atteint le degré 2 de notre
« grille d’entretien » (annexe 10). Le climat de confiance qui s’est rapidement
installé a permis à l’enseignant spécialisé et aux parents de s’informer mutuel-
lement (informer-s’informer) sans craindre le jugement, voire la disqualification.
De plus, les parents apprécient beaucoup le travail de M. Solla – qui lui-même
sait qu’il peut compter sur la collaboration des parents. L’enseignant spécialisé
n’a donc pas à refuser ici des offres de coalition ou à restaurer un climat de
confiance entre les partenaires du projet.
L’enseignant spécialisé rencontre ensuite l’enfant en appui individuel. Il l’informe
de la situation, de son rôle dans l’école et du signalement de M. Solla. D’emblée,
— 149 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
— 150 —
La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui
exigences pour leurs deux enfants. Ils aménageront des périodes où l’axe
affectif sera valorisé et exigeront fermement obéissance lorsque cela
s’avérera nécessaire (axe normatif).
Dès lors, la collaboration entre tous les partenaires a atteint le niveau 4 de notre
grille (annexe 10). En effet, le titulaire, les parents, l’enseignant spécialisé et
l’élève ont donné les informations nécessaires à la compréhension de la situation
(informer) et ont reçu les informations de leurs partenaires (s’informer). Ils se sont
ensuite tous impliqués dans le projet en activant leurs ressources (s’impliquer)
et ont permis l’implication des autres partenaires en leur accordant toute leur
confiance (impliquer).
Les enseignants, les parents et Arthur se sont revus à plusieurs reprises pendant
l’année scolaire pour des bilans. L’enfant a vécu une période assez difficile après
la phase d’évaluation. Ses repères avaient manifestement changé et, même s’il
était tout à fait au courant de la démarche, une phase assez sombre de réorga-
nisation de ses relations et de son attitude face à l’école a été nécessaire. Mais
après cette période de transition, ses résultats se sont progressivement amélio-
rés et il a été promu en huitième. Actuellement, il vient de terminer le cycle
d’orientation (secondaire I) avec de bons résultats et envisage de poursuivre des
études supérieures.
— 151 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
— 152 —
La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui
Comme nous l’avons déjà vu plus haut, l’intérêt premier de l’appui pédago-
gique est d’être à deux (voire à trois ou quatre) pour analyser, comprendre et
trouver des solutions nouvelles à des situations difficiles. Ceci étant dit, le degré
de collaboration est très variable et dépend surtout du projet et de la relation
qu’entretiennent l’enseignant spécialisé et l’enseignant régulier. Cet aspect a
déjà été abordé plus haut avec la « grille d’entretien » (annexe 10). L’implication
de l’enseignant régulier peut donc se situer à des niveaux très divers. En effet, le
titulaire peut parfois se contenter d’évaluer les progrès de l’enfant en classe et
apporter un feed-back à l’enseignant spécialisé sur l’efficacité du travail effectué
avec l’enfant. Mais il peut également favoriser le transfert et la généralisation
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
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La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
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La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
« un élève convoqué ne peut pas être accueilli, il peut être seulement reçu. On
accueille un être libre de venir ou de ne pas venir. Par contre on peut toujours
rendre libre quelqu’un qui ne l’est pas et tenter de faire de sa réception un
accueil » (Bringuier, 2016, p. 126). C’est en effet l’enjeu de l’appui, notamment
lors de la première rencontre avec l’élève : comment l’aider à passer du statut
d’« objet d’un signalement » à celui de « sujet d’un projet ».
Ce qui se joue en appui relève bien d’un rapport de sujet à sujet. L’enseignant
spécialisé ne « travaille » pas l’enfant, comme on travaille la terre. Il accompagne
l’enfant pour que, dans une relation de sujet à sujet, ses ressources se déve-
loppent et lui permettent de surmonter ses difficultés. Le risque, sinon, c’est
qu’au-delà « d’un certain seuil de prédéfinition, l’acteur, le sujet, ne trouve plus
à investir ses intentions propres. Il lui semble qu’il se trouve enfermé dans les
fonctions qu’on a prévues pour lui, qu’il n’a plus de marge d’initiative » (Seknadjé-
Askénazi, 2014, p. 244). C’est toute la difficulté de la bonne distance à adopter
dans ce travail de médiation : « L’accompagnement suppose la reconnaissance
de l’autonomie du sujet, autonomie parfois contrariée tant le sujet peut avoir
le sentiment de se perdre et exprimer une demande d’appui. Les processus
d’accompagnement tiennent alors de l’entre-deux, permettant au sujet d’être
en activité tout en bénéficiant d’une présence. Dans la relation de proximité
qui est construite, l’accompagnateur veille à rester en marge de la situation de
sorte que l’accompagné puisse éprouver le sentiment de pouvoir agir » (Jorro,
2012, p. 5).
La première rencontre de l’enseignant spécialisé avec l’enfant est, à ce
propos, déterminante. Elle permet tout d’abord de faire connaissance, de se
présenter, mais également de définir la relation qui s’établit dans le cadre de
l’appui pédagogique. « Le premier acte d’un Sujet non captif est d’exprimer sa
demande. Or un tel acte est souvent confisqué à l’élève par un tiers, enseignant,
parent, éducateur, qui anticipe sa demande ou même y substitue la sienne, besoin
d’aide ou de diagnostic que l’enfant, on s’en doute, n’éprouve pas forcément ! »
(Bringuier, 2016, p. 131). L’enseignant spécialisé devra donc éviter de préci-
piter cette importante première phase. Deux ou trois cours d’appui peuvent
être consacrés à la clarification de ce qui se jouera dans cette relation d’aide.
Concrètement, l’enseignant spécialisé se présentera tout d’abord à l’enfant,
expliquera sa fonction dans l’établissement scolaire et son rôle dans la structure
d’appui. Il expliquera à l’élève en quoi consiste son travail, ce que ce dernier
peut attendre de lui et répondra à toutes les questions que l’enfant se pose à
son sujet. Ensuite, l’enfant se présentera en donnant son nom et son prénom
et en expliquant ce qu’il sait du signalement que le titulaire a fait à son sujet.
« La première chose à faire est de s’enquérir naïvement (!) de la raison de la
présence du jeune dans notre bureau, surtout si elle nous a été réclamée par
son professeur » (Bringuier, 2016, p. 132). Les questions suivantes permettent,
au début de l’entretien, de comprendre les représentations que l’enfant se fait
de l’appui : « Sais-tu qui je suis ? Comment as-tu appris qu’aujourd’hui tu allais
passer un moment avec moi ? Sais-tu pourquoi tu viens travailler avec moi ?
— 158 —
La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui
En as-tu parlé avec ton enseignant ? Que crois-tu que nous allons faire ensemble ?
Pourquoi ? etc. »1.
L’enseignant spécialisé clarifiera ensuite le fonctionnement de l’appui, les
objectifs de la structure et précisera ce qu’il sait de l’enfant et pourquoi le titulaire
ou les parents ont estimé qu’une aide était nécessaire. Il demandera également
l’avis de l’enfant sur la question et sollicitera son accord pour la poursuite du
projet, en précisant qu’à tout moment, il peut demander un arrêt provisoire ou
définitif de la mesure : l’école est obligatoire, mais pas le cours d’appui ! « Le
projet d’aide pédagogique se définit donc comme la construction de l’articulation
de ces deux projets (celui du maître spécialisé, celui de l’élève). Il s’agit d’identifier
au mieux “ce que l’on fait ensemble”, “le rôle de chacun d’entre nous”, “nos
places” » (Seknadjé-Askénazi, 2014, p. 247).
La Monneraye (2005) insiste également sur l’importance de dire à l’enfant
de quel discours il est l’objet. L’enseignant spécialisé clarifiera ainsi les raisons
de la rencontre et les enjeux du dispositif d’aide. Il s’agit également d’être trans-
parent avec le signalement effectué par l’enseignant (ce que ce dernier nous a
dit de lui et de ses difficultés). « On fait un débriefing des attentes de tiers afin
d’en nettoyer l’entretien. Mais si le jeune pour l’instant ne peut formuler une
demande, il faudra qu’elle émerge quand même, sans quoi le tiers n’aura pas
été totalement oublié » (Bringuier, 2016, p. 134).
L’enseignant spécialisé communique ensuite à l’enfant les modalités concrètes
de la prise en charge (fréquence des cours, horaire, appui en classe, en individuel,
en groupe, etc.). Avec les élèves plus âgés bénéficiant d’un appui individuel (en
général à partir de 8-9 ans), l’enseignant spécialisé précisera qu’ils sont responsables
de gérer leur horaire : pendant les 2-3 premières semaines, l’enseignant spécialisé
viendra les chercher en classe s’ils oublient l’heure du cours, mais ensuite ils doivent
assumer seuls leur horaire. Il semble en effet important que l’enfant fasse lui-même
la démarche de venir en appui, ce qui lui permet de renouveler son choix avant
chaque cours. Ainsi, « le professionnel promeut l’élève au statut d’interlocuteur,
c’est-à-dire, dans l’ordre de la parole, au rang de semblable. Proposer à l’enfant
un rendez-vous, c’est lui laisser le choix de l’agréer ou de le décliner. C’est solliciter
en lui l’acteur de la situation, le Sujet » (Bringuier, 2016, p. 112). S’il oublie son
horaire plusieurs fois de suite, l’enseignant spécialisé lui proposera un entretien
où, ensemble, ils clarifieront à nouveau la démarche et les objectifs poursuivis.
L’expérience montre que, très souvent, ces oublis constituent des actes manqués
et sont rarement dus à des problèmes d’horloge (surtout en Suisse) !
Le premier entretien permet donc de clarifier la demande et de discuter de
la forme que prendra l’accompagnement. C’est lors de cet entretien avec l’ensei-
gnant spécialisé que la demande de l’élève peut, progressivement, émerger et se
préciser. Ce premier entretien permet par conséquent de viser plusieurs objectifs :
– établir une relation de confiance ;
1 Ces questions sont extraites d’un document élaboré par Christiane Joye-Wicki, enseignante spécialisée.
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
– clarifier la demande ;
– obtenir l’accord de l’élève ;
– clarifier l’objectif général et les modalités de l’aide proposée (notamment
la durée approximative) ;
– susciter un désir de changement ;
– initier la phase d’évaluation diagnostique (étape 2 du PPI).
À la fin de la phase d’évaluation diagnostique globale, l’enseignant spécialisé
consacrera également un cours pour informer l’élève des résultats et des objec-
tifs fixés. Il pourra lui présenter le PPI et lui montrer quel sera son rôle dans le
projet. « L’une des stratégies les plus importantes, et ce, quels que soient les
éléments du profil de l’élève, consiste à aider celui-ci à comprendre ses forces
et ses faiblesses. […] Le fait de connaître ses atouts et ses points faibles peut
grandement favoriser l’apprentissage et la réussite » (Pohlman, 2011, p. 116).
Comme l’élève est le premier partenaire du PPI, il doit être informé de ses
enjeux. Il est également invité à donner son avis sur le projet et à partager sa
compréhension de ses difficultés et des moyens de les surmonter.
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La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui
veut impliquer l’élève dans ses apprentissages, ce qui paraît être une condition
importante de sa réussite, alors il faut lui donner les moyens de prendre la plus
grande part possible dans l’évaluation de sa production et de ses pratiques, de
façon à enrichir son pouvoir d’autorégulation » (Hadji, 2018, p. 78).
Comme l’auto-évaluation est une compétence difficile à acquérir, l’enseignant
accompagnera l’élève dans cet apprentissage, notamment par la co-évaluation,
c’est-à-dire par une pratique conjointe de l’évaluation – élève et enseignant – qui
permettra à l’enfant de confronter sa pratique évaluative avec celle de l’adulte.
Cet accompagnement peut se réaliser en trois temps (Hadji, 2018) :
– L’élève engage d’abord une démarche d’auto-observation en se posant
les questions : « Qu’ai-je réalisé précisément ? Comment cela s’est-il
déroulé ? Quel est le résultat de mon travail ? » La démarche est donc
d’abord factuelle.
– L’élève pose ensuite un autodiagnostic qui implique d’interpréter les
faits observés et de poser un jugement sur la qualité du travail : « Ai-je
répondu à la question qui était posée ? L’objectif est-il atteint ? La
démarche retenue est-elle efficace ? Le résultat est-il de qualité ? »
– Après l’analyse du résultat lors de l’autodiagnostic, il s’agit maintenant
d’apporter une autorégulation qui permettra de corriger les erreurs et
d’améliorer l’efficacité de son apprentissage : « Comment mieux faire la
prochaine fois ? »
Parfois, l’élève apporte en appui une fiche qu’il n’a pas comprise en classe
ou un examen auquel il a échoué. L’enseignant spécialisé doit se réjouir de
cette démarche1. Elle prouve que l’enfant a compris que l’appui est d’abord une
relation d’aide et qu’il peut solliciter très librement les conseils de l’enseignant
spécialisé. L’élève nous montre ici qu’il est devenu demandeur en son nom
propre, qu’il veut surmonter ses difficultés et qu’il se responsabilise. L’enseignant
spécialisé doit néanmoins veiller à ne pas s’éloigner trop des objectifs fixés dans
le PPI et à ne pas tomber dans une forme de rattrapage scolaire. Très souvent,
il est tout à fait possible de poursuivre les objectifs à partir des questions et
documents que l’élève apporte au cours.
De même, l’enseignant d’appui demandera régulièrement à l’élève de lui
montrer les résultats qu’il obtient en classe et l’aidera à évaluer ses progrès.
L’élève doit savoir que l’objectif est bien de favoriser la réussite de l’enfant
en classe et non seulement en appui. Seule l’analyse des résultats du travail
effectué en classe est réellement signifiante. La qualité de l’accompagnement
et la pertinence des objectifs du PPI se mesurent en effet aux résultats obte-
nus en classe, notamment lors des tests et des examens. C’est lorsque l’élève
arrive de nouveau à réussir normalement dans sa classe que l’appui a atteint
son objectif.
1 Par contre, si c’est le titulaire qui demande de terminer la fiche en appui, le risque est de se fourvoyer
dans un rattrapage scolaire inutile (cf. chapitre 3.3).
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
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La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui
difficulté ont souvent tendance à ne plus voir « l’enfant », mais seulement « l’élève
en échec scolaire ». Lors de l’entretien avec les parents, l’enseignant mettra donc
l’accent également sur les qualités et les ressources de l’enfant.
Une question qui se pose souvent est de savoir si l’élève doit assister aux
entretiens entre l’enseignant spécialisé et les parents. En principe, par souci de
transparence, la présence de l’enfant est souhaitable, si les parents l’acceptent.
C’est une manière d’impliquer l’enfant dans le projet et de connaître son avis
sur le projet discuté lors de l’entretien. « Beaucoup de malentendus et beaucoup
de souffrance pourraient être évités si on prenait la peine de considérer que
tout enfant qu’il soit, le sujet pense quelque chose sur son travail, sur ses diffi-
cultés et qu’il n’est pas inutile d’écouter son point de vue » (La Monneraye, in
CRFMAIS, 1988, p. 34). De plus, « quand l’élève réalise que vous et ses parents
vous entendez au sujet des problèmes et des solutions possibles, les comporte-
ments négatifs disparaissent presque toujours » (Winebrenner, 2008, p. 237). Si
l’enseignant spécialisé ou les parents souhaitent exprimer des réalités difficiles
à entendre pour l’enfant, ils peuvent tout simplement demander à l’enfant de
quitter un instant la salle et de les attendre dans le couloir.
Pour analyser plus précisément la collaboration enseignant spécialisé /
parents de l’élève en difficulté, nous reprenons ici les quatre temps de la « grille
d’entretien » proposée plus haut (annexe 10). Ces quatre degrés dans la colla-
boration ne sont malheureusement pas toujours atteints avec tous les parents,
mais l’essentiel est ailleurs : la priorité est en effet de créer un climat de confiance
entre les différents partenaires. Précisons qu’il est tout à fait envisageable de
parcourir les quatre temps en un seul entretien avec certains parents, alors
qu’avec d’autres, seul le premier degré est atteint durant toute la période de
collaboration.
Le tout premier contact avec les parents est à soigner particulièrement. Il engage
la définition de la relation et se joue souvent de manière peu consciente et non
verbale. Il est en effet capital d’établir dès le début un contexte de collaboration
qui permet de déjouer les pièges de la disqualification réciproque. Les parents
s’engageront dans le projet seulement s’ils se sentent en sécurité et s’ils ont
confiance en l’enseignant. Souvent, les parents des élèves en difficulté se sentent
infériorisés ou culpabilisés et craignent les reproches des professionnels. Une
attitude positive de l’enseignant (aimable et aimante, osons le terme) permet
de donner ou redonner confiance aux parents et de s’engager à nouveau dans
un projet positif, porteur de changements.
Les parents ont droit, dans un premier temps, à une information claire sur la
situation de leur enfant, les attentes de l’école et les objectifs poursuivis. Il ne s’agit
ni d’amplifier les difficultés de l’enfant, ni de les nier, mais de poser clairement le
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
L’intérêt d’une collaboration avec les parents réside également dans les informa-
tions qu’ils donnent à l’enseignant spécialisé du vécu de leur enfant et du regard
que la famille porte sur l’école. Il est évident que les parents sont les personnes
qui connaissent le mieux l’enfant. Ils peuvent donc apporter des informations
très importantes qui aideront les enseignants à travailler avec lui : « Ce sont eux
qui savent et qui sont à même de m’expliquer. Bref, je les considère comme
spécialistes de leur enfant » (Berlioz-Ruffiot, 2016, p. 165). Une réelle compré-
hension de l’échec ne peut se passer de ces éléments.
Cette information, utile d’abord à l’enseignant, permet également aux
parents eux-mêmes de prendre conscience de leurs besoins, de leurs difficultés,
de leurs ressources et ainsi de clarifier leurs problèmes. C’est seulement lorsqu’ils
auront pu dégager une vue d’ensemble de l’organisation familiale qu’ils pourront
définir les buts et envisager un projet réalisable. C’est pourquoi il est important
d’engager les parents à parler de l’enfant dans les différents champs de sa vie et
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La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui
non seulement dans celui qui concerne spécifiquement l’école. Les ressources de
l’enfant pourront ainsi être mises en évidence, ainsi qu’une meilleure compré-
hension de « l’enfant » – et non seulement de « l’élève ».
Dans ce deuxième temps, il s’agit de considérer l’ensemble des variables de
la situation et de mieux comprendre comment fonctionne la famille de l’enfant.
Cette analyse devra s’effectuer à partir du vécu de la famille, de son appréciation
propre et non en fonction des a priori du professionnel. Des collaborations
échouent parce que les enseignants ne sont pas assez à l’écoute des familles
et leur imposent des rôles dans le projet qu’ils ne peuvent pas assumer, dans
le concret de leur vie familiale. L’enseignant spécialisé devra donc retourner
toujours aux difficultés, ressources et besoins de la famille elle-même et prendre
en compte, prioritairement, leurs représentations de la situation.
La pertinence de ce deuxième temps dépendra à nouveau de la qualité
d’écoute de l’enseignant et de sa bienveillance. « Manifester un intérêt sincère
pour les besoins, les intérêts ou les souhaits de son interlocuteur renforce le
lien avec lui et permet d’appréhender le problème plus en profondeur » (André,
2015, p. 139). Il s’agit donc d’offrir aux parents une écoute attentive dans la
description qu’ils font de la situation en étant convaincus que, de leur point de
vue, ils ont raison ! Sinon, ils diraient autre chose… L’écoute doit donc être res-
pectueuse et l’enseignant évitera tout jugement de valeur sur ce que les parents
lui confient. « Tous les parents ont à cœur le bien et la réussite de leur enfant et
ils font ce qu’ils peuvent dans ce but, avec ce qu’ils sont, avec leur vécu et les
informations dont ils disposent » (Berlioz-Ruffiot, 2016, p. 187).
Un autre danger est de vouloir obtenir des renseignements auprès des
parents sur leur vie familiale intime. Or l’enseignant spécialisé ne peut pas
s’autoriser un questionnement qui dépasse le cadre purement scolaire. Son
champ est « pédagogique ». Il ne possède pas les bons outils pour en labourer
un autre ! La gestion des tâches à domicile peut, par exemple, être abordée
avec les parents, mais l’organisation des loisirs ou les problèmes conjugaux ne
le regardent aucunement. « Il est complètement inutile à un instituteur pour faire
correctement sa classe de savoir si tel de ses élèves fait pipi au lit ou crache
dans son bol le matin avant de venir à l’école » (La Monneraye, in CRFMAIS,
1988, p. 33). Par contre, si les parents parlent spontanément de leurs difficultés
familiales, l’enseignant spécialisé pourra évidemment les écouter, partager son
expérience d’adulte, voire les orienter vers des structures leur permettant de
trouver l’aide dont ils ont besoin.
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
Les trois étapes précédentes ont permis de clarifier la situation avec les parents,
d’établir un contexte de collaboration et de préparer leur participation au
projet. Le degré d’implication des parents peut dépendre en grande partie
de la qualité de la relation qui a pu s’établir avec l’enseignant spécialisé lors
des premières phases de l’entretien et de la prise en compte de l’ensemble de
l’écologie familiale.
L’acquisition d’un sentiment de compétence et de confiance en soi chez
les parents est également un prérequis indispensable à un engagement réel.
C’est dire à nouveau toute l’importance, pour faciliter l’implication des parents
(degré 4), que nous devons accorder aux trois premiers temps déjà décrits.
L’enseignant spécialisé doit donc impérativement aborder les « phases d’infor-
mation » (informer et s’informer) avant les phases d’implication (s’impliquer et
impliquer). Il est important de respecter ces deux temps pour éviter la crainte
des parents d’être jugés. Si on leur propose tout de suite de s’impliquer dans
le projet, ils risquent bien de penser qu’ils sont « coupables » puisque c’est à eux
de « réparer » ! L’entretien doit donc être structuré en deux temps : les parents
sont invités à l’entretien pour être mis au courant de ce qui est entrepris pour
aider leur enfant et trouver les solutions à ses difficultés. Une fois informés, les
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La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
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La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
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La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui
Nous pensons en effet que la collaboration n’a pas de vertus en soi, mais
qu’elle dépend du projet et des objectifs fixés. L’implication des différents par-
tenaires dépend donc de la problématique définie lors de la rédaction du PPI. Ici
également, aucune règle n’est à définir a priori : la collaboration avec d’autres
partenaires peut être centrale dans le projet, comme tout à fait secondaire,
selon l’hypothèse émise et le choix du point nodal. Nous pourrions donc dire
que la collaboration peut se situer sur un continuum (cf. figure 11) qui va d’un
projet qui a pour acteur principal – voire unique – le sujet (qui peut être l’élève,
l’enseignant, le parent, etc.), à une approche de la problématique qui vise d’abord
à modifier les interactions entre les membres du système.
Le sujet Les
Le sujet Le sujet Les
seul partenaires
+ + partenaires Les
Le sujet + seuls
Les Les + partenaires
seul Les +
partenaires partenaires : Le sujet seuls
partenaires Le sujet
impliqués coresponsables impliqué
informés informé
À l’école, les projets où seul l’élève (le « sujet » dans la figure 11) est impliqué
concernent, par exemple, les difficultés stratégiques : s’il a des difficultés à lire
et comprendre des consignes, un travail individuel avec un enseignant d’appui
peut apporter une aide suffisante à l’enfant ; la collaboration avec d’autres
partenaires n’est donc pas déterminante dans cette situation. Dans ce cas, « le
sujet seul » est impliqué dans le projet, les autres partenaires étant uniquement
« informés » des objectifs poursuivis avec l’élève.
Par contre, lorsque l’élève pose des problèmes de comportement, il est
possible, voire probable, que son attitude soit conditionnée par l’environnement
dans lequel il se trouve. Seule alors une approche systémique de la difficulté, qui
impliquera probablement toute la classe, peut apporter des améliorations à la
situation. La collaboration avec tous les partenaires concernés par les difficultés
de comportement de l’élève devient alors indispensable à la réussite du projet.
— 171 —
CHAPITRE
Évaluation de l’appui
6
comme mesure de promotion
de la réussite scolaire
Dans les chapitres précédents, nous avons vu quelles devaient être les conditions
favorables à une approche cohérente de l’appui pédagogique. Nous avons ainsi
défini les modalités de l’intervention de l’enseignant spécialisé, la démarche de
projet pédagogique (PPI) et la place de la collaboration des différents partenaires.
Dans le présent chapitre, nous allons nous poser la question de l’efficacité
de l’appui pédagogique intégré : cette mesure constitue-t-elle réellement une
approche valable dans la lutte contre l’échec scolaire et la promotion d’une
école de la réussite ?
Lorsque nous avons demandé, un jour, à un élève s’il savait ce qu’était
« l’appui », il nous a répondu que l’appui, « c’était quand il ne faisait pas beau
temps ». Nous avons trouvé sa réponse amusante et pertinente : « l’appui »,
c’est un peu « la pluie » dans la scolarité de l’enfant. S’il faisait toujours beau
dans son parcours scolaire, l’appui ne serait qu’une ondée rafraîchissante que
le titulaire proposerait exceptionnellement lors de canicules cognitives. Quant
à l’enseignant spécialisé, il coulerait des jours heureux à l’ombre des cocotiers
et des ouvrages d’orthopédagogie ! Malheureusement, il pleut encore souvent
dans la tête des enfants en difficulté scolaire et l’orage gronde trop régulièrement
dans le ciel de l’école. L’enseignant spécialisé – lorsqu’il refuse l’usage inutile
du rattrapage – est contraint de chasser les nuages. Réussit-il toujours dans son
entreprise ? « L’appui » permet-il d’arrêter « la pluie » ? Quelles sont les critiques
de cette mesure ?
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
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Évaluation de l’appui…
1 Ou peut-être faudrait-il considérer que cet élève n’est pas en retard, mais tout simplement à son
heure ! Mais probablement que ces questions d’horaire sont-elles typiquement helvétiques…
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
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Évaluation de l’appui…
L’appui pédagogique intégré n’échappe pas aux difficultés liées à toutes les pro-
fessions basées sur la relation d’aide. Le « paradoxe de l’aide » guette en particulier
l’enseignant spécialisé : plus il aide l’enfant, moins celui-ci peut mobiliser ses
propres ressources et plus l’enseignant spécialisé se sent impuissant. Or « le but
de tout accompagnement n’est-il pas de favoriser l’autonomie des accompagnés
et, paradoxalement, de disparaître ? » (Charlier et Biémar, 2012, p. 157). Plus
l’aide de l’enseignant est importante et plus l’attitude passive et dépendante de
l’élève s’exacerbe. Les besoins manifestés par ce dernier semblent proportion-
nels à l’étayage que propose l’adulte. Comment en effet l’enfant pourrait-il se
sentir compétent alors qu’il a tellement besoin d’aide ? (Curonici et Mc Culloch,
2008). C’est comme si on proposait à l’enfant de marcher avec des béquilles
pendant des mois et qu’on s’étonnait de constater qu’il ne sait plus faire un pas
tout seul… « Un étayage trop marqué par la présence active de l’encadrant au
côté du tutoré lors de la réalisation de sa tâche peut maintenir l’élève dans une
situation de dépendance dans son rapport à l’apprendre et aux savoirs et aller
à l’encontre du processus d’autonomisation visé » (Lescouarch, 2014, p. 136).
Ce type de problématique est très difficile à gérer pour l’enseignant spé-
cialisé. La solution est probablement de recadrer la situation (cf. chapitre 3.3)
et de sortir du « plus de la même chose » (Watzlawick et al., 1981). L’enfant
a tellement besoin d’aide que seul l’arrêt de la mesure est encore possible !
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
La difficulté réside dans le fait que l’enseignant spécialisé doit dès lors informer
le titulaire, les parents et l’enfant que la mesure d’appui s’arrête, alors même
que les résultats de l’enfant sont de plus en plus catastrophiques.
De plus, les messages que s’échangent l’adulte et l’enfant sont souvent
contradictoires. D’une part, le maintien de l’élève en appui l’informe implicite-
ment que ses difficultés persistent : « Les messages vont dans le sens de maintenir
une relation de dépendance. L’adulte communique à l’enfant que ce dernier
n’est pas compétent pour effectuer telle catégorie de tâches ; l’enfant commu-
nique parallèlement à l’adulte qu’il a besoin de son appui sans quoi il pourra se
retrouver en position d’échec » (Évéquoz, 1986, p. 39). D’autre part, la tâche de
l’enseignant spécialisé est de montrer à l’enfant qu’il est compétent, de le mettre
en situation de réussite, de l’encourager, de tenter de restaurer sa confiance en
lui et de développer son sentiment de contrôlabilité. Evéquoz (1986) parle à ce
propos de « messages qui favorisent une relation d’indépendance. Ici l’enfant
recevra des messages qui le confirment comme compétent pour effectuer avec
succès et sans appui certaines tâches » (ibid.).
Par conséquent, le travail de l’enseignant spécialisé gagnera en efficacité si
les objectifs sont bien définis et si la prise en charge est limitée dans le temps.
Les prises en charge « au long cours » sont rarement profitables. Il est toujours
souhaitable d’interrompre, au moins provisoirement, une prise en charge et de
se laisser le temps d’évaluer la situation avant un nouvel appui. Le fait de limiter
la durée du suivi présente trois avantages (Berlioz-Ruffiot, 2016) :
– « En premier lieu, il rassure les parents, qui comprennent que l’engagement
qu’ils s’apprêtent à prendre sera de courte durée.
– En second lieu, il est suffisant pour obtenir un changement si l’objectif
a été bien choisi.
– Pour finir, si l’objectif n’a pas été bien choisi, il constitue un intervalle
suffisant pour faire un constat d’échec » (p. 211). C’est donc le moment
d’envisager une autre forme d’aide.
La situation suivante permettra probablement de comprendre pourquoi,
parfois, la meilleure façon d’aider est d’arrêter l’aide, ce qui évite de tomber
dans des situations d’« acharnement pédagogique ».
Nathan se trouve en 6P lorsque son enseignante le signale en appui pour des dif-
ficultés en lecture et en maths. Son attitude face à la tâche est souvent impulsive
et ses résultats très irréguliers. Des difficultés de concentration se manifestent
également en classe.
L’évaluation formative de départ, effectuée en appui pédagogique individuel,
confirme les difficultés en mathématiques (numération et opérations) et souligne
les difficultés de lecture – principalement dans l’exercice d’étude de texte. Elle
permet également de mieux comprendre les difficultés de concentration signalées
par la titulaire : en réalité, Nathan peut rester concentré très longtemps sur une
tâche qui l’intéresse.
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Évaluation de l’appui…
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
1. Alice est une élève de septième primaire qui vient en appui individuel pour
apprendre à mieux gérer ses tâches à domicile. L’enseignant spécialisé travaille
avec elle sur une méthode lui permettant de mieux apprendre ses leçons. Il lui
demande donc de prendre en appui le matériel nécessaire à la réalisation de
ses tâches.
Un jour, Alice présente à l’enseignant spécialisé une leçon d’histoire où elle doit
étudier un texte décrivant les rues de Paris à la fin du XIVe siècle. Un autre jour,
le thème concerne l’extension de la Ville de Sion au Moyen Âge. La troisième
leçon – et c’est celle-là qui fut fatale à l’enseignant spécialisé ! – exige une mémo-
risation de tous les impôts et redevances existant au Moyen Âge.
En tant qu’enseignant, nous trouvons ces tâches terriblement difficiles – le
vocabulaire utilisé dans l’ouvrage d’histoire est très ardu – et l’intérêt quasi nul :
l’enseignant spécialisé doit-il, par conséquent, fomenter un complot visant le
Dépôt du matériel scolaire et organiser l’autodafé des ouvrages d’histoire de
septième primaire ou, pragmatique et résigné, se contente-t-il d’aider Alice à
jongler avec la dîme, le sens (le sens ?) et le champart ?
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Évaluation de l’appui…
3. Inès est signalée en appui par la titulaire de sixième primaire pour des difficul-
tés en mathématiques et en composition. En termes de « projet global », le travail
en composition semble prioritaire : plus tard, lorsqu’elle sera adulte, Inès devra
évidemment être capable de rédiger une lettre, d’écrire un courriel, d’utiliser
un traitement de texte, etc.
Dans l’immédiat, Inès est en difficulté scolaire et, au vu de ses résultats actuels, elle
ne sera pas promue en septième. Est-ce que l’enseignant spécialisé va choisir de
poursuivre en priorité l’objectif général de composition ou va-t-il se concentrer sur le
« repérage des axes de symétrie d’une figure plane » ou « la découverte du lien entre
un solide et son développement » ? (dont on ne voit pas l’apport déterminant dans
une perspective de projet global). Si l’enseignant spécialisé choisit pourtant cette
deuxième solution, il permettra certainement à Inès d’améliorer ses résultats en
maths et sa moyenne générale. Il favorisera ainsi sa promotion en septième primaire.
Pragmatique, l’enseignant spécialisé a choisi finalement la deuxième solution…
Comme on peut le constater dans ces exemples, le choix n’est pas toujours
évident entre l’adaptation du système à l’enfant et l’adaptation de l’enfant au
système. De plus, seule la problématique des objectifs scolaires a été abordée
ici. Or il faudrait également parler du développement de l’autonomie, de la
responsabilité, de la confiance en soi, de la capacité de collaborer, etc. qui, si
l’on réfléchit en termes de projet global, paraît infiniment plus important que la
maîtrise du « groupe prépositionnel complément de phrase » ou de l’orthographe
des adjectifs de couleur. Il est en effet troublant de constater que, pour réussir
dans la vie, il faut des compétences relativement peu travaillées en classe.
Il est clair – comme nous l’avons déjà souligné plusieurs fois – que l’ensei-
gnant spécialisé ne doit pas négliger le rôle qu’il peut jouer dans le question-
nement des pratiques et du projet global poursuivi par l’institution scolaire.
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
Mais, dans le quotidien de son travail, il doit souvent apporter une réponse immé-
diate à la détresse de l’enfant. C’est d’ailleurs probablement dans les réponses
qu’il apporte quotidiennement aux difficultés des enfants que l’enseignant spé-
cialisé peut questionner le système : les interrogations autour des difficultés de
mémorisation d’Alice ou des problèmes d’orthographe de Chloé permettront
peut-être à l’enseignant spécialisé et au titulaire de reconsidérer le projet glo-
bal de l’apprentissage de l’histoire et de l’orthographe à l’école primaire. Un
premier (petit) pas vers le questionnement de l’institution vient d’être franchi.
Un grand pas pour l’enseignant en question, mais un petit pas pour l’école…
On peut donc relever que la question « adapter le système ou adapter l’élève ? »
trouve sa réponse dans l’articulation objectif général / objectif spécifique : par
l’aide individuelle et différenciée d’une part (objectif spécifique) et par le travail
de collaboration avec les titulaires d’autre part, la structure d’appui permet de
dynamiser le fonctionnement de l’école en général et de modifier l’attitude des
enseignants face à la différence (objectif général).
L’appui pédagogique est dit « intégré », c’est-à-dire inscrit dans la structure régu-
lière de l’école ; la salle de l’enseignant spécialisé se trouve, en général, dans le
même bâtiment scolaire que les autres classes. Mais l’élève en difficulté quitte sa
classe pour rejoindre l’enseignant spécialisé dans sa salle et vit une expérience
d’exclusion à l’intérieur du système. « Ces mesures reposent sur un paradoxe
qui consiste à vouloir mieux intégrer sur le plan scolaire tout en l’excluant »
(Doudin et Lafortune, 2006, p. 65). Voilà donc une mesure qui s’autoproclame
« intégrée » et qui, dans les faits, tend à favoriser la marginalisation de l’enfant
en difficulté. Ces différentes mesures d’aide reposent donc sur un paradoxe :
favoriser l’intégration scolaire de l’enfant en difficulté en organisant son fonc-
tionnement sur une logique d’exclusion de la classe – qui peut être momentanée
dans le cas de l’appui ou définitive dans le cas du redoublement.
Si l’enseignant spécialisé travaille dans la salle de classe en duo pédagogique
ou en co-enseignement, le risque est également présent de stigmatiser l’enfant
en difficulté. Le sentiment d’exclusion peut se vivre à l’intérieur même de la
classe. Les études ont montré en effet que le statut sociométrique des élèves en
difficulté est inférieur à celui des élèves qui réussissent normalement.
Comme nous le voyons ici, la question du lieu de travail de l’enseignant
spécialisé est importante, mais ne trouve pas de réponse définitive : l’enseignant
spécialisé doit-il travailler avec l’élève en individuel ou en petit groupe dans son
local d’appui ou doit-il intervenir dans la salle de classe ? En réalité, le choix doit
se faire en fonction de nombreux paramètres, en priorité le bien de l’enfant, mais
également la qualité de la relation avec le titulaire, le mode de fonctionnement
de la classe, le moment de la prise en charge (évaluation, remédiation), les autres
élèves de la classe, le fonctionnement général de l’établissement scolaire, etc.
— 182 —
Évaluation de l’appui…
— 183 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
Ce qui est particulièrement difficile dans nos professions d’aide, c’est que nous
avons tendance à culpabiliser si les résultats se font attendre, sans nous sentir
vraiment responsables si l’élève progresse ! S’il est vrai qu’il est très complexe
de comprendre pourquoi un projet échoue, il est également difficile de vrai-
ment saisir ce qui a permis sa réussite. Lorsque nous nous engageons dans une
démarche d’aide, nous pouvons avoir l’impression de nous déplacer dans un
labyrinthe en empruntant de nombreuses voies et en espérant, à chaque fois, que
le chemin est le bon. Nous possédons bien la boussole du PPI, mais lorsqu’enfin
nous trouvons la sortie, notre sentiment est mitigé : avons-nous réellement par-
ticipé au succès de l’entreprise ? Quelle est la place du hasard ou de la chance ?
Qu’est-ce qui nous a finalement guidés vers la solution ?
C’est comme si, perdus au milieu de l’océan, nous jetions des bouteilles à la
mer, en espérant que le message trouvera un lecteur. Bien sûr, nous rédigeons
le message avec application, envisageons le destinataire avec précision, fer-
mons la bouteille avec application et choisissons le courant favorable, mais la
démarche est aléatoire et le succès n’est pas assuré. Comme le relève Jarrosson
(1997), « les plus beaux dons reçus ont été fortuits, presque involontaires. Une
remarque d’un de nos professeurs, à laquelle il n’a lui-même attaché aucune
importance, a changé le cours de notre vie. Elle est tombée en nous au bon
moment et au bon endroit, a grandi à notre insu, s’est fortifiée et finalement
est devenue un de ces trop rares viatiques qui guident nos pas. Mais le profes-
seur ne l’a pas su. La pédagogie, c’est la logique de la non-maîtrise poussée
jusqu’au sentiment de l’inutilité acceptée et assumée. Cette acceptation de la
non-maîtrise rend le pédagogue libre de bien faire son métier. Elle le libère
d’une recherche vaine, de la volonté d’un lien visible et direct entre l’acte et
son résultat. Elle le situe dans la pédagogie des yeux ouverts. Sur l’inconnu. »
(pp. 187-188).
Ainsi, la non-maîtrise est le propre de tout processus d’aide. Même lorsque
le projet permet une évolution favorable, nous nous leurrons peut-être sur le rôle
que nous y avons joué. Nous pensons parfois que le succès de l’entreprise est
notre victoire personnelle, « comme s’il y avait des causes à effets linéaires, que
nous pouvions ainsi mettre ses progrès à notre compte, et seulement à celui-ci.
— 184 —
Évaluation de l’appui…
— 185 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
Tout d’abord, l’appui permet de maintenir les élèves en difficulté dans les classes
régulières. Il évite donc la stigmatisation et la ségrégation de ces enfants dans
des classes spéciales. Le concept d’intégration est donc au cœur même du
fonctionnement de l’appui pédagogique. L’inclusion est un droit fondamental.
Il ne s’agit donc pas d’« accepter » seulement qu’un enfant qui présente des
besoins particuliers s’intègre au groupe-classe existant (intégration physique),
mais il s’agit de faire en sorte qu’il participe activement à la vie scolaire. Dans
ce sens, « tous les élèves sont les bienvenus dans leurs écoles de quartier et
ils reçoivent le soutien et les services appropriés à l’intérieur de leur école »
(Rousseau et al., 2006, p. 13). Nous y reviendrons dans la partie conclusive
de l’ouvrage.
Ensuite, l’appui pédagogique est une mesure très souple. Le nombre
d’heures attribuées à un établissement scolaire peut varier durant l’année sco-
laire en fonction des demandes des titulaires. Ceux-ci peuvent donc signaler de
nouveaux élèves à l’enseignant spécialisé tout au long de l’année. Ce dernier
est donc itinérant et adapte son horaire aux besoins des centres scolaires où
il travaille. Comme c’est une mesure souple, intégrée au fonctionnement des
écoles, son rôle de prévention de l’échec scolaire peut se réaliser très concrè-
tement. L’enseignant spécialisé intervient rapidement après un signalement
et peut donc aider à résoudre une difficulté avant qu’elle ne se transforme en
problème, voire en échec scolaire massif.
Finalement, l’appui encourage également la pratique de la différenciation
dans les classes régulières, par la collaboration avec les titulaires et la recherche
commune de solutions. Chaque fois qu’une solution particulière est adoptée
pour un enfant, la pratique des enseignants réguliers et spécialisés se trouve
enrichie. Tous les élèves profitent de la collaboration entre les enseignants. Ainsi
le travail de l’enseignant spécialisé peut également concerner les élèves que le
système scolaire risque d’oublier, les élèves à haut potentiel intellectuel (HPI). En
effet, la différenciation de l’enseignement peut également bénéficier aux élèves
faisant preuve de performances scolaires spécialement élevées – mais qui sont
souvent en détresse dans un système très normé.
— 186 —
Évaluation de l’appui…
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
à l’appui sont peu nombreuses et leurs résultats divergents. « Que sait-on des
dispositifs d’aide aux élèves en difficulté ? En réalité pas grand-chose et, parfois,
des choses fausses. […] Il est donc risqué d’apporter un verdict définitif sur un
dispositif » (Jarraud, 2019, p. 1). De plus – et c’est à peine exagéré de le dire – il
existe autant de dispositifs que d’enseignants spécialisés !
Plusieurs recherches permettent néanmoins de penser que la mesure d’appui
pédagogique est un moyen efficace de lutte contre l’échec scolaire. Dès son
introduction, plusieurs études sur son fonctionnement et les résultats obtenus
dans la lutte contre l’échec scolaire ont été effectuées (DIP, 1991 ; Bless, 1990
et 1993 ; CSRE, 1994 ; Bless et Kronig, 1995 ; Délétroz et Joye-Wicki, 1994
et 1996). Les résultats obtenus établissent globalement un constat de réussite.
Les principaux résultats de ces études peuvent être synthétisés de la manière
suivante :
– l’appui pédagogique promeut la pédagogie différenciée dans les classes ;
– si la mesure bénéficie de bonnes conditions, elle présente une alternative
pertinente au système traditionnel des classes spécialisées ;
– l’appui permet une scolarisation de tous les enfants dans le circuit régulier
de l’école ;
– dans les classes bénéficiant de l’appui, les enfants en difficulté réalisent
des progrès scolaires nettement plus importants que lorsqu’ils sont inscrits
dans une classe spéciale ;
– l’appui répond à des demandes très variées : qu’il s’agisse de difficultés
scolaires spécifiques ou au contraire de problématiques plus lourdes,
l’appui s’adapte et offre à chaque élève la possibilité de poursuivre sa
scolarité en classe régulière ;
– l’appui permet à un très grand nombre d’enfants – qui auraient été placés
dans des classes spéciales – de poursuivre leur scolarité dans les classes
régulières malgré des difficultés scolaires importantes.
Nous avons mené nous-même une étude, avec deux collègues, sur l’utilité
perçue de l’appui pédagogique et le degré de satisfaction des différents par-
tenaires (Bétrisey, Delévaux et Vianin, 2006) : « Les résultats de la recherche
montrent que chacune des quatre catégories d’usagers interrogés – élèves,
parents, titulaires et enseignants d’appui – a manifesté un indice de satisfaction
élevé quant à la mesure d’API (Appui pédagogique intégré). Plus de 90 % de
répondants ont répondu être assez satisfaits ou tout à fait satisfaits de la mesure »
(ibid., p. 46).
Ces différentes recherches sont intéressantes parce qu’elles nous permettent
d’analyser l’efficacité de la mesure dans le cadre spécifique de notre école. Dans
l’ensemble, elles sont très favorables à la structure. Elles nous encouragent donc
à poursuivre notre entreprise de lutte contre l’échec scolaire grâce à l’appui
pédagogique intégré : l’appui, c’est le beau temps !
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Évaluation de l’appui…
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
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Évaluation de l’appui…
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
qu’il utilise en classe et les évaluations qu’il effectue avec le titulaire, ce qui per-
mettra à l’enseignant spécialisé d’ajuster son aide à la réalité de la classe dans
laquelle travaille l’enfant.
S’il propose à l’enfant des procédures, des stratégies, des démarches parti-
culières, etc., l’enseignant spécialisé veillera à créer des supports que l’élève
pourra utiliser dans le cadre de son travail en classe ou à la maison. Pour
reprendre l’exemple d’une procédure de résolution de problèmes, l’élève dispo-
sera d’une « fiche-guide » – mentionnant les différentes étapes de la stratégie – qu’il
pourra utiliser en classe lors des exercices de mathématiques.
Le transfert doit donc être construit, pas à pas, par l’enseignant spécialisé
(Mansuy et Zakhartchouk, 2009) :
– « Au départ, on peut proposer à l’élève de faire le travail avec lui (on va
le faire ensemble) pour l’aider à réussir et lui permettre de reprendre
confiance en lui ;
– on peut ensuite l’aider à mobiliser ses ressources (“comment pourrais-tu
faire pour…”) de façon à lui permettre de développer un sentiment de
compétence ;
– puis on peut le conduire à se mettre en projet (“qu’est-ce que tu pourrais
faire pour progresser… ?”) de façon à accroître sa détermination ;
– on peut enfin l’amener à se prendre en charge en lui montrant qu’on lui
fait confiance tout en continuant à lui manifester de l’intérêt, en valorisant
ses initiatives, de façon à lui permettre de développer son autonomie »
(p. 103).
Pour aider l’enfant à effectuer le transfert en classe, l’enseignant spécialisé
doit l’encourager à identifier les situations où il peut réutiliser ses compétences. Il
doit l’inciter à réfléchir aux enjeux de l’apprentissage réalisé en appui : « Pourquoi
a-t-on appris cela aujourd’hui ? Ce que tu as appris dans cette situation, pour-
rais-tu le réutiliser ailleurs ? Dans quels contextes en classe ? Peux-tu donner
des exemples ? Comment vas-tu procéder concrètement lorsque tu seras en
classe ? Quand et où pourrais-tu utiliser ce que nous venons d’apprendre ? Dans
quelles situations ? etc. » Si l’enseignant d’appui aborde ces questions avec ses
élèves, alors « les activités proposées dans le cadre de l’aide entretiennent un
lien explicite avec celles de la classe » (Brisset et al., 2009, p. 80).
Le titulaire sera également informé des compétences que l’élève a dévelop-
pées en appui et qu’il doit actualiser en classe. Il pourra ainsi favoriser également
le transfert. Il s’agit donc « de faire collaborer avec des moyens spécifiques mais
dans un même objectif le maître E et le maître de classe » (Brisset et al., 2009,
p. 80). Ce sont les objectifs définis dans le PPI qui permettront d’assurer que les
mêmes objectifs sont poursuivis en classe et en appui, même si les modalités de
leur actualisation seront évidemment différentes selon le contexte. Si l’enseignant
spécialisé travaille en classe, la difficulté du transfert n’est pas réglée pour autant
puisque la question se posera également, lorsque l’enfant se trouvera seul face
— 192 —
Évaluation de l’appui…
6.5.3 L’inconsistance
— 193 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
La prolongation du temps d’apprentissage a des effets très limités sur les pro-
grès de l’enfant. Elle part d’une logique du « plus de la même chose » que nous
avons souvent évoquée dans cet ouvrage. Ce n’est pas en donnant plus d’expli-
cations, plus de temps ou plus d’exercices que l’élève comprendra pourquoi
il échoue. Le redoublement – dont nous avons analysé les raisons du manque
d’efficacité – relève de la même logique, celle du rattrapage scolaire. Même la
diminution des effectifs des classes a des incidences limitées dans la lutte contre
l’échec scolaire, si elle ne s’accompagne pas d’une modification des pratiques
pédagogiques. Si un retard ponctuel dans une discipline – dû par exemple à
une maladie prolongée – peut se compenser par un rattrapage scolaire (« faire
plus »), les difficultés scolaires engagent toujours une réflexion sur les causes de
l’échec et justifie la mise en place d’un projet pédagogique (« faire autrement »).
Nous avons présenté longuement dans cet ouvrage l’importance d’une analyse
— 194 —
Évaluation de l’appui…
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
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Évaluation de l’appui…
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Évaluation de l’appui…
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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
— 200 —
Perspectives
De l’appui pédagogique intégré
à l’appui pédagogique intégrant
1 Rappelons ici que l’on parle de « situation de handicap » pour bien montrer que ce n’est pas la personne
qui en est porteur, mais la « situation » qui la met en difficulté. Par exemple, un élève sur chaise roulante
présente effectivement une déficience motrice, mais il n’est pas « handicapé » pour participer à un cours
de maths. Par contre, son incapacité se révélera probablement s’il doit jouer au tennis sans changer les
règles.
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE
Dès lors, on peut affirmer que l’appui peut également favoriser l’intégration des
enfants en situation de handicap dans l’école régulière.
L’intégration des enfants en situation de handicap est un mouvement irré-
versible parce que rien ne justifie la marginalisation de certains enfants. Une
société démocratique doit permettre à tous de trouver leur place. Or celle des
enfants – de tous les enfants – est à l’école. L’enseignant spécialisé a donc le
devoir de s’engager à promouvoir une société plus tolérante à l’égard des enfants
différents : si les élèves ont la chance de bénéficier, dès leur plus jeune âge, de
la présence dans la classe des enfants à besoins éducatifs particuliers (BEP), ils
seront tout à fait à l’aise, lorsqu’ils seront adultes, dans leurs relations avec les
personnes en situation de handicap.
Si l’école s’ouvre actuellement à l’intégration, la visée inclusive apparaît
toujours comme un idéal difficile à envisager pour de nombreux enseignants.
Alors que l’intégration se définit par l’accueil dans la classe régulière d’un enfant
à BEP, l’inclusion vise à assurer l’accès de tous les enfants, sans condition ni
discrimination aucune, à l’école régulière : « L’inclusion scolaire fait référence à
l’intégration de tous les enfants, ayant ou non des besoins particuliers, dans une
classe ordinaire correspondant à leur âge chronologique dans l’école du quartier »
(Rousseau et al., 2006, p. 13)1. Nous avons tenté de mettre en évidence les
différences entre les deux approches dans le tableau 3.
Intégration Inclusion
Les besoins de l’élève BEP doivent être Les besoins de tous les élèves doivent
satisfaits par des mesures spécialisées, être satisfaits à l’intérieur de la classe
si possible et en partie à l’intérieur ordinaire, notamment par des mesures
de la classe ordinaire. spécialisées.
L’élève est remis dans le circuit régulier, L’élève est inscrit d’emblée
après en avoir été exclu. dans une classe correspondant
à son âge chronologique et dans
son école de quartier.
1 Dans ce chapitre, le terme d’« intégration » est utilisé lorsque nous parlons des démarches, des moyens,
des outils, etc., mis en place pour permettre à l’enfant de participer à la vie de la classe. Le terme d’« inclusion »
est utilisé pour définir la finalité – dans le sens d’un idéal probablement jamais totalement atteint.
— 202 —
Perspectives – De l’appui pédagogique intégré…
Intégration Inclusion
L’école régulière doit donc être inclusive et tendre vers des pratiques de
différenciation permettant à chaque enfant de s’épanouir dans l’école régulière.
L’analyse des pôles – axiologique, épistémique ou praxéologique – permet de
justifier le choix de l’intégration-inclusion scolaire :
– pôle axiologique : il renvoie aux finalités de l’école et aux valeurs qu’elle
défend, comme la tolérance, le respect des différences et la valorisation
de la diversité (Kohout-Diaz, 2018). C’est ici la dimension éthique qui
justifie l’inclusion – celle-ci relevant, comme nous l’avons souligné, des
droits de l’enfant ;
– pôle épistémique : il se réfère aux savoirs scientifiques nécessaires pour
éclairer et justifier l’action. Les connaissances actuelles plaident également
pour l’inclusion : les études montrent clairement les bénéfices de l’inté-
gration pour l’enfant en situation de handicap, mais également pour les
autres élèves (Doudin et al., 2006 ; Rousseau et al., 2006 ; Doudin et al.,
2009 ; Noël, 2009 ; Ramel et Lonchampt, 2009 ; Bedoin et al., 2018) ;
– pôle praxéologique : il relève des modalités concrètes de la mise en
œuvre de l’intégration. Les démarches, méthodes et outils présentés
dans cet ouvrage sont éprouvés. La mise en œuvre de l’intégration est
donc possible, en élargissant le mandat de l’enseignant d’appui à cette
population d’enfants1.
Les avantages de l’inclusion scolaire sont notamment présentés, de manière
très claire, par Doudin et al. (2006) :
– les élèves intégrés développent leurs compétences scolaires et sociales
au contact des autres élèves ; ils progressent mieux qu’en classe
spéciale ;
– les adaptations pédagogiques prévues pour les élèves intégrés profitent
également aux autres élèves de la classe ;
– le fait de côtoyer des élèves en grande difficulté favorise le développement
d’attitudes de respect des différences individuelles chez les autres élèves ;
– les apprentissages des autres élèves ne sont aucunement péjorés par la
présence d’enfants en situation de handicap dans la classe.
1 En Suisse, les lois et règlements parlent également d’« appui » pour désigner l’accompagnement des
élèves à besoins éducatifs particuliers. L’appui est « ordinaire » pour les élèves en difficulté et « renforcé »
(critères de longue durée et d’intensité de l’aide) pour les enfants en situation de handicap.
— 203 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE
1 L’école pour tous participe d’une visée inclusive, donc d’un idéal. Elle doit encore réfléchir aux
meilleurs moyens d’accompagner certains enfants. Nous pensons en particulier aux enfants qui posent
des problèmes de comportement difficilement gérables en classe. À notre connaissance, l’école n’a pas
encore trouvé de solutions pour intégrer ces enfants. Peut-être faute de moyens suffisants et de conditions
favorables…
— 204 —
Perspectives – De l’appui pédagogique intégré…
— 205 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE
de chaque enfant. Les dispositifs intégratifs « font l’objet d’une analyse indivi-
dualisée, ceci dans le respect du bien-être et des possibilités de développement
de l’enfant ou du jeune concerné, en tenant compte de l’environnement,
de l’organisation scolaire et de l’avis des détenteurs de l’autorité parentale »
(DEF, 2018, p. 16). L’enseignant spécialisé encouragera donc l’intégration du
petit Julien qui entre en première primaire dans la classe de Madame Söder
et évitera, par contre, de consacrer son énergie à l’apostolat des intégratifs
résolus – le discours en la matière irrite plus qu’il ne convainc. Si, par contre,
l’enseignant spécialisé peut proposer son aide au titulaire, organiser les supports
de différenciation et élaborer le programme adapté, l’intégration peut être une
expérience extraordinaire pour tous les partenaires impliqués. Le mouvement
inclusif est lancé : à nous, les enseignants spécialisés, de nous y engager avec
toute l’énergie et la conviction nécessaires.
— 206 —
Conclusion
inutile » (p. 24). C’est ce qu’affirmait Philippe Theytaz en 1993 déjà, lors de
l’introduction de l’appui en Valais !
Après plusieurs décennies et en attendant ce futur rêvé – qu’on ne voit pas
avant après-demain, soyons réalistes… –, on peut se demander si la position
idéale de l’enseignant spécialisé n’est pas celle du médiocre ! S’il est carrément
nul, l’enseignant spécialisé ne sera plus guère sollicité : son travail dépend direc-
tement des signalements des titulaires ; plus de signalements, plus de travail. Si,
à l’opposé, l’enseignant spécialisé est d’une redoutable efficacité et s’il permet
rapidement à chaque élève de réussir dans sa classe, il se retrouve également
très vite sans travail. Les enseignants spécialisés en fonction – dont je suis –
devraient donc souvent s’interroger sur la qualité de leur travail et assumer,
probablement, en plus de leur humilitude, leur « médiocritude ».
Mais lorsqu’il peut aider un enfant, lorsqu’il soulage un collègue, lorsqu’il
permet à une famille de croire derechef en un meilleur possible, l’enseignant
spécialisé exerce la plus belle des professions. Et si ce métier est exigeant, il est
également passionnant. C’est une belle profession parce qu’elle s’occupe de
l’enfance et de son développement épanouissant. Et c’est la plus belle profession,
parce que c’est une profession de l’enfance blessée.
— 208 —
ANNEXES
ANNEXE 1
Redoublement ou promotion
Grille d’entretien et d’analyse globale
de la situation de l’élève
Nom de l’élève : ________________ Classe : ______ Titulaire : ____________________
— 210 —
Annexes
— 211 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE
ANNEXE 2
Grille annuelle de mathématiques de Lucas
Programme différencié – Lucas
Numération
Opérations
7. Maîtriser la multiplication
√ √ √
en colonnes (ex. : 475 × 38).
Applications et proportionnalité
Géométrie et mesures
— 212 —
Annexes
— 213 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE
ANNEXE 3
Tableau de gestion des tâches à domicile
Date : ________________________
Temps réel
J’ai récité
ma leçon
En ordre
J’ai mes
affaires
Temps
estimé
Midi
Soir
Devoirs :
Leçons :
— 214 —
Annexes
ANNEXE 4
Gérer ses tâches : travail réalisé
avec des enfants de 10 ans
Je dois préparer mes affaires, faire mes devoirs et apprendre mes leçons
— 215 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE
ANNEXE 5
Fiche d’auto-évaluation de l’élève
La division par soustractions successives
NON EN
PRÉREQUIS OK
acquis VOIE
OBJECTIFS-NOYAUX
— 216 —
Annexes
OBJECTIFS D’APPROFONDISSEMENT
Critère : lors de l’évaluation finale, l’élève qui réussit tous les objectifs-noyaux
s’assure une note de 5.
— 217 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE
ANNEXE 6
Objectifs annuels – Lecture 4P
2. L’élève sera capable d’utiliser le DÉCOR de l’histoire pour comprendre ce qu’il lit :
le titre – les illustrations – la présentation – la référence
3. L’élève sera capable de lire des CONSIGNES difficiles (plus de quatre informations)
et de réaliser ce qui est demandé.
Un annuaire
Un mode d’emploi Un règlement de jeu Un horaire
téléphonique
Une marche à suivre Une bande dessinée Un QCM Une table des matières
— 218 —
Annexes
ANNEXE 7
Comprendre des consignes
Objectifs de lecture 4P – Série 3
Élève : ________________
Consigne : je colorie en vert les évaluations que j’ai réussies et en rouge les autres.
— 219 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE
ANNEXE 8
Les mots de sens proche
— 220 —
Annexes
ANNEXE 9
Grille des processus mentaux
Quels processus mentaux sont nécessaires pour réussir la fiche de vocabulaire
de 5e primaire « Des mots de sens proche » (annexe 8) ?
PROCESSUS COMMENTAIRES
EXERCICE 1
PERCEPTION :
Première partie de la consigne :
J’explore d’une manière systématique : – déchiffre correctement, mais
– trois informations : compare / le texte ci-dessous / n’évoque pas
avec le texte du livre
Je classe les informations selon leur nature : – ne sort pas son livre
– compare : c’est ce qu’on demande
– le texte ci-dessous : le support
– avec le texte du livre : le matériel à préparer
Deuxième partie de la consigne :
– deux informations : souligne / les verbes de sens – retient uniquement le début
proche qui ont remplacé ceux du livre de la consigne (« souligne
les verbes »)
Je classe les informations selon leur nature :
– fait ce qu’on lui demande
– souligne : c’est ce qu’on me demande
– ne souligne que les verbes,
– les verbes de sens proche qui ont remplacé ceux
sans comparer
du livre : ce que je dois chercher
(…)
Je considère simultanément les informations : (…)
— 221 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE
PROCESSUS COMMENTAIRES
EXERCICE 3
ÉLABORATION :
Je perçois l’existence du problème :
– je dois trouver le mot de sens proche – a compris l’exercice
Je sélectionne les moyens à utiliser pour résoudre
le problème et je planifie leur utilisation :
– je lis la phrase
– je repère le mot mis en évidence – bonne planification
– je lis les deux mots qui suivent
Je raisonne logiquement :
– pour choisir le mot exact – est gêné par le vocabulaire
utilisé : ne comprend pas
RÉPONSE :
les mots « régional, voiture,
Je vérifie l’exactitude de ma réponse : trafic, CFF, modifient »
– en relisant la phrase et en remplaçant « wagon »
par « voiture », par exemple
À LA FIN DU TRAVAIL
Après le bilan fait sur ma fiche, je décide – dorénavant, Samuel lira le
d’améliorer mon efficacité dans un travail titre de la fiche et tâchera de
ultérieur : comprendre l’enjeu des exercices
_______________________________________ proposés : « dans cette fiche,
_______________________________________ je vais apprendre à… »
REMARQUES COMPLÉMENTAIRES
– À la fin des exercices, je demande à Samuel ce qu’il a appris en effectuant cette
fiche ; il me répond : « À souligner… » !
– Samuel maîtrise le concept de « sens proche », mais pas les termes utilisés (« sens » et
« proche ») ; il réalise en effet correctement l’ex. 3 dans les phrases où il ne rencontre
aucune difficulté de vocabulaire.
– En synthèse : Samuel n’a pas compris du tout l’enjeu de la fiche ; il ne comprend pas
les termes de « sens proche », mais a intériorisé le concept (il sait reconnaître des mots
de sens proche et en trouver). Je dois donc aider Samuel à lire le titre des fiches qu’il
réalisera dorénavant et à comprendre ce qu’il apprend lorsqu’il fait des exercices.
— 222 —
Annexes
ANNEXE 10
Grille d’entretien
INFORMATION REMÉDIATION
Informer S’impliquer
Ma définition de la situation : Objectifs :
Positif : Négatif : ___________________________________
_________________ _________________ ___________________________________
_________________ _________________ ___________________________________
_________________ _________________ ___________________________________
_________________ _________________ Moyens :
Mes attentes et mes limites : ___________________________________
___________________________________ ___________________________________
___________________________________ ___________________________________
___________________________________ ___________________________________
___________________________________ ___________________________________
S’informer Impliquer
1) Quel est le problème ? Objectifs :
___________________________________ ___________________________________
___________________________________ ___________________________________
2) Qu’avez-vous déjà fait ? ___________________________________
___________________________________ ___________________________________
___________________________________ Moyens :
3) Qu’attendez-vous de moi ? ___________________________________
___________________________________ ___________________________________
___________________________________ ___________________________________
4) Qu’êtes-vous disposé à faire ? ___________________________________
___________________________________ ___________________________________
___________________________________ ___________________________________
— 223 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE
ANNEXE 11
Canevas PPI (page 1)
RESSOURCES
Comportement :
Famille et divers :
DIFFICULTÉS / BESOINS
Comportement :
Famille et divers :
— 224 —
Annexes
OBJECTIFS
Objectif général :
Objectifs spécifiques :
– Pour la classe :
– Pour l’appui :
– Pour la maison :
Signatures :
— 225 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE
ANNEXE 12
Le projet pédagogique individuel (PPI)
d’Emma (page 1)
RESSOURCES
Comportement :
– participe en classe
– semble s’y sentir bien
– ne pose aucun problème de comportement
– est au clair avec les enjeux de l’appui
Attitude face à la tâche :
– peut montrer une attitude face à la tâche parfaitement adaptée (concentration,
notamment)
– bonne maîtrise de l’impulsivité
– se montre très à l’aise dans l’objectivation ; réfléchit avant de donner sa réponse
– a un très bon potentiel d’apprentissage
– demande de l’aide de manière pertinente
– est au clair avec ses difficultés (français et lecture, mais également qualité de son
travail et lenteur)
– dit « adorer » les maths, parce qu’elle « est forte »
Disciplines spécifiques :
Lecture :
– décodage et fluence corrects
– peut très bien comprendre, lorsque la tâche l’exige (e.g. Puzzle de lecture)
Famille et divers :
– a une grande sœur qui étudie au collège ; l’aide si nécessaire
– a beaucoup progressé depuis son entrée à l’école
– semble autonome dans la gestion des tâches à domicile
– loisirs : judo (« pour faire du sport ») et marionnettes
– parle l’arabe à la maison
— 226 —
Annexes
DIFFICULTÉS / BESOINS
Comportement :
– ne semble pas bien intégrée dans le groupe-classe (aime tout le monde… donc
personne en particulier)
– donne souvent des réponses HS, en classe (jamais en appui !)
– trouve sa maîtresse sévère
– est très facilement distraite (« souvent ailleurs »)
– pense ne pas être très intelligente (« puisque je fais souvent faux, au début »)
– se plaint du bruit dans la classe (ce qui la dérange)
Attitude face à la tâche :
– travaille très lentement
– passive, attend qu’on lui dise ce qu’elle doit faire ; souvent la dernière à se mettre
au travail
– peu pugnace, se montre souvent indolente ; associe « difficulté » et « longueur » de
l’activité
– se montre très discrète, en classe, « transparente » (ce qui lui évite de devoir s’engager
dans le travail…)
– fait pour faire, sans se fixer un critère de réussite (e.g. jeu Réussite, 4/10)
– a de la difficulté à entrer dans une tâche nouvelle (confiance en soi ? évitement
d’effort ? non-compréhension de l’enjeu ?)
– peu organisée
– montre parfois une pensée divergente qui l’éloigne de la tâche demandée en classe
(e.g. réunit les cartes par thèmes, dans le Réussite en lecture)
Disciplines spécifiques :
Lecture :
– ne réagit pas toujours à la perte de sens, ce qui rend la compréhension parfois difficile
– manque de précision dans la lecture, en particulier dans la lecture des consignes
(surcharge cognitive ?)
– vocabulaire pauvre (notamment celui propre aux consignes)
Famille et divers :
– parents séparés ; élevée en partie par la grand-mère
– a commencé l’école sans parler (manque de stimulations ?)
– statut d’« enfant-roi » à la maison ; peu frustrée
— 227 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE
OBJECTIFS
Signatures :
— 228 —
Annexes
ANNEXE 13
Tableau de correspondance des classes d’âge
dans les systèmes scolaires francophones
Ordre
Âge BELGIQUE FRANCE QUÉBEC SUISSE
d’enseignement
MATERNEL Avant (3-5) (2-5) Petite section (4 ans) École enfantine
6 ans Maternelle (1re année - Cycle 1) Pré-maternelle (4 ans) Classe de 1re
moyenne section (5 ans) (1 H)
(2e année-C1) Maternelle (5 ans) Classe de 2e
grande section (2H)
de maternelle
(3e année-C1
et 1re année-C2)
PRIMAIRE 6 ans 1re primaire CP 1re primaire classe de 3e (3H/1P)
(cours élémentaire - (1er cycle)
2e année - Cycle 2)
7 ans 2e primaire CE1 2e primaire classe de 4e (4H/2P)
(cours élémentaire - (1er cycle)
3e année - Cycle 2)
8 ans 3e primaire CE2 3e primaire classe de 5e (5H/3P)
(cours élémentaire - (1er cycle)
1re année - Cycle 3)
9 ans 4e primaire CM1 4e primaire classe de 6e (6H/4P)
(cours moyen - (2e cycle)
2e année - Cycle 3)
10 ans 5e primaire CM2 5e primaire classe de 7e*
(cours moyen - (3e cycle) (7H/5P)
3e année - Cycle 3)
11 ans 6e primaire 6e primaire classe de 8e* (8H/6P)
(3e cycle)
SECONDAIRE 11 ans classe de 6e (Collège)
12 ans 1re secondaire classe de 5e (Collège) 1re secondaire classe de 9e (1 CO)
13 ans 2e secondaire classe de 4e (Collège) 2e secondaire classe de 10e (2 CO)
e e e
14 ans 3 secondaire classe de 3 (Collège) 3 secondaire classe de 11e* (3 CO)
15 ans 4e secondaire classe de 2e (Collège) 4e secondaire gymnase 1
e
16 ans 5 secondaire classe de 1re (Collège) 5e secondaire gymnase 2
e
17 ans 6 secondaire terminale (Lycée) Cégep 1** gymnase 3
18 ans Cégep 2** gymnase 4
* Selon les cantons, le secondaire suisse commence en 9e ou en 8e, parfois dès la 7e.
** Le collège québécois (CEGEP : centre d’enseignement général ou professionnel) est un ordre spé-
cifique, intermédiaire entre le secondaire et l’université.
— 229 —
BIBLIOGRAPHIE
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— 239 —
Table des matières
Sommaire ...................................................................................... 7
Remerciements ............................................................................. 9
Introduction .................................................................................. 11
PREMIÈRE PARTIE
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE :
TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
CHAPITRE 1
Les mesures institutionnelles ....................................................... 37
1.1. Le redoublement ou la promotion automatique ............................ 37
1.1.1 Les résultats des recherches sur le redoublement ............. 38
1.1.2 Redoublement et lutte contre l’échec scolaire .................. 39
— 241 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE
— 242 —
Table des matières
SECONDE PARTIE
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE :
REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS
SPÉCIALISÉS
CHAPITRE 4
L’appui pédagogique : définition et fonctionnement .................. 133
4.1. Les fondements de la démarche d’appui ..................................... 134
4.2. Le concept d’appui pédagogique intégré...................................... 136
4.3. Le fonctionnement de l’appui ..................................................... 139
4.3.1 L’organisation de l’appui ................................................ 140
4.3.2 Appui global et appui spécifique ..................................... 141
CHAPITRE 5
La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui ............ 145
5.1. Une clé de collaboration : informer / s’informer / s’impliquer /
impliquer .................................................................................. 147
5.2. La collaboration enseignant spécialisé / titulaire ........................... 152
— 243 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE
— 244 —
Table des matières
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