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De l’échec scolaire

à la réussite
Pratiques pédagogiques

Une collection d’ouvrages associant sources théoriques, en lien avec les recherches les plus récentes,
et situations concrètes d’apprentissage à destination des enseignants, des formateurs d’enseignants,
des maîtres formateurs, des conseillers pédagogiques,
des inspecteurs, des enseignants débutants, des futurs enseignants.

Jean-Pierre ASTOLFI (éd.), Éliane DAROT, Yvette GINSBURGER-VOGEL, Jacques TOUSSAINT,


Mots clés de la didactique des sciences. Repères, définitions, bibliographie. 2 édition
Alain BAUDRIT, Le tutorat : richesses d’une méthode pédagogique
Alain BAUDRIT, Le tutorat : une solution pour les élèves à risque ?
Alain BAUDRIT, Élisabeth DAMBIEL-BIREPINTE, Le handicap en classe : une place pour le tuto-
rat scolaire ?
Lucile BONCOMPAIN, Réussir un projet d’établissement. Renforcer le leadership du chef d’établisse-
ment par la valorisation des pratiques de classe
C.M. CHARLES, La discipline en classe. Modèles, doctrines et conduites. 3 édition
Chiara CURONICI, Françoise JOLIAT, Patricia McCULLOCH, Des difficultés scolaires aux res-
sources de l’école. Un modèle de consultation systémique pour psychologues et enseignants
Chiara CURONICI, Patricia McCULLOCH, Psychologues et enseignants. Regards systémiques
sur les difficultés scolaires. 2 édition
Joaquim DOLZ, Jean-Louis DUFAYS, Claudine GARCIA-DEBANC, Claude SIMARD, Didactique
du français langue première 2 édition revue et actualisée.
Eric FLAVIER, Sylvie MOUSSAY, Répondre au décrochage scolaire. Expériences de terrain
Jocelyne GIASSON, La compréhension en lecture. 3 édition
Laurent LEDUC, Rédiger des plans de cours. De la théorie à la pratique
Gérard MORIN, Daniel OLIVIER-LAMESLE, Pratiques de classe et formation
Gavin REID, Enfants en difficulté d’apprentissage. Intégration et styles d’apprentissage
Xavier ROEGIERS (coord.), Les pratiques de classe dans l’APC. La Pédagogie de l’Intégration au
quotidien de la classe
Alain THIRY, La pédagogie PNL. Lecture comparée à différentes approches en pédagogie et en
sciences cognitives
Alain THIRY, Yves LELLOUCHE, Apprendre à apprendre avec la PNL. Les stratégies PNL d’appren-
tissage à l’usage des enseignants du primaire. 4 édition
Pierre VIANIN, L’aide stratégique aux élèves en difficulté scolaire. Comment donner à l’élève
les clés de sa réussite ?
Pierre VIANIN, La motivation scolaire. Comment susciter le désir d’apprendre ?
Pierre VIANIN, La supervision pédagogique. L’accompagnement des stagiaires
Rolland VIAU, La motivation en contexte scolaire. 2 édition
Philippe VIENNE, Comprendre les violences à l’école. 2 édition
Laurence VIENNOT, Enseigner la physique
Laurence VIENNOT, Raisonner en physique. La part du sens commun
Pierre Vianin

Pratiques pédagogiques
De l’échec scolaire
à la réussite
Accompagner l’élève
en difficulté d’apprentissage
Pour toute demande, commentaire, renseignements, Pierre Vianin peut être contacté à
l’adresse e-mail suivante : pierrevianin@bluemail.ch

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de spécialisation, consultez notre site web : www.deboecksuperieur.com

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Rue du Bosquet, 7 – 1348 Louvain-la-Neuve

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Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment


par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans
une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de
quelque manière que ce soit.

Dépôt légal :
Bibliothèque nationale, Paris : février 2022 ISSN 0778-0451
Bibliothèque Royale de Belgique, Bruxelles : 2022/13647/019 ISBN 978-2-8073-4040-4
À tous mes élèves,
pour l’excellente formation qu’ils m’ont donnée.
Sommaire

Remerciements ............................................................................. 9

Introduction .................................................................................. 11

Propos liminaires – L’échec scolaire : définitions et enjeux....... 15

PREMIÈRE PARTIE
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE :
TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
CHAPITRE 1
Les mesures institutionnelles ....................................................... 37
CHAPITRE 2
Les mesures pédagogiques .......................................................... 65
CHAPITRE 3
Les mesures d’aide individuelle ................................................... 95

— 7 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE

SECONDE PARTIE
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE :
QUELQUES REPÈRES
POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
CHAPITRE 4
L’appui pédagogique : définition et fonctionnement .................. 133
CHAPITRE 5
La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui ............ 145
CHAPITRE 6
Évaluation de l’appui comme mesure de promotion
de la réussite scolaire................................................................... 173

Perspectives – De l’appui pédagogique intégré à l’appui


pédagogique intégrant ................................................................. 201

Conclusion .................................................................................... 207

Annexes ......................................................................................... 209


Bibliographie ................................................................................ 231
Table des matières........................................................................ 241

— 8 —
Remerciements

Je tiens à remercier très chaleureusement mes collègues enseignants du Centre


scolaire de Noës qui partagent tous le souci de la lutte contre l’échec scolaire et
me permettent de travailler, comme enseignant spécialisé, dans d’excellentes
conditions.

Un grand merci également à Évane, Maëlle et Ursula Vianin,


Stéphane Moulin, Christine Favre et Philippe Theytaz, qui ont eu la gentillesse
de lire et corriger le manuscrit.

Merci enfin – et surtout – à toutes mes femmes (!) : Ursula, Camille, Maëlle
et Évane.

— 9 —
Introduction

La lutte contre l’échec scolaire est d’une extrême complexité. Les causes de la
difficulté d’apprendre sont multiples. Dès lors, la tentation est grande de renoncer
devant l’ampleur de la tâche et d’attendre une aide extérieure – de l’adminis-
tration publique, de l’institution scolaire, du monde politique – pour combattre
le phénomène.
Or la lutte contre l’échec scolaire ne se fera pas d’abord par des dispositifs
lourds ou des décisions politiques. Elle doit au contraire se construire par les
enseignants1 ici et maintenant. Il y a urgence ! On ne peut pas espérer indéfi-
niment des solutions idéales ou des dispositifs exemplaires. La petite Sophie
qui n’apprend pas à lire, le petit Julien qui ne sait pas résoudre des problèmes
mathématiques ne peuvent pas attendre. C’est aujourd’hui qu’ils ont besoin de
notre aide.
Les raisons premières de notre engagement pour les enfants en difficulté
touchent à des questions éthiques et à des valeurs humanistes. L’école doit impé-
rativement renoncer à exclure, à marginaliser les enfants les moins performants.
Pour un élève, redoubler ou être orienté vers une structure spécialisée, c’est
être placé en marge, ne plus trouver sa place dans son monde à lui, l’école.
Comme le relève Siaud-Facchin (2008), « les apprentissages sont au centre de
l’école, l’école est au centre de la vie de l’enfant : un échec scolaire retentit sur
toutes les sphères de sa personnalité, sur toute sa vie affective, sur tout son
développement » (p. 23).
Si tous les enseignants partagent le souci de la lutte contre l’échec scolaire,
nombreux sont ceux qui se sentent souvent bien seuls et démunis dans ce combat.
De plus, la gestion de la classe devient de plus en plus difficile : la population
scolaire est toujours plus hétérogène, les parents sont devenus critiques et exi-
geants, les chercheurs questionnent le fonctionnement de l’institution scolaire,

1 Le masculin utilisé dans cet ouvrage est purement grammatical. Il renvoie à des collectifs composés
d’hommes et de (très nombreuses !) femmes.

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DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE

les pédagogues encouragent la différenciation sans proposer nécessairement


aux enseignants les moyens adéquats pour la réaliser, etc. Cet ouvrage tente
d’apporter des solutions à ces différentes problématiques et des pistes pour
lutter contre l’échec scolaire. Il vise un double objectif :
Il s’agit, dans la première partie de l’ouvrage, de clarifier les enjeux
de la lutte contre l’échec scolaire, comprendre pourquoi certains élèves sont
en difficulté et proposer une démarche et des moyens efficaces pour les aider.
L’ouvrage s’adresse donc à tous les intervenants qui trouveront des réflexions
leur permettant de clarifier leur rôle. Il peut donc intéresser les enseignants
de classe régulière (professeurs des écoles, titulaires, maîtres de classe, etc.),
mais également les professionnels de l’éducation (éducateurs, psychologues,
thérapeutes, etc.), les parents – qui se trouvent régulièrement dans la situation
d’« aidants » – voire les élèves. Nous aimerions partager avec eux certaines
démarches et certaines pistes de travail, fruits d’une pratique de plus de vingt
ans dans l’accompagnement des élèves en difficulté1. Toutes les personnes
confrontées aux difficultés scolaires trouveront donc dans cet ouvrage un
guide d’intervention – présentant de nombreux exemples – leur permettant
d’apporter une aide réelle à l’enfant ou à l’adolescent. C’est pourquoi nous
parlons souvent dans cet ouvrage d’« intervenant » pour désigner l’aidant
(enseignants, éducateurs, thérapeutes, psychopédagogues, psychologues
scolaires, orthophonistes2, psychomotriciens, parents, etc.) de manière à ce
que toutes les personnes souhaitant aider les élèves en difficulté se sentent
concernées par les propositions.
La seconde partie de l’ouvrage est plus spécifique. Elle s’adresse aux
enseignants spécialisés qui interviennent directement dans l’école pour accompa-
gner les élèves en difficulté (orthopédagogues, maîtres E, maîtres G, enseignants
de soutien, enseignants d’appui, enseignants-ressources, etc.)3.
Si nous parlons d’« intervenant » dans la première partie du livre (pour les
raisons évoquées plus haut), nous utilisons les termes d’« enseignant spécialisé »
ou d’« enseignant d’appui » dans la seconde. C’est en effet une fonction parti-
culière qui est attribuée ici à des enseignants en charge de l’appui aux élèves en
difficulté. La seconde partie de l’ouvrage constitue donc un « mode d’emploi »
destiné à l’enseignant spécialisé qui travaille dans les classes et dans l’école.
Elle peut s’adresser également aux enseignants réguliers4 et aux parents qui
comprendront mieux, en la lisant, le travail des enseignants d’appui et pourront
ainsi collaborer plus activement avec eux.

1 Le « nous » utilisé dans ce livre est un pluriel de modestie et, par conséquent, engage uniquement son
auteur.
2 Les orthophonistes – ou logopèdes – sont appelés « logopédistes » en Suisse.
3 En France, les « maîtres E » sont chargés des aides à dominante pédagogique, alors que les « maîtres G »
s’occupent des aides à dominante rééducative.
4 En Suisse, l’enseignant de la classe régulière est souvent appelé « enseignant titulaire », « titulaire »,
« enseignant régulier » ou « enseignant ordinaire ». Nous utilisons donc ces termes comme des synonymes
dans cet ouvrage.

— 12 —
Introduction

Pour répondre à la solitude endémique des enseignants face aux multiples


problématiques rencontrées, l’école s’est dotée, depuis quelques années, d’un
atout important en développant des mesures d’appui pédagogique intégré.
Ces mesures d’appui sont d’une importance déterminante dans la lutte contre
l’échec scolaire. Jamais, dans l’histoire de l’école obligatoire, l’institution scolaire
n’a disposé d’un moyen aussi souple, aussi efficace, aussi proche des enseignants
et des élèves. C’est pourquoi la seconde partie de l’ouvrage sera consacrée au
travail essentiel de l’enseignant d’appui1.

1 Comme nous enseignons en Valais (Suisse), la présentation s’inspire du modèle que nous connaissons
le mieux. Celui-ci constitue selon nous un dispositif fonctionnel et efficient de lutte contre l’échec scolaire.
En effet, depuis plus de trente ans, le système scolaire valaisan propose un accompagnement intégré des
élèves en difficulté et en situation de handicap.

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Propos liminaires
L’échec scolaire :
définitions et enjeux

1. DÉFINIR L’ÉCHEC SCOLAIRE


Si le concept d’échec scolaire est constamment utilisé par tous les partenaires
de l’école, il est paradoxalement difficile à définir. « La notion d’échec est rela-
tive. Elle dépend de facteurs à la fois externes et personnels à chacun. Selon
l’époque, la culture de référence, le milieu socioculturel, la notion d’échec aura
des valeurs distinctes » (Siaud-Facchin, 2008, p. 32).
Ainsi, pour l’institution scolaire, c’est la promotion qui est vécue comme
une réussite et le redoublement comme un échec. Quoi qu’il en soit, l’échec
suit toujours une évaluation ; c’est donc la difficulté à suivre le programme et à
atteindre ses objectifs qui met l’élève en échec. Cette incapacité à répondre aux
attentes de l’école et aux exigences du programme devient alors l’expression
de l’échec (Drouin, 2008).
Le rapport à la norme et l’écart constaté avec le groupe peuvent également
signaler un échec : ce ne sont plus ici les objectifs qui font référence, mais le
niveau de la classe qui devient la norme. Mieux vaut alors, si on est un élève
« moyen », se trouver dans une classe de « faibles » ! La question du temps est égale-
ment omniprésente à l’école : il s’agit de réussir, mais dans les temps. L’essentiel
n’est pas d’apprendre – tous les élèves y arrivent – mais d’apprendre dans les
temps. Par exemple, l’enfant est en échec s’il ne maîtrise pas le déchiffrement
au mois de décembre de la 3e année1 ! Ainsi, pour certains auteurs, « un élève

1 Les degrés du primaire indiqués dans cet ouvrage correspondent à la classe d’âge en Suisse. Pour
les autres pays, le lecteur peut consulter le tableau de correspondance des classes d’âge dans les systèmes
scolaires francophones (annexe 13).
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE

en difficulté est un jeune qui, à un âge donné, ne maîtrise pas les compétences
annoncées dans les programmes » (Delvolvé, 2010, p. 40).
Mais si l’échec peut se définir par des critères plus ou moins objectifs
(redoublement, résultat insuffisant suite à l’évaluation, retard dans les acqui-
sitions, objectifs non atteints, etc.), il est souvent subjectif et dépend des
appréciations des différents partenaires. Il peut être défini par le vécu d’un
élève qui pense que, quoi qu’il fasse, il n’y arrivera pas. D’autres fois, ce
sont les parents qui induisent un sentiment d’échec en ayant des attentes de
réussite très (trop ?) importantes. Par exemple, des parents peuvent trouver
que leur enfant est en échec parce qu’il ne pourra pas poursuivre des études
secondaires, alors que l’enseignant, dans la même situation, peut estimer que
son élève réussit puisqu’il passe l’année ; et le même enfant peut penser, quant
à lui, qu’il réussit parfaitement puisqu’il peut poursuivre sa scolarité avec ses
copains de classe !
Une clarification qui peut être utile consiste à distinguer la difficulté scolaire
de l’échec. Alors que la « difficulté » est passagère, l’« échec » peut compromettre
la réussite scolaire et réduire les opportunités de formation. « La difficulté est
normale et utile. Elle est inhérente à tout parcours : il n’existe pas de parcours
sans obstacle. La difficulté fait partie de la formation, elle est indispensable »
(Siaud-Facchin, 2008, p. 31). Si l’élève en difficulté peut compenser son
retard par des exercices complémentaires, du temps supplémentaire ou un
surcroît d’aide, l’aide à un élève en échec exigera une réflexion de fond sur
ses ressources, ses difficultés et ses besoins. Alors que l’élève en difficulté pro-
fitera d’une forme de rattrapage scolaire ou d’« aide personnalisée » (Vigarié,
2014), l’élève en échec devra bénéficier d’un projet pédagogique répondant
à ses besoins spécifiques.
Pour certains auteurs (Célestin-Westreich et Célestin, 2008), la notion
d’échec scolaire est étroitement liée aux troubles qui l’accompagnent : « L’échec
scolaire consiste implicitement aussi bien dans les difficultés à acquérir les
matières scolaires, récentes ou non, que dans les troubles d’ordre compor-
temental, émotionnel ou relationnel susceptibles d’interférer significative-
ment avec les processus d’apprentissage ou la trajectoire scolaire dans son
ensemble » (p. 33). La distinction entre « retard d’apprentissage » ou « trouble
d’apprentissage » est connexe à celle qui permet de différencier la difficulté
de l’échec : alors que le retard désigne l’écart entre le niveau de l’élève et
celui attendu à son âge, le trouble montre une réelle difficulté d’apprentis-
sage (Loret, 2010). Si le retard peut se compenser par un rattrapage scolaire
(« faire plus » ou « faire mieux »), le trouble engage une réflexion sur les causes
de l’échec scolaire et justifie la mise en place d’un projet pédagogique (« faire
autrement » ; cf. chapitre 3.3).
Quoi qu’il en soit, l’échec scolaire peut être défini comme un écart à la
norme. « La difficulté apparaît majoritairement décrite dans les discours en
termes d’écart à une norme scolaire, définie comme l’ensemble des compétences

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Propos liminaires – L’échec scolaire : définitions et enjeux

attendues au regard du niveau de la classe fréquentée » (Brisset et al., 2009,


p. 75). Cet écart à la norme peut être un écart entre le niveau de l’élève et…
– les objectifs du programme ;
– le niveau de la classe ;
– les attentes (de l’enseignant, des parents ou de l’élève lui-même).
Comme une définition simple de l’échec est difficile à établir, il est évi-
demment risqué de proposer un pourcentage d’élèves en échec. La littérature
avance néanmoins un taux d’environ 20 % (Bringuier, 2016 ; Jarraud, 2019 ;
Pouhet, 2020). Ce dernier se réfère notamment au nombre de redoublements
et correspond à celui avancé par Fuchs dans son « modèle de réponse à l’inter-
vention » (RAI) (in Tremblay, 2012, 64-66). Nous y reviendrons notamment
dans la section consacrée au redoublement (chapitre 1.1).
Quelle que soit la définition théorique que l’on peut donner de l’échec sco-
laire, la souffrance des enfants et des parents est souvent sous-estimée par les
enseignants. Or « l’échec scolaire est la première cause d’angoisse des enfants
vis-à-vis de l’école. Un peu plus pour les filles : 69 %, que pour les garçons :
59 % » (Siaud-Facchin, 2008, p. 35).
Dans notre travail d’enseignant d’appui, lorsque nous demandons à nos
élèves, au début de l’année scolaire, ce qui les motive ou ce qui est important
pour eux, ils nous parlent systématiquement de réussite et d’échec, et très
rarement d’apprentissage ! « Je veux faire des bonnes notes, je souhaite passer
l’année, je ne veux surtout pas redoubler, etc. ».
En tant qu’enseignant, nous souhaiterions plutôt que nos élèves nous parlent
de leur motivation à apprendre, de leur rapport jouissif au savoir et de leur impa-
tience à développer de nouvelles compétences, etc. Que sont donc les émotions
épistémiques devenues !
Finalement, on peut se demander si parler d’échec « scolaire », ce n’est pas
d’abord parler de l’échec de l’école, avant de parler de l’échec à l’école. L’adjectif
« scolaire » désignant l’école, c’est bien cette première acception qui peut – ou doit –
être retenue pour comprendre l’échec (Delvolvé, 2010). Si les élèves quittent la
scolarité en étant dégoûtés de l’apprentissage, c’est que l’école a failli ! Si les élèves
ont d’abord le souci de passer l’année avant celui d’apprendre, c’est que sa mission
a échoué ! Par conséquent, la lutte contre l’échec scolaire doit impliquer non seu-
lement l’élève, mais également l’école comme institution et l’enseignant comme
acteur central du processus d’enseignement. En fait, si le fonctionnement même
de l’école n’évolue pas, l’institution produira encore et toujours de l’échec scolaire.
Dans un tel contexte, si l’aide individuelle à l’enfant en difficulté est absolument
nécessaire, on se rend rapidement compte qu’elle est néanmoins insuffisante.
C’est pourquoi nous distinguons dans cet ouvrage les mesures individuelles des
mesures pédagogiques et institutionnelles (cf. chapitres 1 à 3).
Et si l’échec scolaire n’était finalement pas un problème pour tout le monde…
Que vaudrait en effet le diplôme de quelques-uns s’il ne prenait pas de la valeur

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DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE

« grâce » à l’échec de tous les autres ?! L’école est parfois schizophrénique : au


discours politiquement correct de « l’école de la réussite » s’oppose une exigence
de sélection1. L’enseignant est ainsi du côté des apprentissages, durant le temps
de l’enseignement, et de celui de la sanction, lors des évaluations sommatives et
certificatives. Comme le relève Meirieu (2013), « longtemps, l’échec scolaire n’a
pas été un problème. C’était, en réalité, une solution à la question de la sélection.
[…] Si le discours s’est adouci, les pratiques n’ont guère changé en profondeur »
(5-6). On peut donc se demander si l’école pourrait se passer de l’échec, tant
ce dernier semble consubstantiel à son fonctionnement – et notamment à son
dispositif d’évaluation. Si le constat est pesant, nous verrons dans cet ouvrage
que des solutions existent.

2. LES CAUSES DE L’ÉCHEC SCOLAIRE


Si la définition de l’échec scolaire est difficile, la recherche de ses causes est
encore plus complexe. Celles-ci sont multiples et les explications permettant de
comprendre ce qui bloque certains élèves sont évidemment très nombreuses.
Nous nous risquons dans cette section à en établir une typologie. Nous distin-
guons huit causes principales – qui se croisent souvent lorsque l’on tente de
comprendre les difficultés d’un élève en particulier.

2.1 Les aptitudes intellectuelles

Pour certains, les aptitudes intellectuelles de l’élève seraient en cause et per-


mettraient d’expliquer l’échec scolaire : l’élève échouerait parce qu’il n’est pas
intelligent ! L’utilisation des tests de QI a renforcé cette conception en réduisant
l’intelligence au résultat d’un calcul mathématique et à un nombre global. Cette
thèse nous semble orientée idéologiquement. Sans nier les différences indivi-
duelles, nous postulons une éducabilité certaine de tous les enfants, le caractère
héréditaire de l’intelligence n’ayant jamais été prouvé. « Ce postulat d’éducabilité
cognitive de tous est à la base des actions de lutte actuelles contre l’échec et le
décrochage scolaire » (Chupin, 2013, p. 192).

Comme le relève Prot (2010), « l’expression, entendue lors d’un conseil de


classe, “Gaëtan est limité”, est particulièrement inacceptable. […] Ma pra-
tique me montre à quel point est artificiel un jugement définitif dans ce
domaine : il ne prend pas en compte l’évolution possible de la personne »
(p. 43). En effet, si Gaëtan n’exprime qu’une partie de son potentiel, dans le
contexte actuel, il pourrait tout à fait montrer de bien meilleures ressources

1 Si l’objectif de l’évaluation était d’orienter l’élève vers des structures de formation post-obligatoires
correspondant à son profil de compétences, la sélection serait remplacée par l’orientation. Par conséquent,
l’échec ne serait plus la solution à la sélection et l’école serait focalisée prioritairement sur la formation
et l’orientation.

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Propos liminaires – L’échec scolaire : définitions et enjeux

dans une autre discipline, avec un autre enseignant ou dans une autre situa-
tion d’apprentissage.

Le principe d’éducabilité est au cœur de l’accompagnement des élèves en


difficulté. Il engage les adultes à croire inconditionnellement aux possibilités de
progrès de l’enfant et, pour l’enfant lui-même, à savoir qu’il possède toutes les
ressources nécessaires pour réussir à l’école. « Pour un élève, se reconnaître
en devenir signifie avoir conscience de sa capacité à évoluer, à progresser. Se
considérer comme une personne, jamais figée dans une situation ni enfermée
dans un “arrêt sur image” » (Prot, 2010, p. 53). Une difficulté ou un échec
ne condamnent jamais l’élève, mais l’engagent, avec l’aide des adultes, à en
comprendre les raisons et à envisager les aides et remédiations nécessaires.
Si certains enfants présentent une déficience mentale avérée (sensorielle,
motrice ou mentale), ce ne sont que 2 à 3 % de la population totale des enfants.
Ce qui veut dire que 97 à 98 % des élèves devraient réussir à l’école ! Ces der-
niers ont réussi normalement à apprendre à marcher, à parler, à communiquer,
à gérer leurs émotions, à adapter leur comportement, etc. Il n’y a donc aucune
raison qu’ils n’apprennent pas à lire, à écrire et à calculer. Précisons ici qu’avant
de décréter que l’élève présente une déficience mentale, il s’agit d’écarter toutes
les autres raisons qui pourraient expliquer les difficultés d’apprentissage.

2.2 Les « dys »


Les diagnostics de « dys » (-lexie, -orthographie, -calculie, etc.) ont explosé depuis
quelques années. Ils posent les mêmes difficultés que le quotient intellectuel : s’ils
permettent un éclairage intéressant sur la problématique de l’élève, ils risquent
bien de l’étiqueter comme un enfant présentant un trouble qui le met inexora-
blement en échec. Cette approche médicale engage souvent les intervenants à
associer une remédiation spécifique, liée au trouble, alors que l’enfant présente
des besoins – toujours singuliers – qui ne se résument pas au diagnostic.
Les troubles principaux que l’on rencontre à l’école sont :
– la dyslexie : elle est un trouble de l’apprentissage de la lecture qui perdure
au-delà de la phase d’apprentissage elle-même ; elle consiste en une difficulté
massive et persistante d’apprentissage de la lecture et/ou de l’orthographe,
chez des enfants intelligents, ne souffrant d’aucun déficit autre ;
– la dysorthographie : très souvent liée à la dyslexie, elle se manifeste par
une expression écrite difficile et une orthographe mal maîtrisée ;
– la dysphasie : elle s’inscrit dans les troubles de la communication et se
manifeste par un développement du langage oral qui est difficile ; les élèves
qui présentent une dysphasie ont souvent de la difficulté à communiquer
leur pensée ;
– la dyscalculie : comme son nom l’indique, les élèves dyscalculiques ont
des difficultés à effectuer des calculs ; leur compréhension des nombres

— 19 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE

est entravée, ce qui perturbe également la résolution des problèmes


mathématiques ;
– le trouble déficitaire de l’attention (TDA/H) : ce trouble se manifeste
principalement par des difficultés attentionnelles, accompagnées parfois
d’hyperactivité ; les trois symptômes principaux sont le trouble de l’atten-
tion, l’impulsivité et l’hyperactivité ;
– la dyspraxie : elle relève de troubles moteurs et inclut des difficultés de
coordination ; ce sont donc les habiletés motrices qui sont touchées ; les
enfants dyspraxiques sont souvent maladroits et/ou désorientés ;
– le haut potentiel intellectuel (HPI) : il peut paraître surprenant de consi-
dérer le haut potentiel comme un trouble. Or les élèves HPI peuvent se
trouver, paradoxalement, en échec, l’école ne tenant pas suffisamment
compte de leurs besoins ; le HPI peut se manifester par un décalage entre
le développement cognitif, affectif et social.
En réalité, le préfixe « dys » désigne simplement des difficultés dans un
domaine. Si cette approche médicale perdure, on peut s’attendre à parler
prochainement de « dysgymnie » – pour les élèves qui présentent des difficultés
en salle de sport – ou de « dysvocalie » – pour ceux qui ne chantent pas tout à
fait juste… C’est pourquoi nous proposons de tenir compte, évidemment, du
diagnostic posé, mais de l’inscrire dans une analyse globale des ressources,
des difficultés et des besoins de l’élève. Il s’agit de tenter de comprendre
pourquoi, pour cet enfant, les apprentissages sont difficiles. L’importance du
diagnostic doit donc être relativisée dans le choix du dispositif de remédiation
(cf. chapitre 3.2).
Le succès actuel des diagnostics « dys » interroge. Faut-il y voir une volonté
(ou un désir ?) des parents de refuser d’attribuer les difficultés à l’enfant lui-même
(par exemple, son manque de travail ou de motivation) ou à la famille (manque
de soutien) ? Le diagnostic permet en effet d’orienter l’explication de l’échec
scolaire vers des difficultés « réelles » sur lesquelles les parents n’ont pas de prise,
donc pas de culpabilité à assumer (Morel, 2016). De plus, si le diagnostic est
posé, les parents peuvent revendiquer des aménagements scolaires et bénéficier
d’avantages pour leur enfant (par exemple des adaptations pédagogiques, plus
de temps pour les examens, une promotion dans le degré supérieur, etc.). Ce
peut être également l’enseignant qui souhaite l’identification d’un trouble et la
pose d’un diagnostic pour ces mêmes raisons.

2.3 Les troubles affectifs et psychologiques

Les difficultés scolaires sont souvent associées à des troubles affectifs. Comme
le relève Geddes (2012), « les expériences sociales et émotionnelles influencent
le comportement à l’école et peuvent avoir des répercussions sur l’apprentis-
sage » (p. 53). Les problèmes personnels, familiaux ou d’intégration dans le

— 20 —
Propos liminaires – L’échec scolaire : définitions et enjeux

groupe-classe, par exemple, peuvent perturber les apprentissages scolaires.


La phobie scolaire, la dépression et les angoisses de l’enfant le rendent peu
disponible pour les apprentissages scolaires. Les processus conatifs sont par
conséquent perturbés et l’enfant peine à s’engager cognitivement dans les
tâches proposées à l’école. On peut alors parler de « hors jeux » qui « peuvent
être déclenchés et amplifiés par une situation déstabilisante, extérieure à l’école
et envahissante » (Viville et Depecker, 2014, p. 89).
Les enseignants doivent également tenir compte d’un fait social relativement
nouveau : actuellement, un enfant sur deux vit – ou a vécu – la séparation de
ses parents. Les difficultés peuvent être passagères, mais parfois l’enfant doit
vivre durant des années une situation conflictuelle, dans laquelle il est souvent
pris en otage. Pour l’enseignant, tolérer une « parenthèse chagrin » permettrait
à l’enfant de traverser ces orages affectifs tout en gardant le cap de la réussite
scolaire (Chupin, 2013)1. Pour grandir, les enfants ont besoin de sécurité. L’école
peut être ce lieu de bien-être durant les périodes de turbulences familiales.
Autre problématique nouvelle – ou plutôt nouvellement identifiée : le harcè-
lement (ou bullying). Certains comportements tyranniques peuvent exister entre
les élèves et rendre l’apprentissage scolaire difficile. Certains enfants, victimes
de harcèlement, peuvent être d’abord préoccupés par la violence qui leur est
faite plutôt que par la maîtrise de l’addition en colonnes ! On les comprend…
Comment être disponible pour les apprentissages scolaires si l’on craint la sortie
de la classe ou le trajet en bus ? Toutes les formes de violence physique, verbale
ou psychologique peuvent gravement perturber les apprentissages. L’école doit
donc veiller à assurer un climat de travail serein, dans lequel les apprentissages
ne sont pas perturbés – en classe, dans la cour de récréation ou sur le chemin
de l’école – par l’intimidation et le harcèlement.
L’élève peut également souffrir d’une « peur d’apprendre » qui le met en échec
(Boimare, 2014). Certains enfants, fragilisés par un parcours de vie compliqué,
tolèrent difficilement le temps de suspension nécessaire à l’apprentissage. Or
la déstabilisation cognitive participe du processus d’apprentissage. Ces enfants,
n’ayant pas suffisamment confiance en eux, acceptent mal de se laisser désta-
biliser par un savoir qui peut entrer en conflit avec leurs représentations. Avant
de s’engager dans les apprentissages, « ils ont besoin d’avoir la preuve que ce
ne sera pas “dangereux” pour eux. Question d’image de soi, de confiance en
soi et d’estime de soi » (Prot, 2010, p. 41).
Cette « auto-interdiction de réussite » peut s’expliquer par plusieurs raisons2 :
– la résignation apprise : l’élève a trop souvent échoué et il ne croit plus
en ses capacités de réussir ; il a appris à se résigner, à force d’échouer
malgré les efforts ;

1 Ce qui ne devrait pas empêcher l’enfant de retrouver à l’école son statut d’« élève » et non plus d’« enfant
du divorce » – statut qui le maintiendrait dans une situation compliquée et risquerait de le perturber dans
ses apprentissages scolaires.
2 Lire à ce propos Prot (2010).

— 21 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE

– l’image de soi : l’échec scolaire a contaminé l’image de soi de l’enfant ; ses


difficultés en mathématiques ont modifié la perception qu’il a de lui-même
et de son intelligence ;
– l’estime de soi : plus grave, l’enfant préfère parfois ne plus prendre de
risque pour préserver son estime de lui-même ; il vaut mieux ne plus rien
tenter, puisque tenter, c’est risquer d’échouer à nouveau ;
– l’identité : plus dramatique encore, certains élèves construisent leur identité
autour de leur échec scolaire ; l’enfant devient « celui qui ne réussit pas »,
« celui qui n’a pas la bosse des maths » ou encore « celui qui est dyslexique ».
Ces quatre explications correspondent à des degrés qui augmentent avec les
échecs répétés. Puisqu’apprendre, c’est prendre le risque de changer – en ayant
l’audace de l’inconnu –, il s’agit pour les enseignants de créer les conditions
permettant de renforcer l’image de soi tout en tolérant une période d’incertitude
– où ce que l’on pensait savoir est questionné sans qu’une nouvelle connaissance
ne soit encore stabilisée. « Apprendre étant, par nature, insécurisant, l’élève a
besoin d’une sécurité interne et externe suffisante pour accéder à du nouveau
pour lui. Certains enfants, qui vivent des situations familiales ou relationnelles
déstabilisantes, ont du mal à accéder à de nouveaux savoirs et savoir-faire.
Retenus par le besoin de structurer une sécurité, ils ne peuvent risquer l’inconnu »
(Prot, 2010, p. 80). Il s’agit donc, pour la famille également, d’offrir à l’enfant
un cadre sécurisant, puisqu’apprendre engage l’enfant à s’aventurer dans les
terres inconnues du savoir.

2.4 Le milieu socioculturel

Comme les recherches l’ont suffisamment montré, l’échec scolaire touche mas-
sivement les élèves issus de familles dites « défavorisées socio-culturellement »
(handicap socioculturel) : « La destinée scolaire est en lien étroit avec le niveau
d’études des parents plus qu’avec tous les autres paramètres corrélés tels que
la catégorie socioprofessionnelle ou les revenus » (Wahl et Madelin-Mitjavile,
2007, p. 244). Historiquement, l’école obligatoire est une école bourgeoise,
défendant certaines valeurs et elle est, de ce fait, culturellement orientée. Un
écart important peut ainsi exister entre les normes culturelles et idéologiques de
certaines familles et les valeurs de l’école. Le contenu scolaire n’est donc pas
neutre, mais orienté idéologiquement. L’habitus des classes sociales dominantes
s’est imposé à l’école ; de ce fait, le rapport au savoir et à l’apprentissage de
certains milieux socioculturels défavorise certains enfants. L’école, loin de lutter
efficacement contre ce phénomène, amplifie souvent les inégalités (carrefours
décisionnels, aspirations, pronostics de réussite, etc.).
Les enfants de milieu socioculturel défavorisé présentent deux difficultés
principales lors de leur entrée à l’école :
– ils ne sont pas préparés à y apprendre parce qu’ils n’ont pas reçu les
informations nécessaires à la compréhension des enjeux de l’école.

— 22 —
Propos liminaires – L’échec scolaire : définitions et enjeux

« Personne ne leur a expliqué les raisons de leur présence sur les bancs.
Ils ne peuvent implicitement endosser l’uniforme de l’écolier pour la rai-
son simple que ce statut d’élève ne fait aucun écho à aucune image. Dès
lors, ils partent déjà avec un décalage, un retard » (Loret, 2010, p. 40) ;
– le rapport au langage est particulièrement en cause. Lors de l’entrée à
l’école, certains élèves doivent se défaire du langage ordinaire et adopter
le langage scolaire pour réussir : « Ils n’imaginent pas que c’est cet autre
usage possible du langage, dans lequel les énoncés construisent un point
de vue spécifique sur les objets du monde étudiés, que l’école attend qu’ils
s’approprient » (Bonnéry, 2007, p. 120).
Alors que certains élèves sont « complices des évidences scolaires » (ibid.,
p. 92), d’autres vivent un grand écart culturel avec la norme scolaire et les enjeux
d’apprentissage. Pour Bonnéry (2007), ces élèves, pour réussir doivent devenir
des « transfuges culturels ». Ils sont sommés de déserter leurs valeurs et de passer
à l’ennemi ! Ils doivent abandonner leur famille et leurs conceptions pour se
rallier à celles de l’école. Pour les élèves de classe populaire, « la confrontation
à l’école est une confrontation socialement située, avec une distance culturelle
(qui) entraîne donc une perception d’un écart culturel considérable, insurmon-
table » (Bonnéry, 2007, p. 149).

2.5 La famille

Pour certains, la famille est « coupable », soit parce qu’elle n’a pas donné à
l’enfant un capital intellectuel suffisant (« mauvaise » hérédité), soit parce qu’elle
ne lui a pas donné un capital culturel suffisant (« mauvaise » éducation). L’école a
donc réussi l’exploit de transformer – par un exercice de prestidigitation séman-
tique – l’« échec scolaire » en « échec de l’enfant », voire en « échec familial ». Or il
s’agit de ne plus faire porter le poids de l’échec à l’enfant et sa famille (Boutin
et Martinez, 2008), mais d’envisager avec eux une collaboration permettant à
l’enfant de surmonter ses difficultés.
Le rôle des parents est tout d’abord de donner un cadre qui permet à
l’enfant de grandir et de s’épanouir en toute sécurité. Ils n’ont pas à jouer le
rôle d’« enseignants domestiques », notamment celui de rattraper à la maison
le retard pris par l’enfant à l’école. Il s’agit avant tout d’offrir une bonne hygiène
de vie à l’enfant, ce qui lui permettra d’être disponible pour les apprentissages
en classe. Mais poser un cadre, c’est également définir des règles de fonction-
nement et poser des limites à sa volonté de toute-puissance. Comme le relève
Prot (2010), « certains élèves ont entendu leur premier non au commissariat de
police. Depuis l’enfance, ils ont testé les adultes sur leur capacité à poser des
limites. N’en ayant pas rencontré assez tôt, ils sont allés se confronter à la loi,
dans son institution » (p. 58).
En effet, l’échec scolaire est parfois la manifestation d’un cadre éducationnel
un peu lâche, de conditions matérielles précaires ou encore d’une mauvaise

— 23 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE

hygiène de vie. Depuis quelques années, de nombreuses études soulignent


l’importance, pour bien apprendre, des dimensions physique, affective et
émotionnelle1. Une bonne hygiène de vie, d’une part, et de bonnes dispositions
conatives (effort, volonté, motivation), d’autre part, jouent un rôle très important
dans la réussite scolaire. En classe, l’élève ne doit pas être seulement présent
et actif « mentalement », mais également « physiquement ». Comme le résume
Chupin (2013), « quelques principes élémentaires d’hygiène et de bon sens, le
respect des rythmes biologiques et du temps de sommeil, la vigilance, des témoi-
gnages d’affection, la vérification de la vue et de l’audition créent les conditions
physiques et psychologiques favorables au développement intellectuel » (p. 61).
Une bonne hygiène de vie est en effet nécessaire à un travail cognitif efficace.
Donner un cadre, c’est également créer des conditions favorables aux
apprentissages. Trois domaines sont particulièrement importants : l’activité
physique, le sommeil et une nourriture saine. En réalité, ces trois facteurs ne
sont pas indépendants. D’une part, la qualité de l’alimentation est souvent liée au
nombre d’heures passées devant les écrans. En effet, « les jeunes de 8 à 16 ans
qui passent plus de quatre heures par jour devant la télé sont plus gros que ceux
qui la regardent moins de deux heures » (Michelet, 2007, p. 53). D’autre part,
l’activité physique favorise un bon approvisionnement en nutriments, dont la
qualité est évidemment dépendante de la nutrition. Enfin, le temps consacré
aux activités physiques est inversement proportionnel à celui passé devant les
écrans et ce dernier péjore également la quantité et la qualité du sommeil.
Parfois, certains parents établissent des comparaisons – mortifères pour
l’enfant – avec ses frères, ses sœurs, des copains de classe, etc. Le risque est
d’enfermer ce dernier dans un statut auquel il se sentira obligé de correspondre
(Faber et Mazlish, 2013). Certains enfants, pour protéger leur identité propre,
font le choix de l’échec puisque ce dernier leur permet de se différencier de la
fratrie. L’enfant a en effet besoin de « se reconnaître une identité propre, jamais
comparable à celle de ses frères et sœurs, ni à celle de ses copains-copines et
camarades de classe » (Prot, 2010, p. 50). Ainsi, la comparaison entre les frères
et les sœurs dans une famille peut bloquer un enfant dans ses apprentissages.
Les études montrent que l’échec scolaire touche souvent les familles
migrantes. La question est évidemment délicate à traiter puisque l’amalgame
enfant étranger/élève en échec peut créer de la confusion, voire être exploité
politiquement ! Le fait d’associer l’échec scolaire et l’origine étrangère est tota-
lement abusif, tant le critère est dévoyé. C’est toujours le milieu socioculturel qui
est concerné par un fort taux d’échecs et jamais l’origine étrangère. En effet,
s’il est stimulé par sa famille et par l’école, l’enfant allophone apprend très
vite, notamment lorsqu’il est jeune. Et à milieu socioculturel identique, l’enfant
primo-arrivant apprend mieux que l’enfant indigène ! Il reste que, « pour des
enfants de culture étrangère, l’école en français peut s’avérer une expérience

1 Nous avons effectué une présentation complète de ces facteurs de réussite dans notre dernier ouvrage
(Vianin, 2020).

— 24 —
Propos liminaires – L’échec scolaire : définitions et enjeux

traumatisante et symboliser le renoncement définitif à la culture de ses parents,


voire une forme de trahison de sa communauté d’origine » (Chupin, 2013, p. 56).
Pour certains enfants, réussir à l’école, « c’est prendre le risque du changement,
celui, même, de changer… d’identité ! » (Prot, 2010, p. 41).

2.6 L’échec de l’école

L’échec scolaire est – par définition – le produit du système scolaire : il n’existerait


pas, évidemment, si l’école n’existait pas ! L’école doit donc assumer sa part de res-
ponsabilité dans la production de l’échec. Ainsi, cette sixième explication consiste
à constater que l’école est incapable de répondre adéquatement aux besoins de
certains enfants. Sont en cause son organisation rigide, ses normes, son rôle,
son indifférence aux différences, son évaluation, etc. C’est bien parce que l’école
ne sait pas comment s’occuper de tous ses élèves que l’échec scolaire existe. En
réalité, « l’école dévoile l’écart culturel en le naturalisant, et en disqualifiant ceux
qui ne sont pas spontanément en phase avec elle » (Bonnéry, 2007, p. 193).
Ainsi, l’école réussit souvent l’exploit de se dédouaner de sa responsabilité
dans l’échec scolaire en laissant croire à l’élève et à la famille qu’ils sont cou-
pables ! En rejetant sa responsabilité, elle enjoint les partenaires extérieurs à
trouver une solution à ce qu’elle considère comme « leur » problème. Pour la
grande majorité des enseignants, ce sont bien les caractéristiques intrinsèques de
l’enfant – notamment ses capacités intellectuelles – et le manque d’investissement
familial qui expliquent les difficultés scolaires (Desombre et al., 2010). Pourtant,
comme le relèvent Curonici et McCulloch (2010), « nous avons avantage à sortir
de la causalité familialiste pour entrer dans une véritable pensée systémique qui
nous demande de considérer que les symptômes des enfants prennent sens dans
le contexte dans lequel ils se manifestent » (p. 385), à savoir l’école.
Si l’école a comme rôle principal d’enseigner, d’instruire et d’éduquer, elle a
également celui… de sélectionner ! Elle a une fonction – souvent inavouable – de
sélection professionnelle et sociale : « Tout le monde ne peut pas devenir notaire
ou plombier. » L’école se débat depuis plusieurs décennies avec un paradoxe :
promouvoir une école de la réussite – dans le discours – et « trier le bon grain de
l’ivraie » – dans la pratique – notamment par un usage dévoyé de l’évaluation.
Si l’école doit sélectionner, comment s’étonner dès lors qu’elle sélectionne ?
Si elle pratiquait autrefois la différenciation structurale de la scolarisation, « la
sélection se réalise aujourd’hui à l’intérieur de la scolarité unique1. Du même
coup, la conflictualité entre classes sociales devient sous-jacente aux dispositifs
pédagogiques » (Bonnéry, 2007, p. 90). Cette sélection « de l’intérieur » s’opère

1 « L’école peut recourir à la différenciation structurale, c’est-à-dire à la création au sein d’un même
système scolaire d’un ou de plusieurs types de classes regroupant des élèves en difficulté. Chaque type
est censé correspondre à un certain profil d’élève défini essentiellement par son degré d’“inaptitude” à
répondre aux exigences d’une classe régulière. L’élève se voit exclu de la classe régulière » (Doudin et al.
2009, p. 12).

— 25 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE

par l’évaluation et l’orientation. C’est pourquoi nous traiterons plus bas, dans
les mesures de lutte contre l’échec scolaire, de la question des notes et du
redoublement (cf. chapitres 1.1 et 1.2).

2.7 L’effet-maître et l’effet-établissement

Pour comprendre « l’effet-maître », il s’agit d’admettre que l’école – en tant


que telle – n’existe pas ! N’est réelle que la relation, ici et maintenant, d’un
enseignant avec ses élèves : « La qualité d’un enseignement tient à la qualité de
l’enseignant, à sa personnalité, à son expérience, à sa capacité d’enthousiasme,
d’endurance, d’empathie, de séduction et de passion, à ses talents d’orateur, à
son goût du partage des connaissances, à sa capacité de mettre en confiance
les enfants, de les valoriser, de ne jamais susciter railleries et humiliations et
de leur donner le plaisir de l’effort et de la réussite » (Wahl et Madelin-Mitjavile,
2007, p. 262). Autrement dit – et il faut bien l’admettre –, il existe de bons et
de moins bons enseignants !
Si l’on parle d’« enseignement-apprentissage » en pédagogie, c’est bien
qu’il existe un lien étroit entre l’acquisition des apprentissages par les élèves et
le savoir-enseigner du maître. « La plupart des études montrent que la classe
explique entre 10 et 20 % de la variance des acquisitions des élèves » (Bianco
et Bressoux, 2009, p. 36). Trois variables semblent caractériser les classes qui
fonctionnent bien : la composition (notamment le niveau socioculturel de la
classe), le rythme du cours (soutenu ou non) et le climat de la discipline (Vause
et al., 2009). Si l’enseignant a peu d’influence sur le premier facteur (à moins
d’être le facteur…), sa responsabilité est pleinement engagée sur le climat de
classe et le rythme des apprentissages.
L’enseignant est en effet « maître » dans sa classe : son attitude, sa manière
d’enseigner, d’évaluer, de différencier, de gérer la discipline (ambiance de
classe), etc., sont déterminantes. « C’est un truisme que de le répéter, les
apprentissages scolaires sont également, et peut-être surtout, le résultat d’un
processus interactionnel entre l’enseignant et les élèves » (Doudin et Lafortune,
2006, p. 66). L’effet-maître permet une rupture avec la conception rigide et
déterministe de la corrélation entre échec scolaire et origine sociale des enfants.
Les études ont montré que la progression des résultats des élèves « dépend
grandement de la compétence pédagogique du maître à un niveau d’influence
proche de celui exercé par la famille » (Wahl et Madelin-Mitjavile, 2007, p. 246).
Autrement dit, les acquisitions des élèves varient considérablement selon la classe
dans laquelle ils se trouvent et la qualité de l’enseignement dispensé (Bianco et
Bressoux, 2009).
L’utilisation, par l’enseignant, de certaines méthodes a également une
influence sur les apprentissages et peut désavantager certains enfants. Par
exemple, la méthode globale d’apprentissage de la lecture – souvent décriée
bien que rarement utilisée dans son esprit originel – a été accusée durant des

— 26 —
Propos liminaires – L’échec scolaire : définitions et enjeux

décennies de favoriser l’échec de nombreux enfants. Actuellement, plus personne


ne croit en « la » bonne méthode ! C’est pourquoi la variété est encouragée dans
l’utilisation des démarches d’apprentissage, les différences individuelles justifiant
manifestement la différenciation pédagogique. Sinon, c’est bien cette « indiffé-
rence aux différences » qui met certains élèves en difficulté (Bonnéry, 2007).
Si l’effet-maître exerce une influence claire sur les apprentissages des élèves,
l’effet-établissement, la dynamique du centre scolaire et le soutien des autorités
conditionnent également leur réussite. Il est intéressant de souligner que « toutes
les études indiquent que l’effet “établissement” est au moins aussi déterminant
que l’origine sociale. À un niveau scolaire identique, la progression est différente
selon les établissements et les enfants de tous milieux obtiennent un meilleur niveau
dans les collèges huppés » (Wahl et Madelin-Mitjavile, 2007, p. 244). La bonne
collaboration de l’équipe enseignante peut jouer, en particulier, un rôle important
sur les performances des élèves. « La cohésion de l’équipe, une bonne informa-
tion et des décisions collectives peuvent même compenser les différences sociales
existant entre les élèves » (Russo, 2019, p. 12). Si l’influence de l’établissement est
importante, elle est quand même moins déterminante que celle de l’enseignant :
« Dans la plupart des cas, l’effet-classe se révèle plus important que l’effet-école,
généralement estimé aux alentours de 4 à 5 % » (Bianco et Bressoux, 2009, p. 36).
Des études plus spécifiques se sont focalisées sur l’influence de la direction
d’école sur les apprentissages. Le « leadership pédagogique » (ou instructionnel)
semble notamment favorable. Il présente trois grandes dimensions : la définition
des missions de l’école, la gestion du curriculum et la promotion d’un climat
d’apprentissage positif (Dumay, 2009). Ainsi, « il apparaît que le leadership de
la direction produit un effet plus substantiel sur les performances des élèves
lorsque cette dernière facilite la définition et l’implémentation de normes de
performances, coordonne et évalue le curriculum, crée un climat structuré, et
stimule le développement professionnel des enseignants » (Dumay, 2009, p. 79).
L’école peut également apporter la sécurité à l’enfant, lorsque la famille n’est
pas en mesure d’assumer pleinement son rôle. « Il est donc possible de reproduire
l’expérience “sécure” dans les pratiques et les réactions à l’école. L’ensemble
du personnel scolaire, la direction, les administrateurs, les coordinateurs, les
enseignants et tout le personnel de soutien, unis dans la promotion du bien-être
de tous les élèves, forment un cadre de travail que l’élève peut ressentir comme
une base sécure et fiable » (Geddes, 2012, p. 58).

2.8 Des causes multifactorielles

Les différentes causes présentées jusqu’ici peuvent expliquer, chacune, l’échec sco-
laire. Dans la réalité, elles sont souvent croisées. Dans la figure 1, nous synthétisons
ces différentes causes en proposant trois centrations possibles (Catheline et al.,
2019) : sur l’élève (facteurs individuels), sur le milieu familial (facteurs familiaux)
ou sur l’école (facteurs pédagogiques).

— 27 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE

Figure 1 – Les explications de l’échec scolaire

Centration
sur l’élève :
– les aptitudes
– les « dys »
– les troubles affectifs
et psychologiques

Centration Centration
sur le milieu familial : sur l’école :
– le milieu socioculturel – l’échec de l’école
– la famille (cadre – l’effet-maître/
et conditions) effet-établissement

Ces différentes explications de l’échec scolaire portent toutes une part de


vérité. L’enseignant devra donc tenir compte, dans son analyse des difficultés
scolaires, de tous ces aspects s’il souhaite comprendre la problématique spéci-
fique de l’élève et trouver des solutions concrètes. « L’approche multifactorielle
intégrant l’étude des relations entre des facteurs bio-psycho-sociaux s’est
largement imposée comme la plus légitime. Dans la mesure où les facteurs
biologiques/génétiques et environnementaux sont en continuelle interaction,
il ne serait ni possible ni souhaitable de chercher à isoler leurs poids respectifs
et de les hiérarchiser » (Morel, 2016, p. 224). L’enjeu est donc bien, pour
l’enseignant, de comprendre quelle est l’influence de chacune de ces causes
possibles sur les difficultés rencontrées par tel élève, sachant que sa probléma-
tique se comprend très souvent dans une interaction entre plusieurs facteurs.
C’est pourquoi nous insistons sur l’importance de la phase d’évaluation dia-
gnostique globale lors de la présentation de la démarche de projet pédagogique
individuel (cf. chapitre 3.2).
Si l’influence de l’enseignant sur le milieu familial, sur le développement
affectif de l’enfant ou sur la fonction de sélection de l’école est nécessairement
limitée, son terrain d’intervention se situe dans la classe et ses moyens relè-
veront de la pédagogie. Son rôle est de permettre à l’enfant de comprendre
son métier d’élève et de l’outiller pour qu’il puisse réussir scolairement. Nous
partageons, à ce propos, le choix épistémologique énoncé par Curonici, Joliat

— 28 —
Propos liminaires – L’échec scolaire : définitions et enjeux

et McCulloch (2006, 2010) : s’il y a un problème à l’école, c’est qu’il y a une


solution à l’école. « En dépit du fait que l’enfant puisse souffrir d’un trouble
spécifique, que sa famille soit problématique, qu’il y ait des problèmes sociaux
dans le quartier, que l’institution scolaire soit en réforme ou en crise, s’il y a
un problème à l’école, celle-ci est obligatoirement au centre de notre champ
d’action » (p. 31). L’école dispose de nombreuses ressources et a donc les
moyens et les compétences lui permettant de résoudre les problèmes… qu’elle
contribue à créer elle-même !

— 29 —
PREMIÈRE
PARTIE

CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE :


TROIS NIVEAUX
D’INTERVENTION
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE

Après avoir défini l’échec scolaire et identifié ses principales causes (chapitre
préliminaire), nous pouvons maintenant aborder les modalités de l’intervention
qui permettent de lutter contre l’échec scolaire et de promouvoir la réussite.
Nous observons tout d’abord que l’intervenant peut travailler à des niveaux très
différents, sans pourtant s’éloigner de sa fonction première, l’aide aux élèves
en difficulté.
Les mesures d’appui peuvent se classer en trois catégories principales : les
mesures que l’on pourrait qualifier d’« institutionnelles » (chapitre 1), les mesures
« pédagogiques » (chapitre 2) et les mesures « individuelles » (chapitre 3). Cette
distinction entre les trois niveaux d’intervention correspond à celle avancée par
Fuchs dans son « modèle de réponse à l’intervention » (RAI) (in Tremblay, 2012).
On pourrait avancer que les interventions « institutionnelles » concernent tous les
élèves de l’école (niveaux 1 à 3 de la figure 2), alors que les mesures pédago-
giques seraient ciblées sur le niveau 2 du modèle de Fuchs et l’aide individuelle
(le PPI) se situerait au niveau 3.

Figure 2 – Modèle de « réponse à l’intervention » (RAI) de Fuchs


(in Tremblay, 2012)

MODÈLE D’INTERVENTION À 3 NIVEAUX


Réponse à l’Intervention (RAI)

Intervention Intervention intensive


spécialisée 3
en sous-groupe
et individuelle (5 %) pour les élèves
pour ceux qui ne progressent pas
2
dont les difficultés de façon satisfaisante
persistent 15 % malgré une intervention
malgré efficace au niveau 1
un enseignement
efficace au niveau 1 1
et où l’intensité Intervention efficace
Tous les élèves
est augmentée pour tous les élèves
(80 %)
par rapport
au niveau 2

1. LES MESURES INSTITUTIONNELLES


Les mesures institutionnelles questionnent l’institution scolaire elle-même dans
son fonctionnement. L’échec des enfants en difficulté est d’abord l’échec du
système scolaire. L’école produit, par son fonctionnement même, de l’échec ;
elle doit donc « être son propre recours » (Chupin, 2013, p. 101). L’intervenant

— 32 —
Contre l’échec scolaire : trois niveaux d’intervention

ne peut ignorer cet aspect. Nous verrons plus loin comment, très concrètement,
là où il se trouve, l’intervenant peut avoir une influence sur l’institution scolaire.
Cette « sphère d’intervention » (Granger et Dubé, 2015), qui concerne l’école
et son fonctionnement, vise à responsabiliser l’équipe-école, à travailler en
communauté ou encore à impliquer les enseignants dans un projet d’établisse-
ment. Les questions du redoublement, de l’évaluation et des tâches à domicile
relèvent de ce niveau d’intervention (cf. chapitre 1).
Pour Fuchs (cf. figure 2), 80 % des élèves apprennent – heureusement ! – grâce
à l’enseignement proposé par le titulaire à l’ensemble des élèves de sa classe.
« Le niveau 1, celui de l’intervention primaire ou universelle, comprend la
qualité de l’enseignement de base, offert à tous les élèves » (Tremblay, 2012,
p. 65). Les mesures d’aide « institutionnelles » tendent en effet à offrir aux
élèves une école plus tolérante, apte à accueillir dans les meilleures conditions
possibles l’ensemble des élèves. Par exemple, nous savons qu’une école qui
renonce au redoublement obtient de meilleurs résultats qu’une école qui sanc-
tionne l’échec par une reprise du programme (cf. chapitre 1.1). De même, une
école qui évalue tout le temps de manière sommative et notée (cf. chapitre 1.2)
est moins efficiente que celle qui privilégie l’évaluation formative et formatrice.

2. LES MESURES « PÉDAGOGIQUES »


Les mesures « pédagogiques » se situent au niveau du fonctionnement de la
classe régulière. Comme nous venons de le voir, l’institution scolaire est res-
ponsable, par définition, de l’échec scolaire. Or l’institution, c’est d’abord le
titulaire, Monsieur Bouleau, et sa classe de cinquième primaire, à Sapin-Bas-
Les-Trois-Villages. Dès lors, l’enseignant spécialisé devra également intervenir
dans le fonctionnement des classes régulières, en collaboration, bien entendu,
avec les titulaires1.
Ces mesures pédagogiques permettent de tendre vers l’objectif général de
l’appui qui est « d’assurer au sein de la classe régulière une pédagogie permettant
à l’enseignant titulaire de s’occuper de tous les élèves par le développement de
la différenciation » (DECS/OES, 2012, p. 3). Cette sphère d’intervention peut
concerner la différenciation, le co-enseignement, l’enseignement stratégique et
la motivation scolaire (cf. chapitre 2).
L’aide apportée ici correspond au niveau 2 du modèle de réponse à l’inter-
vention (cf. figure 2). Elle consiste donc à donner un peu plus – ou un peu plus
longtemps. Certains enfants ont besoin d’une intervention plus spécifique, sous
la forme, par exemple, d’un accompagnement différencié, d’un groupe de besoin

1 Pour rappel : en Suisse, l’enseignant de la classe régulière est souvent appelé « enseignant titulaire »,
« titulaire », « enseignant régulier » ou « enseignant ordinaire ». Nous utilisons donc ces termes comme des
synonymes dans cet ouvrage.

— 33 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE

ou de niveau, d’un tutorat, etc.1. Il s’agit donc de mesures que nous qualifions
de « pédagogiques » dans cet ouvrage. « Les pratiques à favoriser à ce niveau
(enseignement collaboratif, mutuel, tutorat, enseignement stratégique, etc.) sont
largement marquées du sceau de la différenciation pédagogique et de l’individua-
lisation » (Tremblay, 2012, p. 65). Les pratiques de co-enseignement (enseignant
régulier / enseignant spécialisé) se situent également à ce deuxième niveau.

3. LES MESURES D’AIDE « INDIVIDUELLE »


Les mesures d’aide « individuelle » concernent directement l’enfant en difficulté.
C’est à ce niveau qu’intervient l’enseignant spécialisé quand il travaille en indi-
viduel dans sa salle d’appui ou en classe. Il s’agit donc ici d’apporter un soutien
direct à l’élève. Pour certains élèves, la pédagogie à vocation « universelle »
– correspondant aux niveaux 1 et 2 du RAI – est insuffisante. Il reste en effet
des élèves pour qui il faut envisager une intervention spécialisée et individualisée
(cf. chapitre 3).
« Le troisième niveau, personnalisé ou tertiaire, correspond à un enseigne-
ment intensif et individualisé. À ce stade, l’élève nécessite un plan d’intervention.
Il s’agit de quelques élèves (5-15 % de la classe) qui auront besoin d’interventions
et de soutien intensifs, fréquents et individualisés qui vont bien au-delà de la
différenciation pédagogique » (Tremblay, 2012, p. 65). La démarche de projet
pédagogique individuel (cf. chapitre 3.3) relève de ce niveau2. Comme le relève
Cormier, « relation d’aide et pédagogie spécialisée n’existent que sur la base de
projets individuels » (in Toupiol et al., chapitre 5).
Ces trois niveaux d’intervention – ou « sphères d’interventions » (Granger et
Dubé, 2015) – correspondent à des perspectives différentes et complémentaires
de lutte contre l’échec scolaire. Une intervention exclusive sur un seul niveau
est insuffisante. Comme le souligne Grossenbacher (1994), « l’échec scolaire
peut être interprété dans une perspective sociologique, sur l’arrière-fond de
la discrimination sociale, ou plutôt dans une perspective psychologique, sur
l’arrière-fond des caractéristiques individuelles du développement, ou encore dans
une perspective pédagogique, sur l’arrière-fond d’une situation d’apprentissage
déficitaire. Il est important de prendre en considération toutes ces perspectives
si l’on veut avoir une idée générale du problème » (p. 90).
En principe, le travail de l’enseignant spécialisé se concentre sur les mesures
d’aide individuelle : dans la classe de M. Dupont, c’est d’abord le petit Julien qui

1 Le groupe de niveau réunit les élèves en fonction du résultat obtenu (par exemple, l’enseignant
travaille avec le tiers des élèves qui ont obtenu un moins bon résultat au dernier test de maths). Le groupe
de besoin est organisé en fonction des difficultés repérées par l’enseignant (par exemple, celui-ci travaille
avec les élèves qui ne connaissent pas la bonne stratégie pour résoudre un problème mathématique).
2 La relation d’aide qui sera envisagée dans ce chapitre prendra en compte la problématique singulière
de l’élève en difficulté. Il s’agira donc de montrer comment construire un processus d’aide à partir de
l’élève lui-même, de ses difficultés propres et de ses ressources.

— 34 —
Contre l’échec scolaire : trois niveaux d’intervention

doit bénéficier de l’aide de l’intervenant. Néanmoins, si les enseignants n’envi-


sagent pas, dans leur mode de fonctionnement, les perspectives pédagogique
et institutionnelle, ils ne permettront pas au système scolaire de changer. Et si
le fonctionnement même de l’école n’évolue pas, l’institution produira encore
– et toujours et sans fin ! – de l’échec scolaire. L’enseignant spécialisé doit donc
envisager sa fonction dans l’école, non plus comme attribuée seulement à l’aide
aux élèves en difficulté, mais également comme un appui à l’école en difficulté !
Il devient ainsi un « professeur-ressource » au service des élèves, des enseignants
et de l’institution elle-même (Bedoin et al., 2018). Cette évolution du rôle de
l’enseignant spécialisé est en lien avec le développement d’une école inclusive
(cf. chapitre 4.1). C’est pourquoi « d’autres formes d’interventions que la prise
en charge individuelle des élèves en difficulté sont prônées » (Allenbach, 2015,
p. 21). Ce sont ces dispositifs que nous présentons dans la première partie de
cet ouvrage.
Mais comment l’enseignant spécialisé peut-il intervenir aux niveaux institu-
tionnel et pédagogique ? Comment un modeste enseignant de quartier peut-il
modifier l’institution scolaire ? Une réponse à ces questions sera donnée dans
les pages qui suivent. Deux éléments peuvent déjà nous laisser croire qu’un
travail de fond est possible.
Tout d’abord, il est évident que l’intervention de l’enseignant spécialisé
auprès de la petite Sophie questionne déjà Monsieur Dupont. Et comme il a été
dit, l’institution, c’est d’abord Monsieur Dupont. Lorsque l’appui pédagogique
fonctionne depuis plusieurs années dans une école, les petites Sophie et les
Messieurs Dupont sont très nombreux à avoir bénéficié de cette forme d’aide.
Un réel travail de réflexion a donc été mené dans l’école face à la probléma-
tique de la lutte contre l’échec scolaire, et ceci grâce à la collaboration entre les
enseignants titulaires et les enseignants spécialisés.
Ensuite, l’approche systémique a mis en évidence le fait que, si un élément
du système se modifiait, tout le système devait se réajuster. Il est par conséquent
possible de supposer que les projets ponctuels menés ici ou là par des ensei-
gnants ont questionné l’ensemble de l’institution. On peut notamment penser
aux différents projets d’intégration d’enfants en situation de handicap1 dans les
classes régulières. La profonde réflexion actuelle sur l’inclusion scolaire trouve
son origine dans des projets tout d’abord limités et circonscrits. Apporter des
modifications dans les pratiques pédagogiques peut ainsi, dans un délai relati-
vement court, produire des changements importants dans le fonctionnement
de l’école. Concrètement, l’enseignant spécialisé jouera ce rôle d’enseignant-
ressource en donnant des conseils, en prévenant l’apparition de difficultés, en
proposant des adaptations pédagogiques, en définissant des projets, en aidant
ses collègues à différencier, etc. (Bedoin et al., 2018).

1 Actuellement, on ne parle plus de « handicapé », mais de « personne en situation de handicap », car


« parler de “handicap” renvoie à la responsabilité de l’individu qui en est porteur, tandis que la “situation
de handicap” évoque l’environnement et le cadre de vie qui créent le handicap » (Bedoin et al., 2018,
p. 21).

— 35 —
CHAPITRE

Les mesures institutionnelles


1
Comme nous venons de le souligner, la lutte contre l’échec scolaire passe néces-
sairement par un questionnement de l’école elle-même et de son fonctionnement.
« L’appui pédagogique est né, prioritairement, d’une volonté d’adaptation de l’école
aux différences des élèves » (Theytaz, 1993)1. Si les enseignants ne travaillent pas à
cette « adaptation de l’école », ils trahissent l’esprit même dans lequel a été pensée la
structure d’appui pédagogique intégré. Comme le relève également Grossenbacher
(1994), « si l’appui ne veut pas simplement se fondre passivement dans les rouages
de l’école, s’il ne se contente pas de “remédier” aux difficultés scolaires que ren-
contrent les élèves dits “faibles”, il doit assumer une fonction critique en signalant
les déficits et les dysfonctionnements de l’école au quotidien » (p. 110).
Comment donc l’intervenant peut-il questionner le fonctionnement même
de l’école ? Trois dispositifs de lutte contre l’échec scolaire – que l’enseignant
spécialisé peut accompagner dans les centres scolaires où il travaille – vont
nous permettre de répondre à cette question. Le premier dispositif touche à la
problématique cruciale du redoublement (1), le deuxième à l’évaluation (2) et le
dernier à la gestion des tâches à domicile (3).

1.1. LE REDOUBLEMENT
OU LA PROMOTION AUTOMATIQUE
Le redoublement est une mesure inefficace, nocive et pernicieuse. Voilà qui est
dit ! La recherche en éducation a démontré, depuis longtemps et de manière

1 Philippe Theytaz a conçu une démarche visionnaire lorsqu’il a pensé et organisé le dispositif de
l’appui pédagogique en Valais à la fin des années 1980 : l’appui, tel qu’il l’a pensé et mis en place, est
encore actuellement, selon nous, l’approche la plus pertinente dans la lutte contre l’échec scolaire en
contexte inclusif.
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

irréfutable, les effets négatifs de cette mesure tant en ce qui concerne les
apprentissages scolaires que l’estime de soi, l’intégration sociale et la motivation
(Crahay, 2019). « Le redoublement est une mesure non seulement inefficace,
mais nocive pour une majorité d’élèves, tant sur le plan des apprentissages
cognitifs (langue maternelle, lecture, mathématiques, sciences) que sur le plan
socio-affectif (motivation, équilibre émotionnel, intégration sociale, persévé-
rance au travail) » (Doudin et Lafortune, 2006, p. 48). Pourtant, cette mesure
est encore appliquée de manière massive et est considérée par une majorité
d’enseignants comme une bonne mesure1.
Ce qui fait illusion, c’est que le redoublement paraît, a priori, une mesure de
bon sens : l’enfant n’a pas atteint les objectifs, c’est donc normal qu’il reprenne
le programme. De plus, lorsque l’enfant redouble, il progresse et l’enseignant
constate que la mesure est efficace à court terme – ce qui le renforce dans ses
convictions… Ce que l’enseignant ne sait généralement pas, c’est que l’enfant
se retrouve souvent de nouveau en échec après quelques années.
La problématique du redoublement est d’abord de nature institutionnelle. De
nombreux pays ont renoncé à cette mesure, sans que les rendements scolaires
ne souffrent de cette suppression (Crahay, 2019). C’est le cas de la plupart des
pays nordiques et leur niveau, en comparaison internationale, est excellent (PISA
notamment). La Suède, par exemple, ne note plus les élèves avant 12 ans et
a renoncé au redoublement. Or la grande majorité de ses élèves atteignent le
niveau du bac et le taux de diplômes supérieurs est très élevé en comparaison
internationale.

1.1.1 Les résultats des recherches sur le redoublement

Premier constat : le redoublement est une des problématiques scolaires les plus
étudiées et les recherches convergent de manière tout à fait claire vers un constat
très négatif. « Le redoublement est probablement, de toutes les mesures de ges-
tion de l’hétérogénéité, celle dont la recherche en éducation a montré depuis le
plus longtemps et de la manière la plus décisive, non seulement l’inefficacité,
mais le caractère significativement nocif, et cela aussi bien pour les apprentis-
sages d’ordre cognitif que pour les critères socio-affectifs, d’intégration sociale
ou de persévérance dans le travail » (Éducateur Magazine, 6/96).
Une recherche, réalisée en France, dresse également un constat sans appel :
« Contrairement à une idée qui reste largement répandue, aussi bien chez les
parents que chez les enseignants, le redoublement ne constitue pas une seconde
chance pour les élèves rencontrant des difficultés. Il leur est généralement nui-
sible du point de vue de leurs progrès cognitifs, de leur motivation à l’égard de
l’école et de leur orientation » (HCéé, 2004, p. 2). Les résultats obtenus dans

1 Par exemple, en Suisse, « c’est près de 40 % de la population scolaire qui redouble un, voire deux
degrés au cours de la scolarité obligatoire » (Doudin et Lafortune, 2006, p. 48).

— 38 —
Les mesures institutionnelles

d’autres pays (lire notamment Bless, Bonvin et Schüpbach, 2005) ne sont pas
différents et arrivent aux mêmes conclusions : la mesure de redoublement est
inefficace et doit être remplacée par d’autres dispositifs de remédiation.
Le constat général de l’inefficacité du redoublement est clair. Essayons main-
tenant d’affiner notre analyse et de considérer les différents aspects du problème.

1.1.2 Redoublement et lutte contre l’échec scolaire

Plusieurs pays (Danemark, Finlande, Suède, Irlande, Norvège, notamment)


ont totalement renoncé à la mesure de redoublement (Crahay, 2019). Or ils
montrent, en comparaison internationale (PISA), de très bons niveaux d’appren-
tissage. Selon ces enquêtes, on retrouve plus fréquemment des pays pratiquant
la promotion automatique parmi ceux qui obtiennent des résultats supérieurs
à la moyenne. Renoncer à la mesure de redoublement est donc possible – et
même souhaitable puisqu’elle encourage les enseignants à réfléchir à d’autres
mesures d’accompagnement et de lutte contre l’échec scolaire.
Ce qui est troublant avec le redoublement, c’est que la mesure est décidée
indépendamment des acquis scolaires des élèves. Ainsi, les élèves de la classe
de Mme Dupont peuvent être condamnés au redoublement alors qu’avec le
même bagage de connaissances, ils seraient parmi les meilleurs dans la classe
de Mme Durand (Crahay, 2019). La décision de redoublement dépend donc
de l’évaluation subjective des enseignants et non des compétences cognitives
ou des connaissances de l’enfant (nous y reviendrons au chapitre 1.2). Si le
redoublement est inefficace, il est donc, de plus, injuste ! « À niveau égal, un
élève redoublera ou non selon la classe qu’il fréquente. Cela ne signifie pas que
les enseignants prendraient des décisions arbitraires, au contraire ces décisions
sont cohérentes : ce sont bien les élèves jugés moins bons par chaque ensei-
gnant qui redoublent, mais chaque enseignant en juge à l’aune de sa classe, sans
disposer d’un “étalon” homogène » (HCéé, 2004, p. 2). Autrement dit, avec
un niveau de connaissances équivalent, mesuré par des résultats identiques à
un test normalisé, deux élèves appartenant à deux classes différentes pourront
être évalués de façon opposée : l’un pourra être bien noté et donc être promu
sans problème, alors que l’autre, dans le même temps, pourra être condamné
à redoubler (Paul et Troncin, 2004).
Dans son ouvrage sur l’échec scolaire, Crahay (2019) souligne que la plu-
part des enseignants sont victimes de l’effet Posthumus : les élèves sont répartis
dans la classe selon une distribution gaussienne des notes1. Autrement dit, dans
chaque classe, quel que soit le niveau des élèves, il y aura toujours un ou deux
élèves en échec ! Une conséquence importante de cette loi est que « la réussite
des élèves au terme d’une année scolaire est largement tributaire de la classe

1 La courbe de Gauss se présente sous la forme d’une « courbe en cloche ». Elle permet de représenter
graphiquement la distribution d’une série de résultats ou de notes. Elle montre une forte concentration
des valeurs autour de la moyenne, puis des valeurs de plus en plus faibles aux deux extrémités.

— 39 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

qu’il fréquente » (Crahay, 2019). En réalité, l’élève en échec est l’élève qui est
le dernier du groupe-classe auquel il appartient et non l’élève qui n’a pas atteint
les objectifs du programme (cf. chapitre 1.2).
Penser que le redoublement est une bonne mesure manifeste une non-
compréhension de la problématique de l’échec scolaire. Si un enfant rencontre
des difficultés scolaires, il faut effectuer une analyse fine de sa situation et
comprendre les raisons de ses difficultés et les moyens à mettre en œuvre
pour l’aider. Autrement dit, il faut envisager un projet pédagogique alternatif
et une aide spécialisée. Or, lorsque l’enfant redouble, on se trouve dans une
logique du « plus de la même chose » : l’élève refait le même programme, avec
les mêmes moyens et souvent avec le même enseignant. Comment peut-on
dès lors imaginer que l’enfant pourra surmonter ses difficultés, alors que rien
n’est fait pour les analyser sérieusement et comprendre ainsi les raisons de son
échec ? On pourrait dire que le redoublement est un dispositif qui se situe à
l’extrême opposé du Projet pédagogique individuel (PPI) – qui part justement de
la conviction qu’il s’agit de « faire autre chose » pour aider l’élève à surmonter
ses difficultés (cf. chapitre 3.3).

1.1.3 Les effets du redoublement


sur les aspects cognitifs

Les enfants qui redoublent progressent-ils mieux dans leurs apprentissages


que ceux qui sont promus ? Pour répondre à cette question, les chercheurs
ont comparé la progression des élèves qui avaient redoublé à celle des élèves
promus. « Les résultats engrangés sont extrêmement cohérents. Ils confirment
d’abord que les redoublants progressent légèrement au cours de l’année qu’ils
doivent répéter. Ils montrent ensuite que les élèves qui sont promus progressent
bien davantage que leurs compagnons qui redoublent » (Crahay, 1998, p. 9).
Le bilan des recherches est sans ambiguïté sur les effets négatifs dans le
domaine cognitif, également à long terme : « Lorsque l’on compare le niveau
cognitif atteint par les doublants et les non-redoublants à même degré scolaire,
les performances des uns et des autres sont équivalentes, et cela reste vrai
que les comparaisons soient établies un an après le redoublement ou plus de
trois ans après. Cela signifie donc que, tout en ayant sacrifié une année afin
de repartir sur de meilleures bases pour aborder la suite de la scolarité, les
élèves redoublants ne se montrent pas meilleurs que leurs condisciples qui
n’ont pas fait ce sacrifice. […] Si, de surcroît, on prend en considération les
résultats des comparaisons à âge constant (qui mettent en évidence que le
retard des élèves redoublants va en s’accroissant avec les années par rapport
à ceux qui ont été promus), il est légitime de conclure qu’une année redoublée
est bien une année perdue » (Crahay, 2005).

— 40 —
Les mesures institutionnelles

1.1.4 Les effets du redoublement sur les aspects


affectifs et conatifs

Les adultes – et notamment les enseignants – ont tendance à minimiser l’impact


affectif du redoublement. Pour eux, prolonger la scolarité d’une année n’est pas
dramatique et permet à l’enfant d’asseoir les notions scolaires et de consolider
les bases. Pour l’enfant, par contre, le redoublement est souvent vécu comme
un échec retentissant. Crahay (2019) est allé questionner des élèves redoublants.
Leurs réponses sont édifiantes : « C’est normal de doubler, parce que quand on
n’est pas intelligent, il faut doubler », ou encore : « J’ai eu l’impression qu’une
sorte d’éclair est venu sur moi comme si j’avais une malchance qui venait sur
moi ; ça voulait dire que j’étais un mauvais élève », ou enfin : « Ouais, les copains,
ils savaient, c’est moi qui leur ai dit. Ils disent que je suis un bébé, mais moi j’ai
presque 8 ans. »
D’après plusieurs études, les enfants désignent le redoublement comme le
troisième drame qu’ils redoutent le plus, le premier et le second étant respec-
tivement la peur d’être aveugle et la perte d’un parent (Doudin et Lafortune,
2006). La difficulté à assumer son redoublement est également confirmée par
la synthèse réalisée par Paul et Troncin (2004) : « Les redoublants, quel que soit
leur âge, ont une image d’eux-mêmes systématiquement plus négative que leurs
pairs n’ayant pas vécu cette décision. […] Ce sentiment de dévalorisation, inté-
riorisé et peu partagé, est d’autant plus inhibant qu’il est précocement éprouvé
car c’est dans l’intimité de chaque enfant mis en échec que se noue et se dénoue
le sentiment d’incompétence acquis » (p. 34).
La motivation scolaire est particulièrement touchée : « À niveau de compé-
tence égal, les élèves en retard sont moins motivés et se sous-évaluent. Or ces
éléments motivationnels sont liés à la réussite scolaire et peuvent expliquer, en
retour, les moins bonnes performances des élèves en retard » (HCéé, 2004,
p. 2). Le « redoublement-sanction » n’apparaît donc pas comme la solution :
celui-ci ne contraint pas les élèves à travailler, mais les décourage au contraire et
péjore leur estime de soi. La décision de redoublement, une fois communiquée
à l’élève, a manifestement un effet démobilisateur.
Les aspects sociaux ont également été analysés (Bless et al., 2005). Il sem-
blerait que l’acceptation sociale des redoublants soit bonne à court terme, mais
que cet effet diminue en l’espace d’une année scolaire. Les données tendent
à montrer que l’acceptation sociale et le concept de soi sont bons au début du
redoublement, lorsque l’avantage scolaire dont jouissent les redoublants leur
permet de se situer positivement dans leur nouveau groupe de référence. Mais,
constatant que leurs performances chutent durant l’année et que leurs progrès
sont moins rapides que celui de leurs pairs, ils perdent cet avantage et leur
popularité baisse, de même que la bonne perception de leur « soi scolaire ». Les
études utilisant des approches sociométriques font également état de résultats
plus négatifs pour ce qui est du degré de popularité des redoublants (Bless et al.,
2005, p. 45).

— 41 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

1.1.5 Et pourtant la plupart des enseignants


y tiennent…

Pour Draelants (2006), le redoublement est moins un problème qu’une solution


pour les enseignants, puisqu’il satisfait des fonctions latentes essentielles : tout
d’abord, il permet une gestion plus simple de l’hétérogénéité et contribue à la
formation de classes plus homogènes. D’autre part, le redoublement maintient
l’autonomie des enseignants dans leurs démarches d’évaluation et de sélec-
tion ; il permet donc à l’enseignant d’asseoir son autorité, en disposant d’une
mesure-sanction contre les élèves qui ne travaillent pas. Certains enseignants,
convaincus que les élèves « fonctionnent à la note » se voient ainsi retirer, par le
renoncement au redoublement, un pouvoir important : « Sans redoublement,
les notes perdent beaucoup de leur pouvoir régulateur » (p. 17). Enfin, le renon-
cement au redoublement prive les enseignants d’un instrument de régulation
et leur fait perdre une certaine autonomie de décision : « Le redoublement
apparaît en effet comme un des instruments de la sélection méritocratique qui,
elle-même, symbolise un certain pouvoir enseignant » (Draelants, 2006, p. 17).
Selon Draelants, la question du redoublement ne doit donc pas être analysée
simplement quant à son efficacité ou son inefficacité pour l’élève, mais également
dans ses fonctions sociales latentes pour les enseignants.
Un argument souvent avancé par les enseignants qui défendent le redouble-
ment est celui de la maturité : le redoublement permettrait à l’enfant de « mûrir »
et favoriserait ainsi sa réussite scolaire. Réduire la question du redoublement à
celle de la maturité n’a pas de sens : comment imaginer que l’on aide un enfant
à mûrir… en l’intégrant dans un groupe d’enfants plus jeunes ?! D’autre part,
les études montrent que plus le redoublement intervient tôt dans la scolarité,
plus il est associé à un faible taux de réussite ultérieure. En effet, l’écart entre
les élèves ayant redoublé et ceux promus « s’observe tout au long du parcours
scolaire, mais il tend à augmenter avec la précocité du redoublement et une
donnée majeure est le caractère particulièrement pénalisant du redoublement
précoce sur la carrière scolaire ultérieure » (HCéé, 2004, p. 2).
Si les enseignants tiennent au redoublement, ils ne sont néanmoins pas
tout à fait convaincus de son bien-fondé, puisque les chiffres montrent qu’un
enseignant qui accompagne ses élèves sur deux ans ne fait pas redoubler les
enfants en difficulté ! Il semblerait donc que c’est la crainte de « faire passer des
élèves qui n’ont pas le niveau » et d’être considéré par ses collègues comme un
mauvais enseignant qui pousse celui-ci à faire redoubler ses élèves. En effet,
« les enseignants qui suivent leurs élèves dans le changement de classe ne font
quasiment jamais redoubler. […] Les enseignants sont sensibles au jugement
social de leurs collègues et certaines décisions de redoublement ne seraient pas
prises si le collègue de l’année ultérieure était différent » (Marcoux et Crahay,
2016, p. 201).
Précisons qu’en matière de redoublement la question n’est pas de savoir si
l’élève progresse lorsqu’il redouble – c’est évident qu’il progresse (heureusement

— 42 —
Les mesures institutionnelles

encore !) –, mais de voir s’il progresse plus en redoublant ou en étant promu.


Il s’agit par conséquent, lorsque l’élève est promu, de comparer ses résultats
en fin d’année avec les résultats des élèves du degré précédent et non avec les
résultats des élèves de sa classe actuelle. Les évaluations de ce type sont tou-
jours favorables à la promotion : les résultats de l’élève montrent que celui-ci
a beaucoup progressé en étant promu et que tous les objectifs importants du
degré précédent sont facilement atteints. Le phénomène est d’ailleurs facile à
comprendre lorsque l’on compare les deux parcours scolaires suivants :
Première variante : l’élève redouble et refait le même programme :

3P objectifs 3P

3P objectifs 3P
redoublement

Dans notre exemple, c’est un truisme de le dire, l’élève qui refait la 3P


atteindra – au mieux ! – les objectifs de fin de troisième.

Deuxième variante : l’élève est promu.

Promotion
3P objectifs 3P 4P objectifs 4P
automatique

Dans ce cas, l’élève poursuivra les objectifs de quatrième primaire. Malgré


ses difficultés, il sera stimulé par la dynamique de la classe et profitera, malgré
tout, d’un enseignement de quatrième primaire. La question est maintenant de
savoir si la promotion lui a permis d’atteindre un meilleur niveau que celui qu’il
aurait atteint s’il avait redoublé. La comparaison doit donc être la suivante :

Figure 3 – Redoublement vs promotion automatique

Compar
ais
3P objectifs atteints fin 3P on

4P objectifs atteints fin 4P

Autrement dit, les objectifs atteints à la fin de la quatrième primaire par


l’élève promu sont-ils supérieurs aux objectifs atteints par l’élève ayant redoublé
la 3P ? Évidemment oui ! Le bon sens – et de nombreuses recherches – sont
là pour l’attester. Les évaluations de ce type sont évidemment favorables à la
promotion. Les résultats de l’élève montrent que celui-ci a beaucoup progressé
en étant promu et que tous les objectifs importants du degré précédent sont
facilement atteints, même si les apprentissages du degré actuel sont encore

— 43 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

lacunaires. Comme le relève Theytaz (2020), « une année redoublée est une
année perdue puisqu’elle conduit les élèves faibles au niveau qu’ils atteindraient
une année plus tôt s’ils avaient pu poursuivre leur scolarité avec les camarades
de leur classe » (p. 9).

1.1.6 Lorsque le redoublement est une bonne mesure

Le constat est sans appel, nous l’avons vu : le redoublement n’est pas une
mesure efficace de lutte contre l’échec scolaire. Néanmoins, certains élèves
– rares mais bien réels ! – profitent du redoublement. Les recherches confirment
que le redoublement peut être une bonne mesure pour certains élèves et à cer-
taines conditions. Dans sa synthèse des recherches effectuées sur la question,
Leblanc (2000) montre que la mesure est efficace pour 10 à 15 % des élèves
qui redoublent. C’est peu (1 seul élève sur les 10 qui redoublent), mais c’est une
réalité dont nous devons également tenir compte. Il semblerait que ces « bons »
redoublements concernent surtout les élèves plus âgés qui, à l’occasion d’un
redoublement, réfléchissent à un projet scolaire nouveau ou à une orientation/
réorientation professionnelle.
Dès lors se pose la question des conditions qui font que, parfois, cette
mesure fonctionne. Une approche très intéressante de la question est d’analyser
globalement la situation de l’élève en vérifiant si certaines conditions permettent
d’envisager cette mesure. Pour Theytaz (2020), trois conditions devraient être
remplies pour envisager un éventuel redoublement :
1. Analyser la situation de l’élève selon les trois axes de formation que sont
les savoirs, les savoir-faire (compétences et aptitudes) et les savoir-être
(attitudes et savoir vivre ensemble). Si les objectifs de ces deux derniers
axes sont atteints, et ceux du premier partiellement atteints, les ensei-
gnants se demanderont si la solution du redoublement est opportune.
2. Deuxième condition : les parents doivent adhérer au projet de redouble-
ment pour leur enfant.
3. Troisième condition : l’enfant doit avoir les ressources suffisantes
pour compenser les inconvénients redoutés du redoublement (perte
de confiance, dévalorisation, démotivation, résignation, sentiment
d’incapacité, etc.).
Cette manière de poser le problème est intéressante puisqu’elle ne focalise
pas le débat sur les vertus ou les difficultés du redoublement, mais propose d’ana-
lyser, au cas par cas, la situation de l’élève. Dans l’école où nous travaillons, cette
démarche a été proposée aux enseignants de classe régulière : le redoublement
n’est pas exclu a priori, mais une analyse fine de la situation de chaque élève
en difficulté est réalisée. Nous avons élaboré une grille (cf. annexe 1 : Grille
d’entretien et d’analyse globale de la situation de l’élève) qui aide les enseignants
à prendre en compte globalement la situation. Cette analyse approfondie nous

— 44 —
Les mesures institutionnelles

permet d’envisager ou non le redoublement en prenant en compte de nom-


breux aspects de la situation de l’élève – ce qui nous engage, neuf fois sur dix,
à privilégier la promotion !

1.1.7 Mais alors, que faire ?

Mais alors, si les enfants ne redoublent plus, que font-ils à la place ? Eh bien,
ils sont promus ! Et ils bénéficient de la mise en place d’un programme dif-
férencié. C’est ici qu’intervient l’enseignant spécialisé. C’est à lui en effet de
mettre en place un programme différencié et de s’assurer de la faisabilité de la
démarche auprès de l’enseignant régulier qui accueille l’enfant. On ne peut pas
surcharger indéfiniment le travail – déjà tellement difficile – des enseignants. Le
programme différencié doit donc être « gérable » par l’enseignant régulier sans
que celui-ci s’épuise : c’est un critère essentiel à la réussite de la démarche. Le
projet doit bien évidemment être élaboré en partenariat avec le titulaire, mais
l’enseignant spécialisé assumera toute la préparation du matériel nécessaire à
sa concrétisation. Pour illustrer très concrètement le dispositif de la promotion
avec programme différencié, la situation d’un élève – que nous avons suivi dans
notre école – va être présentée maintenant1.

Lucas est un garçon adopté qui vit en Suisse depuis quelques mois. Lors de
son arrivée dans notre pays, il est intégré dans une classe de 5P pour le second
semestre2. Il est, à ce moment-là, pris en charge par une enseignante de soutien,
spécialisée dans l’accueil des enfants allophones et dans l’apprentissage du fran-
çais. Lucas a de grandes difficultés en raison de son manque de maîtrise de la
langue. En janvier de l’année suivante, alors qu’il se trouve en 6P, il est signalé
en appui pour des difficultés importantes en raisonnement mathématique, en
grammaire, en composition et en compréhension de lecture. Les causes de ses
problèmes semblent plus globales et indépendantes des difficultés premières,
liées à la maîtrise du français.
Lors du bilan de fin de 6P, l’intervenant constate avec la titulaire que les objectifs
ne sont pas du tout atteints par Lucas. Sa moyenne annuelle est de 3.2 en français
et de 3.1 en maths3. Aux examens de fin d’année, il obtient 3.2 en grammaire-
orthographe, 3.8 en vocabulaire et 2.7 en maths. Seuls les objectifs de lecture
semblent atteints (moyenne de 4.1 à l’année et 3.7 à l’examen de fin d’année).
Suite à un bilan effectué avec le directeur de l’école et le conseiller pédagogique,
les enseignants proposent aux parents une promotion en 7P avec programme dif-
férencié, alors qu’il devrait redoubler. Le soutien des autorités, l’engagement des
parents dans la démarche et la bonne intégration de Lucas dans son groupe-classe

1 Tous les exemples présentés dans cet ouvrage sont réels, mais les noms ont été modifiés pour assurer
l’anonymat des personnes concernées.
2 Pour rappel, le degré du primaire correspond à la classe d’âge en Suisse. Pour les autres pays, le
lecteur peut consulter le Tableau de correspondance des classes d’âge dans les systèmes scolaires
francophones (annexe 13).
3 En Valais, la meilleure note est 6 et la moyenne nécessaire à la promotion est 4.

— 45 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

convainquent les enseignants de la pertinence de la promotion. L’enseignant


de 7P – qui va accueillir l’enfant dans sa classe – est informé de la situation et
adhère au projet.
À la fin de l’année scolaire, l’enseignant spécialisé effectue un bilan précis des
acquisitions de Lucas en vue de l’établissement du programme différencié de
7P et définit ensuite les objectifs visés pour la septième. Ces grilles d’objectifs
concernent le programme annuel adapté pour l’enfant. Elles définissent les
objectifs essentiels et doivent se concentrer sur les seules acquisitions fonda-
mentales du programme. Par exemple, pour Lucas, le programme de lecture se
limite à quatre objectifs pour toute l’année, celui d’orthographe à cinq objectifs.
En maths, l’accent a été mis sur la numération, les quatre opérations, le calcul
mental, le livret (tables de multiplication) et les mesures.
Un exemple de grille est présenté en annexe 2 (la première page de la grille
annuelle de maths de Lucas). Les 10 cases qui suivent chaque objectif permettent
une évaluation interactive continue, tout au long de l’année. Toutes les occasions
sont bonnes pour pratiquer une évaluation formative : une fiche, un test, un
exercice à l’ordinateur, une évaluation en appui, etc. Les 10 cases permettent
en principe de couvrir l’année scolaire. La multiplication des √ ou des X permet
d’évaluer si l’objectif est atteint ou non (la grille telle que présentée en annexe 2
correspond à la situation de Lucas aux environs de Carnaval).
L’enseignant spécialisé a préparé ensuite, en fonction des objectifs, des classeurs
individuels où toutes les fiches du programme de 6P et 7P étaient distribuées
dans des répertoires correspondant aux objectifs (même numérotation). Alors
que l’enseignant était assez directif au début de l’année dans le choix des fiches
et l’utilisation des classeurs, Lucas est devenu rapidement autonome dans cette
gestion.
Concrètement, l’élève suit donc les parties orales des cours avec toute la classe
et choisit ensuite les fiches correspondantes pour les exercices d’application. La
différenciation intervient donc seulement dans les applications. Le travail de
l’enseignant consiste à vérifier si les fiches choisies correspondent effectivement
aux thèmes abordés avec toute la classe et à évaluer la difficulté des exercices
en fonction des compétences de l’élève (les fiches de 6P précédant celles de 7P
dans chacun des répertoires).
Quant au travail de l’enseignant spécialisé, il consiste dans ce projet à mettre
en place le dispositif (grilles d’objectifs et classeurs) en début d’année. Ensuite,
il procède durant toute l’année à des évaluations formatives pour mesurer la
progression de l’élève. Lorsque l’enseignant régulier aborde en classe un nou-
veau chapitre, l’enseignant spécialisé fait un travail de familiarisation avec les
objectifs et les moyens qui vont être utilisés, quelques jours avant le début du
thème. Ce travail permet à l’élève d’anticiper les difficultés et de développer
ainsi un sentiment de contrôlabilité. La communication entre l’enseignant régu-
lier et l’enseignant spécialisé se fait par les grilles d’objectifs, les classeurs et la
fiche « Notions en cours de travail » sur laquelle l’enseignant régulier indique les
chapitres qu’il compte aborder prochainement dans sa classe.
Le bilan effectué en fin de 7P est très positif : non seulement Lucas a beaucoup
progressé, mais il a comblé une partie de son retard. Les objectifs fixés sont
presque tous atteints. Comme le titulaire a décidé d’évaluer Lucas durant toute

— 46 —
Les mesures institutionnelles

l’année comme les autres élèves – malgré le programme différencié – le barème


est le même pour lui. En fin de 7P, Lucas obtient les résultats suivants (les exa-
mens et la cotation sont donc identiques au reste de la classe) :
– Lecture, expression verbale : 3.8
– Grammaire, orthographe : 4.3
– Composition, vocabulaire : 4.3
– Mathématique : 3.9
– Environnement : 4.1
Sa moyenne au 1er groupe (branches principales) passe, en trois semestres, de
3.3 à 3.7 puis à 4.1 en fin de 7P !
Suite à ces progrès spectaculaires, le titulaire a demandé de sa propre initiative
que le projet se poursuive en 8P. Lucas a pu suivre normalement le programme.
Il ne bénéficie plus d’un programme différencié et suit uniquement le cours
d’appui deux fois par semaine. L’année prochaine, le titulaire envisage une
inscription de Lucas à l’école secondaire.

Cet exemple – aux résultats positifs – doit encourager l’intervenant à favoriser


la promotion des élèves en échec dans l’enseignement régulier et à renoncer,
par conséquent, au redoublement. Le programme différencié peut constituer
une alternative intéressante à un redoublement. S’il définit clairement les objec-
tifs fondamentaux – en français et en maths –, il permet souvent à l’élève de
s’appuyer sur quelques connaissances solides et restaure ainsi un sentiment de
contrôlabilité. Le principe est de « faire moins », mais « faire mieux ». Trop sou-
vent, l’élève en difficulté chasse plusieurs lièvres, mais n’en attrape aucun ! Le
programme différencié – s’il est ciblé sur les objectifs fondamentaux – permet
de réduire considérablement le territoire de chasse et, par conséquent, d’assurer
la réussite et de redonner confiance au chasseur !

1.1.8 La question du redoublement :


un problème éthique

Les questions pédagogiques sont toujours complexes et, par conséquent, les
réponses définitives sont rares. Étonnamment, la problématique du redoublement
met pourtant tous les chercheurs d’accord ! Le Haut Conseil de l’évaluation de
l’école (2004) présente ainsi une méta-analyse de 850 recherches internationales
(sic) et arrive à la conclusion que « le redoublement est préjudiciable aux élèves
qui en sont l’objet, c’est-à-dire que les redoublants progressent significative-
ment moins que les élèves faibles promus, aux caractéristiques comparables,
et ce quelle que soit l’année redoublée (entre la première et sixième année de
l’enseignement primaire) » (p. 17).
Fort de ce constat, la question du redoublement devient un problème
éthique. Quel médecin recommanderait à ses patients un médicament qui ne
guérit qu’un malade sur dix et qui tue presque tous les autres ? Comme le relève
Crahay (1996), « lorsque les médecins ont renoncé à pratiquer la saignée, c’est

— 47 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

parce qu’ils en avaient perçu les aspects nocifs ; ils ne disposaient pourtant pas
nécessairement des moyens thérapeutiques susceptibles de traiter efficacement
les affections qu’elle était supposée soigner. Simplement, ils ont délaissé une
pratique inefficace » (p. 296). Ainsi, c’est une exigence éthique de « soigner » les
élèves en difficulté en renonçant à une médication inefficace. En leur accordant
un appui intensif – sous la forme d’un Projet pédagogique individuel (PPI) – et un
programme différencié, la promotion devient tout à fait possible et est favorable
aux apprentissages de l’élève et à son avenir scolaire.

1.2. ÉCHEC SCOLAIRE


ET ÉVALUATION SOMMATIVE
La question de l’échec scolaire est évidemment très liée à celle de l’évaluation.
Si l’élève redouble, c’est bien parce que l’enseignant lui a attribué des notes
insuffisantes. On peut se demander si la place attribuée à l’évaluation n’est pas
trop importante et ne se substitue pas à celle qui devrait logiquement revenir à
l’apprentissage. « Le temps consacré par les enseignants à préparer les examens,
au contrôle du travail des élèves, à corriger les épreuves, à mettre des notes, à
faire des moyennes… et, d’une manière générale, le temps affecté à l’évaluation
paraît excessif, tant la pression sur la note, le redoublement et l’échec scolaire
provoquent cet investissement » (Theytaz, 2020, p. 5).
Lorsque l’on traite de la question de l’évaluation dans la promotion de la
réussite, il s’agit tout d’abord de démasquer un ennemi invisible : Posthumus !
Dans son ouvrage sur la lutte contre l’échec scolaire, Crahay (2019) souligne
que les enseignants sont souvent victimes de l’effet Posthumus1 : ils se sentent
obligés de distribuer les notes selon une courbe de Gauss, selon l’idée que, dans
chaque classe et quel que soit le niveau des élèves, il y aura toujours un ou deux
élèves en échec ! Autrement dit, l’enseignant a tendance à distribuer ses notes
selon le niveau de sa classe et non selon les réelles compétences de ses élèves.
Antibi (2007, 2019) parle de « constante macabre » pour désigner un système
d’évaluation qui répartit les élèves en trois tiers (les « bons », les « moyens » et les
« faibles »), quelles que soient les compétences réelles des élèves. « Sous la pression
de la société, les professeurs se sentiraient obligés, plus ou moins consciemment,
de noter sévèrement un certain pourcentage de copies pour rester crédibles et
ne pas se voir taxés de laxisme » (Chupin, 2013, p. 33).
Une conséquence importante de cette loi est que la réussite – ou l’échec –
des élèves est largement tributaire de la classe qu’ils fréquentent. Autrement dit,
l’élève en échec est celui qui est le dernier du groupe-classe auquel il appartient

1 Du nom d’un enseignant hollandais, en poste en Indonésie, qui a formulé en 1947 la loi suivante :
un enseignant a tendance à ajuster son enseignement et ses évaluations de manière à conserver
approximativement la même distribution gaussienne des notes, et ce, quels que soient sa classe et le niveau
de ses élèves. Bringuier (2016) parle à ce propos de « classe-bicorne » du nom du chapeau en forme de
courbe de Gauss. De là à penser que les deux cornes ont une signification métaphorique…

— 48 —
Les mesures institutionnelles

et non l’élève qui n’a pas atteint les objectifs du programme. Le problème, c’est
que le niveau de la classe influence l’enseignant et ses évaluations. Ainsi, « un
élève peut être jugé en réussite dans une classe donnée et en difficulté dans
une autre, selon le niveau général des autres élèves » (Desombre et al., 2010,
p. 6). Il ne suffit donc pas de comprendre et d’apprendre pour réussir, mais il
faut absolument éviter de comprendre et d’apprendre un peu moins vite que
les autres et se trouver ainsi dans le dernier tiers de la classe !
L’implication dans le travail des enseignants est dès lors évidente : il y aura
toujours un dernier de classe, donc un élève potentiellement en échec. C’est
donc un travail « à la Sisyphe » qui attend l’enseignant1 ! Comme le relève Antibi
(2019), « chaque examen est un concours déguisé et la lutte contre l’échec
scolaire restera vaine » (p. 14) tant que la référence est le groupe-classe et non
le plan d’études.
Pour utiliser une métaphore illustrant ce qui précède, l’enseignant spécialisé
ressemble à un entraîneur qui aide le coureur en difficulté à rattraper le peloton.
Or, s’il réussit dans son entreprise, apparaît un nouveau coureur qui occupe la
dernière position et qui a besoin de nouveau de l’aide de l’entraîneur. Lorsque
plusieurs coureurs auront appris à courir plus vite, le groupe dans son ensemble
courra plus vite et un nouveau coureur (bon, mais moins que les autres) se
retrouvera en queue de classement. Le processus est sans fin et le salaire de
l’entraîneur assuré !
Paradoxes connexes : lorsque l’intervenant apporte son aide à la classe, par
exemple lorsqu’il fonctionne en duo pédagogique, il permet au groupe-classe
de progresser, mais est d’une efficacité très limitée dans la lutte contre l’échec
scolaire : Posthumus guette… et répartit de toute façon les élèves dans une
distribution gaussienne des résultats. Autre conséquence funeste de la loi de
Posthumus, la diminution de l’effectif de classe entraîne, paradoxalement, une
augmentation du taux d’échecs (Crahay, 2019). Par exemple, si l’enseignant
considère « normal » qu’un ou deux élèves de sa classe redoublent, alors le nombre
d’élèves en échec double lorsque l’on divise par deux l’effectif de sa classe !

1.2.1 L’effet Posthumus et l’évaluation

Depuis longtemps déjà, on sait que l’école assume des rôles nombreux et parfois
contradictoires. Alors qu’elle promeut dans le discours l’égalité des chances et
le respect des différences individuelles, elle est devenue dans les faits un outil
au service de la sélection.
L’évaluation joue à ce propos un rôle déterminant et est devenue l’instru-
ment décisif et redoutable de la sélection. C’est d’ailleurs par la pratique de

1 Dans la mythologie grecque, Sisyphe est le fondateur de Corinthe. C’est parce qu’il a construit un
palais démesuré que son châtiment dans les enfers consiste à rouler un rocher au sommet d’une montagne,
d’où il finit toujours par retomber.

— 49 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

l’évaluation que sévit Posthumus. Crahay (2019) a en effet montré comment,


par l’utilisation de questions discriminatives – qui ne relèvent ni du programme
ni des apprentissages réellement effectués en classe –, l’enseignant répartit ses
élèves en « bons, moyens et faibles ». Les stratégies permettant cette répartition
gaussienne des résultats sont simples à mettre en œuvre (Antibi, 2019) :
– commencer un examen par des questions faciles, puis augmenter la
difficulté ;
– proposer des exercices dans les tests qui n’ont pas été explicitement
travaillés en classe ;
– ne pas poser de questions auxquelles tous les élèves peuvent répondre
(même si elles correspondent aux objectifs attendus) ;
– réajuster le barème si les résultats sont trop bons ;
– augmenter le nombre d’exercices de manière à rendre très difficile leur
réalisation dans le temps imparti.
En fait, « les enseignants adaptent les critères de leurs évaluations au regard
des compétences de leurs élèves plutôt que des attendus inscrits dans les pro-
grammes scolaires. Ainsi, face à une bonne classe, l’enseignant aura tendance
à exiger plus, déplaçant le curseur vers le haut, ce qui aura pour conséquence
d’estimer les élèves moyens comme des élèves faibles. […] C’est ainsi notam-
ment que l’on fabrique de la difficulté scolaire là où il n’y en a pas » (Battut et
Bensimhon, 2018, p. 12).
Et c’est là que le bât blesse. Tant que les objectifs des plans d’études seront
définis de manière ambiguë, floue, peu précise, nous ne pourrons éradiquer
l’échec scolaire. En effet, tant que l’intervenant travaillera à aider l’élève en
difficulté à rattraper le retard qu’il accuse par rapport à son groupe-classe, il se
trompe de cible. L’enjeu n’est pas de permettre à l’enfant d’atteindre le niveau de
ses camarades de classe, mais d’atteindre les objectifs définis dans le programme.

Pour reprendre la métaphore déjà utilisée précédemment, ce qui est en jeu à


l’école pour l’enfant en difficulté, ce ne devrait pas être de courir aussi vite que
ses camarades, mais d’atteindre la ligne d’arrivée. Si un élève en difficulté, grâce
à l’aide apportée, rattrape les coureurs plus avancés, ceux-ci, encouragés par
l’entraîneur-enseignant, courront encore plus vite et laisseront vivre à l’enfant
en difficulté un nouvel échec.
Une enseignante nous a expliqué un jour qu’elle pratiquait le « jeu de l’aquarium »
pendant le cours de gymnastique. Il consiste à placer tous les élèves au fond de la
salle sur la ligne de départ pour un jeu de course. Au signal, les enfants traversent
la salle en courant le plus vite possible. Les trois élèves qui franchissent la ligne
d’arrivée en dernier sont éliminés. L’exercice se poursuit jusqu’à la proclamation
du coureur le plus rapide. Le but du « jeu de l’aquarium » est donc que les élèves
« coulent » (est-ce d’ailleurs là la raison de son nom ?). Bien sûr, cet exercice est
(relativement) innocent. Néanmoins, il est emblématique du fonctionnement
du système scolaire.

— 50 —
Les mesures institutionnelles

Imaginons maintenant un autre jeu (que l’on pourrait appeler le « jeu du (re)
pêcheur » !) : l’enseignant place tous ses élèves sur la ligne de départ, au fond
de la salle. Il leur explique que le jeu consiste à traverser la salle en courant à
toute vitesse de manière à franchir la ligne d’arrivée en moins de 10 secondes.
Il leur dit encore que si des élèves ne réussissent pas tout de suite l’exercice,
il leur laissera du temps pour s’entraîner et qu’il souhaite que, d’ici la fin de
l’année, tous les élèves réussissent l’exercice. Il est prêt à « repêcher » les élèves en
difficulté et à les aider à atteindre l’objectif. Il leur propose même de s’entraider
pour qu’aucun enfant n’échoue…

On imagine volontiers les implications pédagogiques de ces deux manières


– radicalement différentes – d’aborder l’apprentissage et l’évaluation. En réalité,
actuellement, la référence en matière d’échec scolaire, c’est le groupe-classe dans
lequel l’enfant est placé et non ses difficultés éventuelles dans l’acquisition des
connaissances scolaires. Océane, en échec dans la classe de Monsieur Fretin,
réussirait tout à fait sa scolarité dans la classe de Monsieur Poisson. Dans le
jeu de l’aquarium, si vous êtes un coureur médiocre, vous avez intérêt à vous
trouver dans une classe de joueurs d’échecs, plutôt que dans celle de la sélection
junior du club d’athlétisme !
Comme le souligne Crahay (2019), le niveau de compétence atteint par
un élève est moins important pour sa réussite que sa position relative dans le
groupe-classe. « Les conséquences de ce système de classement sur les élèves
en difficulté sont désastreuses : perte progressive de l’estime de soi, défaut de
valorisation des compétences, détérioration du climat familial et, à terme, souf-
france scolaire. Un enfant sur deux redoute de montrer ses notes à ses parents.
43 % des élèves ont mal au ventre avant de rentrer en classe » (Chupin, 2013,
p. 34). On l’a dit, Posthumus – ou plutôt son effet – est un pervers et sévit
même là où on ne l’attend pas vraiment :

Des expériences troublantes ont été réalisées aux États-Unis : on a regroupé


les élèves les plus performants de tout l’Ouest dans une classe, sans avertir
l’enseignant qu’il travaillerait cette année avec les « kings ». Tous les élèves
auraient dû par conséquent réussir brillamment leur année scolaire. Or, en fin
d’année, l’enseignant avait reproduit avec sa classe de « superkids » une répartition
gaussienne des résultats : trois ou quatre « bons » élèves, une majorité avec des
résultats moyens… et un ou deux élèves en échec devant redoubler leur classe !

Cet exemple nous montre que nous, les enseignants, avons tellement
intériorisé la répartition des performances des élèves en termes de « courbe
de Gauss » que nous nous satisfaisons difficilement d’une classe où tous les
élèves réussissent. On a tendance à considérer que, si le système est exigeant,
performant, donc sélectif, il est bon ! Ce qui devrait démontrer l’inefficacité du
système – le fort taux d’échec – est présenté comme le garant de son efficacité.
Imaginons le directeur d’une usine de voitures se flattant de jeter à la casse la
moitié de sa production…

— 51 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

1.2.2 Clarifier les objectifs

Si l’école désire lutter efficacement contre l’échec scolaire, elle doit impérati-
vement définir les objectifs poursuivis en termes opérationnels (pour le jeu du
repêcheur : « Tu traverseras la salle de gym en moins de 10 secondes »). Il s’agit
donc bien d’une problématique institutionnelle. Les plans d’études doivent être
entièrement repensés, redéfinis beaucoup plus clairement et accompagnés de
batteries de tests permettant de clarifier les attentes. Sinon, l’échec scolaire
dépendra du résultat d’un jugement subjectif, fabriqué par chaque enseignant
et qui varie d’une classe à l’autre.
Pour prendre un exemple, l’objectif principal de lecture, pour la fin du pre-
mier cycle (4e primaire) est de « comprendre des textes par une lecture autonome »
(Plan d’études romand). On imagine volontiers les différences inévitables qui
apparaîtront dans l’interprétation de cet objectif par les enseignants de qua-
trième primaire. L’arbitraire étant total, chaque enseignant fixera lui-même ses
critères… en fonction derechef du groupe-classe avec lequel il travaille. Comme
le précise Crahay (2019), l’évaluation ne peut plus avoir comme seule référence
le microcosme propre à chaque classe. Elle doit se référer à des attentes plus
explicites en termes d’objectifs à atteindre. Ce n’est pas acceptable éthiquement
de confier à la subjectivité de chaque enseignant la responsabilité de l’évaluation
des élèves sans s’assurer qu’elle est équitable. Il n’est plus tolérable qu’un élève
en échec dans une classe aurait pu être le meilleur dans la classe parallèle !
L’enseignant spécialisé, dans sa lutte contre l’échec scolaire, doit impérati-
vement tenir compte de ce phénomène. Il pourra par exemple encourager les
collègues de son établissement scolaire – ou d’un degré particulier – à se réunir
et à clarifier les attentes en termes d’objectifs opérationnels. Si, de plus, la grille
d’objectifs est accompagnée d’une batterie d’évaluations permettant de valider
les compétences de l’enfant, les enseignants pourront situer les élèves de leur
classe par rapport à une population de référence beaucoup plus large. Ainsi, les
exigences de fin d’année scolaire ou de cycle seraient beaucoup plus précises et
les enseignants sauraient – enfin – contre quoi ils se battent quand ils souhaitent
lutter contre l’échec scolaire. Les enseignants pourraient alors comparer leurs
exigences lors des évaluations qu’ils proposent aux élèves et élaborer des épreuves
communes permettant d’évaluer les compétences des élèves dans leur classe
en fonction des objectifs officiels. Des études ont montré que, très souvent, les
examens préparés par les enseignants débordent du programme et portent en
partie sur les objectifs… de l’année suivante ! Ainsi, dans un souci de bien faire,
les enseignants devancent le programme officiel – parfois de plus d’un an – avec
les conséquences dramatiques que l’on imagine pour les élèves en difficulté.
Une fois les objectifs précisément définis, il s’agit de préparer une évalua-
tion notée qui corresponde strictement à ceux-ci (ce qui n’est pas toujours une
évidence…). Pour l’élève en difficulté, c’est à l’enseignant spécialisé de veiller
à clarifier très précisément, avec l’enseignant régulier, les attentes en termes
d’objectifs, de manière à ne pas « piéger » l’enfant par des évaluations qui ne

— 52 —
Les mesures institutionnelles

relèvent pas du programme ou qui intègrent des questions discriminatives qui


n’ont pas été explicitement travaillées avec les enfants.

Pedro est un élève portugais signalé en appui pour un retard important en


mathématiques. Pedro est en Suisse seulement depuis 2 ans et souffre d’un retard
principalement lié à un manque de familiarisation avec les outils mathématiques
tels que présentés chez nous. L’enseignant d’appui décide donc de l’aider à faire
le lien entre les connaissances qu’il a développées au Portugal et les compétences
qu’il doit actualiser en Suisse. En début d’année, il aborde avec lui le thème
consacré au système de coordonnées.
L’enseignant commence par jouer avec Pedro à la « bataille navale » et fait ensuite
le lien avec le thème mathématique. En se basant sur le plan d’études, il lui
annonce les trois objectifs prévus ; l’élève doit être capable :
– d’utiliser un système de repérage pour mémoriser et communiquer des
positions et des itinéraires ;
– de tracer un parcours sur un plan ;
– d’utiliser un système d’axes orthonormé pour placer un point ou pour
communiquer sa position.
Pedro comprend très bien et très rapidement le fonctionnement des systèmes
de coordonnées et, en quelques cours, a parfaitement atteint ces 3 objectifs.
L’enseignant d’appui l’informe alors qu’il est prêt à passer l’examen sur ce
thème, examen prévu en classe pour la semaine suivante. Mais lors du cours
suivant, Pedro, la mine défaite, lui présente son examen : il a obtenu un catas-
trophique 3.4 et ne comprend pas son échec. Il est terriblement déçu… presque
autant que l’enseignant d’appui !
À l’analyse de son examen, ce dernier relève que les 3 objectifs travaillés sont
tout à fait atteints par l’élève. Par contre, Pedro a perdu beaucoup de points
dans des exercices hors programme, par exemple :
– place le point d pour obtenir un parallélogramme et écris les coordonnées
du point d
– quelle est la particularité des coordonnées des points situés sur l’axe I ?
– trace en vert la bissectrice des quadrants II et IV
– etc.

Comme il a déjà été souligné, les enseignants ont tendance à dépasser lar-
gement le programme et à introduire des questions discriminatives qui piègent
les enfants. Les trois consignes ci-dessus ne correspondent pas aux objectifs du
plan d’études, mais aux exercices du manuel. Or ce sont les objectifs qui doivent
définir le travail de l’enseignant et non les moyens proposés. Dans cet exemple,
l’enseignante a élaboré son évaluation en fonction du manuel de maths et non
en fonction des objectifs qui, pour une fois, étaient explicites !
L’importance de la définition opérationnelle des objectifs sera soulignée
à plusieurs reprises dans nos propositions, c’est pourquoi nous avons abordé
d’emblée cette importante problématique. L’évaluation est évidemment

— 53 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

dépendante de la définition des objectifs. Nous y reviendrons donc également.


Nous verrons notamment plus loin comment, de « sommative à référence
normative », l’évaluation peut jouer un tout autre rôle en devenant « formative
à référence critérielle » (cf. chapitre 2.1). Autrement dit, nous essaierons de
comprendre comment l’enseignant peut passer d’une logique d’examens à une
démarche d’accompagnement de l’élève vers la maîtrise d’objectifs préalable-
ment et clairement définis.
Précisons cependant que le souci d’opérationnaliser tous les objectifs spéci-
fiques risque de nous précipiter dans les excès d’une pédagogie par objectifs où
les compétences que devrait développer l’enfant disparaissent dans un « saucis-
sonnage » de micro-objectifs qui n’ont plus aucun rapport avec les compétences
que l’on entend développer chez lui. La section consacrée aux paradoxes (cha-
pitre 6.1) soulèvera d’ailleurs cette importante question : comment poursuivre
des objectifs définis en termes de « projet global », alors que l’école privilégie des
apprentissages scolaires spécifiques (micro-objectifs) ?

1.2.3 Les biais d’évaluation

Si la définition des objectifs est souvent subjective, la question de la correction


des épreuves et le manque de fiabilité des résultats obtenus posent également
question. Il existe en effet de grandes divergences selon les correcteurs, les cri-
tères utilisés, le niveau de la classe ou encore, pour une même copie, le moment
de la correction. L’enseignant, lorsqu’il évalue les copies de ses élèves, doit en
effet lutter contre de nombreux biais s’il souhaite être juste dans son évaluation
des travaux (André, 2015 ; Hadji, 2018) :
– les effets d’ordre ou de succession : les notes changent selon la place
occupée par la copie dans le paquet ; les épreuves corrigées en dernier
sont en général sous-évaluées ;
– les effets de contraste : la copie qui précède influence la correction de
celle qui suit ; après une bonne copie, la suivante est sous-évaluée ;
– les effets d’attente : le regard – positif ou négatif – posé sur l’élève (sa
« réputation ») induit des attentes elles-mêmes positives ou négatives qui
biaisent l’évaluation ; ainsi, la même copie est mieux évaluée si elle est
attribuée à un « bon » élève ;
– les effets d’assimilation : si l’enseignant connaît les notes obtenues
antérieurement, il a tendance à ajuster l’évaluation de sa copie ;
– les effets de genre : les copies des filles sont en général surévaluées ;
– les effets de halo : la notation des enseignants est biaisée par l’image
qu’ils se font de l’élève ; ainsi, il aura tendance à « oublier » plus facilement
des erreurs dans une dictée produite par un « bon » élève que dans celle
d’un élève en difficulté ;

— 54 —
Les mesures institutionnelles

– les effets de fatigue ou d’ennui : l’évaluation du même examen dépend


de la fatigue de l’enseignant et/ou de sa propre motivation à corriger
ses copies ;
– les effets du redoublement : le jugement des épreuves est plus sévère
lorsque l’élève a redoublé ;
– etc.

« Des paquets de 100 copies représentatives de la répartition des notes réelle-


ment obtenues dans six disciplines différentes ont été soumis à cinq nouveaux
correcteurs. On constate d’importants écarts entre les notes attribuées, jusqu’à
13 points en composition française, et 9 points en mathématiques. […]
On a alors effectué de nombreuses expériences de multicorrection, soit avec des
copies réelles, soit avec des copies construites. Tous les résultats vont dans le
même sens. Notées par des correcteurs différents (on est allé jusqu’à 76, voire
150 correcteurs, pour des copies de français, ainsi que de mathématiques), une
même copie peut obtenir des notes très différentes (par exemple : de 5.5/20 à
17.5/20 pour une composition française ; et de 3.5/20 à 11.5/20 pour un devoir
de mathématiques) » (Hadji, 2018, p. 17).

Hadji (2018) propose donc de nous délivrer du « mythe de la note vraie »


(p. 21) : « Les biais dus au fait que l’évaluation est une activité de traitement de
l’information sensible au poids de préjugés ou de stéréotypes sociaux seront diffi-
ciles à combattre dans la mesure où ils jouent de façon relativement inconsciente.
[…] L’évaluateur n’est pas un instrument d’évaluation fiable, du fait du poids de
son affectivité, et de ses représentations. En un mot : de sa subjectivité ! » (p. 22).
En résumé, il s’agit de reconsidérer la manière dont l’évaluation est pratiquée
à l’école et peut mettre en échec certains élèves. C’est une question éthique
autant que pédagogique. L’évaluation sommative et notée devrait être massi-
vement remplacée par une observation formative et formatrice qui permettrait
un meilleur accompagnement des apprentissages. Et c’est bien cette évaluation
formative qui permet la différenciation (cf. chapitre 2.1) et engage l’enseignant
à une prise en compte des besoins spécifiques de certains élèves.

1.3. LES TÂCHES À DOMICILE


Les tâches à domicile – comme d’ailleurs le redoublement et les notes – semblent
consubstantielles à l’école. Les remettre en question revient à toucher à l’ins-
titution elle-même et à son fonctionnement séculaire. C’est pourquoi nous
traitons de cette question dans le présent chapitre des mesures institutionnelles
de lutte contre l’échec scolaire. Précisons d’emblée que les tâches à domicile ne
sont pas nécessaires à la réussite de l’élève, ni d’ailleurs à la réussite de l’école.
Certains pays y ont d’ailleurs renoncé sans que leur système éducatif n’en souffre
(la Finlande, par exemple). Ainsi, de nombreux chercheurs « dénient aux devoirs

— 55 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

à la maison une réelle efficacité, dénoncent leur caractère inégalitaire – les


familles ne sont pas pareillement outillées pour accompagner leur enfant – et
demandent leur suppression définitive » (Chupin, 2013, p. 73).
Comme le relève également Thibert (2016), « loin de permettre un appro-
fondissement des connaissances et des savoirs, le travail demandé renforce les
malentendus scolaires et les inégalités. Il profite essentiellement aux meilleurs et
enferme les autres dans leurs difficultés » (p. 19). Si nous sommes d’accord avec
ce constat, nous ne proposons néanmoins pas dans cet ouvrage de supprimer
les tâches à domicile – sans quoi le débat risque de se polariser – mais de voir
comment « faire avec », si possible au mieux…
Dans cette section, nous allons distinguer les devoirs (les tâches écrites)
des leçons (en principe à mémoriser)1. Les devoirs posent relativement peu de
problèmes, car ce sont des exercices supplémentaires à faire à la maison, logi-
quement un peu plus faciles que ceux réalisés en classe. Les leçons, par contre,
sont souvent problématiques, puisqu’elles impliquent des procédures complexes,
notamment celles qui relèvent de la mémorisation. Donner une leçon en espérant
que les élèves la retiennent sans connaître les bonnes stratégies n’est pas réaliste.
Dans l’ensemble de la littérature2, on retrouve principalement trois objectifs
justifiant les tâches à domicile :
1. Développer l’autonomie et la responsabilité de l’enfant.
2. Consolider les apprentissages effectués en classe.
3. Renforcer le lien entre l’école et la famille.
Le DEF3 (2019) a publié une brochure à l’attention des parents (consacrée
aux relations école-famille) qui définit les objectifs des tâches à domicile. Ces
quelques lignes résument bien les enjeux :

Tâches à domicile
– Les tâches à domicile, pouvant comporter des devoirs et des
leçons, visent à développer l’autonomie de l’élève en renforçant
les connaissances acquises à l’école et à maintenir le contact et la
collaboration avec les familles.
– Dans un volume adapté, elles doivent être différenciées selon l’âge
des élèves et réalisables de façon autonome.

1 Cette distinction n’est pas toujours claire dans les ouvrages consultés. Certains auteurs parlent des
« devoirs » pour désigner l’ensemble des tâches à domicile, alors que d’autres définissent les devoirs comme
des tâches écrites seulement.
2 Lire notamment Bouysse et al., 2008 ; Clerc, 2009 ; Mansuy et Zakhartchouk, 2009 ; Chupin 2013 ;
Benghali Daeppen et al., 2015 ; Czerniawski Kidd, 2015 ; Tinembart, 2015 ; Thibert, 2016.
3 Département de l’économie et de la formation du canton du Valais.

— 56 —
Les mesures institutionnelles

– Le rôle des familles consiste à créer et à entretenir un cadre per-


mettant à l’enfant d’effectuer ses tâches à domicile, à marquer de
l’intérêt pour ses activités et à contrôler que son travail soit effec-
tué, sans systématiquement les corriger. Les parents signalent à
l’enseignant les difficultés importantes constatées (durée, quantité,
difficulté, etc.).
– Au regard des avis du titulaire et du directeur, des études dirigées
peuvent être organisées pour des besoins avérés.

Le fait de clarifier les enjeux aidera les familles, mais également les élèves (et
parfois les enseignants – qui ne se posent pas toujours la question des objectifs
poursuivis par les tâches à domicile). Si l’autonomie est l’objectif premier, alors
les parents pourront dire à leur enfant que les tâches à domicile font partie de
leur « métier d’élève ». Tant que les enseignants et les parents portent le travail
de l’enfant à sa place, ce dernier ne va pas s’engager, selon le principe des
vases communicants. Si les parents réussissent à clarifier leur rôle et, de manière
connexe, celui de l’enfant, les tensions familiales autour des tâches à domicile
s’apaisent rapidement.
Concrètement – et à titre indicatif –, on peut définir le temps de travail
attendu, par degré : environ 10 à 20 minutes pour les enfants de 6-7 ans
(au CP, puis CE), 30 à 40 minutes pour ceux de 8-9 ans (CM1, puis CM2),
environ 1 heure en fin de scolarité primaire et 1 heure et demie au niveau du
premier degré du secondaire. Autrement dit, en troisième primaire, cela devrait
correspondre à 10-15 minutes par jour et en 8P à 60 minutes (on ajoute envi-
ron 10 minutes par degré). Cette fourchette permet aux parents des élèves
en difficulté de voir si le temps consacré chaque soir aux tâches à domicile
correspond aux attentes. Si un devoir n’a pas pu être terminé dans les délais,
les parents pourront le noter dans l’agenda et en indiquer éventuellement les
raisons. « Il faut savoir à ce propos que, d’un enfant à l’autre et pour une même
activité, le temps peut varier de 1 à 6 (de 20 minutes à 2 heures, par exemple) »
(Theytaz, 2005, p. 91).
Plusieurs recherches établissent des corrélations entre les conditions maté-
rielles de travail à domicile et la réussite scolaire (Benghali Daeppen et al.,
2015). Ainsi, disposer d’un petit espace de tranquillité (dimension spatiale)
et d’un moment dédié aux tâches à domicile (dimension temporelle) permet
d’offrir un cadre propice à la réalisation des tâches à domicile. Les rituels et
les routines sont très importants, notamment lorsque l’enfant est jeune (Faure
et Tourret, 2019). Par exemple, si l’élève sait qu’en revenant de l’école, il
mange un fruit, puis fait tout de suite ses tâches à domicile (e.g. de 17 h à
17 h 30), il va intégrer cette routine et sa mise au travail en sera grandement
facilitée. On peut même envisager de mettre par écrit cette « routine du soir »

— 57 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

sous la forme d’un tableau (« à 16 heures, je prends mon goûter ; à 16 h 30,


je joue ; de 17 h 00 à 17 h 45, je fais mes devoirs, etc.) (Maciejak, 2016,
p. 171). L’utilisation d’un tableau peut aider l’enfant à mieux gérer ses tâches.
Elle permet également de cocher, au fur et à mesure, chacune des tâches
réalisées, ce qui peut favoriser la motivation de l’enfant. L’utilisation d’un
chronomètre ou d’un minuteur (Time Timer) peut aider l’enfant à cadrer son
temps de travail (Moka, 2018). L’annexe 3 (Tableau de gestion des tâches
à domicile) permet par exemple de mieux organiser son travail, notamment
dans sa dimension temporelle.
Une clarification des rôles des différents partenaires semble donc indispen-
sable pour que chacun retrouve sa fonction, qu’elle soit parentale, enseignante
ou écolière. Trop souvent, « les devoirs sont vecteurs de malentendus, tant les
objectifs et la manière de s’y prendre sont peu ou pas discutés » (Thibert, 2016,
p. 10). Nous allons donc tenter, dans les lignes qui suivent, de clarifier les rôles
de chacun des partenaires (enseignants, élèves et parents).

1.3.1 Le rôle des enseignants

Du côté des enseignants, les tâches à domicile devraient être différenciées


– selon les capacités, les besoins et les intérêts de l’élève – pour qu’elles soient
vraiment utiles. Or, selon certaines études, « 82 % des enseignants du primaire
donnent les mêmes travaux à tous les élèves, sans différenciation » (Benghali
Daeppen et al., 2015, p. 20). Idéalement, les tâches à domicile devraient
permettre, comme nous l’avons dit plus haut, de favoriser l’autonomie des
élèves, d’approfondir leurs connaissances et d’encourager le lien entre l’école
et la famille. Or, dans la réalité, aucun de ces objectifs ne peut être atteint pour
les élèves en difficulté si les enseignants s’entêtent à exiger de tous les élèves
les mêmes tâches à domicile. En effet, les élèves en difficulté se trouvent sou-
vent confrontés à des tâches beaucoup trop complexes et à des parents souvent
démunis dans l’aide qu’ils souhaiteraient apporter à leur enfant. En somme,
pour que les tâches à domicile ne creusent pas encore l’écart entre les élèves,
elles doivent être adaptées et doivent permettre l’autonomie de l’enfant dans
leur réalisation.
Pour ce faire, les tâches à domicile devraient être expliquées en classe,
conditions nécessaires afin que l’élève puisse les réaliser de façon autonome.
Or « de nombreux enseignants annoncent souvent les devoirs à la hâte dans les
trois ou quatre dernières minutes du cours et même, dans de nombreux cas,
après la fin du cours. Les consignes, données précipitamment, manquent alors
de clarté » (Czerniawski et Kidd, 2015, p. 28). Les stratégies d’apprentissage
devraient également être enseignées pour permettre à l’élève de travailler
efficacement à la maison. Les enseignants devraient intégrer cette dimension
stratégique dans l’action pédagogique elle-même, et ce, durant le temps de
classe (cf. chapitre 2.3).

— 58 —
Les mesures institutionnelles

Du côté de l’enseignant, les enjeux des tâches à domicile peuvent être résu-
més en énonçant quelques conditions indispensables (Gauthier et al., 2013 ;
Tinembart, 2015)1 :
– les objectifs poursuivis par le devoir doivent être en lien avec le travail
effectué en classe ;
– les devoirs doivent être courts, simples et soigneusement préparés en
classe ;
– le devoir est corrigé par l’enseignant et revu rapidement en classe ; il fait
l’objet d’un feed-back à l’élève ;
– l’enseignant explicite précisément ce qui est attendu ; il rappelle par
exemple les objectifs du devoir, introduit la première étape, liste le matériel
nécessaire, explique les consignes, etc.
– il présente la démarche, la méthode et les stratégies à mobiliser.
L’enseignant pourrait parfois proposer à ses élèves de commencer les
devoirs à l’école, de façon à discuter des méthodes d’apprentissage de chacun.
Les stratégies de mémorisation pourraient notamment être apprises en classe.
Cette approche fait sens si elle est accompagnée par l’enseignant puisqu’elle
permet à l’élève d’associer la stratégie à la tâche elle-même. Il ne s’agit donc
pas de donner aux élèves des « cours de stratégies », mais d’intégrer la dimension
stratégique (le « comment ») à chacune des tâches scolaires. Pour les leçons,
l’enseignant devrait permettre à ses élèves « d’identifier des questions auxquelles
il faudra savoir répondre quand on aura mémorisé » (Bouysse, 2008, p. 35).
L’enseignant pourrait également donner parfois le choix des devoirs – et
même des leçons – à ses élèves (devoirs à la carte). C’est une piste doublement
intéressante, du fait qu’elle vise l’autonomie et permet l’autodifférenciation.
Par exemple, l’enseignant peut mettre à la disposition de ses élèves trois bacs
dans lesquels l’élève pourra choisir l’exercice le mieux adapté à ses besoins
(Amaro, 2020). Le fait de donner du choix aux élèves (autodétermination) les
responsabilise et favorise leur motivation.
Ce qui est étonnant, c’est que, pour la plupart des enseignants, les devoirs
sont surtout utiles aux plus faibles (fonction de rattrapage), alors que ce sont eux
qui sont le plus démunis pour les réaliser et qui sont le moins bien accompagnés
par les parents. « D’un côté, on donne des devoirs-exercices supplémentaires
aux élèves les plus faibles pour lutter contre les inégalités et l’échec scolaire,
mais d’un autre côté, les devoirs donnés sont inutiles lorsqu’ils sont faisables,
impossibles à accomplir seuls lorsqu’ils favoriseraient vraiment le développement
et les apprentissages fondamentaux » (Rayou, 2012).
Quant à l’apprentissage des leçons, il convient de rappeler que le travail de
mémorisation doit être réalisé à 95 % en classe. « L’entraînement qui permet
la maîtrise et l’automatisation des acquis a sa place en classe ; alors, dans le

1 La présentation sous cette forme (liste à tirets) est la nôtre.

— 59 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

travail hors de l’école, un complément à l’entraînement sera possible sans aide,


comme prolongement de ce qui a été fait en classe » (Bouysse, 2008, p. 29). Le
travail à la maison ne doit consister qu’en une réactivation de la mémorisation
effectuée en classe et à la vérification que celle-ci est suffisante. Dans ce sens,
l’enseignant devrait demander à ses élèves de ne pas ouvrir leur sac d’école (!),
mais de juste vérifier que ce qu’ils ont mémorisé en classe peut être réactivé
sans retourner dans le livre ou la fiche.
L’enseignant ne peut donc pas déléguer à la maison ce travail de mémorisa-
tion. Ce serait contredire tout ce que les recherches ont mis en évidence depuis
des décennies. Si une notion a été abordée en classe le matin à 10 heures et
qu’un élève doit la reprendre le soir, c’est comme recommencer à zéro, surtout
dans les premiers degrés de la scolarité. La mémorisation exige des réactiva-
tions très fréquentes, qui doivent nécessairement se réaliser à l’école : « Il est
bien entendu souhaitable que cet aspect de l’activation et de mémorisation soit
réalisé, pour une grande part, en classe, par l’enseignant, à travers diverses
activités » (Hourst, 2014, p. 37). La leçon à étudier à la maison est alors une de
ces réactivations – qui s’inscrit dans une démarche cohérente, principalement
réalisée en classe.

1.3.2 Le rôle des élèves

Si l’on se place maintenant du côté de l’élève, on doit tout d’abord souligner


que c’est l’enfant qui est responsable de ses tâches à domicile – qui font par-
tie de son « métier d’élève ». Ainsi, le rôle des parents se limite au contrôle,
puisque l’enfant doit réaliser son travail tout seul. Si l’enfant n’effectue pas
correctement ses tâches, il en sera responsable devant son enseignant. S’il
ne veut pas faire son devoir, « la meilleure chose à faire est de lui laisser assu-
mer les conséquences de ses décisions. S’il doit rester après l’école, obtenir
une note faible ou manquer une sortie éducative, c’est son problème, pas le
vôtre. […] Les enfants apprennent à prendre leurs responsabilités en subissant
ce qui arrive quand ils évitent de le faire. Aider votre enfant en ne l’aidant pas »
(Winebrenner, 2008, p. 245).
Là encore, l’autodétermination est un formidable levier de motivation : les
parents devraient, chaque fois que c’est possible, offrir à l’enfant la possibilité
d’effectuer des micro-choix (par exemple : du moment / du lieu / des conditions
dans lesquelles il souhaite réaliser son travail), ce qui l’incite à se mobiliser comme
acteur de ses apprentissages. « Avant de s’atteler aux devoirs, il est important de
déterminer avec votre enfant le lieu et le cadre qui lui correspondent le mieux
pour travailler. […] Il est essentiel de ne pas réfléchir en fonction de vos propres
besoins mais bel et bien en fonction de ceux de votre enfant. Il préférera peut-
être s’installer sur la grande table de la cuisine, rester assis par terre dans le
salon ou encore s’allonger sur son lit. L’idée que l’on apprend mieux assis, le
dos bien droit et face à un bureau, est obsolète : on apprend mieux avant tout
quand on se sent mieux » (Maciejak, 2016, p. 175).

— 60 —
Les mesures institutionnelles

Évidemment, la prise d’autonomie de l’enfant est progressive :

Figure 4 – Participation de l’adulte et autonomie de l’enfant

Participation de l’adulte (parents, enseignant)

Participation de l’enfant-élève

1 an 5 ans 10 ans 15 ans 20 ans

Comme on le voit dans cette figure, la participation de l’adulte est inversement


proportionnelle à celle de l’enfant. Si l’élève de 6 ans a encore besoin de ses parents
pour organiser son travail, celui de 12 ans devrait être parfaitement autonome.
L’annexe 4 présente le travail réalisé avec des enfants de 10 ans. Le document
a été élaboré avec deux élèves, dans le cadre des cours d’appui. Il permet de
clarifier la responsabilité de l’enfant dans la gestion de ses tâches. Comme il a été
construit avec les élèves, il a une fonction de contrat entre eux et leur enseignant.
Mais la prise d’autonomie n’est possible qu’à la condition de connaître les
enjeux des tâches à domicile. Or « seuls 16 % des élèves sont capables de donner
du sens aux devoirs qu’ils ont à faire » (Thibert, 2016, p. 5). Tant que les élèves
ne savent pas « quoi, pourquoi et comment » ils doivent apprendre, ils ne sont
pas capables d’être autonomes dans leurs apprentissages, aussi bien à la maison
qu’en classe. « Il va s’agir d’aider l’élève à acquérir cette autonomie non seulement
en lui enseignant ce qu’il y a réellement à apprendre, pourquoi il l’apprend et
comment il l’apprend, mais encore en rendant explicites les enjeux des devoirs
à domicile et leurs modalités de traitement intellectuel » (Barioni, 2016, p. 13).
Ces questions (quoi ? pourquoi ? comment ?) sont capitales et étroitement liées
aux stratégies (Mansuy et Zakhartchouk, 2009) :
– Quoi : qu’as-tu à faire comme devoir ? À quoi dois-tu aboutir ?
– Pourquoi : quel est le but ? Quel est le sens de l’apprentissage demandé ?
– Comment : quelles sont les procédures, les stratégies que tu vas utiliser
pour y arriver ?

1.3.3 Le rôle des parents

Du côté des parents enfin, nous constatons que les tâches à domicile empoi-
sonnent très souvent la vie des familles, sont sources de tensions importantes
et focalisent toutes les énergies domestiques. « Selon certaines enquêtes
d’associations de parents d’élèves, les devoirs sont un sujet d’angoisse ou sont
simplement mal vécus par environ 50 % des enfants et des parents » (Theytaz,
2005, p. 84). Dès que les tâches à domicile deviennent la source de tensions
familiales, les parents devraient en parler avec l’enseignant, voire se faire aider

— 61 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

en sollicitant l’avis d’un professionnel : « Dès lors qu’il devient source de conflit
ou apparaît comme l’enjeu affectif dominant de la vie familiale, il semble utile
de partager le contrôle du travail scolaire avec un enseignant, un “psy” ou tout
autre adulte sans lien affectif familial » (Wahl et Madelin-Mitjavile, 2007, p. 9).
De plus, les tâches à domicile sont antidémocratiques puisque devant les
tâches à domicile, les enfants ne sont pas égaux ; les parents non plus, d’ailleurs.
Les tâches à domicile desservent clairement les élèves en difficulté et creusent les
écarts entre les enfants de milieu défavorisé et ceux qui peuvent être accompa-
gnés par leurs parents. En effet, les études montrent que les tâches à domicile
creusent les différences entre les milieux socioculturels des élèves. « Parmi les
effets négatifs associés aux devoirs à domicile, on peut citer le renforcement
de la sélection scolaire, la détérioration des échanges familiaux, la diminution
des activés extrascolaires et des moments ludiques et de repos en général, voire
la diminution du temps de sommeil, et le rejet de l’école » (Benghali Daeppen
et al., 2015, p. 22). De plus, leur efficacité n’est pas prouvée.
Ici encore, la clarification des rôles est essentielle. Trois principes peuvent
guider les parents dans leur accompagnement des tâches à domicile :
1. Rester parents : ne pas s’asseoir à côté de l’enfant et « jouer » à l’enseignant.
2. Fixer des habitudes de vie : heure du coucher, du petit déjeuner, heure pour
les devoirs et leçons, etc. Ces habitudes de vie permettent d’aménager
de bonnes conditions de travail (espace, temps, tranquillité).
3. Construire des ponts entre les apprentissages scolaires et la vie familiale
(par exemple, valoriser l’utilisation de l’écrit à la maison).
Le travail à la maison est l’occasion privilégiée pour que les enfants déve-
loppent leur autonomie. Aussi, les parents ne devraient pas s’asseoir à côté
de l’enfant pour réaliser les tâches avec l’enfant – et parfois à sa place ! Les
tensions familiales autour du travail à domicile sont souvent dues à un manque
de clarification de cet objectif d’autonomie. Il faut donc absolument éviter de
transformer les familles en « institutions de sous-traitance pédagogique » (Thibert,
2016, p. 9). Si tous les partenaires (l’enseignant, l’enfant et les parents) adhèrent
à cet objectif d’autonomie, l’enfant est davantage motivé – parce que respon-
sabilisé – et les inégalités socioculturelles s’atténuent.
En résumé, le rôle des parents se limite à poser le cadre et à contrôler si
le travail est réalisé, le reste étant le « métier de l’élève ». Les parents peuvent
utiliser le carnet de tâches pour toutes les communications avec l’enseignant
(e.g. si le travail est trop long ou trop difficile ou source de conflits, etc.). Les
parents peuvent mettre fin au devoir s’il est trop long.
Pour les parents, le plus important est finalement de montrer de l’intérêt pour
le travail de l’enfant : « Qu’il s’agisse pour eux de créer des conditions favorables
pour une relecture ou une révision de la leçon apprise, dans un moment de
calme, de s’assurer que tout le travail a été fait en regardant le cahier qui porte
la trace des écrits s’il y en a et en écoutant une récitation du texte mémorisé

— 62 —
Les mesures institutionnelles

ou une restitution de la leçon apprise, d’interroger sur les apprentissages de la


journée, […] il y a maintes manières pour les parents de témoigner d’un intérêt
pour la scolarité de leurs enfants, de leur montrer que ce qu’ils font dans ce
cadre compte à leurs yeux » (Bouysse, 2008, p. 39).
Et, quoi que vous en pensiez, « ne critiquez pas les enseignants et l’école
devant votre enfant : bien sûr, on peut par moment trouver à redire au contenu
des cours, aux professeurs et à l’école, car personne n’est parfait, même les
enseignants. Évitez toutefois de les critiquer devant votre enfant. Dans le pire
des cas, celui-ci peut en effet se demander pourquoi il devrait apprendre un
cours si ses parents le trouvent inutile ou mauvais » (Eichhorn, 2012, p. 10).

1.3.4 Proposition pour une charte

Dans l’établissement où nous travaillons, nous avons élaboré une charte permet-
tant de définir la priorité des tâches à domicile et les rôles de chacun (tableau 1).
La charte que nous avons réalisée est présentée ci-dessous, à titre d’exemple1.
Elle définit l’objectif prioritaire pour l’école, ainsi que les rôles de chacun,
élève, parents et enseignant. L’exercice de réalisation de la charte est tout aussi
important que le produit final. C’est en effet par la discussion que peuvent être
définis les objectifs prioritaires de l’école. « Les communautés d’enseignants et
d’apprenants dans lesquelles les devoirs sont un sujet de conversation et de
planification mutuelle favorisent grandement l’établissement d’une culture des
devoirs » (Czerniawski et Kidd, 2015, p. 80). Une fois la charte rédigée, les
attentes sont explicites et peuvent être clairement communiquées aux parents.

Tableau 1 – Charte pour les tâches à domicile

Droits Devoirs
Les enseignants Travaux écrits : Travaux écrits :
Réceptionner des travaux Donner des tâches réalisables
écrits soignés par l’enfant seul
Sanctionner si ce n’est pas
Leçons :
le cas
Donner les stratégies
Leçons : d’apprentissage permettant
Évaluer l’apprentissage d’apprendre ses leçons
des leçons
Travaux écrits et leçons :
Travaux écrits et leçons : Préciser l’objectif (but)
Différencier et les attentes (critères
d’évaluation)
Informer les parents
de ses attentes

1 Cette proposition de charte est le fruit de la réflexion de mes collègues de Sierre (école de Noës).
Merci à eux pour la qualité de leur réflexion et leur magnifique collaboration dans ce projet.

— 63 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

Droits Devoirs

Les élèves Demander de l’aide Noter ses tâches dans l’agenda


à l’enseignant (avant ou après Préparer, avant de sortir
la classe) de la classe, tout le matériel
Commencer son travail à midi utile pour les réaliser
Rendre un travail comportant Se mettre au travail
certaines erreurs sans se faire prier
Avoir du temps libre pour Réaliser les tâches demandées
les loisirs (notamment dans les temps
le week-end) Utiliser des stratégies
pour résoudre ses difficultés
(moyens de référence ;
demander de l’aide ; etc.)

Les parents Travaux écrits : Travaux écrits :


Droit de demander à l’enfant Contrôler que les travaux
de refaire le devoir (par écrits soient réalisés avec
exemple s’il n’est pas soigné) soin (pas de fonction
d’enseignement)
Travaux écrits et leçons :
Droit d’arrêter le travail de Leçons :
l’enfant après le temps prévu Écouter son enfant réciter
Signaler à l’enseignant ses leçons
les difficultés rencontrées
Travaux écrits et leçons :
Offrir à l’enfant un cadre
de travail favorable (espace,
horaire et matériel ; instaurer
des habitudes)
S’intéresser à son travail
et l’encourager

Précisons enfin que les écrans entrent très souvent en concurrence avec
les tâches à domicile (Moka, 2018). Les enfants passent en moyenne plus
de temps devant un écran qu’à l’école. Or les études ont montré que plus les
enfants passent de temps devant la télévision et les jeux vidéo, plus leurs notes
à l’école sont basses. Limiter le temps devant un écran (pas de télévision, de
tablette, d’ordinateur ou de téléphone dans la chambre de l’enfant) et favoriser
l’activité physique doivent être des priorités éducatives.

— 64 —
CHAPITRE

Les mesures pédagogiques


2
Après la réflexion menée dans le chapitre 1 sur le redoublement, l’évaluation
et les tâches à domicile – qui sont des mesures de lutte contre l’échec scolaire
touchant au fonctionnement même de l’institution –, ce chapitre 2 est consacré
aux mesures dites « pédagogiques ». Alors que les réflexions du chapitre précédent
questionnaient l’école dans son fonctionnement institutionnel, les propositions
de ce chapitre concernent la classe et les pratiques pédagogiques. Comment,
en effet, l’enseignant peut-il lutter contre l’échec de ses élèves, dans sa salle de
classe, en adoptant une pédagogie mieux adaptée à leurs besoins ?
Comme le relève Gillig (2006), « plus que de pédagogie de soutien, il s’agit
là d’une pédagogie plus soutenue » (p. 68). Ce qu’il faudra questionner d’abord,
c’est l’enseignement magistral et indifférencié. Pour favoriser la réussite de tous
les élèves, il s’agit d’encourager l’évaluation formative et la différenciation.
Dans ce deuxième chapitre, nous présenterons d’abord l’exemple d’une
assistance indirecte, au travers d’un dispositif d’évaluation formative et de péda-
gogie différenciée (section 1), et l’exemple d’une assistance directe, celle du co-
enseignement (section 2). Nous traiterons ensuite de l’enseignement-apprentissage
stratégique (section 3) et de la motivation scolaire (section 4). En effet, alors qu’ils
ont une parfaite maîtrise des contenus (le « quoi »), les enseignants sont souvent
empruntés pour motiver les élèves (le « pourquoi »), ainsi que pour enseigner
les stratégies leur permettant d’apprendre, de comprendre et de mémoriser (le
« comment »). Le rôle de l’enseignant spécialisé dans une école peut être détermi-
nant pour favoriser des pratiques pédagogiques tenant compte des dimensions
formative, stratégique et motivationnelle de l’enseignement-apprentissage.
En fait, les mesures « pédagogiques » peuvent prendre principalement deux
formes (Saint-Laurent et al., 1999) :
– l’assistance directe : l’enseignant spécialisé intervient directement dans la
classe et travaille en duo pédagogique avec le titulaire (co-enseignement) ;
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

le dispositif d’évaluation formative et de différenciation proposé dans ce


chapitre illustrera ce type d’assistance ;
– l’assistance indirecte : l’enseignant spécialisé n’intervient ni directe-
ment auprès de l’élève ni dans la classe. Il joue alors le rôle de conseiller
pédagogique. Il travaille soit sur un thème spécifique avec un enseignant
particulier, soit avec un groupe d’enseignants dans le cadre d’un projet
d’établissement.
On le voit bien, l’enseignant spécialisé ne peut pas se contenter d’apporter
une aide individuelle aux enfants en difficulté – même si celle-ci est évidemment
indispensable –, mais se positionnera également dans son école comme un
enseignant-ressource. Il se placera ainsi dans une perspective d’aide à la classe et
à l’établissement. Comme sa fonction lui permet d’observer et de comprendre les
pratiques pédagogiques de l’école, il peut contribuer à développer des pratiques
pédagogiques mieux adaptées aux besoins des élèves en difficulté.
Nous pouvons néanmoins nous demander si l’enseignant spécialisé ne
s’éloigne pas de sa fonction première en devenant « animateur, conseiller
pédagogique ou personne-ressource ». Puisque l’assistance directe et indirecte
permet de prévenir les difficultés scolaires, alors l’enseignant spécialisé est tout
à fait dans sa fonction. Il permettra ainsi, en travaillant à la modification des
pratiques, de réduire la nécessité de recourir à un appui pédagogique individuel.
Les mesures « pédagogiques » proposées dans ce chapitre favorisent la prise en
compte de l’hétérogénéité et l’adaptation de l’école aux différences. L’appui
pédagogique, sous des formes diverses, devient ainsi un appui à la classe et
aux enseignants afin que leur pédagogie soit adaptée et permette une meilleure
prise en compte des différences de chacun des élèves.

2.1. ÉVALUATION FORMATIVE


ET PÉDAGOGIE DIFFÉRENCIÉE :
L’EXEMPLE D’UN DISPOSITIF FONCTIONNEL
L’intérêt d’une évaluation formative et d’une différenciation pédagogique est
évident pour la plupart des enseignants. Par contre, leur mise en application
se heurte à de nombreuses oppositions : effectifs trop chargés, manque de
formation à ces pratiques, lourdeur des programmes, manque de temps, etc. Il
ne s’agit évidemment pas de minorer ces difficultés ou de taire les problèmes
évidents qui gênent la mise en œuvre de la différenciation. Néanmoins, l’expé-
rience présentée dans cette section permet de penser que des solutions existent
et qu’il est possible de différencier la pédagogie dans nos classes.
L’origine de cette réflexion tient à une rencontre avec un enseignant
régulier motivé – Monsieur Coteau – qui cherchait depuis longtemps comment
appliquer dans sa classe le modèle séduisant de l’évaluation formative et de la
différenciation. L’expérience a débouché sur un modèle que nous avons ensuite

— 66 —
Les mesures pédagogiques

proposé à l’ensemble des collègues de l’établissement scolaire et a été menée


dans tous les degrés primaires.

2.1.1 Évaluation formative


et différenciation pédagogique

La différenciation pédagogique n’est possible que précédée et accompagnée par


l’évaluation formative. Comme le relève Bablon (2019), « il n’y a pas d’ensei-
gnement sans évaluation. L’enseignant doit veiller en permanence à ce que
ses élèves apprennent et progressent » (p. 119). C’est évidemment d’évaluation
« formative » dont nous parlons ici, c’est-à-dire d’une prise d’informations sur les
apprentissages des élèves qui permet à l’enseignant d’apporter des régulations
à son dispositif d’enseignement.
S’il n’existe de différenciation que par l’évaluation formative, on peut
également dire qu’il n’y a pas d’enseignement-apprentissage réussi sans diffé-
renciation. Comme le rappelle Meirieu (2019, in Bablon), « il n’y a vraiment
de pédagogie que “différenciée” puisqu’il n’y a d’apprentissage que par les
démarches singulières de sujets qui s’approprient les connaissances qui leur
sont transmises » (p. 7). Autrement dit, tout apprentissage réussi est par nature
« différencié » puisqu’il a consisté à proposer à chacun des élèves, sans néces-
sairement individualiser, une situation d’apprentissage féconde pour lui (Brisset
et al., 2009).
Dans le dispositif présenté ici, l’évaluation formative est présente durant
toute la séquence :
– Avant : l’évaluation « formative de départ »1 permet de situer les connais-
sances des élèves, avant même d’aborder la phase d’enseignement, ce
qui permet d’apporter d’emblée des régulations dans l’accompagnement
des apprentissages.
– Pendant : elle permet de déterminer les progrès accomplis et les régula-
tions à apporter. C’est une évaluation formative « interactive » ou « au fil de
l’eau » (Hadji, 2018) – qui s’exerce en continu, de manière non formelle
et intégrée à l’enseignement et à l’apprentissage.
– Après : elle permet de vérifier si les objectifs ont bien été atteints par
l’ensemble des élèves. Elle est alors « sommative » (mais pas nécessairement
notée !). Elle garde des vertus « formatives » puisqu’elle permet (encore)
d’apporter des régulations pour quelques (rares) élèves qui n’auraient pas
encore atteint les objectifs fixés.

1 Certains auteurs parlent plutôt d’« évaluation diagnostique » pour souligner l’importance de poser un
diagnostic au départ de la séquence (Brookhart, 2012). Nous préférons réserver cette expression lorsque
l’évaluation formative sert à réguler son enseignement lors de problématiques complexes (élèves en
difficulté ou en échec). Dans l’accompagnement des élèves en difficulté, la démarche est bien « formative »
– elle participe d’une dynamique d’accompagnement différencié – mais elle est également « diagnostique »
– puisqu’elle permet une analyse fine de la problématique de l’élève en difficulté.

— 67 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

L’évaluation proposée dans ce dispositif est :


– « formative » : elle concerne l’enseignant et les régulations qu’il apporte
à son dispositif d’enseignement. Il s’agit de « donner aux moments
d’évaluation formelle décidés, organisés et conduits par l’enseignant,
une fonction centrale d’information sur la progression des élèves. […]
En quatre mots : observer, pour comprendre, de façon à ajuster, dans la
perspective d’optimiser » (Hadji, 2018, p. 166) ;
– « formatrice » : elle concerne l’élève et les régulations qu’il apporte lui-
même à ses apprentissages. Cette évaluation formatrice n’est possible
que si les objectifs sont suffisamment précis (opérationnels). Si les élèves
ne peuvent pas comparer leur produit à des attentes observables, ils
auront beaucoup de difficulté à situer leur progression et à savoir à quel
moment ils ont atteint les objectifs attendus. « Ils doivent être capables
de s’auto-évaluer en se basant sur des grilles bien critériées, précises qui
leur permettent de tirer des conclusions sur leurs acquis » (Bablon, 2019,
p. 128). La clarification des attentes par l’enseignant est donc indispen-
sable pour favoriser une évaluation formatrice.

2.1.2 Trois principes sous-tendant le dispositif

Avant de présenter l’expérience que nous avons menée dans notre école, nous
énonçons les trois principes qui ont guidé notre réflexion et qui précisent dans
quel esprit nous avons travaillé :
– Premier principe : nous accordons une place toute particulière à
l’auto-évaluation et à l’autorégulation, et ce, pour deux raisons principales :
premièrement parce qu’elles touchent à l’autonomie et à l’autoresponsabi-
lité, deux finalités essentielles en éducation et, deuxièmement, parce que,
sans elles, la pédagogie différenciée devient ingérable. Comme le dit Meirieu
(1989), « toute pédagogie qui ne transfère pas progressivement sur le sujet
apprenant la responsabilité de la différenciation se condamne soit à la para-
lysie – parce que l’analyse des besoins s’avère trop longue et complexe – soit
au dressage – parce que cette analyse est possible et génère des dispositifs
strictement adaptés au profil de chaque sujet » (p. 177). De plus, l’autogestion
des apprentissages par l’ensemble des élèves permet à l’enseignant de mieux
cibler ses interventions auprès des élèves en difficulté et de leur consacrer
davantage de temps.
– Le deuxième principe relève de la « transparence » et de l’« explicite ». Il
s’agit en effet d’informer impérativement les élèves des objectifs poursuivis, de
la signification des activités, des moyens et des méthodes utilisés, des critères
de réussite, des progrès accomplis, etc. C’est seulement ainsi que les élèves
pourront devenir réellement acteurs de leur formation. Relevons également ici
le lien étroit qui existe entre l’explicite, la motivation et l’engagement de l’élève
dans le projet.

— 68 —
Les mesures pédagogiques

– Troisième principe : il nous a paru essentiel de ne pas oublier les pro-


blèmes d’organisation qui se posent nécessairement, surtout dans la phase de
« différenciation simultanée » où se constituent les groupes de niveaux et les
groupes de besoin. La gestion de l’espace et du temps de travail ne doit pas
être négligée. Les règles de discipline et de fonctionnement de la classe doivent
être clairement énoncées : les parcours individuels sont différenciés, mais le
règlement de classe est commun et il ne saurait souffrir aucune exception.

2.1.3 Le dispositif

Concrètement, nous avons choisi de travailler avec Monsieur Coteau l’intro-


duction de l’algorithme de la division en 6P. Le projet s’est déroulé sur trois
semaines et demie. Il peut être découpé en six étapes principales :

Figure 5 – Le dispositif d’évaluation formative et de différenciation

Séquence d’enseignement-apprentissage

Étapes 1 2 3 4 5 6 (7)
Évaluation Évaluation Évaluation Évaluation
Évaluations

formative formative formative sommative


de départ interactive ponctuelle,
puis
évaluation
Mise Différenciation formative Différenciation Remédiation
Différenciation

en projet successive diagnostique simultanée éventuelle


et en pédagogie pour en pédagogie
présentation collective les élèves individualisée
des objectifs en difficulté
aux élèves

1. L’étape de la « mise en projet » : l’enseignant présente tout d’abord


aux élèves la séquence d’enseignement-apprentissage, notamment le thème
choisi (ici l’algorithme de la division), les objectifs, les critères d’évaluation, la
méthode, les moyens utilisés et l’évaluation sommative prévue (l’examen). Il
informe les élèves de la fonction formative des évaluations et précise que seule
l’évaluation finale sera notée. Il distingue également les objectifs-noyaux des
objectifs d’approfondissement.
Il établit aussi les règles de fonctionnement strictes en précisant qu’une
grande liberté sera laissée aux élèves dans le choix des activités, mais que les
exigences sont extrêmement fermes sur le plan du travail effectué, de la discipline
et des objectifs d’enseignement. Si un élève ne « joue pas le jeu », il est sorti du
dispositif et devra se conformer aux directives précises de l’enseignant. Son

— 69 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

autonomie sera limitée – puisque, pour le moment, il est incapable d’assumer


ses responsabilités dans le cadre du dispositif proposé.
Les élèves reçoivent la grille des objectifs du thème qui leur permettra
d’auto-évaluer leur progression durant les trois semaines de travail (annexe 5).
Les fiches correspondant aux objectifs sont également mentionnées sur ce
document, ce qui permet à l’élève d’organiser lui-même sa progression dans
les exercices. Les élèves connaissent maintenant les objectifs, les moyens et
la démarche proposée.
Cette phase de « mise en projet » est déterminante pour la réussite du dispo-
sitif. Elle permet de lever les implicites et de clarifier le contrat didactique. Elle
engage l’élève à devenir acteur de ses apprentissages, en prenant conscience
de ses progrès, durant toute la séquence.
2. L’évaluation formative de départ : l’enseignant effectue ensuite
l’évaluation formative de départ qui porte sur les objectifs qui seront travaillés
durant la séquence. Les élèves sont en général surpris par la démarche : ils
ont en principe l’habitude de passer l’évaluation à la fin de la séquence et
non au début ! Les avantages de cette pratique sont multiples : d’une part, les
élèves connaissent d’emblée les attentes ; d’autre part, les séances qui suivent
peuvent s’appuyer sur les questions posées lors de cette évaluation initiale ;
ensuite, les élèves pourront, en évaluation sommative, constater les progrès
réalisés ; enfin, cette évaluation de départ permet également de vérifier la
présence ou l’absence des prérequis (ici, le livret et la maîtrise de la soustrac-
tion en colonnes).
Précisons que, par souci de transparence, l’évaluation de départ est la même
que celle que les élèves effectueront lors de leur examen – il ne s’agit évidemment
pas de piéger les élèves. Seuls les nombres ont été modifiés pour le test final
noté. Les élèves sont en effet informés dès le début du thème de l’évaluation
sommative prévue, des exigences attendues et des modalités d’enseignement-
apprentissage. Le dispositif proposé dans ce chapitre relève donc d’un « contrat
de confiance » entre l’enseignant et ses élèves (Antibi, 2007, 2019).
3. La « différenciation successive » : la première phase de travail pro-
prement dite commence maintenant. Ici, l’enseignant conserve la maîtrise de
toute la classe. Cette phase s’organise sous la forme d’une « différenciation
successive » (Meirieu, 1989) qui consiste à faire varier les situations, les outils,
les méthodes, etc., ce qui augmente la probabilité que chaque enfant se sente
à l’aise au moins dans une des approches proposées. Il s’agit, autrement dit,
de multiplier les voies d’accès aux connaissances.
Concrètement, Monsieur Coteau travaille l’introduction de la division en
proposant des activités collectives, mais également des tâches individuelles avec
certaines fiches autocorrectives. La forme de la situation-problème est aussi
proposée aux élèves. Des ateliers sont également organisés lors de la deuxième
partie du projet. Comme il s’agit de varier les approches et les modalités de
travail, des supports visuels et auditifs sont utilisés.

— 70 —
Les mesures pédagogiques

Durant toute cette phase, l’enseignant procède à une évaluation continue et


repère déjà les élèves qui présentent des difficultés pour leur apporter une aide plus
individuelle. Un « coin évaluation » (avec examens-types et corrigés) est également
organisé : les élèves, s’ils se sentent prêts, peuvent auto-évaluer leurs compétences
pour chacun des objectifs fixés, à tout moment. Cette phase de différenciation
successive, somme toute assez « classique », dure environ deux semaines.
4. L’évaluation formative « ponctuelle » : à la fin de la phase d’appren-
tissage collective (fin de la deuxième semaine), l’enseignant propose aux élèves
une évaluation ponctuelle qui lui – et leur – permettra de vérifier qui maîtrise
déjà les objectifs du thème. Elle permettra également de déterminer quels sont
les élèves qui sont en difficulté et doivent par conséquent bénéficier d’une aide
plus spécifique.
Suite à cette évaluation, Monsieur Coteau relève que 13 élèves sur 24 ont
déjà atteint tous les objectifs du thème et peuvent donc, dorénavant, travailler
sur les objectifs d’approfondissement (cf. annexe 5). Seuls 4 élèves présentent
à ce moment-là des difficultés importantes. Pour ces derniers, l’enseignant
tentera de comprendre ce qui les bloque dans leur apprentissage, en analysant
plus précisément leur travail et en menant quelques entretiens d’explicitation
(Vermersch, 2011). L’enseignant engage donc, avec ces quelques élèves, une
évaluation « formative diagnostique » qui vise à comprendre les difficultés et à
envisager la remédiation à apporter.
5. La « différenciation simultanée » : suite à l’évaluation ponctuelle,
l’enseignant organise maintenant sa classe sous la forme de la « différenciation
simultanée » (Meirieu, 1989) : les élèves sont répartis dans différentes activités,
adaptées aux besoins de chacun. La classe est donc réorganisée en groupes de
niveaux. L’enseignant peut par conséquent effectuer les remédiations nécessaires
et apporter une aide plus importante aux élèves en difficulté (seulement 4 élèves,
dans notre exemple). Pendant ce temps, les autres élèves travaillent de manière
autonome les objectifs d’approfondissement. Dans le présent projet, l’enseignant
a consacré environ une semaine à cette étape de différenciation simultanée.
Cette étape tend vers une individualisation des parcours. Celle-ci est rendue
possible par l’autonomie accordée à la grande majorité des élèves et le nombre
limité d’enfants qui ont besoin d’une aide individualisée. Cette dernière peut
être réalisée par l’enseignant ou par d’autres élèves, sous la forme d’un tutorat.
Cette forme de « tutorat par les pairs » est bénéfique pour l’élève en difficulté,
mais également pour l’élève « tuteur » qui, en accompagnant son camarade de
classe, approfondit ses propres connaissances.
6. L’évaluation « sommative » peut maintenant se réaliser : comme tous
les élèves ont atteint les objectifs fondamentaux, l’enseignant peut faire passer
l’examen. Cette dernière évaluation correspond strictement aux objectifs prévus
et communiqués aux élèves lors de l’étape de la mise en projet. Comme dans
le système EPCC (l’évaluation « par contrat de confiance » d’Antibi), les exer-
cices proposés dans l’évaluation sommative ont été travaillés avec les élèves et

— 71 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

corrigés par l’enseignant. Il s’agit donc bien de « vérifier que l’évaluation porte
sur ce qui est à évaluer, sur ce qui a été enseigné et sur ce qui a été annoncé »
(André, 2015, p. 232). Les élèves peuvent mesurer maintenant leur progres-
sion en comparant leur résultat avec l’évaluation formative de départ, ce qui
est une démarche favorisant beaucoup leur motivation et leur implication dans
la démarche.
7. La remédiation : si l’enseignant constate, après avoir corrigé l’examen,
que certains élèves n’ont toujours pas atteint les objectifs attendus, il pourra
évidemment apporter encore une aide et, éventuellement, proposer une nouvelle
évaluation sommative. Dans le projet mené avec M. Coteau, aucun élève n’a
dû bénéficier d’une remédiation après l’évaluation sommative.

2.1.4 Le bilan de l’expérience

Le bilan effectué après cette expérience a été qualifié de « globalement très satis-
faisant » par l’enseignant titulaire. Dans son évaluation du dispositif, Monsieur
Coteau apporte les précisions suivantes :
– le « coin évaluation » – qui permet aux élèves d’évaluer les 6 objectifs-
noyaux quand ils le désirent – a été particulièrement apprécié ;
– les problèmes de discipline ne se sont pas posés, la motivation étant très
forte pendant les trois semaines et demie.
Dans les points à améliorer, l’enseignant ajoute les remarques suivantes :
– le thème étant tout à fait nouveau pour les élèves (« introduction de
l’algorithme de la division »), l’évaluation formative de départ aurait dû
se limiter uniquement à l’évaluation des prérequis ;
– l’enseignant doit être clair et explicite dans l’utilisation de la fiche d’auto-
évaluation (annexe 5) lors d’une première expérience de ce type ; la
démarche exige en elle-même un apprentissage.
L’évaluation formative qui a accompagné toute la séquence correspond
bien à la définition donnée par Brookhart (2012, p. 2) : « L’évaluation formative
désigne le processus continu auquel les élèves et les enseignants participent
ensemble lorsqu’ils :
1. se concentrent sur les objectifs d’apprentissage ;
2. font le point sur les travaux en cours en regard de ces objectifs ;
3. prennent des mesures pour s’approcher des objectifs. »
C’est en effet la bonne connaissance, par les élèves, des objectifs poursuivis
qui les engage activement dans la démarche. L’auto-évaluation devient alors
possible et les élèves gagnent en autonomie et en motivation. « Cette démarche
constitue l’essence même de l’apprentissage, à savoir un processus continu dans
le cadre duquel l’élève évalue la maîtrise de ses connaissances et de ses habiletés,

— 72 —
Les mesures pédagogiques

et peut reconnaître et franchir les prochaines étapes qui le rapprochent d’un


objectif » (Brookhart, 2012, p. 3).
Si le dispositif de différenciation présenté ici est fonctionnel, c’est notamment
parce qu’il permet à chaque élève de trouver des modalités d’apprentissage
idoines sans engager un dispositif d’individualisation lourd et fastidieux. Si les
enseignants sont souvent réfractaires à la différenciation, c’est parce qu’ils
confondent différencier et individualiser. Or « si la différenciation est la prise en
compte de chaque individu, elle n’induit pas une approche individuelle, mais une
manière d’accompagner l’individu au sein d’un collectif » (Bablon, 2019, p. 10).

2.1.5 De la classe à l’école…

Lors de l’année scolaire suivante, le modèle a été appliqué à tous les degrés
primaires de notre établissement. Plusieurs enseignants travaillent dorénavant
de cette manière dans plusieurs domaines. Un enseignant a même élaboré son
programme annuel dans toutes les branches principales selon ce modèle.
Néanmoins, cette expérience appelle un commentaire qui touche aux
finalités mêmes de l’enseignement. En fait, il s’agirait maintenant de profiter
de la dynamique créée dans notre école pour généraliser la pratique de la dif-
férenciation à l’ensemble du programme et de permettre ainsi à tous les élèves
de réussir. Or, comme le relève Davaud (in Allal et al., 1993, p. 25), il y a
« incompatibilité fonctionnelle » entre notre système sélectif (exigence sociale)
et l’idéal de différenciation qui permettrait à tous les élèves de s’approprier les
connaissances scolaires (discours pédagogique). Il s’agirait donc à l’avenir de
tenter de résoudre ce paradoxe et de concilier exigence de sélection et péda-
gogie de la réussite.
Dans ce projet, nous avons proposé une « assistance indirecte » à nos collè-
gues. Nous ne sommes intervenu ni directement auprès des élèves, ni dans les
classes. Nous avons d’abord travaillé sur un thème spécifique avec un enseignant
(M. Coteau) et avons ensuite proposé le modèle aux autres enseignants de l’école.
Nous avons donc encouragé nos collègues à modifier le fonctionnement de leur
classe et à faire un pas vers une évaluation formative et une différenciation de
la pédagogie. C’est donc bien une mesure de type « pédagogique » qui a été
menée dans ce contexte.

2.2. LE CO-ENSEIGNEMENT :
EXEMPLE D’UNE PRATIQUE
DE CO-INTERVENTION EN LECTURE
L’exemple précédent a permis de mieux comprendre le rôle que l’enseignant spé-
cialisé pouvait jouer dans l’« assistance indirecte ». Le modèle de co-enseignement

— 73 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

abordé ici présente une modalité d’intervention qui correspond à l’« assistance
directe » : l’enseignant spécialisé intervient en effet directement dans la classe
et travaille en duo pédagogique avec le titulaire. L’intérêt de cette approche est
de tenter de prévenir l’échec scolaire en s’occupant de la classe, de son fonc-
tionnement propre, des élèves en échec, mais également des élèves à risque.

2.2.1 Modes et bienfaits du co-enseignement

On peut définir le co-enseignement « comme un travail pédagogique en commun,


dans un même groupe et dans un même temps, de deux ou plusieurs professionnels
partageant les responsabilités éducatives pour atteindre des objectifs spécifiques.
Cette collaboration peut fonctionner à temps partiel (au minimum une heure par
semaine) ou à temps complet » (Tremblay, 2013, p. 28). Le co-enseignement est
la forme de collaboration titulaire-enseignant spécialisé la plus aboutie. Il entre
parfaitement dans le cadre d’une pédagogie inclusive. « Il renvoie à l’idée de
rendre tous les élèves, avec ou sans difficulté, bénéficiaires des ressources mises
à disposition et de donner aux enseignants les conditions optimales de mise en
œuvre d’une différenciation pédagogique efficace » (Tremblay, 2013, p. 32). Tous
les élèves peuvent ainsi profiter de la collaboration des deux enseignants, et pas
uniquement l’élève en échec, comme c’est le cas lorsque l’enseignant spécialisé
travaille en individuel ou en petit groupe dans sa salle d’appui.
Le travail de l’enseignant d’appui dans la classe permet également à l’ensei-
gnant titulaire de prolonger son aide aux élèves à risque quand il enseigne seul
dans la classe. « Cette nouvelle organisation pédagogique mise en œuvre, sa
répétition, la concertation, les échanges entre maître et maître E qu’elle aura
nécessités, devrait permettre progressivement au maître titulaire d’opération-
naliser des pistes de différenciation pédagogique pour l’ensemble des élèves de
la classe et en l’absence du maître E » (Canat et Grave, 2010, p. 206).

2.2.2 Exemple d’une pratique de co-intervention


en lecture

Dans l’exemple que nous présentons ci-dessous, les deux enseignants – régulier et
spécialisé – se partagent la responsabilité de la classe et échangent fréquemment
leurs rôles. Ils pratiquent donc un « enseignement partagé » (Tremblay, 2013) qui
leur permet de se sentir totalement coresponsables de la classe. « Cette orga-
nisation nécessite le plus haut degré de collaboration et de confiance entre les
co-enseignants. Elle exige également que les deux enseignants soient en mesure
de mailler ou mélanger des styles d’enseignement. Globalement, ce modèle peut
être le plus enrichissant tant pour les enseignants que pour les élèves. Il y a une
plus grande quantité de la responsabilité partagée. Cette configuration permet
une grande créativité, d’essayer des techniques novatrices qu’ils n’auraient pas
tentées seuls » (Tremblay, 2013, p. 30).

— 74 —
Les mesures pédagogiques

Cette expérience – qui s’inspire notamment du Programme d’intervention


auprès des élèves à risque, de St-Laurent et al. (1999) – a été menée dans une
classe de quatrième primaire, en lecture. Selon le modèle proposé, l’enseignant
spécialisé intervient directement dans la classe trois fois par semaine pour des
périodes de 45 minutes. Les activités se répartissent de manière souple avec
la titulaire. Les élèves à risque sont donc pris en charge aussi bien par l’un ou
l’autre enseignant. Une rencontre hebdomadaire est prévue durant laquelle
les enseignants font un retour sur la semaine écoulée et planifient la suivante.
Le projet débute par un entretien avec l’enseignante de 4P, Mme Pont,
pour une évaluation de la compétence de ses élèves en lecture. L’enseignante
signale 6 élèves à risque, dont trois enfants en difficulté importante. Les deux
enseignants déterminent 6 objectifs-noyaux pour l’année (annexe 6). Le choix de
ces objectifs est totalement arbitraire, puisque le plan d’études est très peu précis,
notamment pour les objectifs de lecture – comme nous l’avons vu plus haut.
À partir de ces objectifs annuels sont élaborées cinq grilles d’objectifs qui
recouvrent l’ensemble du programme de lecture de l’année. L’annexe 7 présente
par exemple les objectifs du module consacré aux consignes. Chaque élève reçoit
un dossier contenant ces grilles d’objectifs et les tests qu’il devra réaliser pour
évaluer ses apprentissages. Ce dispositif permet aux enseignants de vérifier la
progression de chaque élève dans ses acquisitions. Des fiches d’exercices sont
également à la disposition des élèves dès le début de chaque module. Les enfants
progressent ainsi selon leur rythme propre.
Au début de chaque nouvelle séquence (module de lecture des textes, des
consignes, études de texte, etc.), les deux enseignants réunissent tous les élèves
pour présenter les objectifs et donner du sens aux apprentissages. Cette mise
en projet favorise la clarté cognitive des élèves, c’est-à-dire leur compréhension
des enjeux de l’enseignement-apprentissage du module. La démarche prévue
dans la nouvelle grille d’objectifs est expliquée aux élèves, ainsi que les modalités
d’évaluation.
Durant la séquence, les enseignants organisent, selon les besoins, des
groupes de niveau pour apporter une aide plus importante aux enfants à risque.
Les élèves performants, quant à eux, peuvent avancer avec un rythme plus sou-
tenu. Par exemple, certains enfants travaillent les premiers objectifs du module
consacré à la lecture des consignes, alors que d’autres élèves, plus rapides, sont
déjà dans celui qui traite des études de texte. Les deux enseignants font régu-
lièrement un bilan des acquisitions de tous les élèves à l’aide des grilles d’objec-
tifs (e.g. annexe 7). Ils organisent ensuite une remédiation pour les élèves en
difficulté – en leur proposant un appui individuel ponctuel – et des activités
d’approfondissement pour les enfants performants.
Le bilan de l’expérience est très positif : la collaboration a bien fonctionné
et tous les élèves ont profité des compétences des deux enseignants. À la fin de
l’année scolaire, les enseignants ont réalisé une évaluation des performances
des élèves en lecture. Les résultats sont très encourageants, notamment pour

— 75 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

les élèves signalés « à risque ». En effet, les enfants concernés par le projet ont
tous atteint les objectifs de la 4P.
L’expérience vécue en quatrième par les deux enseignants s’est poursuivie
durant plusieurs années et s’est développée dans l’établissement scolaire. Le
projet a été élargi à tous les enseignants du cycle 1 (de la première à la quatrième
primaire). Les objectifs visés en fin de 4P (annexe 6) sont devenus les objectifs
du parcours de formation dès la première. Les enseignants ont ainsi effectué
un meilleur travail préventif de l’échec scolaire et ont permis à tous les élèves
d’atteindre les objectifs de lecture en quatre ans.
Cette extension du projet à l’ensemble du cycle d’apprentissage concerne
évidemment aussi les mesures institutionnelles, le découpage de la scolarité
en années étant une caractéristique majeure du fonctionnement de notre
école. L’intérêt de ce travail en cycle d’apprentissage concerne également la
problématique du redoublement. Les études montrent en effet que le nombre
de redoublants diminue fortement lorsque les objectifs sont fixés pour la fin du
cycle. On peut donc souligner une nouvelle fois que les mesures institutionnelles,
pédagogiques et individuelles sont, dans la pratique, tout à fait imbriquées.
Ce projet de co-enseignement a permis de constater qu’une collaboration
plus intensive entre les enseignants réguliers et les enseignants spécialisés,
dans un souci de prévention, est un facteur décisif dans la lutte contre l’échec
scolaire. Deux conditions semblent néanmoins nécessaires au bon déroulement
de ce type de projet :
– la collaboration entre les enseignants concernés – régulier et spécia-
lisé – est indispensable. Il s’agit d’instaurer une bonne relation avant
d’envisager un projet de co-enseignement. Un climat de confiance et de
collaboration dépend notamment de l’ouverture au partenariat des ensei-
gnants, de la définition de buts communs, du partage des responsabilités,
de l’instauration d’un climat de respect mutuel et de la compatibilité des
personnalités (Tremblay, 2013) ;
– le co-enseignement exige une grande disponibilité de la part des
enseignants. Une limite importante à sa généralisation touche au nombre
limité de classes dans lesquelles l’enseignant spécialisé peut intervenir.
Selon St-Laurent et al. (1999), un enseignant spécialisé à plein temps
peut travailler avec six à sept classes au grand maximum. Le statut actuel
des enseignants spécialisés ne permet donc pas la généralisation du
co-enseignement (pour le moment…).
Précisons enfin que, si le co-enseignement est une pratique pédagogique
très intéressante pour prévenir les difficultés, il ne remplace pas les mesures
d’aide individuelle (que nous présentons dans le chapitre 3). En effet, ce dis-
positif se situe bien au niveau « pédagogique ». Son objectif est d’accompagner
l’enseignant régulier dans des pratiques de différenciation et ne remplace donc
pas les interventions d’aide individuelle. En effet, « on constate que les élèves à
besoins spécifiques n’ont pas toujours profité d’une intervention directe. Quand

— 76 —
Les mesures pédagogiques

ils en ont bénéficié, celle-ci pouvait être superficielle, interrompue, peu préparée,
manquant d’intensité et loin de mener à des objectifs à long terme » (Tremblay,
2013, p. 31). En effet, le groupe-classe et les multiples sollicitations de tous
les élèves ont tendance à happer l’enseignant spécialisé – qui ne peut plus, dès
lors, accompagner correctement et spécifiquement les élèves en difficulté. Si
le travail en classe est très intéressant, l’aide individuelle en salle d’appui est
néanmoins parfois nécessaire et complémentaire au travail en duo.

2.3. L’ENSEIGNEMENT-APPRENTISSAGE
STRATÉGIQUE
La lutte contre l’échec scolaire et la promotion de la réussite se passent d’un
atout essentiel si elles n’envisagent pas un accompagnement stratégique des
élèves en difficulté : toutes les recherches actuelles sur le travail métacognitif
montrent en effet que les élèves qui réussissent à l’école ont des compétences
métacognitives efficaces. « Apprendre à apprendre » relève de la métacognition,
c’est-à-dire de « la conscience de son propre apprentissage de même que de sa
propre réflexion et comprend également le savoir sur l’apprentissage en général »
(Pohlman, 2011, p. 154). « Apprendre à apprendre » : le slogan vieillit, mais
ne prend malheureusement aucune ride ! Or l’enseignement stratégique est au
cœur du métier d’apprendre1. En effet, « les processus cognitifs regroupent les
opérations mentales qui permettent de saisir, de comprendre et de traiter une
information : mémoriser, être flexible, transférer, se repérer dans l’espace, dans le
temps, se construire une représentation mentale… » (Brunbrouck, 2018, p. 110).
Si de nombreuses études démontrent la pertinence d’une approche straté-
gique, le constat réalisé dans les classes montre que les enseignants travaillent
avec leurs élèves surtout le contenu scolaire (en français, en maths, en his-
toire, etc.), mais peu les stratégies permettant de se l’approprier. Par exemple
en lecture, « sur une période de 4.469 minutes d’observation d’enseignement
de la lecture en quatrième élémentaire, seulement 20 minutes ont été consa-
crées à l’enseignement de la compréhension ! » (Bianco et Bressoux, 2009,
p. 41). Or lire, c’est comprendre (et non décoder – qui est le moyen d’accéder
à la compréhension). Il s’agirait donc de « rendre les élèves plus actifs dans leur
processus d’apprentissage, leur demander d’inspecter le texte en profondeur,
d’en identifier les idées principales, gérer leur propre état de compréhension et
finalement conduire à une compréhension plus approfondie du texte » (Bianco
et Bressoux, 2009, p. 42).
Un autre intérêt de l’enseignement-apprentissage stratégique touche au
phénomène de l’attribution causale. Lorsque l’élève réussit – ou échoue – dans
un apprentissage, il peut avancer plusieurs explications très différentes des

1 Certains auteurs (notamment Bouysse, 2008 ; Brunbrouck, 2018) parlent de « méthodologie » pour
parler de l’ensemble des techniques relevant de « l’apprendre à apprendre ».

— 77 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

causes qui permettent d’expliquer le résultat obtenu. Weiner (1985) propose de


distinguer trois dimensions attributionnelles : le lieu de la cause (causes internes
ou causes externes ; dimension spatiale), la stabilité de la cause (dimension tem-
porelle ; cause permanente ou non) et la contrôlabilité (pouvoir de contrôler ou
non la situation). Par exemple, si l’élève dit qu’il échoue en mathématiques parce
qu’il n’a pas « la bosse des maths », son explication relève d’une cause interne,
stable et incontrôlable. Pour changer d’attribution négative, il faut développer
un sentiment de contrôlabilité, donc savoir que nous avons un pouvoir sur les
événements. Or les stratégies d’apprentissage participent de causes internes,
stables et contrôlables, ce qui explique leur efficacité dans l’aide aux élèves en
difficulté. En effet, l’élève qui maîtrise une stratégie et qui constate son efficacité
développe le sentiment de contrôler la tâche, ce qui favorise chez lui un fort
sentiment de compétence.
Or, souvent, l’élève en difficulté attribue son échec à des causes sur lesquelles
il n’a aucune prise (« moi, je n’ai pas la bosse des maths, de toute façon » ou
« moi, mon papa, il me dit toujours que je ne suis pas intelligente »). L’enfant
développe ainsi un sentiment de résignation dû à ses échecs nombreux et répétés
et à l’image qu’il se fait de lui-même. Il ne croit plus en lui et en ses capacités à
surmonter ses difficultés. La « résignation apprise » fait suite à des expériences
d’apprentissage qui font que les élèves attribuent les événements négatifs qui
leur arrivent à des causes internes, stables et incontrôlables. L’apprentissage
des stratégies par l’enfant lui redonne donc du pouvoir sur sa réussite scolaire
et favorise par conséquent le sentiment de contrôlabilité.

2.3.1 L’importance de l’objectivation

L’enseignement des stratégies aux élèves et la prise de conscience des démarches


efficaces jouent donc un rôle primordial dans la lutte contre l’échec scolaire. Alors
que les élèves performants utilisent spontanément des procédures efficaces, les
élèves en difficulté doivent les apprendre. Très souvent, ces derniers utilisent des
stratégies cognitives et métacognitives inadaptées. Or les conduites intelligentes
s’apprennent et doivent donc être enseignées. En effet, les recherches ont mis
en évidence que les stratégies, les procédures, les processus mêmes de pensée
s’acquièrent par l’éducation. Les expériences que vivent les enfants, notamment
les interactions avec le milieu familial ou scolaire, développent les performances
intellectuelles. Le rôle des médiateurs – parents, enseignants – est, à ce propos,
déterminant. Ce sont eux qui permettent à l’enfant de donner du sens à ce qu’il vit
et de mieux maîtriser son environnement. Ils peuvent donc favoriser l’émergence
de conduites « plus intelligentes », mieux adaptées aux exigences de la situation.
Pour l’élève en échec, la difficulté principale se trouve justement dans la
non-explicitation des démarches. Contrairement aux élèves qui réussissent, les
enfants en difficulté doivent apprendre les procédures efficaces et les conditions
dans lesquelles celles-ci doivent être mises en œuvre. S’ils prennent conscience

— 78 —
Les mesures pédagogiques

des processus qu’ils doivent actualiser, ils pourront réaliser correctement leurs
tâches scolaires. « Mettre des mots sur “comment se construit l’apprentissage”
favorise l’autonomie et l’indépendance cognitive de l’élève : “Je sais comment
faire pour apprendre. J’ai des outils pour résoudre un problème” » (Brunbrouck,
2018, p. 110). Il s’agit donc de rendre explicite l’utilisation des stratégies efficaces
pour comprendre, apprendre et mémoriser (Stordeur, 2014).
L’explicitation, l’objectivation, la verbalisation tiennent une place cen-
trale dans cette approche stratégique. Comme l’écrivait Confucius (cité par
Brunbrouck, 2018), « l’expérience est une bougie qui n’éclaire que celui qui la
porte » (p. 158). Le rôle de l’enseignant est d’éclairer ses élèves sur les enjeux
des apprentissages sans qu’ils doivent le découvrir et l’expérimenter eux-mêmes.
C’est un travail de médiation qui permet aux élèves, grâce à l’objectivation, de
profiter des « lumières » de l’expert. Ainsi, « l’enseignement de stratégies passe
par l’explicitation, la prise de conscience de l’élève et la mise en œuvre délibérée
des procédures à travers la discussion, l’argumentation et le débat » (Bianco et
Bressoux, 2009, p. 43). C’est donc à un vrai travail de médiation qu’est invité
l’enseignant qui accompagne, guide, conseille ses élèves dans l’utilisation des
stratégies efficientes d’apprentissage.

2.3.2 L’exemple de Samuel

Avec un groupe d’enseignants spécialisés, nous avons réfléchi à la manière de


travailler les stratégies en classe. Pour élaborer cette démarche, nous avons ana-
lysé les exercices et les fiches proposées dans le matériel officiel (en français et
en mathématiques) en nous demandant quels processus cognitifs et métacognitifs
les élèves devaient utiliser pour réaliser correctement les exercices. Nous avons
analysé ainsi plus de quatre-vingts fiches et exercices du programme. Notre
première surprise a été de constater les innombrables difficultés stratégiques
que pouvaient poser à l’élève la plupart des exercices. Comme exemple, nous
proposons une fiche tirée du programme de vocabulaire de 5P abordant la notion
des « mots de sens proche » (annexe 8) et la « grille des processus mentaux » qui
l’accompagne (l’annexe 9 présente la première et dernière page de la grille
– qui compte en tout cinq pages).
Si on analyse simplement comment l’élève doit « entrer » dans cette fiche
pour la réaliser correctement, on constate notamment que :
– il doit procéder à une lecture globale de la fiche pour comprendre le thème
« des mots de sens proche » (titre), le matériel qui est nécessaire (logo du
livre ouvert), le nombre d’exercices présentés et repérer les consignes
(3 exercices, mais 4 consignes) ;
– il doit lire les deux premières consignes pour réaliser le premier exercice et
garder dans sa mémoire de travail au minimum 5 informations (annexe 9
– exercice 1, perception) ;

— 79 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

– il doit comprendre que l’exercice 2 n’est pas un nouvel exercice, mais la


deuxième partie de l’exercice 1 (alors que le troisième exercice est tout
à fait indépendant des deux premiers) ;
– il doit comprendre le vocabulaire utilisé dans les consignes et dans les
exercices (texte/verbes de sens proche : ôter/vigoureusement/…) ;
– etc.
La situation suivante va nous permettre, à partir de cette fiche, de mettre en
évidence les difficultés d’un élève dans son attitude face à la tâche et d’envisager
une aide « stratégique » adaptée.

Samuel est en 5P. À la fin du premier semestre, il est signalé en appui pour
des difficultés globales. Ses résultats sont faibles dans toutes les branches et
les enseignantes se demandent comment elles peuvent l’aider. Lors d’un cours
d’appui, l’enseignant spécialisé soumet à Samuel la fiche sur « les mots de sens
proche » (annexe 8) en lui proposant d’effectuer les exercices tout seul.
Pendant que l’élève travaille, l’enseignant l’observe discrètement et note sur
sa « grille des processus » (annexe 9) ses remarques. Il constate par exemple
que Samuel ne prend pas son livre de lecture pour réaliser les deux premiers
exercices. Il travaille par contre posément et reste concentré sur sa tâche durant
toute l’activité. Lorsque l’élève lui donne sa fiche, l’enseignant d’appui constate
que Samuel a commis de nombreuses erreurs. En analysant le « produit », il peut
compléter certains items de la « grille des processus ». Comme Samuel n’a pas
comparé le texte de la fiche avec le texte du livre, les deux premiers exercices
sont totalement incorrects. L’enseignant suppose alors que Samuel n’a pas lu
les deux premières consignes… et il se trompe !
L’enseignant (M) engage maintenant un « entretien pédagogique » avec l’élève (E) :
— (M) Est-ce que tu es d’accord de m’expliquer comment tu as fait cette fiche ?
— (E) Oui… j’ai souligné les mots dans cet exercice, puis là j’ai écrit et j’ai
fait le dernier exercice.
— (M) Explique-moi ce que tu as fait tout au début, quand tu as reçu la fiche.
— (E) J’ai lu ici (me montre le début de la première consigne).
— (M) Est-ce que tu sais ce que tu as travaillé dans cette fiche ?
— (E) Oui, les verbes.
Dans ce petit dialogue, l’intervenant constate que Samuel n’a pas observé glo-
balement la fiche : il n’a pas lu le titre, ne sait donc pas à quel thème rattacher
ces exercices et ne comprend pas quels apprentissages il va effectuer dans cette
fiche. Il pense en effet réaliser des exercices de conjugaison. De plus, il ne voit
pas le logo qui lui indique qu’il doit sortir son livre de lecture à la page 58.
L’enseignant poursuit l’entretien en retournant la fiche. Il veut vérifier si Samuel
a compris la consigne du premier exercice, sans lui permettre de la relire :
— (M) Est-ce que tu peux me raconter cette consigne ?
— (E) Oui, c’est marqué qu’il faut souligner les verbes qui sont proches.
— (M) Est-ce que cette consigne te demande autre chose ?

— 80 —
Les mesures pédagogiques

— (E) Non.
— (M) Est-ce que cette consigne parle encore d’autre chose ?
— (E) Non, c’est tout, il faut souligner dessous les verbes qui sont proches.
Samuel a effectivement lu la consigne, comme il l’avait dit. Par contre, il n’a
pas évoqué la première partie de la consigne et a compris « les verbes qui sont
proches » pour « les verbes de sens proche ».
L’entretien se poursuit ainsi durant quelques minutes et permet d’analyser avec
l’élève sa démarche dans la réalisation de cette fiche. Relevons simplement la
fin de l’entretien :
— (M) Est-ce que tu peux me dire ce que tu as appris en faisant cette fiche ?
— (E) Oui… à souligner.
Ce dialogue a donc permis de « dérouler » avec l’élève tout le « film » de sa
démarche. Finalement, lorsque Samuel retourne dans sa classe, l’enseignant peut
compléter sa « grille des processus » et a maintenant une idée claire de la procédure
que l’enfant a mise en place face à cette tâche (annexe 9 – Commentaires). Il
émet l’hypothèse que Samuel est en difficulté parce qu’il ne comprend pas l’enjeu
des tâches qu’on lui propose : il pense travailler « les verbes » alors qu’il réalise
une fiche de vocabulaire et dit avoir appris « à souligner » en effectuant ce travail.
Lors des cours d’appui suivants, l’enseignant spécialisé a pu proposer à Samuel
d’autres fiches (grammaire, orthographe, maths, etc.) pour vérifier si les hypo-
thèses qu’il a émises lors de cette première évaluation étaient correctes. Il a
constaté qu’effectivement Samuel ne sait jamais ce qu’il fait et pourquoi il le
fait. Il a donc pu envisager une remédiation ciblée sur cette problématique. Il a
montré à l’élève, à partir d’autres fiches, comment il peut mieux comprendre
l’enjeu des exercices en lisant systématiquement le titre et en mobilisant ses
compétences dans le domaine abordé dans la fiche. Par exemple, lorsque Samuel
effectue maintenant une fiche d’orthographe, il commence toujours par lire le
titre (par exemple « la relation sujet-verbe ») et prend du temps pour expliciter,
avec ses propres mots, l’attente liée aux exercices proposés. S’il lit la consigne
(par exemple « Choisis le verbe qui convient et écris-le au présent »), il peut établir
le lien entre ce qu’on lui demande dans l’exercice et l’enjeu global de la fiche.
Finalement, on peut dire que Samuel, grâce à cet accompagnement, a appris une
stratégie efficace et a développé des compétences métacognitives indispensables
à sa réussite scolaire.

Quand on analyse les procédures utilisées par un élève, on constate, comme


dans l’exemple ci-dessus, des constantes : tel élève est incapable de donner le
titre de la fiche ; certains élèves ne savent pas dire s’ils ont réalisé une fiche de
français ou de maths ; tel autre néglige systématiquement de lire les consignes ;
celui-ci ne fait aucun lien entre les différents exercices de la fiche ; celui-là rend
son travail en sachant pertinemment que la moitié des réponses sont fausses, etc.
Nous verrons, dans la seconde partie de l’ouvrage, l’importance d’évaluer
l’attitude de l’élève face à la tâche. Le travail présenté ici permet justement une
évaluation assez fine des procédures que l’élève utilise face à une fiche scolaire.

— 81 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

Lorsque l’intervenant aura identifié les difficultés « stratégiques » de l’élève, il pourra


alors lui apporter une remédiation adaptée. Cette démarche permet donc :
– de mettre en évidence les difficultés de l’élève dans son attitude face à la
tâche. La technique de « l’entretien d’explicitation » (Vermersch, 2011)
est ici d’une grande utilité ;
– lorsque l’enseignant aura cerné la difficulté de l’enfant, il pourra envisager
une aide appropriée. Cette approche est donc également utile lors de la
phase de remédiation.
Notons ici, pour terminer, que ce travail d’évaluation des stratégies, puis
de remédiation, exige une prise en charge individuelle1 et un apprentissage
rigoureux. Il serait en effet tout à fait insuffisant d’informer uniquement l’élève
de ses difficultés et des procédures efficaces : la pratique de l’enseignement
stratégique demande que l’enseignant veille, comme lors d’apprentissages de
connaissances déclaratives, au maintien et à la généralisation des procédures
enseignées.
Pour lutter contre l’échec scolaire, les enseignants devront donc enseigner
à leurs élèves des stratégies, des procédures efficaces et pas uniquement des
connaissances scolaires. « Les tendances actuelles en adaptation scolaire sug-
gèrent que l’intervention pédagogique avec les élèves en difficulté doit être
centrée sur les stratégies cognitives et métacognitives. […] Les recherches
démontrent qu’un élève performant est stratégique dans ses apprentissages,
c’est-à-dire qu’il connaît bien les stratégies dont il dispose et qu’il sait dans
quelle situation une stratégie est appropriée et dans laquelle elle ne l’est pas »
(St-Laurent et al., 1999, p. 33).

2.3.3 L’importance de la mémorisation

Les dimensions de l’enseignement-apprentissage stratégiques sont très nom-


breuses. Nous ne pouvons évidemment pas les évoquer toutes dans cet ouvrage.
Nous souhaitons néanmoins souligner la place fondamentale que joue – que
devrait jouer ! – la mémorisation dans la réussite scolaire. Très souvent, l’ensei-
gnant axe le travail des élèves sur la compréhension. C’est évidemment essentiel,
mais toujours insuffisant ! En effet, si l’élève ne mémorise pas ce qu’il a compris,
il ne pourra pas le réutiliser plus tard. Le risque, c’est que la boucle de la compré-
hension tourne à vide et que tout ce qui a été compris est oublié. Berthier et al.
(2018) vont même jusqu’à affirmer que la mémorisation est « le maillon faible »
du système scolaire. Ils conseillent d’organiser des temps de mémorisation en
classe, pour éviter que la compréhension « tourne à vide ». Des stratégies de dépôt
en mémoire à long terme et de stockage des connaissances sont indispensables.

1 Certains auteurs préfèrent parler de « prise en compte » et non de « prise en charge », cette dernière
expression laissant croire que l’élève est un poids à porter et non un enfant à accompagner… (Bedoin
et al., 2018).

— 82 —
Les mesures pédagogiques

Sans elles, tout ce qui a été compris est perdu. Comme le relèvent Gauthier
et al. (2013), « les enseignants efficaces consacrent 15 à 20 % de leur temps
d’enseignement à la révision hebdomadaire et mensuelle » (p. 117).
Ce travail de mémorisation devrait s’effectuer autour des mots clés, dans
chacune des disciplines. La mémoire sémantique est en effet organisée en un
réseau de concepts interreliés, en arborescence (Demnard, 2009). Alors que nous
avons cru pendant longtemps que le raisonnement était le meilleur prédicteur de
réussite, « cette théorie renouvelle le thème de l’intelligence au point que, pour
beaucoup de chercheurs, l’intelligence repose en grande partie sur la mémoire,
notamment la mémoire des connaissances » (Lieury, 2004, p. 10). Autrement
dit, pour favoriser la réussite scolaire de nos élèves, il faut augmenter leur
vocabulaire. En effet, « l’estimation du vocabulaire acquis chez le meilleur élève
(17/20 de moyenne scolaire générale) est d’environ 4.000 concepts tandis que
cette estimation chute à 1.000 concepts pour l’élève ayant la moyenne scolaire
la plus basse. […] Ainsi, selon les années, les corrélations sont de .60 à .72
entre la richesse du vocabulaire encyclopédique et la réussite scolaire » (Lieury,
2004, p. 12)1.
Comme nous l’avons souligné, l’école privilégie souvent le raisonnement
et la compréhension au détriment de la mémorisation. Or ce modèle de réseau
sémantique montre que nos connaissances sont organisées en un tissu de
concepts et donc que le rôle de la mémoire est très important dans le fonction-
nement cognitif. L’apprentissage et la mémorisation du vocabulaire sont donc
essentiels à la réussite scolaire.
Dans notre pratique d’enseignant d’appui, lorsque nous accompagnons
un élève en difficulté dans l’apprentissage d’une discipline scolaire spécifique,
nous établissons toujours une liste des concepts de cette discipline que nous
demandons à l’élève de mémoriser. Chaque fois que l’élève vient en appui,
nous travaillons, durant les cinq premières minutes, un ou deux concepts que
l’élève mémorise. Après quelques mois, l’élève maîtrise ainsi parfaitement plu-
sieurs dizaines de concepts clés sur lesquels il peut s’appuyer pour comprendre
et raisonner. En classe, l’enseignant pourra utiliser des ardoises sur lesquelles
les élèves inscriront le concept étudié. Cette forme d’interrogation collective
permet de vérifier que chaque enfant, individuellement, a bien mémorisé le
concept étudié (Bouysse, 2008).
Ces connaissances lexicales peuvent se présenter sous la forme d’un glos-
saire, d’une carte conceptuelle (mindmap), d’un cahier de réactivation, d’un dic-
tionnaire mathématique, d’un memory box, etc. (« cartes flash » ; Hourst, 2016),
qui reprennent uniquement les concepts centraux d’un domaine d’apprentissage.
Par exemple, l’apprentissage de l’histoire peut se construire autour des concepts
principaux de Préhistoire, d’Antiquité, de Moyen Âge, de Temps moderne et

1 Pour un développement complet des implications pédagogiques de ces résultats, il est possible de
se référer à Vianin, P. (2020). Comment donner à l’élève les clés de sa réussite ? L’enseignement des
stratégies d’apprentissage à l’école. Louvain-la-Neuve : De Boeck Supérieur.

— 83 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

d’Époque contemporaine. Chacun de ces concepts peut ensuite se développer


en d’autres concepts secondaires. Par exemple, le concept d’Antiquité se décli-
nera en trois autres concepts importants, la civilisation égyptienne, grecque et
romaine. De même, en maths, la numération se travaillera à partir des concepts
de chiffre, nombre, nombre à virgule, fraction, inférieur, supérieur, numération
positionnelle, numération décimale, unité, dixième, centième, etc.
Si donc la réussite scolaire dépend de la mémoire et que c’est la mémoire
sémantique qui est la plus importante, alors la place de la mémorisation à l’école
doit être reconsidérée, notamment pour les élèves en difficulté (Lieury 2004,
2013). Cette compréhension du fonctionnement de la mémoire à long terme
présente des implications très importantes sur l’enseignement-apprentissage.
Très concrètement, il s’agit d’organiser le curriculum autour des concepts orga-
nisateurs du savoir. Avant de commencer un chapitre ou d’aborder un nouveau
thème avec les élèves, l’enseignant devra identifier le ou les concepts centraux
– qui devront ensuite être mémorisés durant la séquence, puisqu’ils résument
et concentrent tout le savoir. Durant la séance elle-même, l’enseignant tissera
constamment des liens entre les connaissances apprises, les exercices réalisés
et les concepts-clés qui les résument. Il s’agit donc d’articuler constamment la
compréhension et la mémorisation.

2.4. LA MOTIVATION SCOLAIRE


La motivation est évidemment une composante essentielle de la lutte contre
l’échec scolaire. La réussite de l’accompagnement des élèves en difficulté dépend
très souvent de l’investissement de l’élève. Susciter le désir d’apprendre est
donc un enjeu fondamental : « Dans motivation, il y a moteur, c’est-à-dire ce
qui donne le mouvement, l’énergie, l’élan. Ce qui fait avancer. La motivation
est le moteur de tout apprentissage, de tout désir de savoir et d’apprendre. La
motivation est un des facteurs les plus puissants dans la dynamique de la réussite
scolaire » (Siaud-Facchin, 2008, p. 257). Sans motivation, sans cette impulsion
initiale, point d’apprentissage. Or, très souvent, l’enseignant pense qu’il ne
peut travailler qu’avec des élèves qui sont motivés a priori. Cette section tend
à montrer qu’il a une responsabilité dans ce domaine et qu’il peut s’inspirer de
pistes qui relèvent du niveau « pédagogique » de l’intervention.
Mais qu’est-ce que la motivation ? Les définitions sont multiples et se réfèrent
à des courants théoriques souvent très différents. Pour les besoins de cette sec-
tion, nous pouvons néanmoins retenir une acception commune à plusieurs de
ces approches. De manière assez simple, on pourrait dire que la motivation…
– favorise l’engagement de l’élève dans la tâche ;
– initie un mouvement vers le but qu’il s’est fixé ;
– pousse l’élève à agir et soutient son action jusqu’à l’atteinte de l’objectif fixé.

— 84 —
Les mesures pédagogiques

Mais alors, comment l’enseignant peut-il favoriser ce mouvement, cette


énergie, cet élan ? Comment, dans sa classe, peut-il susciter la motivation de ses
élèves et prévenir ainsi l’échec scolaire ? Six axes d’intervention seront présentés
– qui tentent de répondre à cette question1.

2.4.1 Les besoins fondamentaux :


l’importance de la relation

Dans la motivation scolaire, la réponse qu’apporte l’enseignant aux besoins


fondamentaux d’amour, d’estime de soi et d’appartenance de l’élève est fon-
damentale. La motivation dépend d’abord de la relation qui va s’établir entre
l’enseignant et ses élèves. Elle ne peut naître que dans un climat positif de res-
pect et de bienveillance. Il est troublant de constater que la grande majorité des
ouvrages pédagogiques n’osent pas aborder la question de l’amour à propos
de la relation qui se tisse entre l’enseignant et ses élèves (Rouiller, 2019). Or,
« depuis plusieurs décennies, les chercheurs ont accumulé de nombreux résultats
témoignant des effets positifs de la relation enseignant-élève sur la motivation, la
réussite scolaire et l’adaptation psychosociale des élèves » (Virat, 2020, p. 10).
Comme le relève également Richoz (2009) : « Il est pourtant fondamental
et nécessaire de les aimer, en leur manifestant un amour qui peut prendre
diverses formes : présence attentionnée, écoute empathique, bienveillance,
respect, confiance accordée, compassion, humanité » (Richoz, 2009, p. 405).
C’est bien l’amour qui est en jeu dans les relations qui s’établissent à l’école.
Bien sûr, celui-ci peut prendre différentes formes pour l’enfant – l’amour de
soi, l’amour des parents, l’amour des autres enfants (qui permet l’intégration),
l’amour du savoir – mais également pour l’enseignant : l’amour de soi, des
parents, des collègues, des élèves et – parfois même ! – de son directeur d’école
et de son inspecteur.
La motivation ne peut donc naître que dans un climat positif de respect et de
bienveillance. Bardé de compétences techniques, le professionnel risque de ne
voir dans l’élève qu’un « cas », qu’une « problématique », qu’une étiquette « dys ».
Or il est d’abord une personne que l’on accueille et non un cas que l’on traite.
Si la relation est bonne, on voit parfois « que certains enfants peuvent être subi-
tement passionnés par une matière dans laquelle ils n’étaient pas spécialement
doués, et cela seulement parce qu’un professeur a su les intéresser. […] Dans
ces histoires fréquentes, on retrouve le plus souvent une dimension essentielle :
la dimension affective. La relation que le prof entretient avec ses élèves faite de
confiance et d’estime réciproque » (Siaud-Facchin, 2008, p. 268). C’est cette
relation positive qui suscitera chez l’élève le désir de lui ressembler (« désir mimé-
tique ») en l’imitant dans sa manière d’apprendre (Battut et Bensimhon, 2018).

1 Nous avons déjà présenté ces six axes dans un précédent ouvrage (2016) : Comment développer
un processus d’aide pour les élèves en difficulté ? Louvain-la-Neuve : De Boeck Supérieur. Ils sont repris
et résumés ici.

— 85 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

La relation de l’élève doit être positive avec l’enseignant, mais également


avec les pairs. Il est indispensable que l’enfant ait le sentiment d’appartenir à une
communauté et se sente en sécurité dans la classe et dans l’école. L’enseignant
soucieux de constituer un groupe-classe solidaire favorisera le travail de groupe et
la coopération entre les élèves. Par exemple, pour un enfant en difficulté, devenir
tuteur d’un autre élève – dans un domaine où il excelle ou avec un enfant plus
jeune – peut se révéler très valorisant et donc très motivant. Ainsi, « les relations
que l’élève entretiendra avec les adultes et les enfants qui l’entourent seront
essentielles. […] La réussite est liée aux encouragements des personnes qui nous
entourent et qui croient en nos capacités, en nos talents » (Bablon, 2019, p. 11).
Outre ses besoins fondamentaux d’estime (confiance en soi et reconnais-
sance des autres), de sécurité et d’appartenance, l’élève se trouve également
dans la nécessité d’avoir une bonne hygiène de vie, condition de base pour une
possible motivation scolaire. Nous l’avons déjà souligné (Propos liminaires, 2.5),
l’enfant a besoin de dormir suffisamment, de manger sainement et de bouger
pour pouvoir se concentrer et apprendre.

2.4.2 La motivation intrinsèque :


quels sujets pour le sujet ?

Si le courant humaniste a souligné l’importance de la relation dans l’apprentis-


sage, il a également insisté sur l’importance de la motivation intrinsèque, celle qui
correspond aux intérêts spontanés, naturels de l’élève. Les activités proposées
doivent rejoindre la curiosité de l’enfant et ses intérêts personnels. La motivation
intrinsèque vient du plaisir que l’on éprouve à apprendre, de l’intérêt que l’on
porte à l’activité. Elle est plus efficace qu’une motivation extrinsèque (comme
la récompense, la note ou la gommette).
La motivation intrinsèque est un levier très important pour l’enseignant, mais
seule une connaissance fine des intérêts de ses élèves lui permettra de l’utiliser de
manière pertinente. Il s’agit donc de consacrer du temps, notamment au début
de l’année scolaire, pour faire connaissance avec les élèves et mieux cerner leurs
intérêts. Lorsqu’il saura ce qui motive ses élèves, l’enseignant pourra choisir des
tâches, des activités, des supports, des modalités de travail, etc. correspondant
à leurs motivations personnelles. Par exemple, l’enseignant pourra choisir un
support de lecture qui correspond aux intérêts extrascolaires de ses élèves. S’il a
cette année une classe de « footeux », il pourra travailler la lecture en proposant
aux élèves de lire le compte-rendu du dernier match.
Pour rejoindre leur motivation intrinsèque, l’enseignant pourra laisser le
choix à ses élèves de l’objectif poursuivi, de l’activité à engager ou des modalités
de travail. L’autodétermination correspond à la possibilité de pouvoir effectuer un
choix et elle est toujours très favorable à l’engagement des élèves dans la tâche
– justement parce qu’elle touche leur motivation intrinsèque : « Si j’ai le choix,
alors je prends l’activité qui correspond le mieux à ce que je désire. » D’autre

— 86 —
Les mesures pédagogiques

part, encourager l’autodétermination, c’est considérer la personne comme sujet


du projet : « Le sentiment d’avoir une certaine maîtrise de leur environnement
et de participer aux décisions qui les concernent a généralement une grande
influence sur la motivation des individus » (Archambault et Chouinard, 2016,
p. 216). La motivation à apprendre peut donc s’appuyer, d’une part, sur le sen-
timent d’efficacité personnelle de l’élève (SEP) et, d’autre part, sur le sentiment
de pouvoir faire des choix (autodétermination) (Czerniawski et Kidd, 2015).

Gabriel est actuellement en 4P et a de grandes difficultés dans le déchiffrage.


Se plonger dans un texte exige de lui un effort important. L’enseignant a de
nombreux ouvrages et du matériel ludique à disposition pour travailler avec lui.
Au début du cours, l’enseignant présente à Gabriel les différents supports qu’il
a prévus ; il aurait pu décider lui-même de l’exercice à travailler, mais il préfère
laisser le choix à son élève. Gabriel est alors très motivé à commencer le travail
avec un jeu. Le fait qu’il ait pu choisir lui-même l’activité l’engage positivement
dans la tâche.

2.4.3 La motivation extrinsèque :


la carotte, le bâton… et la carriole

S’il est parfois difficile de proposer une tâche qui correspond à la motivation
intrinsèque de l’élève, il est toujours possible d’envisager des pistes favorisant sa
motivation extrinsèque, celle qui vient de l’extérieur. La motivation extrinsèque se
construit sur ce que l’enfant va obtenir grâce à ton travail : une récompense concrète,
mais également la reconnaissance de l’enseignant, de ses parents ou de ses pairs.
L’approche béhavioriste propose ici des outils tout à fait efficaces. Avec la
motivation extrinsèque, la source de la motivation se situe à l’extérieur du sujet :
ce sont les renforcements, les feed-back et les récompenses qui alimentent la
motivation. L’élève réalise une activité pour en retirer un avantage. La présen-
tation agréable du travail, l’effet de surprise, un matériel ludique, etc. participent
également de cette motivation extrinsèque.
En caricaturant, nous pourrions dire que trois formes de motivation extrin-
sèque sont possibles : la carotte, le bâton et la carriole. Le bâton est probablement
la plus connue et la plus utilisée. Comme professionnel et/ou comme parents,
nous avons souvent tendance à sanctionner lorsque le comportement nous paraît
inadapté. Or les recherches montrent clairement que le bâton, s’il est efficace
à court terme (et renforce donc l’adulte dans son usage !), ne permet pas une
modification du comportement à long terme. Rangeons donc le bâton dans le
réduit des outils motivationnels dépassés.
Par contre, la carotte est beaucoup plus motivante, mais son efficacité
dépend de quelques règles fondamentales :
– utiliser tout d’abord des renforçateurs tangibles (bons points, activités
renforçantes, gommettes, jetons, etc.) ;

— 87 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

– renforcer le comportement souhaité immédiatement ;


– espacer ensuite les renforcements ;
– ne pas utiliser de carottes si la soupe est bonne (si l’élève aime ce qu’il fait,
l’utilisation de renforcements risque de tuer sa motivation intrinsèque) ;
– la promesse de la récompense est également efficace ;
– aider l’enfant à fixer lui-même la récompense qu’il s’accordera après la
réalisation de la tâche.
La technique de « la carriole » est probablement moins connue. La Garanderie
(1991) parle de « motivation par les moyens ». Ce n’est donc ici ni la peur (crainte
du bâton) ni la récompense (manger la carotte) qui motivent, mais les supports
mêmes utilisés (le « moyen de transport », la carriole). L’usage de l’ordinateur est
un bon exemple de motivation par les moyens : c’est ici le support de travail
qui motive l’élève à s’engager dans ta tâche. L’ordinateur peut être considéré
comme la carriole motivationnelle du nouveau millénaire !
Notons enfin qu’il est toujours préférable, si c’est possible, de fonder nos
interventions sur la motivation intrinsèque de l’élève. Néanmoins, lorsque ce
dernier souffre depuis longtemps d’un manque chronique de motivation, il
peut être judicieux d’envisager une forme plus extrinsèque de stimulations.
« On peut, bien sûr, proposer ponctuellement des “récompenses”. À très court
terme, cela peut donner un “coup de pouce”. Mais il faut que ce soit limité et
utilisé seulement comme “starter”, pour lancer la “machine”. Comme avec les
voitures l’hiver ! » (Siaud-Facchin, 2008, p. 265).
Soulignons également ici que la note est une motivation totalement extrin-
sèque. Lorsque les enseignants ou les parents l’invoquent comme facteur
motivationnel, ils ignorent souvent que la note engage une motivation peu
favorable aux apprentissages. Si elle n’a pas de grandes vertus conatives, c’est
parce qu’elle n’a qu’un pouvoir informatif très limité. Une note ne dit rien des
difficultés rencontrées par l’élève ni des moyens à mettre en œuvre pour les
surmonter. Elle entretient un rapport très lâche avec le contenu de l’examen (la
preuve : l’élève peut obtenir la même note dans un test de français, de maths
ou de géographie).
Pour favoriser la motivation des élèves, l’enseignant aurait donc tout
avantage à « substituer, à une problématique de mesurage par des notes, une
problématique de lecture analytique des prestations et productions scolaires.
[…] Et passer ainsi d’une culture de la note à une culture de l’observation et
de l’analyse informatrices » (Hadji, 2018, p. 29). Autrement dit, « la meilleure
stratégie consisterait à donner des notes aux élèves le plus rarement possible
et à n’utiliser que des commentaires afin de diriger les efforts futurs » (Smith,
2009, p. 95). Quant aux parents, ils auraient tout intérêt, lorsque l’enfant
rentre de l’école avec une note, à souligner les apprentissages réalisés et à ne
pas trop insister sur le résultat obtenu – au risque de montrer à l’enfant que la
seule chose qui les intéresse est la note !

— 88 —
Les mesures pédagogiques

Ces deux formes de motivation – extrinsèque et intrinsèque – ne sont


pas exclusives, mais complémentaires : « Pour être maintenue, la motivation
intrinsèque suppose des renforcements positifs de l’extérieur : félicitations et
encouragement » (Siaud-Facchin, 2008, p. 260).

Raphaël est un enfant impulsif. Il est toujours très pressé de terminer son travail
et ses résultats scolaires en souffrent. L’enseignant lui a fixé trois objectifs :
– travailler seul (sans solliciter constamment l’aide de l’adulte) ;
– travailler posément (« pas trop vite ») ;
– présenter un travail de qualité (sans erreurs, si possible).
Lorsque ces trois critères sont respectés, Raphaël peut colorier un smiley. Après
5 smileys, il peut choisir un jeu. Sa motivation est ainsi entretenue par une défi-
nition précise (opérationnelle) des attentes, un feed-back régulier sur la qualité
de son travail et une récompense qui renforce sa motivation.

2.4.4 Les buts et les objectifs : viser la cible

Un autre intérêt de l’approche béhavioriste, c’est de nous aider à clarifier les


attentes en les formulant en objectifs opérationnels. La capacité à définir des
buts et à les traduire en objectifs à court terme est déterminante pour favoriser
la motivation. « Pour qu’il y ait motivation, il faut l’existence d’un objectif clair
et d’un but précis » (Siaud-Facchin, 2008, p. 258). Les élèves qui sont en échec
sont souvent ceux qui ne se fixent pas de but (« faire pour faire ») ou ceux qui
se fixent des buts inadaptés (« impossible de faire »). Or la motivation naît très
souvent de la tension qui s’établit entre l’évaluation de la situation initiale et la
définition d’un but réalisable (« faire pour réussir ») :
« L’objectif que l’on fixe permet d’activer le besoin, la tension, mais aussi
l’intention et la mise en place d’une action pour atteindre ce but.
– La motivation fait naître l’effort pour atteindre ce but.
– La motivation permet de soutenir l’effort jusqu’à ce que l’objectif soit
atteint » (Siaud-Facchin, 2008, p. 259).
Il s’agit donc de clarifier avec l’élève ses ressources et ses besoins, puis de
lui communiquer explicitement les objectifs qui lui permettront de surmonter
ses difficultés. « L’enfant doit savoir exactement où il va et comment il peut y
aller : le cadre doit être clair pour qu’il ne se perde pas en route » (Siaud-Facchin,
2008, p. 260). L’élève peut devenir ainsi « acteur » de ses apprentissages, et
non seulement « actif » (Mansuy et Zakhartchouk, 2009).
Pour éviter le découragement, le but fixé ne doit être ni trop facile ni trop
difficile, mais se situer dans la zone proximale de développement (ZPD) de l’élève1.

1 La zone proximale de développement (ZPD) de Vygotski désigne la zone qui se situe entre le niveau
actuel de l’enfant lorsqu’il réalise la tâche seul et le niveau qu’il peut atteindre grâce à la médiation de
l’adulte. Elle représente l’écart entre le niveau actuel de l’enfant et ses capacités latentes.

— 89 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

Parfois, il est nécessaire de fixer des objectifs intermédiaires, à court terme, de


manière à maintenir un niveau élevé de motivation. Chaque fois qu’il atteint un
objectif, l’élève est renforcé et encouragé à poursuivre. Les activités proposées à
l’élève doit donc correspondre à ses capacités :
– trop difficiles : elles le confrontent à ses limites et le condamnent à l’échec ;
– trop simples : elles sous-estiment les compétences de l’enfant et favo-
risent son ennui ;
– adaptées : elles permettent à l’enfant de relever le défi et d’obtenir la
satisfaction de la réussite, malgré la difficulté.
Lorsque les objectifs seront fixés, l’enseignant donnera fréquemment des
feed-back sur les résultats obtenus et pointera les progrès réalisés. Se fixer un
but et se donner les moyens de l’atteindre suscite en effet une forte motivation,
qui relève d’un défi. Le feed-back doit suivre rapidement sa production pour
qu’il soit réellement efficace. L’élève est alors capable d’associer son résultat
avec les efforts fournis et les stratégies mobilisées.
Pour que le but soit clairement identifié par l’élève, l’enseignant doit vérifier
qu’il soit opérationnalisé. Autrement dit, l’élève doit être capable d’identifier
précisément quand le but est atteint ou non : un objectif opérationnel doit donc
définir le comportement observable, les conditions de réalisation et les critères
qui permettent d’attester que le but est atteint. Des buts trop vagues ne sont
pas motivants.
De plus, l’élève pourra s’auto-évaluer et conscientiser les progrès réalisés
s’il connaît précisément les objectifs poursuivis. « L’auto-évaluation de l’élève
répond à la fois aux impératifs de réussite et de motivation. Les élèves qui
peuvent évaluer leur travail, se situer par rapport à l’objectif et planifier ce qu’ils
doivent faire pour s’améliorer sont véritablement en processus d’apprentissage »
(Brookhart, 2012, p. 5).

2.4.5 Le projet : son sens et sa valeur

Les deux dernières composantes de la motivation se réfèrent plus explicitement


à la psychopédagogie cognitive. La motivation – qui pourrait se situer métapho-
riquement au niveau du cœur dans l’approche humaniste et à celui du corps
dans le béhaviorisme – se localise « dans la tête » pour la psychologie cognitive.
Il s’agira donc, dans cette perspective, de considérer la motivation comme
le fruit d’une élaboration cognitive. Le rôle de l’information apportée à l’élève
par l’enseignant se révélera donc déterminant. Cette information concernera
aussi bien la tâche à effectuer, les stratégies à adopter, les conditions de réa-
lisation, les buts, etc. L’enseignant favorisera la motivation de l’élève en lui
communiquant notamment le sens et les enjeux de la tâche (« à quoi ça sert ? »).
Donner un « sens » à l’activité, c’est lui donner de la valeur et une direction. Or
nous constatons que, souvent, l’enseignant travaille sur l’élève et non avec lui.

— 90 —
Les mesures pédagogiques

Pourtant, la motivation est décuplée si l’élève connaît les enjeux du processus


d’aide : il peut alors participer activement à la démarche et contribuer forte-
ment à son succès.
L’utilisation d’un contrat écrit est un bon moyen de formaliser le projet et
d’engager l’élève dans la démarche : « Le pouvoir d’un contrat est surprenant.
Il se passe quelque chose quand l’élève signe son nom sur une feuille de papier
qui fait qu’il s’engage officiellement à respecter ses engagements » (Winebrenner,
2008). Rédiger un contrat oblige les partenaires du projet à clarifier le sens de
la démarche et les objectifs poursuivis.

Léo est un enfant de 9 ans qui présente des difficultés motivationnelles impor-
tantes, notamment en lecture. Lors d’un entretien avec son enseignant, il précise
que, quand il sera grand, il voudra devenir « fermier comme son papa » et que
« les fermiers, ils ne doivent pas lire ».
Pour l’instant, apprendre à lire n’a donc pas de sens pour Léo. Un travail sur
la valeur de la tâche semble donc indispensable si nous voulons le motiver dans
son apprentissage de la lecture. Une réflexion a donc été menée avec l’élève, à
partir des questions suivantes : « Lire quoi ? Lire pourquoi ? Lire où et quand ?
Lire comment ? ». Léo est allé poser ces questions à son papa fermier.

2.4.6 Le sentiment de compétence


ou d’auto-efficacité : développer la contrôlabilité

La motivation dépend enfin du système de conception et de perception de l’élève.


Un facteur déterminant est le sentiment de compétence ou d’auto-efficacité. « Un
enfant qui pense qu’il n’arrivera pas à réussir, quelles qu’en soient les raisons,
tente d’éviter la difficulté » (Siaud-Facchin, 2008, p. 258). L’efficacité person-
nelle ressentie par l’élève dépend notamment du sentiment de contrôlabilité, à
savoir du pouvoir qu’il s’attribue face à la tâche. Ce ne sont donc pas d’abord
les capacités réelles de l’enfant qui sont en jeu dans la motivation, mais bien
ses perceptions. Le sentiment d’auto-efficacité est lié aux succès et aux échecs
vécus par l’élève et aux explications qu’il se donne de ses résultats (attributions
causales). Apprendre, c’est toujours prendre un risque : « Si je pense que je n’ai
pas les compétences nécessaires pour réussir, je ne vais pas prendre de risque,
donc je ne vais pas apprendre. » La motivation est donc fortement liée à la
confiance en soi, à la conviction que je dispose des compétences nécessaires
et à la connaissance des stratégies efficientes.
Tant que l’élève est persuadé qu’il n’est pas doué, pas intelligent ou qu’il
n’a pas la « bosse des maths » (ou de la lecture…), il ne s’engagera pas dans la
tâche parce qu’il n’a pas développé un sentiment de contrôlabilité : pourquoi
s’investir dans l’activité si je ne peux pas agir sur le processus et sur le résultat ?
L’enseignement-apprentissage stratégique joue ici un rôle déterminant (cf. cha-
pitre 2.3) : si je maîtrise la bonne stratégie, alors je peux m’engager dans la
tâche en toute confiance.

— 91 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

Pour aider l’enfant à sortir de la résignation et à retrouver le sentiment de


contrôlabilité, il s’agit de :
– lui permettre de connaître à nouveau la réussite ;
– l’aider à attribuer la réussite â ses capacités propres ;
– développer le sentiment de contrôlabilité en lui proposant des stratégies
efficaces.
La réussite est essentielle à la motivation. Elle agit comme un puissant
renforçateur. « Pour être motivé, pour avoir envie de se mettre au travail, il est
indispensable de ressentir du plaisir. Et le plaisir n’est ressenti que lorsqu’on
réussit. […] La réussite entraîne… la réussite. Parce qu’elle génère du plaisir.
Parce que réussir une petite chose donne envie de ressentir à nouveau le plaisir
de réussir. Et entraîne la motivation pour affronter des tâches différentes et plus
difficiles » (Siaud-Facchin, 2008, 262-263).
Soulignons enfin qu’il existe des liens étroits entre la motivation des élèves
et les démarches d’évaluation formative et de différenciation présentés au cha-
pitre 2.1. En effet, « la participation à l’évaluation formative engage les élèves
dans un apprentissage actif, en les incitant à se concentrer sur leurs tâches et
leurs objectifs d’apprentissage. […] Par surcroît, l’évaluation formative permet
aux élèves de profiter d’une rétroaction sur des points précis et leur révèle ce
qu’ils doivent faire pour s’améliorer » (Brookhart, 2012, p. 5). Elle permet donc
de développer un sentiment de compétence et d’auto-efficacité qui favorise la
contrôlabilité et la motivation.

2.4.7 Motiver ici et maintenant

En résumé, nous proposons à l’enseignant de se poser les questions suivantes


pour vérifier si les conditions motivationnelles sont favorables et pour tendre
vers une meilleure efficacité de l’intervention :

1. L’accueil des élèves et la relation établie ont-ils permis de créer un climat


de respect, de confiance et de bienveillance ?
2. Les élèves connaissent-ils la valeur, le but et l’objectif de l’apprentissage ?
3. Le sens des apprentissages est-il communiqué aux élèves de manière opé-
rationnelle (comportement observable, critères et conditions) ?
4. Les tâches proposées correspondent-elles aux intérêts intrinsèques des élèves ?
5. Les élèves peuvent-ils (parfois) choisir eux-mêmes la tâche à effectuer et/ou
l’objectif à atteindre et/ou les moyens de réaliser l’activité et/ou la procédure
ou l’organisation du travail, etc. (autodétermination) ?
6. La tâche est-elle motivante en elle-même (aspect ludique, variété,
nouveauté, etc.) ?
7. Les difficultés de la tâche (ni trop difficile ni trop simple) sont-elles surmon-
tables par les élèves ?

— 92 —
Les mesures pédagogiques

8. Les élèves ont-ils le sentiment de contrôler la situation, de disposer des


stratégies efficaces (contrôlabilité) ?
9. Sont-ils conscients des progrès accomplis (grille des résultats / échelle de
progression) ?
10. Quel est le renforcement prévu lorsque objectif est atteint (récompense,
félicitations, bons points, plaisir personnel, réussite, etc.) ?

Précisons en conclusion que la motivation se construit toujours dans l’ici


et le maintenant de la relation pédagogique. « Elle est donc, par nature, fluc-
tuante, parfois versatile. Inscrite dans des situations complexes, elle n’est jamais
définitivement acquise ni compromise » (Prot, 2010, p. 39). Autrement dit, elle
se construit par l’enseignant dans le moment même de l’action pédagogique.
« Dire : “Bastien n’est pas motivé” est forcément artificiel. Cet élève ne se
motive pas dans un contexte de temps et d’espace, une ambiance, un groupe
de personnes identifiés. Dans une autre situation, ailleurs, il trouverait peut-être
des raisons d’apprendre » (Prot, 2010, p. 43).

— 93 —
CHAPITRE

Les mesures d’aide individuelle


3
Si les mesures « institutionnelles » et « pédagogiques » ont été présentées d’abord,
c’est pour casser l’image de l’enfant en échec qui serait l’unique porteur du
problème. En effet, l’élève est très souvent rendu responsable de son échec
et l’école remet rarement en cause son propre fonctionnement. Nous devons
renoncer à chercher seulement du côté de l’enfant les raisons de ses difficultés.
Nous devons adopter une conception multifactorielle des difficultés scolaires,
c’est-à-dire partir du principe que le problème se situe très souvent dans les
interactions entre les différents systèmes dans lesquels se trouve l’enfant.

Dans une réflexion avec un groupe d’étudiants en pédagogie spécialisée, nous avons
demandé de noter rapidement sur une feuille trois propositions concrètes de lutte
contre l’échec scolaire. Les différentes propositions des étudiants ont été classées
dans les trois catégories déjà citées : celles qui touchaient aux mesures « institution-
nelles », celles qui correspondaient plutôt à une approche « pédagogique » et celles
qui proposaient de s’occuper d’abord de l’enfant en difficulté (« aide individuelle »).
Sur 33 propositions, 2 seulement suggéraient un questionnement de l’institution
scolaire elle-même, 13 proposaient une réflexion de nature pédagogique et 18 concer-
naient directement l’aide individuelle à l’enfant.

Ce petit exemple montre que parler d’échec scolaire, c’est souvent parler
de l’enfant en échec en lui faisant porter une grande part de responsabilité
dans ses difficultés. L’appui pédagogique risque bien de contribuer ainsi à
conserver l’organisation scolaire actuelle s’il n’est pas capable de questionner
le fonctionnement institutionnel et les pratiques pédagogiques. En désignant
l’enfant comme « responsable » de ses difficultés, il lui fait porter le poids de son
échec. Or ce qui a été montré jusqu’ici, c’est que l’école devait assumer un rôle
important dans la production de l’échec. L’intervenant doit donc, comme nous
l’avons vu, travailler à tous les niveaux du fonctionnement de l’école, individuel,
mais également pédagogique et institutionnel.
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

Ceci étant précisé, nous abordons dans ce chapitre le troisième niveau de


l’intervention, l’aide individuelle à l’enfant en difficulté. En attendant que l’école
soit capable de répondre aux besoins de tous les enfants, l’aide individuelle reste
absolument indispensable. Dans les démarches d’aide individuelle, le Projet
pédagogique individuel (PPI) constitue le processus privilégié et le fondement
de l’accompagnement1. « Le projet est un moteur et un vecteur de réussite car
il implique l’élève en tant qu’acteur actif, l’adhésion de la famille et de l’école
comme partenaires. Il est adapté aux besoins de l’enfant, fixe un cadre de tra-
vail avec des modalités précises, des échéances, des objectifs mesurables, des
évaluations et reste évolutif, modulable » (Loret, 2010, p. 126).
Le PPI est une méthodologie de travail qui permet de trouver des pistes
d’intervention spécifiques, répondant aux besoins de l’élève et lui permettant
de surmonter ses difficultés. « Dans ses principes fondamentaux, il se veut une
démarche de résolution de problème et s’inspire d’une approche par projet »
(Savoy et Cassagne, 2015, p. 15). Il est élaboré à partir d’une évaluation
diagnostique globale2 qui permet d’identifier les ressources, les difficultés et les
besoins de l’élève. En ce sens, la pédagogie spécialisée peut se définir comme
une « pédagogie de la feuille blanche » (Vianin, 2016) : l’enseignant ne sait jamais,
avant de commencer une démarche d’aide, quels seront les objectifs poursuivis
et les moyens à mettre en œuvre. « Il n’existe pas de réponse uniforme, calibrée,
prête à consommer. Souvenez-vous, chaque enfant est unique. La réponse aux
besoins d’Antoine ne sera pas adaptée à ceux de Johan » (Loret, 2010, p. 94).
C’est pourquoi le PPI est un projet pédagogique « individuel ». L’intervenant est
donc un « expert ès singularités » : « Les praticiens de l’école font de la prise en
charge au cas par cas, parce qu’en matière de prise en charge d’un échec, il
n’y a que du cas par cas, du sur-mesure » (Bringuier, 2016, p. 30).
Comme le relève Cormier (2004), « la relation d’aide, en tant qu’elle prend en
compte et s’efforce d’entendre et d’accueillir la problématique à la fois globale et
singulière de chaque élève en difficulté, est ce qui caractérise la “pédagogie spécia-
lisée” dans son ensemble. Relation d’aide et pédagogie spécialisée n’existent que
sur la base de projets individuels : il n’y a pas de pédagogie spécialisée en général.
L’action n’est plus simplement construite à partir d’objectifs d’apprentissage

1 Selon les pays, les cantons ou les contextes d’intervention, différents acronymes ou sigles sont utilisés :
dans le domaine pédagogique, on parlera par exemple de PRI (Plan de rééducation individualisé), de PEP (Plan
éducatif personnalisé), du PI (Plan individualisé), du PIP (Plan d’intervention personnalisé), du PIA (Programme
d’intervention adapté), du PPAP (Programme personnalisé d’aide et de progrès), du PPRE (Programme
personnalisé de réussite éducative), de PAPS (Projet d’aide pédagogique spécialisé), de PRP (Plan de réussite
personnalisé), de PSR (Projet de suivi rééducatif), ou de PPI (Projet pédagogique individuel / individualisé).
D’autres projets sont également évoqués dans la littérature, même s’ils relèvent plus d’un programme adapté
que d’un PPI (cf. chapitre 3.3) : le PPS (Projet personnalisé de scolarisation), le PIPS (Projet individualisé de
pédagogie spécialisée), le PP (Programme personnalisé) ou encore le PEI (Projet éducatif individualisé). Même
si des différences existent entre ces approches, elles relèvent toutes d’une dynamique de projet.
2 Nous avons précisé plus haut notre choix de parler d’une évaluation « diagnostique ». Rappelons ici
qu’il ne s’agit évidemment pas de poser un « diagnostic » de type médical ou thérapeutique, mais de tenter
d’identifier pourquoi l’élève bloque dans les apprentissages. Nous présentons au chapitre 3.2 la question
sensible du diagnostic et sa place dans la compréhension de la problématique de l’enfant.

— 96 —
Les mesures d’aide individuelle

(objectifs didactiques), comme c’est le cas dans l’enseignement ordinaire, mais


à partir des élèves eux-mêmes et de leurs difficultés propres » (in Toupiol et al.,
chapitre 5). Contrairement à l’enseignant de classe régulière qui peut construire
ses démarches d’enseignement à partir d’un plan d’études et des moyens d’ensei-
gnement, l’intervenant doit élaborer son projet à partir des besoins de l’élève,
toujours spécifiques, et définir des objectifs, toujours différenciés, répondant à
ces besoins. « Il n’y a pas de projet “prêt-à-porter”, mais chaque fois, un projet
à inventer pour un enfant singulier » (Bonjour et Lapeyre, 2004, p. 107).
Aucune méthode de remédiation ne sera donc privilégiée, a priori, puisque
ce sont les besoins de l’élève qui dicteront le processus d’aide. L’intervenant doit
en effet être capable de mobiliser « des cadres d’intervention souples et articulés
permettant dans chaque situation de mettre en œuvre une réflexion et une stra-
tégie d’intervention en tenant compte des caractéristiques spécifiques des sujets,
des contextes et du projet d’intégration » (Garbo et Albanese, 2006, p. 36).
Les différentes étapes du PPI seront ici présentées chronologiquement1.
La démarche sera illustrée par une situation concrète. Elle comporte les cinq
étapes suivantes :

Figure 6 – Les cinq étapes du Projet pédagogique individuel (PPI)

Étape 1
La demande d’aide et le premier entretien

Étape 2
L’évaluation diagnostique globale

Étape 3
La rédaction du Projet pédagogique individuel (PPI)

Étape 4
La phase de remédiation

Étape 5
Le bilan

1 Nous avons présenté ce processus d’aide, de manière complète, dans un autre ouvrage : Vianin, P. (2016).
Comment développer un processus d’aide pour les élèves en difficulté ? Louvain-la-Neuve : De Boeck Supérieur.
Le présent chapitre peut donc être considéré comme un résumé de ce livre. Certains thèmes (par exemple
la collaboration, le recadrage, le transfert ou la motivation de l’élève) ne sont abordés que dans l’ouvrage cité.

— 97 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

3.1. ÉTAPE 1 : LA DEMANDE D’AIDE


ET LE PREMIER ENTRETIEN
La démarche PPI commence toujours par une demande. Celle-ci peut provenir
de l’élève lui-même ou, plus souvent, d’une autre personne qui s’inquiète pour
lui (son enseignant, ses parents, son thérapeute, etc.). « Dans la majeure par-
tie des cas, c’est l’enseignant qui vient auprès de l’équipe du réseau d’aides
pour parler des difficultés de l’écolier. Ce temps de concertation est essentiel
pour tous les participants : l’enseignant se sent moins seul face à ses propres
difficultés et les interrogations des enseignants spécialisés permettent d’affiner
la réflexion, de prendre du recul, d’envisager les difficultés d’apprentissage ou
de comportement de l’enfant sous un autre angle » (Jiroux, 2010, p. 116).
La manière dont la demande est formulée peut grandement varier : un coup
de téléphone, un entretien, un formulaire administratif, une demande infor-
melle, etc. La demande est suivie par un premier entretien qui vise à clarifier les
attentes et à définir la suite du processus. La manière dont s’engage la relation
lors de cette première étape est déterminante pour la suite du processus. Il faut
absolument éviter une délégation de la responsabilité à l’enseignant spécialisé :
« L’aide aux élèves en difficulté exige donc un véritable projet collectif, sa délé-
gation aux seuls membres des Rased1 n’étant pas opérante. L’élaboration du
travail conjoint nécessite la traduction réciproque entre enseignants ordinaires et
membres des Rased des difficultés rencontrées, de manière à les définir comme
problème commun, et la négociation des modalités de collaboration permet-
tant d’engager et de mobiliser tout le monde » (Feuilladieu et Tambone, 2014,
p. 164). À ce propos, l’utilisation du terme de « signalement » peut laisser penser
que c’est maintenant à l’enseignant spécialisé de s’occuper de la problématique
« signalée ». Or c’est bien un travail de co-analyse et de co-construction du projet
qui s’engage dès le début du processus d’aide.

Lors d’une pause, Madame Marcelle, titulaire de 4P 2, demande à l’enseignant


spécialisé un appui pédagogique pour Emma à la fin du mois d’octobre : l’élève
présente des difficultés en lecture et sa mauvaise compréhension péjore l’ensemble
de ses résultats. De plus, Emma a beaucoup de difficultés à se concentrer et se
montre passive. L’intervenant (ici l’enseignant spécialisé) propose à Madame
Marcelle de la rencontrer un soir après la classe pour en parler plus précisément.
Lors de ce premier entretien, l’intervenant apprend qu’Emma a de bonnes
compétences en décodage, mais est en difficulté de compréhension, notamment

1 Les Rased (Réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté), en France, ont pour mission d’apporter
une aide spécialisée aux élèves en difficulté dans les classes régulières. Les « maîtres E » sont chargés des
aides à dominante pédagogique, alors que les « maîtres G » s’occupent des aides à dominante rééducative.
Un accompagnement personnalisé (AP) est proposé aux élèves scolarisés en milieu ordinaire bénéficiant
d’un soutien ou d’une aide particulière.
2 Pour rappel, les degrés du primaire indiqués dans cet ouvrage correspondent à la classe d’âge en
Suisse. Pour les autres pays, le lecteur peut consulter le Tableau de correspondance des classes d’âge
dans les systèmes scolaires francophones (annexe 13).

— 98 —
Les mesures d’aide individuelle

dans la lecture des consignes. Quand elle a commencé l’école, elle ne parlait pas.
Il semblerait que cette enfant ait été peu stimulée à la maison. D’ailleurs son
vocabulaire est pauvre, ce qui la handicape évidemment dans sa compréhension.
L’intervenant demande à Mme Marcelle ses attentes : celle-ci précise alors qu’elle
désire que l’enseignant spécialisé effectue une évaluation précise des difficultés
d’Emma et travaille en particulier sur la lecture et la compréhension des consignes.

Lors de cette première étape, l’élève est fréquemment l’objet d’une demande
formulée par un autre (souvent le titulaire ou les parents). C’est évidemment
une situation qui pose, d’emblée, certains problèmes. Comment l’objet d’une
demande peut-il devenir le sujet du processus d’aide ? Lorsque l’élève n’est pas
demandeur en son nom propre, le processus est déjà mal engagé. Nous le savons
bien : nous ne pouvons pas faire le bonheur des autres malgré eux ! Imposer
une aide à une personne qui n’en veut pas – ou qui n’y croit pas – est inutile.
Une première rencontre avec l’élève est donc nécessaire, dès le début du
processus d’aide. Une réelle demande d’aide ne peut émerger que si l’enfant
a conscience de ses difficultés et connaît les offres d’aide possibles. Il s’agira
donc d’aider l’élève, lors de cette première séance, à passer du statut d’objet
d’une demande à celui de sujet d’un projet. Cette première étape est capitale :
l’efficacité de tout le processus d’aide dépend en effet de la qualité de la relation
qui s’installe dès la première rencontre entre l’intervenant et l’élève. Lorsque
l’on souhaite accompagner quelqu’un, il s’agit d’abord d’« accueillir et écouter,
ensuite participer avec lui au dévoilement du sens de ce qu’il vit et recherche,
enfin cheminer à ses côtés pour le confirmer dans le nouveau sens où il s’engage »
(Lescouarch, 2014, p. 132).

3.2. ÉTAPE 2 : L’ÉVALUATION


DIAGNOSTIQUE GLOBALE
La deuxième étape du PPI consiste en une évaluation diagnostique qui vise à
comprendre de manière approfondie la problématique de l’élève. La formulation
de la demande et le premier entretien ont permis de clarifier les attentes, mais
non de comprendre la situation réelle de l’enfant, ses ressources, ses difficultés
et son contexte. Ici, l’intervenant mène un vrai travail d’enquête : il relève des
indices, recueille des informations, mène des entretiens, observe les compor-
tements, etc. Il doit en effet « partir en exploration pédagogique en se glissant
dans la peau d’un détective qui recherche les indices utiles à la résolution de
l’énigme » (Loret, 2010, p. 95). Le lecteur pourra avantageusement s’inspirer
des attitudes de l’inspecteur Columbo pour mener à bien son « enquête » : son
obstination et sa perspicacité lui seront très utiles dans cette phase du processus
(le port de la gabardine n’étant néanmoins pas indispensable…).
L’évaluation diagnostique doit être « globale », puisque les causes possibles
des difficultés scolaires sont multiples (cf. Propos liminaires). Elle concerne les

— 99 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

facteurs internes (individuels) et les facteurs contextuels (environnementaux).


Elle devra donc s’intéresser à l’élève lui-même, aux activités qu’il réalise en
classe et aux différents contextes dans lesquels il se trouve engagé (cf. figure 7).
Elle concerne donc les aspects neurobiologiques, psychologiques, éducatifs
et pédagogiques, les causes du blocage pouvant avoir une origine médicale,
psychomotrice, psychologique, affective, etc. (Revol, 2006).

Figure 7 – Les différents domaines d’évaluation (Vianin, 2016)

Centration
sur le sujet :
– savoirs
– cognition
– estime de soi
– affectivité
– corps, motricité et santé

Centration
Centration
sur le contexte :
sur l’activité :
– environnement
– autonomie
– milieu familial
– comportement
– milieu scolaire,
– motivation
professionnel
– attitude face à la tâche
– loisirs
– stratégies
– relations sociales

Afin de déterminer les domaines d’évaluation, cette triple centration nous


semble fonctionnelle, les difficultés de l’élève (centration sur le sujet) s’exprimant
dans une tâche à réaliser (centration sur l’activité) qui prend son sens dans un
environnement donné (centration sur le contexte). Cette démarche globale
nous permet d’éviter une focalisation trop exclusive sur l’élève. C’est en effet
l’analyse du contexte dans lequel apprend l’enfant qui permet de comprendre
ses difficultés. Nous avons souvent constaté que l’élève peut se montrer très
différent lorsqu’il réalise une tâche dans un autre contexte que celui dans lequel
s’expriment d’habitude ses difficultés.
Le but de cette deuxième étape est donc de réunir un maximum d’infor-
mations sur la situation de l’élève. « Pour optimiser son travail, le spécialiste a
besoin de recueillir beaucoup de renseignements, tout comme le détective doit
posséder de nombreux indices pour résoudre un mystère » (Pohlman, 2011,
p. 138). Très souvent, les informations sont disponibles, mais il faut aller les

— 100 —
Les mesures d’aide individuelle

chercher ! Les sources sont heureusement multiples : les informations peuvent


être recueillies lors des entretiens avec l’élève lui-même, en examinant ses
travaux, en évaluant son attitude face à la tâche, en consultant les antécédents
(dossiers, rapports, enseignants, etc.), par des observations, en sollicitant les
différents partenaires (notamment les parents), en effectuant des tests spéci-
fiques, etc. Cette évaluation doit nécessairement être « globale ». Une évaluation
de départ « spécifique » – qui concernerait uniquement la branche désignée par
le titulaire comme problématique – risquerait de limiter l’aide à un rattrapage
scolaire qui serait totalement inefficace.
Pour clarifier les différents temps de cette phase déterminante d’évaluation dia-
gnostique globale, on peut envisager les trois étapes suivantes : a) Évaluation globale ;
b) Évaluation de l’attitude face à la tâche ; c) Évaluation dans la branche désignée.

3.2.1 Évaluation globale

En général, les élèves en difficulté sont signalés à l’appui par le titulaire de classe.
Souvent, la demande est formulée sur le pas d’une porte, dans le hall de l’école,
en salle des maîtres et même parfois… lors de l’apéro du vendredi soir ! Si ce
premier contact est important, il est toujours insuffisant pour envisager une prise
en charge pertinente. Ce signalement, même s’il est informel, est important
parce qu’il montre que l’intervenant est intégré au fonctionnement de l’école et
peut être joignable à tout moment : point n’est besoin de téléphoner dans un
office spécialisé ou de prendre un rendez-vous formel pour échanger ses soucis
avec l’intervenant (c’est pourquoi il est indispensable que celui-ci soit souvent
présent en salle des maîtres, lors des pauses et au bistrot lors de l’apéro !).
Comme la situation de l’enfant – nécessairement complexe – ne peut être
comprise lors d’un contact informel de quelques minutes, l’intervenant deman-
dera un rendez-vous à l’enseignant pour une discussion plus approfondie, dans
un climat plus favorable. « Quand un collègue vient nous voir parce qu’il n’y
arrive plus avec un de ses élèves et qu’on prend l’élève, on est dans l’urgence.
[…] On ne peut démarrer une rééducation ainsi. Le véritable travail commencera
lorsqu’on aura fait face à l’urgence et qu’on pourra analyser avec un peu de
sérénité ce qui a amené cette urgence » (La Monneraye, 2005, p. 108).
Lors de ce premier échange formel, l’intervenant recueillera toutes les
informations disponibles et demandera au titulaire d’exprimer ses attentes par
rapport à l’évaluation et à une éventuelle prise en charge – qui ne se décidera
qu’après, et seulement après, la phase d’évaluation. L’enseignant est évidemment
une source très précieuse d’informations. C’est lui qui travaille toute la semaine
avec l’élève et les occasions d’observations sont multiples. S’il connaît l’enfant
depuis plusieurs semaines, il aura recueilli, sans toujours s’en rendre compte,
une multitude d’informations.
L’utilisation par l’intervenant de questionnaires ou de grilles d’entretien peut
ainsi aider l’enseignant à aborder des thèmes dont, spontanément, il n’aurait pas

— 101 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

parlé (cf. annexe 10 et chapitre 5). L’intervenant veillera également à obtenir


des informations globales sur l’enfant et non seulement – ce que le titulaire
présente en général – des informations sur les difficultés scolaires de l’enfant.
Il consultera également les éventuels rapports de signalement ou dossiers de
l’élève et les résultats notés obtenus jusqu’ici par l’enfant.

Grâce aux différents entretiens et aux observations réalisées, l’intervenant


peut compléter ses informations sur les ressources, les difficultés et les besoins
d’Emma.
Il sait maintenant que l’élève participe activement aux activités de la classe et
semble s’y sentir bien. Par contre, elle donne souvent des réponses étranges aux
questions de la maîtresse, hors propos. Elle se plaint fréquemment du bruit de
la classe – qui la dérange dans ses apprentissages. Elle dit également à l’interve-
nant qu’elle pense ne « pas être très intelligente, puisqu’elle fait souvent faux ».
Emma ne pose aucun problème de comportement et semble intégrée dans le
groupe-classe, même si elle n’est pas souvent sollicitée par ses camarades pour
jouer avec elles, lors des récréations. À la maison, Emma parle l’arabe et les
parents sont séparés.

Selon la problématique, une rencontre avec les parents peut également


être nécessaire lors de cette toute première phase. En principe, un entretien
avec eux est plus intéressant après la phase d’évaluation, au moment où les
difficultés de l’enfant sont mieux appréhendées par les enseignants. Par contre,
si l’intervenant suspecte que ce sont les besoins fondamentaux de l’enfant
(sommeil, alimentation, besoins affectifs, de sécurité, etc.) qui sont impliqués
dans ses difficultés, une rencontre avec les parents peut s’avérer utile durant
cette phase d’évaluation.
Suit une première rencontre individuelle avec l’enfant. Il paraît fondamental
de le rencontrer dans cette phase d’évaluation globale, d’abord parce qu’il est
évidemment le premier concerné et ensuite parce qu’il est le seul à pouvoir
nous donner des informations sur ce qu’il vit et sur ce qu’il comprend de ses
difficultés. L’entretien avec l’élève est capital, puisque c’est lui seul qui peut
nous donner son avis sur ses difficultés et communiquer ses représentations
de la situation problématique : « Il faut observer l’enfant, s’entretenir avec lui,
poser des questions sur sa méthode de travail. Comment se représente-t-il la
tâche ? Quelles sont les compétences qu’elle exige ? Quel degré d’attention ? Que
doit-il savoir pour la réaliser correctement ? Où peut-il trouver les informations ?
Comment s’y prend-il ? De quels moyens a-t-il besoin ? À quel moment est-il
le mieux pour mobiliser toutes ses énergies ? Quel est le lieu le plus adéquat ?
Etc. » (Theytaz, 2005, p. 89).
Ce premier entretien avec l’enfant présente un autre avantage : il engage
d’emblée l’élève comme le partenaire numéro 1 du projet et devient ainsi
d’emblée sujet du projet. Or une étude a montré que « près d’un tiers des élèves
disent ne pas avoir été consultés lors de la prise de décision de la mesure d’API
(Appui pédagogique intégré) » (Bétrisey et al., 2006, p. 46).

— 102 —
Les mesures d’aide individuelle

Les premiers entretiens avec l’enfant sont, à ce propos, déterminants.


Parfois, l’enfant apprend qu’il est signalé pour un appui pédagogique au moment
même où son enseignant le conduit pour la première fois dans la salle de l’ensei-
gnant spécialisé. Lorsque, seul avec lui, ce dernier lui demande s’il sait où il est
et pourquoi, il lui répond, très souvent, que non : le maître lui a demandé de le
suivre pour aller chez un monsieur – ou chez une dame –, mais non, il ne sait ni
pourquoi ni comment ça se passe. Il s’agit donc d’impliquer davantage l’élève,
dès le début de la démarche. Si l’élève n’est pas informé clairement des enjeux
de l’appui et des objectifs poursuivis, il ne pourra pas devenir le partenaire
central du PPI (Projet pédagogique individuel).

L’intervenant accueille Emma en appui individuel pour une première rencontre.


Il se présente tout d’abord et lui explique pourquoi elle viendra en appui durant
quelques séances. Il l’informe de la durée et du contenu des cours d’appui. Il
explicite précisément pourquoi la titulaire l’a signalée et lui demande si elle est
d’accord de travailler avec lui durant quelques séances. Cette première rencontre
est consacrée à définir la relation, à faire connaissance et à attribuer à l’élève
un statut de sujet.
Lors de la seconde séance, l’intervenant propose à l’élève un petit questionnaire
permettant de comprendre ses représentations de l’école. Emma lui confie durant
la discussion qu’elle aime bien l’école et qu’elle adore les maths « parce qu’elle est
forte ». Elle est consciente qu’elle travaille lentement et trouve la maîtresse « sévère ».
L’intervenant propose alors à Emma des tâches très variées (jeux de raisonne-
ment, travail à l’ordinateur, fiches scolaires) et l’observe dans son attitude face
à la tâche (démarches, stratégies, processus). Il constate qu’Emma travaille posé-
ment et se montre à l’aise dans l’explicitation de ses stratégies (objectivation).
Elle peut montrer une attitude face à la tâche tout à fait adaptée si elle est en
confiance. Par contre, elle travaille très lentement, se montre passive et peu
tenace lorsqu’elle rencontre une difficulté. Elle semble « faire pour faire », sans
se fixer un critère de réussite. Elle montre beaucoup de difficultés à entrer dans
une tâche nouvelle ou une activité qu’elle pense ne pas maîtriser.

Si les sources dans lesquelles puiser les informations sont nombreuses, les
domaines d’évaluation sont également multiples. C’est pourquoi nous parlons
d’évaluation diagnostique « globale », pour insister sur l’importance de « ratis-
ser large ». Plus l’intervenant aura recueilli d’informations, meilleure sera sa
compréhension de la problématique, et plus efficace, par conséquent, sera la
remédiation. Pour l’instant, toutes les hypothèses sont ouvertes.

3.2.2 Évaluation de l’attitude face à la tâche

L’étape première de l’évaluation globale a permis de recueillir un maximum


d’informations et de mieux comprendre les difficultés de l’enfant. Une deu-
xième étape – qui s’effectuera principalement en individuel – évaluera l’attitude
de l’élève face à une tâche. Cette étape, trop souvent négligée, permet de

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CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

comprendre comment l’enfant travaille, réfléchit, aborde une fiche, évalue son
propre travail, etc. La démarche est donc ici cognitive et métacognitive. La
pratique de l’entretien d’explicitation (Vermersch, 2011) est particulièrement
indiquée dans cette deuxième étape de l’évaluation.
Si l’élève est en échec scolaire, c’est très souvent, comme nous l’avons
déjà vu (cf. chapitre 2.3), parce qu’il ne maîtrise pas les procédures efficaces
dans ses tâches et ne connaît pas les bonnes stratégies. Or le « métier d’élève »
consiste à réaliser des tâches – en particulier lorsque les élèves sont évalués. Si
l’enfant n’a pas appris, par exemple, comment on « entre » dans une fiche et
comment on lit une consigne, il sera nécessairement en échec. L’intervenant
tâchera donc d’analyser les procédures, les stratégies, les processus cognitifs
et métacognitifs, etc., que l’élève actualise face à la tâche. Il pourra être inté-
ressant de comparer ici comment l’enfant aborde une fiche scolaire ou une
activité ludique. Parfois, l’utilisation d’un matériel scolaire – trop « contaminé »
pour l’enfant, qui a associé ses difficultés aux fiches utilisées en classe – ne lui
permettra pas de montrer toutes ses potentialités.
C’est également dans cette étape que l’intervenant veillera à faire émerger
les représentations de l’enfant dans les tâches qui lui posent problème. Les
travaux de Giordan (2016) ont mis notamment en évidence l’importance pour
l’enseignant de comprendre les représentations de l’enfant et de partir de ses
conceptions propres si on désire lui apporter une aide adaptée et efficace.

3.2.3 Évaluation dans la branche désignée

Comme nous l’avons vu, les titulaires signalent très souvent l’enfant pour un
problème lié à une discipline scolaire particulière (français ou maths en général).
L’intervenant complétera donc son évaluation par une analyse plus spécifique
des difficultés dans la branche désignée par le titulaire. Cette étape, qui paraît a
priori plus simple à réaliser, demande une connaissance didactique approfondie
des difficultés liées à l’apprentissage de chacune des disciplines du programme.
L’intervenant devra donc être à la fois un spécialiste de l’apprentissage de la
lecture, de l’orthographe, de la construction du nombre chez l’enfant, des pro-
cessus mnémoniques, etc.

L’intervenant propose à Emma plusieurs tests de lecture et lui soumet également


une évaluation de son vocabulaire. Il constate qu’Emma maîtrise le décodage,
mais ne réagit pas toujours lorsqu’elle perd le sens de ce qu’elle lit. La compré-
hension est également rendue difficile par un manque de précision dans la lecture,
notamment celle des consignes. Son vocabulaire est pauvre, ce qui ajoute encore
une difficulté à sa compréhension.

Ces trois phases de l’évaluation diagnostique (globale / attitude face à la


tâche / branche désignée) permettent de mieux comprendre les difficultés et
les besoins de l’élève, mais également d’identifier ses forces, ses habiletés et ses

— 104 —
Les mesures d’aide individuelle

ressources. Dans un premier temps, les difficultés seules seront évoquées par la
personne qui effectue la demande d’aide (c’est un peu normal puisque l’élève
est signalé pour un problème). C’est donc à l’intervenant de veiller à recueillir
également les ressources, les forces et les besoins. Cette mise en évidence des
points positifs est déjà une forme de recadrage : l’élève ne se résume pas à ses
difficultés ni à son diagnostic, mais présente de nombreuses forces sur lesquelles
il pourra s’appuyer pour trouver des solutions à son problème.
Précisons que, si les trois étapes de cette phase d’évaluation diagnostique
globale peuvent sembler longues et fastidieuses, elles ne sont pas si difficiles
à mettre en œuvre. Dans la pratique, seuls certains champs sont explorés de
manière approfondie. En effet, certaines évaluations peuvent être réalisées très
rapidement. Par exemple, si le titulaire de classe dit que son élève est bien inté-
gré en classe et que son comportement est exemplaire, l’intervenant ne va pas
évaluer ces domaines de manière approfondie. Par contre, si l’enfant commet
souvent « des fautes bêtes », par exemple, il sera attentif à bien comprendre
l’attitude face à la tâche et à analyser précisément les processus d’apprentis-
sage. Les domaines à explorer plus précisément dépendent donc de l’évaluation
globale des différents champs.
D’autre part, cette phase d’évaluation n’est pas difficile parce que les infor-
mations sont souvent disponibles : il suffit de les chercher et de les réunir. Six
sources principales peuvent être distinguées (Levine, 2003 ; Pohlman, 2011) :
– l’élève lui-même ;
– les observations des enseignants (lors du travail autonome, des interactions
sociales et des temps libres) ;
– l’examen des différents travaux de l’élève ;
– les antécédents scolaires (dossiers, rapports, enseignants, etc.) ;
– l’information fournie par les parents ;
– des tests effectués spécifiquement.
Quoi qu’il en soit, l’évaluation diagnostique globale est une étape capitale et
complexe. De sa qualité dépendent la pertinence des objectifs du projet et l’effi-
cacité du processus d’aide. « Seule une approche globale des troubles, explorant
à la fois les causes psychologiques et cognitives, permettra de donner à l’enfant
les moyens de retrouver sa propre dynamique de réussite et de le relancer sur
son parcours scolaire. Un trouble des apprentissages, au cœur de l’échec ou
des difficultés scolaires, ne peut être correctement diagnostiqué que par une
démarche qui intègre les perspectives intellectuelles, cognitives, biologiques,
affectives. Une démarche limitée à une seule hypothèse théorique fait courir le
risque d’erreurs diagnostiques et de prises en charge inadaptées, lourdement
préjudiciables pour l’avenir de l’enfant » (Siaud-Facchin, 2008, p. 47).
Le risque est, sinon, de se précipiter dans une démarche d’aide (étape 4)
qui répond au signalement, aux symptômes, voire au diagnostic, mais qui ne
correspond pas aux besoins de l’élève. « La difficulté est comme un iceberg
— 105 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

dont on ne voit qu’une infime partie émergée. Ce n’est pas parce qu’on ne
la voit pas qu’elle n’existe pas. Au contraire, c’est le fait de la considérer dans
son ensemble qui favorise une meilleure connaissance et une meilleure prise
en charge » (Loret, 2010, p. 96). Cette phase d’évaluation diagnostique globale
engage justement l’intervenant à aller voir sous la surface et à plonger dans la
complexité de la problématique.

3.2.4 La question du diagnostic

Lorsqu’un enfant est en échec à l’école, le souci légitime des parents et des
enseignants est de vouloir comprendre les raisons qui expliquent ses difficultés.
La tendance actuelle – qui présente des risques de dérives importants – est de
demander systématiquement l’avis d’un thérapeute ou d’un spécialiste. Or, si
le diagnostic tombe, l’enseignant peut être tenté d’arrêter là ses investigations :
l’étiquette étant désormais connue, la situation est claire et le processus d’aide
peut s’engager maintenant de manière certaine ! Or le diagnostic n’est qu’un
élément de compréhension de la situation de l’élève. La problématique de ce
dernier est largement – et heureusement – beaucoup plus complexe que l’éti-
quette que le spécialiste a pu lui coller. « Les étiquettes ont tendance à simplifier
de manière excessive les cas des différents élèves en ne tenant pas compte des
caractéristiques qui leur sont propres » (Pohlman, 2011, p. 12).
Le diagnostic permet certainement de mieux identifier les difficultés de
l’élève et de mieux comprendre ses besoins, mais, comme le dit très justement
Gardou (2011), « si la catégorisation permet la connaissance, elle interdit la
reconnaissance »1. En effet, le diagnostic est important pour une meilleure
connaissance des difficultés, mais il risque d’enfermer l’élève dans son syndrome
et d’interdire la prise en compte de ses besoins spécifiques – toujours singu-
liers (cf. tableau 2). Et, du côté de l’élève, si le diagnostic peut l’aider à mieux
comprendre sa problématique, il peut également l’enfermer dans une forme
de résignation peu favorable à sa motivation : l’enfant « dyslexique » risque de
considérer son problème comme incurable et donc se résigner par rapport aux
efforts qu’il pourrait faire pour compenser ses difficultés.
D’autre part, le diagnostic est toujours posé à un moment donné et dans un
contexte précis. C’est donc une photographie de l’ici et du maintenant qui ne
garantit aucunement qu’ailleurs et plus tard, elle serait la même. Le diagnostic
est donc utile, mais totalement insuffisant pour engager une remédiation perti-
nente. « Si ces évaluations peuvent avoir toute leur pertinence en soi, elles sont
très rarement traduites en termes opérationnels pour l’enseignant. Savoir qu’un
enfant est dyslexique, hyperactif, surdoué, psychotique ou borderline peut être
utile pour un thérapeute, mais cela n’aide pas l’enseignant à travailler avec son
élève » (Curonici et al., 2006, p. 231).

1 Citation relevée lors d’une conférence donnée à Sion, en 2011. Charles Gardou est l’auteur de
nombreux ouvrages consacrés aux personnes en situation de handicap.

— 106 —
Les mesures d’aide individuelle

Tableau 2 – Risques et opportunités du diagnostic

Risques Opportunités

Le diagnostic interrompt l’évaluation Le diagnostic complète l’évaluation


globale globale

Réduit la problématique au syndrome Explique les différents symptômes

Meilleure compréhension
Simplification de la problématique
de la problématique

Limite la reconnaissance Permet la connaissance

Le processus d’aide se réduit


Le processus d’aide intègre le diagnostic
à l’application de « recettes »

Délégation de la prise en charge


Aide du spécialiste (personne-ressource)
au spécialiste

Médicalise, engage un processus Rassure, soulage les différents


de deuil (résignation) partenaires

Une photographie de l’ici


Une image qui ouvre des perspectives
et du maintenant

Réifie, enferme Éclaire, ouvre

La pose d’un diagnostic ne dispense donc pas d’une évaluation globale


des besoins de l’élève. Seule la prise en compte des différents contextes, des
champs multiples et des sources variées permettra une compréhension fine des
ressources et des difficultés de l’élève. Le rôle de l’intervenant est déterminant
dans ce travail d’évaluation globale, prenant en compte le diagnostic, mais ne
s’y limitant pas.

3.3. ÉTAPE 3 : LA RÉDACTION DU PROJET


PÉDAGOGIQUE INDIVIDUEL (PPI)
Nous nous sommes attardé sur la phase d’évaluation diagnostique globale, car
c’est une étape essentielle. C’est en effet grâce aux informations recueillies
qu’une hypothèse peut être posée et les objectifs fixés. Par contre, si l’inter-
venant néglige cette phase d’évaluation et qu’il plonge sans réflexion dans la
phase d’intervention, il est probable que l’aide apportée ne correspondra pas à
la problématique réelle de l’enfant. Les enseignants doivent donc faire preuve
de patience et de rigueur dans l’évaluation des besoins de l’enfant et l’identifi-
cation des pistes de remédiation. Seule la mise en commun des informations
et le croisement des données permettront d’approcher la complexité de la
problématique de l’élève.

— 107 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

Lorsque l’évaluation diagnostique globale est terminée, l’intervenant dis-


pose donc d’une grande quantité d’informations sur l’élève, ses ressources, ses
difficultés, ses besoins et son contexte scolaire et familial. C’est maintenant le
moment de rédiger un document qui collige toutes ces informations et définit
les objectifs à poursuivre. La difficulté est ici d’émettre une hypothèse pertinente
sur les difficultés rencontrées par l’élève et de choisir une priorité d’intervention
– que nous appelons le « point nodal ». L’instrument PPI constitue donc l’outil de
travail central de tout le processus d’aide. Il facilite le suivi du projet et permet
de garder le fil rouge de l’intervention. Il permet d’assurer une planification
rigoureuse de la démarche et de guider le travail de remédiation.
La rédaction du Projet pédagogique individuel (PPI) est au cœur du pro-
cessus d’aide. Elle constitue le pivot de la démarche, puisqu’elle se situe entre
la phase d’évaluation diagnostique globale (étape 2) et la phase de remédiation
(étape 4). Elle permet à la fois de synthétiser les observations effectuées, de
déterminer le cœur de la problématique (point nodal) et d’envisager la prise
en charge qui suivra. L’étape de rédaction de l’instrument PPI n’est pas une
démarche administrative (une de plus !), mais elle est une aide déterminante à
la clarification de la problématique de l’élève. En effet, trois raisons principales
justifient sa rédaction :
– le PPI permet de fixer les objectifs d’intervention et définit les stratégies
et les moyens à mobiliser ;
– il permet de clarifier le rôle de chacun des partenaires du projet (qui fait
quoi) ;
– il permet l’évaluation (auto-évaluation et co-évaluation) des progrès
réalisés.
L’exercice de rédaction peut sembler a priori une exigence formelle, peu
utile au bon déroulement du processus d’aide. La mise par écrit des enjeux du
PPI est au contraire une étape cruciale parce qu’elle permet la clarification des
enjeux. « Le langage donne, selon nous, davantage prise aux accompagnés
sur leurs réalités, favorise l’intelligibilité qu’ils peuvent avoir d’eux-mêmes et
des situations. En outre, il permet la formalisation des pratiques, des vécus et
participe au développement de référents communs aux différents partenaires »
(Charlier et Biémar, 2012, p. 157).
Précision utile (voire indispensable tant la confusion est omniprésente dans
les écoles) : le PPI n’est pas un programme adapté (PAD). Lorsque l’élève en
difficulté ne peut plus suivre le programme du degré dans lequel il se trouve,
les enseignants décident de réduire les exigences et d’adapter le programme
(PAD). En faisant cela, ils permettent à l’élève de poursuivre sa scolarité avec
son groupe-classe tout en étant au bénéfice d’un programme adapté. « Cette
simplification permet à l’élève en difficulté de tout de même participer, à sa
mesure, aux activités de la classe, mais en lâchant sur une part des contenus
abordés » (Battut et Bensimhon, 2018, p. 48). Mais la démarche du PPI est
tout autre : contrairement au programme adapté – qui est une différenciation

— 108 —
Les mesures d’aide individuelle

du produit attendu (le savoir) –, le PPI est une différenciation du processus


d’apprentissage (le savoir-faire, voire le savoir-être).
Autrement dit, si le PAD permet à l’élève de se trouver face à des tâches
adaptées, le PPI est une démarche de résolution de problème qui vise, in fine,
à sortir l’élève de son échec scolaire : le programme adapté est une bouée,
alors que le PPI est une méthode d’apprentissage de la natation ! Donnez à
l’enfant une bouée et il pourra barboter avec les autres, mais il ne surmontera
pas sa peur de l’eau. De même, la réduction des objectifs d’apprentissage (PAD)
permettra à l’enfant de participer à la vie de la classe régulière, mais c’est bien
le PPI qui l’aidera à comprendre pourquoi il échoue et comment il pourrait
mieux apprendre.
D’autre part, la mise en place d’un programme adapté est lourde de consé-
quences puisque l’élève ne poursuit plus les mêmes objectifs que le reste de la
classe. L’écart va donc se creuser inexorablement et l’élève ne pourra probable-
ment plus suivre le programme régulier, comme les autres élèves, durant le reste
de sa scolarité. « Nous devons donc nous montrer attentifs à tous les risques qui
peuvent faire passer d’une différenciation qui prend en compte l’élève, à des
pratiques différenciatrices qui créent la différence et accroissent les inégalités
entre ces élèves » (Battut et Bensimhon, 2018, p. 11)1.
Les logiques du programme adapté et du PPI ne sont donc pas les mêmes.
Les deux démarches – si elles ne peuvent donc se substituer – peuvent néan-
moins être complémentaires : « Lorsque l’élève ne peut visiblement pas atteindre
les objectifs fondamentaux du programme officiel du degré qu’il fréquente, la
mise en place d’un projet pédagogique avec un programme adapté doit être
envisagée en collaboration avec les partenaires de la prise en charge scolaire »
(DECS/OES, 2012, p. 7). Ce double dispositif est rare, puisqu’il concerne les
élèves en échec scolaire important (entre une et deux années d’écart, au moins,
sur le programme)2.

3.3.1 La recherche du point nodal

Lors de la deuxième étape, l’intervenant a réuni un nombre important d’infor-


mations sur l’enfant, ses ressources et ses difficultés. Il s’agit maintenant pour lui
d’émettre, à partir des informations recueillies, une hypothèse sur ce qui bloque
l’élève dans ses apprentissages et de fixer un objectif prioritaire pour le projet
(« phase d’hypothétisation » selon Berlioz-Ruffiot, 2016). Pour ce faire, il s’agit
de croiser les informations recueillies lors de la phase d’évaluation globale et de

1 C’est pourquoi la décision du Programme adapté ne peut pas être prise, en Valais, par les enseignants
uniquement. L’accord de l’inspecteur et de l’autorité scolaire est nécessaire, ce qui garantit une décision
mûrement réfléchie.
2 Seul un retard de plus d’un an et demi, voire deux ans (par rapport aux objectifs du plan d’étude),
justifie la mise en place d’un programme adapté. Mais ce n’est pas le seul critère. Seule une évaluation
globale peut justifier une décision aussi importante puisqu’elle engage la suite de la scolarité de l’élève et,
souvent aussi, son insertion professionnelle future.

— 109 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

définir la priorité d’intervention. Autrement dit, il s’agit de déterminer le point


sur lequel intervenir en priorité pour débloquer la situation : nous appelons ce
point d’appui de l’intervention, le point nodal.
Il s’agit tout d’abord de classer les informations sous les différentes rubriques
du PPI (cf. la page 1 du canevas PPI en annexe 11), puis d’émettre une hypo-
thèse explicative sur la problématique analysée (page 2). C’est l’étape la plus
difficile – et de loin ! – de tout le processus d’aide. Autrement dit, il s’agit de
définir ce que nous appelons le « point nodal ». Nous pensons en effet que toutes
les ressources et difficultés identifiées s’organisent autour d’un nœud qui bloque
le processus d’apprentissage et/ou de développement de l’élève. La recherche
du point nodal constitue donc le cœur de tout le processus d’aide. Elle part de
l’hypothèse qu’il existe un point particulièrement sensible sur lequel on pourra
intervenir avec un minimum d’efforts et un maximum d’effets. C’est une sorte
de point d’appui d’Archimède qui permet de décupler l’efficacité de l’interven-
tion : pour faire bouger une masse – ici l’échec scolaire – il faut un levier et un
point d’appui1. Mais pour que la force soit décuplée, il faut poser le levier au
bon endroit. La recherche du point nodal, c’est la recherche du bon endroit où
appuyer pour que l’échec « bascule ». Si votre point d’appui n’est pas le bon, vous
risquez de vous épuiser. Si je pose mon levier de changement au bon endroit,
je déplacerai la « masse » de l’échec avec efficience (figure 8).
De plus, si tous les partenaires du projet appuient sur le point nodal, les
forces s’additionnent. Par contre, si les partenaires du projet n’appuient pas
sur le même levier et le même point nodal, les efforts risquent de s’annuler,
voire de renforcer la résistance de l’échec. Or on voit trop souvent, lorsque le
projet n’est pas coordonné, l’enseignant appuyer ici, les parents appuyer là
et la thérapeute encore ailleurs. Et de s’étonner que l’élève ne progresse pas !

Figure 8 – Le point nodal comme « point d’appui pédagogique »

1 La force musculaire est démultipliée grâce à un appui (e.g. un caillou) et un levier (e.g. un bâton) s’ils
sont disposés judicieusement (cf. figure 8).

— 110 —
Les mesures d’aide individuelle

Cette étape de focalisation sur une priorité d’intervention est essentielle. La


problématique est souvent complexe et il est évidemment difficile d’être sûr que
le choix que les enseignants effectueront ici est le meilleur. Mais sans hypothèse
explicative et sans définition d’un point nodal, l’intervention est impossible. « Les
hypothèses ne sont utiles que dans la mesure où elles permettent d’accéder à
une représentation qui donne des moyens d’agir et de promouvoir le change-
ment » (Berlioz-Ruffiot, 2016, p. 159). Il vaut donc mieux appuyer sur un levier
de changement – sans être certain que le point d’appui soit le meilleur – que
de se résigner devant la complexité de la problématique. Poser une hypothèse
et définir un point nodal permet de s’engager dans les interventions – qui per-
mettront de confirmer ou d’infirmer l’hypothèse selon les résultats obtenus.
Cette phase d’abduction ne doit pas paralyser les enseignants. Au contraire,
c’est par la vérification de l’hypothèse dans les interventions que se feront les
réajustements du projet.

3.3.2 La focalisation sur une priorité d’intervention

Les nombreuses informations recueillies lors de la phase d’évaluation dia-


gnostique globale (forces, difficultés, blocages, besoins, difficultés scolaires,
familiales, etc.) mettent souvent l’intervenant dans un état de grande confu-
sion : il ne voit pas encore la cohérence d’ensemble de la problématique.
C’est lorsqu’il rédige le PPI qu’il peut focaliser sur une priorité d’intervention
et définir un point nodal, qui constitue alors l’organisateur des informations
recueillies. Ce qui rend si difficile l’identification du point nodal, c’est que la
manifestation d’une difficulté peut être très éloignée des raisons pour lesquelles
l’élève présente cette difficulté.
La figure 9 montre comment l’intervenant passe de l’évaluation dia-
gnostique globale à la focalisation sur un point nodal et la formulation d’une
hypothèse explicative. L’analyse globale de la problématique va permettre
d’identifier le point nodal (qu’on pourrait situer au niveau de la finalité), qui
engagera l’intervenant à émettre une hypothèse (ou une intention générale),
qui permettra de définir un objectif général, lui-même opérationnalisé dans
un objectif spécifique. La difficulté de l’exercice tient dans la présence conco-
mitante de deux dimensions qu’il s’agit d’articuler : la réalité (le connu, le
contexte, ce qui est, etc.) et l’idéal (le but, le rêve, l’attente, etc.). La définition
des objectifs permet ensuite d’opérationnaliser l’intervention.
Dans le déroulement des cinq étapes du PPI (cf. figure 6), le point nodal est
donc le pivot de l’aide. Lorsque le point nodal a été identifié et que tous les par-
tenaires du projet appuient sur le même levier, posé sur le même point d’appui,
l’échec peut basculer et dégager la route de la réussite scolaire. Or, à l’école, le
point d’appui est très rarement la branche scolaire. En effet, si vous travaillez
le français ou les maths avec l’élève, vous risquez d’appuyer en réalité sur la
masse à déplacer (cf. figure 8) ! Ceci explique pourquoi le rattrapage scolaire est

— 111 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

Figure 9 – La focalisation dans le processus d’aide

ÉVALUATION
DIAGNOSTIQUE GLOBALE

FOCALISATION

POINT NODAL

HYPOTHÈSE

OBJECTIF GÉNÉRAL

OBJECTIF SPÉCIFIQUE
OPÉRATIONNEL

INTERVENTION

inutile, voire dommageable. Le point nodal relève en effet très souvent d’une
problématique globale, et non uniquement scolaire. Un seul exemple, emblé-
matique : si votre élève n’aime pas les maths et que vous lui imposez des heures
supplémentaires de maths, vous risquez bien de le bloquer pour longtemps dans
ses apprentissages. Et si le point nodal était plutôt sa motivation, en lien, par
exemple, avec la méconnaissance de la bonne stratégie ? Ou sa confiance en
soi : à force d’échouer en maths, il est convaincu qu’il n’a pas « la bosse des
maths » ? Ou encore, l’enfant n’est-il pas dans un conflit de loyauté, son papa
ayant toujours affirmé qu’il avait bien réussi dans la vie alors qu’il était « nul en
maths » à l’école ?

Lorsque l’intervenant classe les informations recueillies lors de l’étape d’éva-


luation diagnostique globale (première partie du PPI, cf. annexe 12), il constate
que de nombreux indicateurs convergent : en classe, Emma donne des réponses
étranges à l’oral ; elle pense ne pas être intelligente ; elle se montre passive
lorsqu’elle devrait s’engager dans la tâche et attend souvent l’aide de l’ensei-
gnante ; elle a tendance à « faire pour faire » ; elle a de la difficulté à s’engager
dans une tâche nouvelle ; etc.
L’intervenant en conclut que, si Emma a de bonnes capacités intellectuelles, elle
n’investit pas pleinement l’activité, probablement par manque de confiance en
elle. Les tâches – surtout si elles sont nouvelles – sont donc peu investies, dans

— 112 —
Les mesures d’aide individuelle

un premier temps. Par contre, lorsque la tâche lui est familière, Emma peut
montrer de très bonnes compétences. Le point nodal serait donc un manque
de confiance en soi.

Durant cette troisième étape du processus d’aide, la démarche est donc


la suivante : l’évaluation diagnostique permet d’avoir une vision globale de la
problématique de l’élève et de définir ainsi le point nodal. L’intervenant pourra
donc clarifier la finalité du projet sous la forme d’une hypothèse, elle-même
traduite en un objectif général qui sera finalement opérationnalisé dans un
objectif spécifique. Cette étape est, dans le processus d’aide, celle de la focali-
sation. L’identification du point nodal permet donc de déterminer les objectifs
généraux, puis de définir les objectifs spécifiques qui guideront l’intervention.
Cette étape est cruciale : si la focalisation sur le point nodal n’est pas menée
correctement, c’est tout le processus d’aide qui risque d’être compromis. Afin
de rendre l’intervention efficiente, nous proposons de choisir un seul point
nodal (un seul point d’appui), mais qui peut se décliner en plusieurs objectifs
spécifiques. Ces derniers doivent être opérationnels et représenter les étapes
à franchir pour atteindre l’objectif général, les paliers successifs permettant
d’atteindre le but fixé.

3.3.3 Le recadrage

Lorsque l’intervenant rédige le Projet pédagogique individuel (PPI), il doit


toujours penser à la meilleure manière d’activer les ressources de l’enfant et
des autres partenaires du projet. Or, très souvent, la situation de l’élève paraît
sans solution. L’enseignant signale l’enfant à l’intervenant, justement parce qu’il
se trouve dans une impasse. Les solutions de « premier secours » ont déjà été
tentées et l’élève est toujours en échec. C’est pourquoi il est important que le
choix du point nodal corresponde à un « recadrage ». Mais qu’entend-on par ce
terme et comment « recadrer » une problématique ?
Dans ces situations qui semblent sans issue, le recours à l’intervenant est un
appel à l’aide. Si celui-ci s’enferme avec le titulaire, l’enfant et la famille dans
l’explication qu’ils donnent des difficultés, aucune solution ne sera trouvée.
L’intervenant doit donc découvrir de nouvelles perspectives, ouvrir des portes
dont on ne soupçonnait même pas l’existence, donner un peu d’air au système,
faire preuve de pensée divergente. C’est pourquoi il doit être créatif, résolument
optimiste, ouvert à toutes les propositions, précisément celles que personne – ni
même lui – ne connaît ! Si l’intervenant ne réussit pas à voir la situation sous
un angle nouveau et à imaginer des situations différentes, il va contribuer au
maintien des difficultés et à la résignation des personnes qui vont alors rester
embourbées dans leurs difficultés.
C’est ici que la technique du « recadrage », proposée par l’approche systé-
mique, est très intéressante. Le recadrage permet de présenter une nouvelle
ponctuation de la réalité, de donner un point de vue original, différent de celui

— 113 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

partagé par les autres intervenants. Curonici et McCulloch (2010) disent


que « le recadrage est une nouvelle manière – pensée ou ressentie (ou les deux) –
d’appréhender une situation problématique. […] La nouvelle manière de voir
n’est pas plus vraie que la première description de la situation. C’est simplement
une autre façon d’appréhender la même “réalité” » (p. 382). Le recadrage intro-
duit une nouvelle perspective, une nouvelle manière d’envisager le problème
– qui parfois le fait même disparaître !
Comme le souligne Theytaz (1990), « le regard de l’adulte sur l’enfant est
investi d’une puissance de réussite ou d’échec, de vie ou de mort. Il suffit souvent
d’une hypothèse favorable lors du diagnostic pour donner l’espoir » (p. 279).
Or le recadrage permet justement ce retournement de situation qui aide les
enseignants à poser un regard neuf sur l’enfant. Il va permettre à celui-ci de
se montrer différent et de s’engager dans un projet positif dynamique. L’effet
Pygmalion qui a déjà été présenté participe de cette approche.
Les deux exemples qui vont suivre permettront certainement de clarifier
le propos.

Jules est signalé en appui en fin de cinquième primaire pour des difficultés crois-
santes en mathématiques, difficultés qui existent depuis le début de la scolarité
de l’enfant, mais qui sont devenues tellement importantes maintenant qu’elles
remettent en question la promotion même de l’enfant.
Au début de la sixième, l’intervenant effectue donc une évaluation de l’enfant.
Effectivement, Jules a de grandes difficultés en mathématiques, mais son atti-
tude face à cette branche inquiète davantage que ses lacunes scolaires : Jules a
intériorisé le fait qu’il est « nul en maths » et que le problème est trop important
pour espérer trouver une solution à ses difficultés.
Un élément intéressant est apparu lors de l’évaluation de départ : les lacunes
de Jules sont en partie dues à un vocabulaire mathématique indigent – ce qui,
entre parenthèses, est très souvent le cas chez les enfants en difficultés de maths.
L’intervenant décide alors de « recadrer » la situation en expliquant à Jules, à
son enseignant et à ses parents que, non, Jules n’a pas de grandes difficultés
en maths ; par contre, il a des difficultés en vocabulaire – sur lesquelles il est
facilement possible d’intervenir ! L’objectif sera par conséquent tout à fait simple
à poursuivre : l’intervenant va aider Jules à mémoriser les mots nécessaires à la
compréhension des consignes mathématiques.
L’étude du vocabulaire mathématique en appui a évidemment permis de clarifier
aussi les concepts connexes : l’intervenant a explicité les notions correspondant
aux mots appris et leur utilisation.
Lors du premier semestre de sixième, Jules a obtenu la moyenne en maths.

Dans cet exemple, le recadrage a permis d’envisager les difficultés de l’élève


sous un angle nouveau. Jules s’est senti rassuré sur ses compétences et a mobilisé
ses ressources – en vocabulaire (français), il n’a jamais eu de problèmes – pour
surmonter ses difficultés mathématiques. Le recadrage a permis de « modifier le
paysage mental des personnes concernées » (Bringuier, 2016, p. 14).

— 114 —
Les mesures d’aide individuelle

Jade est une élève qui a également d’énormes difficultés en mathématiques.


L’intervenant la suit en appui pédagogique individuel depuis le début de la cin-
quième primaire. Elle est maintenant à la fin du premier semestre de sixième
et présente toujours les mêmes difficultés malgré sa bonne volonté… et celle
de l’intervenant.
La situation « tourne en rond », pense l’intervenant, qui perd beaucoup d’éner-
gie, sans résultats. L’élève perd également confiance en elle : plus l’intervenant
tente de l’aider et plus elle se sent incompétente, puisque ses résultats sont
très décevants, malgré l’aide proposée par l’intervenant (paradoxe de l’aide ;
cf. chapitre 6.1).
Celui-ci décide alors de ne plus proposer à l’élève « toujours plus de la même
chose » et d’envisager un recadrage : puisque Jade est toujours en retard sur
le programme, l’intervenant lui propose de prendre de l’avance ! À partir de ce
moment-là, il consacre tout le deuxième semestre à travailler le programme de
septième (Jade est alors en sixième).
L’élève, malgré ses résultats catastrophiques en maths au début de la sixième), a
été promue en septième et a obtenu, cette année-là, la moyenne en mathématiques.

Comme le précise Curonici (1999, p. 35), « un recadrage bien réussi paraît


la plupart du temps aller à l’encontre du bon sens ». Dans la situation présente,
l’élève a pu développer, par ce recadrage, des compétences que ses camarades
de classe n’avaient pas au début de la septième (les nombres à virgule ne sont
travaillés qu’en septième, par exemple). Elle s’est donc sentie valorisée – aux
yeux des autres et aux siens propres, conséquemment – puisque, pour une
fois, elle avait de l’avance sur ses camarades. De plus, elle a retrouvé une
forte motivation en sixième déjà, puisqu’elle savait que nous anticipions sur le
programme. Enfin, le travail sur des thèmes mathématiques nouveaux (princi-
palement les nombres à virgule) lui a permis de sortir du cercle vicieux où nous
nous étions enfermés.

3.3.4 L’instrument PPI


Comme les informations recueillies jusqu’ici sont nombreuses et, apparemment,
hétéroclites, il s’agit de les organiser. C’est le classement des données qui per-
mettra de constituer une vue d’ensemble de la problématique. L’instrument PPI
(annexe 11) permet justement cette organisation des informations qui permettra
l’identification du point nodal.
Le premier tri consiste à classer les informations sous la rubrique « Ressources »,
dans laquelle l’intervenant notera les aptitudes, compétences, acquisitions,
connaissances, capacités, forces, motivations, etc., de l’élève. Sous la rubrique
« Difficultés », il classera ses besoins, lacunes, insuffisances, limites, faiblesses, sou-
cis, obstacles, etc. Les sous-rubriques « Comportement / Attitude face à la tâche
/ Discipline (français et/ou maths) / Famille et divers » permettent en général de
classer toutes les informations de manière simple et fonctionnelle (l’exemple du
PPI d’Emma est présenté en annexe 12).

— 115 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

L’instrument PPI devra mentionner explicitement :


– Les ressources de l’élève
L’intervenant indiquera d’abord les ressources de l’élève, notamment dans
les domaines du comportement, de l’attitude face à la tâche et de la branche
désignée. La description des ressources est indispensable. Elle permet de poser
un nouveau regard sur l’enfant (c’est déjà un recadrage) qui, souvent, n’est plus
perçu qu’à travers ses difficultés et ses lacunes. Le petit Julien, c’est son 3 de
maths ! Or, non, Julien est un très bon lecteur, il a une attitude tout à fait adaptée
face à la tâche et il est drôlement motivé !
La description des ressources permet également de s’appuyer sur les forces
de l’enfant pour développer de nouvelles compétences. « Il est aussi essentiel
de reconnaître les forces d’un élève que de cerner ses faiblesses. Chez trop
d’apprenants en difficulté, seules les lacunes sont considérées, alors que chacun
possède des forces et des talents qui méritent d’être soulignés et encouragés.
Entendre parler de leurs points forts se révèle particulièrement bénéfique pour
les élèves qui connaissent des difficultés scolaires » (Pohlman, 2011, p. 13).
L’exercice est moins évident qu’il n’y paraît a priori. Très souvent, l’intervenant
ne recueille, dans un premier temps, que des informations négatives sur l’enfant.
C’est donc à lui de proposer une évaluation plus globale qui permettra de souligner
les ressources de l’élève et d’envisager une nouvelle dynamique. Nous reviendrons
plus loin sur le rôle que doit jouer l’intervenant dans sa redéfinition des difficultés
de l’enfant. Le « recadrage » – dont nous venons de parler – est ici d’un apport
très intéressant. Sur la grille de « projet pédagogique individuel » (instrument PPI),
le défi est de toujours mentionner plus de ressources que de difficultés !
– Les difficultés de l’élève
La rubrique des difficultés présentera également les domaines du compor-
tement, de l’attitude face à la tâche et de la branche scolaire désignée. Le choix
du vocabulaire utilisé ici est important. Le respect que nous devons à l’enfant ne
nous autorise pas à mentionner que celui-ci est « peu intelligent » (qu’est-ce que
ça peut bien signifier ?!), « inadapté » (à quoi ? Quand ? Dans quels contextes ?)
ou « complètement nul en orthographe » (c’est peut-être vrai, mais ça ne se dit
pas !). Les étiquettes sont également à proscrire (l’enfant n’est pas « autiste »,
mais il a des « difficultés de communication ») : on connaît maintenant assez les
effets négatifs de l’étiquetage pour se montrer d’une extrême prudence dans les
diagnostics que nous sommes appelés à effectuer (cf. chapitre 3.2).
L’intérêt de ce document est de profiter d’un support de travail commun. Par
conséquent, le PPI sera transmis aux partenaires du projet, ce qui devrait nous
rendre encore plus prudents dans le choix des mots et la formulation des items.
– Les objectifs poursuivis
Le document mentionnera enfin les objectifs poursuivis. Ceux-ci ne devront
pas être trop nombreux, c’est pourquoi les enseignants détermineront les objec-
tifs prioritaires lors de la focalisation (figure 9). Les moyens à mettre en œuvre

— 116 —
Les mesures d’aide individuelle

seront également mentionnés, en prévoyant ceux qui seront utilisés en priorité


par l’intervenant et ceux qui concerneront l’élève, le titulaire et les parents. Il
est parfois nécessaire, dès le départ, de définir la durée de la prise en charge
et la date du prochain bilan.
Lorsqu’il formule ses objectifs, l’intervenant devra impérativement les
rédiger en termes opérationnels. Les objectifs devront être précis et réalistes.
Il est en effet totalement insuffisant de signaler que l’appui permettra à l’élève
« d’améliorer sa compréhension en lecture », par exemple. Évidemment, l’élève va
améliorer sa compréhension en lecture si l’intervenant travaille avec l’élève sur
cet objectif. Plus intéressante est cependant – pour les enseignants, mais surtout
pour l’élève – une définition précise, en termes de comportements observables,
qui permet d’envisager concrètement les attitudes à développer. Pour reprendre
l’exemple de la lecture, on pourra demander à l’élève de « s’arrêter dans sa lec-
ture chaque fois qu’il commet une méprise inacceptable quant à la signification
et relire le mot mal déchiffré ».
La formulation des buts en objectifs spécifiques est essentielle, surtout lorsque
l’on travaille avec des jeunes enfants : l’opérationnalisation est la traduction
concrète des attentes ; elle permet à l’enfant de prendre conscience de ce que
l’on attend précisément de lui. Elle contraint donc l’intervenant à traduire le
projet global en comportements observables et à formuler concrètement ce que
l’élève sera capable de faire au terme de l’apprentissage (but à atteindre). Il s’agit
donc de passer d’un objectif « théorique », à long terme, – qui relève du point
nodal – à un objectif « pratique », à court terme, qui explique concrètement aux
différents partenaires ce qui est attendu (Berlioz-Ruffiot, 2016).
Mais comment donc formuler les objectifs en termes opérationnels ? Le compor-
tement attendu doit être traduit en termes clairs, précis, observables et mesurables.
Les objectifs doivent être formulés à l’aide d’un verbe d’action et sous une forme
positive. Un objectif qui est trop flou (par exemple, « rester plus concentré ») risque
de ne jamais être travaillé sérieusement. Par contre, s’il est précis et opérationnel,
les efforts à entreprendre apparaissent beaucoup plus clairement (« rester plus
concentré » devient alors « ne pas lever le crayon de l’exercice de maths, en classe,
durant au moins 10 minutes »).
Pour qu’un objectif soit réellement opérationnel, il faut qu’il définisse le
comportement observable, le critère de réussite et les conditions de réussite.
C’est un « classique pédagogique » mais qui fonctionne toujours très bien :
– comportement observable et mesurable : par exemple, lorsque
l’enseignant demande à son élève d’« autocontrôler la qualité de son
travail », il ne l’aide pas à saisir clairement les attentes. Par contre, s’il lui
demande de « relire la consigne, après chaque exercice, et la raconter à
l’enseignant avec ses propres mots », il aura plus de chance d’engager
l’élève dans une activité signifiante ; il est donc essentiel que l’objectif soit
précis et mesurable, notamment par l’élève lui-même ; choisir un verbe
d’action facilite l’opérationnalisation de l’objectif ;

— 117 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

– critère et niveau de réussite : ils indiquent la qualité attendue et le


seuil minimum à partir duquel l’objectif est considéré comme atteint ; il est
généralement chiffré (fréquence, durée, précision, intensité, conformité au
modèle) ; un critère de réussite est généralement fixé entre 75 % et 100 % ;
– conditions de réussite : elles précisent le contexte, les circonstances,
les modalités, les conditions, etc. dans lesquels sera évalué l’objectif ; elles
énoncent également les ressources mises à disposition.
Très souvent, les objectifs fixés dans le PPI concernent l’élève, mais il peut
également engager d’autres intervenants. Parfois même, lorsque c’est le contexte
qui pose problème, les objectifs viseront prioritairement à modifier l’environne-
ment de l’élève. Ce sont alors des éléments contextuels qui doivent être modifiés
ou bien ce sont les différents partenaires qui doivent changer d’attitude. Par
exemple, si l’enfant manque d’autonomie, c’est peut-être l’attitude des adultes
– l’enseignant et les parents – qui doit changer, l’aide qu’ils apportent à l’enfant
pouvant être un frein à son besoin d’autonomie.
La définition des objectifs en termes opérationnels aura évidemment des
implications quant à l’évaluation. Tout d’abord, l’enseignant pourra facilement
observer si l’élève manifeste le comportement attendu (« depuis deux semaines,
je n’ai plus entendu de méprises de sens dans ses lectures »). Ensuite, l’enfant
lui-même pourra auto-évaluer ses performances et donc devenir acteur de son
projet et de ses progrès (« là je m’arrête, j’ai lu “le chat s’est blessé à la batte” »).
Le titulaire et les parents enfin, s’ils connaissent l’objectif poursuivi et le compor-
tement attendu, pourront aider efficacement l’enfant et évaluer ses progrès.

Grâce à l’évaluation diagnostique, l’intervenant a pu déterminer les ressources


et les difficultés d’Emma (pages 1 et 2 de l’annexe 12) : l’élève manifeste un
comportement irréprochable en classe et montre, dans certaines activités, une
attitude face à la tâche tout à fait adaptée. Ses ressources lui permettent donc
de réussir normalement à l’école.
Ses difficultés semblent principalement dues à un manque de confiance en soi
et à une difficulté à investir une tâche qu’elle pense ne pas pouvoir maîtriser.
L’intervenant propose donc au titulaire de travailler en priorité sur la confiance
en soi. Il formule les objectifs suivants : Emma doit apprendre à investir les
tâches, même lorsqu’elles sont nouvelles et/ou complexes.
Les objectifs spécifiques seront donc les suivants.
Emma doit être capable de :
– lire et comprendre les consignes ; elle doit pouvoir les raconter avec ses
propres mots et sans le support, avant de commencer les exercices (entrée
dans la tâche) ;
– elle doit connaître le critère de réussite précis attendu par l’enseignante
et pouvoir le communiquer sous une forme chiffrée, par exemple 7/10
(pilotage de la tâche) ;
– elle doit autocontrôler la qualité de son travail en vérifiant si elle a respecté
la consigne en la relisant (sortie de la tâche).

— 118 —
Les mesures d’aide individuelle

Le Projet pédagogique individuel d’Emma est présenté en annexe 12.


La forme importe peu. Par contre, la présence des différentes rubriques est
indispensable. Ce document est central dans l’accompagnement de l’élève. Il
permet d’articuler le travail de tous les partenaires et d’évaluer les progrès de
l’enfant. Il est l’instrument de base permettant la collaboration. Il sera donc
diffusé à tous les partenaires concernés par le projet. Une fois adopté par les
différents partenaires, le PPI change de statut : il devient un contrat de travail
répartissant les rôles.
Précisons ici que l’intervention de l’enseignant spécialisé peut très bien
s’arrêter ici, après – mais seulement après ! – la rédaction du Projet pédagogique
individuel et l’identification du point nodal. Parfois, l’intervention de l’enseignant
dans le cadre de la classe est la meilleure solution, par exemple dans les pro-
blèmes de comportement ou de motivation. Lorsque le titulaire peut poursuivre
les objectifs avec l’élève dans le cadre de la classe, sans l’aide de l’intervenant,
c’est mieux. Si l’enseignant spécialisé n’intervient pas directement, il fournira
néanmoins au titulaire, à l’enfant et aux parents les moyens permettant une
prise en charge efficiente. Une aide des thérapeutes peut également intervenir
et remplacer l’intervention de l’enseignant spécialisé.
Autrement dit, les modalités de la remédiation dépendent de l’hypothèse
explicative, du point nodal et des objectifs fixés. Elles ne peuvent pas être déci-
dées a priori, avant une analyse approfondie de la problématique.

3.4. ÉTAPE 4 : LA PHASE DE REMÉDIATION


C’est seulement dans cette quatrième étape que la phase de remédiation peut
commencer. Grâce aux deux phases précédentes (évaluation diagnostique
globale et rédaction du PPI), le projet peut maintenant se dérouler de manière
cohérente. Cette phase de remédiation est, en fait, la mise en œuvre du Projet
pédagogique tel qu’il a été défini dans le PPI. Les moyens utilisés durant cette
phase dépendent donc des choix effectués précédemment.

3.4.1 La séance PPI

Après avoir rédigé le Projet pédagogique individuel, l’intervenant organisera


une « séance PPI » durant laquelle il présentera le projet aux différents partenaires.
Alors qu’il a effectué un travail (plutôt) solitaire jusque-là (évaluation diagnos-
tique globale et rédaction du PPI), l’intervenant rencontre maintenant les autres
partenaires du projet, leur soumet sa proposition et engage avec eux la phase
de remédiation. Comme nous l’avons montré plus haut, le PPI est rédigé par
l’intervenant. C’est lui en effet qui classe les informations (ressources/difficultés),
qui émet une hypothèse explicative, qui tente d’identifier le point nodal, qui
fixe les objectifs et qui envisage les modalités de l’intervention. Mais lorsqu’il a

— 119 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

terminé tout ce travail, il doit le soumettre à l’analyse critique des autres parte-
naires et notamment de l’élève. « Parvenir à valider ensemble et de bonne foi
une vision unifiée de l’enfant et de ses difficultés apporte aux protagonistes un
soulagement et une confiance réciproque qui sont autant de gages de bonne
volonté » (Bringuier, 2016, p. 114).
Après avoir rédigé le PPI, l’intervenant invite donc toutes les personnes
impliquées dans le projet à une rencontre, la « séance PPI ». L’objectif de cette
séance est double :
– la rencontre permet tout d’abord de partager les différentes visions de la
situation problématique ; l’hypothèse explicative proposée par l’interve-
nant est confrontée aux différents points de vue, notamment à celui de
l’élève ; il s’agit donc ici d’informer/s’informer (cf. chapitre 5.1) ;
– elle permet ensuite de définir les objectifs de la phase de remédiation :
lorsqu’un consensus est établi sur la définition de la problématique et du
point nodal, les partenaires envisagent concrètement les pistes d’inter-
vention et définissent le rôle que chacun jouera dans le projet ; il s’agit
maintenant de s’impliquer/impliquer.
Comme nous l’avons souligné, l’intervenant a émis une hypothèse sur le
point nodal lorsqu’il a rédigé le PPI. Comme c’est une hypothèse de travail, il
s’agit maintenant de la soumettre à la réflexion critique des autres partenaires.
Si son hypothèse est correcte – ou du moins plausible… –, l’intervenant pourra
constater qu’elle interpelle les participants parce qu’elle propose une nouvelle
définition du problème (recadrage). « Plus simplement, il s’agit de raconter une
nouvelle histoire, incluant les anciens éléments dont disposaient les parents et
les nouveaux mis à jour ensemble, une histoire qui illustre la vision commune
construite, une histoire dont la simplicité doit avoir la force de l’évidence et
le pouvoir de contrebalancer la prégnance de la lecture précédente » (Berlioz-
Ruffiot, 2016, p. 183).
Si l’hypothèse est validée par les partenaires lors de cette séance, le processus
vient de franchir une étape décisive : l’instrument PPI peut alors être adopté
comme un « contrat d’intervention » entre les différents partenaires. À partir de
cet entretien, il pourra effectivement être considéré comme un réel contrat qui
engage chacun dans le projet en définissant clairement les tâches. D’ailleurs,
le document est signé à la fin de la rencontre par les différentes personnes
s’engageant dans le projet (cf. annexes 11 et 12). « La définition de ce but doit
se faire par les partenaires de manière concertée et consensuelle. De plus, le
rôle fédérateur du but communément identifié gagnera en pertinence si une
vision claire des résultats escomptés est définie. […] Il semble essentiel que
le partenariat soit formalisé, que soient connues les tâches de chacun, ainsi que
ses fonctions, ses marges de manœuvre et ses ressources pour atteindre le but
communément visé » (Alvarez et al., 2015, p. 40).
Si, par contre, l’hypothèse n’est pas validée par l’ensemble des partenaires,
il s’agit de réfléchir à nouveau à la problématique et envisager une focalisation

— 120 —
Les mesures d’aide individuelle

sur un autre point nodal. « Dans le cas où ils ne reconnaissent pas leur enfant
dans le portrait que j’esquisse, j’abandonne ma proposition de lecture et je les
questionne pour mieux cerner la difficulté qu’ils lui attribuent. […] La capacité
à faire machine arrière permet de ne construire que sur l’acceptation des inter-
locuteurs » (Berlioz-Ruffiot, 2016, p. 188). Autrement dit, l’hypothèse permettant
de définir le point nodal reste toujours une hypothèse, donc sujette à falsification.
En résumé, la séance PPI poursuit « trois objectifs :
– compléter et confirmer (ou non) les renseignements fournis par l’enfant,
donc valider ou invalider les premières hypothèses faites ;
– initier une collaboration avec la famille ;
– fixer ensemble un ou plusieurs objectif(s) concret(s) dans un futur proche »
(Berlioz-Ruffiot, 2016, p. 183).
Ainsi, le PPI – qui était jusque-là un instrument de réflexion et de synthèse
utilisé prioritairement par l’intervenant – change de statut lors de la séance PPI :
il prend maintenant une fonction officielle de contrat impliquant les différents
partenaires. Il permet à l’élève – partenaire numéro 1 ! – de comprendre les
enjeux du processus d’aide et de devenir acteur d’un projet qui doit avoir du
sens pour lui. Il définit également le rôle des autres partenaires et les moyens
à mettre en œuvre. Il doit permettre à tous de passer du pôle « actif » au pôle
« acteur » : il ne s’agit plus de s’activer dans tous les sens – chacun dans son
coin et avec ses représentations de la situation –, mais de piloter consciemment
le projet en visant un but commun et précisément défini. Chacun devrait être
maintenant au clair avec les attentes, connaître les finalités et la signification du
projet, les moyens à mettre en œuvre et son rôle spécifique dans le processus.
L’efficacité de la prise en charge sera ainsi décuplée par une harmonisation
des interventions.

3.4.2 La prise en charge


Les modalités de la prise en charge dépendent principalement des objectifs
fixés. Le travail de l’intervenant en classe est parfois indispensable (par exemple
si l’enfant présente des problèmes de comportement). Une prise en charge
individuelle est, par contre, presque toujours nécessaire pour rendre l’élève
acteur du projet. L’idéal reste évidemment, comme il a déjà été dit, de travailler
en classe et en individuel. Dans ce cas, le nombre de cours par semaine est
évidemment plus important.
Ces dernières années, une pression évidente s’exerce pour que l’ensei-
gnant spécialisé intervienne dans la classe, notamment sous la forme du
co-enseignement (cf. chapitre 2.2). Les difficultés liées à une intervention de
l’enseignant spécialisé dans la classe ont déjà été soulignées. La solution idéale
est probablement de jouer sur les deux tableaux. De toute façon, intervenir
« dans » la classe, « sur » la classe ou « hors » de la classe doit rester un moyen et
ne doit jamais devenir une fin en soi.

— 121 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

L’intérêt d’une prise en charge individuelle, c’est de permettre un échange


personnalisé avec l’élève. En phase d’évaluation diagnostique notamment, le
travail individuel permet souvent de cerner précisément la cause de la difficulté
de l’enfant, ce qui est difficile dans un grand groupe. Par exemple, l’ensei-
gnement stratégique – qui a été présenté plus haut (chapitre 2.3) – ne peut
s’effectuer sans une évaluation très précise des difficultés de l’enfant. En classe,
cette évaluation pointue est très difficile à réaliser. De plus, lorsque l’intervenant
envisage l’apprentissage des stratégies avec l’élève, il doit également disposer de
conditions favorables : il ne suffit pas d’informer l’élève de ses difficultés et des
stratégies efficaces pour y remédier, il faut également organiser le maintien et
la généralisation de l’apprentissage des stratégies. Le travail individuel est donc
très intéressant dans cette approche cognitive et métacognitive.
De plus, l’utilisation en salle d’appui d’un matériel différent peut, dans un
premier temps, permettre à l’enfant de montrer des compétences qu’il n’actualise
peut-être pas en classe lorsqu’il travaille sur des exercices scolaires. L’utilisation
de l’ordinateur est à ce propos souvent très intéressante en appui individuel.
L’intervenant peut également poser un regard différent sur l’enfant lorsqu’il
travaille en individuel. S’il travaille dans la classe en collaboration étroite avec
le titulaire, il est probable que l’image que l’intervenant se fait de l’enfant soit
« parasitée » – ou parfois positivement renouvelée – par l’image que le titulaire,
voire les autres enfants, se font de lui. On sait l’influence du contexte social sur
l’image de l’enfant et sur ses performances.

3.4.3 Le plan d’action

Le plan d’action va évidemment dépendre des objectifs fixés, ceux-ci constituant


le fil rouge de toute la phase d’intervention. Il est en effet capital que les inter-
venants et l’élève gardent à l’esprit les objectifs spécifiques tout au long de la
phase de remédiation. C’est pourquoi il est essentiel de les relire régulièrement
pour évaluer la progression et mesurer le travail accompli. Les objectifs seront
également rappelés lors de chacune des séances avec les différents partenaires :
au début, pour évaluer s’ils ont pu être travaillés entre deux séances, et à la fin,
pour rappeler le travail à effectuer encore. L’intervenant pourra également réex-
pliquer l’articulation entre le point nodal, l’hypothèse explicative et les objectifs.
Pour définir le plan d’action, il s’agit tout d’abord de bien distinguer les objectifs
– qui constituent le but visé – des moyens d’intervention – qui sont les outils, les
démarches, les supports, etc. qui seront utilisés. Cette distinction est notamment
importante à l’école où les exercices proposés (en français, en maths, etc.) sont
toujours un moyen de travailler les objectifs du PPI et non la finalité. Trop souvent,
l’enseignant utilise les moyens d’enseignement officiels sans en questionner la
pertinence et en leur faisant parfois une confiance aveugle. C’est donc bien le point
nodal qui est le levier de changement et non les moyens utilisés – qui ne sont que
des supports à la mise en œuvre du PPI. Comme les moyens à mettre en œuvre

— 122 —
Les mesures d’aide individuelle

dépendent du point nodal et des objectifs, toutes les modalités sont envisageables
(Bedoin et al., 2018) : adaptation du cadre de travail (conditions matérielles,
spatiales, temporelles, etc.) / tutorat entre pairs / guidance de l’enseignant /
aide stratégique / conseils aux parents / support technique ou matériel / etc.
Comme nous l’avons maintes fois souligné, l’implication de l’élève dans le
projet est indispensable à sa réussite. Le terme de « prise en charge » est à ce
propos ambigu. L’intervenant « ne prend pas en charge » l’enfant, comme le
ferait le médecin qui établit un diagnostic et prescrit un médicament. L’élève
doit absolument connaître les objectifs poursuivis et les moyens qu’il peut mettre
en œuvre pour devenir auteur et acteur de sa réussite. Le malade peut guérir
sans rien comprendre à sa maladie et aux raisons de l’efficacité de la thérapie.
En pédagogie, le malade meurt, s’il ne devient pas sujet de sa propre thérapie !
L’élève est donc considéré dans le processus d’aide comme le partenaire
numéro 1 du projet : le succès de toute la démarche dépend de son implication.
Il est donc essentiel que l’intervenant prenne du temps pour l’informer des
enjeux du PPI et de son rôle dans le projet. Même s’il a participé à la rencontre
collective (séance PPI), une discussion individuelle avec l’élève autour des objectifs
à poursuivre est essentielle. C’est l’occasion pour l’intervenant de vérifier sa
compréhension du projet. Parfois, c’est un élément anecdotique qui a retenu
son attention lors de la séance collective. L’intervenant pourra ainsi reprendre
posément avec lui la lecture de l’instrument PPI. Il vérifiera, en lui demandant
de les exprimer avec ses propres mots, sa compréhension de ses ressources, de
ses difficultés et des objectifs à poursuivre. Seule une information complète et
précise permettra à l’élève d’adhérer aux objectifs définis et de devenir acteur
du projet.
Lors de cette phase de prise en charge, l’évaluation est interactive, c’est
pourquoi l’intervenant s’informera régulièrement auprès du titulaire des progrès
de l’enfant. Des réajustements seront peut-être alors nécessaires. « Le plan
d’intervention ne devrait pas être un document coulé dans le béton. Il devrait
plutôt être dynamique et évoluer » (Pohlman, 2011, p. 166).
Pratiquement, l’intervenant organisera son travail grâce à un « journal
d’appui » (plan de travail individuel quotidien) dans lequel il indiquera, pour
chaque cours, l’objectif poursuivi et les activités prévues. Une troisième colonne,
vide, lui permettra de noter toutes ses observations et de procéder ainsi à une
évaluation interactive durant tout le projet.

En classe, Mme Marcelle est attentive à la manière dont Emma entre dans la
tâche : elle ne lui laisse dorénavant qu’une minute pour se mettre au travail et
chaque fois qu’elle réussit, elle renforce l’élève en la félicitant pour son effort.
En appui, Emma s’entraîne à piloter correctement son entrée dans la tâche
(notamment lire et comprendre la consigne) et à vérifier la qualité de son travail
(durant l’activité) et à la fin en se référant au critère de réussite de l’exercice.

— 123 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

Les deux enseignants rencontrent régulièrement la mère d’Emma pour l’informer


de l’évolution de l’élève en classe et s’assurer que le travail à domicile se déroule
dans de bonnes conditions (cadrage du temps de travail notamment).

3.4.4 Le référent du projet

Dans tout projet, il faut un pilote : sur un bateau, c’est le capitaine ; dans une
équipe de football, c’est l’entraîneur ; en classe, l’enseignant. Il s’agira donc de
désigner, d’emblée, qui est responsable de garder le fil rouge de la remédiation.
Dans un processus d’aide scolaire, c’est en principe l’enseignant spécialisé qui
est le référent, celui qui assume la responsabilité de piloter le projet. Comme
c’est lui qui rédige le PPI, il est le mieux placé pour avoir une compréhension
globale de la problématique et une vision claire des objectifs poursuivis.
Si la situation est complexe et les intervenants multiples, le risque d’une
dilution des responsabilités est réel, chacun pensant que c’est l’autre qui assume
le leadership. C’est donc très important de désigner une personne référente.
Ses fonctions peuvent être définies ainsi :
– le référent effectue une évaluation diagnostique globale de la situation de
l’élève (étapes 1 et 2) et rédige le PPI (étape 3) ;
– il réunit régulièrement les différents partenaires, organise les séances et
les anime (étape 4) ;
– il coordonne les différentes interventions et s’assure de l’avancement
du projet (étape 4) ; il est le garant du fil rouge et de la cohérence de
l’intervention ;
– il réoriente le projet, si nécessaire, ou clôt le processus d’aide (étape 5 ;
cf. chapitre 3.5).
Le référent est donc le garant de la pertinence du processus d’aide et de son
pilotage. Son rôle est d’inciter l’élève et/ou les différents partenaires à agir et
à entreprendre les changements désirés. Sa capacité à mobiliser et motiver les
différents partenaires est fondamentale pour la réussite de l’accompagnement.
Le référent est également le garant de la « mémoire » du projet, de son histoire
et de son évolution. C’est lui qui va rappeler les objectifs fixés, les moyens à
mettre en œuvre, les délais de réalisation et les résultats obtenus. Il joue le rôle
d’un « accompagnateur », « qui est garant des cohérences du dispositif. Il aide à
cadrer les échanges en participant à la définition des règles de fonctionnement.
Il garantit la rigueur de la démarche, notamment le non-jugement, le respect
des personnes et de leur projet. […] L’accompagnateur est aussi un catalyseur.
Il aide à structurer, à mettre en forme, à modéliser les situations. Il contribue
ainsi à la progression des accompagnés vers les buts qu’ils se sont fixés » (Charlier
et Biémar, 2012, p. 158).
Durant tout le projet, le référent régulera les interventions en fonction
des objectifs fixés dans le PPI. Il évaluera de manière formative et interactive

— 124 —
Les mesures d’aide individuelle

l’évolution du projet, favorisant ainsi un processus dynamique et une évalua-


tion régulière du plan d’action, de manière à l’ajuster aux besoins de l’élève
et à son évolution. L’évaluation formative interactive est donc un processus
continu d’évaluation du projet qui permet de réguler les interventions tout en
maintenant le cap.
Précisons ici que cette évaluation formative interactive exige parfois de
remettre fondamentalement en question le projet. Lors de cette phase de remé-
diation, il est en effet possible que surgisse une information nouvelle qui oblige
à reconsidérer toute la démarche. Il est alors nécessaire de modifier l’hypothèse
explicative et de changer les objectifs du PPI. Là encore, l’intervenant devra faire
preuve de souplesse et d’humilité en étant capable d’admettre que l’information
nouvelle modifie fondamentalement la compréhension de la problématique et
exige une nouvelle définition du projet.

3.5. ÉTAPE 5 : LE BILAN


Après quelques semaines, voire quelques mois (au minimum à la fin de chaque
semestre), il est indispensable de s’arrêter et d’effectuer un bilan du travail
effectué en évaluant la qualité du projet, l’efficacité du processus d’aide et les
résultats obtenus. C’est le moment de sabrer le champagne – ou non. C’est
le temps de l’euphorie ou de la gueule de bois. Le PPI a-t-il permis de sur-
monter les difficultés ou devons-nous réfléchir à un nouveau point d’appui,
un nouveau point nodal ?
Ce bilan se réalise à partir de l’instrument PPI. L’élève et les différents
intervenants relisent le document et vérifient si les moyens prévus ont été
mis en œuvre par chacun des partenaires et si les objectifs sont atteints.
L’intervenant pourra alors réutiliser les mêmes outils d’évaluation qu’aux étapes
1 et 2, ce qui lui permettra de mesurer les progrès effectués par l’élève et
d’envisager soit l’arrêt de la mesure, soit des réajustements, soit enfin, si les
résultats sont décevants, la formulation d’une nouvelle hypothèse et le choix
de nouveaux moyens.
La définition des objectifs en termes opérationnels facilitera beaucoup
l’évaluation du projet lors de ce bilan. Comme le souligne Gillig (2006),
« d’aucuns estiment que c’est la partie la plus ardue d’une démarche de projet.
Je soutiens que c’est ce qui est le plus facile, à condition d’avoir déterminé
des objectifs précis et de les avoir opérationnalisés » (p. 195). L’intervenant
présentera notamment les évaluations de départ qu’il a soumises à nouveau
à l’élève avant le bilan et qui permettront d’évaluer ses progrès. Le titulaire
informera également les partenaires si les compétences développées en
appui se généralisent en classe. En effet, si l’élève ne transfère pas ses
compétences en classe, lorsqu’il se retrouve sans l’intervenant, l’aide est
parfaitement inutile.

— 125 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

Cette phase de bilan peut déboucher sur trois situations différentes :


1. Les objectifs sont atteints et le projet se termine.
Tout va bien, les objectifs sont atteints et l’élève a pu surmonter ses diffi-
cultés. Néanmoins, avec la fin du processus d’aide vient le moment de se quitter
et il peut être déstabilisant pour l’élève – mais parfois aussi pour les parents ou
le titulaire – d’arrêter l’appui. Le risque de vouloir prolonger la prise en charge
(« pour être vraiment sûr… ») est de tomber dans le paradoxe de l’aide – évoqué
plus haut. L’intervenant devra donc souligner que ces sentiments ambigus sont
normaux et que, si le processus s’arrête, c’est d’abord une bonne nouvelle.
Il pourra également préciser qu’il reste à disposition de l’élève si une aide s’avé-
rait à nouveau nécessaire, mais que, pour l’instant, le projet d’intervention peut
s’arrêter. Et c’est très bien ainsi !
2. Les objectifs sont partiellement atteints.
Dans ce cas, les objectifs du PPI ne sont pas à rediscuter fondamentalement,
mais les moyens mis en œuvre ou le temps prévu n’ont pas été correctement
estimés. Il s’agit donc de procéder à un réajustement du projet. Par exemple,
si les objectifs n’ont pas été tout à fait atteints, c’est peut-être parce que le
temps nécessaire à leur atteinte n’a pas été correctement évalué ; le projet est
alors réajusté en augmentant sa durée, mais les objectifs restent strictement les
mêmes. Ou alors le contexte a un peu changé depuis le début du processus ;
en fonction des nouvelles données, le projet doit être réactualisé. Ou encore,
les objectifs sont pertinents, mais les moyens engagés insuffisants, etc. Quoi
qu’il en soit, le projet se poursuit sans qu’une remise en question des options
fondamentales soit nécessaire.
3. Les objectifs ne sont pas atteints.
Si les objectifs n’ont pas été atteints, il s’agira de réfléchir avec l’élève
– et les autres partenaires impliqués dans le projet – aux raisons des difficultés
rencontrées. Les causes de l’échec peuvent être multiples : les hypothèses
explicatives non pertinentes / le point nodal mal identifié / les objectifs mal
définis / les moyens peu adaptés / la collaboration insuffisante / etc. Il s’agira
alors d’écouter le point de vue de chacun des partenaires. Le référent valorisera
les réussites et les succès obtenus – il renforcera positivement les progrès réa-
lisés –, mais il conduira également les partenaires à envisager des hypothèses
nouvelles, alternatives. Il est possible que la séance débouche sur la nécessité de
reprendre tout le processus depuis le début : une reformulation de la demande
d’aide est peut-être nécessaire (étape 1) ; ou bien, si la situation n’a pas été
évaluée correctement, il s’agira de compléter l’évaluation diagnostique par de
nouvelles observations (étape 2) ; ou encore une nouvelle définition des objectifs
est nécessaire (étape 3).
Si cette évaluation formative d’étape n’a pas lieu de manière rigoureuse,
les enseignants risquent fort de surévaluer ou de sous-évaluer les progrès de
l’élève. Le second scénario est évidemment plus fréquent que le premier : les

— 126 —
Les mesures d’aide individuelle

progrès de l’enfant sont souvent importants, mais ses résultats sont toujours
inférieurs à ceux de la classe, ce qui laisse penser que l’enfant n’a pas progressé
(la faute de Posthumus, toujours !). Si l’intervenant peut s’appuyer alors sur la
comparaison entre l’évaluation de départ et l’évaluation d’étape et si, de plus,
il peut comparer l’évaluation à un objectif formulé en termes opérationnels, il
pourra facilement démontrer les progrès de l’élève et l’efficacité des démarches
entreprises par les enseignants.
Nous avons souligné, dans le paragraphe précédent, l’importance d’effectuer,
durant tout le processus, des évaluations formatives. Ces prises d’information
continues permettent de réguler le travail et d’ajuster les interventions. Ces
évaluations formatives interactives permettent de « prendre le pouls » du projet
et de s’assurer que la convalescence se déroule bien et que le patient est en
train de guérir. L’étape du bilan participe de cette démarche d’évaluation, mais
elle est plus formelle et se déroule à la fin du processus (ou éventuellement lors
d’une étape importante de la démarche).
Mais avant même cette étape de bilan, l’intervenant peut avoir le sentiment
de se trouver dans une impasse. S’il sent qu’il s’enferme dans une démarche
d’aide stérile, que sa motivation baisse, que l’élève s’épuise, il doit s’arrêter et
envisager une autre modalité de travail. Le sentiment de fatigue chez les diffé-
rents partenaires est en général un bon indicateur : il est temps de procéder à
un recadrage qui ouvre de nouvelles perspectives. Comme le relèvent Curonici
et Mc Culloch (1999), « il est utile d’être particulièrement attentif aux interac-
tions redondantes, aux cercles vicieux dans lesquels on se sent enfermé, à ce
qui “tourne en rond” dans la relation avec l’enfant. Identifier ces répétitions,
prendre conscience que la solution apportée est en fait devenue une partie
du problème, ouvre généralement la voie à des interventions alternatives qui
peuvent amener des changements positifs » (p. 25).
En résumé, l’objectif du bilan est de voir si le processus s’est bien déroulé et
d’évaluer les objectifs du PPI. Il s’agit donc d’effectuer un bilan de l’évolution du
projet et de constater les changements qui sont intervenus depuis le début du
processus. Ce bilan ne s’effectue pas à bâtons rompus, mais à partir de l’instru-
ment PPI. Ce sont en effet les objectifs et les moyens fixés lors de la séance PPI
qui sont alors discutés – et non des impressions générales, souvent vagues, sur
la situation de l’élève. Sinon, le risque est que le bilan se résume à échanger des
impressions, de manière informelle et peu structurée. Le référent veillera donc
à parcourir les différents points du PPI avec les partenaires concernés par le
projet et à évaluer si les objectifs fixés sont atteints et les moyens correctement
mis en œuvre.

À la fin du premier semestre, l’intervenant invite les différents partenaires du


projet (Emma, sa maman et Madame Marcelle) à effectuer un bilan.
La titulaire souligne les progrès effectués par l’élève et ses excellents résul-
tats scolaires. Emma obtient en effet une note de 5 à la moyenne du premier
semestre (branches principales). Plus réjouissant encore, l’attitude de l’élève a

— 127 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION

changé : Emma est maintenant beaucoup plus sûre d’elle et se montre auto-
nome dans la gestion de son travail. Si elle travaille toujours lentement, elle
n’est plus la dernière à rendre son travail.
Le bilan est donc positif et l’appui peut donc s’arrêter.

Précisons en conclusion que si les cinq étapes proposées dans ce chapitre


sont présentées dans un ordre chronologique, elles peuvent évidemment se
moduler différemment en fonction de la situation particulière de chaque élève.
La démarche de projet telle que décrite ici ne peut évidemment pas toujours
se réaliser aussi parfaitement. Certaines informations nouvelles obligent
parfois l’intervenant à modifier complètement son projet et à réajuster son
intervention. Le processus n’est donc jamais aussi clair, lisse et linéaire dans
la pratique que dans la description des étapes que nous avons présentées.
Comme chaque situation est particulière, les solutions définitives n’existent
définitivement pas ! Néanmoins, le cadre posé et le déroulement en cinq étapes
structurées permettent de planifier les interventions et d’envisager une aide
efficace. La souplesse d’intervention est essentielle, mais le cadre rassure et
souvent… assure !

3.5.1 Articuler les modalités

Nous avons vu dans la première partie de cet ouvrage que, pour lutter contre
l’échec scolaire et promouvoir une école de la réussite, l’intervenant peut agir
selon trois modalités principales (figure 10) : tout d’abord, il peut intervenir
sur le fonctionnement institutionnel en clarifiant les objectifs poursuivis, en
renonçant au redoublement et en définissant clairement la fonction des tâches
à domicile. Ensuite, par des mesures pédagogiques, il doit encourager, par
son assistance directe ou indirecte, l’évaluation formative et la différencia-
tion de la pédagogie, la promotion d’un enseignement stratégique et de la
motivation scolaire. Enfin, il peut apporter une aide individuelle à l’enfant
en difficulté en déployant un dispositif d’aide en cinq étapes, le Projet péda-
gogique individuel (PPI).
Si l’intervenant peut travailler à ces trois niveaux et peut articuler les
différentes modalités d’intervention, il gagnera en efficacité. Par contre, s’il
consacre tout son temps à modifier le fonctionnement institutionnel, il risque
d’oublier que le petit Julien – qui a besoin de son aide en ce moment – ne peut
pas attendre que l’école change. Si, à l’opposé, il travaille uniquement dans
le registre de l’aide individuelle, il s’épuisera en constatant que les demandes
d’aide se multiplient, que son travail est sans espoir et que, toujours et sans fin,
l’école produit de l’échec.

— 128 —
Les mesures d’aide individuelle

Figure 10 – Les dispositifs institutionnel, pédagogique


et individuel de promotion de la réussite scolaire

Mesures institutionnelles : Mesures pédagogiques :

Promotion Évaluation
automatique vs redoublement formative et différenciation

Évaluation Co-enseignement
formative vs sommative Enseignement stratégique
Tâches à domicile Motivation

École
de la réussite

Mesures individuelles :
Le Projet pédagogique
individuel (PPI)

— 129 —
SECONDE
PARTIE

CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE :


REPÈRES POUR LES
ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

La lutte contre l’échec scolaire est d’une folle complexité, répétons-le.


L’enseignant spécialisé, surtout quand il est jeune ou qu’il débute dans la pro-
fession, peut se trouver en difficulté s’il ne clarifie pas d’emblée son rôle et s’il
n’identifie pas les pièges de la structure d’appui. Or un enseignant spécialisé « en
difficulté » ne peut pas apporter une aide valable à un élève « en difficulté » et à
un titulaire « en difficulté ». Cette seconde partie se propose par conséquent de
poser quelques repères pour mieux comprendre le rôle que peut jouer l’ensei-
gnant spécialisé dans la lutte contre l’échec scolaire.
Alors que la première partie de l’ouvrage s’adresse à toutes les personnes
intéressées par la promotion de la réussite scolaire, la seconde partie s’adresse
donc plus spécifiquement aux enseignants spécialisés qui interviennent directe-
ment dans l’école pour accompagner les élèves en difficulté (orthopédagogues,
maîtres E, maîtres G, enseignants de soutien, enseignants d’appui, etc.). Bien
entendu, les différentes modalités d’intervention présentées dans la première
partie du livre concernent aussi les enseignants d’appui. Ceux-ci doivent en effet
porter le souci de l’élève en difficulté, mais également celui de l’enseignant en
difficulté et de l’école en difficulté.
Nous utilisons les termes d’« enseignant spécialisé » ou d’« enseignant
d’appui », dans cette seconde partie, comme des synonymes. C’est en effet une
fonction particulière qui est attribuée ici aux enseignants qui s’occupent des élèves
en difficulté en contexte inclusif. Les chapitres qui suivent constituent donc un
« mode d’emploi » destiné à l’enseignant spécialisé qui travaille dans les classes
et l’école régulière. Dans cette seconde partie apparaîtra souvent, en filigrane,
le Projet pédagogique individuel (PPI) présenté au chapitre 3. C’est en effet
le processus d’aide à privilégier dans le cadre de l’appui pédagogique. Les deux
parties de l’ouvrage sont donc tout à fait complémentaires.

— 132 —
CHAPITRE

L’appui pédagogique :
4
définition et fonctionnement

Dans ce chapitre sera clarifié le concept d’« appui pédagogique intégré ». Actuellement,
cette mesure existe dans de nombreux pays, mais son mode de fonctionnement
diffère souvent et son appellation est également variable. En France, on a retenu le
terme de « rééducation », d’« actions à dominante rééducative » ou d’« actions d’aide
spécialisée à dominante pédagogique », voire de « regroupement d’adaptation » (RA).
Les termes de « classe-ressource » ou de « dénombrement flottant » sont utilisés au
Québec. Dans de nombreux cantons suisses, on parle de « soutien », de « soutien
pédagogique spécialisé » (SPS) ou de « renfort pédagogique » (RP).
Pour désigner la fonction d’« enseignant d’appui », on parle, selon les pays ou
les contrées, d’« orthopédagogue », de « maître E » (aide pédagogique), de « maître
d’adaptation », de « maître G » ou « rééducateur », d’« enseignant-ressource » ou
encore d’ECSP (Enseignants chargés du soutien pédagogique). Pour la France
plus spécifiquement, les enseignants spécialisés du Rased (Réseau d’aide spécia-
lisé aux élèves en difficulté) sont soit des « maîtres E », soit des « maîtres G ». Les
premiers apportent une aide pédagogique et « visent à prévenir et repérer les
difficultés, aider les élèves à prendre conscience, maîtriser des attitudes et des
méthodes de travail pour favoriser les progrès dans l’appropriation des savoirs et
des compétences. Les seconds apportent une aide aux élèves avec des troubles
du comportement. Il s’agit de réconcilier l’élève avec les exigences de l’école,
instaurer ou restaurer l’investissement scolaire » (Bedoin et al., 2018, p. 36).
Dans cette seconde partie de l’ouvrage, nous allons présenter des modalités
de fonctionnement efficientes et éprouvées depuis longtemps1. Tout d’abord,
l’appui pédagogique sera défini précisément, puis son fonctionnement sera
décrit. Le terme d’« enseignant spécialisé » ou d’« enseignant d’appui » pourra

1 En Valais, l’enseignement d’appui a été introduit dès la fin des années 1980. La fonction s’est adaptée
– notamment à l’inclusion scolaire –, mais le concept a fait ses preuves et est resté globalement le même.
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

être compris comme désignant tous les enseignants – spécialisés, pédagogues


curatifs, psychologues scolaires, etc. – qui sont amenés à apporter une aide à
un enfant en difficulté d’apprentissage dans le cadre scolaire.

4.1. LES FONDEMENTS


DE LA DÉMARCHE D’APPUI
La démarche d’appui pédagogique est fondée sur des principes qu’il faut
connaître pour bien comprendre son fonctionnement. « L’appui pédagogique
intégré (API) se définit comme une mesure d’aide aux élèves en difficulté qui
fréquentent l’école ordinaire. L’enseignant d’appui se met à disposition de
l’enseignant titulaire pour une aide globale permettant de répondre aux besoins
de tous les élèves, notamment par des échanges, des interventions en classe
ou encore des aides spécifiques aux élèves en difficulté » (Bétrisey et al., 2006,
p. 44). Il vise à « permettre à chaque élève de trouver sa place dans le système
ordinaire, notamment par le développement de la différenciation » (ibid.).
L’appui pédagogique s’inspire d’abord du principe d’intégration/inclusion.
Le maintien des enfants en difficulté dans la structure régulière est le fondement
même du dispositif. C’est pourquoi l’appui pédagogique est « intégré » à la struc-
ture scolaire régulière. La mesure offre donc une alternative au placement dans
les classes spécialisées des enfants ayant des besoins particuliers. Comme le
relèvent Bedoin et al. (2018) pour la France, les lois favorisant l’école inclusive
ont redonné une fonction déterminante au réseau d’aide. Ce sont en effet les
enseignants spécialisés, œuvrant au sein même de l’école, qui permettront de
tendre vers une école inclusive. Leur double fonction – aide aux élèves en difficulté
et enseignant-ressource – leur permet d’assumer une mission très importante
au sein de l’école pour le développement de l’éducation inclusive : « Jusqu’ici,
l’enseignant spécialisé était reconnu comme un expert pédagogique et/ou
éducatif pour répondre à des élèves dont les besoins étaient en décalage avec
ceux de la grande majorité des élèves. Désormais, l’enseignant spécialisé devient
un acteur majeur du développement de la philosophie de l’éducation inclusive »
(Bedoin et al., 2018, p. 66). Alors qu’il était essentiel au bon fonctionnement
de l’école, l’enseignant d’appui est maintenant devenu indispensable1 !
Plus fondamentalement encore, l’appui pédagogique se fonde sur la
conviction que tous les enfants peuvent réussir et que les conduites intelligentes
s’apprennent. Le principe de modifiabilité cognitive ou d’éducabilité de l’intel-
ligence est central en appui. C’est pourquoi il est essentiel que l’enseignant
spécialisé soit convaincu du potentiel cognitif important de chacun des enfants

1 En ce sens, la suppression de nombreux postes du Rased en France et la forte diminution de la


formation des enseignants spécialisés interpellent (Toullec-Théry et Lescouarch, 2014, présentent des
chiffres tout à fait inquiétants) ! S’il existe une claire volonté de tendre vers une école inclusive, alors
la fonction des enseignants spécialisés du Rased doit être valorisée puisqu’elle est le moyen privilégié
permettant justement l’inclusion.

— 134 —
L’appui pédagogique : définition et fonctionnement

qui lui sont confiés. Il s’agit donc de renoncer aux explications simplistes – et
fausses ! – qui voudraient que l’intelligence est innée et que le potentiel intellectuel
est déterminé par les dispositions héréditaires. La « bosse des maths » n’existe
pas. Pas plus d’ailleurs que n’importe quelle autre protubérance providentielle1 !
Lorsqu’un élève est accueilli en appui individuel, il serait bon que l’ensei-
gnant spécialisé lui dise qu’il est un enfant intelligent, mais que, pour l’instant,
ses résultats scolaires sont insuffisants et qu’ils vont chercher ensemble à
comprendre pourquoi. Si l’enseignant spécialisé doit parler à l’enfant de cette
manière, ce n’est pas d’abord parce que ces belles paroles font du bien à
l’enfant, mais parce que l’enseignant spécialisé doit être intimement convaincu
des potentialités énormes de chaque enfant. Toute notre approche repose sur
un même postulat, « à savoir que l’accompagnement suppose la confiance en
la compétence de l’Autre, en ses ressources internes. Il mise sur la potentia-
lité de l’Autre de se développer, d’apprendre dans certaines conditions dont,
notamment, celles créées dans le processus d’accompagnement » (Charlier et
Biémar, 2012, p. 155).
D’ailleurs, toutes les recherches actuelles en neurosciences prouvent que les
structures cérébrales et le potentiel intellectuel sont modifiables. Le fonctionnement
du cerveau influence évidemment le fonctionnement cognitif, mais, à l’inverse,
le fonctionnement cognitif modifie constamment les connexions neuronales. Le
cerveau est ainsi constamment remodelé par l’activité cognitive de l’élève et les
stimulations de l’environnement. Nous savions déjà, depuis plusieurs années, que
les connexions entre les cellules nerveuses peuvent se créer durant toute la vie,
mais les récentes découvertes montrent que le cerveau produit également des
neurones en permanence. Le câblage se modifie et se réorganise donc tout le
temps, permettant même, parfois, de compenser des lésions dues à un accident.
Le postulat d’une intelligence éducable, évolutive, en constant développe-
ment, oriente évidemment les démarches d’enseignement. Il encourage une
foi indéfectible dans les possibilités de progrès de l’enfant et encourage les
enseignants à activer les ressources du milieu. Il est ainsi très important d’« éviter
d’essentialiser les enfants, il n’y a pas plus de “bon en maths” que de “nul en
maths” ; [il s’agit donc de] valoriser le travail en montrant aux enfants ce qu’ils
ont réussi à surmonter par leurs efforts [plutôt que par des prédispositions] »
(Faure et Tourret, 2019, p. 51).
De plus, on connaît, depuis les recherches de Rosenthal et Jacobson, à
la fin des années soixante, l’effet créateur de la prévision et les phénomènes
d’autoréalisation des prophéties : si l’enseignant est persuadé que l’enfant avec
lequel il travaille est intelligent, ce dernier réussira bien mieux que s’il est per-
suadé du contraire. De nombreuses recherches ont mis clairement en évidence
ce phénomène que l’on connaît sous le nom d’effet Pygmalion.

1 Pour l’anecdote, cette notion de « bosse des maths » date du XVIIIe siècle et s’inscrit dans les recherches
en phrénologie de Gall qui pensait que la forme des bosses du crâne reflétait la personnalité du sujet et
ses capacités intellectuelles.

— 135 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

Il n’est peut-être pas inutile de rappeler ici une expérience proche du monde
scolaire qui permet de mieux comprendre les implications de l’effet Pygmalion
dans la classe (expérience relatée par Achor, 2012).
Une équipe de psychologues, dirigée par Robert Rosenthal, débarque d’une
université prestigieuse dans une classe d’école primaire pour faire passer aux
élèves un « test d’épanouissement intellectuel ». Les tests sont corrigés et certains
résultats sont communiqués aux instituteurs et institutrices : il faudra s’attendre
à ce que l’intelligence des élèves Sam, Sally et Sarah se développe tout parti-
culièrement au cours de cette année scolaire, car leurs capacités sont excellentes.
Tel est le verdict du prétendu test qui ne mesurait en fait absolument rien,
les enfants « au grand potentiel d’évolution » ayant été désignés au hasard.
Mais le verdict d’un autre test, tout à fait sérieux lui, qui a mesuré le quotient
intellectuel des enfants au début et à la fin de l’année scolaire, corrobore tout
à fait ce « test d’épanouissement ». Il a donc suffi que les enseignants soient per-
suadés des possibilités de certains élèves – tirés au hasard ! – pour que ceux-ci
augmentent, non pas seulement leurs notes scolaires, mais, plus subtilement
et indirectement, leur quotient intellectuel. Les enseignants leur avaient invo-
lontairement et implicitement communiqué la confiance qu’ils avaient dans
leur potentiel d’évolution.

Cette recherche nous engage à utiliser les tests de QI avec beaucoup de


prudence. « Si pareille pratique vise certes à informer l’action préventive pour
l’enfant ainsi évalué, elle interpelle aussi quant à son impact réel. Partant du
postulat qu’un QI faible refléterait des moyens “restreints” chez l’enfant, la
démarche préventive adoptée serait alors d’adapter le niveau d’enseignement
à ses aptitudes supposées » (Célestin-Westreich et Célestin, 2008, p. 34). Sans
une approche résolument positive qui lui permettra d’activer les ressources de
l’enfant et de son entourage, l’enseignant spécialisé ne pourra pas s’engager
dans une relation d’aide efficace : le remède sera alors pire que le mal, car il
renverra l’enfant à l’image de sa propre et définitive incompétence.
Si l’enseignant spécialisé n’a pas une foi totale dans les possibilités de pro-
grès de l’enfant, il faut qu’il change de profession ! On connaît suffisamment
les effets sur l’enfant de l’image que l’enseignant se fait de ses possibilités pour
affirmer que celui-ci a un pouvoir de vie et de mort scolaire : comment l’enfant
pourrait-il en effet se montrer différent, meilleur, si les adultes qui comptent le
plus pour lui – ses parents et ses enseignants – ne croient plus en ses possibilités
de progrès ?

4.2. LE CONCEPT
D’APPUI PÉDAGOGIQUE INTÉGRÉ
On peut définir l’appui pédagogique intégré comme « une mesure d’enseigne-
ment spécialisé intégrée à l’école régulière dont le but est d’apporter une aide
aux élèves ayant des besoins scolaires particuliers reconnus » (DECS/OES,

— 136 —
L’appui pédagogique : définition et fonctionnement

2012, p. 3)1. Pour intervenir efficacement, l’enseignant spécialisé doit être


intégré à l’établissement scolaire dans lequel il travaille, il doit faire partie de
l’équipe pédagogique et de la vie de l’école. Il doit être considéré, par les autres
enseignants, comme un collègue et non comme un « spécialiste » qui débarque
des hautes sphères de la critique pédagogique. L’enseignant d’appui devrait être
d’abord une personne-ressource avec qui ils peuvent partager leurs soucis. Ainsi,
« les enseignants spécialisés, membres à part entière de l’équipe enseignante des
écoles où ils exercent, apportent leurs compétences aux équipes pédagogiques
qui les sollicitent » (Bedoin, et al., 2018, p. 37).
Il est donc important que l’enseignant d’appui participe à toutes les activités
scolaires pour nouer des contacts réguliers de confiance et de coopération avec
l’équipe pédagogique. En effet, l’enseignant spécialisé doit d’abord gagner la
confiance de ses collègues en proposant son aide dans l’accompagnement
des élèves en difficulté. Si possible, il restera pendant quelques années dans la
même école, de manière à installer un climat de confiance – ce qui prend du
temps –, condition d’une possible et fructueuse collaboration. « Maîtres sans
classe et par là sans élèves, les rééducateurs ont à négocier école par école,
classe par classe, les conditions mêmes de leur exercice. La négociation porte
sur tous les aspects : le lieu d’exercice (affectera-t-on une salle spécifique au
rééducateur ?), le niveau de son intervention (comment répartira-t-il son temps
entre la maternelle et l’élémentaire ?), le type d’intervention (interviendra-t-il
dans la classe, hors la classe, avec un élève, un groupe d’élèves ?), et surtout le
choix des élèves (selon quels critères seront-ils désignés et par qui ?) » (Dorison,
2006, p. 69). La réponse à ces questions peut prendre du temps et il est pré-
judiciable que l’enseignant d’appui doive y répondre chaque année, parce qu’il
est contraint de changer d’école tout le temps.
Une formation complète et exigeante est évidemment fondamentale pour
que les enseignants d’appui puissent développer les nombreuses compétences
nécessaires à leur fonction. Pour accomplir leurs tâches, les enseignants d’appui
doivent en effet présenter des qualités didactiques, pédagogiques et relationnelles
(Bedoin et al., 2018). « Ils aspirent d’abord à devenir des experts dans l’identifi-
cation des besoins propres à chaque élève et dans la proposition d’adaptations
pertinentes. Ils ont ensuite la volonté de développer une expertise en tant que
personne-ressource auprès des collègues dans leur établissement scolaire et à
l’extérieur » (Bedoin et al., 2018, p. 71). Dubé et Granger (2015) distinguent
cinq types de compétences qui devraient caractériser les enseignants-ressources :
des compétences pédagogiques/ didactiques/ relationnelles/ de partenariat/ et
des connaissances approfondies des besoins des élèves en difficulté.
L’enseignant d’appui doit également maîtriser l’ensemble des programmes
de formation, connaître les plans d’études et les objectifs de tous les degrés,

1 Comme nous travaillons comme enseignant d’appui en Valais (Suisse), la présentation de l’appui sera
exemplifiée par notre pratique. Ses fondements conceptuels se baseront sur le modèle de l’enseignement
spécialisé valaisan, notamment sur le document du DECS/OES (2012). Organisation et conditions cadre
de l’appui pédagogique intégré en Valais. Sion : Service de l’enseignement.

— 137 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

les moyens d’enseignement, etc. Une expérience préalable en tant qu’enseignant


de classe régulière est évidemment un atout. Sa connaissance des programmes
(plans d’étude), son expérience en gestion de classe, sa compréhension du
système éducatif, ses expériences du travail en équipe pédagogique, etc., lui
permettront de mieux collaborer avec ses collègues.
Pour clarifier sa fonction, l’enseignant spécialisé doit d’abord établir une dis-
tinction très importante entre l’objectif général de l’appui qui consiste à « assurer
au sein de la classe régulière une pédagogie permettant à l’enseignant titulaire
de s’occuper de tous les élèves par le développement de la différenciation » et
l’objectif spécifique qui est de centrer son action « sur le fonctionnement de
l’élève ayant des besoins particuliers au sein de la classe ordinaire » (DECS/OES,
2012, p. 3). Cette double fonction est à souligner, l’enseignant d’appui pouvant
jouer un rôle clé également dans la prévention de l’échec : « L’orthopédagogue
peut intervenir directement auprès de l’élève en difficulté ou à risque d’échec
scolaire, mais il peut aussi également jouer un rôle de soutien direct auprès de
l’enseignant de la classe ordinaire et ainsi contribuer à la prévention de l’échec
scolaire » (Trépanier, 2008, p. 25).
Ces objectifs permettent d’envisager d’emblée une intervention de l’ensei-
gnant spécialisé à plusieurs niveaux dans l’institution scolaire (cf. Première
partie de l’ouvrage). « Un accompagnement de proximité, dans les écoles et les
classes, individuel ou collectif, adapté aux réalités des enseignants et à leur vécu
de titulaire de classe constitue une façon efficace de soutenir la transformation
des pratiques, une révision des niveaux d’interdépendance professionnelle et
le soutien offert aux élèves et aux enseignants au sein de l’école » (Granger et
Dubé, 2015, p. 14). C’est son inscription dans les écoles qui permet, d’une part,
ce travail de proximité – auprès des élèves en difficulté et des enseignants – et,
d’autre part, cette réflexion plus globale sur les enjeux scolaires et la production
de l’échec au niveau institutionnel1.
Le travail de l’enseignant d’appui consiste donc à aider très concrètement
le petit Julien dans ses difficultés de lecture, mais également à questionner
le mode de fonctionnement de l’école dans sa production de l’échec. Ainsi,
« les enseignants spécialisés ont vu leurs missions se complexifier sur le ter-
rain. Ils sont d’abord au service des élèves par la mise en place d’adaptations
pédagogiques et d’aménagements d’examens, pour répondre au plus près à
leurs besoins. Ils sont ensuite au service des collègues en leur prodiguant des
conseils et en leur proposant des ressources. Ils sont enfin au service de l’école
pour tous, plus généralement, en nouant des partenariats et en étant reconnus
comme interlocuteurs privilégiés. Les enseignants spécialisés deviennent ainsi
des promoteurs de l’éducation inclusive » (Bedoin et al., 2018, p. 101). Nous
verrons plus loin comment, en travaillant avec le petit Julien et en collaborant

1 L’originalité du concept valaisan (DECS/OES, 2012) est de prévoir cette double fonction : l’action
de l’enseignant spécialisé est centrée prioritairement sur les élèves en difficulté (80 %), mais sa fonction
de « personne-ressource » pour l’école est également reconnue (20 % du temps de travail annuel).

— 138 —
L’appui pédagogique : définition et fonctionnement

avec les enseignants, l’enseignant spécialisé peut questionner l’institution elle-


même dans sa production de l’échec.
Cette intervention de l’enseignant d’appui à ces trois niveaux est indis-
pensable pour que l’école change. Il s’agit d’éviter à tout prix que sa fonction
devienne « à la fois la bonne conscience du système, et la soupape indispensable
à sa survie » (Feuilladieu et Tambone, 2014, p. 168). Comme nous avons abon-
damment parlé des interventions « institutionnelles » et « pédagogiques » dans la
première partie de l’ouvrage, celle-ci sera consacrée au travail de l’enseignant
d’appui intervenant au niveau « individuel » (cf. chapitre 3).

4.3. LE FONCTIONNEMENT DE L’APPUI


Pour définir le travail effectué en appui, il s’agit également de distinguer le but
– l’aide aux élèves ayant des besoins particuliers – et les moyens : appui indivi-
duel en salle d’appui, appui intégré à la classe, aide au titulaire, aide à l’élève,
bilan, définition d’un projet, mise en place d’un programme adapté, appui
en groupes, etc. Si le but n’est pas négociable, le choix des moyens dépend
par contre de la problématique de l’enfant, de la sensibilité du titulaire, de la
disponibilité de l’enseignant spécialisé, etc. Ce sont donc les objectifs du PPI
(cf. chapitre 3.3) qui détermineront les modalités d’intervention de l’enseignant
d’appui. Une erreur serait donc de prévoir a priori quel est le fonctionnement
de l’appui. Les « formats de l’aide » ne peuvent donc jamais être des « prêts à
penser de l’aide » (Vigarié, 2014).
Le travail de l’enseignant spécialisé est bien entendu centré sur l’enfant.
Il est orienté sur son fonctionnement et l’établissement, par les partenaires de
la prise en charge, d’un projet pédagogique. Après une phase d’évaluation, les
différents partenaires (enfant, enseignants, parents, voire thérapeutes) déter-
minent le Projet pédagogique individuel (PPI). La notion de projet pédagogique
est fondamentale dans la compréhension du travail de l’enseignant spécialisé.
Le PPI est en effet le cœur de l’intervention orthopédagogique. Nous n’y
reviendrons pas ici puisque nous avons présenté la démarche au chapitre 3.
La collaboration entre tous les intervenants tient également une place
déterminante dans la réussite du projet. L’enfant, bien entendu, mais égale-
ment l’enseignant, les parents, éventuellement les thérapeutes (logopédistes,
psychologues, etc.) seront associés à la démarche. L’accord des parents
est d’ailleurs nécessaire lorsqu’une mesure d’appui est proposée à l’enfant.
Il peut se faire oralement dans un premier temps, mais doit se formaliser lors
de la rédaction du PPI. L’intérêt premier de la structure d’appui, c’est de se
trouver à plusieurs pour analyser une situation problématique et envisager de
nouvelles solutions.
Lorsque le projet exige un accompagnement individuel, l’appui pédagogique
se déroule dans un local prévu à cet effet à l’intérieur du bâtiment scolaire. L’élève

— 139 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

signalé quitte sa classe, en général deux à quatre fois par semaine, et rejoint
l’enseignant spécialisé pour une séance d’une durée de 20 à 45 minutes.
Parfois, l’enseignant spécialisé travaille avec un petit groupe d’élèves. Il peut
également intervenir directement dans la salle de classe. Cette seconde formule
se heurte fréquemment à la résistance des enseignants qui tolèrent souvent mal
la présence d’un collègue dans leur classe. Néanmoins, un fonctionnement en
duo pédagogique est souvent possible, lorsque les relations avec l’enseignant
régulier sont bonnes. Quoi qu’il en soit, la prise en charge individuelle n’est
pas nécessairement la meilleure solution (par exemple, lors de problèmes de
comportement qui se manifestent en classe).
Une question se pose fréquemment quant au moment idéal où l’élève doit
quitter sa classe et rejoindre l’enseignant spécialisé. Il y a quelques années, les
directives précisaient que l’enfant sortait de la classe pendant les cours où il
montrait le plus de difficultés. Depuis, le discours est plus nuancé. Nous pensons
qu’un enfant qui a des difficultés en maths peut néanmoins profiter de certaines
activités mathématiques dans le cadre de la classe. Il s’agit par contre de veiller
à ne pas pénaliser un enfant qui s’absenterait toujours durant le même cours
pendant toute l’année.

4.3.1 L’organisation de l’appui

Le nombre de classes ou d’élèves que l’enseignant spécialisé prend en charge est


très variable. Il dépend de nombreux facteurs, tels que le nombre de signalements,
le type et l’importance de la difficulté de l’enfant, le nombre de centres scolaires
que l’enseignant spécialisé dessert, etc. Dans certaines régions, un enseignant
spécialisé à plein temps s’occupe d’une dizaine d’élèves, alors qu’ailleurs il peut
travailler avec une trentaine d’enfants. À titre indicatif, le nombre des élèves
bénéficiant de l’appui devrait se situer dans une fourchette de 5 à 10 % de la
population scolaire. Sans un critère précis, on peut en effet craindre que le
nombre d’élèves signalés en appui devienne rapidement trop important et que les
enseignants réguliers se déresponsabilisent en ayant systématiquement recours
à l’enseignant spécialisé sans envisager préalablement les aides possibles dans
le cadre de la classe. Mais cette fourchette est évidemment une indication très
générale, tant les contextes et les besoins sont différents.
En principe, les signalements proviennent des enseignants de classe régu-
lière. Dans de rares cas, les parents, les thérapeutes, voire l’enfant, demandent
une prise en charge en appui. Dans tous les cas, l’enseignant d’appui est tenu
de répondre au signalement. En effet, il ne peut pas répondre à un enseignant
ou à des parents qu’il n’a « plus de place » pour l’enfant : l’enseignant spécialisé
a le devoir de répondre à toutes les demandes, même si ses disponibilités en
termes de prise en charge individuelle sont nulles. Dans tous les cas, il peut
parler avec l’enseignant régulier de la situation problématique, établir un bilan,
mettre en place un projet, etc. Son horaire ne se limite pas à celui de ses élèves !

— 140 —
L’appui pédagogique : définition et fonctionnement

L’enseignant d’appui doit donc laisser sa porte ouverte après les heures de classe
et être disponible pour un échange avec ses collègues.
Précisons encore que le suivi en appui se déroule en principe sur un temps
réduit (quelques semaines, voire quelques mois). « Sauf cas exceptionnel, aucun
suivi n’est renouvelé automatiquement d’une année sur l’autre. Il me semble
important que l’enfant ait le droit de “recommencer à zéro” avec un nouvel
enseignant, d’autant que ce changement peut se révéler suffisant pour que
l’attitude de l’enfant évolue » (Berlioz-Ruffiot, 2016, p. 23). L’accompagnement
doit être un processus limité dans le temps, sinon le paradoxe de l’aide guette
(cf. chapitre 6.1). Puisque l’élève doit être le sujet du projet et devenir acteur
de la démarche, son accompagnement vers l’autonomie est prioritaire : « C’est
un processus limité dans le temps, avec un début et une fin, qui vise l’auto-
nomisation des personnes accompagnées » (Charlier et Biémar, 2012, p. 155).

4.3.2 Appui global et appui spécifique

Dans l’aide individuelle à l’enfant en difficulté, on peut distinguer l’appui global


de l’appui spécifique. Les nombreuses expériences de pédagogie compensatoire
sous la forme de rattrapage scolaire ont montré leurs limites. C’est pourquoi
l’approche de l’enseignant spécialisé doit être globale et permettre d’analyser
la situation en procédant à une évaluation complète de la problématique. Très
souvent, les signalements des titulaires concernent les branches principales
– notamment, dans les plus petits degrés, la lecture. Le risque est donc de se
précipiter dans une remédiation uniquement focalisée sur les besoins scolaires les
plus urgents. Par conséquent, la tentation est grande pour l’enseignant spécialisé
d’envisager un rattrapage dans la branche désignée par le titulaire sans effectuer
une évaluation globale de la situation. Nous avons vu, dans la première partie
de l’ouvrage, l’importance déterminante de la phase d’évaluation diagnostique
dans le travail de l’enseignant spécialisé.
L’appui global peut concerner des demandes d’aide relationnelle, des pro-
blèmes de comportement, de motivation, de concentration, etc. L’enseignant
spécialisé pourra intervenir ici par une approche systémique, en tentant, par
exemple, une restauration de la communication entre l’élève et les pairs, l’élève
et l’enseignant, l’enseignant et les parents, etc. D’autres fois, l’évaluation
permet de cibler l’intervention sur un besoin plus spécifique de l’enfant. Les
problématiques ne sont pas toujours complexes et une aide ponctuelle dans une
discipline scolaire peut quelquefois apporter une réponse adaptée aux difficultés
de l’élève. Ce type d’aide autorise un travail de remédiation où, par exemple,
les approches cognitives peuvent se révéler très efficaces.
À ce propos, la distinction entre les élèves « en échec » des élèves « en
difficulté » est éclairante (cf. Propos liminaires, 1) : alors que les premiers
engagent impérativement l’enseignant à proposer une alternative pédago-
gique, les seconds peuvent surmonter leur difficulté grâce à un entraînement

— 141 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

supplémentaire. Pour surmonter une difficulté, il est possible de poursuivre et


approfondir la méthode utilisée : « L’élève en difficulté assimile certes un peu
moins vite, échoue de temps à autre, mais il reste plus ou moins dans le cadre.
Il comprend et intègre les règles de l’institution scolaire. Il peut surmonter
ses carences momentanées » (Chupin, 2013, p. 17). Avec un peu d’aide, un
peu plus de temps et un peu plus d’exercices, cet élève peut surmonter ses
difficultés. La « difficulté » présente donc un caractère temporaire et peut être
dû à des facteurs externes, comme la séparation des parents, la maladie, un
déménagement, etc. (Pohlman, 2011).
Par contre, « l’élève en échec » ne comprend pas les règles du jeu scolaire.
Il ne réussit pas et n’en comprend pas les raisons. Il souffre souvent de résigna-
tion apprise et d’un manque de contrôlabilité. Pour dépasser un échec, il est
donc indispensable de proposer à l’élève une alternative, dans une « logique du
détour » : « Il faut pour eux nécessairement mettre en œuvre un processus de
réconciliation avec les savoirs scolaires, avec les règles de l’école et de l’appren-
tissage » (Chupin, 2013, p. 17) en cherchant de nouveaux points d’appui ou en
proposant des méthodes alternatives. Ce sont ces élèves qui devront bénéficier
d’une démarche de Projet pédagogique individuel (PPI ; cf. chapitre 3).
Cette distinction peut être utile pour effectuer le choix entre un appui global
et un appui spécifique. Les deux situations décrites maintenant permettront
probablement de clarifier les deux notions importantes d’« appui spécifique » et
d’« appui global » dont la distinction nous paraît fondamentale pour comprendre
ce qui peut se jouer en appui.

Louis est un élève de huitième, signalé pour un appui pédagogique en octobre,


soit un mois et demi après le début de l’année scolaire. Son enseignant, qui a
Louis comme élève depuis le début de la septième, le signale pour des difficultés
en mathématiques. Les notes de Louis ont beaucoup baissé depuis l’année der-
nière et le titulaire, analysant les premiers résultats en ce début d’année, pense
qu’une aide est nécessaire.
À part ses difficultés importantes en mathématiques, Louis ne pose aucun
problème de comportement ou d’attitude face au travail. En classe, c’est un
élève motivé, très bien suivi à la maison par ses parents et bien intégré dans
son groupe-classe. Ses mauvais résultats en mathématiques lui ont fait perdre
confiance en lui, mais il est prêt à s’investir totalement pour combler son retard.
L’évaluation scolaire effectuée en appui permet de souligner ses ressources et
de mieux cerner ses difficultés en maths – qui sont principalement liées à un
vocabulaire mathématique indigent et à une procédure de résolution de problème
inadaptée. Les objectifs sont clairs : ils devront permettre à Louis de restaurer sa
confiance en soi en soulignant ses ressources, de combler ses lacunes en vocabulaire
mathématique et d’apprendre une procédure de résolution de problème efficace.
Les résultats obtenus à la fin du premier semestre de huitième sont très encou-
rageants : Louis augmente ses résultats de sept dixièmes (3.3 au deuxième
semestre de la septième) et obtient la moyenne en mathématique au premier
semestre de huitième.

— 142 —
L’appui pédagogique : définition et fonctionnement

La situation présentée ici est très courante en appui pédagogique : les


résultats d’un élève baissent beaucoup et l’enseignant régulier signale l’enfant
pour un appui dans une branche bien précise. Après une analyse globale de la
situation, l’enseignant spécialisé constate que la problématique est effectivement
scolaire. Il envisage un « appui spécifique » qui permet à l’enfant de combler son
retard et de reprendre confiance en lui.
L’analyse de la situation qui va suivre est par contre beaucoup plus complexe
et exigera un appui global.

Théo est un élève de quatrième primaire qui est signalé à la mi-octobre par les
deux enseignants qui se partagent la classe. Le premier entretien permet de
constater que l’enfant n’a pas du tout investi l’école. « On ne sait pas qui il est »,
dira de lui Mme Pont.
De plus, ses absences sont fréquentes. L’année dernière déjà, le directeur des
écoles avait demandé aux parents de justifier les nombreuses absences de l’enfant.
« En classe, même présent physiquement, il est absent », précisera M. Michel,
ajoutant « qu’il se ferme dans sa coquille si on le frustre ».
Les résultats scolaires sont très faibles. Les deux enseignants pensent que l’enfant
a de nombreuses ressources, mais qu’il ne les actualise pas. Face à la tâche, il est
décrit comme lent, désorganisé, indolent. Mme Pont et M. Michel demandent
à l’enseignant spécialisé d’effectuer une évaluation des compétences de l’élève.
L’évaluation effectuée en appui confirme l’hypothèse des enseignants : Théo se
montre très compétent, tant en lecture qu’en mathématiques. De plus, il perçoit
clairement sa situation scolaire et peut verbaliser ses ressources, ses difficultés
et son manque de motivation. Il apprend très vite et possède un excellent
raisonnement.
Les discussions menées par l’enseignant spécialisé avec Théo font ressortir un
élément important : Théo lui parle très souvent d’un copain plus âgé, Paul, avec
qui il entretient une amitié exclusive. Il ne signale aucun copain de classe avec qui
il aurait des liens privilégiés. Lors du bilan, le père de Théo confirme que l’enfant
n’a effectivement tissé aucun lien avec les élèves de la classe. Le père confirme
l’amitié exclusive de Théo pour Paul et nous confie que sa famille est « plutôt
fermée sur elle-même ». Il est alors décidé que les interventions des enseignants
viseront à développer les relations de Théo dans son groupe-classe.
Suite à cet entretien, M. Michel aura une discussion déterminante avec Théo : il
lui dira que lui aussi a des amis extérieurs à l’école, mais qu’il est aussi important
de tisser des liens d’amitié dans l’école.
Depuis la rentrée de Noël, le comportement de Théo a beaucoup changé : main-
tenant, il participe à la vie de la classe et se montre beaucoup mieux intégré.
Il se confie plus volontiers aux deux enseignants et s’investit dans son travail
scolaire. Le père nous apprendra plus tard que, pour la première fois, Théo est
arrivé à la maison avec deux copains de sa classe…

La situation de Théo diffère évidemment beaucoup de celle de Louis.


L’évaluation globale de la situation a permis de mettre en évidence un élément
déterminant pour la compréhension des difficultés de l’enfant. Une approche

— 143 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

systémique de la problématique a permis de modifier fondamentalement l’attitude


de l’enfant. Théo a bénéficié d’un « appui global ».
Quoi qu’il en soit, le travail de l’enseignant d’appui ne peut se définir qu’en
fonction des situations particulières qui se présentent à lui. Comme les situations
sont multiples, il ne peut qu’être « multidéfini ». Comme nous l’avons déjà dit,
les modalités de l’intervention – notamment le choix entre un appui spécifique
et un appui global – dépendront de l’évaluation globale et des objectifs définis
dans le PPI (cf. chapitre 3).

— 144 —
CHAPITRE

La collaboration dans le travail


5
de l’enseignant d’appui

On imagine volontiers l’enseignant spécialisé installé dans une vie érémitique,


solitaire, mais néanmoins confortable. Retiré dans sa salle d’appui, perché sur
son aire, souvent au dernier étage du bâtiment scolaire, ou plongé dans son
antre, au troisième sous-sol, il accueille, en sa grande sagesse, des enfants en
difficulté qu’il écoute et qu’il conseille, empathique et recueilli. En fait, la réa-
lité est tout autre : l’enseignant spécialisé doit avant tout être séculier, plongé
dans le monde et la tourmente. Il doit veiller à ne pas s’éloigner trop du réel
en se réfugiant dans une « retraite dorée ». En réalité, très souvent, il se trouve
au milieu des feux, entre les attentes des uns et des autres. C’est pourquoi
l’enseignant spécialisé doit être également un professionnel de la relation et de
la communication.
Ce chapitre est donc consacré à un aspect essentiel du travail de l’ensei-
gnant spécialisé : la collaboration. En effet, « l’efficacité de la mobilisation des
ressources spécifiques dans l’école repose sur la collaboration des différents
partenaires et la cohérence de leurs interventions » (Feuilladieu et Tambone,
2014, p. 162). L’enseignant spécialisé devra donc veiller à établir d’emblée
une bonne relation avec les partenaires du projet. Lorsqu’il est nouveau dans
une école, il devra consacrer toute son énergie à installer en priorité un climat
favorable qui permettra la collaboration. Il doit être prêt, dans un premier temps,
à effectuer de nombreuses concessions et à donner la priorité à la qualité des
relations, le contexte de collaboration représentant une condition indispensable
à tout changement possible.
Dans le domaine de la communication humaine et, en particulier, dans celui
de la collaboration professionnelle, les occasions sont innombrables d’entrer
en conflit et de sacrifier la relation à la défense de nos arguments et de notre
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

position. L’enseignant spécialisé doit souvent taire son ego et développer, en


priorité, l’écoute et l’empathie.

Léa est signalée en appui, au début de la cinquième primaire, pour des difficultés
mathématiques importantes. Durant de nombreux mois, l’enseignant spécialisé
essaie de lui redonner confiance. Il effectue également un travail de fond en
numération (numération positionnelle) et en opération. Les résultats commencent
vraiment à s’améliorer et l’élève reprend enfin confiance en elle.
Lorsque l’enseignant spécialisé voit la titulaire pour un bilan, l’entretien per-
met de souligner les progrès importants de l’élève. L’interprétation qu’en fait
la titulaire laisse néanmoins l’enseignant spécialisé dubitatif : l’enseignante
affirme, ingénument et avec le plus grand sérieux, que « c’est quand même fou
les progrès que Léa a faits grâce aux cours privés que les parents lui ont offerts
depuis trois semaines… ».
Les cours privés en question sont donnés par une jeune voisine de Léa, étudiante
au collège et ne bénéficiant d’aucune formation pédagogique !

La situation présentée ici autoriserait évidemment l’enseignant spécialisé


à monter à l’octave et à proposer une tirade dithyrambique sur les vertus de
l’appui – et de l’enseignant spécialisé ! – et sur l’impudence fate des propos de la
titulaire. Des années de pratique du yoga et de la pleine conscience permettent
à l’enseignant d’appui de répondre par une boutade et de maintenir un climat
de collaboration positif !
Soulignons donc d’emblée que, lorsque la relation avec les partenaires du
projet est mauvaise, le projet ne peut être bon. Un enseignant spécialisé sus-
ceptible, chatouilleux, colérique ou irascible est un enseignant spécialisé mort !
S’il ne peut établir une relation authentique et sereine avec ses collègues, les
parents, les thérapeutes et l’enfant, il ne peut tout simplement plus travailler.
Ou alors, il se réfugie dans la retraite dorée de sa salle d’appui (voir supra), seul
avec l’enfant, et poursuit un travail autant inutile que monotone.
L’enseignant spécialisé doit être un spécialiste de la communication
également parce qu’il est souvent amené à coordonner le travail entre les
différents partenaires du projet. Rappelons ici qu’il est en principe le référent
du PPI (cf. chapitre 3.4). La place de « tiers » que peut jouer l’enseignant spé-
cialisé est essentielle parce qu’elle permet de prendre du recul sur la situation
problématique : « Raconter la situation à une tierce personne intéressée qui
écoute, qui questionne et qui ne juge pas, introduit naturellement du recul et
aide significativement à voir, comprendre ou à sentir la situation autrement.
Ce “recadrage” est un pas important dans la recherche de solutions nouvelles »
(Curonici et Mc Culloch, 2010, p. 380). Les échanges entre les enseignants
permettent ainsi de passer « d’un regard singulier à un regard pluriel » sur la
problématique de l’élève en difficulté. « Les points de vue échangés évoluent
vers une analyse plus complète et une compréhension plus fine des problèmes
rencontrés » (Feuilladieu et Tambone, 2014, p. 167).

— 146 —
La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui

Le principal danger qui guette l’enseignant spécialisé dans ce rôle de réfé-


rent, c’est de se trouver pris dans une situation conflictuelle entre le titulaire
et les parents. Dans ce cas, les offres de coalition sont nombreuses, le titulaire
et les parents cherchant tour à tour appui auprès de l’enseignant spécialisé.
Celui-ci doit alors veiller à ne pas fourbir les armes des uns ou des autres ; il
écoutera plutôt les arguments de l’enseignant et ceux des parents et jouera un
rôle de médiateur dans le conflit. Lorsque la collaboration semble difficile, il peut
restaurer un dialogue positif entre l’enseignant et les parents. Il s’agit pour lui
de ne pas s’allier à une partie contre l’autre ou à faire l’arbitre pour savoir qui
a raison et qui a tort, mais plutôt de donner la parole à chacun, tout en évitant
les critiques et les disqualifications réciproques.
Dans les situations problématiques, le titulaire et les parents ont en effet
tendance à se rejeter la responsabilité des difficultés de l’enfant. L’enseignant
spécialisé n’entrera donc pas dans le jeu des accusations réciproques, mais
devra plutôt activer les ressources disponibles et envisager les changements
souhaitables. Le PPI est l’instrument permettant justement de prévoir les nou-
veaux dispositifs d’aide en précisant les ressources de l’enfant, les objectifs visés
et les moyens à mettre en œuvre par chacun des partenaires. Si l’enseignant
spécialisé ne réussit pas à restaurer un climat de confiance et de collaboration,
il ne pourra pas aider l’enfant en difficulté, qui se trouvera pris dans des conflits
de loyauté inextricables : coincé entre les valeurs familiales – qu’il lui faut avant
tout protéger – et le projet scolaire – auquel il ne peut échapper – l’enfant se
sentira enfermé dans un étau et choisira souvent de cautionner sa famille et de
dévaloriser le travail scolaire.

5.1. UNE CLÉ DE COLLABORATION : INFORMER /


S’INFORMER / S’IMPLIQUER / IMPLIQUER
Le degré d’implication des différents partenaires dans le projet est très variable.
Certains parents tiennent absolument à contribuer très concrètement au projet
pédagogique, alors que d’autres se contentent d’une information sur la situation
de l’enfant. De même, l’engagement du titulaire dans la démarche d’aide dépend
de la sensibilité de chaque enseignant à la problématique de l’échec scolaire.
Avec deux collègues enseignants spécialisés1, nous avons élaboré une grille
qui permet de structurer les entretiens avec les différents partenaires du projet
et de favoriser ainsi une meilleure collaboration en définissant précisément le
rôle et la fonction de chacun (annexe 10). Cette « grille d’entretien » peut aussi
bien être utilisée avec le titulaire, les parents, l’élève ou les thérapeutes. Elle
s’organise en deux temps – information et remédiation – et quatre rubriques :
informer, s’informer, s’impliquer, impliquer.

1 Christine Favre et Michel Bender – que nous profitons de remercier ici pour les nombreux et riches
échanges sur la pratique de l’appui.

— 147 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

Cette grille a permis, d’une part, de structurer les entretiens et, d’autre part,
de mesurer le degré d’implication des partenaires dans le projet :
– Le degré 1 de la collaboration (informer) consiste à simplement informer
le partenaire de la situation telle qu’on la comprend. Le partenaire se
contente à ce moment-là de prendre connaissance de la situation de
l’enfant.
– Le degré 2 (s’informer) demande du partenaire qu’il explicite comment
lui voit le problème, ce qu’il a déjà fait pour sa résolution et ses attentes
pour la suite du projet. Le partenaire apporte donc ici des informations
et participe à une meilleure compréhension de la problématique.
– Le troisième degré (s’impliquer) touche aux moyens que l’enseignant a mis
– ou désire mettre – en œuvre pour la résolution du problème. Il envisage
son implication dans le projet et les objectifs qu’il compte poursuivre ; il
communique ces informations au partenaire.
– Le degré 4, le plus élevé de la collaboration (impliquer), consiste à impli-
quer le partenaire dans le projet en fixant avec lui – et pour lui – des
objectifs et des moyens qui l’aideront à participer activement au projet.
C’est ici que le PPI peut fédérer les différents partenaires autour d’un
projet commun (Pulzer-Graf, 2014).
Une rencontre qui est structurée selon cette clé de collaboration (informer /
s’informer / s’impliquer / impliquer) crée les conditions d’une co-construction
de solutions pertinentes et adaptées au contexte de chacun des partenaires. Un
des écueils majeurs de tout échange « consiste à sauter trop vite du problème
à une solution. […] Au début d’une rencontre de co-construction nous n’avons
qu’une idée générale de quel est le problème que rencontre l’enseignant avec son
élève et de ce qu’il serait utile de faire pour le résoudre. Ce savoir se construit
à deux (ou à plusieurs si on est en groupe). L’expertise principale dont nous
devons faire preuve pendant l’entretien est celle d’encadrer avec rigueur et
respect l’ensemble de la réflexion » (Curonici et Mc Culloch, 2010, p. 381).
Il est intéressant de constater que ces quatre degrés de la collaboration
correspondent aux critères d’un « partenariat interprofessionnel (PI) » (Alvarez
et al., 2015). Ce système pyramidal définit une gradation dans les formes de
collaboration : l’échange mutuel d’information, à la base de la pyramide, précède
la coordination et la concertation. Puis la coopération – qui suppose l’entraide,
le soutien et le consensus – trouve son accomplissement dans la cogestion.
Voyons maintenant concrètement, avec un exemple, comment peut s’établir
une collaboration entre tous les partenaires du projet et quel est le degré de
collaboration atteint lors de chaque phase. La situation présentée ci-dessous a
permis un haut degré de collaboration entre le titulaire, les parents, l’enseignant
spécialisé et l’élève1.

1 Le déroulement du projet correspond au PPI (cf. chapitre 3.3).

— 148 —
La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui

Arthur est un élève de septième primaire qui est signalé au début de l’année
scolaire pour des difficultés en maths et en lecture. Il est décrit par M. Solla, son
enseignant, comme « un élève intelligent et paresseux, désirant être pris pour un
grand et attirer l’attention sur lui ».
Lors du premier entretien formel avec le titulaire, l’enseignant spécialisé apprend
qu’Arthur a dans la classe un statut privilégié : il fait par exemple « des commen-
taires d’adulte » sur le fonctionnement de la classe et se propose régulièrement
pour aider M. Solla dans le rangement de la classe ou dans le classement de
documents. Par contre, Arthur ne s’engage pas dans ses apprentissages : il est
fort civil, respecte les règles de la classe, mais n’apprend rien et effectue ses
tâches très lentement et sans aucune motivation.
La relation d’Arthur avec ses camarades est également particulière. Comme c’est
un élève apprécié, il s’est arrangé pour que, chaque jour, un élève lui prépare
son sac en fin de matinée et réunisse les affaires nécessaires à la réalisation de
ses tâches à domicile. Ainsi, Arthur est surprotégé par ses camarades et jouit
d’un statut privilégié dans la classe. M. Solla informe l’enseignant spécialisé
que lui-même apporte régulièrement une aide complémentaire à l’élève avant
ou après les heures de classe.
Lors de ce premier entretien, la collaboration est de degré 1 pour l’enseignant
spécialisé – qui se contente d’écouter et de comprendre la situation – et de
degré 2 pour le titulaire – qui informe l’enseignant spécialisé de la situation,
de la problématique et des solutions qu’il a déjà envisagées.
Après l’entretien avec le titulaire, l’enseignant spécialisé décide de convoquer
rapidement les parents afin de mieux comprendre la situation et de connaître leur
avis sur les difficultés d’Arthur. Les parents apportent à l’enseignant spécialisé de
nombreuses informations importantes. Tout d’abord, ils parlent spontanément
des ennuis de santé d’Arthur pendant sa petite enfance et de la relation très forte
qui unit la mère et l’enfant depuis cette maladie. Ils expliquent ensuite le parcours
scolaire difficile d’Arthur. Ils précisent que leur enfant a toujours bénéficié de
l’aide importante des enseignants ; ils sont donc très reconnaissants envers eux
– notamment envers M. Solla – qu’ils ont toujours remerciés pour l’aide qu’ils
ont apportée à leur enfant. Les parents précisent encore que, parfois, Arthur
a une attitude déplaisante à la maison et qu’il est impertinent avec sa maman.
Les relations avec son petit frère sont également tendues.
Quand l’enseignant spécialisé leur explique l’attitude d’Arthur en classe, ils ne sont
pas surpris d’apprendre que leur enfant jouit d’un statut particulier dans la classe. Ils
ne comprennent pas, par contre, pourquoi il ne s’engage pas dans ses apprentissages.
Lors de cet entretien avec les parents, la collaboration atteint le degré 2 de notre
« grille d’entretien » (annexe 10). Le climat de confiance qui s’est rapidement
installé a permis à l’enseignant spécialisé et aux parents de s’informer mutuel-
lement (informer-s’informer) sans craindre le jugement, voire la disqualification.
De plus, les parents apprécient beaucoup le travail de M. Solla – qui lui-même
sait qu’il peut compter sur la collaboration des parents. L’enseignant spécialisé
n’a donc pas à refuser ici des offres de coalition ou à restaurer un climat de
confiance entre les partenaires du projet.
L’enseignant spécialisé rencontre ensuite l’enfant en appui individuel. Il l’informe
de la situation, de son rôle dans l’école et du signalement de M. Solla. D’emblée,

— 149 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

Arthur se montre tout à fait à l’aise avec l’enseignant spécialisé, le remercie de


l’aide qu’il va lui apporter et s’engage à tout mettre en œuvre pour mieux tra-
vailler. L’enseignant spécialisé précise à Arthur qu’il effectue pour l’instant une
évaluation et qu’il décidera ensuite sous quelle forme il l’aiderait.
L’enseignant spécialisé consacre les trois premiers cours d’appui à essayer de
comprendre comment Arthur envisage son « métier d’élève » et quelles explications
il donne à ses difficultés. Il évalue ensuite son attitude face à la tâche et effectue
un bilan plus scolaire des ressources et difficultés de l’élève. Ces entretiens avec
Arthur et cette évaluation ont permis à l’enseignant spécialisé de confirmer les
éléments suivants :
– Arthur s’attribue un statut d’adulte dans les relations avec les adultes ;
– il attend toujours de l’aide extérieure pour résoudre ses difficultés ;
– il a manifestement toutes les compétences pour réussir sa scolarité.
La collaboration s’est également engagée maintenant avec l’élève. Le niveau 4
est très rapidement atteint entre l’enseignant spécialisé et l’enfant. Arthur se
sent tout à fait à l’aise avec l’enseignant spécialisé, ce qui a permis aux deux
partenaires de s’informer et d’informer, en toute confiance, de la situation telle
que chacun la comprend. L’implication dans le projet est désirée par l’enseignant
spécialisé et l’élève et chacun envisage de s’y engager pleinement.
L’enseignant spécialisé a maintenant pu recueillir toutes les informations néces-
saires à la rédaction du Projet pédagogique individuel (PPI). Son hypothèse est la
suivante : Arthur « utilise » son échec scolaire pour maintenir son statut particulier
et son pouvoir au sein de la famille et de la classe. Manifestement, il existe une
confusion de générations dans les relations qu’Arthur entretient avec les adultes
et ses pairs. Dans la classe, M. Solla a perdu son rôle de « pilote » et tolère Arthur
comme « copilote » (Évéquoz, 1990). En famille, la maladie d’Arthur pendant
sa petite enfance a modifié les relations et l’axe affectif a été survalorisé. La
relation qu’il entretient avec sa mère participe également d’une confusion de
générations. L’enseignant spécialisé questionne donc la définition du titulaire et
des parents qui désignent Arthur comme le porteur du problème. Il leur propose
le recadrage suivant (chapitre 3.3) :
– Arthur a toutes les compétences pour réussir sa scolarité, mais refuse pour
le moment de s’engager dans ses apprentissages. L’enseignant spécialisé
ne poursuivra pas les cours d’appui avec Arthur après cette phase d’éva-
luation, au risque de s’enfermer dans le paradoxe de l’aide (chapitre 6.1) ;
– le titulaire restaurera une relation complémentaire avec l’élève et évitera
absolument de poursuivre un traitement de faveur à l’égard de l’élève. Il
encouragera les autres élèves de la classe à ne plus surprotéger Arthur ;
– il informera Arthur des décisions prises : dorénavant, l’élève ne bénéfi-
ciera plus de traitements de faveur. Les exigences seront les mêmes pour
tous les élèves. Il informera Arthur de ses nombreuses ressources, mises
en évidence par l’enseignant spécialisé, et précisera que, dorénavant, il
renverra à l’élève la responsabilité de ses réussites et de ses échecs ;
– les parents sont informés des résultats de l’évaluation et sont prêts égale-
ment à refuser d’attribuer à Arthur un statut privilégié. Ils recouvreront,
à la maison, leur statut de parents et auront dès maintenant les mêmes

— 150 —
La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui

exigences pour leurs deux enfants. Ils aménageront des périodes où l’axe
affectif sera valorisé et exigeront fermement obéissance lorsque cela
s’avérera nécessaire (axe normatif).
Dès lors, la collaboration entre tous les partenaires a atteint le niveau 4 de notre
grille (annexe 10). En effet, le titulaire, les parents, l’enseignant spécialisé et
l’élève ont donné les informations nécessaires à la compréhension de la situation
(informer) et ont reçu les informations de leurs partenaires (s’informer). Ils se sont
ensuite tous impliqués dans le projet en activant leurs ressources (s’impliquer)
et ont permis l’implication des autres partenaires en leur accordant toute leur
confiance (impliquer).
Les enseignants, les parents et Arthur se sont revus à plusieurs reprises pendant
l’année scolaire pour des bilans. L’enfant a vécu une période assez difficile après
la phase d’évaluation. Ses repères avaient manifestement changé et, même s’il
était tout à fait au courant de la démarche, une phase assez sombre de réorga-
nisation de ses relations et de son attitude face à l’école a été nécessaire. Mais
après cette période de transition, ses résultats se sont progressivement amélio-
rés et il a été promu en huitième. Actuellement, il vient de terminer le cycle
d’orientation (secondaire I) avec de bons résultats et envisage de poursuivre des
études supérieures.

Dans cet exemple, l’enseignant spécialisé, après la phase d’évaluation, a


coordonné le travail et a permis une collaboration fonctionnelle entre les diffé-
rents partenaires du projet. Il n’est pas intervenu directement dans la phase de
remédiation, mais a centralisé l’information et a permis une redistribution des
responsabilités aux différents partenaires. La collaboration a parfaitement fonc-
tionné grâce à une relation de totale confiance entre le titulaire et les parents.
Comme ceux-ci ont confié leurs soucis familiaux et ont souhaité s’impliquer
totalement dans la démarche, le projet a même débordé du cadre scolaire et a
impliqué des modifications dans les relations que l’enfant entretenait à la maison
avec ses parents et son frère.
Bien entendu, les conditions étaient ici idéales. Souvent, la collaboration
avec les parents est difficile, voire impossible. L’analyse du degré d’implication
des partenaires permet néanmoins de clarifier la collaboration et de s’assurer au
moins que les partenaires adhèrent au projet, même si leur implication effective
dans la démarche est faible.
Nous avons souligné, dans ce chapitre, l’importance de la collaboration entre
les différents partenaires du projet. Dans les chapitres suivants seront présentées
les spécificités des relations qui s’établissent entre l’enseignant spécialisé et le
titulaire, l’enseignant spécialisé et l’enfant, l’enseignant spécialisé et les parents
et, enfin, l’enseignant spécialisé et le thérapeute (logopédiste, psychologue,
psychomotricien, etc.). Si les principes généraux sont valables dans toutes ces
différentes collaborations, nous verrons que l’enseignant spécialisé doit engager
des formes différentes de relation selon le partenaire avec lequel il travaille.

— 151 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

5.2. LA COLLABORATION ENSEIGNANT


SPÉCIALISÉ / TITULAIRE
Comme nous l’avons déjà vu, le travail de l’enseignant spécialisé consiste, dans
un premier temps, à installer une relation de confiance avec les titulaires. Lorsqu’il
est un enseignant spécialisé « tout frais » – sortant rutilant de sa formation – ou
lorsqu’il est nouveau dans une école, l’enseignant spécialisé se trouve en phase
de « joining », c’est-à-dire dans une phase où le premier contact s’établit et où
les différents partenaires se jaugent, évaluent leurs compétences respectives.
Cette phase est capitale pour l’enseignant spécialisé. S’il manque d’expérience
professionnelle et se présente d’emblée comme le superman de la pédagogie, il
est fort probable que son avenir d’enseignant spécialisé sera considérablement
compromis.
Par contre, s’il peut se définir comme une ressource pour ses collègues et
qu’il propose simplement de partager avec eux leurs soucis des élèves en diffi-
culté, il pourra créer un climat de confiance et de collaboration. L’enseignant
spécialisé ne se présentera donc pas en « sauveur », il ne donnera aucune solution,
mais se proposera seulement de chercher ensemble des réponses nouvelles aux
problématiques soulevées par les élèves en échec. « Il n’est pas là pour porter le
sac à dos des autres. La posture à la Saint-Bernard épuise le soi-disant sauveur
et castre les initiatives des soi-disant sauvés. Non. Il est là, au contraire, pour
en répartir la charge dans les sacs à dos de tous les personnels concernés »
(Bringuier, 2016, p. 101).
Si l’enseignant spécialisé peut déjà trouver avec le titulaire une définition
commune de la situation problématique (hypothèse explicative et point nodal) et
envisager des solutions nouvelles partagées, il permettra d’envisager des pistes
d’interventions pertinentes. Il s’agit donc de favoriser un climat de responsabilité
partagée et de favoriser un travail de co-construction du projet. Il est évident que
l’enseignant spécialisé ne peut pas travailler convenablement sans le soutien du
titulaire. Si le titulaire n’adhère pas aux propositions de l’enseignant spécialisé et
si ce dernier impose à l’enseignant des solutions auxquelles le titulaire ne croit
pas, l’aide à l’enfant en difficulté sera totalement inefficace. « Dans le travail
de co-construction, l’enseignant spécialisé ne sait pas plus que l’enseignant
quelles sont les bonnes solutions. Et il ne sait surtout pas mieux que celui-ci.
[…] L’essentiel est que la rencontre des différences aboutisse à une perception
nouvelle du problème » (Bringuier, 2016, p. 23).
C’est lors de l’évaluation de départ que la collaboration effective commence
et il est essentiel alors que l’enseignant spécialisé soit empathique et à l’écoute
de la problématique soulevée par l’enseignant. Le risque pour l’enseignant
spécialisé est de proposer tout de suite une solution à la difficulté présentée.
Or, dans un premier temps, il est déterminant que le titulaire se sente entendu
et reconnu dans le problème qu’il évoque. À ce stade, il ne s’agit donc ni de
minimiser la difficulté, ni de redéfinir le problème, ni encore de se proposer de le

— 152 —
La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui

résoudre à la place du titulaire. Il est par contre important d’offrir à l’enseignant


une écoute attentive et active.
D’autant plus que « certains hésitent à signaler un enfant en difficulté car
il y a une telle identification massive à l’échec qu’ils se pensent eux-mêmes en
échec en pratiquant avec un maître spécialisé dans le domaine de la difficulté
ou de l’échec scolaire. Ils trouvent même, en ce dernier, un expert capable de
déceler leurs propres failles pédagogiques, et de ce fait, de leur faire perdre
leur propre autorité » (Canat et Grave, 2010, p. 216). L’enseignant spécialisé
doit donc reconnaître comme légitime la description du problème telle qu’elle
est faite par l’enseignant. Il doit également être prêt à entendre l’expression
des sentiments ou des émotions qui l’habitent. Parfois, l’enseignant régulier est
découragé, en colère ou encore exaspéré par la situation. Une écoute empa-
thique, nécessaire dans un premier temps, permet ensuite de traiter la situation
de manière plus sereine.
La collaboration est également essentielle lors de la définition des objectifs
et la répartition des tâches. Le Projet pédagogique individuel (PPI) est ici
l’instrument central de la collaboration. Lorsque l’enseignant spécialisé rédige le
document, il devra impérativement le soumettre au titulaire pour qu’il y adhère.
Le PPI permet d’émettre une hypothèse sur les difficultés de l’élève et il doit
donc être utilisé de manière très souple. Par conséquent, l’enseignant spécialisé
le modifiera en fonction de l’avis du titulaire ou des nouvelles informations à
disposition.
Enfin, la collaboration est essentielle lors de la phase du bilan. Comment
l’enseignant spécialisé pourrait-il effectuer cette étape essentielle de la démarche
seul avec l’enfant, dans sa salle d’appui, alors que ses progrès doivent d’abord
et principalement s’exprimer et s’évaluer en classe ? D’ailleurs, le bilan portera
avant tout sur les changements intervenus dans les capacités de l’élève à mieux
apprendre dans le contexte de la classe. En effet, l’élève en difficulté est d’abord
sous la responsabilité de l’enseignant titulaire, celui-ci étant responsable de tous
les élèves de sa classe, y compris ceux qui bénéficient de l’appui.

5.2.1 Une collaboration à définir

Comme nous l’avons déjà vu plus haut, l’intérêt premier de l’appui pédago-
gique est d’être à deux (voire à trois ou quatre) pour analyser, comprendre et
trouver des solutions nouvelles à des situations difficiles. Ceci étant dit, le degré
de collaboration est très variable et dépend surtout du projet et de la relation
qu’entretiennent l’enseignant spécialisé et l’enseignant régulier. Cet aspect a
déjà été abordé plus haut avec la « grille d’entretien » (annexe 10). L’implication
de l’enseignant régulier peut donc se situer à des niveaux très divers. En effet, le
titulaire peut parfois se contenter d’évaluer les progrès de l’enfant en classe et
apporter un feed-back à l’enseignant spécialisé sur l’efficacité du travail effectué
avec l’enfant. Mais il peut également favoriser le transfert et la généralisation

— 153 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

des compétences développées en appui individuel (seul, en effet, le titulaire peut


observer si l’élève actualise certains comportements en classe). À un niveau
plus élevé d’implication, il va différencier sa pédagogie avec l’élève en difficulté
(rythme de travail, exigences, etc.). Il pourra également apporter une aide
individuelle à l’enfant pendant le temps de classe ou après les heures d’école.
Enfin, le titulaire, dans certains cas, assumera complètement la démarche d’aide,
sans que l’élève ne vienne forcément en appui (par exemple, dans la situation
d’Arthur décrite plus haut).
L’implication du titulaire dépendra donc de nombreux facteurs, comme le
choix des objectifs, ses compétences propres, sa disponibilité, son approche de
l’échec scolaire, etc. Elle est définie avant tout par la problématique de l’élève,
identifiée lors de la rédaction du PPI. Aucune règle n’est à définir a priori : sa
collaboration peut être centrale dans le projet, comme tout à fait secondaire,
selon l’hypothèse émise et le choix du point nodal. Nous pourrions donc dire
que la collaboration peut se situer sur un continuum qui va d’un projet où
l’enseignant régulier est l’acteur principal – voire unique – à une approche de
la problématique qui vise d’abord à modifier les interactions entre les membres
du système. À l’école, les projets où l’enseignant est impliqué prioritairement
concernent, par exemple, les difficultés de comportement, un travail individuel
en salle d’appui étant alors parfaitement inutile.
Analysant les pratiques collaboratives, Allenbach (2015) a pu identifier les
habiletés suivantes, nécessaires à l’enseignant spécialisé dans la construction de
l’alliance et l’établissement de pratiques collaboratives avec le titulaire :
– une écoute active : il s’agit d’abord de bien comprendre les représen-
tations que se fait le partenaire de la situation (et parfois aussi son état
émotionnel) ;
– une analyse de la demande : il s’agit ensuite d’entendre ses besoins
propres et ses attentes ;
– une adhésion aux pistes envisagées : les pistes peuvent être proposées
par l’enseignant spécialisé, mais l’enseignant régulier doit y adhérer ou,
dans l’idéal, les co-construire ;
– une capacité à se positionner : il s’agit d’adhérer réellement au projet ;
il est donc important de pouvoir se positionner clairement, voire oser la
confrontation positive, si nécessaire.
Quoi qu’il en soit du degré de collaboration et d’implication du titulaire dans
la démarche, la mise en place du projet doit être assurée par l’enseignant d’appui.
L’enseignant régulier doit en effet être déchargé de toutes les tâches pouvant
être assumées par l’enseignant spécialisé. Le travail des enseignants primaires est
de plus en plus exigeant et difficile. L’enseignant spécialisé est donc là comme
une ressource, afin de soulager les titulaires et leur apporter une aide efficace.
Si, en signalant un élève à l’enseignant spécialisé, l’enseignant régulier redoute
une surcharge importante de travail, il est probable, à terme, qu’il renoncera à

— 154 —
La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui

demander de l’aide. Les enseignants sont d’accord de collaborer dans la mesure


où ce qui leur est demandé les soulage et ne leur impose pas une surcharge
de travail. La question soulevée ici se pose avec encore plus d’acuité lors de la
mise en place des programmes adaptés ou lors de l’intégration d’enfants en
situation de handicap dans la classe régulière.

5.2.2 Difficultés dans la collaboration


enseignant spécialisé / enseignant régulier

Dans la collaboration enseignant spécialisé / enseignant régulier, plusieurs dif-


ficultés peuvent se présenter. Tout d’abord, lors des différents entretiens avec
le titulaire, il s’agira de veiller à ne pas traiter l’élève en difficulté comme le
feraient deux médecins penchés à son chevet. Avant d’être un « élève probléma-
tique », c’est un élève « dans une situation problématique ». Comme le relève La
Monneraye (2005), « ce qui sera traité, grâce à l’intervention du rééducateur, ce
n’est pas l’élève, ce n’est pas non plus le maître, comme certains sembleraient
parfois le souhaiter, c’est la situation en tant que telle » (p. 109). Les enseignants
collaboreront donc à débloquer la situation en activant les ressources du milieu.
Le risque de désigner l’enfant comme « problématique », c’est de l’enfermer
dans sa difficulté, voire de l’identifier à son problème. De plus, il paraît a priori
souvent difficile de « changer » l’élève. Par contre, la situation peut évoluer rapi-
dement, puisque les enseignants peuvent modifier assez facilement le contexte
de travail de l’enfant.
Ensuite, l’enseignant spécialisé peut être victime d’attentes « magiques » de
la part du titulaire ou des parents. Il est tentant – surtout lorsque l’enseignant
spécialisé est peu expérimenté – de laisser croire que, grâce à son savoir et à
ses diplômes, il détient les solutions à tous les problèmes et qu’effectivement
le titulaire a frappé à la bonne porte ! Avec un peu d’expérience, l’enseignant
spécialisé développe avant tout beaucoup d’humilité face à la complexité des
problématiques liées à l’échec scolaire. Il veillera donc, dans ses entretiens avec
le titulaire, à ne pas se présenter en sauveur et à demander l’aide des diffé-
rents partenaires du projet. Il s’agit donc de « ne pas hésiter à casser la statue
d’omnipotent-omniscient que le consultant nous dresse pour nous faire travailler
à sa place. Faire au besoin une déclaration d’ignorance ou d’incompétence »
(Bringuier, 2016, p. 130). C’est pourquoi l’enseignant d’appui définira claire-
ment ses compétences propres, les procédures qu’il utilise, ses intentions, mais
également ses limites. Bien entendu, si le titulaire peut exprimer ses attentes à
l’enseignant spécialisé, il ne peut pas décider des contenus des séances d’appui
et des modalités de travail de l’enseignant spécialisé.
Ces « attentes magiques » peuvent conduire l’enseignant régulier à confier
l’enfant en difficulté au « spécialiste en appui pédagogique » et à se déresponsa-
biliser. S’il délègue le problème à l’enseignant spécialisé, c’est à ce dernier de
proposer une coresponsabilité et d’encourager une collaboration. « L’activité

— 155 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

du Rased1 aide à apprendre, à comprendre, à enseigner, à rompre l’isolement


des enseignants » (Feuilladieu et Tambone, 2014, p. 167), mais ne se substitue
pas à eux. L’enseignant spécialisé proposera donc au titulaire de « résoudre
ensemble », plutôt que de « porter à la place ». De plus, s’il ne le fait pas, l’ensei-
gnant spécialisé risque bien de se trouver implicitement en confrontation avec
le titulaire qui souhaitera – souvent sans en avoir conscience – que l’enseignant
spécialisé échoue là où lui-même a échoué. Le témoignage suivant, exprimé par
un collègue de l’enseignement régulier, est emblématique : « J’estimais qu’il était
de mon devoir d’apporter à ces enfants une aide particulière, et je ne jugeais
pas utile de faire appel à un enseignant d’appui. Par vanité, j’avais de la peine
à imaginer qu’un autre intervenant ait pu réussir là où je demeurais en échec ».
Une autre difficulté liée à la collaboration enseignant spécialisé/enseignant
régulier, c’est la recherche d’une cause de l’échec extérieure au domaine scolaire.
Lorsque les enseignants tentent d’expliquer un échec, ils l’attribuent à l’élève, à sa
famille et à la société, plutôt qu’à l’école et à l’enseignement pratiqué. Souvent,
en effet, les parents sont désignés par le titulaire ou l’enseignant spécialisé
comme les responsables des difficultés scolaires de l’enfant. Or, comme nous
l’avons vu (Propos liminaires, 1), l’échec de l’enfant concerne d’abord « l’élève »
et il est « scolaire ». L’école réussit ici l’exercice pernicieux de faire porter aux
parents un échec qui est d’abord le sien. D’ailleurs, les explications de l’échec
données par les enseignants relèvent fréquemment – et bizarrement – d’un
registre psychologique (et non pédagogique). L’enfant « manque de maturité »,
« vit une situation familiale difficile », « est très renfermé » ou encore « a une mau-
vaise estime de lui ».
Le danger est également pour les enseignants « de se lancer dans une
anamnèse, c’est-à-dire une reconstitution des difficultés de l’enfant par une inter-
rogation sur son passé. Il y a là un retour de la perspective thérapeutique qui
est totalement inutile dans le champ de la rééducation » (La Monneraye, 2005,
p. 111). Il ne s’agit évidemment pas de nier l’influence de ces facteurs sur l’échec
scolaire, mais il semble absolument fondamental de resituer la problématique
dans le cadre où elle s’exprime, c’est-à-dire l’école. Comme nous le relevions
dans la première partie du livre, le postulat est que, s’il y a un problème à l’école,
il y a aussi une solution à l’école. Par conséquent, il est pertinent d’intervenir
pour régler le problème dans le contexte scolaire.
Parfois, l’absence de collaboration pose un autre problème : ignorant tout de
la réalité de la classe de l’enfant en difficulté et ne connaissant pas les exigences
du titulaire, l’enseignant spécialisé aura beaucoup de peine à savoir quelle aide
concrète il peut apporter à l’enfant. Si, par exemple, l’enseignant spécialisé
ignore que M. Cube aborde toutes les tables de multiplication avec ses élèves
en cinquième primaire déjà (alors qu’elles relèvent plutôt du programme de 6P),
il comprendra difficilement les difficultés du petit Louis en mathématiques.
Si Mme Sand évalue la lecture en demandant à ses élèves de lire à haute voix

1 Pour rappel : en France, Réseau d’aide spécialisé aux élèves en difficulté.

— 156 —
La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui

un texte, l’enseignant spécialisé devra probablement renoncer à travailler en


priorité avec son élève l’étude de texte. La pertinence de l’appui dépendra donc,
en grande partie, de la connaissance qu’a l’enseignant spécialisé des pratiques
pédagogiques de son collègue. Il ne peut pas ignorer comment son collègue
travaille et quels sont les objectifs qu’il poursuit en classe.
Ce qui peut enfin poser problème dans la collaboration enseignant spécia-
lisé / enseignant régulier, c’est l’organisation concrète de l’appui et les questions
d’horaire et de programme. Parfois, l’élève vit l’appui pédagogique individuel
comme une sanction. S’il doit rattraper en classe le travail fait en son absence ou
s’il vient en appui toute l’année pendant les heures de gym ou de dessin, l’enfant
se sentira pénalisé et aura de la difficulté à s’investir pleinement dans les tâches
proposées par l’enseignant spécialisé. La manière dont le titulaire rappelle à
l’élève son cours d’appui est également importante. Si l’enseignant ne considère
pas réellement cette mesure comme une aide pour l’enfant, son attitude – point
n’est besoin alors de grands discours – traduira son dédain pour l’appui, voire
l’enseignant spécialisé, et tout le bénéfice de l’aide apportée sera réduit à néant.

5.3. LA COLLABORATION ENSEIGNANT


SPÉCIALISÉ / ÉLÈVE EN DIFFICULTÉ
Le lecteur sera peut-être surpris de découvrir dans cet ouvrage un chapitre inti-
tulé « collaboration » pour parler du travail que l’enseignant spécialisé effectue
avec l’élève en difficulté. En fait, l’enfant est réellement le premier partenaire
de l’enseignant d’appui. Il doit être au centre du projet et devenir, comme nous
l’avons déjà vu, acteur, auteur et sujet du projet. Sans la collaboration de l’enfant,
l’aide est impossible.
Or l’enfant est rarement demandeur. Souvent, c’est le titulaire, voire les parents
ou les thérapeutes, qui signalent l’élève à l’enseignant spécialisé. Le premier travail
consistera donc à aider l’enfant à entrer dans un projet que les adultes ont pour lui.
Si l’élève refuse d’entrer dans la relation d’aide que l’enseignant spécialisé lui offre,
il doit pouvoir le dire et assumer son choix en connaissant bien les implications
possibles de son refus. « Donner, aider, oui, à condition que notre élan généreux
contribue à remettre quelqu’un debout par ses propres moyens. […] Soulager,
soutenir, orienter, oui, à condition de répondre à une véritable demande de la
personne qui en a besoin » (Bourgeois, 2020, p. 162). Il s’agit donc de s’assurer
du volontariat réel de l’élève de rentrer dans le processus d’aide. Les enseignants
lui proposent une aide, mais il est libre d’en bénéficier ou de la refuser.

5.3.1 Une prise en charge à définir

Il est difficile pour l’enseignant spécialisé de présenter la démarche en toute


objectivité et d’accepter que l’élève refuse l’aide qu’il lui propose. Pourtant,

— 157 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

« un élève convoqué ne peut pas être accueilli, il peut être seulement reçu. On
accueille un être libre de venir ou de ne pas venir. Par contre on peut toujours
rendre libre quelqu’un qui ne l’est pas et tenter de faire de sa réception un
accueil » (Bringuier, 2016, p. 126). C’est en effet l’enjeu de l’appui, notamment
lors de la première rencontre avec l’élève : comment l’aider à passer du statut
d’« objet d’un signalement » à celui de « sujet d’un projet ».
Ce qui se joue en appui relève bien d’un rapport de sujet à sujet. L’enseignant
spécialisé ne « travaille » pas l’enfant, comme on travaille la terre. Il accompagne
l’enfant pour que, dans une relation de sujet à sujet, ses ressources se déve-
loppent et lui permettent de surmonter ses difficultés. Le risque, sinon, c’est
qu’au-delà « d’un certain seuil de prédéfinition, l’acteur, le sujet, ne trouve plus
à investir ses intentions propres. Il lui semble qu’il se trouve enfermé dans les
fonctions qu’on a prévues pour lui, qu’il n’a plus de marge d’initiative » (Seknadjé-
Askénazi, 2014, p. 244). C’est toute la difficulté de la bonne distance à adopter
dans ce travail de médiation : « L’accompagnement suppose la reconnaissance
de l’autonomie du sujet, autonomie parfois contrariée tant le sujet peut avoir
le sentiment de se perdre et exprimer une demande d’appui. Les processus
d’accompagnement tiennent alors de l’entre-deux, permettant au sujet d’être
en activité tout en bénéficiant d’une présence. Dans la relation de proximité
qui est construite, l’accompagnateur veille à rester en marge de la situation de
sorte que l’accompagné puisse éprouver le sentiment de pouvoir agir » (Jorro,
2012, p. 5).
La première rencontre de l’enseignant spécialisé avec l’enfant est, à ce
propos, déterminante. Elle permet tout d’abord de faire connaissance, de se
présenter, mais également de définir la relation qui s’établit dans le cadre de
l’appui pédagogique. « Le premier acte d’un Sujet non captif est d’exprimer sa
demande. Or un tel acte est souvent confisqué à l’élève par un tiers, enseignant,
parent, éducateur, qui anticipe sa demande ou même y substitue la sienne, besoin
d’aide ou de diagnostic que l’enfant, on s’en doute, n’éprouve pas forcément ! »
(Bringuier, 2016, p. 131). L’enseignant spécialisé devra donc éviter de préci-
piter cette importante première phase. Deux ou trois cours d’appui peuvent
être consacrés à la clarification de ce qui se jouera dans cette relation d’aide.
Concrètement, l’enseignant spécialisé se présentera tout d’abord à l’enfant,
expliquera sa fonction dans l’établissement scolaire et son rôle dans la structure
d’appui. Il expliquera à l’élève en quoi consiste son travail, ce que ce dernier
peut attendre de lui et répondra à toutes les questions que l’enfant se pose à
son sujet. Ensuite, l’enfant se présentera en donnant son nom et son prénom
et en expliquant ce qu’il sait du signalement que le titulaire a fait à son sujet.
« La première chose à faire est de s’enquérir naïvement (!) de la raison de la
présence du jeune dans notre bureau, surtout si elle nous a été réclamée par
son professeur » (Bringuier, 2016, p. 132). Les questions suivantes permettent,
au début de l’entretien, de comprendre les représentations que l’enfant se fait
de l’appui : « Sais-tu qui je suis ? Comment as-tu appris qu’aujourd’hui tu allais
passer un moment avec moi ? Sais-tu pourquoi tu viens travailler avec moi ?

— 158 —
La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui

En as-tu parlé avec ton enseignant ? Que crois-tu que nous allons faire ensemble ?
Pourquoi ? etc. »1.
L’enseignant spécialisé clarifiera ensuite le fonctionnement de l’appui, les
objectifs de la structure et précisera ce qu’il sait de l’enfant et pourquoi le titulaire
ou les parents ont estimé qu’une aide était nécessaire. Il demandera également
l’avis de l’enfant sur la question et sollicitera son accord pour la poursuite du
projet, en précisant qu’à tout moment, il peut demander un arrêt provisoire ou
définitif de la mesure : l’école est obligatoire, mais pas le cours d’appui ! « Le
projet d’aide pédagogique se définit donc comme la construction de l’articulation
de ces deux projets (celui du maître spécialisé, celui de l’élève). Il s’agit d’identifier
au mieux “ce que l’on fait ensemble”, “le rôle de chacun d’entre nous”, “nos
places” » (Seknadjé-Askénazi, 2014, p. 247).
La Monneraye (2005) insiste également sur l’importance de dire à l’enfant
de quel discours il est l’objet. L’enseignant spécialisé clarifiera ainsi les raisons
de la rencontre et les enjeux du dispositif d’aide. Il s’agit également d’être trans-
parent avec le signalement effectué par l’enseignant (ce que ce dernier nous a
dit de lui et de ses difficultés). « On fait un débriefing des attentes de tiers afin
d’en nettoyer l’entretien. Mais si le jeune pour l’instant ne peut formuler une
demande, il faudra qu’elle émerge quand même, sans quoi le tiers n’aura pas
été totalement oublié » (Bringuier, 2016, p. 134).
L’enseignant spécialisé communique ensuite à l’enfant les modalités concrètes
de la prise en charge (fréquence des cours, horaire, appui en classe, en individuel,
en groupe, etc.). Avec les élèves plus âgés bénéficiant d’un appui individuel (en
général à partir de 8-9 ans), l’enseignant spécialisé précisera qu’ils sont responsables
de gérer leur horaire : pendant les 2-3 premières semaines, l’enseignant spécialisé
viendra les chercher en classe s’ils oublient l’heure du cours, mais ensuite ils doivent
assumer seuls leur horaire. Il semble en effet important que l’enfant fasse lui-même
la démarche de venir en appui, ce qui lui permet de renouveler son choix avant
chaque cours. Ainsi, « le professionnel promeut l’élève au statut d’interlocuteur,
c’est-à-dire, dans l’ordre de la parole, au rang de semblable. Proposer à l’enfant
un rendez-vous, c’est lui laisser le choix de l’agréer ou de le décliner. C’est solliciter
en lui l’acteur de la situation, le Sujet » (Bringuier, 2016, p. 112). S’il oublie son
horaire plusieurs fois de suite, l’enseignant spécialisé lui proposera un entretien
où, ensemble, ils clarifieront à nouveau la démarche et les objectifs poursuivis.
L’expérience montre que, très souvent, ces oublis constituent des actes manqués
et sont rarement dus à des problèmes d’horloge (surtout en Suisse) !
Le premier entretien permet donc de clarifier la demande et de discuter de
la forme que prendra l’accompagnement. C’est lors de cet entretien avec l’ensei-
gnant spécialisé que la demande de l’élève peut, progressivement, émerger et se
préciser. Ce premier entretien permet par conséquent de viser plusieurs objectifs :
– établir une relation de confiance ;

1 Ces questions sont extraites d’un document élaboré par Christiane Joye-Wicki, enseignante spécialisée.

— 159 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

– clarifier la demande ;
– obtenir l’accord de l’élève ;
– clarifier l’objectif général et les modalités de l’aide proposée (notamment
la durée approximative) ;
– susciter un désir de changement ;
– initier la phase d’évaluation diagnostique (étape 2 du PPI).
À la fin de la phase d’évaluation diagnostique globale, l’enseignant spécialisé
consacrera également un cours pour informer l’élève des résultats et des objec-
tifs fixés. Il pourra lui présenter le PPI et lui montrer quel sera son rôle dans le
projet. « L’une des stratégies les plus importantes, et ce, quels que soient les
éléments du profil de l’élève, consiste à aider celui-ci à comprendre ses forces
et ses faiblesses. […] Le fait de connaître ses atouts et ses points faibles peut
grandement favoriser l’apprentissage et la réussite » (Pohlman, 2011, p. 116).
Comme l’élève est le premier partenaire du PPI, il doit être informé de ses
enjeux. Il est également invité à donner son avis sur le projet et à partager sa
compréhension de ses difficultés et des moyens de les surmonter.

5.3.2 Clarifier les objectifs poursuivis

Si l’élève bénéficie d’appuis individuels, l’enseignant spécialisé veillera, au début


et à la fin de chaque cours, à informer l’élève des objectifs poursuivis durant la
séance et des moyens qu’il peut mettre en œuvre pour les atteindre. L’enfant
pourra en effet transférer les compétences qu’il développe en appui seulement
s’il est tout à fait au clair avec les objectifs poursuivis et son rôle dans le projet.
Les objectifs doivent notamment être précis (opérationnels), ce qui permet à
l’élève de comprendre exactement ce qui est attendu (cf. chapitre 3.3). Pour
un enfant, deux ou trois objectifs sont suffisants pour une période donnée. Ce
travail métacognitif de clarification des enjeux est particulièrement important
pour les élèves en échec : « Une des causes de l’échec scolaire est la difficulté
pour certains enfants de se représenter la tâche scolaire et les exigences qu’elle
implique. Il importe donc d’aider chaque élève à acquérir cette clarté cognitive.
Pour l’élève, cette lucidité commence par la compréhension de ce que le maître
attend de lui » (Battut et Bensimhon, 2018, p. 133).
Les objectifs doivent être formulés en termes précis et ne doivent pas être
trop nombreux également pour permettre à l’élève d’évaluer lui-même ses
progrès. S’ils sont opérationnels, l’élève pourra s’auto-évaluer durant tout le
déroulement du PPI. « Dans la mesure où elle implique activement l’élève dans
son évaluation, l’auto-évaluation mérite alors, comme vecteur d’implication
active, d’être largement promue par les maîtres dans leurs pratiques » (Hadji,
2018, p. 60). La réussite du PPI dépend grandement de cette capacité de l’élève
de s’auto-évaluer, puis de s’autoréguler. Comme il est généralement l’acteur
premier du processus d’aide, il doit pouvoir piloter lui-même le projet. « Si l’on

— 160 —
La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui

veut impliquer l’élève dans ses apprentissages, ce qui paraît être une condition
importante de sa réussite, alors il faut lui donner les moyens de prendre la plus
grande part possible dans l’évaluation de sa production et de ses pratiques, de
façon à enrichir son pouvoir d’autorégulation » (Hadji, 2018, p. 78).
Comme l’auto-évaluation est une compétence difficile à acquérir, l’enseignant
accompagnera l’élève dans cet apprentissage, notamment par la co-évaluation,
c’est-à-dire par une pratique conjointe de l’évaluation – élève et enseignant – qui
permettra à l’enfant de confronter sa pratique évaluative avec celle de l’adulte.
Cet accompagnement peut se réaliser en trois temps (Hadji, 2018) :
– L’élève engage d’abord une démarche d’auto-observation en se posant
les questions : « Qu’ai-je réalisé précisément ? Comment cela s’est-il
déroulé ? Quel est le résultat de mon travail ? » La démarche est donc
d’abord factuelle.
– L’élève pose ensuite un autodiagnostic qui implique d’interpréter les
faits observés et de poser un jugement sur la qualité du travail : « Ai-je
répondu à la question qui était posée ? L’objectif est-il atteint ? La
démarche retenue est-elle efficace ? Le résultat est-il de qualité ? »
– Après l’analyse du résultat lors de l’autodiagnostic, il s’agit maintenant
d’apporter une autorégulation qui permettra de corriger les erreurs et
d’améliorer l’efficacité de son apprentissage : « Comment mieux faire la
prochaine fois ? »
Parfois, l’élève apporte en appui une fiche qu’il n’a pas comprise en classe
ou un examen auquel il a échoué. L’enseignant spécialisé doit se réjouir de
cette démarche1. Elle prouve que l’enfant a compris que l’appui est d’abord une
relation d’aide et qu’il peut solliciter très librement les conseils de l’enseignant
spécialisé. L’élève nous montre ici qu’il est devenu demandeur en son nom
propre, qu’il veut surmonter ses difficultés et qu’il se responsabilise. L’enseignant
spécialisé doit néanmoins veiller à ne pas s’éloigner trop des objectifs fixés dans
le PPI et à ne pas tomber dans une forme de rattrapage scolaire. Très souvent,
il est tout à fait possible de poursuivre les objectifs à partir des questions et
documents que l’élève apporte au cours.
De même, l’enseignant d’appui demandera régulièrement à l’élève de lui
montrer les résultats qu’il obtient en classe et l’aidera à évaluer ses progrès.
L’élève doit savoir que l’objectif est bien de favoriser la réussite de l’enfant
en classe et non seulement en appui. Seule l’analyse des résultats du travail
effectué en classe est réellement signifiante. La qualité de l’accompagnement
et la pertinence des objectifs du PPI se mesurent en effet aux résultats obte-
nus en classe, notamment lors des tests et des examens. C’est lorsque l’élève
arrive de nouveau à réussir normalement dans sa classe que l’appui a atteint
son objectif.

1 Par contre, si c’est le titulaire qui demande de terminer la fiche en appui, le risque est de se fourvoyer
dans un rattrapage scolaire inutile (cf. chapitre 3.3).

— 161 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

Lorsque la mesure d’appui s’arrête, l’enfant est évidemment informé des


raisons qui motivent la fin de la mesure et des objectifs qu’il doit poursuivre
maintenant de manière autonome. L’enseignant spécialisé doit d’ailleurs toujours
présenter l’arrêt de la mesure comme une très bonne nouvelle, puisque l’élève
n’a plus besoin d’aide pour réussir son parcours scolaire. Si certains élèves
souhaitent poursuivre l’appui un certain temps – alors qu’ils semblent maîtriser
maintenant leurs apprentissages – c’est probablement parce qu’ils manquent
encore un peu de confiance. Si l’enfant ne se sent pas prêt à interrompre la
mesure, l’enseignant spécialisé veillera à aménager une transition plus douce,
en maintenant par exemple quelques séances ou en prévoyant avec l’enfant
une prochaine rencontre de bilan.
En conclusion, on peut affirmer que la collaboration enseignant spécialisé /
élève en difficulté pose relativement peu de problèmes si les relations entre les
adultes qui s’occupent de lui sont bonnes. Le désir de progresser et d’apprendre
est toujours présent chez l’enfant si les enseignants savent établir avec lui une
relation de confiance et de congruence et si tous les partenaires travaillent dans
un climat de collaboration positif.

5.4. LA COLLABORATION ENSEIGNANT


SPÉCIALISÉ / PARENTS DE L’ÉLÈVE EN DIFFICULTÉ
Il est clair que la qualité des liens que tisse la famille avec l’école joue un rôle très
important dans la réussite de l’enfant. Or les élèves dont s’occupe l’enseignant
spécialisé proviennent souvent de milieux défavorisés dans lesquels les parents
gardent de l’école et des enseignants un souvenir pénible. Ils se sentent souvent
blessés par les difficultés d’apprentissage de leur enfant et revivent parfois, à
travers son échec, leur propre vécu d’élève en difficulté. Il s’agira donc d’amé-
nager des conditions favorables à une collaboration véritable, en considérant
les parents comme des partenaires et non comme les responsables de l’échec
de leur enfant.
En tant qu’enseignants spécialisés, nous pouvons occuper une position
privilégiée pour favoriser une bonne collaboration entre les différents parte-
naires. En créant une dynamique où l’élève, les parents et le titulaire trouvent
un terrain commun, il est possible de déjouer les pièges d’une disqualification
réciproque et de multiplier ainsi les chances de réussite pour l’élève. L’entretien
avec les parents visera donc à comprendre leurs représentations de la situation
sans les juger. Il s’agit de les accepter inconditionnellement et de les considérer
comme des parents qui veulent avant tout le bien de leur enfant, malgré toutes
leurs difficultés et les erreurs qu’ils ont éventuellement commises.
Afin de créer un climat de collaboration positif, l’enseignant veillera à soi-
gner en particulier l’accueil des parents, notamment en commençant l’entretien
par les points positifs et les ressources de l’enfant. Les parents de l’enfant en

— 162 —
La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui

difficulté ont souvent tendance à ne plus voir « l’enfant », mais seulement « l’élève
en échec scolaire ». Lors de l’entretien avec les parents, l’enseignant mettra donc
l’accent également sur les qualités et les ressources de l’enfant.
Une question qui se pose souvent est de savoir si l’élève doit assister aux
entretiens entre l’enseignant spécialisé et les parents. En principe, par souci de
transparence, la présence de l’enfant est souhaitable, si les parents l’acceptent.
C’est une manière d’impliquer l’enfant dans le projet et de connaître son avis
sur le projet discuté lors de l’entretien. « Beaucoup de malentendus et beaucoup
de souffrance pourraient être évités si on prenait la peine de considérer que
tout enfant qu’il soit, le sujet pense quelque chose sur son travail, sur ses diffi-
cultés et qu’il n’est pas inutile d’écouter son point de vue » (La Monneraye, in
CRFMAIS, 1988, p. 34). De plus, « quand l’élève réalise que vous et ses parents
vous entendez au sujet des problèmes et des solutions possibles, les comporte-
ments négatifs disparaissent presque toujours » (Winebrenner, 2008, p. 237). Si
l’enseignant spécialisé ou les parents souhaitent exprimer des réalités difficiles
à entendre pour l’enfant, ils peuvent tout simplement demander à l’enfant de
quitter un instant la salle et de les attendre dans le couloir.
Pour analyser plus précisément la collaboration enseignant spécialisé /
parents de l’élève en difficulté, nous reprenons ici les quatre temps de la « grille
d’entretien » proposée plus haut (annexe 10). Ces quatre degrés dans la colla-
boration ne sont malheureusement pas toujours atteints avec tous les parents,
mais l’essentiel est ailleurs : la priorité est en effet de créer un climat de confiance
entre les différents partenaires. Précisons qu’il est tout à fait envisageable de
parcourir les quatre temps en un seul entretien avec certains parents, alors
qu’avec d’autres, seul le premier degré est atteint durant toute la période de
collaboration.

5.4.1 Premier temps : informer


(l’enseignant spécialisé informe les parents).

Le tout premier contact avec les parents est à soigner particulièrement. Il engage
la définition de la relation et se joue souvent de manière peu consciente et non
verbale. Il est en effet capital d’établir dès le début un contexte de collaboration
qui permet de déjouer les pièges de la disqualification réciproque. Les parents
s’engageront dans le projet seulement s’ils se sentent en sécurité et s’ils ont
confiance en l’enseignant. Souvent, les parents des élèves en difficulté se sentent
infériorisés ou culpabilisés et craignent les reproches des professionnels. Une
attitude positive de l’enseignant (aimable et aimante, osons le terme) permet
de donner ou redonner confiance aux parents et de s’engager à nouveau dans
un projet positif, porteur de changements.
Les parents ont droit, dans un premier temps, à une information claire sur la
situation de leur enfant, les attentes de l’école et les objectifs poursuivis. Il ne s’agit
ni d’amplifier les difficultés de l’enfant, ni de les nier, mais de poser clairement le

— 163 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

problème, en évitant absolument de désigner des coupables ou d’entrer dans des


propositions de coalition. Parler clairement des problèmes permet bien souvent
d’éviter le renvoi continuel des responsabilités, désamorce les tensions et permet
de s’investir dans un projet réaliste.
Un autre point qui concerne également l’enseignant spécialisé, dans cette
première phase (informer), peut consister à annoncer aux parents les difficultés
importantes de l’enfant – qui peuvent constituer pour lui un réel « handicap sco-
laire ». Il arrive en effet que l’enseignant spécialisé doive informer les parents,
pour la première fois, des difficultés importantes de leur enfant. Pour certains,
c’est un moment comparable à l’annonce d’un handicap – qui engage les parents
à faire un deuil, celui de l’enfant performant au niveau scolaire. Ici également,
les qualités d’empathie, de compréhension, de chaleur humaine sont d’une
importance capitale. Les parents doivent se sentir libres de poser toutes les
questions et l’enseignant spécialisé doit leur donner toutes les informations
nécessaires à une bonne compréhension de la situation de leur enfant. Nous
savons maintenant que la manière dont s’est déroulée l’annonce du « handicap
scolaire » peut avoir des conséquences importantes sur l’engagement des parents
et l’adaptation de la famille aux difficultés de l’enfant.
En résumé, il s’agit donc de considérer les parents comme des partenaires
lors de cette première phase de l’entretien. Très souvent, les parents consacrent
beaucoup de temps et d’énergie pour le bien de leur enfant. S’ils sont correcte-
ment informés des objectifs de l’école et des difficultés de l’enfant, ils pourront
apporter une aide plus ciblée et mieux adaptée. Le Projet pédagogique individuel
permettra à l’enseignant spécialisé d’informer correctement les parents. À leur
demande, une copie de ce document leur sera transmise.

5.4.2 Deuxième temps : s’informer


(les parents informent l’enseignant)

L’intérêt d’une collaboration avec les parents réside également dans les informa-
tions qu’ils donnent à l’enseignant spécialisé du vécu de leur enfant et du regard
que la famille porte sur l’école. Il est évident que les parents sont les personnes
qui connaissent le mieux l’enfant. Ils peuvent donc apporter des informations
très importantes qui aideront les enseignants à travailler avec lui : « Ce sont eux
qui savent et qui sont à même de m’expliquer. Bref, je les considère comme
spécialistes de leur enfant » (Berlioz-Ruffiot, 2016, p. 165). Une réelle compré-
hension de l’échec ne peut se passer de ces éléments.
Cette information, utile d’abord à l’enseignant, permet également aux
parents eux-mêmes de prendre conscience de leurs besoins, de leurs difficultés,
de leurs ressources et ainsi de clarifier leurs problèmes. C’est seulement lorsqu’ils
auront pu dégager une vue d’ensemble de l’organisation familiale qu’ils pourront
définir les buts et envisager un projet réalisable. C’est pourquoi il est important
d’engager les parents à parler de l’enfant dans les différents champs de sa vie et

— 164 —
La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui

non seulement dans celui qui concerne spécifiquement l’école. Les ressources de
l’enfant pourront ainsi être mises en évidence, ainsi qu’une meilleure compré-
hension de « l’enfant » – et non seulement de « l’élève ».
Dans ce deuxième temps, il s’agit de considérer l’ensemble des variables de
la situation et de mieux comprendre comment fonctionne la famille de l’enfant.
Cette analyse devra s’effectuer à partir du vécu de la famille, de son appréciation
propre et non en fonction des a priori du professionnel. Des collaborations
échouent parce que les enseignants ne sont pas assez à l’écoute des familles
et leur imposent des rôles dans le projet qu’ils ne peuvent pas assumer, dans
le concret de leur vie familiale. L’enseignant spécialisé devra donc retourner
toujours aux difficultés, ressources et besoins de la famille elle-même et prendre
en compte, prioritairement, leurs représentations de la situation.
La pertinence de ce deuxième temps dépendra à nouveau de la qualité
d’écoute de l’enseignant et de sa bienveillance. « Manifester un intérêt sincère
pour les besoins, les intérêts ou les souhaits de son interlocuteur renforce le
lien avec lui et permet d’appréhender le problème plus en profondeur » (André,
2015, p. 139). Il s’agit donc d’offrir aux parents une écoute attentive dans la
description qu’ils font de la situation en étant convaincus que, de leur point de
vue, ils ont raison ! Sinon, ils diraient autre chose… L’écoute doit donc être res-
pectueuse et l’enseignant évitera tout jugement de valeur sur ce que les parents
lui confient. « Tous les parents ont à cœur le bien et la réussite de leur enfant et
ils font ce qu’ils peuvent dans ce but, avec ce qu’ils sont, avec leur vécu et les
informations dont ils disposent » (Berlioz-Ruffiot, 2016, p. 187).
Un autre danger est de vouloir obtenir des renseignements auprès des
parents sur leur vie familiale intime. Or l’enseignant spécialisé ne peut pas
s’autoriser un questionnement qui dépasse le cadre purement scolaire. Son
champ est « pédagogique ». Il ne possède pas les bons outils pour en labourer
un autre ! La gestion des tâches à domicile peut, par exemple, être abordée
avec les parents, mais l’organisation des loisirs ou les problèmes conjugaux ne
le regardent aucunement. « Il est complètement inutile à un instituteur pour faire
correctement sa classe de savoir si tel de ses élèves fait pipi au lit ou crache
dans son bol le matin avant de venir à l’école » (La Monneraye, in CRFMAIS,
1988, p. 33). Par contre, si les parents parlent spontanément de leurs difficultés
familiales, l’enseignant spécialisé pourra évidemment les écouter, partager son
expérience d’adulte, voire les orienter vers des structures leur permettant de
trouver l’aide dont ils ont besoin.

5.4.3 Troisième temps : s’impliquer


(l’enseignant s’implique dans le projet)

Dans un troisième temps, l’enseignant pourra envisager son implication propre


dans le projet. Le choix des objectifs et des moyens dépendra évidemment de
toutes les informations recueillies lors des deux premiers temps de l’entretien.

— 165 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

L’élaboration du PPI (cf. chapitre 3.3) se situe à ce niveau : informer et s’infor-


mer ont permis d’identifier les ressources et les difficultés de l’élève (première
partie du PPI), il s’agit maintenant d’émettre des hypothèses sur le point nodal
et d’envisager l’implication des différents partenaires (s’impliquer et impliquer).
Comme l’enseignant d’appui a longuement réfléchi à la problématique de l’élève,
il peut proposer une hypothèse aux parents : « Il m’arrive de leur proposer
ma vision de la situation avec beaucoup de précautions, en la présentant non
comme une conviction, mais comme une hypothèse ou un ressenti : “Si vous
êtes d’accord, je vais vous donner mon sentiment sur la situation et vous me
direz ensuite si ça vous semble exact ou non, parce que si je connais l’école,
c’est vous qui connaissez votre enfant” » (Berlioz-Ruffiot, 2016, p. 187). Cette
discussion se déroule lors de la « séance PPI » (chapitre 3.4).
Une modalité de rencontre originale consiste à inviter les parents à assister
à un cours d’appui et à organiser l’entretien qui suit à partir des observations
et questions des parents. C’est une manière très concrète de leur présenter le
travail réalisé avec leur enfant. L’observation, puis l’entretien, permettent de
montrer comment l’enseignant s’implique dans le projet. Elles sont également
l’occasion de valoriser les progrès réalisés. C’est en général l’enfant qui com-
mente les différentes activités menées avec l’enseignant d’appui. Puisqu’il est
l’acteur central du processus d’aide, il doit être capable d’expliquer lui-même les
objectifs poursuivis et les modalités de fonctionnement de l’appui.

5.4.4 Quatrième temps : impliquer


(les parents s’impliquent dans le projet)

Les trois étapes précédentes ont permis de clarifier la situation avec les parents,
d’établir un contexte de collaboration et de préparer leur participation au
projet. Le degré d’implication des parents peut dépendre en grande partie
de la qualité de la relation qui a pu s’établir avec l’enseignant spécialisé lors
des premières phases de l’entretien et de la prise en compte de l’ensemble de
l’écologie familiale.
L’acquisition d’un sentiment de compétence et de confiance en soi chez
les parents est également un prérequis indispensable à un engagement réel.
C’est dire à nouveau toute l’importance, pour faciliter l’implication des parents
(degré 4), que nous devons accorder aux trois premiers temps déjà décrits.
L’enseignant spécialisé doit donc impérativement aborder les « phases d’infor-
mation » (informer et s’informer) avant les phases d’implication (s’impliquer et
impliquer). Il est important de respecter ces deux temps pour éviter la crainte
des parents d’être jugés. Si on leur propose tout de suite de s’impliquer dans
le projet, ils risquent bien de penser qu’ils sont « coupables » puisque c’est à eux
de « réparer » ! L’entretien doit donc être structuré en deux temps : les parents
sont invités à l’entretien pour être mis au courant de ce qui est entrepris pour
aider leur enfant et trouver les solutions à ses difficultés. Une fois informés, les

— 166 —
La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui

parents se prononceront eux-mêmes sur l’opportunité de leur engagement. C’est


rare alors qu’ils refusent de collaborer et de s’engager dans le projet.
Lorsque l’enseignant s’est assuré de l’engagement volontaire des parents,
il peut définir avec eux le degré et le niveau de leur implication dans le projet.
Le PPI fait alors office de contrat entre les enseignants et les parents, puisqu’il
définit les objectifs précis, les moyens à mettre en œuvre, le rôle joué par cha-
cun et la manière d’évaluer les résultats de l’intervention. C’est important que
les parents décident eux-mêmes d’un ou deux objectifs simples, à viser dans le
court terme. L’enseignant ne connaît pas le contexte familial ; seuls donc les
parents sauront choisir la manière dont ils pourront s’impliquer dans le projet.
C’est seulement ainsi que l’enseignant pourra faire « une offre authentique de
collaboration – c’est-à-dire à renoncer totalement à la position de celui qui sait
ce qui est bon pour les autres –, la capacité à accepter que chacun soit maître
de ses actes à l’intérieur de son domaine de compétences : le maître en classe,
les parents et l’enfant à la maison, de même que je suis maître du lieu dans
lequel je travaille » (Berlioz-Ruffiot, 2016, p. 165).
Si ce sont effectivement les parents qui vont décider des modalités de leur
collaboration, l’enseignant peut évidemment les aider à définir leur implication de
manière opérationnelle, c’est-à-dire en fixant un nombre limité d’objectifs précis
et à court terme. « Si les parents ont du mal à se déterminer, je leur propose un
éventail d’objectifs concrets possibles de façon à ce qu’ils puissent en trouver un
qui ait du sens pour eux et leur paraisse adapté à la situation » (Berlioz-Ruffiot,
2016, p. 196). Comme il a déjà été souligné, le degré d’implication des parents
est très variable et dépendra avant tout de leur choix. On peut considérer que
le degré d’implication est faible lorsqu’ils s’efforcent simplement de mieux
comprendre la situation de leur enfant sans s’engager réellement dans un projet
(informer). Par contre, il sera fort lorsque des objectifs précis seront établis et
une stratégie précise d’intervention définie (impliquer).
Certaines fois (heureusement rares), les parents ne désirent même pas
rencontrer les enseignants. Ces derniers veilleront, dans ces cas extrêmes, à
poursuivre le projet dans le cadre unique de l’école : il ne s’agit évidemment pas
de pénaliser une fois de plus un enfant – qui ne bénéficie déjà pas du soutien
familial – en lui refusant toute aide à l’école parce qu’on la lui refuse à la mai-
son ! Comme le relèvent Curonici et Mc Culloch (2010), « le modèle systémique
ouvre à des possibilités de résolution de problèmes scolaires, même graves ou
chroniques, en faisant appel aux ressources du contexte scolaire, avec ou sans la
collaboration avec la famille. […] Un problème scolaire doit être traité à l’école,
quelles que soient les autres mesures extrascolaires envisagées » (p. 372). Quoi
qu’il en soit, la marge de manœuvre des enseignants est importante, même si
leur intervention se limite au contexte scolaire.
Précisons encore qu’il paraît important de définir le rôle des parents comme
complémentaire au nôtre ; il ne s’agit donc pas de les transformer en « ensei-
gnants spécialisés domestiques » en greffant artificiellement à la vie de famille

— 167 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

des séances de rattrapage supplémentaires. Par contre, l’enseignant spécialisé


pourra aider à la clarification du rôle que les parents peuvent jouer dans les
tâches à domicile ou les liens qu’ils peuvent établir entre les apprentissages
scolaires et la vie familiale quotidienne. Il encouragera également les parents
à redécouvrir les qualités de leur enfant à travers des activités de loisir – qui ne
sont pas liées aux matières scolaires – et qui permettent de restaurer une relation
parents-enfant qui ne s’organise pas uniquement autour des difficultés scolaires.
Se pose enfin le problème de l’évaluation de l’efficacité de la collaboration
école / famille. En tant qu’enseignant spécialisé, il n’est évidemment pas envi-
sageable d’évaluer directement l’apport des parents dans la réussite ou l’échec
du projet. L’évaluation comprendra donc deux aspects : tout d’abord, un entre-
tien avec les parents permettra à l’enseignant spécialisé d’évaluer avec eux si
les objectifs fixés ont pu être atteints ; ensuite, l’évaluation des compétences
mêmes de l’élève en classe fournira à l’enseignant spécialisé des indications,
certes indirectes, mais néanmoins précieuses, sur l’efficacité du projet et la
collaboration avec les parents. En conclusion, on peut dire qu’un entretien
avec les parents est réussi si l’enseignant spécialisé a su activer les ressources
du milieu, redonner de l’espoir face aux difficultés de l’enfant et a pu restaurer
la confiance des parents.

5.5. LA COLLABORATION ENSEIGNANT


SPÉCIALISÉ / THÉRAPEUTES
Le dernier volet de la collaboration concerne les thérapeutes qui gravitent autour
du monde scolaire : il s’agit des psychologues scolaires, des logopédistes, des
psychomotriciens, des pédiatres, des pédopsychiatres et de tous les thérapeutes
travaillant dans les Centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP), les Centres
médico-psychologiques (CMP), les Offices de l’Enseignement Spécialisé (OES),
les Offices médico-pédagogiques (OMP) et les Offices éducatifs itinérants (OEI).
C’est également le rôle de l’enseignant spécialisé « de mettre en œuvre un travail
pluridisciplinaire. Il crée un réseau avec les différents intervenants et acteurs
locaux : enseignants spécialisés ou enseignants “ordinaires”, enseignant réfé-
rent, AESH, familles, éducateurs, professionnels de santé, etc. » (Bedoin et al.,
2018, p. 91).
La fonction de chaque thérapeute – et donc son implication dans le projet –
est très différente. L’enseignant d’appui doit donc connaître le rôle de chacun
de manière à pouvoir solliciter l’aide de la bonne personne ou conseiller les
parents en fonction des besoins de l’enfant. Seront donc contactés…
– les psychologues scolaires pour un accompagnement psychologique ;
– les orthophonistes (logopédistes) pour les troubles de la parole et du langage ;
– les psychomotriciens et ergothérapeutes pour les questions touchant au
corps et à la motricité ;

— 168 —
La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui

– les assistants sociaux et les éducateurs lorsque la problématique déborde


de la question purement scolaire ;
– le corps médical (infirmières, pédiatres, pédopsychiatres) lorsque se pose
un problème de santé.
Alors que la collaboration avec le titulaire, l’enfant et les parents est néces-
saire lors de chaque prise en charge par l’enseignant spécialisé, l’intervention
d’un thérapeute reste plutôt exceptionnelle. Parfois, l’enfant signalé en appui est
déjà suivi par un spécialiste avant la prise en charge par l’enseignant spécialisé.
Néanmoins, c’est souvent l’enseignant spécialisé et/ou le titulaire qui proposent
aux parents de contacter un thérapeute pour une aide plus spécifique.
La collaboration avec les thérapeutes peut intervenir à différents moments
du projet pédagogique (PPI). Elle peut aider l’enseignant spécialisé à mieux
comprendre la problématique de l’élève (étape 2 du PPI). Dans d’autres situa-
tions, la prise en charge elle-même relèvera du thérapeute et – non plus – de
l’enseignant spécialisé (étape 4). C’est le cas, par exemple, lorsque les difficultés
de langage sont très importantes (intervention de l’orthophoniste) ou lorsque
l’enfant présente des troubles psychologiques (qui relèvent du psychologue ou
du pédopsychiatre). Quoi qu’il en soit, c’est bien le PPI qui est au cœur de la
collaboration, puisque c’est grâce à cette démarche que sera évaluée la place
de chacun des partenaires – thérapeutes compris – dans le projet.
Parfois, l’aide apportée par le thérapeute est totalement indépendante de
l’aide proposée par l’enseignant spécialisé. Par exemple, on peut imaginer
que le psychologue scolaire travaille avec l’enfant et la famille pour traiter du
problème de l’énurésie et que l’enseignant spécialisé s’occupe de l’élève pour
ses difficultés en mathématiques. Dans ce cas, la famille peut souhaiter que les
enseignants ne soient pas informés de la prise en charge par le thérapeute. C’est
évidemment leur droit. Mais si la problématique de l’enfant a des incidences
sur ses apprentissages, il est indispensable de toujours évaluer la qualité et la
pertinence de la collaboration dans sa dimension pédagogique. Le PPI se situe
alors au cœur du travail en réseau et définit la collaboration entre les différents
partenaires.
Dans d’autres situations, la collaboration avec le thérapeute est indispensable.
Par exemple, si l’enfant souffre de dysphasie, un travail effectué en parallèle
par le logopédiste et les enseignants peut s’avérer nécessaire. L’enseignant
spécialisé veillera cependant à éviter la multiplication des mesures d’aide – qui
peut parfois devenir une entrave au développement de l’enfant. L’exemple de
Nathan (présenté dans le chapitre 6.1) est emblématique du danger d’un « achar-
nement pédagogique ». Comme le relève Vigarié (2014), « la juxtaposition et/ou
superposition de pratiques d’aides peut avoir des effets contre-productifs pour
des élèves peu performants » (p. 34). C’est le PPI – et la focalisation claire sur
une priorité d’intervention (point nodal) – qui permettra d’organiser l’intervention
en fixant le rôle de chacun des partenaires, ce qui évitera les effets délétères de
la juxtaposition ou la superposition – voire l’opposition ! – des pratiques d’aides.

— 169 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

Lorsque l’enseignant spécialisé met en évidence des difficultés globales qui


participent de problématiques autres que psycho-pédagogiques, il a le devoir de
contacter le thérapeute qui lui proposera alors des solutions adaptées. « Lorsque
l’adulte ressource comprend que la situation ne relève pas de sa compétence,
il doit envisager de passer le relais aux intervenants spécialisés. Il se doit donc
de connaître quelque peu le rôle et le fonctionnement de chacun de ces inter-
venants spécialisés » (Catheline et al., 2019, p. 60). L’enseignant spécialisé
devra donc bien connaître les limites du domaine dans lequel il peut intervenir,
connaître le champ d’intervention des domaines connexes et ne pas hésiter à
solliciter les conseils des thérapeutes en cas de doute.
Constatons enfin que des difficultés de collaboration se présentent parfois
parce que les enseignants ont des attentes magiques quant à l’intervention des
thérapeutes. Or le « spécialiste » est d’abord compétent dans sa « spécialité ».
Les enseignants – et en particulier les enseignants spécialisés – ne doivent
pas attendre une aide de type pédagogique d’un professionnel qui est moins
compétent qu’eux dans ce domaine. La clarification des attentes est ici indis-
pensable. Le thérapeute devrait d’ailleurs préciser lui-même les limites de ses
compétences et ne pas laisser croire aux enseignants qu’il peut proposer des
solutions qui relèvent de la pédagogie. À ce propos, l’enseignant spécialisé peut
veiller à favoriser une collaboration où la définition des rôles de chacun soit
claire pour tous les partenaires.
L’attente est parfois « magique » non seulement dans les attentes exagérées
de l’intervention du thérapeute, mais également dans la pose d’un diagnostic
sensément expliquer, à lui seul, les difficultés de l’enfant et les solutions à y appor-
ter. « Le spécialiste doit présenter dans son rapport les forces et les faiblesses
de celui-ci avant d’en arriver à poser un diagnostic. En effet, si votre enfant
éprouve des difficultés en lecture, en quoi le fait de savoir qu’il est “dyslexique”
ou qu’il présente un “trouble de la lecture” peut-il vous aider ? » (Pohlman, 2011,
p. 127). Comme nous l’avons déjà souligné, la problématique de l’enfant ne se
résume jamais au diagnostic posé par le thérapeute.

5.6. FAUT-IL TOUJOURS COLLABORER ?


L’injonction à collaborer semble faire l’unanimité. Au risque de paraître icono-
claste, nous pensons que les enseignants ne doivent collaborer – ou en tout cas
coopérer – que lorsque c’est nécessaire ! Ce truisme contredit la demande, pré-
sente dans tous les documents officiels, qu’il faut à tout prix, partout et toujours
collaborer. Or « des études ont montré que la collaboration n’est pas une valeur en
soi, mais qu’elle doit simplement obéir au désir de mieux travailler. Ainsi s’atteler
à penser ensemble des pratiques pédagogiques pour mieux résoudre certaines
postures d’élèves face à leur travail devrait permettre de poser différemment la
dynamique de l’aide dans une optique “utilitariste et sélective” et non plus dans
une image “idéalisée et normative” » (Brisset et al., 2009, p. 81).

— 170 —
La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui

Nous pensons en effet que la collaboration n’a pas de vertus en soi, mais
qu’elle dépend du projet et des objectifs fixés. L’implication des différents par-
tenaires dépend donc de la problématique définie lors de la rédaction du PPI. Ici
également, aucune règle n’est à définir a priori : la collaboration avec d’autres
partenaires peut être centrale dans le projet, comme tout à fait secondaire,
selon l’hypothèse émise et le choix du point nodal. Nous pourrions donc dire
que la collaboration peut se situer sur un continuum (cf. figure 11) qui va d’un
projet qui a pour acteur principal – voire unique – le sujet (qui peut être l’élève,
l’enseignant, le parent, etc.), à une approche de la problématique qui vise d’abord
à modifier les interactions entre les membres du système.

Figure 11 – Continuum de collaboration entre le sujet et les autres partenaires

Le sujet Les
Le sujet Le sujet Les
seul partenaires
+ + partenaires Les
Le sujet + seuls
Les Les + partenaires
seul Les +
partenaires partenaires : Le sujet seuls
partenaires Le sujet
impliqués coresponsables impliqué
informés informé

À l’école, les projets où seul l’élève (le « sujet » dans la figure 11) est impliqué
concernent, par exemple, les difficultés stratégiques : s’il a des difficultés à lire
et comprendre des consignes, un travail individuel avec un enseignant d’appui
peut apporter une aide suffisante à l’enfant ; la collaboration avec d’autres
partenaires n’est donc pas déterminante dans cette situation. Dans ce cas, « le
sujet seul » est impliqué dans le projet, les autres partenaires étant uniquement
« informés » des objectifs poursuivis avec l’élève.
Par contre, lorsque l’élève pose des problèmes de comportement, il est
possible, voire probable, que son attitude soit conditionnée par l’environnement
dans lequel il se trouve. Seule alors une approche systémique de la difficulté, qui
impliquera probablement toute la classe, peut apporter des améliorations à la
situation. La collaboration avec tous les partenaires concernés par les difficultés
de comportement de l’élève devient alors indispensable à la réussite du projet.

— 171 —
CHAPITRE

Évaluation de l’appui
6
comme mesure de promotion
de la réussite scolaire

Dans les chapitres précédents, nous avons vu quelles devaient être les conditions
favorables à une approche cohérente de l’appui pédagogique. Nous avons ainsi
défini les modalités de l’intervention de l’enseignant spécialisé, la démarche de
projet pédagogique (PPI) et la place de la collaboration des différents partenaires.
Dans le présent chapitre, nous allons nous poser la question de l’efficacité
de l’appui pédagogique intégré : cette mesure constitue-t-elle réellement une
approche valable dans la lutte contre l’échec scolaire et la promotion d’une
école de la réussite ?
Lorsque nous avons demandé, un jour, à un élève s’il savait ce qu’était
« l’appui », il nous a répondu que l’appui, « c’était quand il ne faisait pas beau
temps ». Nous avons trouvé sa réponse amusante et pertinente : « l’appui »,
c’est un peu « la pluie » dans la scolarité de l’enfant. S’il faisait toujours beau
dans son parcours scolaire, l’appui ne serait qu’une ondée rafraîchissante que
le titulaire proposerait exceptionnellement lors de canicules cognitives. Quant
à l’enseignant spécialisé, il coulerait des jours heureux à l’ombre des cocotiers
et des ouvrages d’orthopédagogie ! Malheureusement, il pleut encore souvent
dans la tête des enfants en difficulté scolaire et l’orage gronde trop régulièrement
dans le ciel de l’école. L’enseignant spécialisé – lorsqu’il refuse l’usage inutile
du rattrapage – est contraint de chasser les nuages. Réussit-il toujours dans son
entreprise ? « L’appui » permet-il d’arrêter « la pluie » ? Quelles sont les critiques
de cette mesure ?
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

Ce chapitre sera consacré à donner des réponses à ces questions, en


appuyant la réflexion sur des recherches qui ont tenté d’évaluer l’efficacité de
la mesure d’appui.

6.1. LES PARADOXES


Dans cette seconde partie du livre, nous avons tenté de montrer quel est le rôle de
l’enseignant spécialisé dans l’institution scolaire. Nous avons également souligné
les ressources et les avantages potentiels de l’appui. Il nous semble nécessaire,
dans ce chapitre, de montrer pourquoi la situation de l’enseignant spécialisé est
souvent difficile, voire parfois paradoxale. En prenant conscience des tensions
dans lesquelles il est plongé, l’enseignant spécialisé pourra probablement les
assumer plus facilement.

6.1.1 Enseignant spécialisé ou G.O.?


Comme nous l’avons vu plus haut, l’appui pédagogique peut être défini comme
une aide aux élèves en difficulté qui fréquentent l’école ordinaire. Cette définition
permet d’emblée de comprendre le rôle de l’enseignant spécialisé dans l’école et
d’éviter ainsi d’entrer dans des modes de fonctionnement qui s’éloigneraient de
sa mission première. En effet, dans certaines écoles, l’enseignant spécialisé s’est
transformé progressivement en animateur de centre ou en « gentil organisateur »
de réflexion pédagogique. Dans d’autres, il gère les travaux de groupe dans les
classes, déchargeant ainsi l’enseignant de certaines tâches. Parfois, il organise
la fête de Noël pour le centre scolaire, en intégrant les élèves en difficulté dont
il a la charge – ce qui le rassure sur les fonctions qu’il devrait assumer. C’est
évidemment une magnifique expérience pour tous, mais les bénéfices sont-ils
réels dans la lutte contre l’échec scolaire ?
Il ne s’agit pas de refuser le rôle important que peut jouer l’enseignant spé-
cialisé dans les projets d’établissement. Il est par contre nécessaire que celui-ci
vérifie qu’il ne s’éloigne jamais de sa préoccupation première : l’aide aux élèves
en difficulté et la promotion d’une école de la réussite.
Les concepts d’appui « global » et « spécifique » ont été clarifiés plus haut.
Néanmoins, la notion « d’appui global » s’entoure de la brume épaisse des notions
floues et des concepts confortables. Souvent, « l’appui global » risque en effet
de devenir le refuge doré de l’enseignant spécialisé, aire haut placée dans les
airs de la noosphère ortho-psycho-pédagogique : « Moi, monsieur, je vise des
objectifs de mieux-être, de mieux-vivre, de mieux-assumer, de mieux-cognitiver. »
Et tant pis si Julien ne lit toujours pas : il mieux-assume ! Soyons clair : si Julien
est signalé pour des difficultés de lecture, l’objectif de l’enseignant spécialisé est
qu’il apprenne à lire mieux. Il s’agit à nouveau de clarifier les buts et les moyens.
Si par la pleine conscience ou la sophrologie, Julien apprend à lire, tant mieux.
Mais le danger est manifeste que les moyens deviennent une finalité.

— 174 —
Évaluation de l’appui…

La première année où nous enseignions en appui, un enseignant régulier


nous a signalé un élève pour des difficultés mathématiques en précisant que
s’il nous le « confiait », ce n’était pas « pour qu’il s’allonge sur une couverture
et qu’il apprenne à respirer » ! La remarque nous avait fait sourire, alors. Nous
avons mieux compris par la suite qu’il faisait allusion à une approche (trop)
globale. Nous lui avons assuré que non, chez nous, l’élève ne se coucherait
sur une couverture que si nous avions la conviction que l’apprentissage d’une
respiration maîtrisée lui permettait de mieux maîtriser l’addition en colonnes !
C’est également le cas de Quentin qui relève, de manière lucide, que l’approche
dont il a « bénéficié » n’a pas été vraiment… bénéfique : « J’ai eu droit à des
cours au CMPP (Centre médico-psycho-pédagogique) pour essayer de rattraper.
Mais nous y faisions de la pâte à modeler… cela n’a servi à rien ! » (rapporté
par Chupin, 2013, p. 26).
Cette difficulté doit être soulignée car, lors de la mise en place de l’appui
pédagogique, la crainte était réelle de voir l’aide apportée à l’enfant se tra-
vestir en aide éducative, psychologique ou en rattrapage scolaire : pour éviter
de se fourvoyer dans une pédagogie compensatoire, l’enseignant spécialisé
s’entourait alors d’un dispositif pédagogique impressionnant (je passais alors
mes après-midi de congé dans les magasins de jeux) et s’inscrivait à tous les
cours parapédagogiques : édukinésiologie, PNL, Analyse Transactionnelle,
sophrologie, yoga, etc. Travailler sur une fiche scolaire relevait alors du crime
de lèse-orthopédagogie. Avec ces approches psychologisantes, le risque est
de proposer à l’élève « des prises en charge déconnectées des classes, coupant
davantage les élèves en difficulté des apprentissages qui s’y déroulent, et dont
l’efficacité sur les trajectoires scolaires n’est pas démontrée. […] La remédiation
ne peut donc être pensée indépendamment de la classe, au risque d’inefficacité
et d’inefficience » (Feuilladieu et Tambone, 2014, p. 163).
Le paradoxe qui guette l’enseignant spécialisé se résume donc à la question
suivante : comment aider l’élève à « rattraper » son retard sans tomber dans le
« rattrapage »1 ? Lors de la phase d’évaluation diagnostique, l’enseignant spécialisé
doit envisager toutes les hypothèses et effectuer une approche globale de la
problématique, c’est évident. Par contre, lorsqu’il focalise son intervention sur
l’aspect qu’il considère comme prioritaire (le point nodal), l’enseignant spécialisé
doit se concentrer sur un objectif spécifique qui doit permettre, à terme, de
mieux apprendre.
Gillig (2006) craint également « un glissement des pratiques vers des concep-
tions plus thérapeutiques que pédagogiques (p. 101) ». Il se demande « ce qu’un
maître chargé de l’aide à dominante pédagogique peut s’autoriser à faire, si
systématiquement on lui interdit de travailler sur les registres de la compensa-
tion et du comblement des lacunes. Le maître en classe ou en regroupement
d’adaptation ne fait pas que cela, mais il le fait quand il y a nécessité. S’il ne se

1 Ou peut-être faudrait-il considérer que cet élève n’est pas en retard, mais tout simplement à son
heure ! Mais probablement que ces questions d’horaire sont-elles typiquement helvétiques…

— 175 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

sent pas capable de le faire, assurément il s’est trompé de voie et de vocation,


ou bien a été trompé par les chants des sirènes d’un certain courant de pensée
dévalorisant la pédagogie » (ibid., p. 100).
Si l’élève est en échec, s’il est malheureux en classe, c’est d’abord parce qu’il
n’est pas capable de s’engager dans son métier d’élève – qui consiste avant tout
à apprendre. Le rôle de l’enseignant spécialisé est par conséquent « d’amener le
sujet de l’état d’enfant au statut d’élève » (ibid., p. 103). L’enseignant spécialisé
se définit d’abord comme un spécialiste de l’apprentissage et des conditions
favorables à l’apprentissage. Il s’agit donc de recentrer l’activité de l’enseignant
d’appui sur les contenus scolaires (Toullec-Théry et Marlot, 2013). Autrement
dit, lorsque l’enseignant travaillera avec l’élève sur sa motivation, sa confiance
en soi ou son rapport au savoir, il le fera sur un support scolaire. Ainsi, on ne
travaillera pas sur la motivation de l’enfant de manière éthérée, mais sur la
motivation de Julien dans la réalisation de son devoir du lundi soir. De même,
ce n’est pas l’estime de soi qui sera travaillée, mais la manière dont l’élève
aborde avec confiance les mathématiques parce qu’il maîtrise la résolution des
problèmes et qu’il connaît une stratégie efficace.
Ce qui est inquiétant, c’est que certains enseignants réguliers pensent que
« la spécificité du rééducateur et de la rééducation justifient l’absence de lien
entre le travail de rééducation et celui de la classe » (Dorison, 2006, p. 72).
Et, pis encore, « les maîtres des classes ignorent le plus souvent ce que font leurs
élèves pendant ces séances et certains rééducateurs vont jusqu’à revendiquer le
secret sur le travail mené avec les élèves » (ibid.). Or les processus mentaux de
l’enfant ne s’exercent jamais dans une vacuité temporelle ou spatiale. L’enfant
utilise sa mémoire, élabore son raisonnement, anticipe la tâche, réfléchit, etc.
sur un objet précis d’apprentissage. Exercer la mémoire ou les capacités d’abs-
traction pour elles-mêmes, c’est pédaler dans le yogourt : ça fatigue, mais ça
n’avance pas ! C’est pourquoi les processus mentaux doivent s’exercer sur les
supports mêmes de la classe. L’enseignant spécialisé exercera donc les stra-
tégies mnémoniques sur la leçon d’histoire du jour. Il aidera l’enfant à adopter
une stratégie de résolution de problème à partir des exercices du manuel de
classe. Il développera la concentration de l’enfant sur sa fiche de grammaire.
Il renforcera la motivation de l’élève dans l’apprentissage de la lecture et sa
concentration dans des tâches scolaires.
Se pose évidemment ici toute la question du transfert des compétences de
l’élève de la salle d’appui à la salle de classe. Les stratégies qui sont considérées
par l’enseignant comme générales sont apprises de façon très contextualisée
par l’élève. En réalité, toutes les activités qui visent à développer chez l’élève
ses capacités d’apprentissage doivent s’exercer sur des supports scolaires et en
lien avec le programme, et non pas sur des moyens artificiels qui seraient alors
pour lui dénués de sens. Nous insistons donc, ici, sur la nécessité de travailler
sur le matériel scolaire. Les élèves en difficulté ont de la peine avec le transfert
et la généralisation. Il s’agit donc d’utiliser en appui le même matériel que celui
utilisé en classe et d’aider l’élève à investir ce matériel plutôt que de l’engager

— 176 —
Évaluation de l’appui…

dans des tâches – en soi plus ludiques et motivantes – éloignées du contenu


scolaire et des objectifs poursuivis en classe.
Les recherches ayant étudié la question du transfert et de la généralisation
des apprentissages le montrent : le travail effectué avec l’enfant en appui sur le
même matériel que celui utilisé en classe permet un meilleur réinvestissement
des compétences développées en appui individuel dans le contexte de la salle
de classe. Il existe en effet une solidarité entre les stratégies d’apprentissage
et les domaines auxquels elles s’appliquent. Dès lors, la remédiation est plus
efficace si elle porte directement sur les disciplines scolaires que l’on cherche
à améliorer. Les modèles d’intervention privilégiés actuellement proposent de
travailler les compétences cognitives à partir de tâches bien délimitées et bien
identifiées par l’élève. Dans les modèles plus ambitieux – visant par exemple
à une modification des structures mêmes de l’intelligence – le transfert des
compétences développées se fait difficilement.
En résumé, on peut dire que, même si l’approche est globale, le souci de
l’enseignant spécialisé est toujours d’aider très concrètement l’enfant dans son
« métier d’élève » qui consiste à apprendre des notions scolaires. L’objectif est
donc d’abord de permettre à l’enfant de réussir en classe. Le fait de considérer
l’enfant dans sa globalité ne doit pas se faire au détriment de l’importance à
accorder aux apprentissages réalisés en classe.

6.1.2 L’acharnement pédagogique

L’appui pédagogique intégré n’échappe pas aux difficultés liées à toutes les pro-
fessions basées sur la relation d’aide. Le « paradoxe de l’aide » guette en particulier
l’enseignant spécialisé : plus il aide l’enfant, moins celui-ci peut mobiliser ses
propres ressources et plus l’enseignant spécialisé se sent impuissant. Or « le but
de tout accompagnement n’est-il pas de favoriser l’autonomie des accompagnés
et, paradoxalement, de disparaître ? » (Charlier et Biémar, 2012, p. 157). Plus
l’aide de l’enseignant est importante et plus l’attitude passive et dépendante de
l’élève s’exacerbe. Les besoins manifestés par ce dernier semblent proportion-
nels à l’étayage que propose l’adulte. Comment en effet l’enfant pourrait-il se
sentir compétent alors qu’il a tellement besoin d’aide ? (Curonici et Mc Culloch,
2008). C’est comme si on proposait à l’enfant de marcher avec des béquilles
pendant des mois et qu’on s’étonnait de constater qu’il ne sait plus faire un pas
tout seul… « Un étayage trop marqué par la présence active de l’encadrant au
côté du tutoré lors de la réalisation de sa tâche peut maintenir l’élève dans une
situation de dépendance dans son rapport à l’apprendre et aux savoirs et aller
à l’encontre du processus d’autonomisation visé » (Lescouarch, 2014, p. 136).
Ce type de problématique est très difficile à gérer pour l’enseignant spé-
cialisé. La solution est probablement de recadrer la situation (cf. chapitre 3.3)
et de sortir du « plus de la même chose » (Watzlawick et al., 1981). L’enfant
a tellement besoin d’aide que seul l’arrêt de la mesure est encore possible !

— 177 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

La difficulté réside dans le fait que l’enseignant spécialisé doit dès lors informer
le titulaire, les parents et l’enfant que la mesure d’appui s’arrête, alors même
que les résultats de l’enfant sont de plus en plus catastrophiques.
De plus, les messages que s’échangent l’adulte et l’enfant sont souvent
contradictoires. D’une part, le maintien de l’élève en appui l’informe implicite-
ment que ses difficultés persistent : « Les messages vont dans le sens de maintenir
une relation de dépendance. L’adulte communique à l’enfant que ce dernier
n’est pas compétent pour effectuer telle catégorie de tâches ; l’enfant commu-
nique parallèlement à l’adulte qu’il a besoin de son appui sans quoi il pourra se
retrouver en position d’échec » (Évéquoz, 1986, p. 39). D’autre part, la tâche de
l’enseignant spécialisé est de montrer à l’enfant qu’il est compétent, de le mettre
en situation de réussite, de l’encourager, de tenter de restaurer sa confiance en
lui et de développer son sentiment de contrôlabilité. Evéquoz (1986) parle à ce
propos de « messages qui favorisent une relation d’indépendance. Ici l’enfant
recevra des messages qui le confirment comme compétent pour effectuer avec
succès et sans appui certaines tâches » (ibid.).
Par conséquent, le travail de l’enseignant spécialisé gagnera en efficacité si
les objectifs sont bien définis et si la prise en charge est limitée dans le temps.
Les prises en charge « au long cours » sont rarement profitables. Il est toujours
souhaitable d’interrompre, au moins provisoirement, une prise en charge et de
se laisser le temps d’évaluer la situation avant un nouvel appui. Le fait de limiter
la durée du suivi présente trois avantages (Berlioz-Ruffiot, 2016) :
– « En premier lieu, il rassure les parents, qui comprennent que l’engagement
qu’ils s’apprêtent à prendre sera de courte durée.
– En second lieu, il est suffisant pour obtenir un changement si l’objectif
a été bien choisi.
– Pour finir, si l’objectif n’a pas été bien choisi, il constitue un intervalle
suffisant pour faire un constat d’échec » (p. 211). C’est donc le moment
d’envisager une autre forme d’aide.
La situation suivante permettra probablement de comprendre pourquoi,
parfois, la meilleure façon d’aider est d’arrêter l’aide, ce qui évite de tomber
dans des situations d’« acharnement pédagogique ».

Nathan se trouve en 6P lorsque son enseignante le signale en appui pour des dif-
ficultés en lecture et en maths. Son attitude face à la tâche est souvent impulsive
et ses résultats très irréguliers. Des difficultés de concentration se manifestent
également en classe.
L’évaluation formative de départ, effectuée en appui pédagogique individuel,
confirme les difficultés en mathématiques (numération et opérations) et souligne
les difficultés de lecture – principalement dans l’exercice d’étude de texte. Elle
permet également de mieux comprendre les difficultés de concentration signalées
par la titulaire : en réalité, Nathan peut rester concentré très longtemps sur une
tâche qui l’intéresse.

— 178 —
Évaluation de l’appui…

L’enseignant d’appui propose à l’enseignante régulière une prise en charge


individuelle en appui où seront travaillées la construction du nombre (valeur de
position et base 10) et une procédure efficace de réalisation des études de texte.
À la fin de la sixième primaire, les résultats sont décevants : Nathan a progressé
très légèrement en maths, mais ses résultats globaux sont faibles. Son attitude
face au travail est toujours négative ; souvent en classe, il ne réalise pas les tâches
demandées ou travaille très lentement.
En début de septième, l’enseignant spécialisé propose à la nouvelle titulaire
de poursuivre l’appui. Il effectue à nouveau une évaluation globale et revoit
la mère de Nathan qui lui apporte des informations intéressantes : pendant
l’été, la famille a consulté un centre « spécialisé dans le traitement de l’échec
scolaire » et a inscrit Nathan pour des cours privés qui se poursuivront pendant
l’année scolaire. La mère de Nathan souhaite la poursuite de l’appui et demande
également aux enseignants quelle aide les parents peuvent apporter à l’enfant.
Après 3 mois d’appui, l’enseignant spécialisé rencontre à nouveau la titulaire
qui l’informe des difficultés persistantes de Nathan. De plus, l’attitude de
l’élève est détestable : il refuse de s’engager dans son travail et perturbe le
déroulement de la classe. L’enseignant spécialisé propose alors de revoir les
parents et de recadrer la situation : Nathan ne s’investit pas dans son travail
parce que les adultes qui s’occupent de lui portent ses difficultés à sa place.
L’élève est en effet suivi (poursuivi ?) par ses parents, le psychologue du centre
spécialisé, l’enseignante privée, la titulaire de classe, l’enseignant spécialisé
et parfois même son parrain.
Pour la titulaire et l’enseignant spécialisé, le remède est maintenant pire que
le mal. Les enseignants encouragent alors les parents à renoncer à toutes les
mesures prises et à encourager Nathan à assumer tout seul ses échecs… et ses
réussites ! L’enfant doit en effet comprendre qu’il est responsable de son travail
scolaire et que, dorénavant, les adultes refuseront de porter à sa place ses diffi-
cultés scolaires. Suite à cette rencontre, l’enseignant spécialisé informe l’élève
de la raison pour laquelle le cours d’appui s’interrompt.
Après un mois, l’enseignant spécialisé rencontre à nouveau la titulaire qui
l’informe alors que Nathan a beaucoup progressé dans son attitude et confirme
que le recadrage était pertinent. Nathan se présente même parfois spontané-
ment, avant les heures de classe, pour rattraper son travail en retard. De plus,
la mère a informé la titulaire que Nathan se prend également en charge pour
ses tâches à domicile.
En fin de septième, Nathan est promu : ses notes en maths sont toujours faibles,
mais ses résultats en français sont bien meilleurs.

Cet exemple permet de comprendre comment, en voulant apporter toujours


plus d’aide – toujours plus de la même chose – on ne laisse plus l’enfant s’investir
dans son travail. En renonçant à toutes les mesures d’aide, les enseignants ont
pu montrer à Nathan que son destin scolaire était entre ses mains et que nous
le savions compétent pour assumer seul ses apprentissages.

— 179 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

6.1.3 Adapter le système / adapter l’élève

Une autre question intéressante tourne autour du possible et du souhaitable :


peut-on réellement adapter le système scolaire pour qu’il fonctionne de façon à
accueillir tous les enfants, quelles que soient leurs difficultés, voire leur handicap,
ou doit-on se contenter d’aider l’enfant à s’adapter à un système qui n’est pas,
a priori, prévu pour lui ? Comme le relève Gillig (2006), « la différence entre
un enseignement d’adaptation qui fut celui des années soixante-dix et un ensei-
gnement adapté est de taille. Le premier vise à adapter et réadapter l’élève au
système, sans que ce dernier subisse une remise en question du modèle préétabli.
Le second vise à adapter l’enseignement ordinaire au niveau des potentialités
de l’élève, donc en portant des retouches au modèle » (p. 68).
Comme nous l’avons déjà souligné, l’objectif général de l’appui est d’intro-
duire au sein de la classe ordinaire une pédagogie permettant à l’enseignant
titulaire de s’occuper de tous les élèves par le développement de la différenciation.
Autrement dit, l’enseignant spécialisé doit œuvrer à adapter le système scolaire.
Les trois niveaux d’intervention présentés dans la première partie de cet ouvrage
concernent notamment les fonctionnements pédagogiques et institutionnels.
Or, si l’intention est louable et généreuse, elle pose au quotidien des questions
difficiles. Trois petits exemples :

1. Alice est une élève de septième primaire qui vient en appui individuel pour
apprendre à mieux gérer ses tâches à domicile. L’enseignant spécialisé travaille
avec elle sur une méthode lui permettant de mieux apprendre ses leçons. Il lui
demande donc de prendre en appui le matériel nécessaire à la réalisation de
ses tâches.
Un jour, Alice présente à l’enseignant spécialisé une leçon d’histoire où elle doit
étudier un texte décrivant les rues de Paris à la fin du XIVe siècle. Un autre jour,
le thème concerne l’extension de la Ville de Sion au Moyen Âge. La troisième
leçon – et c’est celle-là qui fut fatale à l’enseignant spécialisé ! – exige une mémo-
risation de tous les impôts et redevances existant au Moyen Âge.
En tant qu’enseignant, nous trouvons ces tâches terriblement difficiles – le
vocabulaire utilisé dans l’ouvrage d’histoire est très ardu – et l’intérêt quasi nul :
l’enseignant spécialisé doit-il, par conséquent, fomenter un complot visant le
Dépôt du matériel scolaire et organiser l’autodafé des ouvrages d’histoire de
septième primaire ou, pragmatique et résigné, se contente-t-il d’aider Alice à
jongler avec la dîme, le sens (le sens ?) et le champart ?

L’exemple qui va suivre montre également pourquoi l’enseignant spécialisé


doit souvent aider l’élève à s’adapter au fonctionnement de l’école et doit différer
le changement des pratiques – si ce n’est carrément y renoncer.

2. Chloé est en appui pédagogique pour des difficultés d’orthographe. Comme


elle ne sait pas préparer correctement ses dictées à la maison, l’enseignant spé-
cialisé lui conseille une procédure consistant à repérer dans le texte les difficultés
grammaticales et à évoquer visuellement les mots difficiles.

— 180 —
Évaluation de l’appui…

Un jour, Chloé annonce à l’enseignant spécialisé que, dorénavant, la maîtresse


a décidé de ne faire que des dictées non préparées. Les élèves sont, selon elle,
assez grands maintenant pour réaliser ce type d’exercices.
Comme l’enseignant spécialisé maîtrise parfaitement la respiration yogique et
pratique souvent l’exercice « d’imitation de la tortue » – rappelons-nous tous les
cours qu’il a suivis –, il peut répondre calmement à l’élève que, soit, dorénavant
on s’entraînera en appui à l’exercice de dictée lui-même ! L’autre possibilité eût
été de démontrer à l’enseignante que, probablement, elle venait de choisir un
très mauvais moyen pour apprendre l’orthographe à ses élèves…

Un dernier exemple permettra de questionner le contenu des plans d’étude


et le projet global poursuivi à l’école. La question qui se pose à ce propos est la
pertinence des objectifs travaillés en classe : les apprentissages réalisés sont-ils
réellement utiles dans la vie de tous les jours ? Sont-ils uniquement déterminants
pour la réussite ou l’échec scolaire ? La maîtrise parfaite de la rotation, en
géométrie, sera-t-elle utile – ne serait-ce qu’une seule fois – lorsque l’élève aura
terminé sa scolarité ? En bref, les apprentissages réalisés favorisent-ils, in fine,
le bonheur de nos élèves ?

3. Inès est signalée en appui par la titulaire de sixième primaire pour des difficul-
tés en mathématiques et en composition. En termes de « projet global », le travail
en composition semble prioritaire : plus tard, lorsqu’elle sera adulte, Inès devra
évidemment être capable de rédiger une lettre, d’écrire un courriel, d’utiliser
un traitement de texte, etc.
Dans l’immédiat, Inès est en difficulté scolaire et, au vu de ses résultats actuels, elle
ne sera pas promue en septième. Est-ce que l’enseignant spécialisé va choisir de
poursuivre en priorité l’objectif général de composition ou va-t-il se concentrer sur le
« repérage des axes de symétrie d’une figure plane » ou « la découverte du lien entre
un solide et son développement » ? (dont on ne voit pas l’apport déterminant dans
une perspective de projet global). Si l’enseignant spécialisé choisit pourtant cette
deuxième solution, il permettra certainement à Inès d’améliorer ses résultats en
maths et sa moyenne générale. Il favorisera ainsi sa promotion en septième primaire.
Pragmatique, l’enseignant spécialisé a choisi finalement la deuxième solution…

Comme on peut le constater dans ces exemples, le choix n’est pas toujours
évident entre l’adaptation du système à l’enfant et l’adaptation de l’enfant au
système. De plus, seule la problématique des objectifs scolaires a été abordée
ici. Or il faudrait également parler du développement de l’autonomie, de la
responsabilité, de la confiance en soi, de la capacité de collaborer, etc. qui, si
l’on réfléchit en termes de projet global, paraît infiniment plus important que la
maîtrise du « groupe prépositionnel complément de phrase » ou de l’orthographe
des adjectifs de couleur. Il est en effet troublant de constater que, pour réussir
dans la vie, il faut des compétences relativement peu travaillées en classe.
Il est clair – comme nous l’avons déjà souligné plusieurs fois – que l’ensei-
gnant spécialisé ne doit pas négliger le rôle qu’il peut jouer dans le question-
nement des pratiques et du projet global poursuivi par l’institution scolaire.

— 181 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

Mais, dans le quotidien de son travail, il doit souvent apporter une réponse immé-
diate à la détresse de l’enfant. C’est d’ailleurs probablement dans les réponses
qu’il apporte quotidiennement aux difficultés des enfants que l’enseignant spé-
cialisé peut questionner le système : les interrogations autour des difficultés de
mémorisation d’Alice ou des problèmes d’orthographe de Chloé permettront
peut-être à l’enseignant spécialisé et au titulaire de reconsidérer le projet glo-
bal de l’apprentissage de l’histoire et de l’orthographe à l’école primaire. Un
premier (petit) pas vers le questionnement de l’institution vient d’être franchi.
Un grand pas pour l’enseignant en question, mais un petit pas pour l’école…
On peut donc relever que la question « adapter le système ou adapter l’élève ? »
trouve sa réponse dans l’articulation objectif général / objectif spécifique : par
l’aide individuelle et différenciée d’une part (objectif spécifique) et par le travail
de collaboration avec les titulaires d’autre part, la structure d’appui permet de
dynamiser le fonctionnement de l’école en général et de modifier l’attitude des
enseignants face à la différence (objectif général).

6.1.4 Exclure pour intégrer

L’appui pédagogique est dit « intégré », c’est-à-dire inscrit dans la structure régu-
lière de l’école ; la salle de l’enseignant spécialisé se trouve, en général, dans le
même bâtiment scolaire que les autres classes. Mais l’élève en difficulté quitte sa
classe pour rejoindre l’enseignant spécialisé dans sa salle et vit une expérience
d’exclusion à l’intérieur du système. « Ces mesures reposent sur un paradoxe
qui consiste à vouloir mieux intégrer sur le plan scolaire tout en l’excluant »
(Doudin et Lafortune, 2006, p. 65). Voilà donc une mesure qui s’autoproclame
« intégrée » et qui, dans les faits, tend à favoriser la marginalisation de l’enfant
en difficulté. Ces différentes mesures d’aide reposent donc sur un paradoxe :
favoriser l’intégration scolaire de l’enfant en difficulté en organisant son fonc-
tionnement sur une logique d’exclusion de la classe – qui peut être momentanée
dans le cas de l’appui ou définitive dans le cas du redoublement.
Si l’enseignant spécialisé travaille dans la salle de classe en duo pédagogique
ou en co-enseignement, le risque est également présent de stigmatiser l’enfant
en difficulté. Le sentiment d’exclusion peut se vivre à l’intérieur même de la
classe. Les études ont montré en effet que le statut sociométrique des élèves en
difficulté est inférieur à celui des élèves qui réussissent normalement.
Comme nous le voyons ici, la question du lieu de travail de l’enseignant
spécialisé est importante, mais ne trouve pas de réponse définitive : l’enseignant
spécialisé doit-il travailler avec l’élève en individuel ou en petit groupe dans son
local d’appui ou doit-il intervenir dans la salle de classe ? En réalité, le choix doit
se faire en fonction de nombreux paramètres, en priorité le bien de l’enfant, mais
également la qualité de la relation avec le titulaire, le mode de fonctionnement
de la classe, le moment de la prise en charge (évaluation, remédiation), les autres
élèves de la classe, le fonctionnement général de l’établissement scolaire, etc.

— 182 —
Évaluation de l’appui…

Un travail en classe avec un titulaire opposé à la démarche n’est évidemment


pas souhaitable. Une aide individuelle en salle d’appui pour un élève qui montre
des troubles du comportement est également insatisfaisante. D’une manière
générale, le travail individuel semble préférable lors de la phase d’évaluation
diagnostique globale (cf. chapitre 3.2). En fonction des objectifs définis par la
suite, un travail en classe est parfois indispensable. Dans les situations où il est
préférable de sortir de la classe, le choix du moment revient prioritairement à
l’enseignant régulier. C’est lui en effet qui connaitra la modalité qui perturbera
le moins les apprentissages de l’élève.
Certains auteurs s’opposent au travail de l’enseignant spécialisé dans la
classe. La Monneraye (2005), notamment, pense même qu’il faut refuser la pro-
position du titulaire, si celui-ci invite l’enseignant spécialisé à observer l’élève
dans la classe : « Il y a un interdit, me semble-t-il, pour le rééducateur à aller
observer l’élève dans la classe, qui est le pendant de l’interdit, pour le maître
comme pour les parents, d’aller en salle de rééducation pendant les séances. Que
dirait-on d’un thérapeute qui irait observer l’enfant chez lui dans sa famille ? Il ne
suffit pas d’être trois pour qu’il y ait vie sociale, au sens humain du terme. Il faut
que ces trois personnes ne soient pas perpétuellement ensemble. La relation
triangulaire ne commence que lorsqu’une personne peut parler de ce qu’elle a
vécu avec une autre qui n’est plus là à une troisième qui n’a pas vécu la même
chose parce qu’elle n’était pas là » (p. 117).
Il est également intéressant de connaître l’avis des enfants sur ce sujet.
Des études ont montré que les élèves qui profitent de l’appui à l’extérieur de
la classe régulière préfèrent recevoir de l’aide en dehors de la classe. En fait,
les conclusions de plusieurs recherches sont similaires : elles constatent que les
choix des enfants concordent avec la modalité de l’aide dont ils bénéficient. Une
enquête présentée par Moulin (2000) confirme ces résultats. Un questionnaire,
proposé à cent vingt-quatre élèves suivis en soutien, aborde la question de la
forme du soutien, à l’intérieur ou à l’extérieur de la classe. Il semble que les
enfants suivis en appui aient une préférence pour le soutien à l’extérieur de la
classe. L’auteur de l’étude tente une explication : « De ces différentes données
ressort l’idée que vivre un moment en individuel avec le maître d’appui est vu
comme un privilège et représente un moment relationnel fort dans un contexte
où les élèves en difficulté n’existent trop souvent que par la négative. Ainsi, les
fondements scientifiques et idéologiques, qui tendent à privilégier un soutien
exclusivement intégré, ne doivent pas nous faire perdre de vue que les enfants
en difficulté ont peut-être besoin de se retrouver occasionnellement dans une
situation relationnelle privilégiée avec un maître de soutien dont l’une des
fonctions importantes sera de renvoyer à l’élève une image positive » (p. 64).
Les deux formes, si elles sont exclusives, ne sont guère satisfaisantes.
Si l’enseignant ne peut pas observer l’enfant dans la classe, il ne sait pas, d’une
part, comment il se comporte et, d’autre part, il perd une occasion de connaître
les pratiques pédagogiques de son collègue. Et si l’enseignant d’appui ne travaille
jamais en individuel, il ne peut pas connaître les représentations de l’enfant,

— 183 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

indispensables lors de la phase d’évaluation globale. Il ne peut pas non plus


profiter, lors de la phase de remédiation, des conditions et du climat favorables
qu’un enseignement individuel ou en petits groupes permet. Quoi qu’il en soit,
la question du lieu de l’intervention (en classe ou hors classe) ne peut jamais se
discuter pour elle-même. Elle doit toujours être considérée comme une réponse
aux besoins de l’élève et aux objectifs poursuivis (définis dans le PPI). Il s’agit
donc de privilégier une organisation souple, en fonction de la situation parti-
culière des enfants et des enseignants.

6.1.5 Une bouteille à la mer…

Ce qui est particulièrement difficile dans nos professions d’aide, c’est que nous
avons tendance à culpabiliser si les résultats se font attendre, sans nous sentir
vraiment responsables si l’élève progresse ! S’il est vrai qu’il est très complexe
de comprendre pourquoi un projet échoue, il est également difficile de vrai-
ment saisir ce qui a permis sa réussite. Lorsque nous nous engageons dans une
démarche d’aide, nous pouvons avoir l’impression de nous déplacer dans un
labyrinthe en empruntant de nombreuses voies et en espérant, à chaque fois, que
le chemin est le bon. Nous possédons bien la boussole du PPI, mais lorsqu’enfin
nous trouvons la sortie, notre sentiment est mitigé : avons-nous réellement par-
ticipé au succès de l’entreprise ? Quelle est la place du hasard ou de la chance ?
Qu’est-ce qui nous a finalement guidés vers la solution ?
C’est comme si, perdus au milieu de l’océan, nous jetions des bouteilles à la
mer, en espérant que le message trouvera un lecteur. Bien sûr, nous rédigeons
le message avec application, envisageons le destinataire avec précision, fer-
mons la bouteille avec application et choisissons le courant favorable, mais la
démarche est aléatoire et le succès n’est pas assuré. Comme le relève Jarrosson
(1997), « les plus beaux dons reçus ont été fortuits, presque involontaires. Une
remarque d’un de nos professeurs, à laquelle il n’a lui-même attaché aucune
importance, a changé le cours de notre vie. Elle est tombée en nous au bon
moment et au bon endroit, a grandi à notre insu, s’est fortifiée et finalement
est devenue un de ces trop rares viatiques qui guident nos pas. Mais le profes-
seur ne l’a pas su. La pédagogie, c’est la logique de la non-maîtrise poussée
jusqu’au sentiment de l’inutilité acceptée et assumée. Cette acceptation de la
non-maîtrise rend le pédagogue libre de bien faire son métier. Elle le libère
d’une recherche vaine, de la volonté d’un lien visible et direct entre l’acte et
son résultat. Elle le situe dans la pédagogie des yeux ouverts. Sur l’inconnu. »
(pp. 187-188).
Ainsi, la non-maîtrise est le propre de tout processus d’aide. Même lorsque
le projet permet une évolution favorable, nous nous leurrons peut-être sur le rôle
que nous y avons joué. Nous pensons parfois que le succès de l’entreprise est
notre victoire personnelle, « comme s’il y avait des causes à effets linéaires, que
nous pouvions ainsi mettre ses progrès à notre compte, et seulement à celui-ci.

— 184 —
Évaluation de l’appui…

De multiples facteurs interviennent, nous y avons certes une part de respon-


sabilité, mais seulement une part » (Cifali-Bega, 2014, p. 26). L’enseignant
spécialisé doit donc multiplier les voies d’accès aux apprentissages en espérant
que l’élève en choisira une. Il doit faire preuve de créativité, de pensée diver-
gente et d’ingéniosité « pour susciter l’intérêt, accompagner la découverte et les
difficultés en s’adaptant à chacun, prendre le temps et ne pas en maîtriser le
rythme, accepter de ne pas être le maître du jeu, mais son initiateur, se laisser
surprendre, voire déconcerter par les méandres des chemins empruntés, prêt
à ne pas assigner l’élève à une seule et même place. Il est un guide, proche
en cela du guide de haute montagne qui accompagne son client sur des terres
inconnues – chemins souvent inquiétants – et l’encourage à puiser dans ses
propres ressources pour découvrir le paysage qui se cache plus loin. […] Son art
s’appuie sur sa capacité ingénieuse et créatrice à adapter sa pédagogie » (Amaré
et Moncel, 2010, p. 160).
Or, si l’enseignement spécialisé ne fonctionne qu’en tolérant cette « non-
maîtrise », il doit néanmoins assurer une prise en charge rigoureuse, assurée par
des enseignants d’appui très bien formés et hyper-professionnels. « Nous avons
non pas tant l’exigence d’une obligation de résultat, mais celle d’une obligation
de moyens » (Cifali-Bega, 2014, p. 25).

Ce chapitre nous a permis d’aborder de nombreuses questions difficiles.


Souvent, il n’est pas possible de résoudre les paradoxes énoncés ou de trouver
des solutions définitives aux interrogations posées. Là n’est d’ailleurs peut-être
pas le plus important. Ce qui est essentiel, par contre, c’est de dire l’implicite,
c’est de mettre en mots ce qui reste souvent diffus, voire indicible. Ce chapitre
a permis justement de soulever des questions préoccupantes et de clarifier ce
qui fait la difficulté de notre travail d’enseignant spécialisé.
Dès lors, il nous faut apprendre à vivre avec ces paradoxes. Lorsque le
malaise est identifié, le malade peut envisager, si ce n’est de guérir, du moins
de vivre avec…

6.2. LES AVANTAGES ET LES DIFFICULTÉS


DE LA MESURE
Dans la lutte contre l’échec scolaire et la promotion d’une école de la réus-
site, les avantages de la structure d’appui pédagogique intégré sont multiples,
comme nous l’avons vu tout au long de cet ouvrage. Nous allons tout d’abord
résumer ici ses bénéfices, puis nous présenterons ensuite les principales cri-
tiques auxquelles l’appui doit pouvoir répondre.

— 185 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

6.2.1 Les avantages de la mesure

Tout d’abord, l’appui permet de maintenir les élèves en difficulté dans les classes
régulières. Il évite donc la stigmatisation et la ségrégation de ces enfants dans
des classes spéciales. Le concept d’intégration est donc au cœur même du
fonctionnement de l’appui pédagogique. L’inclusion est un droit fondamental.
Il ne s’agit donc pas d’« accepter » seulement qu’un enfant qui présente des
besoins particuliers s’intègre au groupe-classe existant (intégration physique),
mais il s’agit de faire en sorte qu’il participe activement à la vie scolaire. Dans
ce sens, « tous les élèves sont les bienvenus dans leurs écoles de quartier et
ils reçoivent le soutien et les services appropriés à l’intérieur de leur école »
(Rousseau et al., 2006, p. 13). Nous y reviendrons dans la partie conclusive
de l’ouvrage.
Ensuite, l’appui pédagogique est une mesure très souple. Le nombre
d’heures attribuées à un établissement scolaire peut varier durant l’année sco-
laire en fonction des demandes des titulaires. Ceux-ci peuvent donc signaler de
nouveaux élèves à l’enseignant spécialisé tout au long de l’année. Ce dernier
est donc itinérant et adapte son horaire aux besoins des centres scolaires où
il travaille. Comme c’est une mesure souple, intégrée au fonctionnement des
écoles, son rôle de prévention de l’échec scolaire peut se réaliser très concrè-
tement. L’enseignant spécialisé intervient rapidement après un signalement
et peut donc aider à résoudre une difficulté avant qu’elle ne se transforme en
problème, voire en échec scolaire massif.
Finalement, l’appui encourage également la pratique de la différenciation
dans les classes régulières, par la collaboration avec les titulaires et la recherche
commune de solutions. Chaque fois qu’une solution particulière est adoptée
pour un enfant, la pratique des enseignants réguliers et spécialisés se trouve
enrichie. Tous les élèves profitent de la collaboration entre les enseignants. Ainsi
le travail de l’enseignant spécialisé peut également concerner les élèves que le
système scolaire risque d’oublier, les élèves à haut potentiel intellectuel (HPI). En
effet, la différenciation de l’enseignement peut également bénéficier aux élèves
faisant preuve de performances scolaires spécialement élevées – mais qui sont
souvent en détresse dans un système très normé.

6.2.2 Les difficultés dans la mise en œuvre


de l’appui

Si les avantages de l’appui pédagogique sont nombreux, des difficultés impor-


tantes sont également à signaler.
Tout d’abord, l’enseignant spécialisé doit être crédible. Sa formation, mais
également son expérience professionnelle doivent être solides. De nombreux
enseignants spécialisés débutants, sans formation spécialisée et sans pratique
préalable dans une classe régulière, peuvent parfois vivre des expériences

— 186 —
Évaluation de l’appui…

professionnelles douloureuses. Par exemple, une très bonne connaissance des


programmes de la scolarité obligatoire et des moyens utilisés dans les classes
est importante.
Ensuite, l’enseignant spécialisé doit assumer de nombreuses fonctions
dans un établissement scolaire : comme nous l’avons vu, il doit jouer parfois
le rôle de conseiller pédagogique ou de personne-ressource, aussi bien auprès
du titulaire de classe qu’auprès des parents des élèves en difficulté. Mais il doit
également assumer des tâches de prévention de l’échec, de coordination avec
les thérapeutes, d’accompagnement des parents, d’intervention à différents
niveaux, etc. Dans l’élaboration du PPI, il doit accomplir un travail minutieux
d’évaluation, puis mettre en place les mesures pédagogiques à entreprendre, etc.
Ces différents rôles peuvent rendre son travail difficile. Bless (1990) soulignait,
dès les premières années de l’appui, la difficulté de la tâche : « Si l’on considère
les multiples tâches confiées à l’enseignant spécialisé, on se rend vite compte
que ce travail demande une forte personnalité dotée du sens de la coopéra-
tion, ainsi que de connaissances professionnelles approfondies. Un enseignant
spécialisé qui a encore peu de pratique et dont la formation est peu poussée,
n’est en général pas en mesure d’offrir autre chose à ses élèves que des cours
de rattrapage » (p. 8).
Enfin, le nombre important d’élèves signalés rend également le travail de
l’enseignant spécialisé difficile. Celui-ci risque de parer au plus pressé et de ne
plus disposer des conditions lui permettant une analyse globale et complète des
situations qui lui sont soumises. Rappelons, à titre indicatif, que le nombre des
élèves bénéficiant de l’appui devrait se situer dans une fourchette de 5 à 10 %
de la population scolaire. Ce taux correspond aux élèves qui présentent des
difficultés scolaires importantes et qui doivent bénéficier d’un PPI. Si l’enseignant
d’appui prend en charge le tiers des élèves d’une classe, c’est probablement qu’il
accueille des enfants pour qui une aide pédagogique est possible dans la classe
et par l’enseignant régulier (cf. modèle de réponse à l’intervention ; figure 2,
p. 32). L’efficacité de la mesure d’appui dépend clairement des conditions
de travail de l’enseignant spécialisé : les effets sont évidemment nettement
supérieurs lorsqu’il bénéficie de conditions de travail qui permettent une analyse
pointue des problématiques rencontrées et dispose d’un temps suffisant pour
la prise en charge.

6.3. LES ARGUMENTS EN FAVEUR DE LA MESURE :


L’APPUI ? C’EST LE BEAU TEMPS !
Dans les chapitres précédents, nous vous avons partagé notre foi immodérée
dans les vertus, si ce n’est de l’enseignant spécialisé (!), du moins de la mesure
d’appui pédagogique intégré. Néanmoins, la foi, en la matière, ne suffit pas.
Les convictions doivent être soutenues par des études qui mettent en évidence les
forces et les limites de la structure. Malheureusement, les recherches consacrées

— 187 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

à l’appui sont peu nombreuses et leurs résultats divergents. « Que sait-on des
dispositifs d’aide aux élèves en difficulté ? En réalité pas grand-chose et, parfois,
des choses fausses. […] Il est donc risqué d’apporter un verdict définitif sur un
dispositif » (Jarraud, 2019, p. 1). De plus – et c’est à peine exagéré de le dire – il
existe autant de dispositifs que d’enseignants spécialisés !
Plusieurs recherches permettent néanmoins de penser que la mesure d’appui
pédagogique est un moyen efficace de lutte contre l’échec scolaire. Dès son
introduction, plusieurs études sur son fonctionnement et les résultats obtenus
dans la lutte contre l’échec scolaire ont été effectuées (DIP, 1991 ; Bless, 1990
et 1993 ; CSRE, 1994 ; Bless et Kronig, 1995 ; Délétroz et Joye-Wicki, 1994
et 1996). Les résultats obtenus établissent globalement un constat de réussite.
Les principaux résultats de ces études peuvent être synthétisés de la manière
suivante :
– l’appui pédagogique promeut la pédagogie différenciée dans les classes ;
– si la mesure bénéficie de bonnes conditions, elle présente une alternative
pertinente au système traditionnel des classes spécialisées ;
– l’appui permet une scolarisation de tous les enfants dans le circuit régulier
de l’école ;
– dans les classes bénéficiant de l’appui, les enfants en difficulté réalisent
des progrès scolaires nettement plus importants que lorsqu’ils sont inscrits
dans une classe spéciale ;
– l’appui répond à des demandes très variées : qu’il s’agisse de difficultés
scolaires spécifiques ou au contraire de problématiques plus lourdes,
l’appui s’adapte et offre à chaque élève la possibilité de poursuivre sa
scolarité en classe régulière ;
– l’appui permet à un très grand nombre d’enfants – qui auraient été placés
dans des classes spéciales – de poursuivre leur scolarité dans les classes
régulières malgré des difficultés scolaires importantes.
Nous avons mené nous-même une étude, avec deux collègues, sur l’utilité
perçue de l’appui pédagogique et le degré de satisfaction des différents par-
tenaires (Bétrisey, Delévaux et Vianin, 2006) : « Les résultats de la recherche
montrent que chacune des quatre catégories d’usagers interrogés – élèves,
parents, titulaires et enseignants d’appui – a manifesté un indice de satisfaction
élevé quant à la mesure d’API (Appui pédagogique intégré). Plus de 90 % de
répondants ont répondu être assez satisfaits ou tout à fait satisfaits de la mesure »
(ibid., p. 46).
Ces différentes recherches sont intéressantes parce qu’elles nous permettent
d’analyser l’efficacité de la mesure dans le cadre spécifique de notre école. Dans
l’ensemble, elles sont très favorables à la structure. Elles nous encouragent donc
à poursuivre notre entreprise de lutte contre l’échec scolaire grâce à l’appui
pédagogique intégré : l’appui, c’est le beau temps !

— 188 —
Évaluation de l’appui…

6.4. LES CRITIQUES : L’APPUI ? C’EST LA PLUIE !


Il fait souvent beau en appui, mais le temps est parfois lourd et orageux. Des
études critiques menacent en effet le ciel azuré de l’appui pédagogique. Ce n’est
pas parce qu’ils participent à un dispositif d’aide que les élèves progressent auto-
matiquement ou qu’ils réussissent nécessairement leur scolarité (Jarraud, 2019).
Lorsque l’appui est remis en question, c’est d’abord son efficacité pour répondre
aux besoins des élèves en difficulté qui est soulignée, en lien avec des conditions
qui ne seraient pas favorables aux progrès de l’enfant. Six critiques principales
synthétisent les différentes raisons données pour expliquer l’inefficacité de l’appui :
– l’effet d’étiquetage jouerait défavorablement et induirait des effets
d’attente négative (effet Pygmalion négatif) : l’appui pourrait avoir un
effet stigmatisant pour les élèves signalés ;
– le transfert en classe des compétences développées en appui se ferait
difficilement : l’élève ne généralise pas les habiletés et comportements
appris en appui ;
– l’inconsistance de l’appui apporté : le contenu des cours d’appui
serait inconsistant au point de vue de l’enseignement, du matériel, de la
terminologie, du contenu, etc. ;
– le rattrapage scolaire : l’appui consisterait souvent en un rattrapage
scolaire fastidieux, décourageant et inutile ; les heures passées à tenter
d’améliorer les compétences des élèves en français et en mathématiques
n’ont que des effets limités ;
– la collaboration insuffisante entre l’enseignant spécialisé et le titulaire
induirait un manque de coordination et d’harmonisation des interventions
entre la classe régulière et l’appui, ce qui entraînerait la confusion chez
les élèves en difficulté ;
– le temps consacré à l’appui par l’élève se substituerait au temps
d’apprentissage en classe : l’élève perd un temps d’enseignement précieux
lorsqu’il vient en appui individuel.
Ces critiques sont fondées et expliquent les divergences dans les résultats des
différentes recherches. Si les conclusions sont divergentes, c’est parce que les
conditions de l’appui ne sont pas les mêmes selon les établissements scolaires.
Comme les conditions d’application de l’appui pédagogique diffèrent beaucoup
d’un pays à l’autre, d’un canton à l’autre, voire d’un enseignant spécialisé à
l’autre, il est difficile de comparer les différentes études. Derrière un concept qui
semble au premier abord commun se cachent des pratiques multiples. Il est par
conséquent probable que l’efficacité de l’appui – ou son inefficacité – tienne avant
tout aux modalités d’intervention de l’enseignant spécialisé et à ses compétences
dans les six domaines évoqués ci-dessus. Nous allons par conséquent analyser
dans le chapitre suivant ces six critiques importantes et tenter d’apporter des
pistes d’intervention qui permettent d’en limiter les effets négatifs.

— 189 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

6.5. QUELQUE PART


ENTRE LE REMÈDE DÉFINITIF ET LE POISON
L’enseignant spécialisé ne peut évidemment pas rester insensible aux critiques
avancées par les chercheurs. Dans ce chapitre seront présentées, par consé-
quent, des propositions permettant à l’enseignant spécialisé de prendre en
compte dans sa pratique les critiques soulevées.

6.5.1 L’effet d’étiquetage

Lorsque l’élève est signalé en appui, il risque de souffrir de l’étiquette de « l’élève


en difficulté » et de la stigmatisation de ses pairs, voire de l’enseignant. « Les
enfants pris en traitement ou en appui sont explicitement identifiés comme
porteurs de difficultés. Du coup les enseignants diminuent leur taux d’exigences
face à ces élèves et de leur côté, les enfants sont moins motivés à apprendre »
(Curonici et al., 2006, p. 230). Les élèves risquent ainsi la stigmatisation : l’élève
qui va en appui est celui qui présente des difficultés d’apprentissage importantes.
L’image que l’enfant se fait de lui-même peut l’engager à perdre confiance dans
ses capacités et, plus grave, à se conformer à cette image.
Soulignons que l’effet d’étiquetage n’est pas propre à la mesure d’appui.
Un élève en difficulté dans une classe peut très bien être stigmatisé par le titulaire
et vivre une exclusion à l’intérieur de la classe, avec ou sans mesure d’appui.
On sait que l’acceptation sociale des élèves en difficulté est plutôt faible.
Comme les chapitres précédents l’ont montré, le travail de l’enseignant
spécialisé consiste à souligner les compétences de l’enfant, à recadrer la
problématique et à permettre à tous les partenaires du projet de mobiliser
de nouvelles ressources. Grâce à une intervention cohérente de l’enseignant
spécialisé, l’élève en difficulté peut donc bénéficier d’une image plus favorable.
En effet, les principes d’éducabilité cognitive et de modifiabilité de l’intelligence
permettront à l’enseignant spécialisé de changer le regard que le titulaire ou les
parents portent sur l’enfant et de favoriser ainsi un « effet Pygmalion positif ».
L’enseignant spécialisé peut changer réellement l’image que les titulaires se font
de l’élève en difficulté. C’est bien le rôle de l’appui de modifier la perception qu’a
l’enseignant de l’élève et de montrer que les ressources de ce dernier – même
si elles sont sous-exploitées pour le moment – sont énormes et ne demandent
qu’à être stimulées.
Le danger d’enfermer l’enfant sous une étiquette (par exemple « dys ») a
également été relevé plus haut. L’enseignant spécialisé veillera donc à valoriser
les compétences de l’enfant et renoncera à une simplification abusive relevant
d’une méconnaissance réelle de la problématique. On ne construit pas un
projet pédagogique autour d’une déficience ou d’une incapacité : qu’importe
si le psychologue scolaire a procédé à un test de QI qui permet d’attribuer à
l’enfant un score peu flatteur ou si le pédopsychiatre a diagnostiqué le syndrome

— 190 —
Évaluation de l’appui…

du X-Fragile. La prise en compte globale de l’enfant permettra de nuancer


l’importance du diagnostic et, surtout, de mettre en évidence ses ressources.
De plus, si l’enseignant spécialisé aide le titulaire à porter un regard différent
sur l’enfant en difficulté, il est probable que l’acceptation sociale par les autres
élèves de la classe sera également meilleure et que l’estime de soi – qui reste très
fragile lorsque l’enfant est intégré – sera valorisée. Les enseignants tâcheront
donc de toujours éviter les effets d’étiquetage qui risquent d’être défavorables
à l’enfant et d’induire des effets d’attente négative. S’ils sont conscients de la
difficulté et restent vigilants, l’appui n’aura pas l’effet stigmatisant tant redouté.
L’étude présentée plus haut a mis en évidence l’image très positive que tous
les partenaires et les enfants ont de l’appui (Bétrisey et al., 2006). L’important
degré de satisfaction des différents partenaires – élèves, parents, titulaires et
enseignants d’appui – montre qu’il est possible de présenter positivement la
mesure et d’éviter ainsi cet effet délétère de stigmatisation des enfants qui béné-
ficient de l’appui. Une représentation positive de l’appui est un point essentiel
pour que l’élève évolue favorablement et devrait éviter cet effet d’étiquetage.

6.5.2 Le transfert d’apprentissage

Le problème du transfert et de la généralisation des apprentissages occupe, dans


la réflexion pédagogique actuelle, une place majeure. « La question centrale en
matière de dispositif de remédiation reste celle du transfert des compétences
développées dans le cadre de ces dispositifs, qui sont parallèles aux situations
d’apprentissage ou de formation habituelles » (Brisset et al., 2009, p. 80).
En effet, une compétence qui ne s’actualise que dans le contexte précis de son
apprentissage est inutile. « La classe et l’aide spécialisée constituent dans ce cas
deux systèmes relativement indépendants. […] On comprend dès lors que les
tâches proposées dans le cadre de l’aide spécialisée sans lien nécessaire avec
les activités pratiquées en classe offrent peu de moyens aux élèves d’établir des
ponts entre les deux systèmes » (Brisset et al., 2009, p. 80).
Les enseignants ne peuvent donc rester insensibles à cette question
complexe. L’enseignant spécialisé n’échappe évidemment pas à la probléma-
tique : si l’enfant apprend, par exemple, une procédure efficace de résolution
de problèmes en appui individuel et qu’il ne sait pas la réutiliser lorsqu’il est
seul en classe, l’aide de l’enseignant spécialisé peut être considérée comme
nulle. L’enjeu est donc bien de permettre à l’élève de réinvestir en classe les
compétences travaillées en appui.
Cette question a également été abordée plus haut, en précisant que l’ensei-
gnant spécialisé devait travailler en priorité sur des supports scolaires, en veillant
à aborder les apprentissages avec les mêmes outils et le même matériel que ceux
utilisés par le titulaire. De plus, l’élève doit savoir que les compétences déve-
loppées en appui lui serviront d’abord dans son travail en classe. L’enseignant
spécialisé demandera d’ailleurs à l’élève de lui présenter régulièrement les fiches

— 191 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

qu’il utilise en classe et les évaluations qu’il effectue avec le titulaire, ce qui per-
mettra à l’enseignant spécialisé d’ajuster son aide à la réalité de la classe dans
laquelle travaille l’enfant.
S’il propose à l’enfant des procédures, des stratégies, des démarches parti-
culières, etc., l’enseignant spécialisé veillera à créer des supports que l’élève
pourra utiliser dans le cadre de son travail en classe ou à la maison. Pour
reprendre l’exemple d’une procédure de résolution de problèmes, l’élève dispo-
sera d’une « fiche-guide » – mentionnant les différentes étapes de la stratégie – qu’il
pourra utiliser en classe lors des exercices de mathématiques.
Le transfert doit donc être construit, pas à pas, par l’enseignant spécialisé
(Mansuy et Zakhartchouk, 2009) :
– « Au départ, on peut proposer à l’élève de faire le travail avec lui (on va
le faire ensemble) pour l’aider à réussir et lui permettre de reprendre
confiance en lui ;
– on peut ensuite l’aider à mobiliser ses ressources (“comment pourrais-tu
faire pour…”) de façon à lui permettre de développer un sentiment de
compétence ;
– puis on peut le conduire à se mettre en projet (“qu’est-ce que tu pourrais
faire pour progresser… ?”) de façon à accroître sa détermination ;
– on peut enfin l’amener à se prendre en charge en lui montrant qu’on lui
fait confiance tout en continuant à lui manifester de l’intérêt, en valorisant
ses initiatives, de façon à lui permettre de développer son autonomie »
(p. 103).
Pour aider l’enfant à effectuer le transfert en classe, l’enseignant spécialisé
doit l’encourager à identifier les situations où il peut réutiliser ses compétences. Il
doit l’inciter à réfléchir aux enjeux de l’apprentissage réalisé en appui : « Pourquoi
a-t-on appris cela aujourd’hui ? Ce que tu as appris dans cette situation, pour-
rais-tu le réutiliser ailleurs ? Dans quels contextes en classe ? Peux-tu donner
des exemples ? Comment vas-tu procéder concrètement lorsque tu seras en
classe ? Quand et où pourrais-tu utiliser ce que nous venons d’apprendre ? Dans
quelles situations ? etc. » Si l’enseignant d’appui aborde ces questions avec ses
élèves, alors « les activités proposées dans le cadre de l’aide entretiennent un
lien explicite avec celles de la classe » (Brisset et al., 2009, p. 80).
Le titulaire sera également informé des compétences que l’élève a dévelop-
pées en appui et qu’il doit actualiser en classe. Il pourra ainsi favoriser également
le transfert. Il s’agit donc « de faire collaborer avec des moyens spécifiques mais
dans un même objectif le maître E et le maître de classe » (Brisset et al., 2009,
p. 80). Ce sont les objectifs définis dans le PPI qui permettront d’assurer que les
mêmes objectifs sont poursuivis en classe et en appui, même si les modalités de
leur actualisation seront évidemment différentes selon le contexte. Si l’enseignant
spécialisé travaille en classe, la difficulté du transfert n’est pas réglée pour autant
puisque la question se posera également, lorsque l’enfant se trouvera seul face

— 192 —
Évaluation de l’appui…

à la tâche. L’enseignant spécialisé veillera donc à aider l’élève à généraliser ses


compétences en son absence.
Il ne s’agit évidemment pas ici de développer toutes les difficultés liées à
cette délicate question du transfert, mais de rendre l’enseignant spécialisé attentif
à une question cruciale qui se pose dans sa pratique à partir du constat que le
transfert en classe des compétences développées en appui se fait difficilement.
L’élève ne généralise pas spontanément les habiletés et comportements appris
en appui. Il faut donc l’accompagner dans ce travail difficile.

6.5.3 L’inconsistance

Le contenu des cours d’appui serait inconsistant quant à l’enseignement, au


matériel, à la terminologie, au contenu, etc. Autrement dit, l’élève risque d’être
sous-stimulé lorsqu’il se rend en appui. « Dans le cadre d’un enseignement allégé,
on en arrive à penser que l’élève en difficulté ne peut pas être aussi stimulé
qu’un autre, qu’il est moins capable de réfléchir, que ses prestations intellectuelles
ne peuvent pas être aussi intenses que celles des autres, on fait alors moins
d’enseignement, on a moins d’ambition pédagogique » (Curonici et al., 2006,
p. 230). Ce manque d’ambition pédagogique est évidemment peu favorable
aux progrès de l’élève. Il se traduit très concrètement par un apprentissage
de procédures élémentaires qui demandent surtout à l’élève d’apprendre des
automatismes ou d’entraîner des exercices dont il ne comprend pas les enjeux
(Toullec-Théry et Marlot, 2013).
Le chapitre consacré aux paradoxes qui guettent l’enseignant spécialisé
(chapitre 6.1) nous a déjà permis de comprendre en quoi le contenu des cours
d’appui pouvait être inconsistant. Rappelons simplement ici les dérives possibles :
– si l’enseignant spécialisé est un G.O. qui accompagne les élèves à la
guitare, l’inconsistance guette…
– si l’enseignant spécialisé se complaît dans une approche tellement « glo-
bale » que sa tête touche les étoiles sans que ses orteils batifolent dans la
glaise, l’inconsistance guette…
– si l’enseignant spécialisé installe un divan dans sa salle et se fait appeler
« Sigmund », l’inconsistance guette…
– si l’enseignant spécialisé organise des séances d’entraînement mnémo-
nique, comme il gérerait un centre de fitness, l’inconsistance guette…
– si l’enseignant spécialisé travaille le mieux-être sans le mieux-apprendre,
l’inconsistance guette…
– si l’enseignant spécialisé ne connaît pas le prénom de ses élèves, l’incon-
sistance guette…
– si l’enseignant spécialisé n’a aucune tendance dépressive, l’inconsistance
guette…

— 193 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

– si l’enseignant spécialisé hésite entre une vocation de prédicateur, de


tribun ou d’évangélisateur, l’inconsistance guette… (tiens, il manque un
chapitre sur le sujet, dans cet ouvrage…).
Bref, l’inconsistance guette…, ce qui nous laisse penser que la critique est
fondée. Ce qui guette principalement l’enseignant spécialisé, c’est le manque
de rigueur dans la démarche d’aide. La mise en place d’un projet exige en effet
une gestion cohérente et une démarche structurée. Si les qualités humaines
de l’enseignant spécialisé mentionnées plus haut sont indispensables, elles ne
suffisent pas. Accompagner un élève en difficulté scolaire exige une démarche
méthodologique rigoureuse (chapitre 3) et un grand souci de la cohérence,
notamment dans les collaborations à instaurer.
De plus, l’enseignant spécialisé doit être un praticien réflexif, c’est-à-dire un
professionnel capable de porter un regard critique sur son travail et de réfléchir
sur ses pratiques. Cette auto-évaluation formatrice ne pourra se faire sans un
bagage théorique important. Une excellente formation continue et une auto-
didaxie passionnée doivent enrichir constamment la pratique de l’enseignant
spécialisé. Les enfants en difficulté méritent mieux que des enseignants spé-
cialisés « pleins » de bonne volonté et de compassion. Ils ont besoin avant tout
d’enseignants-chercheurs qui alimentent leur pratique par des connaissances
théoriques toujours renouvelées.
L’enseignant spécialisé n’est donc pas un applicateur crédule de méthodes
miracles ou de recettes pédagogiques. Sa pratique se ressource dans une
réflexion sérieuse sur ses valeurs et ses finalités, ses expériences d’enseignant
et ses recherches théoriques. Il analyse les résultats de son travail, se réajuste
et remet constamment sa pratique en question : c’est éprouvant, mais c’est
absolument passionnant ! … et tellement gratifiant lorsque l’appui permet à un
enfant de mieux apprendre et de mieux vivre ainsi sa scolarité.

6.5.4 L’inefficacité du rattrapage scolaire

La prolongation du temps d’apprentissage a des effets très limités sur les pro-
grès de l’enfant. Elle part d’une logique du « plus de la même chose » que nous
avons souvent évoquée dans cet ouvrage. Ce n’est pas en donnant plus d’expli-
cations, plus de temps ou plus d’exercices que l’élève comprendra pourquoi
il échoue. Le redoublement – dont nous avons analysé les raisons du manque
d’efficacité – relève de la même logique, celle du rattrapage scolaire. Même la
diminution des effectifs des classes a des incidences limitées dans la lutte contre
l’échec scolaire, si elle ne s’accompagne pas d’une modification des pratiques
pédagogiques. Si un retard ponctuel dans une discipline – dû par exemple à
une maladie prolongée – peut se compenser par un rattrapage scolaire (« faire
plus »), les difficultés scolaires engagent toujours une réflexion sur les causes de
l’échec et justifie la mise en place d’un projet pédagogique (« faire autrement »).
Nous avons présenté longuement dans cet ouvrage l’importance d’une analyse

— 194 —
Évaluation de l’appui…

approfondie de la problématique de l’élève lors de la mise en place du PPI


(cf. chapitre 3).
À l’école, le changement est très rarement possible en ne travaillant que
sur la discipline scolaire. En effet, si vous travaillez avec l’élève uniquement
sur le français ou les maths, vous risquez en réalité d’appuyer sur la difficulté
– comme vous appuieriez sur la plaie d’un blessé ! L’enseignant spécialisé doit
plutôt « travailler autour » (et non « sur » la blessure). Ceci explique pourquoi le
rattrapage scolaire est inutile, voire dommageable. Les difficultés de l’élève
relèvent en effet très souvent d’une problématique globale, et non uniquement
scolaire. C’est donc bien en analysant les raisons qui font que l’élève bloque
dans ses apprentissages que nous pourrons l’aider. C’est pourquoi le PPI engage
l’enseignant d’appui à analyser de manière approfondie la problématique de
l’enfant et encourage à recadrer la situation. C’est donc bien en faisant « autre
chose » que nous pourrons engager un processus d’aide efficient.

6.5.5 Le manque de coordination

Une collaboration insuffisante entre l’enseignant spécialisé et le titulaire induit


inévitablement un manque de coordination et d’harmonisation des interven-
tions entre la classe régulière et l’appui. Le risque – nous l’avons suffisamment
souligné dans cet ouvrage – est que l’enseignant régulier délègue à l’enseignant
spécialisé la responsabilité de l’aide. Le principal perdant est l’élève en difficulté
qui ne comprend plus la cohérence de l’intervention.
La priorité est donc de soigner la relation qui s’établit avec les différents
partenaires du projet. S’il ne peut établir une relation saine avec ses collègues,
les parents, les thérapeutes et l’enfant, l’enseignant d’appui ne peut tout simple-
ment plus travailler. Une bonne communication lui permettra de coordonner le
travail entre les différents partenaires du projet et d’assumer correctement son
rôle de référent du PPI. Lorsque les adultes qui s’occupent de lui ne poursuivent
pas les mêmes objectifs – voire s’opposent aux démarches entreprises par leurs
partenaires – l’élève se trouve pris dans un conflit de loyauté qui peut occuper
toute son attention.
L’intérêt premier de l’appui est de permettre les échanges – notamment
avec l’enseignant régulier – et de passer ainsi « d’un regard singulier à un regard
pluriel » sur les problématiques des élèves en difficulté. L’échange des points
de vue permet une analyse plus complète et une compréhension plus fine des
difficultés de l’enfant. De plus, le travail de l’enseignant spécialisé n’a de sens que
si l’enfant actualise ses compétences en classe. On voit mal, dès lors, comment
les enseignants peuvent aider l’enfant si ni le titulaire ni l’enseignant spécialisé
ne savent comment leur collègue travaille et quels objectifs il poursuit.
Le chapitre consacré à la collaboration a suffisamment souligné l’importance
de la coordination et de l’harmonisation des interventions entre la classe régulière
et l’appui pour que nous ne nous y attardions pas davantage ici.

— 195 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

6.5.6 La perte du temps d’enseignement


en classe régulière

Lorsque l’élève travaille avec l’enseignant spécialisé, il ne travaille pas avec le


titulaire ou les autres élèves : nous remercions ici très chaleureusement La Palice
et al. (1470 à nos jours) pour leur contribution majeure à l’amélioration de la
mesure d’appui pédagogique intégré. En effet, « le temps de rééducation (de
traitement ou d’appui) est pris sur le temps scolaire et vient donc en déduction
des temps d’apprentissage et d’enseignement réguliers » (Curonici et al., 2006,
p. 229).
La solution paraît aussi évidente que la définition du problème : si l’élève
perd son temps en venant en appui, qu’il vienne à un autre moment ou qu’il
n’y vienne plus du tout ! Le problème a déjà été soulevé : l’enseignant spécialisé
doit travailler avec l’élève lorsque des cours de moindre importance pour sa
réussite sont donnés dans la classe régulière. Ainsi, le temps consacré à l’appui
par l’élève ne se substituera plus au temps d’apprentissage nécessaire en classe.
Si « l’enseignant doit gérer ces absences en organisant des rattrapages,
des devoirs supplémentaires ou plus “simplement” en réduisant les exigences »
(Tremblay, 2013, p. 28), c’est que l’appui n’est pas organisé correctement. Il est
évidemment impensable de pénaliser l’élève qui se rend en appui en lui donnant
du travail supplémentaire lorsqu’il revient en classe. Il ne s’agit donc pas de
rattraper les activités menées en classe lors des séances d’appui. L’enseignant
régulier dispensera plutôt l’élève de certaines tâches moins importantes et lui
communiquera – si nécessaire – le contenu travaillé lors de son absence. Un
devoir supplémentaire à la maison est également à proscrire. Par contre, un
devoir de remplacement est possible afin que l’élève ne prenne pas du retard
dans une discipline importante pour sa réussite.

6.6. L’APPUI ET LE BEAU TEMPS :


LE MICROCLIMAT DE LA SALLE D’APPUI
Autant d’enseignants d’appui, autant de pratiques différentes, disions-nous.
L’évaluation de la mesure en tant que telle a été présentée dans les pages pré-
cédentes. Si cette évaluation est nécessaire et intéressante, elle est néanmoins
insuffisante pour permettre à l’enseignant spécialisé de vérifier la qualité de son
propre travail. Elle doit par conséquent être complétée par une auto-évaluation
que chaque enseignant spécialisé doit organiser pour lui-même. L’enseignant
spécialisé ne peut se contenter du regard compatissant de ses collègues – « qui
n’auraient jamais la patience… » – ou des encouragements du conseiller pédago-
gique – qui trouve que « vous faites un sacré boulot avec vos élèves » – pour évaluer
la qualité de son travail. Il doit, au contraire, se doter de moyens d’évaluation plus
rigoureux. Avec Gillig (2006, p. 219), « j’avoue d’emblée avoir comme grande

— 196 —
Évaluation de l’appui…

préoccupation l’efficacité des interventions de l’aide spécialisée ». Comment, dès


lors, l’enseignant spécialisé peut-il évaluer l’efficacité de son travail ?
Comme l’enseignant spécialisé intervient selon trois modalités (première
partie de l’ouvrage), il doit organiser son évaluation aux trois niveaux de son
intervention : il validera d’abord l’efficacité de son travail en appui (mesures d’aide
individuelle), puis les implications de l’aide en classe (mesures pédagogiques) et
enfin les résultats de ses interventions dans l’école (mesures institutionnelles).
Dans chacun de ces niveaux, l’enseignant spécialisé évaluera d’abord les
progrès de l’enfant et questionnera sa pratique quant à la réussite ou à l’échec
scolaire de celui-ci. Comme le relève Gillig (2006), « l’évaluation cherche donc,
qu’on le veuille ou non, que l’on soit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’action,
à mesurer les progrès chez les enfants qui sont adressés au réseau » (p. 220).
Il ne s’agit pas de s’auto-attribuer un certificat de « bon enseignant d’appui »,
mais de vérifier que le petit Julien vit mieux sa scolarité parce qu’il réussit mieux
à l’école. Les progrès de l’élève sont donc déterminants dans l’évaluation de
l’efficacité du travail de l’enseignant spécialisé. Dans ce travail d’auto-évaluation,
celui-ci portera donc son regard sur l’enfant et non sur son travail d’enseignant
spécialisé : seuls les progrès du petit Julien pourront certifier la qualité des
interventions de l’enseignant spécialisé. Trois modalités d’évaluation de l’appui
seront privilégiées :
• Tout d’abord, l’enseignant spécialisé tâchera d’évaluer les progrès de
l’enfant en appui (mesures d’aide individuelle). Qu’il travaille dans sa
salle d’appui ou en classe, l’enseignant spécialisé devra évaluer très
précisément les progrès de l’enfant et, par là, l’efficacité de l’aide
individuelle qu’il lui propose. Cet exercice est grandement facilité par
la définition opérationnelle des objectifs – que l’enseignant spécialisé a
rédigés dans le Projet pédagogique individuel (PPI). Pour reprendre
l’exemple d’Emma (chapitre 3), il est en effet possible de vérifier si l’élève
est capable de « comprendre la consigne et la raconter ». Par contre, si
l’enseignant spécialisé n’a pas défini d’objectifs ou les a formulés en
termes ambigus, l’évaluation des progrès reste impossible. Comment
vérifier en effet les « progrès en lecture » d’Emma sans préciser exacte-
ment les compétences que l’élève doit présenter ? Comment évaluer si
l’élève « comprend sa lecture » sans définir précisément les conditions
et les critères de réussite ?
L’enseignant spécialisé pourra également soumettre à l’enfant, après
quelques semaines, les mêmes tests que ceux utilisés lors de l’évaluation
de départ. La comparaison des résultats permettra alors à l’enseignant
spécialisé de vérifier si l’élève a réellement progressé et s’il a atteint
les objectifs fixés. La reprise des évaluations de départ en évaluation
inter médiaire est toujours très intéressante : très souvent, l’enseignant
spécialisé a oublié quelles étaient les compétences réelles de l’élève au
moment du signalement et est grandement surpris par les progrès effectifs
— 197 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

de l’enfant. Parfois, à l’inverse, il pensait que celui-ci avait beaucoup


progressé et constate, dépité, que les progrès sont insignifiants.
L’évaluation individuelle des progrès scolaires de l’enfant sera complétée
par une évaluation plus « qualitative » : en interrogeant l’enfant, le titulaire
et les parents, l’enseignant spécialisé pourra évaluer si l’enfant vit mieux sa
scolarité, si sa motivation est meilleure, s’il donne du sens à ses apprentis-
sages, si son estime de soi est bonne, etc. Cette évaluation, somme toute
très subjective, est nécessaire parce qu’elle donne un éclairage intéressant
sur l’évolution de l’enfant. Elle n’est par contre pas suffisante et doit être
complétée par l’évaluation plus formelle des progrès de l’enfant.
• Dans un deuxième temps, l’enseignant spécialisé évaluera l’efficacité de
son intervention en vérifiant les incidences de son aide sur les résultats
de l’élève en classe. L’enfant a peut-être progressé en appui, mais n’a
pas maintenu ou transféré ses compétences dans le contexte de la classe.
Dans cette évaluation, l’aide du titulaire est importante. Une nouvelle
fois, si les objectifs sont opérationnels, l’évaluation par les deux ensei-
gnants est facilitée. Emma doit être capable d’« entrer dans la tâche en
moins d’une minute sans la sollicitation de l’enseignant ». Oui ou non,
Emma a-t-elle été capable, sans la sollicitation de l’enseignant, d’entrer
dans la tâche de grammaire en moins d’une minute ? Par contre, si les
enseignants avaient posé un objectif flou – par exemple « une meilleure
implication d’Emma dans son travail » – l’évaluation aurait été difficile,
l’interprétation demeurant totalement subjective.
L’efficacité des interventions de l’enseignant spécialisé devra également se
traduire en classe par des notes meilleures. L’élève est en échec avant tout
parce qu’il n’obtient pas des notes suffisantes. Si ses résultats chiffrés ne
s’améliorent pas, l’enseignant spécialisé devra s’interroger sur la pertinence
de ses interventions. L’évolution des notes doit donc permettre à l’ensei-
gnant spécialisé de vérifier très concrètement si son travail est efficace.
À la fin de chaque année, l’enseignant spécialisé pourra comparer les
notes obtenues par l’enfant au moment du signalement (dans les branches
désignées) et ses résultats actuels. Il peut être satisfait lorsqu’il constate une
évolution de l’ordre de 2 à 4 dixièmes1. Si, au contraire, la note baisse,
l’enseignant spécialisé doit analyser avec l’enseignant régulier la situation
et reconsidérer au besoin l’ensemble du projet.
Dans l’évaluation du travail de l’enseignant spécialisé, cette dernière forme
(évolution des notes) peut sembler à certains quelque peu triviale, voire
ridicule. Or, si l’élève est signalé en appui, c’est avant tout parce que ses
résultats sont insuffisants ; si les notes de l’enfant ne s’améliorent pas, les
attentes des uns et des autres seront inévitablement déçues. Comment
l’élève peut-il vivre une scolarité épanouie si ses résultats sont toujours
insuffisants ? Comment peut-il reprendre confiance en lui sans qu’il puisse

1 En Valais, la meilleure note est 6 et la moyenne nécessaire à la promotion est 4.

— 198 —
Évaluation de l’appui…

constater les progrès accomplis ? Le titulaire et les parents peuvent-ils


réellement comprendre que l’aide apportée n’ait aucune incidence sur
les résultats notés de l’enfant ?
Cette tension entre les exigences de la classe et les progrès – parfois
limités de l’élève – est salutaire. C’est elle qui engage les enseignants
à développer des dispositifs d’aide créatifs et à travailler en flux tendu
vers les objectifs de la classe. Si les classes spéciales sont souvent peu
stimulantes, c’est bien parce qu’elles ont tendance à se suradapter aux
besoins de l’enfant et à s’éloigner ainsi, incidemment et inexorablement,
des attentes de la classe régulière. Ce sont bien « deux conceptions
qui s’affrontent, celle d’un apprentissage stratifié et annualisé (celui
du maître de milieu ordinaire) et celui du développement plus long et
ascensionnel de l’enfant (celui du ME), ce qui, dans le contexte spé-
cifique de l’école, fait s’affronter deux durées et crée des tensions au
moment des prises de décision pour le devenir scolaire d’un enfant »
(Ponte et al., 2010, p. 9).
Le fait que « la temporalisation de l’aide ne coïncide pas avec la tem-
poralisation de l’unité fonctionnelle qu’est la classe » (ibid.) est salutaire
puisqu’elle engage les enseignants à ne jamais oublier le rapport à la
norme : différencier les moyens, oui, les objectifs, non ! Il s’agit donc
bien de « mettre en place un projet d’aide pour l’élève, voire un projet
d’équipe intégrant la coexistence de différentes temporalités » (Ponte
et al., 2010, p. 10).
Bien sûr, on peut rêver – et il faut rêver ! – d’une école sans notes (mais
avec des objectifs clairs), moins sélective, où les élèves progressent dans
leurs apprentissages en coopérant et où la réussite des uns ne se traduit
pas par l’exclusion des autres. La question du possible et du souhaitable
se pose à nouveau ici (chapitre 6.1) : dans le système scolaire actuel,
l’enseignant spécialisé doit composer avec les exigences de sélection et
l’idéal de différenciation. Dans l’école d’aujourd’hui, on ne peut, malheu-
reusement, écarter la question des attentes du système. Bien entendu,
lorsque l’élève bénéficie d’un programme adapté, l’évaluation des progrès
de l’enfant se fera à partir des grilles d’objectifs individuelles et non sur
les résultats notés selon les critères de la classe.
• Dans un troisième temps enfin, l’enseignant spécialisé s’interrogera sur le
parcours de l’enfant dans l’institution. L’appui a-t-il permis aux élèves en
difficulté de rester dans la structure régulière ? Le taux de redoublements
des élèves suivis en appui a-t-il baissé ? Quels sont les élèves qui ont dû,
malgré tout, être orientés vers des classes, voire des écoles spécialisées
et pourquoi ? Combien d’élèves ont été signalés plusieurs fois en appui,
durant l’ensemble de leur scolarité ? Quelle est l’efficacité d’une prise en
charge en appui de durée limitée ? Quel est le parcours scolaire des élèves
après une mesure d’appui ?

— 199 —
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE : REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS SPÉCIALISÉS

Toutes ces questions permettront à l’enseignant spécialisé d’évaluer si son


intervention a des effets sur le fonctionnement même de l’institution et
si l’aide apportée a permis réellement de poursuivre l’objectif général de
l’appui, qui est de rendre l’école régulière plus ouverte et plus tolérante
face aux besoins différents de chaque enfant.
Nous avons vu dans ce chapitre que, grâce à ces différentes modalités d’éva-
luation, l’enseignant d’appui peut se doter de moyens lui permettant de réajuster
ses démarches d’aide. L’efficacité des interventions doit être un souci constant de
l’enseignant spécialisé : seuls des dispositifs précis d’évaluation peuvent apporter
à chaque enseignant l’assurance d’un soutien valable aux élèves en difficulté.

— 200 —
Perspectives
De l’appui pédagogique intégré
à l’appui pédagogique intégrant

Si les élèves en difficulté ou en échec scolaire peuvent bénéficier de l’appui, il


existe une autre population qui peut également profiter de cette mesure. C’est
pourquoi, au terme de ce parcours dans les méandres de l’appui pédagogique,
nous allons aborder, en quelques lignes, la problématique de l’inclusion sco-
laire et le rôle de l’enseignant spécialisé dans l’aide aux enfants en situation de
handicap. Ces observations n’ont évidemment pas la prétention de présenter
une vision complète de tous les aspects liés à l’inclusion, mais elles ouvrent
quelques perspectives qui alimenteront la réflexion des enseignants quant au
rôle qu’ils peuvent jouer dans le développement d’une école ouverte à tous les
enfants. L’école doit impérativement renoncer à exclure et marginaliser certains
enfants. Si l’appui pédagogique permet déjà aux élèves en difficulté de rester
dans les classes régulières – et d’éviter ainsi le redoublement ou l’orientation vers
une structure spécialisée –, la promotion d’une école inclusive doit également
concerner les enfants en situation de handicap1. Le monde de l’enfant, c’est
l’école. Exclure un enfant de ce monde-là, c’est l’empêcher, à terme, d’intégrer
la société. Or, comme nous l’avons vu tout au long de l’ouvrage, il est possible,
grâce à l’appui, d’élaborer des dispositifs permettant de maintenir les élèves à
besoins éducatifs particuliers (BEP) dans les classes régulières. L’appui a éga-
lement été présenté comme une mesure souple et une ressource pour l’école.
Proche des difficultés de l’enseignant titulaire dans la gestion de l’hétérogénéité,
l’appui permet ainsi une meilleure prise en compte des différences individuelles.

1 Rappelons ici que l’on parle de « situation de handicap » pour bien montrer que ce n’est pas la personne
qui en est porteur, mais la « situation » qui la met en difficulté. Par exemple, un élève sur chaise roulante
présente effectivement une déficience motrice, mais il n’est pas « handicapé » pour participer à un cours
de maths. Par contre, son incapacité se révélera probablement s’il doit jouer au tennis sans changer les
règles.
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE

Dès lors, on peut affirmer que l’appui peut également favoriser l’intégration des
enfants en situation de handicap dans l’école régulière.
L’intégration des enfants en situation de handicap est un mouvement irré-
versible parce que rien ne justifie la marginalisation de certains enfants. Une
société démocratique doit permettre à tous de trouver leur place. Or celle des
enfants – de tous les enfants – est à l’école. L’enseignant spécialisé a donc le
devoir de s’engager à promouvoir une société plus tolérante à l’égard des enfants
différents : si les élèves ont la chance de bénéficier, dès leur plus jeune âge, de
la présence dans la classe des enfants à besoins éducatifs particuliers (BEP), ils
seront tout à fait à l’aise, lorsqu’ils seront adultes, dans leurs relations avec les
personnes en situation de handicap.
Si l’école s’ouvre actuellement à l’intégration, la visée inclusive apparaît
toujours comme un idéal difficile à envisager pour de nombreux enseignants.
Alors que l’intégration se définit par l’accueil dans la classe régulière d’un enfant
à BEP, l’inclusion vise à assurer l’accès de tous les enfants, sans condition ni
discrimination aucune, à l’école régulière : « L’inclusion scolaire fait référence à
l’intégration de tous les enfants, ayant ou non des besoins particuliers, dans une
classe ordinaire correspondant à leur âge chronologique dans l’école du quartier »
(Rousseau et al., 2006, p. 13)1. Nous avons tenté de mettre en évidence les
différences entre les deux approches dans le tableau 3.

Tableau 3 – Les caractéristiques de l’intégration et de l’inclusion


(Aschilier et al., 2015)

Intégration Inclusion

L’intégration concerne l’élève à besoins L’inclusion concerne tous les élèves,


éducatifs particuliers (BEP). quelles que soient leurs difficultés.

Les besoins de l’élève BEP doivent être Les besoins de tous les élèves doivent
satisfaits par des mesures spécialisées, être satisfaits à l’intérieur de la classe
si possible et en partie à l’intérieur ordinaire, notamment par des mesures
de la classe ordinaire. spécialisées.

L’intégration vise à passer L’inclusion demande un effort


d’une différenciation structurale (classes de différenciation et exige la mise
et écoles spécialisées) à une participation en place d’un projet pédagogique
à la vie de la classe ordinaire. individuel (PPI).

L’élève est remis dans le circuit régulier, L’élève est inscrit d’emblée
après en avoir été exclu. dans une classe correspondant
à son âge chronologique et dans
son école de quartier.

1 Dans ce chapitre, le terme d’« intégration » est utilisé lorsque nous parlons des démarches, des moyens,
des outils, etc., mis en place pour permettre à l’enfant de participer à la vie de la classe. Le terme d’« inclusion »
est utilisé pour définir la finalité – dans le sens d’un idéal probablement jamais totalement atteint.

— 202 —
Perspectives – De l’appui pédagogique intégré…

Intégration Inclusion

L’élève doit s’adapter. Le système doit s’adapter.

L’intégration vise à combattre L’inclusion vise, in fine, à favoriser


l’exclusion et la marginalisation la participation de l’enfant à la vie
des élèves BEP. sociale et culturelle de la communauté.

L’école régulière doit donc être inclusive et tendre vers des pratiques de
différenciation permettant à chaque enfant de s’épanouir dans l’école régulière.
L’analyse des pôles – axiologique, épistémique ou praxéologique – permet de
justifier le choix de l’intégration-inclusion scolaire :
– pôle axiologique : il renvoie aux finalités de l’école et aux valeurs qu’elle
défend, comme la tolérance, le respect des différences et la valorisation
de la diversité (Kohout-Diaz, 2018). C’est ici la dimension éthique qui
justifie l’inclusion – celle-ci relevant, comme nous l’avons souligné, des
droits de l’enfant ;
– pôle épistémique : il se réfère aux savoirs scientifiques nécessaires pour
éclairer et justifier l’action. Les connaissances actuelles plaident également
pour l’inclusion : les études montrent clairement les bénéfices de l’inté-
gration pour l’enfant en situation de handicap, mais également pour les
autres élèves (Doudin et al., 2006 ; Rousseau et al., 2006 ; Doudin et al.,
2009 ; Noël, 2009 ; Ramel et Lonchampt, 2009 ; Bedoin et al., 2018) ;
– pôle praxéologique : il relève des modalités concrètes de la mise en
œuvre de l’intégration. Les démarches, méthodes et outils présentés
dans cet ouvrage sont éprouvés. La mise en œuvre de l’intégration est
donc possible, en élargissant le mandat de l’enseignant d’appui à cette
population d’enfants1.
Les avantages de l’inclusion scolaire sont notamment présentés, de manière
très claire, par Doudin et al. (2006) :
– les élèves intégrés développent leurs compétences scolaires et sociales
au contact des autres élèves ; ils progressent mieux qu’en classe
spéciale ;
– les adaptations pédagogiques prévues pour les élèves intégrés profitent
également aux autres élèves de la classe ;
– le fait de côtoyer des élèves en grande difficulté favorise le développement
d’attitudes de respect des différences individuelles chez les autres élèves ;
– les apprentissages des autres élèves ne sont aucunement péjorés par la
présence d’enfants en situation de handicap dans la classe.

1 En Suisse, les lois et règlements parlent également d’« appui » pour désigner l’accompagnement des
élèves à besoins éducatifs particuliers. L’appui est « ordinaire » pour les élèves en difficulté et « renforcé »
(critères de longue durée et d’intensité de l’aide) pour les enfants en situation de handicap.

— 203 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE

En réalité, l’appui pédagogique intégré a déjà permis une réévaluation du


seuil de tolérance à la différence dans l’école. De fait, celle-ci accepte déjà une
hétérogénéité de plus en plus grande : toutes les couches socioculturelles sont
représentées à l’école ; les élèves étrangers sont de plus en plus nombreux dans
les classes ; les enfants réfugiés trouvent également leur place dans les structures
régulières ; etc. L’intégration scolaire des enfants en situation de handicap
constitue donc, logiquement, un pas de plus en direction de l’inclusion. « Ainsi,
l’inclusion d’élèves handicapés dans les classes, en engendrant le développement
de gestes spécifiques au sein de la palette de gestes génériques, peut constituer
un déclencheur et un vecteur de renforcement et d’évolution des manières
d’enseigner » (Dunand et Feuilladieu, 2014, p. 122).
Dans cet ouvrage, nous avons vu comment élaborer un PPI et gérer, pour les
élèves en grande difficulté, un programme adapté. Avec les enfants en situation
de handicap, l’école ne doit pas franchir une étape fondamentalement nouvelle,
mais poursuivre la réflexion sur le droit à la différence. En fait, la démarche est
exactement la même pour les enfants en situation de handicap que celle décrite
dans ce livre pour les élèves en difficulté : pour accueillir un enfant à BEP, il s’agit
tout d’abord de procéder à une évaluation globale de la situation, de formuler
ensuite des objectifs en fonction des ressources et des difficultés de l’enfant, de
collaborer avec le titulaire lors de la prise en charge et d’effectuer régulièrement
des bilans permettant de réajuster le projet. La collaboration avec les parents,
le titulaire, voire les thérapeutes doit être renforcée, mais les principes énoncés
plus haut restent tout à fait valables.
Le mouvement de l’inclusion scolaire est engagé et il est irréversible. Si
l’école peut accueillir des enfants en grande difficulté, elle peut également ouvrir
ses portes aux enfants en situation de handicap. La classe régulière avec appui
pédagogique peut être considérée comme un dispositif pragmatique permettant
l’intégration et l’ouverture à une école pour tous1. Si nous pensons que l’appui
peut jouer un rôle déterminant dans l’évolution des pratiques tendant vers une
école inclusive, c’est qu’il répond aux conditions, énoncées par Dunand et
Feuilladieu (2014) « permettant de penser le développement des gestes d’ensei-
gnement comme vecteur de changement des pratiques » (p. 122) :
– première condition : les nouvelles pratiques – ici l’intégration-inclusion –
doivent s’insérer dans le système existant. C’est bien le cas pour l’appui
qui existe déjà à l’école et qui étend son domaine de compétences aux
élèves en situation de handicap ;
– deuxième condition : les nouvelles pratiques doivent perfectionner le sys-
tème et non le contredire. Les enseignants spécialisés vont devoir adapter
le PPI aux besoins des enfants en situation de handicap et développer

1 L’école pour tous participe d’une visée inclusive, donc d’un idéal. Elle doit encore réfléchir aux
meilleurs moyens d’accompagner certains enfants. Nous pensons en particulier aux enfants qui posent
des problèmes de comportement difficilement gérables en classe. À notre connaissance, l’école n’a pas
encore trouvé de solutions pour intégrer ces enfants. Peut-être faute de moyens suffisants et de conditions
favorables…

— 204 —
Perspectives – De l’appui pédagogique intégré…

des pratiques, déjà existantes, de différenciation (notamment le programme


adapté) ;
– troisième condition : les nouvelles pratiques doivent répondre à un besoin
existant. L’appui peut répondre aux besoins des enseignants réguliers
qui intègrent des enfants en situation de handicap ;
– quatrième condition : les nouvelles pratiques ne doivent pas aller à
l’encontre du système de valeurs et de pouvoir. L’évolution de l’école
vers l’inclusion a fait l’objet d’un choix politique clair, correspondant à
des valeurs humanistes.
Il ne s’agit pas de tomber dans un angélisme béat et de cultiver une
ingénuité éthérée : l’intégration est une démarche difficile. Il faut néanmoins
admettre que la différence entre la problématique soulevée par les enfants en
difficulté et celle des enfants en situation de handicap n’est pas très éloignée.
Les expériences de programmes adaptés, par exemple, sont déjà des expé-
riences d’intégration. En fait, un enfant en situation de handicap bénéficierait
uniquement d’une adaptation plus importante du programme et d’une différen-
ciation plus approfondie que les enfants en difficulté scolaire. C’est peut-être
beaucoup, mais c’est tout !
Dans cette évolution vers l’intégration de tous les enfants, l’enseignant
d’appui peut évidemment jouer un rôle moteur. Actuellement, il collabore déjà
intensément avec les titulaires et connaît la réalité de l’enseignement régulier.
Il est donc le mieux placé pour encourager les enseignants à intégrer des enfants
en situation de handicap. « L’école a désormais moins besoin de spécialistes
de chaque catégorie de troubles mais plutôt de personnes-ressources pour le
développement des pratiques inclusives » (Bedoin et al., 2018, p. 53). C’est
donc bien l’enseignant spécialisé « généraliste », tel que nous l’avons décrit dans
ce livre, qui doit assumer cette fonction. En effet, la maîtrise de la démarche
PPI est bien plus importante, dans l’accompagnement d’un enfant en situation
de handicap, que la parfaite connaissance de tel ou tel syndrome.
Dans le processus d’intégration, on peut donc affirmer qu’à terme tous les
enseignants spécialisés seront « enseignant d’appui » ou ne seront plus ! Bientôt,
l’enseignant d’appui pédagogique « intégré » sera un enseignant d’appui péda-
gogique « intégrant » et l’école sera enfin ouverte à tous les enfants. L’appui
pédagogique intégré est donc également destiné aux enfants en situation de
handicap que l’on désire maintenir dans le circuit ordinaire de formation, ce
que résument Bedoin et al. (2018) en présentant les trois missions essentielles
de l’enseignant spécialisé : « [1] Sensibiliser tous les membres de la commu-
nauté éducative aux principes de l’éducation inclusive, [2] jouer un rôle moteur
pour le développement de l’éducation inclusive, et [3] apporter aux équipes
une expertise dans le domaine des pratiques pédagogiques inclusives » (p. 86).
Gardons-nous cependant de faire de la question un dogme et d’entrer en
intégration comme on entre en religion. La démarche d’appui renforcé, comme
pour l’appui ordinaire, exige avant tout une réflexion sur la situation singulière

— 205 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE

de chaque enfant. Les dispositifs intégratifs « font l’objet d’une analyse indivi-
dualisée, ceci dans le respect du bien-être et des possibilités de développement
de l’enfant ou du jeune concerné, en tenant compte de l’environnement,
de l’organisation scolaire et de l’avis des détenteurs de l’autorité parentale »
(DEF, 2018, p. 16). L’enseignant spécialisé encouragera donc l’intégration du
petit Julien qui entre en première primaire dans la classe de Madame Söder
et évitera, par contre, de consacrer son énergie à l’apostolat des intégratifs
résolus – le discours en la matière irrite plus qu’il ne convainc. Si, par contre,
l’enseignant spécialisé peut proposer son aide au titulaire, organiser les supports
de différenciation et élaborer le programme adapté, l’intégration peut être une
expérience extraordinaire pour tous les partenaires impliqués. Le mouvement
inclusif est lancé : à nous, les enseignants spécialisés, de nous y engager avec
toute l’énergie et la conviction nécessaires.

— 206 —
Conclusion

L’échec scolaire est un scandale qu’il faut dénoncer encore et encore.


L’enseignant spécialisé est un professionnel de l’enfance blessée, l’échec sco-
laire blessant non seulement les compétences de l’enfant, mais également sa
confiance en soi et sa motivation.
Comme nous l’avons vu, la lutte contre l’échec et la promotion de la réussite
scolaire sont d’une folle complexité. Or la complexité engendre « l’humilitude »,
vertu cardinale de la profession. L’enseignant spécialisé pratique en effet une
profession « impossible » parce qu’elle est, en effet, très complexe : il devrait être
à la fois un parfait communicateur, le spécialiste des apprentissages et le roi
du paradoxe. Les qualités que doit présenter un « bon » enseignant d’appui sont
effectivement multiples et seuls les enseignants d’encre et de papier – comme
ceux magnifiés dans cet ouvrage – semblent posséder les qualités requises. Si
les situations analysées dans les chapitres précédents ont toutes trouvé des
solutions, elles ne sont évidemment pas emblématiques du vécu quotidien de
l’enseignant d’appui. Très souvent en effet, l’enseignant spécialisé « de sang et
de chair » cherche, tâtonne, émet des hypothèses… et se trompe. Il développe
donc avant tout beaucoup d’humilité dans son travail et reste très prudent et
circonspect lorsque certains extrapédagogues ou supragourous lui présentent
« la » solution à tous ses problèmes ou « la » méthode pédagogique miracle.
Alors que nous venons d’y consacrer tout un ouvrage, nous souhaitons
conclure cette réflexion en affirmant que le but de l’appui est qu’il disparaisse le
plus rapidement possible : hara-kiri pour l’appui ! En effet, cette mesure permet
d’introduire dans les classes régulières la pratique de la différenciation. Ainsi,
l’enseignant régulier, en pratiquant une pédagogie lui permettant de s’occuper
de tous ses élèves, rend le travail de l’enseignant spécialisé inutile. Lorsque les
enseignants intégreront la différenciation à leurs pratiques et sauront s’adapter
aux besoins de tous les enfants, l’appui pédagogique deviendra en effet super-
flu. « C’est dans cette perspective d’ailleurs que l’appui a pour rôle essentiel de
contribuer à promouvoir une pédagogie de la différenciation, donc à devenir
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE

inutile » (p. 24). C’est ce qu’affirmait Philippe Theytaz en 1993 déjà, lors de
l’introduction de l’appui en Valais !
Après plusieurs décennies et en attendant ce futur rêvé – qu’on ne voit pas
avant après-demain, soyons réalistes… –, on peut se demander si la position
idéale de l’enseignant spécialisé n’est pas celle du médiocre ! S’il est carrément
nul, l’enseignant spécialisé ne sera plus guère sollicité : son travail dépend direc-
tement des signalements des titulaires ; plus de signalements, plus de travail. Si,
à l’opposé, l’enseignant spécialisé est d’une redoutable efficacité et s’il permet
rapidement à chaque élève de réussir dans sa classe, il se retrouve également
très vite sans travail. Les enseignants spécialisés en fonction – dont je suis –
devraient donc souvent s’interroger sur la qualité de leur travail et assumer,
probablement, en plus de leur humilitude, leur « médiocritude ».
Mais lorsqu’il peut aider un enfant, lorsqu’il soulage un collègue, lorsqu’il
permet à une famille de croire derechef en un meilleur possible, l’enseignant
spécialisé exerce la plus belle des professions. Et si ce métier est exigeant, il est
également passionnant. C’est une belle profession parce qu’elle s’occupe de
l’enfance et de son développement épanouissant. Et c’est la plus belle profession,
parce que c’est une profession de l’enfance blessée.

— 208 —
ANNEXES

Annexe 1 Redoublement ou promotion : Grille d’entretien et d’analyse globale


de la situation de l’élève
Annexe 2 Grille annuelle de mathématiques de Lucas
Annexe 3 Tableau de gestion des tâches à domicile
Annexe 4 Gérer ses tâches : travail réalisé avec des enfants de 10 ans
Annexe 5 Fiche d’auto-évaluation de l’élève
Annexe 6 Objectifs annuels – Lecture 4P
Annexe 7 Comprendre des consignes
Annexe 8 Les mots de sens proche
Annexe 9 Grille des processus mentaux
Annexe 10 Grille d’entretien
Annexe 11 Canevas PPI
Annexe 12 Le projet pédagogique individuel (PPI) d’Emma
Annexe 13 Tableau de correspondance des classes d’âge dans les systèmes scolaires
francophones
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE

ANNEXE 1
Redoublement ou promotion
Grille d’entretien et d’analyse globale
de la situation de l’élève
Nom de l’élève : ________________ Classe : ______ Titulaire : ____________________

Critères à évaluer lors d’une décision de redoublement ou de promotion :

Domaines Critères OUI NON Remarques

Les objectifs du Plan d’études (attentes


Les
fondamentales) sont atteints par l’élève
objectifs
(savoirs).

Les objectifs de savoir-faire sont


atteints (organisation du travail,
procédures, stratégies d’apprentissage,
attention, etc.).

Les objectifs de savoir-être sont


atteints (comportement, intégration,
motivation, etc.).

À ma connaissance, l’élève ne souffre


L’élève
pas d’un retard mental avéré.

Son potentiel d’apprentissage est bon


(profite de l’aide apportée).

L’élève est bien intégré au groupe-


classe actuel.

La L’enseignant.e actuel.le adhère


décision au projet de promotion.

Les parents sont favorables


à la promotion.

L’enseignant.e qui devra accueillir


l’enfant l’année prochaine adhère
au projet de promotion.

L’élève est fàvorable à la promotion.

Un projet pédagogique cohérent


est envisageable si l’élève est promu
Le projet
(par exemple, programme différencié/
adapté).

— 210 —
Annexes

Domaines Critères OUI NON Remarques

Le redoublement est la seule mesure


d’aide prévue (appui et/ou soutien non
prévus).

Un parcours « normal » est envisageable


pour la suite de la scolarité obligatoire.

Le projet tient compte du parcours de


toute la scolarité (nombre d’années qui
restent en primaire/ au CO).

Un changement de classe et/


ou de centre scolaire pourrait être
favorable aux progrès de l’élève
(actuellement, mauvaise image
de l’élève, intégration difficile, etc.)

Une aide pédagogique (appui) et/ou


psychologique et/ou thérapeutique est
envisagée.

Avant de décider d’une promotion ou d’un redoublement, une analyse


globale de la situation est indispensable. Les critères positifs (« oui ») sont plutôt
favorables à une promotion.

— 211 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE

ANNEXE 2
Grille annuelle de mathématiques de Lucas
Programme différencié – Lucas

Numération

1. Sérier des nombres jusqu’à 100 000. x √ √ √

2. Sérier des nombres décimaux


x x x x √ √ x
(2 décimales).

Opérations

3. Maîtriser l’addition en colonnes


√ √ √ √ x
jusqu’à 10 000.

4. Maîtriser l’addition en colonnes


x √ √ √ √ √
de nombres à virgule (1 décimale).

5. Maîtriser la soustraction en colonnes


√ √ √ x x
jusqu’à 10 000.

6. Maîtriser la soustraction en colonnes


x √ √ √
de nombres à virgule (1 décimale).

7. Maîtriser la multiplication
√ √ √
en colonnes (ex. : 475 × 38).

8. Maîtriser la multiplication en colonnes


x x x x
du type 37 × 42,8 (1 décimale).

9. Maîtriser la division en colonnes


√ x √ x √ x x
(ex. : 1478 : 35).

Applications et proportionnalité

10. Utiliser un tableau


de correspondance (compléter, lire x x
et utiliser).

11. Résoudre des problèmes (niveau fin


x x x x
de 6P).

Géométrie et mesures

12. Coder et décoder les points


d’un quadrillage au moyen √ √ √
de coordonnées.

— 212 —
Annexes

13. Reconnaître et nommer :


carré, rectangle, triangle, losange, √ √ √ x x √ √ √
parallélogramme, trapèze.

14. Construire des parallèles


x √ √ √
et des perpendiculaires.

15. Construire sur papier quadrillé :


√ √ √ √
une translation et une symétrie axiale.

16. Mesurer une ligne à l’aide



de la règle graduée.

17. Changer d’unités : cm – mm /


x √ x
m – cm / km – m.

18. Calculer le périmètre et l’aire


x x
d’un carré ou d’un rectangle.

— 213 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE

ANNEXE 3
Tableau de gestion des tâches à domicile
Date : ________________________

Temps réel

J’ai récité
ma leçon

En ordre
J’ai mes
affaires
Temps
estimé
Midi

Soir

Devoirs :

Leçons :

Corrections, travaux supplémentaires

Signatures ou commentaires éventuels des parents ou de l’enseignant : ____________


__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________
__________________________________________________________________________

— 214 —
Annexes

ANNEXE 4
Gérer ses tâches : travail réalisé
avec des enfants de 10 ans

Je dois préparer mes affaires, faire mes devoirs et apprendre mes leçons

1. Je dois préparer mes affaires


a. Je copie les devoirs et leçons sur mon agenda
b. Je lis mon agenda, je regarde sous le banc
ou dans les classeurs et je mets mes affaires
dans le sac

2. Faire mes devoirs


a. Je rentre à la maison vers 16 h 30 et je prends
un goûter ou je fais une petite pause
b. Je commence mon travail (parfois
j’ai déjà travaillé à midi)
c. Je fais éventuellement une pause
d. Je regarde si j’ai terminé le travail
e. Je vérifie dans l’agenda

3. Apprendre mes leçons


a. J’étudie ma leçon
b. Je lis, je regarde ou je l’écris
c. J’évoque la leçon dans ma tête
d. Pour savoir si j’ai terminé, je vérifie
dans ma tête si je connais ma leçon
e. Je récite ma leçon

— 215 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE

ANNEXE 5
Fiche d’auto-évaluation de l’élève
La division par soustractions successives

NON EN
PRÉREQUIS OK
acquis VOIE

Je dois être capable de maîtriser parfaitement


mon livret (1 à 10) et de répondre à chaque question
en moins de 3 secondes.
Ex. : 6 × 7 = 8×9 = 7×8 =

Je dois être capable de multiplier un nombre


de 1 chiffre par 10, 100, 1 000 par oral.
Ex. : 9 × 10 = 3 × 100 = 7 × 1 000 =

Je dois être capable d’additionner en colonnes


4 nombres de 4 chiffres (maximum).
Ex. : 1 400 + 70 + 300 + 5 =

Je dois être capable de soustraire par écrit 2 nombres


de 4 chiffres.
Ex. : 7 395 – 4 900 =

OBJECTIFS-NOYAUX

Je dois être capable d’expliquer par oral ce que veulent


dire tous les mots suivants (vocabulaire) : division,
dividende, diviseur, quotient, reste, échange, addition,
soustraction, chiffre, nombre, livret, division-partage,
division-contenance.

Je dois être capable de diviser oralement un nombre


de 4 chiffres par un nombre de 1 chiffre (division
exacte) (fiches 56 et 57).
Ex. : 2 400 : 4 = 2 700 : 3 = 360 : 9 =

Je dois être capable d’effectuer une division (exacte)


en colonnes avec un dividende de 4 chiffres
et un diviseur de 1 chiffre (fiches 58 et 59)
Ex. : 1 218 : 6 =

— 216 —
Annexes

OBJECTIFS D’APPROFONDISSEMENT

Je dois être capable d’effectuer une division


en colonnes avec reste (dividende de 4 chiffres
et diviseur de 1 ou 2 chiffres).
Ex. : 2 569 : 5 = 4 414 : 12 =

Je dois être capable d’effectuer une division exacte


ou non (dividende de 4 chiffres et diviseur de 1
ou 2 chiffres) en utilisant la technique des échanges.
Ex. : 2 097 : 16 = 8 496 : 18 =

Critère : lors de l’évaluation finale, l’élève qui réussit tous les objectifs-noyaux
s’assure une note de 5.

— 217 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE

ANNEXE 6
Objectifs annuels – Lecture 4P

1. L’élève sera capable de lire et de comprendre des grands TEXTES (de 20 à


30 phrases). Il peut donner l’idée principale de chaque paragraphe.

2. L’élève sera capable d’utiliser le DÉCOR de l’histoire pour comprendre ce qu’il lit :
le titre – les illustrations – la présentation – la référence

3. L’élève sera capable de lire des CONSIGNES difficiles (plus de quatre informations)
et de réaliser ce qui est demandé.

4. L’élève sera capable de reconnaître une ÉTUDE DE TEXTE et de la réaliser en


respectant les trois points de la méthode.

5. L’élève sera capable de reconnaître et de nommer DIFFÉRENTS TYPES D’ ÉCRITS :

Une histoire Un article Un document Une recette

Un annuaire
Un mode d’emploi Un règlement de jeu Un horaire
téléphonique

Une poésie Une chanson Une publicité Une lettre

Une marche à suivre Une bande dessinée Un QCM Une table des matières

Une petite annonce Un catalogue Un calendrier

6. LECTURE-PLAISIR : l’élève aura cultivé son plaisir de la lecture.


L’évaluation de cet objectif se fera à l’aide de 3 supports :
− le Coin Bibliothèque : l’auto-évaluation de l’élève devra montrer un score de 50 %
de réponses positives (« j’ai aimé ce livre… beaucoup »)
− l’évaluation Clown : l’élève aura choisi au moins 8/12 clowns souriants (évaluation
en fin de 4P)
− les différentes activités de lecture (Bibliothèque, Coin Lecture, Coffret, etc.) :
l’élève aura spontanément demandé ce type d’activités pendant son temps libre
(1x/semestre au minimum).

N.B. La batterie d’évaluations correspondante permet de comprendre plus précisément


les critères et conditions attendus (exemple des consignes en annexe 7).

— 218 —
Annexes

ANNEXE 7
Comprendre des consignes
Objectifs de lecture 4P – Série 3

Élève : ________________

Consigne : je colorie en vert les évaluations que j’ai réussies et en rouge les autres.

1. Je suis capable de lire des consignes et de réaliser ce qui m’est demandé


(de 1 à 4 informations).
− Fiches 1, 2, 3, 4, 5
− Fiches 6, 7, 8, 9, 10

ÉVALUATION 1 ÉVALUATION 2 ÉVALUATION 3 ÉVALUATION 4

2. Je suis capable de lire des consignes et de réaliser ce qui m’est


demandé (plus de 4 informations).
− Fiches 11, 12, 13, 14, 15

ÉVALUATION 1 ÉVALUATION 2 ÉVALUATION 3 ÉVALUATION 4

3. Je comprends le vocabulaire propre aux consignes :

barre trace biffe souligne entoure encadre

complète ajoute écris trouve réponds devine

choisis achève termine finis copie recopie

remplace coche relie numérote vrai/faux effectue

ÉVALUATION 1 ÉVALUATION 2 ÉVALUATION 3 ÉVALUATION 4

Évaluation notée = ___

— 219 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE

ANNEXE 8
Les mots de sens proche

— 220 —
Annexes

ANNEXE 9
Grille des processus mentaux
Quels processus mentaux sont nécessaires pour réussir la fiche de vocabulaire
de 5e primaire « Des mots de sens proche » (annexe 8) ?

PROCESSUS COMMENTAIRES

QUAND JE REÇOIS LE TRAVAIL :


Métacognition : je décide de mon comportement
– je décide d’être attentif
– je contrôle mon impulsivité – comportement adéquat

J’identifie toutes les informations de la fiche


Je discrimine les différentes sortes d’informations :
– les informations générales de la fiche : la couleur
m’indique que c’est un travail de vocabulaire – pense que c’est un travail
– le logo me dit d’ouvrir le livre de lecture sur les verbes
à la page 58 – ne lit ni le titre ni le logo
– le titre « Des mots de sens proche » me rappelle – ne demande même pas le livre
des choses connues – repère les trois exercices
– je vois trois exercices – repère les consignes
– je repère les consignes de chaque exercice

EXERCICE 1
PERCEPTION :
Première partie de la consigne :
J’explore d’une manière systématique : – déchiffre correctement, mais
– trois informations : compare / le texte ci-dessous / n’évoque pas
avec le texte du livre
Je classe les informations selon leur nature : – ne sort pas son livre
– compare : c’est ce qu’on demande
– le texte ci-dessous : le support
– avec le texte du livre : le matériel à préparer
Deuxième partie de la consigne :
– deux informations : souligne / les verbes de sens – retient uniquement le début
proche qui ont remplacé ceux du livre de la consigne (« souligne
les verbes »)
Je classe les informations selon leur nature :
– fait ce qu’on lui demande
– souligne : c’est ce qu’on me demande
– ne souligne que les verbes,
– les verbes de sens proche qui ont remplacé ceux
sans comparer
du livre : ce que je dois chercher
(…)
Je considère simultanément les informations : (…)

(…) Exercice 2 (…)

— 221 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE

PROCESSUS COMMENTAIRES

EXERCICE 3
ÉLABORATION :
Je perçois l’existence du problème :
– je dois trouver le mot de sens proche – a compris l’exercice
Je sélectionne les moyens à utiliser pour résoudre
le problème et je planifie leur utilisation :
– je lis la phrase
– je repère le mot mis en évidence – bonne planification
– je lis les deux mots qui suivent
Je raisonne logiquement :
– pour choisir le mot exact – est gêné par le vocabulaire
utilisé : ne comprend pas
RÉPONSE :
les mots « régional, voiture,
Je vérifie l’exactitude de ma réponse : trafic, CFF, modifient »
– en relisant la phrase et en remplaçant « wagon »
par « voiture », par exemple

À LA FIN DU TRAVAIL
Après le bilan fait sur ma fiche, je décide – dorénavant, Samuel lira le
d’améliorer mon efficacité dans un travail titre de la fiche et tâchera de
ultérieur : comprendre l’enjeu des exercices
_______________________________________ proposés : « dans cette fiche,
_______________________________________ je vais apprendre à… »

REMARQUES COMPLÉMENTAIRES
– À la fin des exercices, je demande à Samuel ce qu’il a appris en effectuant cette
fiche ; il me répond : « À souligner… » !

– Samuel maîtrise le concept de « sens proche », mais pas les termes utilisés (« sens » et
« proche ») ; il réalise en effet correctement l’ex. 3 dans les phrases où il ne rencontre
aucune difficulté de vocabulaire.

– En synthèse : Samuel n’a pas compris du tout l’enjeu de la fiche ; il ne comprend pas
les termes de « sens proche », mais a intériorisé le concept (il sait reconnaître des mots
de sens proche et en trouver). Je dois donc aider Samuel à lire le titre des fiches qu’il
réalisera dorénavant et à comprendre ce qu’il apprend lorsqu’il fait des exercices.

— 222 —
Annexes

ANNEXE 10
Grille d’entretien

Élève : __________________ Grille utilisée avec :


Classe : _________________  le titulaire
Titulaire : ________________  l’élève
 les parents
 autre :

INFORMATION REMÉDIATION
Informer S’impliquer
Ma définition de la situation : Objectifs :
Positif : Négatif : ___________________________________
_________________ _________________ ___________________________________
_________________ _________________ ___________________________________
_________________ _________________ ___________________________________
_________________ _________________ Moyens :
Mes attentes et mes limites : ___________________________________
___________________________________ ___________________________________
___________________________________ ___________________________________
___________________________________ ___________________________________
___________________________________ ___________________________________

S’informer Impliquer
1) Quel est le problème ? Objectifs :
___________________________________ ___________________________________
___________________________________ ___________________________________
2) Qu’avez-vous déjà fait ? ___________________________________
___________________________________ ___________________________________
___________________________________ Moyens :
3) Qu’attendez-vous de moi ? ___________________________________
___________________________________ ___________________________________
___________________________________ ___________________________________
4) Qu’êtes-vous disposé à faire ? ___________________________________
___________________________________ ___________________________________
___________________________________ ___________________________________

— 223 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE

ANNEXE 11
Canevas PPI (page 1)

Projet pédagogique individuel (PPI)


Nom et prénom de l’élève : Degré et année scolaire :
Enseignant.e : Centre scolaire :
Enseignant.e d’appui :

RESSOURCES

Comportement :

Attitude face à la tâche :

Disciplines spécifiques (français / maths / autres) :

Famille et divers :

DIFFICULTÉS / BESOINS

Comportement :

Attitude face à la tâche :

Disciplines spécifiques (français / maths / autres) :

Famille et divers :

— 224 —
Annexes

Canevas PPI (page 2)

OBJECTIFS

Hypothèse explicative (point nodal) :

Objectif général :

Objectifs spécifiques :
– Pour la classe :
– Pour l’appui :
– Pour la maison :

Procédure et moyens (qui fait quoi) :

Date du prochain bilan :

Signatures :

— 225 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE

ANNEXE 12
Le projet pédagogique individuel (PPI)
d’Emma (page 1)

Projet pédagogique individuel (PPI)


Nom et prénom de l’élève : Emma Degré et année scolaire : 4e primaire
Enseignante : Mme Marcelle Centre scolaire : Sapin-Bas
Enseignant référent : enseignant d’appui
Bilan effectué à partir des demandes suivantes :
– difficultés en lecture, notamment en compréhension des consignes
– demande de bilan

RESSOURCES

Comportement :
– participe en classe
– semble s’y sentir bien
– ne pose aucun problème de comportement
– est au clair avec les enjeux de l’appui
Attitude face à la tâche :
– peut montrer une attitude face à la tâche parfaitement adaptée (concentration,
notamment)
– bonne maîtrise de l’impulsivité
– se montre très à l’aise dans l’objectivation ; réfléchit avant de donner sa réponse
– a un très bon potentiel d’apprentissage
– demande de l’aide de manière pertinente
– est au clair avec ses difficultés (français et lecture, mais également qualité de son
travail et lenteur)
– dit « adorer » les maths, parce qu’elle « est forte »
Disciplines spécifiques :
Lecture :
– décodage et fluence corrects
– peut très bien comprendre, lorsque la tâche l’exige (e.g. Puzzle de lecture)
Famille et divers :
– a une grande sœur qui étudie au collège ; l’aide si nécessaire
– a beaucoup progressé depuis son entrée à l’école
– semble autonome dans la gestion des tâches à domicile
– loisirs : judo (« pour faire du sport ») et marionnettes
– parle l’arabe à la maison

— 226 —
Annexes

Le projet pédagogique individuel (PPI)


d’Emma (page 2)

DIFFICULTÉS / BESOINS

Comportement :
– ne semble pas bien intégrée dans le groupe-classe (aime tout le monde… donc
personne en particulier)
– donne souvent des réponses HS, en classe (jamais en appui !)
– trouve sa maîtresse sévère
– est très facilement distraite (« souvent ailleurs »)
– pense ne pas être très intelligente (« puisque je fais souvent faux, au début »)
– se plaint du bruit dans la classe (ce qui la dérange)
Attitude face à la tâche :
– travaille très lentement
– passive, attend qu’on lui dise ce qu’elle doit faire ; souvent la dernière à se mettre
au travail
– peu pugnace, se montre souvent indolente ; associe « difficulté » et « longueur » de
l’activité
– se montre très discrète, en classe, « transparente » (ce qui lui évite de devoir s’engager
dans le travail…)
– fait pour faire, sans se fixer un critère de réussite (e.g. jeu Réussite, 4/10)
– a de la difficulté à entrer dans une tâche nouvelle (confiance en soi ? évitement
d’effort ? non-compréhension de l’enjeu ?)
– peu organisée
– montre parfois une pensée divergente qui l’éloigne de la tâche demandée en classe
(e.g. réunit les cartes par thèmes, dans le Réussite en lecture)
Disciplines spécifiques :
Lecture :
– ne réagit pas toujours à la perte de sens, ce qui rend la compréhension parfois difficile
– manque de précision dans la lecture, en particulier dans la lecture des consignes
(surcharge cognitive ?)
– vocabulaire pauvre (notamment celui propre aux consignes)
Famille et divers :
– parents séparés ; élevée en partie par la grand-mère
– a commencé l’école sans parler (manque de stimulations ?)
– statut d’« enfant-roi » à la maison ; peu frustrée

— 227 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE

Le projet pédagogique individuel (PPI)


d’Emma (page 3)

OBJECTIFS

Hypothèse explicative (point nodal) :


Emma a de très bonnes capacités intellectuelles, mais elle est indolente et a tendance
à éviter l’effort, probablement par manque de confiance en elle (et de confiance des
adultes ?) et de SEP (Sentiment d’efficacité personnelle). Les tâches – surtout si elles
sont nouvelles – sont donc peu investies, dans un premier temps. Par contre, lorsque
la tâche lui est familière, Emma peut montrer de très bonnes compétences.
Le manque de stimulations et de communication pourrait expliquer cette attitude.
Objectif général :
– investir la tâche
– faire preuve de précision et de rigueur (lecture des consignes, notamment)
– autocontrôler la qualité du travail, à la fin de l’activité
Objectifs spécifiques :
– Entrée dans la tâche : compréhension fine des consignes
– Pilotage de la tâche : critère de réussite élevé
– Sortie de la tâche : autocontrôle

Pour la classe (l’enseignante) :


– entrée dans la tâche : ne laisser qu’une minute à l’élève pour se mettre au travail
– renforcer positivement lorsque l’élève entre tout de suite dans la tâche
Pour la classe (l’élève) :
Pugnacité (surtout dans les tâches nouvelles et dans l’entrée dans la tâche) :
– investir la tâche dès la première minute
– se fixer un critère de réussite
– aller au bout du travail et contrôler sa qualité (autocontrôle)
Pour l’appui :
– Entrée dans la tâche : « Je comprends la consigne (je peux la raconter) »
– Pilotage de la tâche : « Je me fixe un critère de réussite élevé »
– Sortie de la tâche : « Je contrôle le résultat avant de rendre le travail à la maîtresse »
Lecture des consignes :
– précision dans la lecture des consignes
– vocabulaire propre aux consignes
– lectures multiples (pour éviter la surcharge cognitive)
Pour la maison :
– s’assurer de son implication dans les tâches à domicile en cadrant le temps de travail

Date du prochain bilan :

Signatures :

— 228 —
Annexes

ANNEXE 13
Tableau de correspondance des classes d’âge
dans les systèmes scolaires francophones
Ordre
Âge BELGIQUE FRANCE QUÉBEC SUISSE
d’enseignement
MATERNEL Avant (3-5) (2-5) Petite section (4 ans) École enfantine
6 ans Maternelle (1re année - Cycle 1) Pré-maternelle (4 ans) Classe de 1re
moyenne section (5 ans) (1 H)
(2e année-C1) Maternelle (5 ans) Classe de 2e
grande section (2H)
de maternelle
(3e année-C1
et 1re année-C2)
PRIMAIRE 6 ans 1re primaire CP 1re primaire classe de 3e (3H/1P)
(cours élémentaire - (1er cycle)
2e année - Cycle 2)
7 ans 2e primaire CE1 2e primaire classe de 4e (4H/2P)
(cours élémentaire - (1er cycle)
3e année - Cycle 2)
8 ans 3e primaire CE2 3e primaire classe de 5e (5H/3P)
(cours élémentaire - (1er cycle)
1re année - Cycle 3)
9 ans 4e primaire CM1 4e primaire classe de 6e (6H/4P)
(cours moyen - (2e cycle)
2e année - Cycle 3)
10 ans 5e primaire CM2 5e primaire classe de 7e*
(cours moyen - (3e cycle) (7H/5P)
3e année - Cycle 3)
11 ans 6e primaire 6e primaire classe de 8e* (8H/6P)
(3e cycle)
SECONDAIRE 11 ans classe de 6e (Collège)
12 ans 1re secondaire classe de 5e (Collège) 1re secondaire classe de 9e (1 CO)
13 ans 2e secondaire classe de 4e (Collège) 2e secondaire classe de 10e (2 CO)
e e e
14 ans 3 secondaire classe de 3 (Collège) 3 secondaire classe de 11e* (3 CO)
15 ans 4e secondaire classe de 2e (Collège) 4e secondaire gymnase 1
e
16 ans 5 secondaire classe de 1re (Collège) 5e secondaire gymnase 2
e
17 ans 6 secondaire terminale (Lycée) Cégep 1** gymnase 3
18 ans Cégep 2** gymnase 4

* Selon les cantons, le secondaire suisse commence en 9e ou en 8e, parfois dès la 7e.
** Le collège québécois (CEGEP : centre d’enseignement général ou professionnel) est un ordre spé-
cifique, intermédiaire entre le secondaire et l’université.

— 229 —
BIBLIOGRAPHIE

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d’enfants et d’adolescents présentant des besoins particuliers. Revue suisse de
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AMARÉ, S. et MONCEL, A. (2010). Éducation généraliste et éducation adaptée, l’ensei-
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Lausanne : Favre.
ANDRÉ, B. (2015). Prévenir les malentendus et conflits liés aux notes. Dans B. André
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Table des matières

Sommaire ...................................................................................... 7
Remerciements ............................................................................. 9

Introduction .................................................................................. 11

Propos liminaires – L’échec scolaire : définitions et enjeux....... 15


1. Définir l’échec scolaire .................................................................. 15
2. Les causes de l’échec scolaire ........................................................ 18
2.1 Les aptitudes intellectuelles .................................................. 18
2.2 Les « dys » ............................................................................. 19
2.3 Les troubles affectifs et psychologiques ................................. 20
2.4 Le milieu socioculturel ......................................................... 22
2.5 La famille ............................................................................ 23
2.6 L’échec de l’école ................................................................. 25
2.7 L’effet-maître et l’effet-établissement .................................... 26
2.8 Des causes multifactorielles .................................................. 27

PREMIÈRE PARTIE
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE :
TROIS NIVEAUX D’INTERVENTION
CHAPITRE 1
Les mesures institutionnelles ....................................................... 37
1.1. Le redoublement ou la promotion automatique ............................ 37
1.1.1 Les résultats des recherches sur le redoublement ............. 38
1.1.2 Redoublement et lutte contre l’échec scolaire .................. 39

— 241 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE

1.1.3 Les effets du redoublement sur les aspects cognitifs ........ 40


1.1.4 Les effets du redoublement sur les aspects affectifs
et conatifs ....................................................................... 41
1.1.5 Et pourtant la plupart des enseignants y tiennent… ........ 42
1.1.6 Lorsque le redoublement est une bonne mesure .............. 44
1.1.7 Mais alors, que faire ?...................................................... 45
1.1.8 La question du redoublement : un problème éthique ....... 47
1.2. Échec scolaire et évaluation sommative ....................................... 48
1.2.1 L’effet Posthumus et l’évaluation .................................... 49
1.2.2 Clarifier les objectifs ....................................................... 52
1.2.3 Les biais d’évaluation ..................................................... 54
1.3. Les tâches à domicile ................................................................. 55
1.3.1 Le rôle des enseignants................................................... 58
1.3.2 Le rôle des élèves ........................................................... 60
1.3.3 Le rôle des parents ......................................................... 61
1.3.4 Proposition pour une charte ........................................... 63
CHAPITRE 2
Les mesures pédagogiques .......................................................... 65
2.1. Évaluation formative et pédagogie différenciée :
l’exemple d’un dispositif fonctionnel ............................................ 66
2.1.1 Évaluation formative et différenciation pédagogique........ 67
2.1.2 Trois principes sous-tendant le dispositif ......................... 68
2.1.3 Le dispositif ................................................................... 69
2.1.4 Le bilan de l’expérience .................................................. 72
2.1.5 De la classe à l’école… ................................................... 73
2.2. Le co-enseignement : exemple d’une pratique
de co-intervention en lecture ...................................................... 73
2.2.1 Modes et bienfaits du co-enseignement ........................... 74
2.2.2 Exemple d’une pratique de co-intervention en lecture ..... 74
2.3. L’enseignement-apprentissage stratégique ................................... 77
2.3.1 L’importance de l’objectivation ....................................... 78
2.3.2 L’exemple de Samuel ..................................................... 79
2.3.3 L’importance de la mémorisation.................................... 82
2.4. La motivation scolaire ................................................................ 84
2.4.1 Les besoins fondamentaux : l’importance
de la relation .................................................................. 85
2.4.2 La motivation intrinsèque : quels sujets pour le sujet ? ...... 86
2.4.3 La motivation extrinsèque : la carotte, le bâton…
et la carriole ................................................................... 87
2.4.4 Les buts et les objectifs : viser la cible ............................. 89
2.4.5 Le projet : son sens et sa valeur ...................................... 90

— 242 —
Table des matières

2.4.6 Le sentiment de compétence ou d’auto-efficacité :


développer la contrôlabilité ............................................. 91
2.4.7 Motiver ici et maintenant ................................................ 92
CHAPITRE 3
Les mesures d’aide individuelle ................................................... 95
3.1. Étape 1 : La demande d’aide et le premier entretien ..................... 98
3.2. Étape 2 : L’évaluation diagnostique globale .................................. 99
3.2.1 Évaluation globale .......................................................... 101
3.2.2 Évaluation de l’attitude face à la tâche ............................ 103
3.2.3 Évaluation dans la branche désignée ............................... 104
3.2.4 La question du diagnostic ............................................... 106
3.3. Étape 3 : La rédaction du Projet pédagogique individuel (PPI) ........ 107
3.3.1 La recherche du point nodal ........................................... 109
3.3.2 La focalisation sur une priorité d’intervention ................. 111
3.3.3 Le recadrage................................................................... 113
3.3.4 L’instrument PPI ............................................................ 115
3.4. Étape 4 : La phase de remédiation .............................................. 119
3.4.1 La séance PPI ................................................................. 119
3.4.2 La prise en charge .......................................................... 121
3.4.3 Le plan d’action ............................................................. 122
3.4.4 Le référent du projet....................................................... 124
3.5. Étape 5 : Le bilan ...................................................................... 125
3.5.1 Articuler les modalités .................................................... 128

SECONDE PARTIE
CONTRE L’ÉCHEC SCOLAIRE :
REPÈRES POUR LES ENSEIGNANTS
SPÉCIALISÉS
CHAPITRE 4
L’appui pédagogique : définition et fonctionnement .................. 133
4.1. Les fondements de la démarche d’appui ..................................... 134
4.2. Le concept d’appui pédagogique intégré...................................... 136
4.3. Le fonctionnement de l’appui ..................................................... 139
4.3.1 L’organisation de l’appui ................................................ 140
4.3.2 Appui global et appui spécifique ..................................... 141
CHAPITRE 5
La collaboration dans le travail de l’enseignant d’appui ............ 145
5.1. Une clé de collaboration : informer / s’informer / s’impliquer /
impliquer .................................................................................. 147
5.2. La collaboration enseignant spécialisé / titulaire ........................... 152

— 243 —
DE L’ÉCHEC SCOLAIRE À LA RÉUSSITE

5.2.1 Une collaboration à définir ............................................. 153


5.2.2 Difficultés dans la collaboration enseignant spécialisé /
enseignant régulier.......................................................... 155
5.3. La collaboration enseignant spécialisé / élève en difficulté ............. 157
5.3.1 Une prise en charge à définir .......................................... 157
5.3.2 Clarifier les objectifs poursuivis....................................... 160
5.4. La collaboration enseignant spécialisé / parents de l’élève
en difficulté ............................................................................... 162
5.4.1 Premier temps : informer
(l’enseignant spécialisé informe les parents). .................... 163
5.4.2 Deuxième temps : s’informer
(les parents informent l’enseignant) ................................. 164
5.4.3 Troisième temps : s’impliquer
(l’enseignant s’implique dans le projet) ............................ 165
5.4.4 Quatrième temps : impliquer
(les parents s’impliquent dans le projet) ........................... 166
5.5. La collaboration enseignant spécialisé / thérapeutes ..................... 168
5.6. Faut-il toujours collaborer ? ......................................................... 170
CHAPITRE 6
Évaluation de l’appui comme mesure de promotion
de la réussite scolaire................................................................... 173
6.1. Les paradoxes ........................................................................... 174
6.1.1 Enseignant spécialisé ou G.O. ? ....................................... 174
6.1.2 L’acharnement pédagogique ........................................... 177
6.1.3 Adapter le système / adapter l’élève ................................ 180
6.1.4 Exclure pour intégrer ...................................................... 182
6.1.5 Une bouteille à la mer… ................................................. 184
6.2. Les avantages et les difficultés de la mesure.................................. 185
6.2.1 Les avantages de la mesure ............................................. 186
6.2.2 Les difficultés dans la mise en œuvre de l’appui .............. 186
6.3. Les arguments en faveur de la mesure : l’appui ?
C’est le beau temps ! .................................................................. 187
6.4. Les critiques : l’appui ? C’est la pluie ! .......................................... 189
6.5. Quelque part entre le remède définitif et le poison ........................ 190
6.5.1 L’effet d’étiquetage......................................................... 190
6.5.2 Le transfert d’apprentissage............................................ 191
6.5.3 L’inconsistance............................................................... 193
6.5.4 L’inefficacité du rattrapage scolaire................................. 194
6.5.5 Le manque de coordination ............................................ 195
6.5.6 La perte du temps d’enseignement en classe régulière ..... 196
6.6. L’appui et le beau temps : le microclimat de la salle d’appui .......... 196

— 244 —
Table des matières

Perspectives – De l’appui pédagogique intégré


à l’appui pédagogique intégrant .................................................. 201

Conclusion .................................................................................... 207

Annexes ......................................................................................... 209


Bibliographie ................................................................................ 231

— 245 —

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