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Daniel Modard
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en milieu francophone, le français sur objectifs spécifiques (FOS), l’inter-
culturel, pour ne citer que ces quelques exemples…
C’est également en raison de cette forte implication sociale que la didac-
tique du FLE/FLS connaît aujourd’hui un tel essor au sein des Sciences du
Langage. À une époque où le pragmatisme tend à s’imposer partout (et pas
seulement dans le domaine de l’économie), il faut dire que les préoccupa-
tions théoriques de bon nombre de linguistes apparaissent aux yeux de cer-
tains de leurs bénéficiaires (à commencer par les étudiants eux-mêmes)
comme étant de plus en plus éloignées de leurs besoins réels. En réaction, la
tendance est forte chez ces mêmes linguistes de reléguer la didactique du
FLE/FLS à une simple question de méthodologie, en fait à des travaux à
visée strictement « applicationniste ». L’Histoire leur donne en partie raison
car, pendant de nombreuses années, les recherches menées en didactique du
FLE/FLS ont surtout concerné des questions de méthodologie (mise au
point d’outils pour les classes de FLE, en particulier). Les productions
pédagogiques élaborées, en leur temps, par le CREDIF (Centre de
Recherche pour la Diffusion du Français) ou le BELC (Bureau pour
l’Enseignement de la Langue et de la Civilisation) en sont un bon exemple.
Elles accompagnaient la volonté de décideurs politiques de maintenir une
forte présence du français dans le monde et s’inscrivaient donc clairement
dans une perspective praxéologique.
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français en est une bonne illustration, ce qui conduit, au passage, nombre
de nos partenaires étrangers continuant à œuvrer pour notre langue dans
leur environnement immédiat à se poser des questions sur la politique
conduite par l’État français dans ce domaine… Par ailleurs, l’intervention
d’un plus grand nombre d’acteurs dans le champ de la diffusion du français
a nécessairement abouti à une diversification des problématiques posées
(de plus en plus de recherches concernent l’optimisation des processus
d’enseignement-apprentissage) et à un déplacement sensible de l’offre et
de la demande. On mise davantage sur des actions-phares (les classes
bilingues au Vietnam, le français langue seconde, par exemple) tout en
cherchant à économiser sur le secteur du linguistique partout ailleurs (la
multiplication des stages longs à l’étranger ainsi que le développement des
formations en FLE, dispensées en télé-enseignement, en sont des exemples
significatifs).
– Autonomisation par rapport aux disciplines auxquelles le français
langue étrangère était traditionnellement rattaché (je pense notamment ici
aux Sciences du Langage). Comme il est aisé de le constater, la plupart des
spécialistes du FLE intervenant aujourd’hui en milieu universitaire ont des
parcours personnels très diversifiés (Sciences du Langage, Sociologie,
Sciences de l’Information et de la Communication, Sciences de l’Éduca-
tion…) et sont donc, a priori, les acteurs les mieux placés pour s’engager
dans des démarches faisant la part belle à la pluridisciplinarité. Toutefois,
l’inféodation à la linguistique (celle-ci n’étant elle-même qu’un des
ensembles constituant les Sciences du Langage) dans laquelle on maintient
la didactique du FLE/FLS au sein des Départements de Sciences du
Langage amène le plus souvent les enseignants concernés à se retrouver, à
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vaut et, dans la plupart des cas, des questions de carrière s’inscrivent en fili-
grane derrière des choix qui relèvent plus de la raison que du cœur.
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tique du français langue étrangère que dans celui de la linguistique ont
favorisé le développement d’actions souvent remarquables en direction de
l’international. De telles collaborations ont en effet permis de penser des
actions dans leur globalité, répondant ainsi à des besoins différenciés : for-
mation de formateurs, accompagnement et valorisation de projets de
recherche, entre autres. C’est probablement la visée pragmatique – pour ne
pas dire utilitaire – qui a prévalu dans ce type d’actions, tant de la part de
ceux qui en ont été à l’origine (souhait de diversifier des champs d’inter-
vention et d’action, désir de renouveler des terrains de recherche, volonté
d’accroître des effectifs) que de ceux qui ont pu en bénéficier (valorisation
de compétences acquises sur le terrain, reconnaissance institutionnelle de
qualifications validées localement). Ces dernières années, la reprise en
main ici ou là de ces secteurs, parfois de façon peu amène, par des lin-
guistes est à considérer comme un fait particulièrement préoccupant. Elle
engage en effet le devenir de coopérations qui bénéficiaient pourtant d’un
consensus unanime quant à leur qualité de la part de tous les partenaires
impliqués. En tout état de cause, cette reprise en main est révélatrice d’un
malaise certain de la part de linguistes inquiets par le rejet patent de
savoirs théoriques de la part d’étudiants d’abord en quête de connaissances
et de savoir-faire directement liés à leurs préoccupations en français langue
étrangère – et qui le font savoir.
– Les recherches liées à la variation langagière en milieu francophone.
Alors que les travaux portant sur les contacts de langues en contexte franco-
phone se multiplient, les réponses concrètes aux besoins du terrain (on
pourrait parler de recherches à caractère praxéologique) restent encore l’ex-
ception. C’est ce que déplorent d’ailleurs les Instances francophones, pro-
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Malheureusement, il convient de reconnaître que, là encore, de telles ini-
tiatives ne suscitent qu’un intérêt très relatif de la part de linguistes et socio-
linguistes souvent jaloux de leurs prérogatives dans le domaine. Il faut éga-
lement reconnaître que la stigmatisation des travaux entrepris dans le
champ de la didactique reste également de mise… Cette attitude est d’au-
tant plus surprenante que bon nombre de ces chercheurs appellent pourtant
de leurs vœux de telles initiatives. Plusieurs d’entre eux mettent en effet en
avant la nécessité qu’il y aurait aujourd’hui à mettre au point des outils dans
le domaine de l’enseignement/apprentissage d’une langue seconde en
contexte multilingue susceptibles de proposer des stratégies cohérentes avec
les théories et recherches qu’ils mènent eux-mêmes. Les réalisations qu’une
équipe du Centre Régional de Documentation Pédagogique de Haute-
Normandie et moi-même avons eu l’occasion de mettre au point dans le
cadre des « Lettres de Francophonie » (http://www.ac-rouen.fr/crdp puis
rubrique FLE et francophonie) en sont un bon exemple. Pourtant soutenue
conjointement par le Ministère des Affaires Étrangères, le Centre National
de Documentation Pédagogique (actuellement devenu SCEREN) et
l’Organisation Internationale de la Francophonie, cette équipe est régulière-
ment confrontée au « dogmatisme conceptuel » caractérisant certains lin-
guistes. Une telle attitude est aussi révélatrice d’une frilosité certaine de la
part de ces mêmes linguistes à l’égard de démarches les amenant à aller à la
rencontre de nouvelles sources.
CONCLUSION
L’ère est actuellement à la transgression des modèles et à la reconnaissance
du pluralisme des points de vue. Les didacticiens du FLE/FLS en sont parfai-
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Daniel MODARD
Université de Rouen