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CADRAGE GENERAL
Science politique qui porte sur les politiques publiques. Mon objectif est à
Vous avez déjà pour une partie d’entre vous suivi des enseignements de
publiques c’est l’un des aspects de la science politique. Mais comme pour
les autres cours de science politique, ce que je cherche ce n’est pas autre
chose que de vous faire réfléchir sur la manière dont le monde fonctionne.
Mon cours est aussi un cours d’instruction civique car n’oubliez pas qu’un
politique. Il faut vous déprendre d’une tentation très forte lorsque l’on fait
social. Autrement dit, il faut apprendre à se poser des questions sur des
choses qui vous paraissent aller complètement de soi. Il faut donc que
risque donc d’être un peu perturbateur surtout pour ceux qui en sont déjà
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arrivés à un certain niveau de fétichisation du droit. La meilleure preuve
en est que je ne suis pas là d’abord pour vous livrer un savoir tout
puis de ressortir par cœur. Je vais évidemment vous apprendre des choses
mais ce que je vise c’est moins que vous connaissiez le cours mieux que
ceux qui doivent vous amener à douter et à adopter en tout une posture
critique et distanciée.
PLAN DU COURS
publiques, les problèmes que cela pose et les moyens que l’on utilise pour
y parvenir.
Ensuite j’ai prévu de vous parler de diverses choses. Vous verrez dans le
complémentaires pour aller un peu plus loin que ce que je vais dire dans le
cours :
—Qui sont les acteurs des politiques publiques ? Les “élites“, les
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—Les politiques publiques se définissent-elles encore au niveau national ?
mondialisation.
ne fait pas l’Etat (ou ce que font plus généralement les détenteurs d’une
territoriales).
se réduire ;
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—seconde idée, ce qu’on a l’habitude d’appeler l’Etat, c’est-à-dire la
facilement maniable.
entre des acteurs très différents. Des acteurs situés du côté de l’Etat, à la
n’est pas celle trop simpliste de l’Etat contre la société. Les luttes autour de
civile. Ainsi, la définition actuelle des lois Sarkozy sur la sécurité voit en
La question peut apparaître sans doute un peu étonnante mais elle n’est
simple qu’en apparence. En effet, une politique publique c’est une action
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pas politique ou n’est pas politique par essence ou par définition, il le
parce qu’il devient politique qu’il va faire l’objet d’un certain nombre de
considérer que ceux qui n’ont pas de travail doivent faire l’objet d’une
politique publique alors qu’ils n’étaient pas aidés par l’Etat auparavant ?
Et en vous posant cette question très simple, vous pourrez aussi en négatif
Cela pour vous dire que l’ambition de l’analyse des politiques publiques
c’est de proposer une sociologie critique des mécanismes par lesquels des
dans le sens où il s’agit d’aller voir ce qui se passe derrière les discours de
justification pour montrer que l’action publique c’est aussi une manière de
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processus de transformation de l’un en l’autre : il s’agit de la perspective
que ce phénomène social faisait problème lorsque l’on considérait que les
social pour faire l’objet d’une prise en compte collective, c’est-à-dire pour
on sait en France depuis plus de 30 ans ce que sont les effets sur la société
de suicide chez les jeunes en France est l’un des plus élevés au monde. La
encore jamais été mise en œuvre. Autrement dit, ce n’est parce qu’un
problème social est parfaitement identifié, cerné, défini qu’il fait pour
publics.
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C’est là qu’intervient une seconde modalité d’observation des faits
cette fois-ci non pas aux éléments qui permettent d’objectiver un problème
mais aux conditions qui vont faire qu’un problème particulier va accéder
au rang de problème politique. L’un des postulats ici est que tout ce qui
la pollution ont fait problème bien avant de devenir des questions faisant
l’objet de réponses politiques. L’enjeu donc pour ceux qui se font les
quels sont les acteurs qui vont porter ce problème à l’extérieur de l’Etat et
s’apparente à une lutte entre des porteurs de problème dont le but est de
prioritairement ceux qui sont portés par des acteurs qui ont du poids, de
l’influence, et qui savent donc convaincre les pouvoirs publics d’agir. Cette
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quelles solutions vont être envisagées puis mises en œuvre. Car il va de
soi que c’est de la manière dont les problèmes sont posés qu’émergent les
probabilités fortes que les décisions publiques iront dans le sens d’un
Vous comprenez, je l’espère, que c’est dans les débats et les luttes autour
publiques se joue. On est donc toujours entre des questions très pratiques
“c’est l’habitude qui, sans violence, sans art, sans argument nous fait
croire les choses et incline toutes nos puissances à cette croyance, en sorte
Vous aurez compris que, dans cette perspective, le droit occupe une place
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force supposée du droit ou son caractère quasi religieux. En effet, cela
varient dans l’histoire et selon les contextes nationaux. J’ai parlé du tabac
cannabis n’a pas été immédiate et que celui-ci a été toléré jusqu’à la fin du
19ème siècle avant d’être interdit ; de même les poursuites engagées contre
les mendiants ont existé au 19ème, ont été abolies au début du 20ème siècle et
sociétés et donc de s’interroger sur les raisons qui font par exemple que le
autorisé dans les pays scandinaves et aux Pays-Bas mais pas dans les pays
constater que des pays proposent des aides diverses aux populations en
et ne font rien.
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—Deuxième idée de départ : la production normative n’est jamais
œuvre. En haut de la hiérarchie des normes, vous savez bien que des
les voir mis en œuvre —car ceux-là même qui les votent savent le plus
souvent que le texte ne pourra pas être appliqué— mais est politique c’est-
et les textes intermédiaires pour la raison simple qu’une loi doit être suivie
de cas les références qui servent aux agents administratifs pour travailler
administratifs qui ont à gérer les relations de face-à-face avec les usagers
d’interprétation des textes qui a pour conséquence que la loi, dont on vous
dit souvent qu’elle est la même pour tous, n’est jamais appliquée de la
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même manière mais fait l’objet d’ajustements subjectifs aux situations
Le constat général est celui d’un jeu permanent avec les règles qui apparaît
les préfectures alors que le texte est, sur le papier, le même partout. Dans
contournement. En fait, ce que je vous dis ici c’est que le droit n’est pas
la délinquance
Cet exemple est intéressant car il est très présent dans l’actualité et repose
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ne l’est pas. La première chose qu’il faut retenir est la définition du crime
et du délit, et donc des sanctions, est très variable selon les époques et les
reçu, la position sociale que l’on occupe, l’âge etc... Il suffit de penser à la
s’en convaincre.
présentent un état des lieux et des solutions qui semblent aller de soi,
de l’ensemble de la population.
1- l’existence d’une norme collective (ici le code pénal) qui définit ce qu’est
crime) ;
déceler tous les crimes ou bien opère-t-elle des choix selon le type de crime
crimes comparables ?).
Cet édifice en trois étages exige pour exister qu’une société donnée, par
repose sur la production d’un droit qui est au départ défini par les acteurs
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l’élargissement du domaine de l’incrimination à l’exception notable du
Veil en 1975.
est celle de l’ajustement des textes : faut-il tenir compte de l’évolution des
Cela conduit à un 3ème point lui aussi très important : le droit pénal
délictueux, pas déclarés comme tels par ceux qui les subissent et peu
combattus par les forces de police ; Cela renvoie à ce j’évoquais plus haut
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Ce que je viens de dire ici plaide en faveur de ce qu’on appelle une
Car on voit bien que l’évolution des représentations du crime dans une
société donnée a des effets importants sur la définition que l’on va donner
le délit sont définis comme tels par la loi, la question fondamentale qui se
loi est-elle faite pour tous ? Il va de soi que dans le domaine pénal comme
ailleurs ce que la loi puni n’est pas toujours sanctionné. On peut souligner
3 points ici :
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délit ou prises en flagrant délit. La question qui se pose ici est la
2- La police agit d’abord à partir des plaintes déposées. La question ici est
Pour vous donnez une idée, une étude réalisée à la fin des années 1980
une sorte de fatalité sociale, surtout dans les milieux défavorisés, qui
parler à l’extérieur“.
relayer son propre travail. On peut citer ici 2 exemples très différents :
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Ces 3 points doivent nous aider à comprendre que l’évaluation du travail
Pour être complet, il faut ajouter un mot sur le travail policier et le travail
comme des crimes et des délits. Cela peut paraître logique mais vous
voyez bien que l’on peut très facilement gonfler ou dégonfler la statistique
selon que la loi incriminera ou non tel ou tel acte. J’ai dit tout à l’heure
un pétard n’est pas un délit pour voir les chiffres diminuer assez
policière. En effet, plus vous mettez de policier dans la rue et plus vous
augmentent sera forte très simplement parce que la police se sera placée
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dans les conditions matérielles de comptabiliser plus complément les actes
répréhensibles.
Un dernier mot enfin sur l’activité judiciaire. Une question encore assez
l’on peut dire très rapidement c’est que la plupart des affaires qui vont
courante du commissariat) sont classées sans suite soit parce que l’on ne
trouve pas le coupable, soit parce que le délit est trop peu grave et peu
être solutionné via une médiation avec la victime. Pour ceux qui passent
constater qu’à niveau d’infraction égale les peines sont plus lourdes pour
les plus modestes (qui sont déjà plus souvent placés en détention
l’inégalité face à la justice n’est pas autre chose que l’un des aspects de
l’inégalité sociale.
J’ai parlé au début de mon propos des acteurs engagés dans les politiques
propos :
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Premier exemple, les hauts fonctionnaires du ministère de l’Industrie
français. Ils le font in situ parce que leur position institutionnelle les place
d’un parc nucléaire très développé, soit au travers des activités d’EDF où
l’Industrie qui exerce la tutelle des activités nucléaires et dans lequel les X-
soutien d’alliés qui ont également intérêt à ce que la filière nucléaire soit
énergétique, divers élus dont le fief est rattaché à une centrale nucléaire
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Second exemple, à l’opposé en quelque sorte, celui d’AC !, association de
lutte contre le chômage. Il s’agit cette fois d’un agent extérieur au champ
dont l’objectif est double : faire parler de lui pour que les acteurs publics
ou de certaines d’entre elles, au même titre par exemple que les syndicats
Qui dit analyse des politiques publiques dit étude de l’espace public. Par
les choix publics sont débattus et les décisions sont arrêtées et mises en
formes. Cet espace public est confronté depuis quelques années à une
double évolution :
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et la tradition jacobine. L’omnipotence de l’Etat-Nation en France et la
cause cette tradition d’un Etat fort. Trois évolutions de nature différente
aussi évoquer l’inclusion plus importante des groupes d’intérêts dans les
l’association des lobbies à la décision. On est là bien sûr loin des manières
fois pour les groupes d’intérêts français (notamment les syndicats) et pour
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On parle pour schématiser un peu de remise en cause de l’Etat unitaire. Ce
qu’il faut retenir ici c’est que cette remise en cause débouche en général
sur des descriptions de l’action publique qui font la part belle au désordre,
fait que l’avenir est dans le marché y compris ce qui concerne les décisions
de repli ou de recul de l’Etat ne sont pas autre chose que des politiques de
des services publics. Dans ce cas, sur lequel je reviendrais plus loin si j’en
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obligent à prendre des mesures de privatisation. Mais dans le même
publics.
vie collective. Cela ne veut pas dire que cette régulation est par définition
pour partie à une notion que j'évoquerais et qui est celle de gouvernance :
dernière instance. C'est là que l'on peut lier les notions de régulation et de
J’insiste encore une fois sur le fait que l’observation de l’action publique
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tendance nette à la fragmentation des niveaux de décision et des systèmes
centrale est une régulation publique que l’on peut présenter comme un
Vous aurez donc compris que lorsque l’on travaille sur les politiques
entre plusieurs instances qui certes travaillent ensemble mais sont aussi
des entités concurrentes, des structures qui ne défendent pas les mêmes
est donc sans doute plus démocratique ou plus ouvert que par le passé, ne
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serait-ce que parce qu’il y a plus d’interlocuteurs, mais il est aussi moins
Le nombre et la diversité des acteurs fait que l’on commence toujours une
d’évaluer quelle est leur place respective dans le processus. J’insiste sur le
étude bien menée. Et il n’est pas toujours aisé d’en faire le tour parce que
l’on découvre souvent des outsiders, c’est-à-dire des acteurs a priori non
parcours des acteurs en question : l’idée là c’est que les décideurs ne sont
problèmes dont ils ont à s’occuper. Et dans ce cadre, savoir qui sont ces
décideurs, d’où ils viennent, ce qu’ils ont fait avant permet souvent de
point.
aisée pour deux raisons au moins : tout d’abord, les problèmes qui font
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Cette quête difficile de l’objectivité implique donc de s’abstraire de deux
politiques publiques. Je veux dire par là que les politiques publiques sont
nées aux Etats-Unis (la policy analysis) à la fin des années 1950 non pas
a été le cas d’une école, le Public Choice, qui aux Etats-Unis a construit
dans les années 1970 une théorie du bon gouvernement qui reposait en fait
discipline de recherche dont le but n’est pas de faire des propositions mais
Ces deux préalables étant levés, je dirai que les politiques publiques
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dépassement de l’Etat entendu ou considéré comme le centre politique
l’histoire de l’Etat : c’est aujourd’hui la fin d’un long cycle historique qui
principales :
largement non négociables par les Etats (voir les discussions dans le cadre
quand le gouvernement ne peut plus rien faire pour empêcher une firme,
chasse aux primes par ces entreprises qui passent d’un pays à l’autre selon
les opportunités financières qui leur sont offertes, opportunités liées bien
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Par rapport à tout ce que je viens d’évoquer, l’intérêt d’étudier les
publique qui est très souvent véhiculé par les acteurs politiques eux-
selon laquelle ce sont en effet les acteurs politiques qui décident de tout et
gouvernabilité.
formuler rapidement :
ailleurs?
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—l’action publique suit-elle un chemin immuable ou bien est-elle mobile
—la perspective d’une élection a-t-elle des effets sur l’action publique?
des “risques“?
importante à la fois : l’Etat en tant que tel n’existe pas, il est une sorte de
l’appareil d’Etat. D’autre part, l’Etat n’intervient pas par définition dès
qu’un problème apparaît dans la société : une sélection s’opère selon des
fassent l’objet d’une action et pas d’autres. Enfin, l’Etat n’agit pas priori
pour régler le problème posé, ou si l’on préfère son action n’est pas par
définition efficace.
Tout ce que j'ai dit jusqu'à présent laisse de côté un élément important : la
reposent le plus souvent sur des arbitrages politiques, rendus donc par les
experts ou des conseillers des princes est une question importante mais
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elle doit être posée en ayant à l'esprit que les acteurs politiques ne sont en
décisions et donc des politiques publiques. Ce n'est pas parce que les
sont pour autant écartés. Il faut être plus balancé dans son constat et dire
qu’une décision fait toujours l’objet de choix qui émanent d’acteurs qui
Ainsi donc les acteurs politiques s’appuient bien évidemment toujours sur
des équipes mais prennent la décision : la question est de savoir s’ils font
l’affaire du sang).
analyse une politique publique de regarder qui en sont les acteurs et ce qui
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Thème 1
LA QUESTION DE L’EMERGENCE DES
OU LA MISE A L’AGENDA
Introduction
On a pu voir lors de la séance d’introduction que les décisions publiques
d’une politisation.
actions concrètes mais peuvent aussi être limitées dans leur ampleur et
nomination d’une haute autorité ou d’un haut conseil, dépôt d’un projet
questions qui circulent dans une société ne finissent pas par arriver sur le
font pas l’objet d’une action politique c’est parce que ceux qui en assurent
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la promotion ne parviennent pas, pour des raisons très diverses sur
lesquelles je vais revenir, à les faire inscrire sur l’agenda politique — qu’il
compte par les acteurs publics. Mais attention, cette mise sur l’agenda ne
un problème parce qu’il devient politique n’est pas pour autant résolu.
Cette notion a été mise en avant par deux américains, Cobb et Elder, qui
reprenaient à leur compte une notion qui avait été inventée au départ
pour désigner la manière dont les médias faisaient le tri entre ce qu’ils
Combs et Shaw.
La gestion de l’agenda
suite opérer une distinction de bon sens entre des problèmes inscrits
c’est le cas surtout du vote des budgets — et des problèmes qui émergent
se pose.
permanence à des problèmes qui sont portés par des groupes pour
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lesquels les problèmes en question représentent un enjeu et/ou un intérêt
nombreux. Ils sont issus aussi bien de ce que l’on appelle la société civile
variés.
Notre attention est logiquement attirée par les problèmes dont les médias
parlent. Ceux-ci ont assez logiquement tendance à évoquer par priorité les
problèmes qui sont portés par des groupes extérieurs à la sphère étatique.
La raison est en simple : les moyens utilisés par ces groupes sont visibles
Mais il ne faut pas oublier par ailleurs qu’un très grand nombre de
de calculs d’actes médicaux) et, d’autre part, des questions plus sensibles
Visibiliser le problème
Si l’on s’en tient à ce qui est le plus objectivable, autrement dit les
son compte par l’appareil d’Etat qu’il sont portés par des groupes qui
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l’Etat à les écouter. Par ressources, il faut entendre notamment les
En effet, plus celle-ci apparaîtra limitée et plus ses chances de voir des
groupes s’y associer sera faible. En revanche, si à partir d’un enjeu très
sectorisé un débat plus large prend corps alors l’Etat est moins en mesure
élargie parce que l’on a posé le problème du CIP dans une perspective
Dans les deux cas, c’est parce que la cause défendue perd son caractère
parce qu’elle prend un caractère plus généraliste, ou plus sociétal, que les
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Place des médias
On voit bien dans ces deux exemples la centralité des médias en tant
dans les deux cas des outputs en ce qu’elles sont des paramètres
attention exacerbée, notamment via les notes des Préfets, à tout ce qui
de la mobilisation.
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là encore les chances que cette mobilisation “prenne“ et impose en
quelque sorte une réponse politique. Dans le premier cas, les acteurs
en l’état, s’il faut l’amender afin de tenir compte des remarques émises
par les groupes d’intérêt concernés, ou bien encore s’il est urgent
Ce qu’il faut retenir ensuite face à une mobilisation sociale, c’est que les
définition lui échappe alors le risque est grand d’une part de devoir
revendications.
éviter que le débat ne devienne un débat plus général sur les conditions
d’étude des enfants et sur le système éducatif dans son entier car alors les
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débat l’on redonne du sens à une revendication plus large des
de 25 ans.
Ce qui n’est pas le moins intéressant dans ces exemples, c’est les débats et
Les intérêts de l’appareil d’Etat et des groupes mobilisés sont donc le plus
ils travaillent régulièrement sur des problèmes ou des thèmes qui n’ont
sur des dispositifs d’alerte aussi divers que des rapports confidentiels ou
Ainsi, par exemple, dans le domaine très complexe des politiques sociales,
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les diagnostics et les solutions possibles ont précédé de plusieurs années
réforme générale débouchent sur des décisions localisées ou sur des non
décisions.
Vous voyez avec ce que je viens de dire que l’analyse des mécanismes par
lesquels des problèmes apparaissent ou émergent dans le champ politique
est extrêmement complexe. Pour s’y retrouver un peu je vous propose de
retenir 3 modèles possibles de mise sur l’agenda politique. J’utilise le
terme de type-idéal emprunté à Max Weber, c’est-à-dire une
représentation de la réalité ou si vous préférez une point de vue sur la
réalité.
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II- Les trois modèles d’émergence des problèmes sur
l’agenda gouvernemental.
désordre les médias, les intellectuels et artistes, les élus, les partis
politiques, les syndicats, les églises. On peut sans doute y ajouter les
L’idée de départ c’est que si l’on s’engage en faveur d’une cause donnée
cette cause soit reprise à son compte par une structure plus organisée, que
l’on désigne sous le terme générique d’agence. Agence qui du fait de son
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fonction de motivations différentes et vont toutes contribuer à leur façon à
durée : une cause peut mettre beaucoup de temps à faire parler d’elle et à
jamais émerger. Parmi les exemples les plus proches de cette idée dans le
dirigé par Pierre Favre et qui s’appelle Sida et politique : les premiers
Je renvoie plus généralement à un livre écrit par Cobb et Elder qui analyse
Building (1972).
avec des politiques publiques définies dans l’urgence : il faut pour les
problème posé. C’est aussi toutes choses égales par ailleurs le cas avec la
violence scolaire.
significatif puisque cela montre que les autorités publiques d’un Etat ne
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sont pas en mesure de contrôler tous les bateaux transportant des
législation communautaire.
Il faut retenir avec ce 3ème type d’émergence qu’un problème peut exister
dans la société mais ne pas être porté par un groupe. On trouve donc à
peuvent également jouer ce rôle. Ce que l’on constate assez souvent dans
déjà prises, de réviser par des décrets ou des circulaires des dispositifs
productifs.
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installations étaient au départ trop court et entraînaient des coûts
financiers trop importants pour un certain nombre de sites, avec donc des
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III- Les conditions sociales et politiques de politisation d’un
problème
L’émergence d’un problème dans le champ politique renvoie à un certain
complète?
question sur l’agenda. Ce qu’il faut se demander ici c’est dans quelles
légitimité de sa politisation?
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b-Deuxième élément d’appréciation, la position institutionnelle de celui
organisation ?…
récente avec les prises de position autour de la situation dans les prisons
françaises. Je peux citer aussi un exemple plus ancien qui est celui des
politiques sur le thème du Sida alors qu’ils étaient restés jusque-là assez
prudents, et d’autre part de les faire réagir dans un sens plutôt positif,
laps de temps. Ces prises de position vont couvrir l’ensemble des sphères
sujet va de la sorte être construit comme un sujet de société face auquel les
3ème critère.
gouvernement ne peut pas ne pas s’exprimer sur une question car elle est
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très présente dans la société (mobilisations, presse...) mais ne veut pas non
plus prendre de décisions sur le thème. Dans ce cas, les décideurs publics
privilégient les effets d’annonce afin de gagner du temps soit pour ne pas
problème est attestée par des décisions dont on peut voir la trace —et
raisons sur lesquels je ne reviens pas ici, les acteurs politiques en France
d’aucun débat collectif et a été prise alors même que l’on ignorait
jusqu’où elle allait nous mener. Elle a donc été légitimé au nom de la
débat sociétal un problème qui avait été monopolisé jusque-là par les
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mené à la fois par les acteurs politiques et par les médias autour d’une
scandale, une injustice, une autre chose est la capacité à organiser une
Parler d’aptitude à porter une cause, c’est souligner le fait que dans un
causes“ seuls ceux qui disposeront des savoir-faire auront des chances
acteurs “amateurs“ qui avaient lancé le combat. Ce que l’on peut dire
45
Le problème là est que les porteurs de cause peuvent se prendre pour la
“faire mouvement“
J’ai déjà souligné le fait qu’une mobilisation avait d’autant plus de chance
de déboucher sur une prise en compte par les acteurs politiques que le
quel que soit le problème posé, le groupe qui s’en fait le porteur initial est
des chômeurs.
Opinion publique.
sur des structures qui joueraient un rôle de relais. On peut citer les
46
A l’inverse, un problème plus localisé — c’est-à-dire concernant une
grandes chances d’être pris en compte par l’Etat si le groupe qui le porte
routiers).
Si l’on élargit un peu la perspective, on peut dire que l’action publique est
collective. C’est le cas pour tout ce qui concerne les causes dites civiques
Dans ces cas, on peut dire qu’une mobilisation même sectorisée a des
appelle l’opinion publique. A l’inverse, les causes les plus complexes sont
delà d’un public concerné. C’est en Europe par exemple, le problème des
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des droits de l’homme et des militants anti-racistes. Si on prend le cas des
qui concerne le rôle joué par les médiateurs. Comme je l’ai déjà laissé
sociologue qui s’appelle Michel Callon. Cela renvoie aux acteurs qui s’en
et agir pour faire le lien entre les porteurs du problème et les cibles que
médias, les églises, les confédérations syndicales. On peut dire qu’ils ont
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Les agences spécialisées constituent un deuxième groupe. Elles ont
quant à elles ont une vocation plus localisée. En l’occurrence se saisir d’un
pas facile à faire avec les médiateurs à intérêts, c’est-à-dire les acteurs qui
des sans papiers, des chômeurs, des mal logés. Dans ces cas précis, il n’est
pas toujours facile de faire la part des choses entre l’intérêt et la croyance.
49
IV- La gestion des problèmes sociaux par l’Etat
nature de l’enjeu — plutôt politique avec par exemple la cause des sans-
sociaux....
simplement parce que ceux-ci perturbent un agenda qui repose déjà sur
sur des dosages savants entre les revendications des groupes politiques
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l’extérieur“ de la sphère du pouvoir est perturbateur, ce pour trois raisons
que les acteurs politiques garant de l’intérêt général n’ont pas été en
mesure d’en évaluer l’importance; (ii) ensuite c’est admettre que des
défavorable aux pouvoirs publics; (iii) enfin c’est se voir imposer une
soit préservés.
après une longue mobilisation de AC ! a été très vite réapproprié par
politique et répercuté par les médias autour des effets de seuil et des
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final, plusieurs semaines passent pendant lesquels la mobilisation a cessé
—1ère caractéristique : c’est un champ saturé à la fois parce qu’il est chargé
tous ce qui peut être dit et écrit à propos du recul de l’Etat, force est de
de l’Etat.
diagnostic plus prudent. D’un côté, en effet, tout problème nouveau est
de faire face, son agenda est bloqué, son budget voté. Cependant, d’un
autre côté, l’accumulation des dossiers est aussi une ressource : elle peut
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ministères...), elle peut aussi légitimer l’enterrement d’un projet au nom
justifier. Ils affrontent dans le même temps les contraintes posées par
problème.
Dire que l’on va faire est aisé, faire ce que l’on a dit est très complexe ne
dossiers tient aussi au fait que les politiques ont tendance à s’engager très
dossier en question.
compétition entre eux, dans le champ politique bien sûr mais également
La compétition est en soi utile car elle est une condition d’émergence d’un
s’exprimer.
53
Ce n’est toutefois pas un marché concurrentiel dans le sens où tout ce qui
est dit par les acteurs ne vise pas à permettre l’émergence du problème en
s’expriment hors champ ou hors jeu. Ils parlent en leur nom personnel,
moins pour agir effectivement que pour donner des gages à des clientèles
électorales ou pour tenir son rang dans la rubrique politique des médias.
régler le problème en question. Or, j’ai déjà souligné comment les acteurs
La question plus générale qu’il faut poser ici est un peu brutale: une
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Parmi les exemples que l’on peut citer, il y a celui en France de la lutte
sanctions) que très longtemps après que le problème ait été identifié et
des zones viticoles. On pourrait compléter par le constat selon lequel les
structurés qu’à la fin des années 70 et surtout dans les années 1980 (Ligue
d’assurances sociales alors même que des études montrent avec précision
les problèmes posés chez les plus pauvres s’expliquent aussi par l’action
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puissante. Elle émane principalement du lobby des compagnies
apparaissent.
On ne peut bien sûr pas dire que l’on est en face d’une politique
—La non décision intentionnelle : celle-ci renvoie aux cas pour lesquels
par la suite.
gouvernement— pour qu’une décision soit prise sans susciter à son tour
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question. On peut évoquer là le dossier de la vache folles ou celui des sans
papiers.
Les conflits entre acteurs à l’extérieur de l’Etat ou dans l’Etat sont une
pollution industrielle.
Les reports de décision pour nécessaires qu’ils soient ne règlent pas les
problèmes car on sait bien que d’autres pays plus libéraux ou plus laxistes
décisionnel. En fait, plus le circuit décisionnel est long et met en scène des
deux cas : les politiques fédérales aux Etats-Unis qui ne sont pas
sein de l’UE qui pour être appliquées supposent une prise en compte
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- d’autre part, que la décision soit progressivement réappropriée par les
d’un texte de loi aux réalités du terrain qui amène les agents de l’Etat à
Ce qu’il faut retenir là, c’est que l’appropriation en l’état d’une décision
des termes trop généraux et donc très éloignés des situations que les
agents doivent gérer très pratiquement, ensuite parce qu’elle est trop
technique et fait appel à une culture juridique trop élevée pour être
souvent par les agents des échelons intermédiaires, enfin parce que les
connaissances. J’avais parlé des sans papiers, je pourrais citer le cas des
lois contre l’exclusion qui vont faire l’objet d’une première évaluation
avant l’été. On sait déjà que les préfets, dont le rôle est souligné dans les
le terrain.
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toujours également motivées à porter et à entendre des causes ou des
intérêts. Cela signifie que les problèmes qui font l’objet de mobilisations
dans le but d’obtenir une saisie par le politique évoluent au gré de modes
chômeurs en fin de droit attendent la fin de 1997 pour occuper les Assedic
aujourd’hui?.
Les effets de mode et les logiques propres aux mobilisations rendent sans
doute mieux compte des raisons qui vont faire que l’Etat va décider ici et
une image idéalisée d’un Etat naturellement apte à faire face aux
problèmes sociaux.
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THEME 2
Je vais présenter dans cette séance les principales théories qui rendent
politiques publiques
politiques publiques
J’ai essayé de montrer lors des séances précédentes que l’action publique
publique?
La méthode de Jones
Je vais vous présenter une méthode qui a longtemps marqué les études de
1970 par Charles Jones dans un livre qui s’intitule An Introduction to the
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produire des solutions qui sont désirables et/ou adaptées au problème.
vérification des effets pratiques de la décision : quels sont les effets d’une
départ? Que faut-il changer dans la politique concernée pour atteindre les
dits objectifs?
s’arrête et doit-on alors en conclure que les objectifs fixés par les décideurs
2- ensuite, ce modèle d’analyse est très utile dans le cas de la France car il
rompt avec une représentation de l’action publique très ancrée dans notre
au travers de l’action des élites dirigeantes. Jones, sans doute parce qu’il
est américain, a élaboré un schéma d’analyse qui repose sur l’idée selon
61
d’acteurs, étatiques et non étatiques. Il permet donc de prendre en compte
d’autre part.
décision en effet peut “sauter“ l’une des phases évoquée par Jones, de la
même manière des phases peuvent être inversées. C’est le cas par
62
l’hypothèse qu’une politique publique vise à redéfinir un problème et à
en 1988 en France, je pense que l’on ne peut pas dire que cette décision
publique avait pour finalité première de régler le problème posé par les
public de soutien mais dont on savait bien déjà à l’époque qu’il serait très
difficile, pour ne pas dire impossible, d’assurer son retour sur le marché
ou à une confrontation entre ceux que Jones appelle dans son livre les
qu’il faut rappeler c’est que les politiques publiques sont aussi et surtout
visions du monde, des valeurs et des intérêts. D’où l’idée qu’une prise de
63
organisations ou acteurs. On retrouve là l’idée de Cobb et Elder du lien
action politique.
on peut citer un modèle dont j’ai déjà dit un mot. Il s’agit du modèle dit
décisionnel n’est après tout pas autre chose qu’un amoncellement d’objets
La réserve que l’on peut faire là, mais j’y reviendrais, concerne la négation
décisionnels une rationalité limitée fondée justement sur les routines et les
coutumes.
64
2- Les théories de l’action publique : entre approches
Je vais passer dans une assez longue deuxième partie à la présentation des
Pour résumer, on peut dire que cette perspective trouve ses fondements
Weber.
L’idée centrale est que la société n’existe pas sans l’Etat. Autrement dit,
l’action de l’Etat a une logique propre qui transcende les intérêts exprimés
65
L’Etat dans le marxisme
Chez Marx, l’hypothèse centrale est que l’Etat est une réponse trouvée par
plus besoin alors de gérer les luttes entre classes. Dans un certain nombre
autonomie de l’Etat. Cela signifie que l’Etat n’est pas partout et toujours le
d’intérêts propres.
l’activité économique.
66
L’Etat chez Durkheim et Weber
ème
Après Marx et à côté du marxisme, l’Etat est apparu dès la fin du 19
Durkheim et de M. Weber.
Durkheim part de l’idée selon laquelle la société est marquée par une
division sans cesse plus marquée du travail social liée à l’évolution social.
Dans ce cadre, l’Etat voit son statut renforcé. Je cite Durkheim : “plus les
67
bureaucratique. Chez Weber, la référence à un Etat bureaucratique est
soulignent le rôle central joué par l’Etat dans les rapports sociaux.
Elle s’intéresse aux relations entre l’Etat et les groupes d’intérêts dans la
bien que l’Etat exerce une domination forte sur la société mais qu’il est
années 1970 et qui se caractérisait pour sa part par le contrôle total des
une période récente dans des pays dans lesquels le syndicalisme était à la
68
particulier des partis sociaux-démocrates. Il a abouti à des situations
est mis l’accent sur l’existence d’une telle situation dans le secteur agricole
Ce que montrent les travaux sur les relations Etat-syndicats, c’est le rôle
de ses propres ailes en prenant ses distances avec l’Etat. On l’a bien vu
69
Qu’est-ce que l’analyse pluraliste
Cette perspective repose principalement sur des travaux américains. Elle
Unis qui influence l’analyse des relations entre Etat et société. Par
Toutes ces données se sont en quelque sorte combinées pour produire des
faut entendre le fait que l’Etat est le produit d’interactions entre des
compétitive, l’Etat apparaît comme une sorte de voile. Il est ouvert aux
repose donc sur l’idée selon laquelle le contenu d’une politique est le
résultat des pressions exercées par les différents groupes intéressés à cette
politique. Ces pressions seront bien sûr contradictoires, car les groupes en
70
Dans ce cadre, l’Etat n’est pas autonome, il ne propose pas son
l’Etat n’a rien à voir avec les groupes d’intérêts qui existent
Cela implique que l’action publique est rendue très difficile par la
l’école dite du public choice. Ces deux courants d’idées, qui ont d’ailleurs
publiques aux Etats-Unis. L’idée qui s’est développée à partir de la fin des
71
l’Etat garant de l’intérêt général tranchait avec une tradition sociologique
ne faisait pas assez cas du fait que l’Etat avait à gérer une multiplicité de
Le pluralisme est donc une théorie libérale dont le mérite essentiel est de
et aux fins de promouvoir l’intérêt général. Cela renvoie à une idée très
importante, qui est que l’Etat n’existe pas autrement que comme un lieu
ses représentants.
américaine qui repose sur l’idée selon laquelle les acteurs sociaux sont
concurrentiel. Or, on sait bien que les groupes de pression, tout comme les
peuvent donc pas tous peser d’un poids égal face aux décideurs publics.
de filtre qui ne fait que reprendre à son compte les idées de la société est
72
Elle écarte trop rapidement deux points : tout d’abord, il existe à
nom justement de la recherche d’un accord de faire passer des idées qui
problème. L’Etat n’est donc jamais un simple récepteur quand bien même,
institutionnaliste.
73
Définition et intérêt
Ce que l’on retenir des deux points précédents, c’est que les approches
enjeux.
pour faire la différence avec l’institutionnalisme qui est le nom que l’on a
donné dans les années 1950 et 1960 à l’analyse juridique et descriptive des
Les institutions donc sont un facteur d’ordre car elles définissent les
du début des années 1980 autour d’un principe : le système politique n’est
Pour être plus précis cette école repose sur deux postulats principaux :
74
exemple les règles qui indiquent le partage des responsabilités et de
l’autorité.
que les divers acteurs vont faire. Mais, les règles constituent une sorte de
d’ordre. Elles contribuent aussi à mettre en forme le sens que les acteurs
donnent à leurs actions. Pour être plus précis, il ne faut pas réduire les
intègre les croyances, les codes, les cultures, les savoirs qui entrent en
que les politiques ne doivent pas être analysées au travers de leurs seuls
montrer quelles sont les valeurs, les idées, les représentations du monde
qui sont mobilisées par les acteurs et comment celles-ci peuvent évoluer et
d’abord, face au pluralisme, il faut retenir que les institutions ne sont pas
attentiste mais que les interactions entre la société civile et l’Etat sont plus
75
De la même manière, toujours par rapport au pluralisme, il convient de
retenir que ce ne sont pas les acteurs de la société civile qui donnent seuls
selon laquelle l’Etat n’est pas autonome par rapport aux groupes sociaux
repose donc sur une conception plus souple de ce que l’on entend par
point de savoir jusqu’à quel point les groupes d’intérêt sont aussi des
institutions.
d’action publique sur la longue durée, par exemple les politiques sociales,
c’est l’Etat qui est placé au centre de la perspective, si vous préférez les
de l’Etat.
76
L’un des apports de cette école de recherche est une notion sur laquelle je
agissent face à un problème en tenant compte de ce qui a déjà été fait dans
illustration de cette idée avec les discussions sur l’avenir des retraites :
l’occurrence les fonds de pension, ne peut se fait semble-t-il que par des
Evans, Rueschmeyer, Skocpol, Bringing the State back out , 1985; Hall,
d’autre part d’influence sur la production des préférences par les acteurs
sociaux. L’idée est que les acteurs ont d’un côté des valeurs et des
stratégiques qui repose sur l’idée selon laquelle les acteurs utilisent les
77
avec les autres acteurs engagés dans le processus. Dans cette perspective,
général d’un postulat rationaliste qui est que les organisations naissent et
sociologique étudie lui aussi les organisations mais il défend une autre
idée qui est que les institutions ne peuvent pas être réduites à des
78
2-D) Une première approche cognitive : les notions de référentiel et de
paradigme
L’idée qui est au centre de cette perspective que l’on appelle cognitive est
sont utilisés à un moment donné par des décideurs publics et aussi pour
Cette approche n’est donc pas très éloignée de ce que j’ai déjà appelé la
l’ensemble des acteurs sociaux et d’être admis comme légitime par ceux-
ci.
Pour être un peu moins abscons, je peux citer un exemple sur lequel je
marché, ou référentiel libéral, qui repose sur l’idée selon laquelle la norme
79
cette représentation tout simplement parce que celle-ci a été présentée
De quoi parle-t-on
On résume cela en science politique par deux concepts proches, celui de
référentiels qui a été proposé par Pierre Muller et Bruno Jobert au début
des années 1980 et celui de paradigme tel qu’il a été développé par Peter
solutions. D’une certaine manière, on peut dire que l’on n’est pas très
durée, il faut qu’il fasse l’objet d’un processus de médiation que P. Muller
définit comme “un mécanisme par lequel une société gère son rapport au
légitimée. Autrement dit, c’est parce que des groupes divers dans la
80
Une politique publique n’a de sens que si elle repose sur un large accord
social autour de ses objectifs. Et cet accord, pour ne pas dire ce consensus,
degrés divers, sous des formes différentes par une pluralité d’acteurs
un sens global, une vision commune, qui s’oppose à une tendance assez
modernisateur qui s’est mis en place en France après 1945 et qui a donné
sens à la vie collective jusqu’au début des années 1970. Il faut entendre
population.
montrent comment à partir de la fin des années 1950, s’est mis en place,
81
non sans affrontements, un référentiel agricole qui était en quelque sorte
une partie des élites du secteur agricole —en l’occurrence les jeunes
publiques. C’est ce que montre notamment Peter Hall, qui parle lui de
82
l’action publique d’une approche keynésienne redistributive à une
discursif et actif, on parle autour de ce qu’il faut faire et sur les raisons qui
expliquent ce qu’il faut faire et, en même temps, on met en place des
plus libéraux côtoient un temps des discours qui restent plus classiques,
passe donc par des médiateurs. Ceux-ci, il faut le souligner, ne sont pas
83
acteurs issus de la société civile —les agriculteurs, le monde de
D’autre part, la production d’un référentiel est aussi une occasion pour
produit aussi des crises identitaires fortes dans les groupes qui se
milieu des années 1980, alors oui on constate que le monde de l’entreprise
libéralisme. C’est une période marquée par les premières mesures fiscales
la gauche politique qui découvre alors que seuls les entreprises peuvent
peut être faire quelque chose contre le chômage. On a parlé à l’époque des
84
symbolique de l’entreprise gagnante qui était Bernard Tapie et en 1986
mais sans la légitimité dont elles bénéficiaient à l’évidence dans les années
Vous pouvez dire, et vous aurez raison, que les critiques adressées au
système ont finalement très peu de poids et n’ont presque pas remis en
faut retenir tout de même, c’est qu’une société ne peut pas fonctionner
soutien de la population. J’en reparlerais plus tard mais on peut citer les
des habitants.
Au total donc, cette notion de référentiel doit être considérée comme une
perception du monde :
85
-des valeurs, c’est-à-dire ce qui définit un cadre global pour l’action
publique (par exemple l’équité plutôt que l’égalité, le contrat plutôt que la
loi) ;
-des normes, c’est-à-dire ce qui définit des principes d’action localisés (la
sécurité alimentaire) ;
une théorie de l’action : lutter contre les déficits afin de faire baisser les
-des images qui sont transmises en temps réel par les médias et qui
disqualifier les islamistes, le foulard portés par les jeunes filles, la notion
d’une sorte d’acculturation qui favorise l’intégration de ces idées dans nos
vie, l’euro est notre avenir radieux. Il faut lutter au sens littéral du terme
Le référentiel modernisateur
Pour incarner un peu plus dans des exemples ce que je viens d’expliquer,
86
—la centralité de l’Etat dans les procédures de médiation sociale : l’Etat
public“ ;
locaux.
autres points :
pays et qu’il fallait donc en finir avec le référentiel conservateur qui avait
avant 1939 ;
87
débat collectif n’ait lieu. Ce sera le cas par exemple pour la politique
l’économie française jusqu’à la fin des années 1970 des grands projets
pensé par l’Etat, je fais référence au rôle joué par un certain nombre de
particulièrement les projets TGV impulsés par les corps des Ponts ; le
qu’une grande partie des entreprises qui réalisent les plus gros chiffres
88
d’affaires et qui jouent désormais à l’international ont été totalement ou
largement mises sur les rails par l’Etat et ses serviteurs. Et ce n’est pas
le premier qui ne nous intéresse pas ici c’est l’entrée en politique par le
de la politique ;
absence qui donnait aux élites administratives une très large latitude de
manœuvre pour définir ce qui était bon pour les français. Quand je parle
89
syndical français et aux concurrences fortes qui existent depuis longtemps
sciences Thomas Kuhn. Il faut considérer donc que l’on ne passe pas
90
Les idées proposées associent fortement les notions de liberté, de
l’INSEE, Edmond Malinvaud, avec tous les effets que l’on imagine sur ses
collaborateurs est sur ses élèves. Les mauvaises langues diront même que
Malinvaud est devenu libéral pour maximiser ses chances d’avoir le prix
durant les années 1982 et surtout 1983 autour de la mise en œuvre d’une
vous pouvez noter que cet échec a été largement dû aux affrontements au
91
ème
dominante mais assez pauvre sur le plan des idées réformistes et la 2
libéralisme mais qui avait le défaut dirimant d’être fortement rejetée par
difficultés de plus en plus pesantes au début des années 1980 et que seul,
publiques nationales ;
politiques nationales ;
—la remise en cause aussi bien en France que dans le reste de l’Europe de
92
A l’instar des dirigeants politiques et des hauts fonctionnaires, les
L’Etat dans tous ces cas va se retrouver seul dans la mesure où aucun
en question ;
—première idée, le référentiel libéral s’est imposé parce qu’il est apparu
collective. Il s’agit plus d’un référentiel par défaut qui ne s’est pas imposé
93
parce qu’il a été mis en avant par certains groupes sociaux qui ont à un
leurs intérêts.
libéral.
94
2-E) Une approche cognitive complémentaire, le rôle joué par les
De quoi s’agit-il ?
quels sont les acteurs qui à l’intérieur de l’Etat et dans la société, exercent
d’action publique.
Dans le même ordre d’idée, l’analyse de réseaux réfléchit sur la nature des
rencontrer.
trouve dès les années 1950 aux Etats-Unis une interrogation sur ce qu’on a
d’évaluer la nature des relations entre l’Etat et des acteurs situés du côté
avait notamment mis en évidence aux Etats-Unis le rôle central joué par
95
ce qu’on a appelé le lobby militaro-industriel, c’est-à-dire un groupe
d’armement.
Longtemps cette réflexion sur qui fait quoi dans les politiques publiques
s’est résumée à une lecture binaire que j’ai déjà évoqué entre pluralisme et
néo-corporatisme.
l’analyse en terme de réseaux. Pour aller vite, on peut dire qu’à partir de
cette période, la fin des années 1970 donc, la compréhension des relations
représentants des intérêts organisés d’autre part (je pense ici surtout aux
est apparu moins homogène que par le passé, ou si vous préférez plus
96
action. Cela se traduit par exemple dans le travail administratif avec une
On a donc plus d’acteurs dans le jeu que dans le passé et surtout des
Commission Européenne sont des cas connus mais on peut ajouter les
chargés de réguler au niveau mondial les échanges. Et je n’ai rien dit ici
des ONG.
Cette multiplication des acteurs n’est pas décisive en soi pour expliquer
l’évolution des politiques publiques. Ce qui est fondamental ici c’est que
croissante prise par les échanges informels entre les acteurs concernés par
un dossier quelque soit par ailleurs leurs positions dans le jeu et leur
97
conception du problème en question. L’informel, le discret, le non public
sorte, ne font que passer, pour livrer un avis technique par exemple.
d’action publique, ce sont donc les liens permanents pour ne pas dire
(ceux que l’on appelle parfois les experts) et des acteurs mettant en avant
qui parle parce qu’il dispose des compétences techniques pour le faire et
Si l’on suit deux autres auteurs, Rhodes et Marsh, l’analyse des politiques
leurs relations.
Mais la notion reste assez floues et renvoie à des types de situations très
Rhodes et Marsh :
s’ils vont être présent en continu ou bien s’ils vont s’éloigner du réseau à
98
un moment donné. Enfin, les relations d’interdépendance entre acteurs se
limitent au problème précis qui est posé. Par exemple, des acteurs vont
précise parce qu’ils sont par ailleurs concurrents. C’est le cas par exemple
autour de la question des lois sur les étrangers : le réseau d’aide aux
—deuxième point, les réseaux de producteurs qui concerne des cas limités
mais il ne faut pas penser que les différences de couleurs entre les divers
instances politiques d’un même territoire est parfois aussi pénalisant voire
aussi bien sur le plan vertical que sur le plan horizontal qui ont vocation a
99
s’occuper de problèmes précis. Un cas assez simple est celui de la
secteur.
par trop institutionnelle. Cela signifie que les acteurs qui participent à un
on travaille sur une politique publique donnée, même quand celle-ci est a
réseau s’est constitué et sous l’égide de qui, quelles sont les oppositions
réseaux. Ces acteurs sont souvent ceux qui jouent le rôle d’arbitre ou
100
d’intermédiaire, ce qu’un auteur américain, Paul Sabatier, appelle les
frontières et qui au total utilisent les ressources liées à cette situation pour
citer, parmi les plus connus, Jack Lang dans le domaine culturel. C’est le
Lambert, dont j’ai déjà parlé à propos des minimas sociaux et du RMI, et
H. Jamous dont j’ai parlé avait lui étudié dans les années 1960 la réforme
Par ailleurs, on peut aussi montrer que les réseaux changent de nature
sur le système Airbus, autrement dit sur la mise sur pied du consortium
ensemble autour d’un objectif commun qui est la maximisation des parts
101
secteur aéronautique lorsqu’on aborde les problèmes techniques de choix
problème ;
combatifs et responsables.
Cela concerne aussi bien les acteurs sociaux que les acteurs situés du côté
de l’Etat. Ces derniers agissent aussi pour attester de leur ouverture aux
physiques entre groupes d’intérêt et Etat qu’en notant que cette violence
procédures de négociation. Mais vous voyez bien en même temps que les
102
un groupe et les représentants de l’Etat sont extrêmement rares pour ne
légitimité.
Ils expliquent tous les deux à partir de points de vue différents qu’un
leurs causes. Cet édifice commun est une sorte d’architecture normative
politiques publiques
On se situe donc dans une perspective qui insiste encore sur la dimension
prend l’exemple des valeurs collectives qui font sens lorsqu’on regarde
103
par exemple les actions de lutte contre l’exclusion. Par-delà les
104
2-F) Les théories des processus décisionnels
La rationalité absolue
Le modèle théorique de base est emprunté à la théorie économique des
décideur et de la population ;
possible ;
aucune interférence.
La rationalité limitée
Cette théorie a été mise en pièces par un économiste et psychologue
études sur la décision politique. Ce que montre Simon, c’est que la théorie
105
nombre de coûts qu’il est loin d’être prêt à assumer. Citons parmi ces
monde ;
existent, dans le cas par exemple des constructions de pont, des tracés de
est toujours placé dans la situation d’avoir à décider en même temps dans
possibles ;
du stress peut amener à commettre des erreurs : décider vite pour en finir
106
avec l’incertitude, repousser la décision. On raconte ainsi que le Président
exemple, celui à la fin des années 1960 des systèmes de gestion des
Budgétaires).
déraisonnable, bref ce qui lui apparaît le plus acceptable pour ses propres
107
—premier principe : le décideur a très vite en tête une préférence ou une
maintien en l’état ;
le décideur lui-même ou d’autres décideurs avant lui ont déjà fait et qui
lorsque l’on met en place une conférence nationale autour d’un problème
de société ;
objectifs, c’est-à-dire en partie fondés, qui sont admis comme vrai dans le
d’immigrés dans la population totale. Dans tous ces cas, la question n’est
pas de savoir si ce qui est affirmé est vrai mais bien de voir que cela est
considéré comme vrai par les décideurs et donc utilisé à ce titre pour
108
Les trois principes que je viens d’indiquer renvoie à deux types de
politique s’engage dans la décision qu’il prend même si celle-ci est une
faire du fait du contexte. Cette décision est leur vérité. Elle est en tout cas
appréhendée comme tel par les autres acteurs qui les sanctionneront en
relève donc toujours d’une prise de risque acceptée par les décideurs ;
Ils peuvent donc espérer s’en sortir quoiqu’il arrive de la décision qu’ils
ont prise. Cette rationalité politique est guidé par une sorte d’instinct de
lesquelles on voit un décideur politique faire peu de cas des échecs passés
passé.
jacente ici est très importante : un décideur a-t-il une influence réelle sur
109
la décision ou bien est-il prisonnier de ce qu’on peut appeler des effets de
différents :
Qu’est-ce qu’on entend par rôle de décideur ? On définit un rôle par les
attentes et les valeurs dont une société donnée investit une position
Cresson, Premier ministre, avait été stigmatisée pour ses propos envers
largement avec les élus écologistes qui sont presque sommés par le reste
de l’homme politique.
temps des élus mais qui participe très directement de cette conformation
au rôle.
C’est parce qu’il joue son rôle que le décideur politique en retour dispose
décision cette contrainte de rôle suppose que le décideur ne peut pas faire
110
conformant à ce que l’on attend collectivement d’un décideur en action :
J’ai déjà parler dans le cours des contraintes posées par le respect des
concerne sans surprise les règles : celles-ci fixe un cadre légale à respecter
ministre par exemple, est très directement dépendant de relais qui lui
disposent pas du temps nécessaires pour s’en faire une idée personnelle.
ème
Le dernier type de procédure est lié au 2 , il s’agit de la division des
tâches et des compétences qui a des effets presque mécaniques sur les
111
ème
Au total donc à propos de ce 2 facteur, les décideurs s’affrontent à des
aux agents qui sont amenés à y travailler. A cette diversité des intérêts
une contrainte forte pour les décideurs politiques. Ils ne peuvent parvenir
112
Un décideur ne peut pas viser la perfection ou même l’idéal mais le
réalisable.
développée dès la fin des années 1950 par Lindblom. Cette théorie repose
sur l’idée selon laquelle le champ de la décision est une sorte de boite
—ne pas forcer la décision mais agir de façon pragmatique à chaque fois
—ne pas créer ou entretenir des clivages radicaux entre des camps autour
problème mais s’opposer sur d’autres, faire la même chose avec d’autres
acteurs ;
l’action.
113
cheval. On injecte de la décision par petites doses en cherchant moins à
ici est que les organisations ont parfois un comportement étonnant : elles
C’est le cas parmi les administrations des armées en tant de paix mais
aussi des universités. Un auteur français, L . Sfez, a bien mis en évidence
construire le Rer n’existe pas, on ne sait pas qui a pris la décision, à quelle
date et pour quelles raisons. La conclusion que l’on peut tirer est que la
j’ai déjà parlé. Ce que montre les études empiriques à ce propos, ce sont
parce qu’on a perdu le problème que l’on peut prendre une décision ;
114
—dernière possibilité, le problème a été écarté et aucun choix n’a été fait.
en cours de route.
d’autre part lorsque le processus décisionnel est peu structuré par des
règles ou des normes. Face à un système de cette nature, les décideurs s’ils
capacité à susciter des soutiens et de la loyauté chez ceux des acteurs qui a
des titres divers ont besoin des décideurs pour exister ou pour maximiser
fonctionnaires…
que celle-ci soit centrale ou locale, était toujours marginal parce que les
contraintes qui pèsent sur les décideurs et sur les processus de fabrication
distance entre, par exemple, les intentions exprimées par des responsables
115
politiques à propos d’un sujet donné et les résultats effectifs de ces
l’action publique qui repose sur le postulat selon lequel la très grande
publiques.
Je dirais un mot enfin d’une 4ème théorie qui s’attache quant à elle à décrire
A- La notion d’apprentissage
Elle a été proposée par des auteurs anglais à partir du début des
années 1970 (Heclo, Hall). L’idée très générale est que malgré la très
dépit des jeux d’intérêts qui encadrent toutes les décisions on peut tout de
116
même parler d’une évolution progressive des politiques publiques. Le
changement, même lent et marginal, est possible c’est parce que les
les problèmes, ils savent mieux sur quels instruments s’appuyer pour agir
et, surtout, ils identifient plus facilement les rapports de force et les
commettre deux fois les mêmes erreurs. Comme le dit Peter Hall, une
existait à l’instant T-1. Autrement dit, ce sont les leçons de ce qu’on a fait
juste avant qui déterminent les stratégies suivies à l’instant T. Hall parle
d’un mécanisme d’essai/erreur pour dire que les décideurs ajustent leurs
catégories différents :
compte de ce qui est déjà fait. Cela concerne par exemple un programme
117
précédent. Le problème là (Cf. R. Rose) consiste à étudier les ajustements
Pour les deux notions que je viens d’évoquer on se trouve face à ce que P.
grande nombre d’acteurs. Dans les deux premiers cas, on avait à faire avec
son propos et partant des valeurs des acteurs concernés peut avoir des
développée par Muller et Jobert. Cette idée est très intéressante car elle
118
l’évaluation, on pourrait aussi dire un mot sur le rôle joué par les réseaux
des acteurs situés dans des positions différentes dans l’espace social
d’Etudes mais aussi aux rencontres plus informelles entre acteurs, même
concurrents.
coalition framework, proposée par Paul Sabatier, qui repose sur le postulat
B- La notion d’héritage
L’analyse des politiques publiques a redécouvert depuis quelques
119
recherche de C. Topalov sur l’invention de la catégorie de chômeur en
Pour lui, les politiques menées antérieurement pèsent très fortement sur
dépendance par rapport à ce qui a déjà été fait est la contrainte majeure.
institutionnel et ceux liés aux jeux d’intérêts des divers acteurs concernés
par un problème donné. Rose explique par exemple que lorsque Thatcher
vigueur avaient été votées avant 1945 et un quart avant 1900. On se trouve
des règles qui existent déjà, ce qui est en soi une activité à plein temps.
C’est ce qu’on peut appeler aussi l’effet d’inertie propre à tout système
routine sans se poser la question de l’utilité des règles qu’ils appliquent et,
aux nouvelles règles moins parce qu’elles leurs paraissent illégitimes que
routinières.
120
britannique qui a continué à fonctionner jusqu’aux années 1970 sur les
familiales.
par leur propre histoire. Cela signifie que les politiques publiques ont
directement à voir avec la manière dont elles ont été inventées (leur socio-
génèse), avec les valeurs ou les principes qui ont présidé à leur création et,
politique est menée et organisée mais cela ne permet pas de prédire ce que
121
donnera la politique en question. L’action est sous contrainte mais cela
liées par exemple à des échecs patents. Ces accidents ne modifient pas
qui se traduisent à la fois sur le plan des pratiques et sur le plan des
de mieux maîtriser les outils dont on dispose. Mais cela joue aussi très
122
d’intérêts, ce qu’il faut retenir c’est que faire comme on a l’habitude de
—le champ politique est caractérisé par ce qu’il appelle une très
est caractérisé par la dimension collective des biens produits (ne serait-ce
chemin car il est toujours plus aisé de passer accords avec des partenaires
dont on connaît les manières de faire, les attentes et les objets sur lesquels
123
relations entre acteurs seraient vouées à l’échec car potentiellement
perturbatrices.
—le dernier facteur avancé par Pierson a pour point de départ les
Ce qui se passe en revanche c’est que les effets pratiques des dites
Pierson explique que, alors que l’objectif avéré des conservateurs était
124
gouvernements d’aller jusqu’où ils le voulaient (administrations chargées
Congrès…).
Par exemple, dans son étude comparée sur les conséquences des
relations entre les Etats et les professions médicales sur l’évolution des
d’autre part.
125
D- Le changement des visions du monde et le changement de politique
L’un des problèmes posés par la théorie de la path dependence est
linéaire. Or, on peut développer une lecture plus ouverte de cette théorie
la nature et des sciences dures on peut dire qu’il existe dans le domaine de
l’action publique une sorte d’alternance entre des phases dites d’équilibre
des révolutions scientifiques. L’un des problèmes est que cette alternance
possible dans les périodes dites de crise de politiques que l’on peut
mettre fin ; cette incapacité à faire face aux problèmes met en cause à la
l’équilibre des forces entre les groupes présents dans celui-ci. On se trouve
Comment définir ce que l’on entend pas anomalies : dans le cas des
126
dit de masse a eu entre autres conséquences l’apparition d’une nouvelle
existant.
politique ;
127
—production de solutions alternatives : l’affaiblissement de la
aspirant à voir leurs thèses reconnues et, d’une certaine façon, à prendre le
keynésien.
128
129
130