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Module :

Introduction à la Science Politique


1er semestre, filière : droit en langue française

Professeur : Abdelali BOUZOUBAÂ

Année universitaire : 2022/2023

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INTRODUCTION :

A/ Délimitation conceptuelle :

1er concept : la signification du terme « science »

Le terme « science » paraît à première vue comme une évidence. Mais pour pouvoir parler de
la « scientificité » il faut remplir un certain nombre de conditions :

 Il faut que le chercheur observe une certaine distance, appelée « neutralité


axiologique » par Max WEBER, vis-à-vis de l’objet/sujet étudié afin de séparer la
science des activités purement spéculatives ou prescriptives comme la philosophie ou la
morale. Exemple : la relation entre le médecin et son patient est caractérisée par une
distance entre le chercheur (médecin) et le sujet (patient) de recherche (pathologie).

 Mobilisation de l’observation et de l’expérimentation afin de tester la validité des


hypothèses initiales (ou les postulats de départ). Exemple : l’observation de taux de
participation des jeunes aux élections législatives par rapport à la masse de cette
catégorie apte à voter.

 La formalisation et la systématisation afin d’établir des principes durables


d’intelligibilité du réel.

 La science est normalement relative.

2ème concept : « Politique »

Ce terme est bien complexe. Il est saturé de sens. En fait, l’opinion s’est toujours divisée sur la
valeur qu’il convient d’attribuer à l’activité politique :

 Selon l’interprétation « noble », la politique est l’art de commandement social, l’activité


pacificatrice permettant à une société divisée de s’organiser à une fin supérieure.
Exemple : au Maroc, le Roi, en tant que chef de l’Etat, constitue un symbole de l’unité
nationale.

 Selon l’interprétation « vulgaire » ou « profane », la politique est une activité sale,


dégradante renvoyant à des gens stériles (les politiciens) et à des bavardages artificiels
(les promesses propagandistes des politiciens…).

Il faut souligner que l’opinion savante (les politologues) se divise également de la même façon
lorsqu’il s’agit d’apprécier, évaluer la sphère politique :

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 Selon la thèse restrictive (stricto sensu), la politique demeure un compartiment singulier
de la société, distinct des autres activités sociales, assujetti à des objectifs et des règles
spécifiques.

 Selon la thèse extensive (lato sensu), la politique est omniprésente et traverse de part en
part la société. « Tout est politique ». Exemple : l’élection du chef de l’Etat dans un
régime présidentiel, l’investiture du gouvernement devant le parlement, l’éducation des
enfants, les paroles d’une chanson à caractère révolutionnaire…

De son côté, la langue anglo-saxonne, plus pragmatique que le français, dispose de deux termes
pour définir la politique :

 Le terme « policy » désigne « les produits de l’action gouvernementale » c’est-à-dire les


programmes, décisions et actions imputables aux autorités politiques. On parlera, par
exemple, de « la politique étrangère du Maroc » ou de « la politique culturelle en
France» ou de « la politique pénale aux Etats-Unis d’Amérique »…

 La notion « politics » désigne le processus lié à l’exercice et à la conquête du pouvoir


d’Etat dans une société donnée. On parlera ainsi de la stratégie « politique » du Parti de
Justice et de Développement (PJD) ou des difficultés liées à la mise en œuvre du
programme du gouvernement marocain…

Une partie de la doctrine insiste sur l’androgynie du terme « politique » :

 Au masculin, Le politique intègre l’ensemble des régulations qui assurent l’unité et la


pérennité d’un espace social hétérogène et conflictuel.

 Au féminin, La politique indique la scène où s’affrontent les individus et les


groupements en compétition pour la conquête de l’exercice du pouvoir.

Cette brève discussion liée à la détermination de la charge sémantique du terme « politique »


augure l’extrême difficulté qu’éprouve la science politique à définir ou encore « construire »
son objet.

De ce fait, l’association des termes « science » et « politique » pose des problèmes :

 D’une part, l’expression « science politique », bien que reconnue par les classifications
administratives, ne fait pas l’unanimité :

 Certains politologues lui préfèrent toujours l’expression « sociologie politique »


originelle de Jean-Pierre COT, ou encore « sociologie du politique » de Patrick
LECOMTE et Bernard DENNI.

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 De nombreux sociologues, tels que Pierre BOURDIEU, récusent la validité
d’une science autonome de l’action publique.

 D’autre part, la politique change constamment d’habit et apparaît comme un « objet »


toujours mouvant et instable :

 Ainsi, en France par exemple, la décolonisation fut au cœur de débat politique


de la troisième République, elle ne constitue plus aujourd’hui un problème
politique majeur ;

 En revanche, des problèmes comme l’émancipation de la femme ou de la


protection de l’environnement sont désormais au centre de la controverse
publique…

Plus généralement, le repérage du politique change toujours entre une position « essentialiste »
qui se plie à identifier une essence du politique commune à toutes les sociétés et une attitude
pragmatique qui subordonne la transformation d’un fait social en fait politique à des procédures
de codage et d’étiquetage préalable.

B/ QUEL EST L’OBJET DE LA SCIENCE POLITIQUE ?

A chaque « science » correspond un « objet », donc, la science politique n’échappe pas à cette
règle. En effet, il y a deux grandes tendances doctrinales ou deux grandes écoles afférentes à la
détermination de l’objet de la science politique.

La première école doctrinale avance que l’objet de la science politique est formé par la
connaissance de l’Etat, la seconde défende plutôt que la science politique a pour objet la
connaissance du pouvoir.

a) La science politique : une science de l’Etat ?

La tendance historiquement la plus ancienne rapporte la science politique à la connaissance de


l’Etat (la statologie) :

 Cette démarche correspond tout d’abord à l’étymologie du terme « politique », c’est-à-


dire « polis » (cité-Etat) qui renvoie au cadre spatial de l’activité publique ;

 Elle réfère ensuite à une réalité historique massive. Henri LEFEBVRE parle à cet égard
d’ « un mode de production étatique » signifiant par-là la mondialisation du fait étatique
, c’est-à-dire que le modèle étatique demeure la figure centrale ;

 Cette démarche recouvre également des institutions présentant un grand degré de


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visibilité : le gouvernement, les institutions représentatives (parlement, syndicats…),
l’appareil politico-administratif, les entreprises publiques…

 Elle semble désigner une dimension capitale de l’activité politique à savoir le monopole
exclusif de la contrainte.

Cette école doctrinale, malgré ses arguments avancés qui semblent bien fondés, fait l’objet
d’un certain nombre de critiques :

 L’Etat n’a pas toujours existé et apparaît même dans certaines sociétés comme une
forme d’organisation sociale récente, voire précaire (instable et fragile). Exemple : les
problèmes sont souffrent quelques pays issus de la décolonisation, notamment en
Afrique et en Amérique latine ;

 L’Etat n’est pas la seule instance visible de la sphère politique : les partis politiques, les
groupes de pression, les sociétés de pensée, les médias participent également à la
politisation de la vie sociale ;

 La contrainte n’est pas nécessairement l’élément distinctif de l’Etat. Jean-Pierre COT


écrit dans ce sens : « En quoi l’autorité de Président de la République est-elle semblable
ou différente de celle d’Al Capone ou de Jésus de Nazareth ? ». Il existe des Etats
dépourvus d’autorité effective, l’exemple le plus illustrant de nos jours est la Libye
post-Kadhafi…

 Généralement, le principal inconvénient de cette approche est de transformer en objet


achevé d’étude une forme d’organisation historiquement et culturellement plus
contingente qu’elle n’y paraît. N’est-il pas remarquable que, dans la plupart des pays,
on assiste à une sorte de diminution des pouvoirs de l’Etat, en amont, au profit des
institutions internationales, supranationales et transnationales et, en aval, au profit des
autorités décentralisées.

b) La science politique, une science du pouvoir ?

La tendance actuellement dominante rapporte la science politique à la connaissance du pouvoir,


l’Etat n’étant qu’une modalité parmi d’autres de l’exercice du pouvoir au sein d’une société.

 Cette seconde conception s fonde sur un fait de portée universelle ; à défaut de


connaître l’Etat, toute société est traversée par des phénomènes de domination,
d’influence liés à une répartition inégalitaire des ressources politiques, économiques et

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symboliques ;

 Elle permet d’intégrer aux finalités de la science politique toute une constellation
d’institutions qui semblent placer à la périphérie du pouvoir d’Etat alors qu’elle
contribue à la régulation de l’ordre social : partis politiques, syndicats, systèmes
symboliques ou idéologiques, opinion publique…

 Ainsi selon l’expression de politologue Robert DAHL : « un système politique est une
trame persistante de rapport humain qui implique une mesure significative de pouvoir,
de domination, d’autorité ».

Cette interprétation extensive de l’objet de la science politique n’est pourtant pas sans défaut
parce qu’il n’est pas toujours facile de tracer une ligne de démarcation entre le « politique » et
le « social » :

 La science politique identifie tous les centres de pouvoir directement ou indirectement à


l’accomplissement des fonctions étatiques (gestion de la chose publique) mais elle est
renvoyée à l’approche statologique ;

 La science politique étend sa juridiction (champ disciplinaire) à l’ensemble des


phénomènes de pouvoir mais elle risque de manquer la spécificité du politique et de
croiser les objets traditionnels de la sociologie générale ;

 Il n’est pas certain que toute relation sociale contraignante doit être ipso facto qualifiée
de « politique » dès lors qu’elle implique une mesure significative de domination. Peut-
on considérer comme politique l’autorité parentale sur les enfants ? du maître sur ses
disciples ? du chef de l’entreprise sur son personnel ?

En effet, Max WEBER esquisse une alternative raisonnable énonçant que l’autorité politique :

- Dispose « du monopole de la coercition légitime » sur l’ensemble des territoires et non


à l’endroit d’une ou plusieurs collectivités particulières ;

- A vocation à agréger pacifiquement « la constellation des intérêts » s’affrontant sur ce


même territoire.

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Chapitre 1 : LE POUVOIR POLITIQUE

Le mot "Pouvoir" est polysémique. Il désigne une notion abstraite, intemporelle, du moins
chez les auteurs qui admettent une telle idée. Il désigne les modes historiques et contingents à
travers lesquels cette notion s'actualise : on parlera en ce sens de pouvoir personnalisé ou
institutionnalisé. Il désigne les hommes qui incarnent les diverses sortes de pouvoir. Il
désigne une expérience : chaque homme subit ou exerce telle ou telle forme de pouvoir. On
parle du pouvoir d'un homme, mais aussi du pouvoir des mots, des idées ou des lois. On
introduit aussi des nuances en écrivant tantôt le pouvoir, tantôt le Pouvoir, avec une majuscule
qui peut, d'ailleurs, être signe d'adulation ou de mépris. Ces divers sens sont liés entre eux
mais de manière parfois lointaine.

SECTION I : LA NOTION DU POUVOIR POLITIQUE

Si la question se pose, c'est évidemment parce que tout pouvoir n'est pas politique. Le pouvoir
est un phénomène courant : il se rencontre dans les familles, dans les entreprises, dans les
lieux de culte, dans les « communautés délinquantes» comme la mafia, dans les écoles
littéraires, artistiques ou scientifiques. Il existe un pouvoir économique, financier, intellectuel,
etc. Quelles sont alors les caractéristiques propres au pouvoir politique ?

§1- Les caractéristiques du pouvoir politique

Le pouvoir est une caractéristique essentielle de tout groupement humain. Il se situe dans le
rapport commandement/obéissance là où il se trouve. Le pouvoir politique est donc une
variante du pouvoir qui doit être distinguée des autres formes tel que le pouvoir parental ou le
pouvoir religieux. Tout pouvoir n’est pas, ipso facto, politique. On distingue généralement
le pouvoir politique par :

 Le critère spatial : c’est que le pouvoir politique s’exerce sur l’ensemble de la


société. Il a vocation à organiser les rapports interindividuels dans une société globale,
c’est-à-dire qu’il exerce sur une population identifiable qui réside dans un espace
déterminé dans le but d’assurer sa cohésion. Par contre, les autres formes du pouvoir
s’exercent sur un secteur particulier.

 L’allocation autoritaire : en ce sens que le pouvoir politique permet la prise de


décision et la réalisation d’actions au profit de toute la société et pour son intérêt. Ces
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décisions donnent lieu à des normes juridiques qui s’imposent soit par l’obéissance
consentie soit par la coercition légitime. Le pouvoir politique est contraignant.

 Le caractère initial en ce sens que tout part des gouvernants. En effet, le pouvoir
politique a la capacité de fixer l’extension et les limites de tous les autres pouvoirs.

§2. Les fondements du pouvoir politique

A. La légitimité :

Le pouvoir politique, comme relation de commandement/obéissance, ne peut résulter de la


seule force que ce soit la force de la loi ou la force physique, il a toujours besoin d’un
fondement idéologique qui explique pourquoi les gouvernés consentent à se soumettre à ce
pouvoir. C’est ce qu’on appelle la légitimité. Celle-ci trouve son essence dans une idée qui lie
les gouvernants et les gouvernés. Idée selon laquelle les gouvernants doivent agir pour réaliser
l’idéal qui anime une société donnée dans une période donnée. Généralement, on distingue :

 La légitimité juridique : elle est le résultat de l’investiture prévue par la Constitution.


Le chef étant investi conformément à la Loi fondamentale (Constitution), ses décisions
s’imposent à tous. Les gouvernés lui doivent obéissance car il agit selon les modalités
édictées par le droit positif.

 La légitimité politique : elle résulte du fait que le dirigeant correspond à la vision


présumée du peuple, en ce sens que le chef correspond à l’image que le peuple se fait
de l’avenir. Cette idée a été bien exprimée par Maurice DUVERGER : « Dans un Etat
donné, à un moment donné, la grande masse de citoyens se fait une idée plus ou moins
claire de la forme que doit revêtir le pouvoir pour mériter spontanément obéissance.
Est légitime le gouvernement qui correspond à cette idée commune, par ses origines et
sa structure ; les autres sont illégitimes… ».

Max WEBER distingue trois sortes de légitimité : la légitimité traditionnelle, la légitimité


charismatique et la légitimité rationnelle.

B. La souveraineté dans l’Etat :

La souveraineté est une caractéristique principale de l’Etat. Mais quel est le titulaire de la
souveraineté ? Quel est le fondement du pouvoir suprême de l’Etat ? Cette question a reçu
plusieurs réponses.
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1. La souveraineté du droit divin :

Selon cette doctrine, le pouvoir suprême appartient à Dieu seul. Le pouvoir a donc un
fondement divin. Mais selon la part qu’on reconnait à la providence dans la désignation du
souverain, on distingue entre la souveraineté théocratique et la monarchie du droit divin.
Selon la théorie de la souveraineté théocratique, Dieu est non seulement l’origine du pouvoir
mais il intervient aussi pour désigner la personne qui va l’exercer. Cette conception qui
confond le spirituel et le temporel assigne au monarque une stature surnaturelle. Le peuple, en
conséquence, a une attitude passive. Tout est décidé ailleurs, la nature du pouvoir comme
l’identité de la personne qui en est investie. La théorie de la monarchie du droit divin est
fondée sur une distinction entre la source du pouvoir qui est divine et la forme du pouvoir qui
est humaine. En conséquence, le pouvoir politique est fondé sur la volonté divine ; mais celui
qui exerce l’autorité conformément à cette volonté est choisi par les Hommes.

2. Les souverainetés démocratiques :

Un régime démocratique implique que le peuple participe à l’exercice du pouvoir. Mais cette
participation pose un problème de souveraineté puisqu’il s’agit de savoir qui en est le
titulaire : est-ce la nation ou l’ensemble des citoyens ? C’est la distinction classique entre la
souveraineté nationale et la souveraineté populaire.

 La souveraineté nationale (‫الوطنية‬ ‫السيادة‬ ) : dans cette formule, la

souveraineté est confiée à la nation, elle est collective, indivisible et distincte


des individus qui composent cette nation. La souveraineté nationale est
indivisible, inaliénable et imprescriptible.

 La souveraineté populaire (‫ )السيادة الشعبية‬: dans cette formule, la

souveraineté appartient aux citoyens. Chaque citoyen détient une parcelle de la


souveraineté. Le vote constitue un droit.

§3. Les détenteurs du pouvoir politique : les gouvernants

A. La notion de gouvernants :
On appelle gouvernants ceux qui détiennent et exercent le pouvoir politique. Le terme «
gouvernants » peut être employé dans deux acceptions. Dans un premier sens restreint

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(stricto sensu), les gouvernants sont les titulaires du pouvoir exécutif. Dans un sens large
(lato sensu), le mot gouvernant désigne à la fois le pouvoir exécutif et le pouvoir
législatif.

B. La distinction gouvernants / gouvernés :

Dans tout groupement humain quelque soit sa dimension, sa nature, il y’a toujours une
différenciation politique entre ceux qui commandent, ce sont les gouvernants et ceux qui
obéissent, ce sont les gouvernés. Le terme « gouverné » ne pose pas de problème. Par
contre, le mot « gouvernant » semble difficile à cerner. Pratiquement, quels sont les
gouvernants ? Généralement, il y a un accord à considérer le chef de l’Etat, le chef du
gouvernement et les ministres comme des gouvernants, ce qui exclut la haute
administration. Donc, les gouvernants sont ceux qui exercent des fonctions politiques
officielles sur le plan national.

SECTION II : L’ORGANISATION DU POUVOIR

L’organisation du pouvoir dépend du nombre de détenteurs de ce pouvoir. Ainsi on distingue :


la monocratie, l’oligarchie et la démocratie.

§1. La monocratie : C’est la forme de gouvernement dans laquelle le pouvoir appartient à un


seul homme. L’histoire nous en donne quatre exemples qui sont :

A. La monarchie : on parle de monarchie lorsque le pouvoir appartient au Roi. Il y a


plusieurs variantes ; on distingue :

1. La monarchie absolue : lorsque tous les pouvoirs : législatif, exécutif et judiciaire se


confondent dans la personne du Roi.

2. La monarchie limitée : lorsque le Roi accepte un partage du pouvoir. On parle aussi de


monarchie constitutionnelle ou parlementaire.

B. La théocratie : On parle de théocratie lorsque le pouvoir entier est détenu par un seul
homme qui détient en plus le pouvoir religieux.

C. Le césarisme populiste : c’est le gouvernement d’un seul homme qui exerce le


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pouvoir seul au nom du peuple. La personne qui détient le pouvoir a souvent recours
au plébiscite c’est-à-dire qu’il consulte souvent le peuple pour lui demander de lui
montrer sa confiance.

D. La dictature : dans une dictature, le pouvoir est exercé par un seul homme qui l’a
acquis et le conserve par la force. Il existe plusieurs formes de dictatures. Ainsi, on

distingue les dictatures de type classique qui sont des dictatures dans lesquelles un homme qui
a accédé au pouvoir par la force définit de manière unilatérale le contenu de l’intérêt national et
concentre entre ses mains tous les pouvoirs pour réaliser cet intérêt. De même on parle de
dictatures militaires qui sont des dictatures qui sont apparues dans des pays en crise qui ont fait
appel à l’armée parce qu’elle est le seul corps organisé pour gérer les affaires publiques. En
troisième lieu, on distingue les dictatures totalitaires qui sont des dictatures qui régissent non
seulement les aspects de la vie publique mais aussi la vie privée des citoyens.

§2. L’OLIGARCHIE

C’est le gouvernement d’un petit nombre de personnes. Selon les exemples historiques on
distingue l’aristocratie qui est le gouvernement d’une classe sociale privilégiée. L’aristocratie
repose sur une conception élitiste du pouvoir. Il y a aussi la ploutocratie qui est le
gouvernement des plus riches. En 3ème lieu, il y a la partitocratie qui est la forme de
gouvernement dans lequel le pouvoir est détenu par les dirigeants du ou des partis.

§3. LA DEMOCRATIE

Le mot démocratie est d’origine grecque. Il est composé de démos qui veut dire peuple et
kratien qui veut dire pouvoir. La démocratie est donc un régime où le peuple exerce le
pouvoir. Sa forme originelle comme démocratie directe ou gouvernement du peuple par lui-
même semble difficile à réaliser, c’est pourquoi elle est essentiellement conçue sous la forme
limitative de la démocratie représentative c’est-à-dire une démocratie dans laquelle un organe
représente le peuple et décide pour lui.

La démocratie donc situe le pouvoir dans le peuple et s’efforce de faire prévaloir la volonté du
plus grand nombre.

A. Les conditions de la démocratie :

Elles sont au nombre de trois :


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 L’égalité qui est une égalité juridique et politique, ce qui veut dire que tous les
citoyens sont égaux devant le droit. Cette égalité se traduit par le fait que, dans les
opérations électorales, chaque citoyen dispose d’une voix égale à celle des autres. Elle

se traduit également par la généralité des règles de droit qui fait que les mêmes règles
s’appliquent de façon égalitaire à l’ensemble des citoyens.

 La légalité qui signifie que la société repose sur des normes juridiques établies
démocratiquement et connues d’avance ce qui ne laisse pas de place pour aucun
arbitraire. La légalité suppose l’existence d’un contrôle judiciaire qui permet au
citoyen lésé d’annuler l’acte source du préjudice ou obtenir réparation.

 La liberté est d’abord une liberté politique ce qui implique la libre participation des
citoyens aux affaires publiques. Elle est ensuite une liberté publique. En effet, la
démocratie reste tributaire d’un ensemble de libertés publiques telle que la liberté
d’opinion, la liberté de la presse ou encore les libertés collectives.

B. Les fondements de la démocratie

Ils sont au nombre de trois :

 Le pluralisme politique : la démocratie suppose que le peuple puisse choisir ses


gouvernants. Or tout choix suppose la possibilité de se prononcer entre plusieurs
possibilités. Ceci suppose d’une part qu’il n’y a pas d’orthodoxie idéologique et
d’autre part que les partis puissent se former et agir librement. En effet, dans une
démocratie pluraliste, il ne peut y avoir de vérité officielle. Au contraire, il doit y avoir
des courants d’opinion qui expriment leur vision concernant l’avenir du pays et la
nécessité du changement.

 Le libéralisme politique : il est indissociable du pluralisme politique. Il suppose le


respect des libertés individuelles et collectives dont la liberté de la presse et de la
communication audiovisuelle. Cette liberté est nécessaire car elle permet aux
différents courants de s’exprimer et d’expliquer leur point de vue aux citoyens.

 Le principe majoritaire : dans une démocratie tout citoyen doit pouvoir voter selon
des conditions d’âge et de nationalité. Ensuite les votes sont additionnés et le courant
majoritaire l’emporte. Donc, ce sont les électeurs qui décident de la majorité. La

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minorité doit se soumettre au choix des électeurs. Elle devient une opposition qui en
démocratie doit pouvoir exprimer librement et publiquement ses critiques. Ce sont là
les conditions de l’alternance car en démocratie la minorité d’aujourd’hui peut être la
majorité de demain.

C. Les principes de fonctionnement de la démocratie

La démocratie s’ordonne autour de quatre grands principes qui sont : le principe participatif
qui valorise la participation des citoyens d’où l’importance du droit de vote. La participation
peut se faire par élection ou par référendum.

 L’élection est la voie la plus utilisée de nos jours pour associer les citoyens au
pouvoir. En matière d’élection, il faut distinguer entre le suffrage et le scrutin. Le
suffrage constitue le droit ou le devoir appartenant à chaque citoyen et qui leur permet
de voter soit sur un homme (démocratie représentative) soit pour une idée
(référendum). Au contraire, le scrutin constitue l’ensemble des règles juridiques par
lesquelles le vote va se réaliser.

 Le principe délibératif qui insiste sur le débat public de qualité, contradictoire et


éclairé.

 Le principe compétitif selon lequel les élites sont élues selon un processus
concurrentiel.

 Le principe limitatif qui s’assure de la limitation des pouvoirs.

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CHAPITRE II : THEORIE GENERALE DES PARTIS POLITIQUES ET DES
GROUPES DE PRESSION

SECTION 1 : LA DISTINCTION PARTIS POLITIQUES/GROUPES DE PRESSION

Les auteurs s’accordent pour distinguer, sur le plan des définitions, les partis politiques des
groupes de pression.

C’est ainsi que la définition classique du parti politique, présentée en 1966 par les auteurs
américains Lapalombara et Weiner, se fonde sur quatre critères :

1) Une organisation durable : ceci permet de distinguer le parti de la simple faction ou


clientèle. En principe, on considère que le groupe de pression possède une organisation
durabilité : cet élément est discutable en ce que le groupe de pression peut se doter d’une
organisation plus ou moins poussée selon les cas et, surtout, que le groupe de pression pourra
être très passager, pour exercer une pression à un moment déterminé (ex. : les nombreuses
associations, groupements de fait qui se créent pour tel ou tel problème).

2) Une organisation s’étendant de l’échelon local à l’échelon national : ce critère permet de


distinguer le parti du groupe parlementaire (ex. : les gilets jaunes en France). De même, un
groupe de pression qui existe aussi dans des organisations restreintes (une Université par
exemple).

3) La recherche d’un soutien populaire, par des élections ou tout autre moyen. Il en est de
même des groupes de pression, dit-on, ce qui permet de les distinguer des « clubs » (clubs de
pensée) ; mais certains groupes de pression ne recherchent pas le soutien populaire, celui-ci ne
leur étant pas nécessaire pour mener leur action.

4) La volonté d’exercer le pouvoir : ce critère, selon les auteurs, constitue le véritable moyen
de distinguer groupe de pression et parti politique : le parti cherche à exercer le pouvoir,
tandis que le groupe de pression cherche seulement à l’influencer : à partir du moment où le
groupe de pression aspire à exercer le pouvoir, il devient un parti politique. Les auteurs
conviennent que cette distinction possède une part d’arbitraire, mais qu’elle présente
l’avantage d’une certaine clarté, au moins sur le plan intellectuel.

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Il ne faut cependant pas se cacher ce qu’il y a d’artificiel dans une telle distinction : en fait, la
volonté ou l’absence de volonté d’exercer le pouvoir ne peut valablement servir de critère de
distinction. En effet, il apparaît d’abord que des groupes de pression, en se transformant en
partis politiques, conservent leur objet, à savoir satisfaire les intérêts d’un groupe : tel fut le
cas du poujadisme français (parti des petits commerçants et artisans mécontents), il apparaît
ensuite que des groupes de pression sont soit à l’origine de la naissance de partis politiques
(ex. : Trade Union Congress en Grande-Bretagne à l’égard du parti travailliste), soit
entretiennent des liens étroits avec ces partis (certains syndicats : le cas de la relation très
étroite entre la confédération démocratique du travail (CDT) avec le parti de l’Union
socialiste des forces populaires (USFP) au Maroc), il apparaît enfin que les partis, même, s’ils
ne représentent pas de façon homogène une classe sociale sont cependant plus représentatifs
de telle ou telle couche sociale et, par conséquent, n’iront pas à l’encontre des intérêts de ces
couches. Finalement, on peut se demander si la distinction entre partis politiques et groupes
de pression n’a pas pour objet de masquer le fait que les partis politiques seraient aussi des
groupes de pression, défendant les intérêts de certains groupes : une telle conclusion n’est
sans doute pas totalement inexacte, elle n’est pas totalement exacte non plus dans la mesure
où les partis sont amenés à prendre en charge des intérêts globaux, plus larges que ceux d’une
classe sociale précise.

Cependant, deux éléments ont rapproché le syndicalisme de la politique :

• L’interpénétration partis/syndicats : il n’y a pas d’incompatibilité des mandats et il est


connu de tous que nombre de dirigeants syndicaux exercent des responsabilités politiques.
Ainsi, on sait parfaitement que chaque centrale syndicale est proche de tel ou tel parti ;

• L’impact politique des revendications syndicales : les revendications professionnelles


possèdent toujours un impact politique dans la mesure où leur satisfaction relève de
solutions politiques. C’est pourquoi les syndicats entendant se prononcer sur le débouché
politique de leurs revendications et considèrent que leur rôle dépasse largement la vie de
travail et s’étend à la vie sociale et économique, qu’il s’étend même sur le plan politique,
seul plan sur lequel finalement peuvent se trouver satisfaites les revendications
professionnelles.

Cependant, les syndicats veulent demeurer des forces de critique et de contestation, non liées
par les décisions des forces politiques, même s’ils sont proches d’elles.

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Finalement, la distinction partis/groupes de pression n’est guère claire en face des
phénomènes de politisation des syndicats et de syndicalisation des partis.

SECTION 2 : LES PARTIS POLITIQUES

Les partis politiques constituent un phénomène récent : ils sont nés au XIXe siècle en même
temps que le phénomène électoral ; au fur et à mesure que le droit de suffrage s’est étendu, il
a fallu mobiliser les électeurs, faire connaître les candidats et les programmes, financer les
campagnes : d’où l’apparition des partis.

A) Les fonctions des partis politiques

Les fonctions des partis se sont diversifiées et perfectionnées, on peut distinguer trois
fonctions remplies par tour parti politique :

1) La formation de l’opinion : par leur action d’information et de propagande, les partis vont
contribuer à éclairer les choix, à clarifier les options, en un mot, ils vont structurer l’opinion et
lui permettre d’exprimer de façon cohérente ses préférences (avec sans doute un certain degré
de déformation). Cette fonction est évidemment remplie plus ou moins bien selon les régimes
et les partis.

2) La sélection des candidats : les partis vont recruter des membres, les former et les
présenter aux différentes fonctions. C’est ainsi que la quasi-totalité des candidats aux
élections et du personnel politique est présenté par les partis.

3) L’encadrement des élus : les partis vont assurer la liaison entre la population et les élus
(transmission des désidératas des militants et des électeurs et, en retour, explication de
l’attitude des élus). Ils vont surveiller l’action des parlementaires, cette surveillance est plus
ou moins forte : dans certains partis, en Grande-Bretagne ou dans les partis de gauche, elle va
jusqu’à la discipline de vote.

Les partis jouent donc un rôle fondamental, rien que par ces fonctions, mais ils vont remplir
ces fonctions de façon sensiblement différente et jouer aussi d’autres rôles selon le système de
partis dans lequel ils sont insérés et selon leur organisation interne.

B) L’organisation interne des partis politiques

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Selon leur organisation, on peut distinguer plusieurs types de partis. Cette typologie n’enlève
rien à l’intérêt des analyses des structures internes des partis politiques.

1) Les types des partis : deux classifications

a) La classification traditionnelle : selon M. Duverger, il y a, en fonction de leur structures,


deux types de partis : ceux de cadres/ceux de masse :

• les partis de cadres : ils ne visent pas à grouper un nombre importent d’adhérents, mais à
réunir des personnes influentes, des « notables », car leur objet est essentiellement électoral.
Ils sont peu organisés, sous forme de comités, par exemple chargés de désigner les candidats
aux élections ; ils laissent une grande marge de liberté à leurs élus, aux Etats-Unis, les deux
grands partis sont structurés de cette façon ;

• les partis de masse : les partis de masse apparaissent avec le suffrage universel. Il s’agit
d’abord, à cette époque, de faire contrepoids, notamment sur le plan financier, aux partis
conservateurs ensuite d’éduquer et d’encadrer les masses populaires. La caractéristique de ces
partis, ce n’est pas le nombre de leurs adhérents, mais leur structure militante : organisation
rigide, discipline, enfin volonté de grouper le maximum de personnes.

b) La classification moderne : elle reprend celle de M. Duverger mais y ajoute des nuances et,
surtout, une position nouvelle :

- Les partis de cadres ou de notables : ces partis subsistent tant aux Etats-Unis qu’en Europe
occidentale, dans les partis modérés.

- Les partis de masse ou de militants : ceux-ci sont en voie de déclin dans les démocraties
occidentales, du fait du tassement de leur recrutement et de conditions socio-économiques
conduisant à la dépolitisation ; ils progressent au contraire dans les pays en voie de
développement.

- Les partis « d’électeurs », dits aussi partis attrape-tout (catch all party) ou de
« rassemblement » : l’ambition de ces partis n’est pas de recruter beaucoup d’adhérents ni
d’encadrer les masses. Ils préfèrent rechercher le soutien du maximum d’électeurs en
s’adressant aux clientèles et aux catégories sociales les plus diverses, seul moyen d’obtenir la
majorité des voix aux élections. De ce fait, ils présentent des programmes flous, réduits à
quelques thèmes et d’une faible densité idéologique. Ils sont donc essentiellement tournés

17
vers l’opération électorale, et non vers leur adhérents : ils s’opposent donc aux partis de
cadres (ce n’est pas un petit cercle de notables) et de masses (ni recherche d’un grand nombre
d’adhérents, ni encadrement idéologique).

2) L’analyse des structures des partis politiques :

Les éléments d’analyse : un type d’analyse maintenant bien connu procède par cercles
concentriques, du degré de participation le plus faible au degré le plus fort :

• Les électeurs : degré le plus faible de participation au parti (le bulletin de vote) ;

• Les sympathisants : proches du parti par leur vote, mais aussi par leur participation à
diverses activités du parti (réunions, manifestations, etc), sans adhérer au parti. Les partis
cherchent à se les attacher de différentes manière et en particulier par le biais d’organisations
satellites (associations de locataires, d’anciens combattants, syndicats, etc) ;

• Les adhérents : par un acte positif et précis, ils s’inscrivent à un parti politique, encore que
la procédure puisse varier comme en Grande-Bretagne où l’inscription à un syndicat vaux en
même temps inscription à un parti. Leur nombre, leur stabilité constituent des éléments
précieux d’analyse, ainsi que leur composition sociologique. D’autre part, à l’intérieur d’un
même parti, on constate une plus grande stabilité des adhérents que des électeurs. Surtout, les
adhérents réagissent plus aux crises intérieures du parti que les électeurs, plus sensibles aux
problèmes généraux.

• Les militants : il s’agit des adhérents actifs : ils représentent environ 1/3 à 1/4 des adhérents
dans les partis les plus actifs, ce qui tend à confirmer le pouvoir des dirigeants puisque la
majorité des adhérents demeure passive.

• Les permanents : chaque parti dispose d’un personnel à plein temps, en nombre variable.
Cet appareil peut jouer un rôle considérable et permet d’analyser l’organisation du parti et la
puissance des dirigeants ou, à l’inverse, les structures auxquelles ils peuvent se heurter.

• Les dirigeants : leur origine, leur mode de désignation, leur renouvellement permettent de se
faire une idée sur la démocratie dans le parti, le poids des différents groupes, les idéologies et
les schémas auxquels ils sont attachés, etc…

18
SECTION 3 : LES GROUPES DE PRESSION

La découverte des groupes de pression est récente. On a constaté que le jeu des forces
politiques ne se réduisait pas à l’existence d’électeurs et de partis politiques, mais qu’en outre,
des groupes exerçaient une influence sur le pouvoir. Cette découverte s’est d’abord
développée aux Etats-Unis, avec l’étude des « lobby » : le lobby chinois, la C.I.A., les
groupes industriels tels des groupes constitués exercent des pressions sur les pouvoirs publics
pour obtenir des décisions qui leur soient favorables, voire même sont constitués au sein des
partis ou des organes de décision et y occupent une place privilégiée.

Cependant, les recherches se heurtent à une difficulté : le terme du groupe de pression est
chargé de valeur, il est souvent entendu dans un sens péjoratif ; de ce fait, les groupes de
pression vont se garder de l’être. Peu importe pour les spécialistes : on constate l’existence
d’un groupe de pression et cette constatation exclut tout jugement de valeur.

A) Les types de groupes de pression

Les groupes de pression sont multiples. D’autant plus que certains groupes ont pour objet
permanent d’exercer une pression alors que d’autres ne le feront que de façon épisodique
(ex. : l’Académie française protestant contre l’imposition fiscale des écrivains), que certains
groupes ont pour activité principale d’exercer une pression (ex. : les syndicats), alors que
d’autres ne possèdent cette fonction que parmi d’autres activités (ex. : les Chambres de
commerce). A travers cette multiplicité, on peut cependant s’essayer à établir une typologie
des groupes de pression.

1) Les groupes d’intérêts matériels ou moraux

Les premiers recherchent essentiellement des avantages matériels ; les seconds défendent des
positions morales ou spirituelles.

Les groupes d’intérêts matériels sont essentiellement des organisations professionnelles. De


nos jours, toutes les professions se sont pratiquement organisées en syndicats, y compris les
professions libérales. On peut distinguer trois grands secteurs :

• Les organisations paysannes

• Les organisations patronales : c’est le cas de la Confédération Générale des Entreprises


marocaines (CGEM).
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Là encore, des groupes industriels par branches possèdent aussi leur propre organisation,
souvent très puissante (l’industrie pétrolière, l’industrie automobile par exemple).

L’influence de ces organisations est variable selon leur « poids » économique et politique. En
outre, ces groupes de pression sont regroupés officiellement dans les Chambres de commerce
qui jouent un rôle important de pression auprès des autorités locales (zones industrielles,
aéroports, autoroutes, etc).

• Les organisations de salariés : il en existe un très grand nombre.

A côté des groupes défendant essentiellement des intérêts matériels, il existe aussi de
nombreux groupes défendant essentiellement des intérêts moraux, idéologiques ou spirituels,
les ligues (Ligues des droits de l’homme), les mouvements contre le racisme, les associations
féminines, etc.

Il est cependant nécessaire de nuancer la distinction intérêts matériels ou moraux : celle-ci est
toute relative et de nombreux groupes développent leur action sur les deux plans (ex. : les
syndicats médicaux : défense matérielle et défense idéologique de la médecine libérale, etc).

2) Les groupes de cadres et les groupes de masse

Il s’agit de la même distinction que celle qui est faite à propos des partis politiques.

• Les groupes de masse : ceux-ci sont basés sur une structure militante, avec un aussi grand
nombre d’adhérents que possible, c’est ce qui constitue leur force (ex. : syndicats ouvriers).

• Les groupes de cadres : ceux-ci sont basés sur une structure décentralisée et souple, la
recherche de la « qualité »

3) Les groupes privés et les groupes publics

Selon leur situation par rapport à l’administration, on distingue deux types de groupes de
pression : les groupes privés, extérieurs à l’administration, les groupes publics, intérieurs à
l’administration : administrations, services ou établissements, corps de fonctionnaires qui, en
tant que tels, font pression sur les pouvoirs publics soit pour obtenir des avantages matériels,
soit pour faire prévaloir une politique.

C’est ainsi que des organismes publics (la C.I.A. aux Etats-Unis) se sont organisées ou sont
organisés ouvertement en groupes de pression.
20
Ce phénomène est extrêmement important, pour comprendre les mécanismes réels de
fonctionnement du pouvoir dans un Etat.

A cet égard, l’évolution récente nous permet de mettre l’accent sur trois éléments :

• les multinationales : parmi les groupes privés, les sociétés multinationales prennent une
place de plus en plus importante et exercent des pressions considérables sur les
gouvernements : dans certains domaines, il n’est pas exagéré de parler de véritables
« empires » qui se partagent le monde (Compagnies pétrolières, les GAFA : Google + Apple
+ Facebook + Amazon) ;

• les hauts fonctionnaires et les membres du Gouvernement : leur commune origine sociale
peut les conduire globalement à jouer le rôle de groupe de pression en faveur de certaines
classes sociales ;

• les relations entre les hauts fonctionnaires et les milieux économiques : les études récentes
tendent à démontrer l’étroitesse des liens entre ces milieux d’ailleurs fréquemment issus des
mêmes écoles et milieux sociaux. L’osmose ainsi créée facilite certainement le contact et les
pressions.

Finalement donc, les groupes de pression canalisent certaines revendications et, au même titre
que les partis, participent au fonctionnement du système politique ; la différence se marque au
niveau des moyens d’action.

B) Les moyens d’action des groupes de pression

Les groupes de pression vont agir sur le pouvoir pour infléchir ses choix, ses décisions
politiques et administratives. Il n’y a donc qu’un pas entre l’action politique et l’action des
groupes de pression : c’est le fameux débat relatif à la distinction entre syndicalisme et
politique. Mais dans la mesure où ces groupes interviennent dans la conduite des affaires
publiques, des choix qui intéressent la collectivité, ils n’échappent pas à la « politique ».
Cependant, leurs méthodes d’intervention différent sensiblement de celles des partis
politiques, notamment parce qu’ils ne cherchent pas, en principe, à exercer le pouvoir eux-
mêmes. Ces méthodes se situent à deux niveaux : celui des pouvoirs publics ; celui de
l’opinion publique.

1) Au niveau des pouvoirs publics

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Il s’agit de pressions exercées soit auprès des parlementaires, soit auprès des ministres et de
leur cabinet, soit auprès des administrations et de leurs agents. Selon les types de régimes, on
constatera des variations. A ce niveau, les pressions peuvent prendre plusieurs formes :
l’action ouverte ou l’action occulte, la corruption ou l’information.

a) L’action ouverte ou l’action occulte

Un grand nombre de groupes de pression vont agir ouvertement :

• Soit parce que ces groupes sont reconnus et organisés : aux Etats-Unis, les groupes de
pression doivent être « déclarés » officiellement (ils siègent à Washington) et en principe
publier leurs moyens en personnel et en argent. En France, la reconnaissance des groupes de
pression est assez poussée. C’est ainsi qu’il existe auprès des Ministères ou du
gouvernement, un grand nombre d’organismes consultatifs composés d’usagers, d’agents du
service, etc., et qui sont consultés sur les mesures à prendre (ex. : le Conseil national de
l’enseignement supérieur et de la recherche en France et au Maroc). Mieux même, on a créé
des organismes consultatifs chargés d’exprimer les revendications et les volontés des
professeurs : le Conseil économique et social et environnemental, figurant dans la
Constitution de 2011, constitue la reconnaissance constitutionnelle du phénomène des groupes
de pression et son institutionnalisation. Autre manifestation : les Chambres de commerce qui,
officiellement, sont chargées, entre autres choses, d’exprimer le point de vue du commerce et
de l’industrie. Enfin, les ordres professionnels, l’ordre des médecins par exemple, chargés
d’organiser et de maintenir la discipline dans une pression, ils constituent en certaines
occasions des groupes de pression très efficaces car parlant au nom de la profession (ex. :
l’ordre des médecins et l’ordre des architectes…).

• Soit parce que leurs méthodes sont publiques : en raison d’une réglementation (organisation
syndicale dans l’entreprise) ou spontanément (délégations auprès des parlementaires ou du
gouvernement ; grèves, etc.). Ces méthodes peuvent prendre de multiples formes.

A l’inverse, un grand nombre de groupes de pression, parfois les mêmes que les précédents,
utilisent des méthodes occultes qui demeurent en principe inconnues du public. Diverses
formes sont pratiquées : le financement des partis politiques, contre des engagements
occultes ; les démarches ou les contacts auprès des parlementaires, auprès du chef de l’Etat.

22
Ces interventions occultes ne sont pas neutres politiquement : d’abord parce qu’elles visent à
infléchir une politique ou à en imposer une ; ensuite parce qu’elles favorisent les groupes les
plus puissants sur le plan économique (les multinationales, par exemple), sur le plan de
l’organisation ou du poids politique (ex. : les professions libérales) et surtout, sur le plan
social : les classes favorisées sont celles qui, sur le plan des pressions, sont les mieux
défendues, en particulier, la présence au sommet de l’appareil d’Etat comme de l’appareil
économique de personnes ayant une communauté de langage, d’origine sociale et même
d’Ecole assure parfaitement cette défense.

b) La corruption ou l’information

La corruption a existé et existe ; elle se manifeste en particulier lors de scandales dont aucun
régime ne possède l’exclusivité ; elle est plus ou moins répandue selon les types de régimes.
Cependant, elle n’est pas aussi répandue que l’opinion publique le pense. Certes, il existe des
cadeaux, des voyages, des vacances, des pourcentages (le secteur public n’a pas le monopole
de ces pratiques), mais ces méthodes sont un peu « grossières » et on leur préfère
généralement des méthodes plus subtiles : action d’information, de « public relations ». Ces
méthodes consistent à soumettre les organismes de décision à une intense « information » :
dossiers, réunions, colloques, croisières, etc… Et, naturellement, la décision sera influencée
par les éléments d’information reçus par le décideur. C’est ainsi que les grandes entreprises
« informent » de façon systématique le ou les fonctionnaires ou membres du gouvernement
dont elles relèvent (compagnies pétrolières, transporteurs routiers, promoteurs immobiliers,
etc., à propos par exemple des tarifs, de la nécessité de construire telle autoroute passant par
tel endroit, de prendre ou de ne pas prendre telle mesure à l’égard du droit de propriété, etc.).
Certaines officines, payées par les entreprises, se chargent de ce type de travail. D’autres
entreprises ou organismes « informent » les autorités de façon ponctuelle, à l’occasion de telle
décision à prendre.

Cependant, si l’action directe auprès des pouvoirs publics est « payante », elle n’est pas
généralement menée sans une action parallèle auprès de l’opinion publique, sauf pour les
groupes de pression agissant de façon totalement occulte.

2) Au niveau de l’opinion publique

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L’action des groupes de pression sur l’opinion publique est une action indirecte sur les
pouvoirs publics : il s’agit au pire d’obtenir la neutralité de l’opinion publique, au mieux son
soutien. Pour ce faire, deux méthodes sont utilisées : la contrainte ; la propagande.

La contrainte est exercée sur le public pour obliger les pouvoirs publics à céder, à prendre une
décision favorable à ceux qui font pression. Cette méthode se manifeste par les grèves, les
barrages routiers. Pour ne pas risquer l’impopularité, le gouvernement est invité à prendre une
décision (mais parfois, l’impopularité se retourne contre les organisateurs des pressions).
Cette méthode est particulièrement utilisée par les salariés des services publics, les
organisations paysannes, les commerçants et artisans.

La propagande consiste à nouveau à s’appuyer sur l’opinion publique pour arracher une
décision. La presse, la radio-TV, les réseaux sociaux, la publicité jouent alors un rôle
fondamental pour populariser certaines idées et revendications. Diverses méthodes sont
pratiquées. Dans certains cas, une véritable publicité commerciale est faite pour susciter la
sympathie.

Dans d’autres cas, une publicité occulte est payée par des groupes de pression, mais elle ne se
présente pas comme une publicité (ex. : publicité rédactionnelle dans la presse). Dans d’autres
cas encore, la façon de présenter les « informations », dans la presse et la radio-TV va engager
le public à soutenir ou non une revendication. Enfin, la presse et les mass média eux-mêmes
peuvent se transformer en groupes de pression en pesant systématiquement en faveur de telle
ou telle décision.

L’opinion publique constitue donc un enjeu fondamental pour les groupes de pression et ils
s’efforcent de se la concilier par tous les moyens.

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CHAPITRE III : THEORIES ET DOCTRINES POLITIQUES

SECTION I- LES THEORIES

Il faut soigneusement distinguer entre les théories et les doctrines. L'élaboration d'une théorie
suppose une attitude scientifique. Car toute théorie est une explication d'ensemble reliant
entre eux une série de phénomènes. Elle constitue un essai de généralisation.

Dans les sciences humaines la principale démarche de l'esprit consiste d'abord en la


perception des faits, puis en la réflexion sur ces faits.

Sans théories explicatives, la vie sociale ne sortirait pas du stade empirique, en quelque sorte,
instinctif. Il serait impossible de prendre conscience de nos conduites, de nos institutions, de
nos besoins. En élargissant notre compréhension, les théories nous rassurent. Elles contribuent
à apaiser notre angoisse. Car les phénomènes sociaux ne sont pas moins chargés de mystère
que les autres phénomènes naturels. C'est pourquoi les théories socio-politiques sont, elles
aussi, une des formes intellectuelles de la lutte contre la peur.

Pour l'homme politique, les théories offrent l'avantage d'une appréhension rapide de
nombreuses expériences passées. Elles mettent à sa disposition des rapprochements et des
analogies entre hier et aujourd'hui. Exemples de théories sociopolitiques originales: le
discours sur l'histoire universelle, de Bossuet; la Loi des trois Etats d'Auguste Comte. Autre
exemple: la théorie de Durkheim sur les formes de la division du travail et l'évolution du
droit, sur le passage de la sanction répressive à la sanction restitutive.

Ainsi les théories éclairent-elles l'action politique, lui fournissent-elles des aliments
intellectuels, des références et des arguments.

SECTION II- LES DOCTRINES

Alors que les théories ne peuvent porter que sur le passé, les doctrines établissent un lien entre
le passé et l'avenir. Elles sont normatives et incitatives. Elles veulent montrer la route à
suivre. Elles sont aussi prospectives, c'est-à-dire qu'elles s'efforcent de percer l'avenir et, à
travers leurs supputations et leurs prédictions, posent des règles d'action et proposent des
objectifs futurs.

Les doctrines ne jouent pas un rôle moindre que les théories. Elles sont le moteur nécessaire
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de l'action consciente. Sans doctrine, l'action politique, forcément tournée vers l'avenir,
manquerait de bases rationnelles. Sans doctrine, une révolution ne serait qu'une émeute ou
une razzia.

Les dangers des doctrines politiques

C'est un malheur de borner l'action politique à un pur empirisme, sans s'appuyer sur aucune
théorie ni aucune doctrine. Mais c'est un plus grand malheur encore qu'une politique

aveuglément doctrinale. Car l'empirisme, lui, est modeste alors que l'esprit doctrinaire est
souvent prétentieux et fanatique. Les doctrinaires perdent facilement tout contact avec les
réalités psychologiques ou économiques et, à vouloir changer la nature de l'homme,
aboutissent à une tyrannie inhumaine sourde à l'expérience et à la souffrance.

Doctrine et théories se révèlent redoutables lorsque, au lieu de rester dans leur rôle
d'instruments de la pensée et de l'action politique, elles deviennent leurs maîtres; lorsque par
paresse d'esprit, besoin de certitude à tout prix et fanatisme, elles sont tenues pour des vérités
absolues et définitives.

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Bibliographie sélective

- Philippe BRAUD, La science politique, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2017 ;

- Charles DEBBASCH, Introduction à la politique, 5ème édition, Paris, Dalloz,

2000 ;
- Jean-Marie DENQUIN, Introduction à la science politique, 3ème édition, Paris,

LGDJ, Coll. « les fondamentaux », 2018 ;


- Maurice DUVERGER, Introduction à la politique, Paris, Gallimard, 1985 ;

- Marcel PRELOT, La science politique, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1969.

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