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Support de cours

Introduction à la
sociologie
politique :
Grands concepts

Marie BOKA
DÉPARTEMENT DE SCIENCE POLITIQUE |SJAP-UFHB
2024
SOMMAIRE
CHAPITRE INTRODUCTIF .................................................................................................... 4
I. DISTINCTION ENTRE FAIT SOCIAL ET FAIT POLITIQUE ...................................... 4
II. DÉFINITIONS DES CONCEPTS .................................................................................... 4
CHAPITRE I/ CONSIDÉRATIONS SUR LE POUVOIR POLITIQUE.................................. 9
I/ LE POUVOIR, PHÉNOMÈNE RELATIONNEL ......................................................... 9
II/ LE POUVOIR, PHÉNOMÈNE DE DOMINATION ................................................ 10
CHAPITRE II/ L’ÉTAT .......................................................................................................... 12
I/ CARACTÉRISTIQUES DE L’ÉTAT .......................................................................... 12
II/ SPÉCIALISATION DE L’APPAREIL ADMINISTRATIF ...................................... 13
III/ RȎLES DE L’ÉTAT ................................................................................................. 14
A/ PASSAGE DE L’ÉTAT GENDARME À L’ÉTAT PROVIDENCE ....................... 14
B/ L’ÉTAT PROVIDENCE EN CRISE .......................................................................... 15
BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE ........................................................................................... 18

1
Introduction générale
Les phénomènes politiques ont inspiré la réflexion des penseurs les plus anciens. Aristote s’y
intéressait déjà. Machiavel et Alexis de Tocqueville aussi. Cependant, leur étude, envisagée
comme une science, ne s’est véritablement développée qu’avec Max Weber (son analyse de
l’État par exemple). En France, la science politique est apparue grâce à la conjugaison de 3
facteurs (P. Fabre, 1985) :
 La visibilité: Des ouvrages, des communautés de scientifiques parlent d’une science
politique.
 La laïcisation: La science politique se distingue d'une réflexion fondée sur des
présupposés moraux et politiques conduisant à l’abandon des jugements de valeurs
comme le « bon » pouvoir ou la « bonne » politique.
 La rationalisation: L'enseignement et la recherche se font désormais dans le cadre de
cursus, de système de recherche prédéterminé, encadré par des règlements et des
normes.

En 1948, les difficultés de définition et de délimitation de l’objet de la science politique ont


conduit un groupe d’experts mandaté par l’Unesco, à retenir les spécialités suivantes : théorie
politique et histoire des idées politiques, institutions politiques ; partis, groupes et opinions
publiques ; les relations internationales1. Depuis lors, ce champ s’est réduit et comprend
généralement dans l’espace CAMES:
 Les idées politiques ou l’histoire des idées politiques qui formule des hypothèses sur
les faits politiques et leurs systèmes d’explication ;
 La sociologie politique qui comprend l’étude des institutions politiques, partis, groupes
et opinion publique ;
 Les relations internationales qui s’intéressent aux comportements des États sur la scène
internationales entre eux et aux rapports entretenus par les divers acteurs de cette scène :
États, nous l’avons déjà signifié, mais aussi organisations internationales, ONG,
mafias,… ;
 Et, enfin, l’analyse des politiques publiques qui étudie l’(in)action de l’État.

La science politique est une discipline plurielle au carrefour du droit public, de l’histoire, de la
sociologie et de l’économie2. À ce titre, Coakley distinguait cinq grands types de traditions
nationales en science politique :
 « l’approche américaine, caractérisée par l’ouverture aux méthodes des autres sciences
sociales et notamment de la psychologie, qui opère une transition de l’institutionnalisme
au behaviourisme (États-Unis, Moyen-Orient et certaines parties de l’Asie comme la
Chine) ;
 l’approche britannique, ancrée dans la philosophie morale, mais affirmant lentement
son indépendance (Royaume-Uni et la plupart des pays du Commonwealth, y compris
l’Inde) ;

1
UNESCO, La Science politique contemporaine: contribution à la recherche, la méthode et l'enseignement,
1950, p.4.
2
Ramona COMAN, et.al, Méthodes de la science politique, Deboeck Supérieur, 2016, p.5

2
 l’approche française, enracinée dans la tradition du droit romain (France, Europe
méditerranéenne et Amérique latine) ;
 l’approche allemande, dérivée du droit constitutionnel et administratif et évoluant vers
une étude systématique de l’État (Allemagne, Autriche et certains pays adjacents
comme les Pays-Bas et la Scandinavie, Japon) ;
 l’approche soviétique, caractérisée par le mode d’analyse marxiste-léniniste et voyant
pour l’essentiel dans la science politique une branche de la sociologie ancrée dans
l’économie politique (Union soviétique et autres pays sous influence communiste). 3»

Tributaire du droit public et plus particulièrement du droit constitutionnel, la science politique


française, dès 1980, amorce un virage sociologique qui, revient parfois, à tort, à confondre
science politique et sociologie politique.

Dans le cadre de ce cours de grands concepts de la sociologie politique, nous nous intéressons
comme son nom l’indique aux définitions et analyse des concepts fondamentaux de la
sociologie politique : politique, pouvoir politique, État. En effet, l’initiation à la
science politique est impossible sans la maitrise de ces connaissances de base.

Une connaissance du droit constitutionnel est recommandée.

3
John COAKLEY, « Évolution dans l'organisation de la science politique : la dimension internationale [*] »,
Revue internationale des sciences sociales, vol. 179, no. 1, 2004, pp. 189-203.

3
CHAPITRE INTRODUCTIF

Ce chapitre permettra d’opérer des précisions conceptuelles et théoriques : distinctions entre


fait social et fait politique, puis définitions de certaines notions indispensables à la
compréhension du cours.

I. DISTINCTION ENTRE FAIT SOCIAL ET FAIT POLITIQUE

Il est important de s’intéresser à la distinction entre fait politique et fait social car la science
politique étudie les faits politiques, et les sciences sociales les faits sociaux. Distinguer les deux
permet de distinguer entre ces deux sciences. Deux approches s’affrontent ici et nous les
abordons dans les lignes suivantes de façon succincte.

D’une part, la thèse selon laquelle la science politique n’est qu’une science sociale comme les
autres, et donc que fait social et fait politique ne font qu’un. Il s’agit du point de vue marxiste
et des doctrines qui en sont issues : pour Marx, les faits politiques ne sont ni particuliers ni
autonomes, ils sont réduits à égalité d’autres phénomènes sociaux, déterminés par des
infrastructures économiques, qui déterminent la nature du pouvoir et du gouvernement. Cela
nie les exemples de phénomènes neutres dans lesquels le pouvoir politique ne doit pas
intervenir ; c’est aussi refuser que le pouvoir doive respecter la vie privée des individus.

Une autre thèse affirme, d’autre part, la spécialité du politique. Cette tendance considère que,
certes les faits politiques sont des faits sociaux, mais des faits sociaux particuliers dans la
mesure où ils ne concernent pas l’ensemble de la vie en société mais seulement les phénomènes
liés à l’exercice d’un pouvoir politique chargé de défendre et d’imposer des décisions
collectives. En faveur de cette thèse, on peut avancer le passage d’une catégorie à une autre
(par exemple : une grève est un conflit social qui peut devenir politique en dépassant la
revendication corporative et en donnant une arme aux partis d’opposition en lutte contre le
gouvernement). Mais, si le passage d’une catégorie à une autre est perceptible, c’est bien la
preuve que ces catégories présentent une autonomie. La science politique est donc une science
sociale particulière avec un objet d’étude qui lui est spécifique.

Définir la science politique revient à se pencher sur deux conceptions. D’abord, la science
politique comme science de l’État, conception la plus ancienne et dérivée du droit
constitutionnel ou ensuite, la science politique comme science du pouvoir politique, conception
plus américaine qui souffre de la polysémie du terme pouvoir.

II. DÉFINITIONS DES CONCEPTS DE LA SOCIOLOGIE POLITIQUE

La sociologie politique est une composante majeure de la science politique. Elle se compose de
deux éléments : sociologie et politique. Le lexique des termes politiques la définit comme
l’étude des phénomènes politiques à partir des concepts, des outils analytiques et des

4
méthodes d’observation de la sociologie. Reste à expliquer une telle définition, ce que nous
ferons dans les lignes suivantes.

A : Qu’entend-on par « sociologie » ?


La sociologie est l'étude des relations, actions et représentations sociales par lesquelles se
constituent les sociétés. Elle vise à comprendre comment les sociétés fonctionnent et se
transforment (UM, 2023). Le terme apparait pour la première fois sous la plume d’Auguste
Comte et son acception contemporaine doit beaucoup à l’œuvre du sociologue français Émile
Durkheim (1858-1917).

Dans sa célèbre Étude sur le Suicide de 1897, Durkheim a pu établir un lien de cause à effet
entre le nombre de suicides et les catégories sociales à l’aide de statistiques. Il applique ainsi
les méthodes et outils des phénomènes naturels aux sciences sociales. Il les mesure, les teste.
Loin donc de ne concerner que la science politique, la réflexion de Durkheim englobe toutes
les sciences sociales. En cela, il fut le pionnier de la transposition de la science naturelle, des
sciences dures aux faits sociaux. Il les considérait comme des choses et entendait les
appréhender par eux-mêmes en les détachants « des sujets conscients qui se les représentent ».
Le fait social est ainsi, dans Les règles de la méthode sociologique, présenté comme les diverses
manières de penser, d’agir, de se sentir, extérieures à l’individu mais qui s’imposent à lui.
Durkheim s’inscrit ainsi comme un précurseur de la contrainte sociale, mais nous y reviendrons.

B : Qu’entend-on par « politique » ?

1 : Tentative de définitions.
Comme le fait remarquer Mamoudou Gazibo, « tout phénomène peut devenir politique s’il
subit un processus de politisation qui le sort de la sphère purement sociale ou privée pour en
faire un objet à l’interface de la sphère sociale et d’autorités et d’institutions politiques ». La
condition féminine est devenue politique quand les mouvements féministes s’en sont emparé
et l’ont porté sur la place publique. Tout est politique et une clarification du terme s’impose
donc.

Trois termes traduisent cette idée en français : le politique, la politique, les politiques.
 Le politique (polity) désigne le champ politique, l’espace autonome au sein de la société
où s’exercent les luttes pour le pouvoir politique,
 La politique, (politics), exprime l’idée de vie politique, l’ensemble des activités visant
à exercer le pouvoir politique ou à influencer sa répartition dans l’espace social. Elle
rappelle la notion de tactique.
 Les politiques (policy) sont les politiques publiques, l’action des pouvoirs publics.

2/ Explication du phénomène politique

Il existe trois perspectives différentes d’explication du phénomène politique.

5
La première, inspirée de Durkheim, s’appuie sur l’idée de contrainte sociale et nie
l’indépendance des faits sociaux par rapports aux faits politiques. Théorie de la contrainte
sociale.
La seconde, au contraire, inspirée de Max Weber, tempère le déterminisme des structures
sociales en démontrant l’importance des motivations individuelles. Théorie de
l’individualisme méthodologique.
La dernière fournit un cadre d’analyse des interactions politiques. Analyse systémique.

 Théorie de la contrainte sociale : Tradition marxiste et analyse bourdieusienne

L’opposition célèbre entre prolétariat et bourgeoisie caractérise la pensée de Marx. Cependant,


cette opposition est le résultat de son analyse de la superstructure et de l’infrastructure. Pour
Marx, l’infrastructure économique et social, formée par l’état changeant des forces productives
et par les rapports sociaux de production qui découlent de celles-ci, détermine la superstructure
juridique, politique et idéologique. L’État n’est alors que le reflet des rapports de production,
donc des intérêts de la classe dominante. (Chagnollaud, sociologie politique, 1997)

Dans la conception marxiste, l’État est un résultat de cette lutte permanente entre les
propriétaires des moyens de production et les non propriétaires. « Comité exécutif de la
bourgeoisie », il est au service de cette classe dominante, recourant si besoin est à la coercition.
L’État, instrument d’oppression, ne sert pas le bien commun mais certains intérêts. Issu de
conflits de classe, l’État cherche à les contrôler, les réguler pour assurer la pérennité de la
bourgeoisie. Politique et social vont de pair pour Marx : «Ne dites pas que le mouvement social
exclut le mouvement politique : il n'y a jamais de véritable mouvement politique qui ne soit
social en même temps. » (Misères de la philosophie, p137). Cette analyse marxiste a été corrigée
par Althusser et Gramsci qui réhabilitent le rôle de l’idéologie avec la notion des Appareils
Idéologiques de l’État (AIE).

Bourdieu va enrichir les problématiques marxistes en substituant à la lutte entre bourgeois et


prolétaires, un affrontement entre dominants et dominés, car les rapports de force ne sont pas
qu’économiques. Au travers de la notion de capital culturel, économique ou social, le
« combat » s’équilibre. Ainsi, en mobilisant des capitaux culturels (charisme, héritage du
nom, titres universitaires,…), les acteurs contournent les contraintes sociales. L’espace social,
loin d’être figé, se fluidifie. Toutefois, cette liberté nouvelle est tempérée par ce que Bourdieu
appelle l’habitus, l’intériorisation des règles du jeu établies par les dominants, qui oriente les
acteurs. La place de chacun est acceptée sans coercition physique. Les agents n’ont pas le
sentiment d’une contrainte mais intériorisent cette résignation jusqu’à la considérer comme
normale, naturelle, évidente. (Chagnollaud, p.11). C’est la violence symbolique.

 L’individualisme méthodologique

Popularisée par Raymond Boudon (1986), l’individualisme méthodologique explique que


l’agrégation des comportements individuels des agents, comportements basés sur les
motivations des individus, forme les phénomènes sociaux. L’individu n’est pas un sujet passif
6
dont le comportement serait strictement dicté par son environnement social. Les classes
sociales n’auraient alors aucune incidence sur les choix des agents. On distingue trois formes
d’individualisme méthodologique : l’individualiste rationnel et utilitariste (analyse économique
de la vie politique ex : Mancur Olson), individualisme irrationnel (les individus agissent pour
des raisons « fallacieuses », irrationnelles), l’individualisme rationnel mais non utilitariste.
(Braud, p.26). Ce dernier va donner naissance à une approche conceptuelle dominante en
science politique, celle du choix rationnel.

Néanmoins, cette explication trouve ses limites par exemple dans l’analyse électorale. Si,
l’électeur notamment selon la théorie économique de la démocratie (Downs, 1957) doit voter
en fonction de son intérêt, en faisant un calcul, il a besoin pour faire le bon choix de lire les
différents programmes, sans savoir si ce ne sont que des promesses. En l’espèce, faute de temps
et de certitude, le seul choix raisonné, la seule conséquence possible serait l’abstention
générale. Or, ils votent ! Il est donc difficile d’isoler l’individu de son environnement, de son
passé, de ses habitudes. Michel Crozier a alors proposé une explication tenant à la « rationalité
limitée » de l’acteur et aux « zones d’incertitude ».

 L’analyse systémique
Easton a popularisé cette analyse mais n’en est pas l’initiateur. L’analyse systémique d’Easton
est la traduction en science politique du raisonnement économique de Léontieff, et doit
beaucoup au fonctionnalisme et à l’analyse cybernétique. Le fonctionnalisme est une « école
de pensée qui focalise l’attention de la recherche sur les besoins et aspirations satisfaits par les
institutions (comprises au sens large). » (Braud, 2016)

L’analyse systémique conserve l’idée individualiste selon laquelle la société serait le produit
des interactions entre des individus cherchant la satisfaction de leurs besoins personnels. Mais
ici, la notion de politique désigne le processus de répartition des ressources et des avantages
entre individus ; processus qui se matérialise dans des décisions faisant autorité. Dans ces
conditions, la politique désigne l’ensemble d’activités visant à influencer ces décisions. « La
politique est l’allocation autoritaire de choses en valeurs ».

Le système politique « ensemble des interactions par lesquelles s’effectue l’allocation


autoritaire de chose en valeurs » est conçu à l’image d’un circuit cybernétique fermé, comme
un système de comportements. Easton propose d’étudier les transactions dudit système avec
l’environnement. Le système ne perdure que s’il réagit et s’adapte à son environnement. De
l’environnement intrasociétal ou extrasociétal émanent les inputs (exigences et soutiens) que le
système a pour fonction de transformer en outputs (actions et décisions) ; toute décision étant
source de nouvelles exigences, la rétroaction clôt le circuit.

Les inputs : Ils sont composés des exigences et des soutiens.

Les exigences demandent l’allocation de choses en valeur. Il est impératif de réguler, traiter les
exigences au risque de surcharger le système. Le système accomplit alors trois fonctions
principales :
7
 une fonction d’expression des exigences
 une fonction de régulation des exigences
 une fonction de réduction des exigences

Les soutiens renforcent le système et sont de trois types :


 Soutien à la communauté politique
 Soutien au régime
 Soutien aux détenteurs des rôles, aux autorités et à leurs objectifs. Dans ce cadre, ils
légitiment le système.

Les outputs sont alors la réponse du système aux inputs. Ils se divisent en décisions politiques
ou administratives, en un ensemble de décisions (politiques publiques) ou en déclarations et
messages.

Philippe Cadieux élabore le schéma


suivant.

8
CHAPITRE I/ CONSIDÉRATIONS SUR LE POUVOIR POLITIQUE

L’espace politique contemporain est né de la spécialisation de l’activité politique. Cette


dernière est liée au développement des organisations modernes, d’une part, donc à la séparation
de la sphère politique de l’Administration et, d’autre part, à la transformation du type de
légitimité (aujourd’hui la domination légale rationnelle basée sur l’élection). La vie politique
ne peut être étudiée en ignorant ce qui en est l’essence : le pouvoir politique. Ce dernier
s’exprime au sein de l’État, et en différents régimes politiques dont le plus courant aujourd’hui
est la démocratie représentative.

Étudier le pouvoir politique a pour objectif de répondre à un certain nombre de questions :


pourquoi les individus obéissent-ils aux autorités ? Pourquoi les laissent-ils gouverner ? Qu’est
ce qui fonde la reconnaissance des autorités ? A cet égard, il faut remarquer le pouvoir est, à la
fois, un phénomène relationnel et un phénomène de domination.

I/ LE POUVOIR, PHÉNOMÈNE RELATIONNEL

Le pouvoir est par essence, un rapport, une relation entre individus. Le pouvoir politique est à
distinguer d’autres formes de phénomènes comme l’influence ou la manipulation. Aussi, pour
l’étudier, il faut examiner cette relation de pouvoir, et les notions de légitimité et de contrainte
l’accompagnant.

A/ LA RELATION DE POUVOIR

Pour Weber, le pouvoir est synonyme de puissance, c’est la « capacité d’imposer sa volonté à
l’autre ». Dahl a repris cette définition en la précisant : « A exerce un pouvoir sur B dans la
mesure où il obtient de B une action que ce dernier n’aurait pas effectuée autrement. » Il s’agit
donc d’une relation inégalitaire dans la mesure où l’un des deux individus a une emprise
importante sur le second. Mais, Dahl, pluraliste, s’attache ici aux interactions entre individus,
à la prise de décision pour étudier le pouvoir. Cette approche, appelée la première face du
pouvoir, a fait l’objet de critiques donnant lieu à d’autres « faces » du pouvoir. La deuxième
face du pouvoir, conceptualisée par Bachrach et Baratz, critique la première, car elle
négligerait les phénomènes invisibles notamment la capacité des élites à empêcher l’inscription
d’un problème à l’agenda. L’art de la politique consiste à éviter que les sujets les plus gênants
entrent dans l’agenda, et donc à faire des concessions sur des sujets secondaires4. Quant à la
troisième face du pouvoir notamment chez Lukes, elle suppose la capacité des élites à
façonner les préférences des autres acteurs. En s’inspirant de Gramsci, la troisième face postule
que le pouvoir consiste à influencer idéologiquement les acteurs pour les conduire à ne pas être
capables de percevoir leurs propres intérêts. Il existerait une quatrième face du pouvoir
théorisée par Foucault, interrogeant les modalités de production de la connaissance.

4
J. de MAILLARD, D. KUBLER, Analyse des politiques publiques, PUG, 2015, p.38.

9
N’empêche une question demeure : pourquoi B se soumet-il aux désidératas de A ? Pour
répondre à cette question, il faut faire intervenir les notions de légitimité et de contrainte.

B/ LÉGITIMITÉ ET CONTRAINTE

La légitimité est la reconnaissance accordée à celui qui exerce le pouvoir, l’acceptation de ce


qu’il est « juste », « souhaitable », « normal » qu’un certain individu donne des ordres et soit
obéit. Elle peut donc être hautement subjective et dépendante des cultures, religions, et autres
considérations personnelles. L’élément de contrainte est indissociable du pouvoir politique.
Selon Lasswell et Kaplan, le pouvoir politique est ainsi « un processus au cours duquel l'on
affecte les politiques des autres à l'aide de sanctions sévères (effectives ou hypothétiques) qui
sanctionnent la non-conformité par rapport aux politiques souhaitées. » Ainsi, il y a pouvoir
politique lorsque l'obéissance ou la conformité à la volonté de A est récompensée par une
allocation de ressources ou encore lorsque la résistance de B est sanctionnée par une privation
de ressources. (Moniere 69 :70)

La légitimité s’accompagne donc des moyens nécessaires à son exercice, au recours éventuel à
la contrainte. Ainsi, les subordonnés obéissent-ils peut être à leurs supérieurs hiérarchiques
parce qu’ils estiment naturels de le faire, mais la relation de pouvoir se retrouve consolidée par
la contrainte quand sa seule légitimité ne suffit plus à son exercice. Aussi, si le pouvoir politique
est une relation, en son sein, demeure un rapport de domination.

II/ LE POUVOIR, PHÉNOMÈNE DE DOMINATION

A/ NOTION DE DOMINATION
Pour Weber, la domination est « la chance, pour des ordres spécifiques… de trouver obéissance
de la part d’un groupe déterminé d’individus. Il ne s’agit cependant pas de n’importe qu’elle
chance d’exercer « puissance » et « influence » sur d’autres individus. En ce sens, la
domination (l’ « autorité ») peut reposer…sur les motifs les plus divers de la docilité : de la
morne habitude aux pures considérations rationnelles en finalité. Tout véritable rapport de
domination comporte un minimum de volonté d’obéir, par conséquent un intérêt, extérieur ou
intérieur, à obéir » Elle s’inscrit donc dans des relations de pouvoir acceptées par ceux qui la
subissent, des relations légitimes. La minimum volonté d’obéir évoquée plus haut repose sur
plusieurs facteurs :
 L’habitude
 Les motifs affectifs
 Les motifs matériels (obtention d’une promotion)
 Par idéal (l’obéissance permet la construction d’une société meilleure)
Si pour Weber, l’habitude et les raisons matérielles l’emportent (les individus obéissent parce
qu’ils en retirent un intérêt matériel), il souligne qu’un pouvoir basé uniquement sur la
contrainte serait éphémère d’où la nécessité de la légitimité. Il distingue ainsi différents types
de domination légitime.

10
B/ FORMES DE DOMINATIONS LÉGITIMES
Weber distingue trois « idéaux-types » : la domination traditionnelle, la domination légale
rationnelle, et la domination charismatique.

 La domination traditionnelle
Elle puise sa légitimité dans les coutumes et repose sur l’habitude enracinée de les respecter,
qui dépend elle-même d’une croyance en la valeur de la tradition. L’obéissance est ici un
réflexe acquis, les institutions étant devenues naturelles. Ex : la société féodale, les monarchies
absolues.

 La domination légale rationnelle


Il s’agit là des sociétés contemporaines. Le pouvoir est organisé par des règles écrites
définissant les droits et devoirs de chacun, gouvernants comme gouvernés. Toute transgression
des règles par les gouvernants remettrait en cause la légitimité à exercer le pouvoir. Une telle
domination protège donc dans l’idéal de l’arbitraire. L’obéissance n’est plus à des individus
mais à des juges ou au chef de l’État. Pour Weber, la forme la plus pure de cette domination
est la bureaucratie.

 La domination charismatique
Situation exceptionnelle, la domination charismatique est liée à un individu donné, en la
croyance en ses qualités personnelles en dehors du commun, en la fascination, au dévouement
qu’il inspire. La relation « directe » gouvernant - gouvernés se passe des institutions habituelles,
d’une organisation stable et établie.

Il faut préciser que cette distinction classique est, aujourd’hui, « anachronique »5.

CONCLUSION /CARACTÉRISTIQUES DU POUVOIR POLITIQUE


Il s’impose à toute la société dans son ensemble. Un élément le caractérise : le recours légitime
et exclusif à la contrainte physique. « Le pouvoir politique est donc un mode de domination qui
combine le contrôle de la coercition à des types variés de légitimation6. » Tout pouvoir n’est
donc pas politique.

5
Voir les travaux de Mattei DOGAN en ce sens.
6
DORMAGEN et MOUCHARD, Introduction à la sociologie politique, DeBoeck, 2008, p.22

11
CHAPITRE II/ L’ÉTAT

« État » provient du latin « status » (de « stare ») signifiant « se tenir debout ». Si Machiavel
passe souvent pour celui qui a popularisé le concept d’État au sens moderne, le véritable
concepteur de la théorie de l’État est Jean Bodin. Si aujourd’hui l’idée d’une société sans État
évoque immédiatement chaos, anarchie, l’État moderne est une construction récente de
l’histoire européenne7 et il faut noter qu’au cours des siècles les sociétés humaines ont inventé
des organisations du pouvoir politique autres que celui-ci. Il s’est pourtant imposé comme le
modèle, par excellence, de l’organisation du pouvoir politique.

I/ CARACTÉRISTIQUES DE L’ÉTAT

Pour Weber, l’État est d’abord une « entreprise politique de caractère institutionnel.» L’État est
une institution monopolistique et bureaucratique.

A/ l’État une institution monopolistique

Le pouvoir étatique repose sur des monopoles : monopole de la production des lois, monopole
fiscal, certains monopoles économiques (émission de la monnaie), monopole judiciaire, de la
représentation collective (il est le seul habilité à prendre des décisions engageant toute la
collectivité). Le monopole le plus important cependant reste celui de la violence physique
légitime. L’idée de violence est si indissociable de la notion d’État que Weber, dans une
formule célèbre, concevait l’État contemporain comme « une communauté humaine qui, dans
les limites d’un territoire déterminé […] revendique avec succès le monopole de la violence
physique légitime 8». Cette définition n’est complète, cependant, que si elle est mise en relation
avec les idées de légitimité et d’acceptation de l’autorité, telles que les entendaient Weber.

Ainsi et comme nous l’avons vu relativement au pouvoir, l’État est une « autorité qui s’impose
en vertu de la légalité, en vertu de la croyance en la validité d’un statut légal et d’une
compétence positive fondée sur des règles établies rationnellement », l’autorité rationnelle-
légale. La violence physique légitime c’est à dire le pouvoir militaire, l’administration
contribue alors à assurer la stabilité et l’existence de l’État. Ce recours à la violence ne se fait
pas en dehors de toute règle. L’État moderne est supposément un État de droit dont, au niveau
international, la responsabilité de protéger en est une manifestation.

7
Voir l’État-nation et le traité de Westphalie de 1648. Il faut également se pencher sur l’étude sociohistorique
d’Elias sur l’émergence de cette entité politique en Europe, résultat de la curialisation des nobles et du
développement conjoint de l’économie de marché et de la démocratie. En contexte africain, l’ « apparition de
l’État » s’entend de l’importation d’un prêt à porter institutionnel, l’État nation européen (Badie), qui se serait
greffé à des structures préexistantes (Bayart). Cette nouvelle architecture politique est caractérisée par un
fonctionnement néopatrimonial (Médard) du pouvoir en Afrique.
8
Max Weber, Le savant et le politique, Paris, UGE, 1963, pp 100-101.

12
- Weber, L’économie et société (1922), Le savant et la politique (1919)
Idéal-type Nature des croyances, de la Les aides des chefs Les dirigés
légitimité
rationelle- rationalité, principes
fonctionnaires spécialisés, administrés,
légale généraux, règles formelles et
« compétences », documents citoyens
impersonnelles écrits
traditionnelle bien-fondé de la tradition personnes détenant leurs sujets
statuts par tradition
charismatique qualité spéciale du chef, --- partisans,
attachement « irrationnel » ou adeptes
affectif
Source : Christine Mironesco

B/ L’État, une institution bureaucratique


Le terme « bureaucratie » émergea vers 1780 pour qualifier l’émergence du monde des bureaux
au sein de l’univers administratif. Il fut repris par la sociologie sans avoir de connotation
péjorative comme dans le langage courant. Le développement de l’administration commença à
la Révolution : à peine un millier de fonctionnaires royaux avant 1789 et déjà près de 25 000
fonctionnaires rien qu’à Paris sous l’Empire. Tout au long des XIXe et XXe siècles, le
phénomène gagna en ampleur9. Dire que l’État est une institution bureaucratique sous-entend
un processus particulier de recrutement de ses agents, les fonctionnaires. Ce processus repose
sur le mérite, la compétence personnelle de l’intéressé. Ses liens de parenté avec les détenteurs
du pouvoir ou sa richesse n’entrent pas en ligne de compte. En principe tout du moins. En effet,
le mérite recherché ici n’est pas indépendant de ce que Bourdieu appelait le capital culturel,
capital qui lui sera plus facile à acquérir en fonction de sa classe sociale.

II/ SPÉCIALISATION DE L’APPAREIL ADMINISTRATIF


L’Administration est anonyme et impersonnelle.

Anonyme. L’Administration et l’État ne s’incarnent plus en la personne d’un roi. L’égalité de


tous est assurée, car théoriquement tous peuvent postuler au différents concours de la fonction
publique. Le fonctionnaire, agent anonyme n’a a priori aucune raison de privilégier tel citoyen
au détriment de tel autre assurant au passage l’égalité de traitement des demandeurs. La justice
de ce type de recrutement assure le respect de sa légalité, in fine la légitimité de
l’Administration et des fonctionnaires aux yeux des populations. Un renversement de l’ordre
établi semble peu probable dans ces conditions.

Impersonnelle. Les charges et fonctions sont soumises à des règles juridiques de plus en plus
précises et complexes. L’évolution des rôles de l’État implique un accroissement des charges
et des monopoles répondant aux besoins de sa population. Cet état de fait entraine une
augmentation correspondante des lois régissant ces nouveaux secteurs d’activités ou des lois

9
Arnauld Leclerc, Comment L'Etat s'est-il formé et développé ?, UNJF.

13
anciennes qui s’adaptent ou se transforment sous l’impulsion de ces nouvelles réalités. Elle
nécessite ainsi un nombre plus grand de fonctionnaires pour les appliquer.

L’élément juridique est intrinsèque à l’État. Ainsi, dans sa Théorie pure du droit, Hans Kelsen
n’envisageait pas une coexistence séparée de ces deux notions. Pour lui, elles sont
nécessairement interdépendantes au point que l’expression « État de droit » est un pléonasme
car il n’existe pas d’État sans Droit ni de Droit sans État. Il démontre que les trois éléments
constitutifs de l’État, la population, le territoire et la puissance (pouvoir d’injonction et de
coercition), n’existent pas en dehors d’un cadre juridique.

III/ RȎLES DE L’ÉTAT


Deux conceptions s’affrontent ici : celle d’un État dit gendarme, limité à ses fonctions
régaliennes, et celle d’un État providence aux prérogatives plus étendues. Soutenu par Max
Weber et les penseurs libéraux, l’État gendarme s’efface, au début du XXès, au profit de l’État
providence, aujourd’hui, lui-aussi en crise.

A/ PASSAGE DE L’ÉTAT GENDARME À L’ÉTAT PROVIDENCE

Après la grande crise de 1929, l'État-Providence, État de bien-être ou « Welfare State »


intervient pour corriger les effets du capitalisme notamment à travers la redistribution des
richesses10. Selon François-Xavier Merrien, « La naissance de l’État-providence marque la
rupture avec la conception libérale de l’État comme État gendarme ou État « gardien de nuit ».
L’État gendarme ou État gardien de nuit accorde un rôle minimal à l’État ; en revanche, l’État-
providence donne à l’État un rôle important dans la vie sociale et économique au nom
d’impératifs sociaux. Aujourd’hui, le terme peut être pris dans deux sens. Au sens large, adopté
par ceux qui critiquent la place trop importante prise par l’État, la notion désigne l’État
interventionniste qui s’institutionnalise après la Seconde Guerre mondiale. Au sens restreint,
que nous adoptons ici, l’État-providence est celui qui intervient pour assurer la prise en charge
collective des fonctions de solidarité.

La notion d’État-providence évoque clairement l’une des nouvelles fonctions de l’État moderne
: s’occuper du bien-être social des citoyens, et non plus seulement de la police, de battre
monnaie, de gérer ses relations internationales ou de faire la guerre. En second lieu, elle suggère
la rationalisation et l’objectivation du droit au secours que constitue le passage d’une solidarité
subjective (en mon âme et conscience) à une solidarité objective fondée sur des droits des
citoyens et/ou des travailleurs. Elle met en évidence enfin le fait que dans les États-providence,
lorsque les solidarités primaires sont défaillantes, les citoyens (et parfois les résidents) peuvent
compter sur la puissance publique, émanation de la solidarité nationale. Dans les termes de
Polanyi, la naissance de l’État-providence signifie que la redistribution étatique prend la place

10
Cependant, entre 1883-1889, Bismarck instaure en Allemagne un système d’assurances sociales désigné par de
nouveaux termes : Wohlfarstaat (État de bien-être) ou Sozialstaat (État social). Voir Isabelle CASSIERS, Pierre
REMAN, « Ambivalences de l'État-providence. À l'horizon d'un État social actif », Informations sociales, vol.
142, no. 6, 2007, pp. 18-24.

14
de la réciprocité et du marché. Dans les sens de Polanyi, le principe de réciprocité suppose la
communauté de destin. 11»

De plus, « La notion d’État-providence n’est pas dénuée d’ambiguïté. Au sens strict, la notion
d’État-providence signifie la monopolisation par l’État des fonctions de solidarité sociale. Or,
dans aucun pays, l’État ne monopolise les fonctions de solidarité. » C’est cette ambiguïté qui
explique aussi la crise de l’État providence.

B/ L’ÉTAT PROVIDENCE EN CRISE

En 1981, Pierre Rosanvallon, dans son ouvrage célèbre, La crise de l’État providence12, perçoit
en fait trois crises : une crise financière, une crise de légitimité et une crise de son efficacité.
Pour résumer, la crise de l’État providence peut s’appréhender selon deux d’approches : une
approche économique et une approche sociologique.

1/ APPROCHE ÉCONOMIQUE
L’État providence est intimement lié à la société industrielle et aux succès de celle-ci. Au
moment où ladite société est bousculée, il est donc normal que l’État providence traverse lui-
aussi une phase de turbulence.

Selon Gosta Esping-Andersen13, « Au cours des trente années qui suivent la Seconde Guerre
mondiale, le fordisme et les approches keynésiennes des politiques économiques vont permettre
une véritable explosion des dépenses sociales (de 5 à 25 % du PIB en moyenne en Europe).
Pendant cette période, les politiques économique et sociale semblent se renforcer l’une l’autre.
Les dispositifs de protection sociale permettent alors de soutenir et de relancer la croissance
économique: ils sont créateurs d’emploi (professions sanitaires, sociales et d’administration de
la protection sociale) ; ils permettent de soutenir la capacité à consommer de ceux qui ne
peuvent plus travailler (pour cause de maladie, chômage, vieillesse, invalidité) ; dans la mesure
où ils garantissent une sécurité du revenu, ils libèrent l’épargne de protection et permettent de
consacrer une part croissante des revenus à la consommation ; ils sont aussi des instruments de
relance de la consommation (par le biais d’une augmentation des prestations sociales ou de
créations d’emplois dans les services sociaux publics).

La croissance économique des « Trente glorieuses » (1945-1975) repose en grande partie sur
les interactions vertueuses entre développement de l’industrie de biens standardisés de grande
consommation, consommation de masse et généralisation de la protection sociale.

Utile à l’économie, la protection sociale permet en même temps de répondre aux besoins
sociaux de l’époque : améliorer la santé de la population dont l’espérance de vie dépasse

11
François-Xavier Merrien, « Introduction », in L’État-providence, Presses Universitaires de France, 2007, pp.
3-10
12
Pierre Rosanvallon, La Crise de l’État-providence, Paris, Seuil, 1981.
13
Gosta Esping-Andersen, Les Trois Mondes de l’État-providence, Paris, PUF, 2007, introduction, p.6.

15
rarement 65 ans, lutter contre la pauvreté, qui est alors - et depuis longtemps - concentrée sur
les personnes âgées, et soutenir la nouvelle répartition des rôles sociaux. Alors que dans les
sociétés agricoles, tout le monde travaillait à la ferme (les hommes, les femmes et les enfants),
la société industrielle définit une nouvelle répartition des tâches, où les hommes garantissent le
revenu et la protection sociale de l’ensemble du ménage, les enfants sont de plus en plus
scolarisés, et les femmes supposées rester à la maison et prendre en charge les travaux
domestiques. »

Or, les chocs pétroliers puis la mondialisation vont remettre en cause les bases de cette
croissance économique. La délocalisation des entreprises entraînent un manque à gagner pour
l’État qui se retrouve dans l’impossibilité de financer les politiques sociales. Ces politiques
deviennent mêmes impopulaires auprès de certaines couches sociales, car elles ne sont plus
utiles à l’économie bien au contraire. Les discours sur la paresse des bénéficiaires de ces
politiques, c’est-à-dire les catégories plus pauvres de la population, reviennent dans les débats
publics.

Cependant, les politiques sociales sont-elles la cause de la crise ? Le système économique


mondial ne porterait-il pas en lui les germes de cet échec ? L’État providence permettrait, en
effet, d’atténuer les effets des crises économiques. Le retour à l’État gendarme ressuscite les
problèmes résolus par l’État providence.

2/ APPROCHE SOCIOLOGIQUE
La « révolution du rôle des femmes » marquée par l’entrée massive des femmes sur le marché
du travail est la révolution sociale la plus importante du 20è siècle en occident. Contrairement
au discours demandant le retour des femmes à la maison, « favoriser le travail des femmes
correspond à une volonté de ces dernières (acquérir une autonomie financière par rapport aux
hommes), mais aussi à un triple besoin social : développer les services de prise en charge des
personnes dépendantes (jeunes et vieux), réduire les risques de pauvreté des enfants (la pauvreté
des enfants est toujours plus faible dans les ménages où les deux parents travaillent) et
augmenter les taux généraux d’emploi (afin de dégager des ressources pour les retraites) 14».
D’autres causes comme le vieillissement de la population faussent les prévisions. En effet, ce
sont les jeunes, les travailleurs, qui financent les retraites. Sans jeunes pas de retraites. À
première vue, l’immigration permettrait de pallier au problème. Encore faut-il que les migrants
soient régulièrement employés. Or, l’impopularité croissante des politiques d’immigration en
Europe est le terreau des partis politiques populistes et xénophobes.

Juridiquement, les fonctions de l’État sont schématiquement représentées comme suit, selon le
principe classique de la séparation des pouvoirs :

14
Gosta Esping-Andersen, op.cit, p.6.

16
Fonctions Organes de l’État
Braud, p.179

Légiférer Parlement (loi stricto sensu)


Gouvernement (règlement autonome)
Cours suprêmes (arrêts de principe)

Exécuter Gouvernement (textes d’application, mesures individuelles)


Administration (textes d’application, mesures individuelles,
opérations matérielles)
Parlement (mesures individuelles exceptionnelles)

Juger Parlement (lois d’amnistie)


Gouvernement et Administration (recours gracieux)
Autorités juridictionnelles (recours contentieux)

En Sociologie politique, le fonctionnement de l’État est analysé comme le produit de trois


capacités étatiques : une capacité de régulation, une capacité d’extraction et une capacité
responsive.

17
BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

Lexique de science politique, Dalloz, 2017

Philippe BRAUD, Sociologie Politique, LGDJ, 2016

Dominique CHAGNOLLAUD, Introduction à la science Politique, Dalloz, 2018

Antonin COHEN, et.al, Nouveau Manuel de Science Politique, La Découverte, 2009

DORMAGEN ET MOUCHARD, Introduction à la sociologie politique, DeBoeck, 2008

Madeleine GRAWITZ et Jean LECA, Traité de science politique, 4 tomes, Paris, PUF, 1985

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