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Trois disciplines majeures ont permis historiquement de forger ce que l’on nomme aujourd’hui la
science politique : la philosophie politique (1), le droit public (2) et la sociologie politique (3). Cette
présentation suit un ordre chronologique. La philosophie politique a été la première à initier des
réflexions sur la politique, puis le droit public apporta sa contribution à la fin du 19 e siècle, avant
que la sociologie politique gagne du terrain et se positionne aujourd’hui au cœur de la science
politique.
La politique peut être définie à titre liminaire comme un espace commun de décision collective.
Ce champ (la politique) a fait l’objet de réflexions dès la Grèce antique. Est ainsi née la
« philosophie politique », avec des auteurs majeurs comme Platon, Aristote, puis au 17e siècle,
Hobbes, Montesquieu, ou encore Alexis de Tocqueville au 19 e s.
Une question domine alors initialement : celle de la recherche du meilleur régime politique.
Si les deux méthodes diffèrent, la perspective reste la même : il s’agit de rechercher le meilleur régime.
L’emprise de la morale est donc prédominante.
La Renaissance marque une distanciation par rapport aux considérations morales et religieuses.
Machiavel (fin 15e s.) clame que la politique est indépendante de la morale et de la religion, et
mérite d’être analysée indépendamment de ces considérations. Il emprunte un raisonnement
logique, dépourvu de contraintes éthiques, et réaliste. Kant fera un même usage de la logique, mais
dans une perspective idéaliste.
➢ Dans les années 1960, l’affirmation de l’État-Providence fit émerger une discipline
particulière émanant du droit administratif : la science administrative, sous influence, elle-
même, de la science politique.
➢ L’influence du droit public sur la science politique est notable et se manifeste alors par deux
traits :
- La science politique hérite de la vision normativiste de l’État propre au droit public. L’État
apparaît alors comme un ensemble complexe de normes et de règles édictées, distinctes des
comportements réels. La norme juridique prévaut sur la norme sociale dans l’étude de
l’État.
- La science politique est marquée par une vision institutionnaliste du politique. L’objet
d’étude porte sur les acteurs juridiquement institués, leurs compétences et le processus
d’édiction des normes. D’autres phénomènes, comme ce que l’on nomme aujourd’hui
l’opinion publique ou encore la société civile, restent dans l’ombre.
➢ Le lien entre droit public et science politique est alors si fort que nombre de facultés de
droit dans les années 1960 en France sont alors des facultés de « droit et de science
politique » (cf. notre propre institution). Cette situation est particulièrement notable en
France. Ailleurs en Europe la science politique a pu se rapprocher plus facilement des
sciences sociales (et notamment des départements de sociologie).
➢ Cette proximité du droit et de la science politique influence alors grandement le contenu
des recherches.
➢ Peu à peu, toutefois, la science politique acquiert une autonomie dans ses modes de
réflexion par rapport au droit public. Ainsi, dans les années 1960, Graham Allison
appréhende la crise des missiles de Cuba comme un processus complexe, incluant, dans la
prise de décision, d’autres acteurs que le seul juridiquement compétent, à savoir le Président
Dans les années 1980, les deux disciplines prennent une direction distincte.
➢ Le droit public s’insère dans une vision technicienne de la matière. Le droit
constitutionnel se détourne progressivement de l’étude des différents régimes pour se
concentrer sur une analyse technique de la jurisprudence du conseil constitutionnel. Il
délaisse quelque peu l’étude des conditions socio-politiques de production des normes. La
jurisprudence se trouve « sacralisée ».
➢ La science politique, parallèlement, quant à elle, s’écarta des considérations juridiques
pour s’inspirer largement de la sociologie politique. Si dans les années 1960, les spécialistes
de la science politique étaient avant tout des juristes ayant complété leur formation par de
la science politique, dans les années 1980, ce sont essentiellement des sociologues
s’intéressant à la politique. Le rapport au droit se distancie alors nettement, et les études
produites n’ont pas la même teneur.
L’emprise de la sociologie politique sur la science politique est aujourd’hui telle que certains auteurs
(et certains manuels) considèrent que « science politique » et « sociologie politique » sont
synonymes.
D’autres disciplines exercent une influence réelle mais moindre, comme l’histoire politique
(avec les travaux de Machiavel par exemple, et plus récemment René Rémond, Serge Bernstein et
Pierre Milza, J.-F. Sirinelli), l’anthropologie politique (Claude Lévi-Strauss), la psychologie
politique.
Quelques exemples de travaux en psychologie politique :
- les travaux de Théodore Adorno sur la personnalité autoritaire,
- la psychologie des foules de Gustave Lebon (1895) : dans les situations de foule,
l’individu a tendance à imiter le comportement des autres et devient moins rationnel.
- l’expérience célèbre de Stanley Milgram en 1963 montrant la soumission à l’autorité avec,
dans 2/3 des cas, des décharges électriques infligées sans réflexion à des personnes
innocentes.
- La « ritualisation bureaucratique » mise en exergue par Robert Merton. Les agents sont
focalisés par le respect des procédures et s’écartent de la finalité même de la structure. Ils
développent une logique de « sur-conformité », c’est-à-dire de soumission compulsive à la
norme, refusant toute adaptation aux situations particulières.
La science politique est donc au carrefour de différentes sciences sociales et humaines, avec
aujourd’hui une prédominance de la sociologie. Souvent, elle n’est l’œuvre que d’un
La reconnaissance de la science politique comme discipline propre, à part entière a été lente en
France, tant d’un point de vue académique que social.
➢ D’un point de vue social, la reconnaissance de la science politique comme discipline pose
la question des médias et de l’insertion professionnelle.
o D’un point de vue médiatique, les « experts » mobilisés en ce champ donnent une
visibilité à la discipline (Pascal Perrineau, Dominique Reynié, Olivier Duhamel,
Pascal Bonniface). Le propos journalistique est toutefois nécessairement contraint
par le temps, et l’analyse des « politistes » (c’est-à-dire des chercheurs en science
politique) se fait souvent loin des médias.
o Quant aux débouchés professionnels, il faut distinguer entre ce que les anglo-
saxons nomment le « politics », c’est-à-dire le processus lié à l’exercice et à la
conquête du pouvoir, et le « policy », c’est-à-dire les programmes et les actions.