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PHILOSOPHAT SAINT AUGUSTIN

KINSHASA/R.D.C

Cours d’Epistémologie
générale
(2ème graduat)

Prof. Abbé N’KWASA Joseph


1

Année académique : 2002-2003


2

COURS D’EPISTEMOLOGIE

0. PRELIMINAIRES
Epistémologie 1 : Notions et problématiques
Epistémologie 2 : Courants spécifiques tendances et problèmes épistémologiques
contemporains

0.0. Avertissement

Ce cours pourrait, ainsi que le suggère son articulation en deux sections principales,
être carrément scindé, le cas échéant, d’après les niveaux respectifs des étudiants : (niveau
élémentaire ou G1, amplifiable en intégrant aux leçons la correction des exercices
d’application pour contextualiser mieux les problématiques) ; et les tendances (niveau avancé
G2 ou autre) dont l’abord constitue une véritable sorte de défense et illustration de différentes
"théories de la connaissance" scientifique. Les exercices et /ou questions et lectures
d’approfondissement servent d’appoint indispensable pour faciliter l’apprentissage par
l’étudiant.

0.1. Objectif et importance du cours

Un double but à poursuivre dans ce cours :


 Saisir comment les savants en arrivent à la certitude spécifique ;
 Accéder à l’ouverture intercompréhensive et au dialogue transdisciplinaire.

Une telle orientation s’éclaire davantage à la lumière des objectifs pédagogiques, qu’il
importe de garder frais dans la mémoire. Au travers et à l’issue des leçons et exercices,
l’apprenant se rendra progressivement capable de :
- définir plus correctement les termes principaux (épistémologie, science, objectivité, etc.) ;
- savoir cerner le domaine propre de cette discipline par rapport aux sciences affines ;
- comprendre le travail scientifique dans ses tenants et ses aboutissants ;
- appliquer le doute méthodique dans sa propre formation et à l’égard d’autres options
spécialisées ;
- s’informer ou dialoguer en uni-veri-taire sur n’importe quel domaine dûment ciblé de la
recherche scientifique

0.2. CONTENU DE L’EXPOSE

Trois axes de pensée retiendront notre réflexion : les notions philosophiques ; les
problèmes de la scientificité ; le pluralisme épistémologique. D’où quatre chapitre ou sous-
sections :
0. Précisions terminologiques ;
1. Attitudes métaphysiques ;
2. Problèmes autour de l’objectivité scientifique, effort de théorisation ;
3. Percées épistémologiques contemporaines de la connaissance scientifique.

Les deux (1 et 2) constituant des informations préalables (niveau I), le 3 peut servir de
charnière à la fois comme épilogue du niveau I et comme rappel des pré-requis pour le niveau
II ouvrant une enquête discriminatoire concernant les conceptions thématiques et pratiques
diverses en épistémologie aujourd’hui surtout.
3

0.3. Plan sommaire

Une première section intitulée « Notions et problèmes », s’attellera à définir les termes
principaux que l’on rencontre en épistémologie, de sorte à bien formuler les problèmes ou
préciser la (les) problématique(s) de l’objectivité en sciences selon le schéma pédagogique
dont l’exposé développe topiquement les subdivisions (on se reportera, pour plus de précision,
à la table des matières). Cette épistémologie nous amènera à clarifier, à prendre en
considération l’étude lexicologique, historique ou évolutive des notions de science, de
méthode… ainsi que la description du domaine et des aléas ou exigences de la critique
épistémologique.

On passera ensuite en revue – c’est le second niveau- quelques uns des noms et
orientations épistémologiques, question de donner le contexte, les notices bibliographiques,
concepts clés… en guise d’introduction et d’avant goût à l’analyse et au débat
épistémologique tel qu’un néo-empiriste ou un néo-rationaliste, ou encore un pragmatiste peut
l’initier et en continuer l’élaboration à l’écoute du travail scientifique sur divers terrains.
4

NIVEAU I : NOTIONS ET PROBLEMATIQUES

I.0. Itinéraire

Savoir comment l’on procède pour savoir, et s’assurer où l’on en est : voilà en quoi se
résumerait le travail épistémologique. Mais l’objectivité ou l’idée vraie (W. James, B.
Spinoza) consistant dans l’accord de la connaissance avec l’objet, E. Kant nous amène à
avouer chacun pour notre part, que « le seul moyen que j’ai de comparer l’objet avec ma
connaissance c’est que je le connaisse. Ainsi la connaissance doit se confirmer elle-même
(…) : Qu’est-ce que la vérité ? Pour être à même de trancher cette importante question, il
nous faut soigneusement distinguer dans notre connaissance ce qui appartient à sa matière et
se rapporte à l’objet, de ce qui concerne la simple forme comme la condition sans laquelle
une connaissance ne serait, de façon générale, pas une connaissance »1. Le travail
épistémologique comporte, à n’en pas douter, plusieurs démarches rigoureusement combinées
de vérité théorique ou, plus précisément de vérification des idées (de la connaissance vraie)
par la pratique réflexive, c’est-à-dire par l’enquête critique qui, à son tour, comporte maintes
problématiques. Ce niveau I du cours d’épistémologie entend déblayer le terrain pour mieux
formuler les problématiques épistémologiques concernant la portée objective ou vérité en
science.

Etymologie, emplois et divers horizons, domaine de voies de l’épistémologie ; tels


sont les points que nous allons analyser dans cette première partie de notre exposé partie qui
nous conduira à mieux énoncer ou établir comment - en quels termes - se pose ou doit se
poser un problème épistémologique.

I.1. Précisions terminologiques

I.1.0. Sommaire

Qu’appelle t-on science ? En quoi consiste l’épistémologie ? Ce chapitre II articule les


réponses étape par étape, en commençant par l’émergence du mot, son évolution sémantique,
son acceptation contemporaine…
L’origine du mot se perd dans la mémoire de la langue grecque. Platon et Aristote
nous permettent d’en percevoir la composition : épistèmê + logos.
- Par Epistèmê s’entend une connaissance systématique dont l’assurance est fonction d’une
méthode ou d’un processus d’acquisition balisée et répétable, ou mieux, contrôlable.
- La désinence logie (du logos), renvoie à un discours bien articulé exprimant un
raisonnement dont le contenu est le résultat d’une étude "suivie", c'est-à-dire d’un effort de
rationalisation permettant de distinguer la connaissance scientifique des simples opinions
(doxai), accoutumances, pratiques (technai) ou croyances (dogmata).

Une question se pose : L’épistémologie, en ce sens, ne se confond-elle pas avec la


méthodologie, la logique, la philosophie des science ; la psychologie de la connaissance ou
autre discipline affine ?

La réponse à ce niveau paraît négative. Pourtant l’existence de ces différentes


disciplines ou points de vue divers sur la science dénote déjà une différence ou un non-accord
perceptible dans l’approche étymologique. Nous ne pouvons pas, sur l’instant, insister sur le
détail.
1
Emmanuel KANT, Logique, trad. Louis Guillermit, Paris, Vrin, 1970, p. 56.
5

1.2. Emplois et divers horizons

Le contenu de ce qu’il convient d’appeler épistémologie apparaît flou voire flottant ;


l’information suivante en témoigne en effet : « Qu’on l’appelle logique spéciale ou logique
matérielle, théorie de la certitude ou théorie de la connaissance, épistémologie, critériologie
ou critique, la recherche que nous visons a eu toujours pour but d’une façon ou d’une autre
d’établir les conditions, la valeur et les limites de la connaissance humaine »2.

Exercice 1 : Consulter les lexiques philosophiques sur les notions discriminatoires de
disciplines susmentionnées.

Exercice 2 : Toute connaissance humaine n’étant pas à proprement parler « science », lire
e.a J. LADRIERE Les enjeux de la rationalité…, Paris, Aubier-UNESCO, 1977, pp. 27- ;
dégager les 4 types de connaissances et leurs finalités et/ou caractéristiques fondamentales
respectives.

Cette citation fait montre d’une certaine confusion plus que d’une simple inflation de
langage. La confusion serait tributaire d’une perspective métaphysique aristolélico-thomiste
en occurrence assujettissant les recherches scientifiques à la logique formelle considérée
comme unique organon ou instrument de recherche seul susceptible de garantir la scientificité
(objectivité) d’un savoir, d’une connaissance. Laissons pourtant de côté la querelle d’une
philosophia perennis censée régenter toutes sciences, querelle à laquelle le pluralisme
méthodologique semble avoir apporté certains dévouements moderne, voir. Le discours de la
méthode de René Descartes (1637), déjà le Novum Organon de Francis Bacon (1620).

Quoi qu’il en soit ; l’épistémologie doit être désormais considérée comme une
discipline particulière et pluraliste puisqu’elle mène ses investigations sur divers terrains de
spécialisations savantes. L’orthographe au singulier signifie seulement qu’il s’agit de
« l’étude primordiale de la connaissance telle qu’elle est donnée au point de départ de la
systématisation scientifique »3.

Exercice 3 : De par vos informations en méthodologie des sciences, dire quelle(s) autre(s)
étapes et/ou exigences de la recherche savante précède(nt) et/ou entoure(nt) la
"systématisation".
Lectures : FOUREZ, Gérard, La construction des sciences,…
GRANGER, G. Gaston , La science et les sciences Paris,
KUHN, T.-S., La structure de la révolution scientifique, Paris, Flammarion, 1983.

D’après le néo-kantien Karl Léonard REINHOLD (1758-1823), son introducteur


parmi les disciplines explicitement non dépendantes de la logique en tant que méthode
spéculative de la métaphysique entendue comme philosophie première au sens de l’ontologie
(étude théorique et spéculative de l’être en tant qu’être), l’épistémologie aura à répondre ou
aidera pour ce faire dans n’importe quelle discipline savante en braquant sur les connaissances
se présentant comme scientifiquement acquises la question kantienne que voici : Que puis-je
savoir ? Et l’épistémologue aidera l’expert à répondre franchement à cette question de mise
au point : "que sais-je" vraiment, et de strictement précis, dans mon domaine ?

2
Georges VAN RIET, L’épistémologie thomiste, Louvain, Nauwelaerts, 1946, p. 637.
3
F. VAN STEENEBERGHEN, Epistémologie, 3ième éd., Paris-Louvain, Nauwelaerts, 1956, p. 17.
6

Les réponses à cette question dépendent largement du contenu particulier que l’on
donne au mot savoir scientifique. A cet effet, deux horizons principaux se font jour :
a) Chez les anglo-saxons, il n’y qu’un savoir scientifique, celui qui atteint le but que l’on se
propose. The knowledge is power (qui sait, peut), notait déjà Bacon ; aussi epistemology
rime-t-il avec philosophy of science en incluant aussi bien les méthodologies qu’une
certaine Ethnics of Science ou ensemble de considérations morales de l’efficacité
scientifique (scientific efficiency, or utility).
b) L’horizon francophone, avec le sens des distinctions qu’on lui connaît, fait de
l’épistémologie le second palier (2ième niveau) de la recherche scientifique, le premier
revenant à la méthodologie et le troisième à la philosophie et/ou éthique des sciences.

Ex. 4 : Lire F. MALHERBE, Les épistémologies anglo-saxones, PUN-PUF, Namur-Paris,


1981.

I. 2. Domaine et voie de l’épistémologie

Ce qui précède alerte notre attention sur le champ épistémologique. Il n’est pas aisé de
le définir. Si nous partons des exigences cognitives des temps modernes d’après Bacon,
Descartes et Kant, il y a lieu de concevoir plusieurs types d’épistémologie ; cette pluralité ou
diversité épistémologique est fonction de la multiplicité des domaines scientifiques ciblable.

Dans la perspective francophone qui est manifestement rationaliste et non simplement


emprico-utilitariste, le domaine épistémologique peut être ainsi abordé comme : « la
philosophie des sciences mais avec un sens plus précis. Ce n’est pas proprement l’étude des
méthodes scientifiques qui est l’objet de la méthodologie et fait partie de la logique. Ce n’est
pas non plus une synthèse ou une anticipation conjecturale des lois scientifiques (à la
manière du positiviste et de l’évolutionnisme). C’est essentiellement l’étude critique des
principes, des hypothèses et des résultats des diverses sciences, destinée à déterminer leur
origine logique (non psychologique), leur valeur et leur portée objective. On doit donc
distinguer l’épistémologie de la théorie de la connaissance bien qu’elle en soit l’introduction
et l’auxiliaire indispensable en ce sens qu’elle étudie la connaissance en détails et a
posteriori dans la diversité des sciences et des objets plutôt que dans l’unité de l’esprit »4.

Par rapport à la logique spécialement, l’épistémologie, tel que nous venons d’en
décrire les domaines, ne se résout point en critique formelle de la validité du raisonnement,
critique dans laquelle la logique classique excelle en application de ses huit (8) lois. Au lieu
d’un schéma ainsi rigide, l’épistémologie contemporaine tiendra rigoureusement compte du
développement conceptuel de la discipline considérée ; en ce sens, l’épistémologie se
substituera à ce que l’on appelait autrefois la logique matérielle. Elle procédera, autrement dit,
au contrôle méticuleux du raisonnement spécifique mis en œuvre par le savant dans son
secteur d’expertise. Dès lors, quelle relation pourrait-il exister entre la critique interne (auto-
contrôle du chercheur) et l’étude proprement épistémologique de l’objectivité d’une science
dans telle ou telle autre de ces conclusions dites objectives ?

Les points de vue diffèrent D’après Etienne BONNOT alias Abbé de CONDILLAC
(1714-1780), point n’est besoin d’une étude différente de l’auto-critique dans la recherche car
la science en tant que savoir est la connaissance d’un homme qui n’est pas ignorant.

4
André LALANDE, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, 15 éd., PUF 1985,
p. 293,
col. 2. : épistémologie.
7

Le réaliste Emile MEYERSON (1859-1938) tient à peu près le même langage mais en
précisant que la certitude du savant provient de la perspicacité de son intelligence, entendu
que l’expérience même savante n’est utile à l’homme que s’il raisonne.

En effet, le raisonnement épistémologique se fait a posteriori : il accompagne ou peut


suivre le savant dans son travail mais jamais ne précède celui-ci. Les choses se compliquent
aujourd’hui puisque le progrès scientifique entraîne un prodigieux développement de pouvoirs
politico-managériaux, jusqu’à semer de la « confusion entre l’étude proprement
épistémologique et la réflexion éthique et politique sur le rôle de la science dans nos
sociétés »5.

Trois perspectives se dessinent partant :


- D’après Robert Blanché, « La réflexion sur la science, réanimée de nos jours par les
embarras qui surgissent au sein même de la science, tend de plus en plus à se plier à la
discipline scientifique d’une part en faisant appel à cet instrument de précision qu’est le
langage logistique, d’autre part en s’efforçant de multiplier les contacts avec les faits qu’ils
soient d’ordre historique ou d’ordre psychogénétique. Cependant, même si l’on s’efforce de
se limiter à ce qui est proprement réflexion sur la science, on ne peut guère se dégager
complètement de toute philosophie »6.

Exercice 5 : Comparer ce point de vue avec celui que développe Jean Piaget dans
L’Epistémologie génétique, PUF, 1970.

- Autre perspective, perceptible avec un fort penchant anglo-saxon dans le Grand Larousse
Universel notamment, reconnaît à l’Epistémologie la tâche critique d’information attentive
sur « des connaissances ayant des faits de la science comme objet. Une histoire des œuvres
et des institutions scientifiques, une sociologie de l’organisation de la science, de ses
incidences dans la vie sociale et des déterminations exercées par celle-ci sur la production,
la transmission et la novation du savoir »7.
- La troisième perspective chère aux francophones, respecte les distinctions et se rallie au
point de vue du vocabulaire Lalande (voir la définition du mot épistémologie dans A.
Lalande, Loc. Cit. 15ème édition).

Au cours de la discussion, l’on s’aperçoit en général de la conduite de l’épistémologie.


Elle consisterait en ceci :
- La conscience que la pratique épistémologique ne se fait pas a priori mais a posteriori ;
- Pratiquer l’épistémologie (critique épistémologique) requiert une information adéquate du
domaine et de moyen d’exploitation scientifique de ce domaine ;
- Il y a nécessité de dialoguer entre le savant praticien et l’épistémologue-audit…

5
Gilles-Gaston, GRANGER, « Epistémologie », in
Encyclopédia Universalis, Corpus 8, Paris, 1996, p. 565 ; (p.
565-572).
6
Robert, BLANCHE, Epistémologie, Paris, PUF, 1972, 1972, p. 18.
7
Op., Cit., Tome 6, p. 62, Col. 1. voir en ce sens K.-R POPPER, La connaissance objective, trad.
Complexe, Bruxelles, 1978 ; ou encore Georges CANGUILHEM (1904-….) philosophe et
mathématique prolongeant l’entreprise de G. Bachelard sur l’historie des sciences du point de vue
épistémologique, tempérant le « discontuinisme » de ce dernier en interprétant la notion de réflexe
dans le cadre vitaliste (cfr. Celui de WILLIS, XVIIième Siècle) plutôt que la perspective mécaniste
du XIXième siècle.
8

Bref, écrit François Russo, « Une philosophie des sciences développée pour elle-même
n’en demeure pas moins hautement souhaitée. Dans la culture contemporaine caractérisée par
la spécialisation ou le domaine particulier et la consommation généralisée sans conscience
critique (la standardisation) sur l’acquisition et/ou les conséquences des produits
technologiques, une place de choix devrait lui être réservée. Mais, pratiquement, la carrière de
philosophie des sciences n’est guère recherchée en raison des exigences difficilement
conciliables qu’elle comporte.

Exercice 6 : Lire et commenter ce texte de G. CANGUILHEM :


L’épistémologie a pour objet « l’historicité du discours scientifique en tant que citée
[p. 47] historicité représente l’effectuation d’un projet intérieurement nommée, mais
traversée d’accidents, retardée ou détournée par les obstacles, interrompue de crises, c’est à
dire de moments de jugements et de vérité » (cité par S. Auroux et Y-Weil, Dictionnaire des
auteurs et des thèmes de la philosophie, Paris, Hachette, 1994, p. 47-48.

N.B : Un rapprochement éclairant avec T-S. KUHN, La structure des révolutions


scientifiques, 1962 ; traduction Flammarion, Paris, 1983.

Voici en définitive ce que Fr. RUSSO en pense : « Pour réfléchir valablement sur la
science d’une part, il faut être engagé dans la science participer à son dynamisme créateur,
d’autre part, on doit s’éloigner de la science, adopter une attitude de réflexion qui ne se
confond pas avec l’attitude scientifique chez un authentique philosophe des sciences,
devraient donc cohabiter deux tempérament en fait rarement associés qui, même le plus
souvent s’opposent »8.

Exercice 7 : D’après ce point de vue, quelle serait la meilleure voie ou procédure correcte du
travail de l’épistémologue ? Expliciter davantage l’argument.
1. discerner épistémologie et philosophie des sciences
2. laquelle de ces disciplines suppose l’autre ?

CHAPITRE II : LA METAPHYSIQUE ET LES SCIENCES

8
RUSSO, F., « La philosophie des sciences depuis un siècle », In M. MOURRE (dir),
Dictionnaire des idées contemporaines, Paris, Ed. Univ. 1966, p. 65.
9

II.0. Prérequis de ce chapitre

- L’émancipation des disciplines scientifiques par rapport au monolithisme de la philosophie


traditionnelle qui faisait de la logique, instrument de recherche de la philosophie première
ou métaphysique, la méthodologie scientifique dont les autres "sciences" en seraient que des
applications particulières ;
- Fin du monopole scientifique de la métaphysique ancienne qui, depuis E. Kant, doit se
convertir du dogmatisme logiciste aux exigences modernes de la recherche savante digne de
s’appeler science au sens du singulier collectif, applicable au monde phénoménal ;
- Toute spéculation scientifique consacrant la particularité d’un domaine épistémique, l’étude
épistémologique de tel ou tel domaine scientifiquement maîtrisé suppose une information
suffisante de l’évolution ou histoire du développement des connaissances en ce même
domaine, elle implique aussi un effort critique capable de discerner entre les préalables
psychologiques et/ou sociologiques d’un spécialiste, et les conditions internes de
réalisations d’une spécialisation scientifiquement objective…

Dans cette perspective, le chapitre présent ouvre une enquête concernant diverses
attitudes métaphysiques ou des philosophies cognitives ; ce qui est poursuivi,
épistémologiquement parlant, c’est l’appréciation plus ou moins critique de la recherche
savante et des résultats ainsi obtenus…, de façon à rendre compte de ce que l’on sait ou pas de
façon certaine.

A cet effet, l’exposé débute par deux attitudes extrêmes (scepticisme, scientisme), il se
poursuit avec les positions historiquement recrudescentes susceptibles de se présenter sous
d’autres formes : (idéalisme et réalisme), et débouche sur la problématique proprement dite de
l’objectivité scientifique dans le monde contemporain.

II.1. Attitudes extrêmes

La question qui se pose s’exprime ainsi dans sa version kantienne : « Que puis-je
savoir ? » et que sais-je en fin de compte ? Avant de voir ce qu’il en serait scientifiquement
parlant, abordons succinctement quelques réponses ayant fait date et devenues
symptomatiques en métaphysique classique ; principalement deux pôles antithétiques se
présentent ainsi globalement : celui dit sceptique, et celui dénommé scientiste.

II.1.1. Scepticisme ?

A. Etymologie

Ce mot dérive de l’adjectif skeptikos qualifiant en grec un homme qui observe et


réfléchit. A son tour cet adjectif provient du verbe semi déponent (forme passive, voix active),
skeptesthai qui signifie en grec/tout examiner, observer attentivement en suspendant tout
jugement ou toute position figée, c'est-à-dire en évitant d’émettre de façon précipitée quelque
opinion non suffisamment fondée.

En fait, ce que l’on a appelé scepticisme désigne plus que cette attitude du sceptique
dans son acception originelle. Loin de s’arrêter momentanément et d’entreprendre des
démarches pour en savoir davantage, le scepticisme sous toutes ses formes dégradées
(pyrrhonisme, agnosticisme) impose une opinion censée être définitive.
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B. Espèces de scepticisme

a) Sens propre 

Doute méthodique (contre dogmatisme) accompagné d’examen critique, qui conduit à


la voie de la recherche savante (cf. Gilbert, Grand Larousse de la langue française).

b) Pyrrhonisme 

Le pyrrhonisme est une école philosophique qui tire son nom de Pyrrhon d’Elis (365-
275). Pour qui n’existe aucune certitude cognitive, toute vérité étant seulement. Une opinion
subjective. D’après ce genre de scepticisme, aucun énoncé ne devrait s’imposer en matière de
connaissance scientifique. En pratique pourtant, le pyrrhonisme ne suspend pas son jugement
de valeur, il prône un jugement négatif décourageant la recherche savante, faute d’objet
d’étude qui puisse promettre une issue heureuse. A cause de son caractère intenable, le
pyrrhonisme se conforme facilement à l’inclinaison utilitariste chère aux sophismes car, tout
concourt à adopter la sagesse d’un Protagoras ou d’un Gorgias : l’homme reste la mesure de
toute chose y compris de la vérité.

c) L’agnosticisme :

Littéralement l’aveu de l’ignorance, cette tendance pragmatiste, pseudo fidéiste,


confesse à la fois l’incapacité de l’intelligence humaine de saisir la vérité si elle existe mais
aussi le renoncement à sa recherche en dehors de certains principes indispensables à
l’existence humaine… E. Kant, souvent rangé dans ce courant de pensée métaphysique
(science phénoménale, noumène impensable), se rachète par le criticisme transcendantal
auquel on reproche encore une surdose de rationalisme…

C. L’hypopsie sceptique

Hormis le doute méthodique, tout autre type de scepticisme est une position anti-
épistémologique ; on y décèle en effet une sorte de contradiction interne : d’une part, la
négation de la possibilité d’atteindre une vérité péremptoire impose la suspension de
jugement, d’autre part, la théorie du relativisme métaphysique ne promet pas de fonder la
certitude négative dont l’adoption moins solidement fondée ne justifie guère la notion même
de scepticisme dont le sens original impose de suspendre le jugement et de continuer
l’observation critique sans inclination aucun (cf. Michel EYQUEM alias MONTAIGNE,
Essais II).

II.1.2. Scientisme

A. Caractéristiques

- Mathématisation des énoncés objectifs ;


- Réduction ou reconduction de toute loi scientifique au modèle physico-chimique :
physicisme (le physicalisme en français) ;
- Optimisme illuministe ou foi en la Raison comme source de lumière et espoir que la
Science résoudra tous les problèmes humains (Raison, Science, progrès humain).

B. Contexte
11

Les préjugés scientistes se comprennent mal si on ne les situe pas dans le


prolongement du positivisme comtien et dans le climat de l’époque des Lumières. En effet,
l’accent mis sur l’évolution comme progrès, et sur la Raison déiste (vs. Explication
théologique et/ou métaphysique du monde) avait conduit maints encyclopédistes à de position
humanisme relevant plus de l’idéologie que de la science en tant que recherche critique
fondamentale.

L’anti-métaphysicisme scientiste et ses préjugés pseudo-métaphysiques n’ont pas tardé


à susciter de réaction de désapprobation : Si parmi les épigones se trouvent en France,
Hippolyte Adolphe TAINE (1828-1893) (De l’intelligence, 1870), Félix LE DANTEC (1869-
1971) (De l’homme à la science, 1907) ou encore entre le deux Joseph Ernest RENAN (1828-
1892) (L’avenir de la Science, 1890), les détracteurs me marquèrent pas, parmi lesquels E.
BOUTROUX (1845-1921)9 ou Henry Louis BERGSON (1859-1941)… qui insistèrent sur les
dimensions de la réalité non réductible à des formules mathématiques et/ou sur le
compléments d’âme dont le monde à besoin pour l’épanouissement plénier de l’homme et de
la vie.

C. L’hypercrédulité du scientisme

L’exaspération romantique et les outrances du scientisme se sont manifestées comme


des illusions ; aujourd’hui, l’idéologie ainsi soutenue ne tient pas débout au regard de la
science ni à l’égard du progrès humain, parfois gravement menacé par diverses pollutions
atmosphériques ou aquatiques. Et que dire de l’hésitation dans laquelle maintes incertitudes
cognitives ou zones d’ombre jettent la conscience des savants et des politiques ?

Exemple 8 : Présenter la notion discrimination du scepticisme, le comparer au scientisme et


dégager leur connivence ou dissimilitude épistémologiques.

II.2. Attitudes récurrentes

Le sceptique et/ou scientiste occupant les positions extrêmes en matière de


l’épistémologie scientifique, la plupart de tendances métaphysiques en la matière oscillent
plutôt entre l’Idéalisme et le Réalisme.

II.2.1. Les idéalismes

L’appellation idéalisme qualifie maintes positions philosophiques ayant pour


dénominateur commun les caractéristiques suivantes :
- Foi dans la pensée comme réalité première du monde (y compris le monde matériel, Platon,
Berkeley) ;
- Confiance dans les privilèges de l’esprit humain (la Raison) comme facteur principal ou
faculté (intelligence) fabricatrice de connaissance (rationalisme, cartésien…) ;
- Adoption du concept "Idée" comme contenu de la pensée ou comme forme représentative
sinon substance de toute connaissance (ou original-archétype, chez Platon forme
intelligible : Aristote, Berkeley).

Historiquement, il y a lieu de distinguer plusieurs types d’Idéalisme. Parmi les


principaux philosophiquement reconnus, se signalent, entre autres :
9
E. BOUTROUX, La nature de l’esprit,
12

a) L’idéalisme platonicien 

Caractérisé par la doctrine des idées comme archétypes ou modèles originaux des êtres
du monde qui n’en seraient que des copies grotesques ou des ombres (ontologie dualiste :
monde intelligible et le monde sensible), la théorie de la réminiscence (épistémologie de
l’ascension dialectique)…
A la question de savoir ce que je peux connaître, l’épistémologie platonicienne nous
renvoie d’abord à la psychologie de la libération de l’âme prisonnière du corps sensible
(mythe de la caverne) pour, ensuite remonter la connaissance de la réalité sensible
(simulations) à travers la purification de l’esprit humain grâce à la propédeutique
mathématique (la dialectique) à l’instar du questionnement serré de la maïeutique socratique)
et enfin construire la science véritable (épistèmê) une fois que s’accomplit la contemplation
des Idées (théorie)…

N.B : Platon est un idéaliste métaphysique puis qu’il fait consister les réalités consistante du
monde dans les idées immuables ; du point de vue épistémologique, on peut le
considérer comme réaliste car sa méthode dialectique se veut un effort de lecture lucide
des éléments non évidents de soi, une lecture progressivement régénératrices de la
connaissance comme remontée de l’esprit vers l’univers des  "idées vraies" (Spinoza).

b) Le rationalisme cartésien :

Dégoûté de la scolastique ou de la méthode d’enseignement chère au réalisme


aristotélico-thomiste, René Descartes adopte la méthode platonicienne en l’appliquant à
l’étude du monde, un monde peuplé de substances pensantes ou simplement étendues ; son
épistémologie est dite rationaliste puis que d’abord elle fait dépendre la science de l’activité
pensante (vs. Connaissance sensible ou opinions par procuration) qui doute de tout ce qui
n’est pas clair et distinct, et en fait une "tabula rasa", exerce ensuite l’intelligence à des vérités
résistant au doute (l’existence du moi, qui doute, l’existence de Dieu bon génie auteur de mes
connaissances non sensibles, vérités de la religion et du civisme pour une vie droite…
méritant le bonheur éternel ou la morale provisoire) ; puis analyse les institutions complexes
(décomposition en éléments ou facteurs premiers, contrôle des parties ainsi démontrées et de
leurs successions ou connexions dans le tout, synthèse à rebours de l’analyse, révision
finale…), enfin s’établit dans les évidences apodictiques.

N.B : Descartes diffère épistémologiquement de Platon à propos de la vérité scientifique


comme reconstruction géométrique (de ce que l’intelligence intuitive ne saisit pas du
coup) des vérités simples ou, au besoin, par déduction ou raisonnement déductif
(Descartes), alors que Platon postule l’ascension dialectique ramenant l’intelligence à
la contemplation des "idées" hors du monde sensible grâce à l’activité réminiscente
dialectique qui n’est qu’un processus de ressouvenir intuitif. Ces deux métaphysiques
divergent quant à la dichotomie (division en deux parties) onto-psycho-cosmologique
(Platon) et la dualité anthropo-cosmologique de la connaissance du monde
(Descartes). Un point reste douteux dans l’épistémologie cartésienne : Comment
concilier les idées ou la connaissance du sujet avec la vérité ou la consistance des
choses ? La question se pose et insinue que Descartes demeure encore métaphysicien
même même sur le plan logique, là où une des branches de sa postérité préfère la
méthode expérimentale et phénoménologique prônée par Francis Bacon.
13

c) Georges Berkeley (685-753) et l’idéalisme sémantique ou dogmatique

Dans le débat rationalisme/empirisme, Berkeley occupe une position médiane que cet
aphorisme explique : esse est percepi, c’est-à-dire est vrai ce qui est saisissable ou sensible à
l’esprit. Son empirisme se qualifie d’immatériel au sens où à l’instar de Spinoza, il « voit »
dans tous les êtres du monde rien que des "théophanies" de l’être du monde, rien que des
manifestations de l’Etre unique qu’est Dieu. A la différence de Spinoza, qui confesse
l’acosmisme du monde et la périéchontologie d’un Dieu-substance du monde, reconnaît la
réalité individuelle et de Dieu des créativités, celles-ci ne pouvant être connues que par l’idée
créatrice quand bien même personnel resterait inconnu ou "caché".

Matériaux d’étude : Moyen d’étude But


- perception spirituelle - méditation -Idée claire et distincte de la chose
(expérimentation immatérialisme) - expérience -Chose-en-soi=invérifiable (mysticisme)
périéchontologie a-cosmique (cf. Spinoza)

d) L’idéalisme transcendantal de Kant 

Scandalisé par l’opposition entre empiristes et rationalistes à propos de la source, du


processus, de la méthode et du contenu de la connaissance, Emmanuel KANT affronte la
question du pont entre la connaissance et le réel, l’expérience et l’existence de réalité
(problème de la vérité) en posant la question : que puis-je savoir ?

Ce faisant, il consulte divers courants de pensée en vigueur en son temps (le Réalisme
métaphysique de Christian Wolff, l’Empirisme modèle de John Locke, l’Associationnisme
sceptique et la croyance pratique de David Hume, la méthode mathématique en physique d’I.
Newton, la piété fidéiste de son enfance) pour réaliser en philosophie de la connaissance, la
révolution copernicienne (critique de la Raison pure) dont il prônera les exigences même et
juste dans la pratique quotidienne (Philosophie première ou métaphysique scientifique
comprenant l’Ethique comme étude de fondement de mœurs, et ses applications en Economie,
politique, Religion… dans les Simples Limites de la Raison).

L’innovation constituant la révolution kantienne en matière de connaissance réside


dans la soumission de l’intelligence savante au doute critique alors que jusque là la question
de l’objectivité reposait sur l’universalité de la logique formelle (certitude de l’intelligence) et
la certitude presque infaillible du processus d’intellection, l’objet d’étude jouant le rôle actif
qui devrait être dévolu au sujet connaissant.

En pratique épistémologique, Kant applique le doute méthodique pour répondre à la


question de savoir ce que je peux connaître, il répond en indiquant en même temps les sources
cognitives, les étapes du processus générateur de connaissance et mes activités aboutissant
étape par étape à des résultats ainsi échelonnés.

N.B : Le travail ou l’activité du raisonnement, s’opère à tous les niveaux de perception et des
catégorisations. L’esthétique transcendante aboutit à l’individuation de perception
sensible (saisie de l’aspect phénoménal correspondant à tel ou tel autre sens, alors que la
chose même même-appelée noumène-échappe à tous nos sens) ; recevant les sensations
ou intuitions sensibles, l’entendement en fixe l’image ou transforme la quantité sensible
en représentation intellectuelle, cela rend cette nouvelle intuition universelle et trans-
subjective ; comparant les concepts en les ordonnant dans l’espace et le temps comme
tableau cognitif de l’esprit humain, la raison apprécie leurs positions, rapports ou
14

coordinations… il en résulte des jugements de trois genres : analytique ou tautologique


dont la clarté ne requiert aucun recours à l’expérience sensible l’expérience sensible ;
synthétique a posteriori quand la vérification expérimentale vient corroborer leur
véracité ; synthétique a priori lorsqu’il s’agit de maximes ou sentences de sagesse
pratique.

Chez Kant, l’épistémologie comprend deux catégories : Celle de la science


phénoménale conduisant à détecter l’erreur ou la vérité des énoncés (construction des
concepts), et celle pratique dans laquelle la rationalité de l’agir humain reposera mieux sur les
impératifs (ce que l’on doit faire ou le devoir de la liberté, et ce que l’on peut raisonnablement
espérer en pratique économique, socio-politique, religieuse) pour élaborer une philosophie
première différente de l’ontologie mais semblable à la science rénovée10.

e) L’idéalisme logique ou absolu de Hegel 

Confiant à la philosophie la tâche de penser le temps comme lieu d’effectuation de ce


qui est rationnel, Hegel recourt à la phénoménologie de( l’Esprit) pour rendre compte du
processus dialectique en tant que mouvement historique du devenir spirituel.

La science, à la fois encyclopédique et dynamique, doit donc mettre au jour les diverses
ruses de la raison pour la prise de conscience de soi de l’Eprit absolu dans ses manifestations
historiques jusqu’à leur perfection en savoir absolu, c’est-à-dire transparence de ce qui est et
doit être.
Cette science ou conscience se résume en deux adages :

Ce qui est rationnel est réel ; Et ce qui est réel est rationnel.

Philosophie de l’esprit philosophie de l’histoire


- philosophie de la nature ou histoire
- philosophie de culture - philosophie du droit  politique
- philosophie de la religion

N.B : La dialectique comme philosophie du conflit, Hegel l’a fait aboutir à la conciliation, en
présupposant que l’esprit, immuable et identique en lui-même, incarnera cette essence
sienne en se manifestant égal chez tous les hommes (l’esprit des peuples) se concentrant
en récupérant le rationnel incarné en chaque citoyen quand l’heure vient de concilier les
dirigés et les dirigeants (l’esprit du peuple). En ce moment précis, le peuple ainsi exalté
devient la lumière de toutes les nations : sa grandeur consiste dans la paix intérieure
parce que chaque citoyen connaît et joue bien son rôle (dialectique du maître et de
l’esclave, Phénoménologie de l’esprit) ; les autres peuples qui n’ont pas atteint cette
sagesse, doivent être commandés par ce porte- étendard et ce par tous les moyens y
compris par la guerre et leur anéantissement.

Exercices 9 : Dans le sillage de Hegel, l’idéalisme allemand prolifère en maintes nuances
dont, p. ex., (à développer par l’information) ;

f) L’idéalisme esthétique de SCHELLING

10
Emmanuel, KANT, Prolégomènes,…
15

g) L’idéal étique de FICHTE (idem)

- Poursuivre des recherches et exposer l’essentiel des lectures ainsi menées.

II.2.2. Les réalismes

Par réalisme s’entend tout courant de pensée ou de vie faisant foi, en matière de
connaissance ou de pratique, au monde tel qu’il présente. Bien plus, en épistémologie, le
réalisme donne priorité à l’expérience du monde dans le processus de construction cognitive.
Il y a nuances cependant :

a) Le réalisme naïf ou naturaliste, prétend saisir dans l’expérience immédiate le monde tel
qu’il est en lui-même. Cela veut dire en d’autres termes, que nous ne pouvons reconnaître
comme scientifique que les connaissances basées sur des intuitions indubitables dans
lesquelles nos idées correspondent aux choses mêmes (Platon).

b) Le réalisme médiat ou modéré, tout en reconnaissant l’expérience du monde ou l’empire


à la base de la plupart de nos connaissance fait intervenir pourtant comme aussi
importante du point de vue cognitif l’activité intellectuelle comme facteur décisif du
processus d’objectivation de savoir : ici, l’esprit critique remodule et ordonne les éléments
expérimentaux pour produire de savoir à degré objectivement acceptable. C’est toute la
logique qui va d’Aristote à Descartes voir au-delà en passant par la scolastique.

c) La querelle des universaux, des débats chauds à propos de la vérité des idées et/ou les
correspondances aux choses mêmes eurent lieu du XIième au XIIIième siècle. En voici le
quatre positions principales :

c.1. Réalisme

c.1.1. Le réalisme extrême (platonisme) : Nos idées comme concepts généraux des choses,
correspondent à des objets généraux existant réellement hors des nos esprits ;

c.1.2. Les réalisme modéré (aristotélico-thosmiste), tout en admettant que les concepts
généraux (par exemple homme) ont un fondement dans la réalité (l’humanité comme
ensemble d’hommes), soutient cependant leur caractère abstrait en dehors des hommes
singuliers qui constituent l’ensemble du genre humain.

c.2. Nominalisme

c.2.1. Le nominalisme extrême ou terminisme : Soutient l’existence des objets particuliers et


rejette celle de l’objet général. En d’autre terme, le concept général n’a d’existence
même dans mon esprit ni dans la nature11.

11
cf. ‘’Le coup du rasoir’’ de Guillaume d’OCCAM : entia non sunt multiplicanda sine necessitate, qui se
traduit : c’est bercer d’illusions que d’inventer d’autres êtres en dehors des individus existants (ou,
littéralement : Point n’est besoin d’imaginer d’autres êtres outre ceux qui existent concrètement).
16

c. 2.2. Le nominalisme modèle ou conceptualisme : admet l’existence d’objets généraux mais


seulement comme ensemble d’individus existant (voir Pierre Abélard) dont nous
avons seul la représentation globale dans notre esprit.

Exercice 10 : Lire, pour plus de précision, T. KOTARBINSKI, Leçons d’histoire de la


logique, Varsovie ; Trad. PUF, Paris, 1964, p. 64 : « Le réalisme extrême, ou platonisant,
reconnaît l’existence d’objet généraux en dehors des choses perceptibles, autrement dit en
plus des individus perceptibles par les sens. En partant de ce point de vue, on pourrait
estimer par exemple, que l’universel l’homme en général existe en dehors de Socrate, de
Platon et d’autres personnes. Le réalisme modéré, autrement dit qui prend modèle sur
Aristote, reconnaît également l’existence d’objets généraux, mais seulement dans les
individus : l’homme en général réside donc pour le réalisme modéré en Socrate, en Platon et
en d’autres individus, et n’existe pas en dehors d’eux. Toutefois les deux variantes du
réalisme reconnaissent l’existence des universaux extérieurement à l’esprit c'est-à-dire
indépendamment du fait de savoir si quelqu’un a jamais penser un tel universel. Ce
nominalisme au contraire, une semblable existence ou des universaux. Le nominalisme
extrême rejette, ce faisant, toute existence d’objets généraux en dehors de l’esprit, tandis que
le nominalisme modéré, appelé également conceptualisme, reconnaît leur existence dans
l’esprit humain ».

II.3. Vérité scientifique comme objectivité

a) Vérité correspondance ou adéquation ?

Le mot de vérité est pluriel. Concept polysémique parce que du latin viritas-veritatis
(adj. Verus-a-um=vrai, réel, concret, authentique…), les traductions en d’autres langues
participent de la confusion de sens ; deux nuances pourtant se dégagent :
- Celle de correspondance de l’idée (ou concept en tant que représentation mentale) avec des
choses qui existent réellement c'est-à-dire hors de notre esprit ;
- Et celle de vraisemblance ou similitude c'est-à-dire de rapprochement, en termes de
comparaison, entre ce que l’esprit humain perçoit et certains aspects par lesquels quelques
choses ou êtres se laissent percevoir…

L’idée de correspondance rappelle l’ontologie classique, domaine avec lequel aucune


des disciplines modernes dites scientifiques ne prétend rivaliser. Hussel parlera certes des
ontologies régionales, mais cette expression fustige la crise des sciences européennes dans le
but de les guérir de la démesure du réalisme métaphysique extrême ou platonisant. S’il y a
lieu de parler vérité en science, la notion de vraisemblance (Bachelard, Popper) comme
approximation du réel en matière de connaissance convient mieux à l’objectivité dans la
science.
b) La vraisemblance ou verisimiltude de la connaissance scientifique

Aucune discipline scientifique au sens d’épistémè, ne se donne pour innée. Certes, le


sujet connaissant possède même à travers l’épochè ou processus de mise entre parenthèse de
préjugés (Husserl nomme ainsi le procédé classique de tabula rasa ou préalable du doute
cartésien), des intuitions primordiales comme des degrés zéro de connaissance. L’épistème
pourtant diffère de simples opinions ou dogmes en ce qu’elle s’élabore, elle est le résultat voir
le processus même de fabrication de savoir…
17

La question qui se pose à l’épistémologie à ce niveau, est celle de savoir sur quoi se
fonde l’épistémè ou quels sont les critères de la scientificité ?

c) Critères de scientificité

Le fondement d’une connaissance scientifique comporte déjà un jugement rationnel,


c’est une affaire du choix des principes sur lesquels construire l’architecture d’une discipline.
Parmi ces principes ou intuitions de base figurent, entre autres :
- Un certain réalisme : à la base de toute science, s trouve l’expérience du monde, facteur
que le sujet critique en procédé savant ; expérience et réflexion critique se présentent ainsi
comme le premier fondement de toute construction scientifique…
- Des énonces de base ou principes  : Déterminisme ? Causalité ? Hasard ? Parler de
déterminisme suppose un monde régulier dont les éléments consécutifs entretiennent des
rapports invariables, réguliers, prévisibles dès qu’un des éléments de la chaîne se présente.

La causalité, en tant que expression rationnelle de ce temps de rapport d’interaction


d’éléments en déterminant d’autres, n’est qu’une tentatives d’explication de ce qui se passe.
HUME avec son empirisme radical rejette pareille explication, faute de solidité du
raisonnement inductif. Le psychologisme, le subjectivisme et la régression à l’infini sous-
tendant l’argument strictement empiriste… ne permettent guère de conclure la recherche, d’où
son scepticisme à l’égard de toute prétendue certitude causaliste, à moins qu’il s’agisse d’une
simple association des idées qui sont des images affaiblies ou souvenirs de perceptions alors
passées de saison.

Kant, sur ce point, en appelle à l’a priori des principes pour fonder la certitude
scientifique à la manière cartésienne, ce qui ne clôt pas la discussion. La crise micro-physique
et les relations d’incertitude (Werner Heisenberg) en lice dans le monde infiniment petit font
mettre en doute l’efficacité de l’évidence mathématique dans son application aux réalités
empiriques.

Exercices 11 : Lire


12. Expliquer
13. Confronter les lectures suivantes pour dégager l’idée de « certitude » en
sciences :

a. « La science et son objet diffèrent et de l’opinion et de son objet, en ce que la science est
universelle et procède par des nécessaires et que le nécessaire ne peut être autrement
qu’il n’est (…) L’opinion s’applique à ce qui étant vrai ou faux peut être autrement qu’il
18

n’est. En outre, jamais on ne pense avoir une simple opinion quand on pense que la chose
ne peut autrement : Tout au contraire, on pense que la chose ne peut être autrement tout
au contraire, on pense alors, qu’on a la science. Mais c’est quand on pense être
autrement, qu’alors on pense avoir une simple opinion, car, on croit que tel n’empêche
qu’elle ne puisse être autrement, qu’alors on pense avoir une simple opinion, car on croit
tel est l’objet propre de l’opinion, tandis que le nécessaire est l’objet de la science »
Aristote, seconds analytiques I, 33 (Paris, Vrin, 1965, 88b 30).

b. Même raisonnement dans Platon, la République, Livre 5, 477e, et suite.

c. « La critique n’est pas opposée à un procédé dogmatique de la raison dans sa


connaissance pure en tant que science (car la science doit être toujours dogmatique, c'est-
à-dire strictement démonstrative, en s’appuyant sur de sûrs principes a priori), mais elle
est opposée au dogmatisme, c'est-à-dire à la prétention d’aller de l’avant avec une
connaissance pure (la connaissance philosophique) tirée de concepts d’après des
principes tels que ceux dont la raison fait de dogmatisme est donc la marche dogmatique
que suit la raison pure sans avoir fait une critique préalable de son pouvoir propre » (E.
KANT, Critique de la raison pure, paris, PUF, 1963, p. 26 : Préface).

d. « Le contrôle expérimental n’est qu’un contrôle parmi d’autres : dans la constitution
effective de la science, les testes cohérence théories ou inter-théorique ont été une place
capitale. Cela explique que selon l’expression de Kuhn (The structure of scientific
revolution, Chicago, 1962), il y a ait de temps en temps des « révolution scientifique »
correspondant seulement à l’apparition de « faits nouveaux », mais à une restructuration
générale du langage théorique. Si ces changements sont difficiles à accepter c’est que
(conformément à ce qui vient d’être dit) les « faits » en tant que tels n’ont pas une valeur
absolument contraignante,- et que les hypothèses ad hoc peuvent, au moins
provisoirement, sauver la théorie ancienne » (P. THUILLIER, Jeux et enjeux de la
science, Paris, R. Laffont, 1972, p. 33).
19

CHAPITRE III : PERCEES EPISTEMOLOGIQUES CONTEMPORAINES

III.0. Problématique

Il existe plusieurs objets d’étude, plusieurs angles d’approches ou méthodes de


recherche, plusieurs conceptions de la vérité en science. L’épistémologie devra ainsi tenir
compte de deux impératifs au moins :

A) Du regroupement des disciplines , afin de cerner de quel savoir scientifique il s’agit : cela
permet d’évaluer le contenu des énoncés en analysant les procédures et les expressions ou
résultats.
A cet effet, voici indicativement un schéma quadripartite12.

SCIENCES
SCIENCES
FORMELLES SCIENCES DE SCIENCES DE LA
EMPIRIQUES
(Méthode L’HOMME SOCIETE
(méthode inductivo-
hypothético- (méthode d’interprétation) (méthode interprétative)
déductive)
déductive)
Sociologie
Logique Physique
Psychologie Histoire Economie
Mathématique Chimie
Linguistique Anthropologie Droit
Informatique Biologie
Géographie

B) Tenir compte de la genèse des questions (histoire) et de l’impact interactif ou influence


des essais de réponses… Pour le siècle qui s’achève le tableau d’ensemble 13 suivant sert de
guide :

A. COMTE E. MACH
W.A.B. Russell L. Wittgenstein

Pierre Duhem
C. Bernard
N. Goodman Cercle de Vienne
Gaston Bachelard Quine
R. Carnap K. P Popper

Canguilhem
T.S. Kuhn I. Lakatos P. Feyerabend

12
Marie Dominique POPELARD et Denis VERNANT,
les grands courants d’épistémologie contemporaine,
Paris, Seuil, 1997, p. 22. Le Dictionnaire des auteurs
et les thèmes de la philosophie de S., AUROUX et Y.,
WEIL (Paris, Hachette, 1994) parle aussi de
« Sciences cognitives », (p. 74), expression englobant.
13
Ibidem, p. 94.
20

La question principale : Comment codifier un compte rendu savant de recherche pour


concilier l’expérience, et le raisonnement dans les énoncés autant cohérents et probes que
démonstratifs et vraisemblables ?
Trois tendances se dessinent…
- Les néo-empirismes : * L’empirisme logique
* Le positivisme logique du Centre de Vienne
- Le néo-rationalismes : * Appliqué chez G. Bachelard
* Critique avec K. Popper
- Les pragmatiques : * C.S Peirce, J. Dewey, W. James
* La pragmatique universelle représentée par l’Ecole de Francfort,
surtout par J. Habermas.

III.1. Néo-empirismes

III.1.1. L. WITTGENSTEIN (1889-1951)

A. Notice bio-intellectuelle 

Juif autrichien, né à Vienne, Ingénieur de formation (Mathématique et physique à


l’Université de Berlin puis à Cambridge), employé d’industrie à Manchester, il passe du
logicisme (influence de Russell et de Frege) à la pratique de l’analyse du langage. Deux
étapes dans son itinéraire intellectuel :

B. Le signification(al)isme

Dans son premier ouvrage de renom intitulé « Tractatus logico-philosophicus »


(1921), cet ingénieur/philosophe et épistémologue résume sa vision du monde et sa première
théorie de la connaissance en sept aphorismes principaux dont voici le résumé :

- Isomorphisme : conception selon laquelle les structures du monde physique, celles du


monde mental et du monde langagier se correspondent parfaitement les unes aux autres en
un parallélisme harmonieux ;

- Atomisme logique : le monde étant ce qui arrive et tout ce qui arrive constituant un fait du
monde ou un état de fait, se trouve représenté dans notre esprit par un concept dont la
forme ou l’idée se traduit par une expression du jugement (proposition ou phrase) ;

- Extentionalité : puisqu’un mot intelligible ne compte qu’un sens, un énoncé scientifique


se recommande par sa clarté même, c’est à dire que sa signification ne demande aucune
explication ultérieure qui puisse déborder le sens premier des termes qui composent sa
proposition ;

- Physic(al)isme : la vérité d’un énoncé équivalent à sa vérification expérimentale, il faut


taire ce dont on ne peut pas parler de façon ainsi traduisible.

N.B : Cette étape logico-empiriste n’est pas exempte de préjugé ; on lui reproche entre autre
une pseudo-métaphysique dogmatique (correspondance du physique et du mental et/ou
langagier) ; l’univocité sémantique de mots…
21

Parmi les lacunes manifestes : la réduction de la réalité à la capacité représentative de


l’esprit, le refus de la dimension non mathématisable de l’expérience… Tout cela a convaincu
L.W. a modifier sa conception empiriste du monde.

C. Investigations Philosophiques (texte en allemand de 1934, traduction anglaise en 1953,


trad. française en 1961)

Ces Investigations sont l’assemblage d’études qui illustrent la théorie constructiviste


du langage. Le second Wittgenstein, suite aux remarques anti-significationistes, revient à la
réalité d’expérience : la langue ordinaire. L’usage quotidien d’une langue fait constater en
effet l’existence des mots polysémiques ou synonyme, etc.

Le moins que l’on puisse dire est donc qu’un mot peut revêtir plusieurs sens ou
exprimer un sens que d’autres mots aussi expriment. Ainsi, la signification ne coïncide pas
purement et simplement avec un seul sens (monosémie).

L’étude du langage ordinaire conduit Wittgenstein à se convertir du logicisme


conventionnaliste au constructivisme langagier. Le contenu essentiel de ces Investigations
philosophiques peut se résumer ainsi :
« Ainsi vous dites que l’accord entre les hommes tranche ce qui est vrai de ce qui est faux  ?
Est vrai et faux ce que disent les hommes et c’est dans le langage qu’ils s’accordent. Il ne
s’agit pas d’un accord des opinions mais de la forme de vie »14.

Cette seconde phase épistémologique de Wittgenstein s’instruit courant philosophique


de l’analyse du langage ordinaire, elle se rapproche des épistémologies anglo-saxonnes pour
exploiter la pluridimensionalité de l’activité communicationnelle : un énoncé ou discours
accomplit au moins quatre fonctions (expressive, descriptive, communicative, argumentative).

Outre ces fonctions minimales d’un discours, l’analyse critique du langage ordinaire
fait apparaître d’autres éléments constitutifs d’un sens et constructeurs de la signification :
 L’acte de parole : commentaire, reproche, commandement, étonnement, etc.
 Les jeux du langage : les gestes, silence, expression du visage, intonation…
 La référence : c’est le rapport sous-entendu à la situation qui donne un contenu
significatif (le signifié) au mot ou terme (signifiant) dont nous faisons l’usage
 L’illocution : c’est à dire le contexte d’énonciation. Ceci n’est pas intérieur au langage
mais ce sont les circonstances et le contexte qui entrent dans le système.
La référence et l’illocution=contextes sémantiques…

N.B : Le second Wittgenstein dépasse la tendance mécaniste pour verser dans la performance
d’une épistémologie du langage ; se faisant, il transcende les significalisme et pour
purifier le langage et mieux unifier les recherches scientifiques, il affectionne la
méthode d’analyse philosophique du langage…que l’on pourrait bien savourer dans les
travaux d’un Austin ou d’un Searle, entre autres.

III.1.3. Le positivisme logique du cercle de vienne


14
L, WITTGENSTEIN, Investigation philosophiques, Gallimard, 1961, p. 241.
22

A. Origine et évolution

- 1923 : Naissance de club dénommé « Verein Ernst Mach »15 sous l’instigation du


philosophe Maurice SCHICK (1882-1936) professeur à l’Institut de Recherche
Sociale de l’Université de vienne ;
- 1929 : Transformation du Club et élargissement grâce à l’adhésion de plusieurs
chercheurs venus de tous les horizons sous le nom de Viener Kreis (Cercle de
Vienne). En ce moment là ils publient sous la direction de R. CARNAP, O.
NEURATH. H., HAHN, La conception scientifique du monde.
- 1930 : Le fondateur M. SCHLICK publie Le tournant de la philosophie. Cercle de Vienne.

Les Congrès :
- PRAGUE en 1929 et en 1934
- PARIS en 1935 et 1937
- COPENHAGUE en 1936
- CAMBRIDGE en 1938

N.B : Les actes des rencontres étaient publiés dans une revue commune dénommée d’abord
Annalen der philosophie à Vienne (1931-1937), ensuite Erkenntnis à Berlin (1938),
Leipzig (1939-1940) à La Haye (1940), puis en The journal of Unified of science , à
Cambridge, Boston, Chicago… depuis 1941. A partir de 1950, la revue apparaît sous
deux langues (bilingues) : Allemand et Anglais :
------ The Revue of Unified science;
------ Zeitschrift für Wissenschaftlicke Einheit

N.B : Les membres du Cercle appartenaient à plusieurs horizons de la recherche scientifique ;


le contexte révolutionnaire de la socio-démocratie (le nazisme) les fit traquer chaque
fois qu’ils se rassemblaient. D’où le déplacement continuel de leur siège et le
camouflage de leur présence à travers le changement du nom de la revue. Après la
libération, seul le fondateur manquait au rendez-vous (il fut poignardé à l’Université de
Chicago en 1936, déjà par un de ses anciens étudiants nazi de l’Université de Vienne),
les activités du Cercle se poursuivirent mais au ralenti sur le continent tandis qu’elles
florissaient en diaspora (l’essaimage avait bien réussi en Grande-Bretagne et aux Etats-
Unis).

B. Intention et doctrine

Le Cercle de Vienne entendait :


- Poursuivre l’œuvre épistémologique initiée par le premier Wittgenstein mais en
réhabilitant le réalisme physicaliste de Ernest Mach (1838-1916) ;
- Renouveler et unifier les méthodes scientifiques d’après le modèle de l’empirisme logique

La doctrine dénommée positivisme logique se résume ainsi : « Si quelqu’un dit ‘‘que’’
Dieu existe ou le fondement premier du monde et l’inconscient ou ‘‘que’’ c’est l’entéléchie
qui forme le principe directeur des organismes vivants, nous ne lui disons pas ce que vous
dites est faux, mais nous lui disons que voulez-vous dire au juste à l’aide de ces énoncés ?

15
Ernest, MACH (1838-1916) ; Autrichien soutenant dans sa pensée empiric-
critiste que les théories mathématiques n’ont qu’une fonction symboliques,
non ontologique.
23

Alors apparaissant deux espèces d’énoncés : Les énoncés appartenant à la science empirique
dont l’analyse logique peut déterminer la signification ou, plus précisément, dont on peut
réduire la signification à celle des énoncés les plus simples concernant les données
empiriques, et les autres énoncés pareils à ceux qui viennent d’être cités et qui se révèlent
vides de sens si les on les entend à la manière de métaphysiciens »16. Cette citation illustre
l’intention du Cercle.

N.B : Pour unifier le savoir, les protagonistes viennois restreignent le champ de l’objectivité, à
seul expérimentale. Mieux que les scientistes ou empiristes radicaux, ils admettent une
certaine philosophie minimale, non métaphysique.

C. Originalité du cercle

Ce que nous venons de dire ci-haut se trouve ainsi commenté par Maurice SCHLICK
dans son Tournant de la philosophie contemporaine, de 1930 :
« Le grand virage contemporain est caractérisé par le fait que nous considérons la
philosophie non plus comme un système des connaissances mais comme un système d’actes :
la philosophie est une activité part laquelle la signification des énoncés est révélée ou
déterminée. C’est grâce à la philosophie que les énoncés sont expliqués et grâce à la science
qu’ils sont vérifiés. Celle-ci (la science) s’occupe de leur vérité, celle-là (la philosophie) de
leur signification effective (…) l’activité philosophique consiste à donner du sens et constitue
l’Alpha et l’Omega de toute connaissance scientifique »17.

Etant donné la diversité des objets et des horizons de recherche, les positivistes
logiques tolèrent une certaine activité spéculative notamment dans les sciences formelles et/ou
du langage (énoncés tautologiques), en mathématique par exemple ou logique formelle.

WAISMANN, dit : la signification d’un énoncé, c’est sa méthode de vérification.


Quand vous allez chez R. CARNAP, dans des fondements philosophiques de la physique,
(texte allemand, 1966 ; tradition française, Paris, Colin, 1975) affirme qu’il existe deux sortes
de jugements géométriques : le premier en tant que mathématique est valable a priori (en
vertu de la méthode hypothético-déductive qui fonde les sciences formelles) ; le second en
tant qu’empirique n’est valable que s’il se réfère à la description concrète d’un donné sensible
(méthode de vérification comme critère dans les sciences expérimentales ou empiriques).

N.B : Les discussions entre Carnap et Popper ont fait reprendre le problème humien de
l’induction dans les sciences en mettant au jour le trilemme de Jacob FRIES
(psychologisme, régression à l’infini, décision subjective arbitraire subjectiviste).

Dans son Essai sur l’entendement humain, (1753) Hume distingue deux sortes de
connaissances ; La connaissance certaine qui correspond à la sensation ou perception
immédiate ; et la croyance : ici Hume est spéculativement sceptique parce qu’il constate que
chacun de nos sentiments est original. Du point de vue pratique il est dogmatique.

16
Rudolph, CARNAP, O., NEURATH et H., HAHN, La
conception scientifique du monde, trad. Fr., Paris,
Gallimard, 1961, p. 306-307.
17
M. SCHLICK, Op. Cit. Traduction anglaise 1959, Traduction française Paris, Gallimard, 1956, p. 56.
24

III.2. Les néo-rationnalismes

III.2.0. Caractéristiques principales du courant

- non réduction du contenu cognitif à l’expérience sensible ni à la seule activité spéculative de


l’esprit humain ;
- (complémentarité) expérience sensible et raisonnement en matière de connaissance ;
- prépondérance décisive de la conclusion méthodique du raisonnement.

III.2.1. Gaston BACHELARD (1884-1962) et le Rationalisme appliqué

A. Notice bibliographique

Né à Bar-sur-Aube près de Dijon le 27 juin 1884, scolarité régulière jusqu’en 1912 où


il obtient sa licence en mathématique.

Il enseigne plusieurs années dans sa ville natale et y travaille aussi comme employé
dans le PTT de 1907-1913 ; de 1914-1919, il est mobilisé en service militaire. 1920, il obtient
sa licence en philosophie avec titre : Essai sur la connaissance approchée. En 1928, il publie
une seconde thèse: Etude sur l’évolution d’un problème de physique…, et Il enseigna à la
Faculté de Dijon jusqu’en 1938.

De 1940 à 1950, il est professeur à la Sorbonne. Depuis 1947, il collabore avec le


mathématicien Ferdinand GONSE TH (1890-1975) à la revue Dialectique.

Parmi ses ouvrages on distingue deux séries 18 :

a) Auteur de l’homme imaginant :

1936 : La dialectique de la durée (une métaphysique, du temps) ;


1938 : La psychanalyste du feu ;
1940 : Lautréamont ;
1942 : L’eau et les rêves. Essai sur l’imagination de la matière, édition Corti ;
1943 : L’air et les songes : essai sur l’imagination du mouvement ;
1948 : -La terre et les rêveries du repos : essai sur l’imagination de l’intimité
-La terre et les rêveries de la volonté : Essai sur l’imagination des forces ;
1950 : La dialectique de la durée, PUF, Quadrige, 1993 (2ième Edition) ;
1957 : La poétique de l’espace, PUF, 1961 ;
1961 : - La poétique de la rêverie, PUF,
- La famille d’une chandelle.

b) Autour de l’esprit scientifique :

1928 : Essai sur la connaissance approchée (édition Vrin) ; l’évolution d’étude sur un
problème de physique : la propagation thermique dans les solides ;
1934 : Le nouvel esprit scientifique, PUF.

18
Ses premières publications tournent autour de l’épistémologie : La valeur inductive de la relativité (1929) ; le
pluralisme cohérent de la chimie moderne (1932) ; L’expérience de l’espace dans la physique contemporaine
(1937).
25

1938 : La formation de l’esprit scientifique, contribution à une psychanalyse de la


connaissance objective, (édition Vrin)
1940 : La philosophie du Non, Essai d’une philosophie du nouvel esprit scientifique, PUF
1949 : La rationalisme appliqué, PUF, 1953.
1951 : L’activité rationaliste de la physique contemporaine, PUF
1953 : Le matérialisme rationnel, PUF, 1951
1972 : L’engagement rationaliste, PUF. (Textes choisis).

Lectures sur BACHELARD

- 1963 : G. CANGUILHEM, Etude d’historie et de philosophie des sciences, Vrin


- 1971 : J. HYPPOLYTE, Figure de la pensée philosophique, Vol. II, PUF.
- 1972 : D. LECOURT, Pour une critique de l’épistémologie, Bachelard, Canguilhem,
Foucault, Paris, Maspero.
- 1980 : D. LECOURT, Epistémologie. Textes choisis de Bachelard ; Paris, PUF.
- 1983 : J. LESCURE, Un été avec G. Bachelard, Paris, édition Luneau-Ascot.
- 1997 : Pascal NOUVEL, Actualité et postérités de Gaston Bachelard, Paris, PUF, 172 p.
- G. GANGUILHEM, ea. (ed.), G.B. : l’homme du poème et du théorème , (Colloque du
centenaire), Dijon, 1984 ;
- Guy SAMANA, « G.Bachalard », in Enc. Uni. , corpus 3, Paris, 1996, pp. 714-715 ;
- M. SCHAETTEL, Bachelad critique ou l’Alchimie du rêve, Paris, l’heme, 1977 ;
- M. TILES, Bachelard : Science and objectivity, Cambridge University Press, 1984.

B. Orientation générale

Le rationalisme appliqué dans lequel s’est illustré la pensée bachélienne considère


qu’il n’y a pas de vérité innée et que toute connaissance résulte de l’expérience bien conduite
et rigoureusement ordonnée par la pensée.

La raison humaine doit donc bien s’appliquer au monde empirique : toujours déjà
tournée vers les choses, l’intelligence doit se discipliner en prenant du recul (tabula rasa de
Descartes, épochè pour Husserl, coupure épistémologique chez Bachelard) par rapport aux
connaissances mal faites (obstacles épistémologiques) afin de coordonner et/ou élargir
rationnellement c’est à dire méthodiquement, le savoir.

Il distingue à cet effet, la science comme pensée pensée (savoir) et le processus


scientifique en tant que penseé-pensante (philosophie d’enquête). Cette dernière doit dépasser
la première en pratiquant le recul et en inaugurant le nouvel esprit scientifique grâce au saut
épistémologique.

Ce faisant Bachelard vise d’atteindre l’unité anthropologique de la connaissance,


conscient que tout savant pratique la science en homme diurne, état d’éveil ou sommeille dans
l’homme nocturne : « Le monde dans lequel on pense n’est pas le monde où l’on vit »19.

19
Gaston, Bachelard, Philosophie du Non, Essai d’une philosophie du nouvel scientifique,
Paris, PUF, 1940, p. 110.
26

C. EPISTEMOLOGIE BACHELARDIENNE

1°) Essai de périodisation de l’activité scientifique

Mieux qu’Auguste Comte, G. Bachelard relève trois périodes :


- La période grecque qu’il qualifie de pré-scientifique (pré-socratique (1850), elle fut
marquée par la philosophie des principes reposant sur le raisonnement du type "comme si" ;
- La transition moderne allant de 1850 à 1905, marquée par un commencement de l’esprit
scientifique rénové mais en des efforts sporadiques encore dominés par l’inertie classique
(pensée spéculative) ;
- La science contemporaine caractérisée par les mises en perspective des faits, des théories et
des méthodes, dont les travaux de A. EINSTEIN (18 -1951) donnent le ton.

La méthode bachelardienne s’inspire des travaux de Newton et de Austin. En vue de


renouveler l’esprit scientifique lui-même, Bachelard procède à l’instar de Descartes et de
Bacon, il préfère suivre pas à pas le développement de la branche ou de la question
considérée, car, écrit il : « le sens de l’évolution philosophique des notions scientifiques et si
net, qu’il faut conclure qu la connaissance scientifique ordonne la pensée, que la science
ordonne la philosophie elle-même »20.

2°) Etapes de la méthode rationaliste appliquée

a) Coupure épistémologique : "Traquer les philies" (Bachelard)

Descartes disait " faire tabula rasa". Bacon, pour sa part soutenait qu’ "il faut abattre
les fantômes/idoles" (fantômes : de la race, de la caverne, du forum et du théâtre). Tandis que
Husserl disait de faire l’"épochè" et d’opérer des "réductions" ensuite
Les philies, selon Bachelard, sont des connaissances mal faites dit-il opinion non
systématiquement fondées qui font obstacle à la recherche scientifique. Parmi ces obstacles, il
cite l’expérience première, l’idée du général, le substantialisme… (Réalisme brut ou
immédiat).
N.B : Ce recul par rapport à l’opinion généralement répandue, est un acte scientifique
courageux, il ne s’agit pas d’une fuite mais d’un retrait stratégique suivi normalement
d’un saut épistémologique.

b) « L’ascèse de l’abstraction » : Raisonner dans l’expérience

C’est le moment de l’étude théorique caractérisée par un effort de géométrisation à


travers lequel le chercheur retrace l’évolution sémantique de la notion ou du problème car dit-
il, en parlant de l’atome par exemple, le sens a évolué ; de sorte que le concept actuel que
nous en avons résulte de « la somme des critiques auxquelles on soumet son image
première »21.

Pour cela, « le savant contemporain se fonde sur une compréhension mathématique du
concept phénoménal et il s’efforce d’égaler sur ce point raison et expérience. Ce qui retient
son attention ce n’est plus le phénomène général, c’est le phénomène organique,

20
Ibidem, p. 22.
21
Ibidem. p. 139.
27

hiérarchique, portant la marque d’une essence et d’une forme et en tant que tel perméable à
la pensée mathématique »22.

Bref, il s’agit essentiellement de l’expérience pratique et les séquences c’est à dire il


faut arriver à combiner la raison et l’expérience.

c) Conclusion progressive

Bien appliquée, cette méthode éloigne le chercheur de simples impressions


subjectives :
« Quand nous nous tournons vers nous mêmes, nous nous détournons de la vérité. Quand
nous faisons des expériences internes nous contredisons fatalement l’expérience objective »23.

En disant cela, Bachelard distingue la connaissance scientifique d’autres types du


savoir (le savoir sapientiel, herméneutique, technologique..) ; il souligne son caractère
opératoire qui consiste à « rendre géométrique la représentation, c’est à dire dessiner les
phénomènes et ordonner en série les événements décisifs d’une expérience, voilà la tâche
première où s’affirme l’espoir scientifique »24.

D. LE SAVANT ET LA REALITE

Le nouvel esprit scientifique d’après Bachelard, ne s’occupe pas d’ontologie


métaphysique ; il vise, selon le domaine, des ontologies régionales (Husserl), c’est à dire des
savoirs à la fois spécialisés et limités, progressivement réversibles et/ou rationnellement
élargissables.

Le savant, bien instruit par ses études, n’épuise guère toutes les dimensions de sa
présence au monde. Il peut savoir fabriquer du savon mais manquer de moyen pour ce faire ;
Quand il quitte le laboratoire, il se retrouve aux prises avec les problèmes de sa famille de sa
cité… Il sait que « le monde dans lequel on pense n’est pas le monde où l’on vit ». (cf. supra,
note 17).

Ce qui lui est demandé dans son domaine, c’est de branquer son regard avisé vers la
création ou le perfectionnement de ses instruments de travail en vue de les rendre plus
efficaces.

Bachelard dit cela en ces termes : « Il arrive toujours une heure où l’on n’a plus
d’intérêt à chercher le nouveau sur l’ancien, où l’esprit scientifique ne peut évoluer,
progresser qu’en créant des méthodes nouvelles »25.

III.3. KARL RAIMOND POPPER (1902-1994)


22
Gaston, BACHELARD, Formation de l’esprit scientifique, Contribution à une
psychanalyse de la connaissance objective, Vrin, 1938, p. 65.
23
Gaston, BACHELARD, Psychanalyse du feu, 1949, p. 14.
24
Gaston, BACHELARD, Formation de l’esprit scientifique, Contribution à une
psychanalyse de la connaissance objective, Vrin, 1938, p. 1.
25
Gaston, BACHELARD, Le nouvel esprit scientifique, Paris, PUF, 1934.
28

III.3.1. Vie & bibliographie

A. Repères biographiques

Né à Vienne d’une famille juive et convertie au protestantisme, le jeune Popper


manifesta un intérêt précoce pour diverses disciplines et arts. Il milita au sein du P.S.D
Autrichien. Pour ses études il suivit le cours de science physique, de philosophie, de musique
et devint enseignant de mathématique et physique en secondaire.
- 1928 : Doctorat en Philosophie à Vienne
- 1929-1936 : Professeur
- 1937 : Il s’exile en Nouvelle-Zélande où il continue enseigner la philosophie depuis 1939.
- 1945 : Il revient s’installer à Londres où il enseigne la logique et la méthodologie
scientifique à London School of Economics & Politics.
- 1969 : Il prend la retraite et se retire dans la banlieue Londonienne où il s’est éteint le 16
septembre 1994.

Esprit migrateur, il étudie principalement les questions de logique mais dans le champ
de la recherche scientifique. Cette rigueur épistémologique on la qualifie de rationalisme
critique ; s’éloignant des positions positivistes viennoises, il ouvre ses recherches dans tous
les champs du savoir scientifique aussi bien que philosophique, mathématique autant
qu’anthropologique.

Son épistémologie du savoir objectif s’applique en physique, en philosophie, en


pensée tournera autour de cette orientation interdisciplinaire.

B. Les ouvrages

- 1934 : La logique de la découverte scientifique, allemand, la traduction française, Paris,


payot, 1973.
- 1942 : La société ouverte et ses ennemis, 2 Vol. traduct., Paris, Seuil, 1979.
- 1944-1945 : La misère de l’historicisme, Trad., Paris, Plon, 1956.
- 1963 : Confectures et réfutations, Londres, Routledge, La démarcation entre la science et
la métaphysique.
- La connaissance objective, un point de vue historique, Oxford, Toad, Bruxelles, Ed.
Complexe (1978(1), 1985 (2)) 1981. la quête inachevée trad., Paris, Claman Levy, 1981-
1983. le réalisme et la science post-scriptum, à la logique de la découverte science, trad.,
Paris, Hermann, 1990. Beaudouin, J., Karl Popper, 2ième éd. Paris, PUF, 1991, 128 p.

III.3.2. Pensée épistémologique

a. Orientation générale

Du début à la fin de ses recherches, Popper soutient : « Nous ne savons pas, nous ne
faisons (confection) conjecturer » (LDS, p. 284). Cela veut dire que toute prétention de la
recherche de la vérité doit reposer sur une conception vivante et créatrice de la connaissance
(…) « où les hypothèses se modifient sans cesse au gré des conjectures audacieuses, elles-
mêmes toujours recommencées » (Beaudouin, Op. Cit., p. 9).
29

Les convictions de Popper approfondissent l’intelligence de méthode de travail


scientifique contre les réductions néo-positivistes de la connaissance ; les hommes de la
science doit à la fois reconnaître que le domaine de la science ne se limite pas aux acquisitions
objectives de l’expérimentation, mais au-delà du dualisme entre l’agir et le savoir, la
réhabilitation scientifique des énoncés non scientifiques devrait pousser vers l’unification
formelle du savoir non réduit à l’analyse logique du langage.

b. Genèse du rationalisme critique

La théorie épistémologique de Popper ne se comprend pas si on ne l’aborde pas à


partir de sa culture anti-viennoise ; celle-ci se résume en 5 points :
1. Insuffisance du critère de signification : contre R. Carnap soutenant que la vérité d’une
proposition scientifique équivaut à sa vérification, Popper observe que les lois de la nature
s’expriment sous la forme des définitions en extension, et donc qu’elles se traduisent à la
manière des énoncés métaphysiques employant des termes universels ; d’où il s’avère que
le sens des théories scientifiques repose sur une certitude non strictement objective des
propositions de base qui, assimilées à des énoncés métaphysiques, sont rejetées par les
néo-positivistes sous prétextes qu’elles seraient dépourvus de sens.
A cause de son insuffisance, les critères de significations devraient être remplacé par celui
de la démarcation.
2. La vraie base des théories scientifiques différente proposition protocolaire (description
rigoureuse d’expériences immédiates), mais l’usage des énoncés généraux à prédicats
dispositionels.
Exemple : Si X est plongé dans l’eau est soluble dans l’eau si et seulement si X se dissout
dans l’eau.
3. Tous les prédicats descriptifs étant dispositionnels, les termes universels ne peuvent être
réduits à des classes d’expériences ; cette réduction n’est en effet qu’un psychologisme
traduit en termes d’expression formelle. La logique de la découverte scientifique évolue
donc dans un cadre de probabilité non pas simplement logique mais largement
existentielle c'est-à-dire une objectivité approximative soutenue par une certitude d’ordre
métempirique.
4. En logique (d) d’une recherche scientifique rigoureuse, la démarcation fait apparaître que
la probabilité scientifique est positivement testable, à la fois réfutable et corroborable dans
le champ de falsification au moyen des hypothèses expérimentales objectivement
sélectionné.
5. La conclusion scientifiquement logique de la position poppérienne vienne est la suivante :
la connaissance objective ne se réduit pas aux seuls énoncés expérimentaux de la science
initiée, elle déborde ce sous-ensemble et inclut même le domaine métempirique dont la
certitude relève méthodologiquement parlant de l’inférence déductive…

c. Etapes critiques de la recherche positive selon Popper

1. La falsifiabilité
Le 1er principe pour entamer la recherche objective consiste à se convaincre que les
conclusions scientifiques ne sont pas dogmatiques, elles se soumettent à des tests qui peuvent
les infirmer.
30

2. La démarcation
Le mode inductif du raisonnement scientifique n’est pas strictement expérimental, il
combine l’épreuve conclusive de cas particulier avec un raisonnement déductif à base logico-
hypothétique.

3. La testabilité
La connaissance objective du raisonnement résulte du succès qu’une hypothèse
acquiert sur d’autres hypothèses qui la contrôlent. Ne peuvent être contrôlées par la même
méthode que le contrôle qu’elles exercent, elles demeurent non testables comme énoncé de
base mais sont par ailleurs confirmées par des tests existentiels plus large que ceux
strictement objectifs.

4. La corroboration
L’hypothèse dont l’énoncé surmonté l’épreuve falsificatrice est retenue meilleure (le
méliorisme) que d’autres hypothèses actuellement possibles dans le même domaine. Elle
acquiert un degré supérieur de certitude et vaut comme loi ou théorie scientifique jusqu’à
preuve du contraire.

5. Le décisionnisme
Vu l’insuffisance du critère de vérification et eu égard à la fécondité de celui de la
démarcation, la communauté des savants experts d’un domaine décide en connaissance de
cause de vaincre le trilemme de Fries (psychologisme, régression à l’infini, préférence
arbitraire) par une logique de la découverte dont les lois objectives se concluent par la
préférabilité d’une conjecture dont l’énoncé non compétent protocolaire présente un plus haut
degré de probabilité. Ce faisant la recherche scientifique met en œuvre une logique déductivo-
inductive scientifiquement, évoluant par des hypothèses audacieuses (conjonctures) que des
tests réfutant ne cessent de mettre à l’épreuve.

Lectures :
- H. BARREAU et R. BOUVERESSE, Dir., Karl Popper, Science et philosophie,
Paris, Vrin, 1991.

- J. BAUDOUIN, Karl Popper, 2ième éd., Paris, PUF.

- R. BOUVERESSE, (Idem), Karl Popper et la science d’aujourd’hui, Actes du


colloque de Cerisy, Paris, Aubier, 1989.

- A. BOYER, Introduction à la lecture de Karl Popper, Paris, Presses de l’Ecole

Normale Supérieure, 1994, 288 p.

- K.R. Popper : Une épistémologie laïque ?, Paris, P.E.N.S, 1978.

- « Popper et Schlick : Signification et vérité », in Les Etudes


philosophiques, Paris, P.U.F, 2001, pp 349-370.

- J.-F. MALHERBE, La philosophie de Karl Popper et le positivisme logique, 2 ième


éd., Paris, P.U.F, 1979.

- J.-G. RUELLAND, De l’épistémologie à la politique : La philosophe de


l’histoire de K.R. Popper, Paris, PUF, 1991.

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