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PROJET DE RECHERCHE EN SCIENCE POLITIQUE

(Extraits du Cours de Méthodologie de la recherche et de la rédaction du Mémoire de Master en


Science politique)

Par Dominique BANGOURA, Docteur d’Etat et HDR1 en Science politique,

Tout étudiant voulant préparer un Mémoire de Master (ou une Thèse de Doctorat) en Science
politique est appelé à rédiger un Projet de recherche (ou Protocole de recherche) qu’il va
soumettre à un Professeur/Directeur de recherche en vue d’obtenir l’accord de ce dernier pour
la direction de son Mémoire.

Le Projet de recherche est identique à l’Introduction du Mémoire (ou de la Thèse). Lorsque


l’étudiant a terminé de rédiger son Projet de recherche et que ce projet est validé, il dispose
alors de l’Introduction de son Mémoire ou de sa Thèse.

LE PROJET DE RECHERCHE ou L’INTRODUCTION doit comprendre, dans l’ordre ci-


dessous, tous les éléments suivants de A à H :

A. Contexte et justification du sujet

Il s’agit de situer le sujet dans son contexte, ce qui renseigne sur le choix du sujet et l’intérêt du
sujet (ou la justification) :

- clarification du contexte général : faire le constat de départ par rapport au sujet ; identifier les
conditions d’émergence du sujet ;

- clarification de la pertinence scientifique et sociétale (ou politique et sociale) du sujet/ ou de


l’intérêt du sujet.

B. Définition des termes-clés et des concepts du sujet

- Définition, à l’aide de dictionnaires spécialisés (en science politique, droit, sociologie


politique, relations internationales, économie internationale … etc.) des termes et des concepts
du sujet.

- Présentation du travail de théorisation dont les concepts ont fait l’objet jusque-là. Si
nécessaire : discussion, déconstruction et/ou reconstruction des concepts.

- Opérationnalisation de ces concepts : indiquer le traitement dont ils feront l’objet dans votre
Mémoire, dans le processus de résolution du problème soulevé (voir : problématique).

C. Délimitation du sujet dans l’espace et le temps

Préciser le lieu (quartier, région, pays, continent …) et la période concernant le sujet (ex. de
1990 à nos jours).

1
HDR : Habilitée à Diriger les Recherches de Doctorat, par l’Université de Strasbourg (France).

1
D. Construction du cadre théorique

1. Très important : commencer par situer votre sujet dans l’une des 4 branches ou dans
plusieurs branches de la science politique2.

A cet effet, utiliser plusieurs manuels et ouvrages de référence de la discipline. Comparer les
approches des différents auteurs. Cette démarche permet de se remémorer le cadre scientifique
et d’identifier les angles ou pistes d’attaque pour aborder le sujet.

Parfois, un sujet est abordé dans une approche multidisciplinaire (science politique, droit,
sociologie, économie, philosophie, histoire, géographie…) : dans ce cas, se replonger dans les
ouvrages de base de chaque discipline scientifique concernée.

2. Identifier la ou les théories pertinentes concernant le sujet ainsi que l’approche


épistémologique

• Approche théorique / théorie(s)


Une théorie est un ensemble de lois, de règles, de principes, d’idées, de postulats, de concepts
sur un sujet particulier. C’est un système conceptuel élaboré pour tenter d’expliquer certains
phénomènes. C’est un ensemble de connaissances abstraites.

Selon Philippe Braillard, « on peut dire, d’une façon tout à fait générale, qu’une théorie est une
expression, qui se veut cohérente et systématique, de notre connaissance de ce que nous
nommons la réalité. Elle exprime ce que nous savons ou ce que nous croyons savoir de la
réalité3 ». La principale fonction d’une théorie est d’expliquer un phénomène en établissant des
liens, notamment causals, entre les éléments qui le composent. Une autre fonction de la théorie
est de prévoir l’évolution future de la réalité qui constitue son objet.

En relations internationales, par exemple, les théories existantes sont :


-la théorie réaliste (ce qui est) ;

-la théorie libérale (ce qui pourrait ou devrait être) ;

-la théorie marxiste (critique de ce qui est et conception globale propre au marxisme) ;

-la remise en cause des théories classiques (néoréalisme, néolibéralisme, néomarxisme) et


le renouvellement théorique par de nouvelles approches : les théories non positivistes, la
sociologie politique des relations internationales, le constructivisme…

2
Branches de la Science politique : Théories et idées politiques ; - Sociologie politique et politique comparée ; -
Science administrative et politiques publiques ; - Relations internationales et géopolitique.
3
Philippe BRAILLARD, Théories des relations internationales, Paris, Presses universitaires de France (PUF).

2
• Epistémologie
L’épistémologie, selon A. Bélanger est « une démarche analytique qui a pour objet de dégager,
d’identifier et d’évaluer les fondements du discours scientifique ». L’épistémologie de la
science politique a donc pour intention de mettre en lumière les postulats qui sous-tendent les
diverses théories de la science politique.

Ce mode d’analyse est rendu nécessaire en sciences politique et sociales en raison de la diversité
des voies offertes dans l’explication des phénomènes observés. Il est souhaitable, voire
impératif, que le chercheur soit conscient des choix théoriques qu’il opère au moment où il pose
une problématique ou encore une hypothèse de travail.

L’épistémologie a pour fonction de rendre évidentes les assises d’une théorie et de jauger ses
diverses qualités explicatives (ou les écueils). Elle est appelée à en dégager la logique, la portée
et aussi les limites. L’objectif est d’arriver à reconnaître ou dégager par soi-même les postulats,
de faire soi-même de l’épistémologie.

En science politique, les principales écoles épistémologiques sont : le normativisme,


l’empiricisme, le criticisme et l’éclectisme. Conformément à ces écoles, les travaux de
recherche en science politique souscrivent soit à une approche normative, soit à approche
empirique et analytique, soit encore à une approche critique et dialectique, soit enfin à une
approche éclectique. Chaque approche épistémologique a des implications méthodologiques
qui lui sont propres. Cette clarification vise à montrer que l’empiricisme, qui a longtemps été
présenté comme la seule école épistémologique en science politique, n’est plus de mise. Dès
lors, la typologie des travaux de recherche se présente comme suit :

• Recherche normative
La recherche normative se fonde sur les normes, les valeurs, l’éthique. Exemple : le droit
est fondé sur des normes. Exemple : les idéologies. Exemple : un idéal-type (ou un type-
idéal selon Max Weber). Autres exemples : une recherche sur la paix, sur la démocratie est
une recherche normative : on aspire à la paix, on recherche la paix, on vise à atteindre un
idéal…

• Recherche empirique et analytique


La recherche empirique se divise d’une part, en « recherche qualitative » et d’autre part, en
« recherche quantitative ». La recherche qualitative est une démarche empirico-inductive
qui repose sur l’observation rigoureuse du terrain et qui permet de passer du particulier au
général. La recherche quantitative est une démarche déductive qui se fonde sur la
connaissance et le raisonnement (Descartes) et permet de passer du général au particulier.

• Recherche critique et dialectique


La recherche critique a été développée par exemple par Marx à partir d’une vision globale
de la société et des postulats propres au marxisme.

• Recherche éclectique.
La recherche éclectique est ouverte à différentes approches scientifiques qui peuvent
s’enrichir mutuellement.

3
3. Comment expliquer un phénomène politique ?

Selon Philippe BRAUD la question qui se pose pour le chercheur, est celle de savoir s’il
convient de décrire ou construire la réalité. Selon lui, quelle que soit l’option ou la méthode
retenue, expliquer un phénomène politique consiste à élucider les dimensions de l’objet à
étudier : des situations socialement structurées, des individus en interaction, des pratiques
productives d’effets de réalité, ainsi que les dimensions de la compréhension : identifier les
causes, dégager les lois et saisir le sens4.

E. Revue de la littérature

Ce n’est pas la bibliographie. Elle vise à recenser les principaux ouvrages de référence sur le
sujet (généraux et spécialisés) afin de voir/savoir ce qui a été traité et ce qui n’a pas été traité
jusque-là sur le sujet.

Elle a pour objectif de montrer en quoi tel ou tel auteur est d’un apport important pour le sujet
ou qu’il reste à démontrer tel ou tel aspect du sujet ou encore qu’il convient d’aborder une
nouvelle approche de ce sujet. Il s’agit de citer des auteurs et des ouvrages et de présenter une
partie de leurs travaux en rapport avec le sujet.

Elle aide à mieux percevoir l’originalité et la pertinence scientifique du sujet.

F. Position du problème. Problématique : questions et hypothèses

Quel est le problème de recherche ? Qu’est-ce qui est préoccupant dans le sujet ? Qu’est-ce que
je veux savoir et montrer dans le mémoire ? Expliquer le problème en une page ou une demi-
page. Puis :

Formuler la question de recherche (une seule, qui porte sur tout le mémoire) : c’est le fil rouge,
le fil conducteur du mémoire.

Formuler ensuite des questions spécifiques ou sous-questions (deux ou trois, relatives aux Titres
de la Thèse ou aux Parties du Mémoire).

Puis formuler l’hypothèse générale (relative à tout le mémoire) et les hypothèses explicatives
ou sous-hypothèses (deux ou trois, relatives aux Titres de la Thèse ou aux Parties du Mémoire).
L’hypothèse est l’affirmation de ce que je vais devoir démontrer dans le Mémoire.

Question principale (portant sur tout le mémoire)

-sous-question 1

-sous-question 2

-éventuellement sous-question 3

4
Philippe BRAUD : Sociologie politique. Paris, LGDJ, 1992, p. 404-449.

4
Remarque : Si vous formulez 3 sous-questions : votre plan comprendra 3 sous-hypothèses donc
3 Parties. Si vous en formulez 2, votre plan comprendra 2 Parties. A chaque question et sous-
question correspond une hypothèse et des sous-hypothèses.

Hypothèse principale (portant sur tout le mémoire)

-sous-hypothèse 1

-sous-hypothèse 2

-éventuellement sous-hypothèse 3

Attention : les questions se terminent par un ? tandis que les hypothèses sont des phrases
affirmatives.

G. Méthodologie

Comment vais-je m’y prendre concrètement pour élaborer le mémoire ou la thèse ?

Exposer la démarche (étape par étape) qui va sous-tendre le travail de recherche.

Indiquer toutes les techniques de collecte des données :

• ouvrages, articles, rapports, textes officiels, documents multimédias, archives etc.


• observation du terrain, entretiens, questionnaires, enquêtes etc.
H. Annonce du Plan

Présenter en une page les différentes Parties du Plan (Parties, Chapitres).

Celles-ci sont en cohérence avec les hypothèses explicatives et constituent des réponses
partielles aux questions de recherche.

Le nombre de parties est donc tributaire du nombre d’hypothèses explicatives. Deux ou trois
Parties sont recommandées, pas plus.

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