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LA BONNE GOUVERNANCE
DE LA DICTATURE DU PIB/PNB À LA VALORISATION DE
L’EXISTENCE HUMAINE
LA BONNE GOUVERNANCE
DE LA DICTATURE DU PIB/PNB À LA VALORISATION DE
L’EXISTENCE HUMAINE
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SOMMAIRE
Sommaire……………………………………………………………………………………...4
Syllabus du cours……………………………………………………………………………..5
Introduction………………………………………………………………………………….10
I. Naissance et définitions de la bonne gouvernance………………………………………
II. L’approche par les capabilités : de la richesse des objets à la richesse des existences
humaines réelles…………
Références bibliographiques………………………………………………………………..
Table des matières…………………………………………………………………………...
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Institut Universitaire
d'Abidjan
01BP 12159 Abidjan 01, Tél. 22 42 22 65/ 22 42 27 24 / 22 52 55 67 /07 23 18 62 / 05 23 52 35
Les pré-requis
Bonne base en science politique, en philosophie politique et en économie politique
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*Progression du cours
N° de Séance Contenu Lectures/travaux
Séance 1 Le contexte d’émergence de la notion
Date : bonne gouvernance
Exposé : la bonne
Séance 2 Développement économique et bonne gouvernance
Date : gouvernance économique en Côte
d’Ivoire
Séance 3 L’approche restrictive de la notion de
Date : bonne gouvernance
Le caractère instrumental de la notion de
Séance 4 bonne gouvernance telle que conçue par la
Date : Banque mondiale et les institutions
internationales
La définition de la bonne gouvernance par
Séance 5
la Banque mondiale : une approche
Date :
étriquée de la gouvernance
Séance 6 La bonne gouvernance économique : la
Date : dictature du PIB/PNB
Lecture : Amartya
Sen, 2010, L’idée de
justice, trad. P.
Séance 7
La théorie des capabilités Chemla, Paris,
Date :
Flammarion,
Troisième partie,
Chapapitres 11 et 12
Séance 8 Du passage de la dictature des objets à
Date : celui des vies humaines
Séance 9
Des capabilités fonctionnelles de base
Date :
Exposé : la Côte
d’Ivoire et la
Séance 10
La gouvernance institutionnelle question de la
Date :
gouvernance
institutionnelle
Exposé : Stratégies
de lutte contre la
Séance 11
La gouvernance sociale pauvreté et bonne
Date :
gouvernance selon le
PNUD
6
Exposé : la bonne
Séance 12 administration : le
La bonne administration
Date : cas de la Côte
d’Ivoire
Séance 13
Le redimensionnement
Date :
Séance 14
La rationalisation des objectifs
Date :
Séance 15
La redynamisation des structures
Date :
Séance 16
La modernisation de l’administration
Date :
Séance 17
L’objectif de la régulation
Date :
Séance 18
Les contrôles
Date :
Exposé : Écologie et
Séance 19
La gouvernance environnementale développement
Date :
durable
Modalités d’évaluation
Evaluation continue : 60%
Participation 10%
Interrogations 15%
Devoirs sur table 20%
Travaux à rendre 15%
Examen final en fin de semestre 40%
1ère session : à la fin du cours
INTRODUCTION
Ce cours porte sur l’Éthique de la gouvernance. En tant que tel, il s’efforce d’interroger
et de critiquer les normes et les valeurs qui fondent la bonne gouvernance. Notion
relativement récente, la bonne gouvernance apparaît, pour la première fois, dans un rapport de
la Banque mondiale (BM) en 1989. Dans ce rapport, la BM rendait compte des difficultés qui
ont entravé et rendu inopérante l’application des programmes d’ajustement structurel (PAS)
qu’elle avait savamment élaborés, mue certainement par un souci d’humanisme intégral, en
vue d’aider les pays endettés, essentiellement les pays pauvres, à sortir de la crise économico-
financière des années 1970 – qui, depuis lors, n’a de cesse de s’aggraver – pour amorcer une
croissance durable. Très vite, la notion de bonne gouvernance est reprise par toutes les
institutions financières et les organisations internationales. Le contexte de son émergence
ainsi que les objectifs visés à sa naissance ont conduit ses concepteurs à la définir comme la
bonne gestion des affaires publiques en vue du développement économique. Ainsi, est-elle
perçue comme un simple outil d’enrichissement dont la finalité est de promouvoir et de
garantir un développement économique stable et compétitif. La mesure de son être est donc
clairement identifiée : l’accroissement du produit intérieur brut (PIB) et du produit national
brut (PNB).
Tout le monde s’accorde à reconnaître que la notion de bonne gouvernance tire son
origine des institutions financières ; précisément, elle a été d’abord élaborée par la BM, dans
l’intention de trouver des critères applicables à l’octroi de prêts, puis adoptée, par la suite, par
d’autres organisations internationales. Aussi, est-il important de ne pas perdre de vue le
contexte de sa genèse.
Dans le contexte d’une économie internationale d’endettement dans les années 1970, la
BM et le Fonds monétaire international (FMI) sont intervenus dans la détermination des
politiques des pays endettés, notamment au travers des PAS, aussi appelés « programmes de
réformes économiques ». L’un des critères applicables majeurs retenus par la BM, pour
l’octroi de prêts aux pays endettés, particulièrement aux pays pauvres, afin de les aider à
combattre la crise économique et financière qui sévissait alors, préconisait la mise en place
par ces pays respectifs d’un État minimum. Mais, vu les nombreuses critiques dont elle a été
l’objet du fait de l’inefficacité de ses programmes, la BM délaisse le critère qui promeut l’État
minimum au profit de celui promouvant l’État au service du marché. Nonobstant ce
changement de paradigme, les PAS conçus, pensés et mis en œuvre par la BM sont demeurés
inefficients. Cette inefficacité des PAS à mettre un terme à la crise économique transparaît
dans la publication par la BM d’un rapport sur l’Afrique sub-saharienne intitulé L’Afrique
sub-saharienne. De la crise à une croissance durable. Étude de prospective à long terme
(Washington, 1989). Dans ce rapport, la BM justifie l’inefficacité d’application de ses PAS
par le manque de bonne gouvernance des pays qui en ont bénéficié. Ainsi apparaît pour la
première fois, en 1989, dans le lexique économique et politique la notion de bonne
gouvernance.
Consciente des apories qui ont rendu inopérants ses programmes, la BM préconisa
d’autres réformes ou critères applicables à l’octroi de prêts. Ces réformes, essentiellement
d’ordre institutionnel, pour les pays en voie de développement, sont contenues dans deux
rapports : « Governance and Development » en 1992 et « Governance. The World Bank’s
perspective » en 1994. Ainsi, suivant ces nouvelles réformes, la gouvernance, pour la BM,
inclut-elle tout à la fois le type de régime politique, le processus par lequel le pouvoir s’exerce
dans la gestion des ressources économiques et sociales d’un pays en vue de son
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Toutes ces définitions ont ceci en commun qu’elles identifient bonne gouvernance et
développement économique. Elles estiment, en effet, que le propre de la « gouvernance » est
de favoriser la croissance économique, que le développement économique est en lui-même
suffisant pour caractériser la bonne gouvernance. Or, cette approche économique de la bonne
gouvernance est, à n’en point douter, restrictive, instrumentale et étriquée.
L’étude a reposé exclusivement sur les facteurs économiques et a privilégié les résultats,
à la fois des entités privées et des institutions publiques. Ainsi, par exemple, pour accorder un
prêt, la BM se fondait exclusivement sur des considérations économiques, tandis que les
considérations d’ordre politique étaient expressément exclues (article IV, section 10, des
Statuts de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement « BIRD »). La
notion de bonne gouvernance, développé par la BM, ignore ainsi largement certains aspects
importants de la démocratie. Cette vision est indissociable de la nature même de la Banque et
de ses principales caractéristiques, qui permettent difficilement de s’opposer, même au moyen
d’un processus démocratique dans le pays concerné, à une évaluation fondée sur l’efficience
économique.
De même que la BM, l’approche du FMI était strictement économique qui mettait
l’accent sur la gouvernance économique. Selon la vision du FMI, les institutions publiques
doivent être contrôlées et responsables de leurs actions. L’État doit pouvoir assurer la stabilité
des marchés à travers une réelle politique monétaire et fiscale. Ainsi, l’objectif de
développement était-il purement économique et ne tient-il pas compte des facteurs sociaux et
culturels. Dès lors, l’instauration d’institutions stables a pour objectif d’attirer les
investissements du secteur privé.
Il faut également assurer aux entreprises une politique qui rende le crédit fluide et bon
marché, quelles que soient les garanties dont les banques ne manqueront pas de s’entourer, le
tout dans le cadre d’une politique monétaire rigoureuse. L’État devra mettre en place un
système d’incitation fiscale encourageant l’investissement, l’exportation et la création de
nouveaux emplois, tandis que les infrastructures, de manière générale, devront être
renouvelées et bien entretenues. Ainsi pour des institutions telles que la BM et le FMI, la
bonne gouvernance est une affaire purement économique. Cependant, à partir des années 90,
l’approche de ces deux institutions de la bonne gouvernance, omettant, entre autres, la
démocratie et les droits de l’homme, fut largement critiquée.
Pour faire face à ces critiques et espérer ainsi atténuer leurs effets, la BM et le FMI
développent ensemble l’initiative des pays pauvres très endettés (PPTE) en 1996.
L’éradication de la pauvreté intègre alors les conditions de bonne gouvernance des institutions
financières. Désormais, les principes afférant à la bonne gouvernance sont le management du
secteur public, la responsabilité, l’implantation d’un cadre juridique, la transparence,
l’information, la règle de droit et la lutte contre la corruption. À partir de cette époque, se
développe une multitude de recommandations morales au nom de la bonne gouvernance au
sein des organisations internationales.
La réforme du système judiciaire est indispensable pour assurer un État de droit capable
de garantir « un environnement stable et prévisible pour les transactions économiques et pour
garantir la croissance et l’équité » (A. Saldomando, Ibid., p. 104). La sécurité judiciaire est
essentielle pour attirer les investisseurs. L’absence d’un système judiciaire adéquat constitue
un obstacle au développement du pays. « Les investisseurs sérieux cherchent un système légal
qui protège et respecte le droit de propriété et les contrats, qui échappe à l’action du
gouvernement et aux pressions des groupes d’intérêts » (A. Saldomando, Ibid., p. 104).
De même, l’UE ne cache pas ses intentions derrière la notion de bonne gouvernance,
notamment lorsque la Commission définit les principes de la politique commerciale de l’UE
dans sa communication de « Europe : Competing in the World ». En effet, dans le cadre de sa
politique de développement, celle-ci multiplie les accords de libre-échange établissant un
processus d’ouverture des marchés et de désarmement tarifaire principalement en Amérique
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latine et en Asie. Les processus de réformes juridiques et institutionnels, s’insérant dans les
programmes de la bonne gouvernance, combinés avec les processus d’uniformisation
régionale des règles en matière d’investissement et de concurrence, poursuivent l’objectif de
la pénétration des multinationales européennes dans les pays en voie de développement, ceux
dont les marchés sont émergents. Même si l’UE tente de se différencier des autres
organisations internationales dans ces accords commerciaux, l’objectif poursuivi est le même,
l’ouverture et l’accès à de nouveaux marchés.
La BM, le FMI, ainsi que l’UE ont donc pour objectif commun l’économie de marché
déréglementée et insérée dans la mondialisation, avec un État minimaliste mais normatif. La
démocratie est aussi normative ; cependant, elle ne doit pas empiéter sur la liberté de marché.
« La bonne gouvernance est la compétence du gouvernement et des institutions pour
administrer le pouvoir et les ressources économiques et sociales » (A. Saldomando, Ibid., p.
104). L’UE comme la BM et le FMI ne permettent pas l’implantation de la démocratie dans
les pays partenaires, notamment en soutenant les acteurs privés et en délaissant les
institutions. Cependant, l’UE tente de se démarquer en imposant dans ces accords
commerciaux une « clause démocratique » qui est en principe contraignante.
La clause démocratique, contenue dans les accords de partenariat entre l’UE et d’autres
États, n’a qu’un seul objectif, légitimer l’action de l’UE. Pour exemple, l’UE et la Colombie
et le Pérou ont signé un accord de libre-échange, qui contient cette clause démocratique. Mais,
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vu la situation des droits de l’homme dans ces pays, notamment en Colombie, il est certain
que cette clause ne sera pas respectée, avant même que l’accord ait été ratifié. Par ailleurs, la
Chine échappe constamment à cette clause démocratique dans les accords de partenariat avec
l’UE. Cette clause ne constitue alors qu’une apparence donnée par l’UE.
Hogenboom, Op. cit., p. 185). Les droits humains, politiques et sociaux sont instrumentalisés
et ne servent qu’à des objectifs économiques.
La notion de démocratie dans les politiques de développement a été introduite pour que
ces politiques extérieures acquièrent davantage de légitimité. L’implantation de la démocratie
n’est pas un objectif des politiques de développement. En effet, on peut constater que dans le
cas où les pays en développement ouvrent leurs marchés, alors l’UE, le FMI et la BM
poursuivent leur coopération avec ces États, même si ceux-ci ne respectent pas la démocratie
et les droits de l’homme, comme, par exemple, la Colombie et la Chine. Il existe des pays
pourtant non démocratiques et qui connaissent un développement économique important.
Dans ses trois traités rassemblés sous le titre de Genèse de l’arithmétique politique,
écrits en 1676 et publiés en 1691, Petty indiquait sa motivation : il se proposait d’examiner si
« les sujets du roi » se trouvaient « dans une situation aussi mauvaise que l’ont dit des
hommes mécontents » ; et les deux mesures qu’il avait avancées pour juger ladite situation
étaient « la sécurité commune » et « le bonheur particulier de chaque homme ». Cette noble
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intention au fondement de l’estimation quantitative du revenu national qui mettait l’accent sur
« le bonheur particulier de chaque homme », la richesse des existences humaines concrètes, fit
place à la dictature du PNB/PIB, laquelle a fini par faire des moyens d’existence le terminus
a quo et le terminus ad quem de toute sur le revenu national. C’est contre cette vision étriquée
de l’estimation quantitative du revenu national que se dresse la théorie des capabilités qui
s’efforce d’y introduire la richesse des existences humaines.
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