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Deux ans après la publication de Public fantôme de Lippmann (1925), John Dewey rédige une
réponse aux thèses de Walter Lippmann dans Le Public et ses problèmes (1927) : s’il partage
son constat initial (= crise de la démocratie dans une société de plus en plus complexe), il
n’est pas d’accord sur les solutions à lui accorder => l’incompétence des citoyens n’est pas
une fatalité, les individus disposent de capacité d’analyse et de réaction. Pour Dewey, les
causes de cette incompétence sont socioculturelles => son but est de réfléchir aux façons
de permettre l’émergence de publics pour améliorer la démocratie.
● Présentation de Dewey :
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dans une société devenue plus complexe). Les connaissances, les croyances, doivent être liées
au monde réel, doivent permettre l’action. On a donc une vraie opposition ici entre les
philosophes plutôt classiques (Aristote, Descartes) qui étudient les « idées », et les
philosophes pragmatistes qui veulent connecter les sciences avec le monde réel.
L’ensemble des travaux de Dewey est donc marqué par la volonté de se distancier de la
philosophie classique, qu’il considère trop éloignée des préoccupations humaines. Il veut au
contraire faire de la philosophie (en fait de la science) un instrument permettant aux êtres
humains de résoudre les problèmes auxquels ils doivent faire face dans leur vie.
Dewey est aussi très connu pour ses travaux sur la pédagogie : il insiste sur la nécessité de
donner aux étudiants, aux élèves, les moyens de participer activement à la vie publique et
sociale. Egalement volonté de lier apprentissage des connaissances et utilisation => exemple
des mathématiques.
C’est enfin un fervent défenseur de la démocratie : elle ne repose pas, selon lui, sur un
gouvernement mais sur les publics, qui chargent leurs représentants de protéger leurs intérêts.
La démocratie, ce n’est donc pas un gouvernement, ce ne sont pas des élus ; la
démocratie ne prend sens que parce qu’il y a des publics = ceux qui sont les mieux placés
pour définir leurs intérêts et contrôler le pouvoir des élus. Le gouvernement n’a pas de
mission prédéfinie, il n’est qu’un émissaire (chargé de mener une mission).
● Dewey et la démocratie
John Dewey s’oppose aux conclusions de Lippmann qui veut mettre en place un groupe
d’experts entre le public et le gouvernement. Cette proposition est inacceptable pour lui car
c’est l’opinion publique qui donne les directions que doit prendre le gouvernement. Ce qui
définit la démocratie, c’est donc le public.
Qu’est-ce qu’un public pour Dewey ? Le public rassemble des individus qui se regroupent
pour contrôler les conséquences des affaires humaines = donc, si vous préférez, pour gérer
et diriger ce que doit être le vivre ensemble
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très dispersés, affectés par des influences si variées qu’il devient impossible de «
s’identifier » comme un public.
- Pour devenir actif, le public doit prendre conscience de son intérêt, porter des
jugements sur ce qui doit être fait et évaluer l’efficacité de la politique publique
mise en place pour pallier ce problème.
Il faut que les publics identifient leurs intérêts pour pouvoir formuler des jugements.
C’est pourquoi Dewey subordonne notamment la reconstruction du public au
développement des sciences (= les aider à définir et exprimer leurs intérêts).
Pour lui, le problème vient du fait que le public ne peut plus se trouver, c’est-à-dire
qu’il ne peut plus établir seul ses intérêts et lutter pour leur protection. Il s’agit donc en
partie d’un problème de communication.
● L’éclipse du public
Si Lippmann parle d’un public fantôme pour désigner l’absence de public véritable, Dewey
parle quant à lui d’une éclipse du public. Comme Lippmann, il constate qu’il existe une
apathie politique qui traverse la société américaine (plus de 50% des gens vont ainsi voter par
habitude, par tradition, ou encore pour accomplir leurs devoirs civiques ; de plus, ils votent
contre quelque chose, rarement pour quelqu’un). Pour Dewey, cette situation – produit du
décalage entre les pratiques actuelles et la structure politique traditionnelle – provient de
l’inaptitude des gens à s’identifier aux questions politiques et sociales.
= Il n’existe donc pas encore d’opinion publique effective.
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contribue par ailleurs à dévaloriser les politiques) et une impossibilité pour les
individus de se positionner en tant que public face à des situations devenues trop
complexes (on revient donc à l’idée qu’ils n’arrivent plus à identifier leurs intérêts, et
donc de se constituer en public). => « Les hommes sont pris dans un flot de de forces
trop vaste pour qu’ils les comprennent ou les maîtrisent »
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- Vie sociale de plus en plus instable, ce qui pose des questions sur les possibilités de
s’associer.
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d’accord sur leurs intérêts, ils ont besoin qu’émergent de nouveaux types de
connaissance.
« Sans une telle communication, le public restera indistinct et sans forme, se
cherchant spasmodiquement, mais saisissant et agrippant son ombre plutôt que sa
substance. Tant que la Grande société ne sera pas convertie en Grande
Communauté, le Public restera éclipsé. Seule la communication peut créer une
grande communauté »
On l’a dit à plusieurs reprises, le public se forme pour Dewey en se positionnant sur les
conséquences des affaires humaines. C’est pourquoi il insiste sur la liberté tant de l’enquête
sociale que de ses conclusions : il faut que les individus soient conscients de tous les enjeux
d’un problème afin de pouvoir se constituer en public. Ces deux conditions ne sont cependant
pas suffisantes : si la liberté d’expression est certes nécessaire à l’enquête sociale, elle ne
constitue qu’une condition négative.
Troisième condition : le développement de méthodes et de moyens
expérimentaux pour que toutes les sciences soient liées à des enjeux humains.
Pour lutter contre cette tendance, Dewey veut reconnecter les sciences avec le monde
réel.
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Exemple de l’économie : Ces dernières années, notamment avec la crise économique, on a
pris l’habitude de justifier de nombreuses politiques (notamment d’austérité) en raison de
principes économiques abstraits, avec l’idée que l’économie « fonctionne comme ça » =>
Dans une perspective pragmatiste, on peut critiquer cette vision de l’économie, en disant
qu’elle ne peut se résumer à des théories mathématiques abstraites qu’il s’agirait d’appliquer.
Ces théories ne prennent pas en compte le fait que les acteurs ne sont pas forcément
rationnels (exemple du rapport entre l’Allemagne et la Grèce = ce sont des intérêts différents
qui s’affrontent, non des points de vue rationnels), et ne s’intéressent pas forcément aux
implications humaines (ici prix Nobel qui critique la macroéconomie : la macroéconomie ne
marcherait pas car elle ne prend pas en compte les acteurs dans leur diversité : il y a des gens
prudents et des gens imprudents, qui ont ou non accès à des prêts, etc.).
Pour Dewey, ce problème est perceptible si l’on compare les sciences dures et les sciences
sociales. Les sciences dures utilisent des méthodes expérimentales et sont interconnectées
(l’astronomie n’a pu se développer qu’avec les mathématiques, la physique a pu progresser
grâce à l’astronomie, ce qui a permis d’améliorer la chimie, etc.). Au contraire, les sciences
sociales ne sont pas encore passées à l’expérimentation et restent largement isolées, non
seulement entre elles, mais aussi avec les sciences physiques. Cette situation est critique pour
Dewey car cela mène à séparer connaissances scientifiques et affaires humaines :
- L’expérimentation signifie l’application des sciences au monde social, et donc la
reconnaissance d’un impact sur l’expérience et le bien-être humain ;
- La séparation sciences dures/sciences humaines reconduit d’autres oppositions
(notamment homme/nature) qui conduisent à isoler la science des problèmes humains.
Point sur le pragmatisme et refus de la séparation connaissance/agir.
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2. Elle fait obstacle à la création de publics : l’application dans la vie permet que la
science soit absorbée et distribuée => « Le tort fondamental est que quand la
connaissance de la nature est déconnectée de sa fonction humaine, la compréhension
par l’homme de ses propres affaires et sa capacité à les diriger sont sapées à la
racine »
La science doit donc être reconnectées aux enjeux humains, en pratiquant
l’expérimentation, afin d’être utile aux citoyens (qui peuvent ensuite se constituer
en publics, et former des opinions publiques.)
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consécution, les événements ne sont pas des événement mais de simples occurrences, des
intrusions ; un événement implique ce dont il provient ») => le rôle des médias devraient
être de présenter la signification des événements, ce qu’ils ne font pas encore.
Cette critique des médias n’est cependant pas absolue : pour Dewey, la science et la
connaissance peuvent prendre la voie médiatique. Les médias sont donc bien perçus comme
des outils démocratiques, même s’ils demeurent pour l’instant imparfaits. OUTILS DE
COMMUNICATION DE L’ENQUETE SOCIALE.
CONCLUSION
Pour Dewey, la démocratie est donc en période de crise, non pas parce que les citoyens sont
incompétents, mais parce qu’ils ne peuvent plus communiquer sur ce qui les affectent
(directement et indirectement), et ainsi former des opinions publiques (« l’opinion publique
est un jugement qui est formé et conçu par ceux qui constituent le public et concerne les
affaires publiques ». La société s’est en effet complexifiée et les problèmes que rencontrent
les publics (au sens passif) sont difficiles à identifier. Réformer la manière dont on pense et
effectue les sciences devient dès lors un enjeu politique majeur pour permettre l’émergence de
publics et améliorer la démocratie. Comme Lippmann, il étudie donc la démocratie du point
de vue des publics, mais s’oppose à ses conclusions concernant leur incompétence.
Cette divergence est notamment due à une définition différente de la démocratie : pour
Dewey, la base de la démocratie n’est pas à trouver dans l’idéal d’un citoyen omnicompétent ;
la démocratie est pour lui basée sur le postulat de la participation des individus à la
règlementation des formes de leur propre existence. L’opinion publique est ainsi ce qui
doit servir de base à la démocratie, elle permet de contrôler la conduite politique et de lui
donner une direction.
Théorie qui est ainsi beaucoup plus progressiste que celle de Lippmann. Cela ne le mène
cependant pas à adopter une posture naïve : Dewey ne croit pas que tous les individus vont se
mettre à lire des résultats d’enquêtes scientifiques ; il pense en revanche qu’une fois ces
informations publiées, elles feront l’objet de circulation et de transformation => intérêt de
l’art avec artiste comme pourvoyeur de nouvelles.
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La solution que propose Dewey est donc en grande partie basée sur la communication :
réformer la science est nécessaire pour que les publics puissent de nouveau discuter et trouver
un accord sur les affaires publiques. Même si Dewey critique les médias, et de façon générale
« l’âge des machines », sa position n’est pas définitive => la démultiplication des contacts
entre les personnes peut être un remède concret aux pathologies modernes (ignorance et
indifférence). Les médias sont donc vus comme nécessaires à la démocratie même si
leurs productions et usages sont encore insuffisants.
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