Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
DOI : 10.4000/books.editionscnrs.19027
Éditeur : CNRS Éditions
Année d'édition : 2012
Date de mise en ligne : 29 octobre 2019
Collection : Les essentiels d'Hermès
ISBN électronique : 9782271121974
http://books.openedition.org
Édition imprimée
ISBN : 9782271073419
Nombre de pages : 180
Référence électronique
MERCIER, Arnaud (dir.). Médias et opinion publique. Nouvelle édition [en
ligne]. Paris : CNRS Éditions, 2012 (généré le 18 novembre 2019). Disponible
sur Internet : <http://books.openedition.org/editionscnrs/19027>. ISBN :
9782271121974. DOI : 10.4000/books.editionscnrs.19027.
ARNAUD MERCIER
Politologue, professeur en sciences de l’information et de
la communication à l’université de Lorraine où il dirige la
licence professionnelle journalisme et médias
numériques et où il est responsable de l’Observatoire du
webjournalisme (http://obsweb.net).
SOMMAIRE
Bibliographie sélective
Glossaire
Les auteurs
Avant-propos.
Communication et
démocratie
Éric Dacheux
NOTES
1. Voir par exemple : Hermès, no 1, Théorie politique et communication,
1988 ; Hermès no 4, Le nouvel espace public, 1989 ; Hermès no 10, Espaces
publics, traditions et communautés ; Hermès no 17-18, Communication et
politique, 1995 ; Hermès no 26-27, www.démocratielocale.fr, 2000.
AUTEUR
ÉRIC DACHEUX
L’opinion médiatico-publique
14 L’opinion publique sondagière est également fort utile
pour les médias. Dans la longue histoire de la presse, les
inventions se sont succédé pour remplir l’espace éditorial
et offrir de nouveaux services ou informations aux
lecteurs. On a inventé les rubriques, ajouté des cartes
météo, de l’infographie, on a inventé l’interview ou utilisé
les sondages d’opinion. Ces derniers ont pour mérite
d’ouvrir un espace aux commentaires, permettant aux
journalistes de faire étalage de leur qualité
interprétative. De plus, le sondage comme reflet supposé
de l’opinion joue sur un registre décisif pour attirer les
lecteurs : l’identification. Le sondage peut être perçu
comme une façon d’avoir un peu la parole, d’être
entendu dans l’espace public. Ajoutons
qu’économiquement, l’opération peut s’avérer rentable,
car si le sondage est pertinent, les résultats inattendus
ou spectaculaires, la probabilité devient forte qu’il soit
repris et cité dans les autres médias ; sorte de placement
publicitaire gratuit qui ne peut faire de mal pour la
notoriété du titre éditeur du sondage. Voilà pourquoi,
sans doute, les médias français ont manipulé avec tant
d’imprudence les résultats des sondages d’intention de
vote en 2002, alors que de multiples indices révélaient
leur valeur fautive 8 , ce qui aurait dû conduire en bonne
logique à en abandonner la commande et la publication.
15 De plus, les médias revendiquent aussi une mission de
porte-parole du peuple, ici le public, leur public, et ils
(re)fondent leur légitimité dans l’aptitude qu’ils ont à
donner la parole au public par leur entremise. Sonder le
peuple est un des moyens à leur disposition pour affirmer
qu’ils cherchent bel et bien à rester à l’écoute de la
volonté du plus grand nombre.
16 Mais au-delà de l’artefact du sondage, l’intrication entre
médias et opinion publique est plus profonde. On suivra
donc la recommandation de Entman et Herbst :
« L’opinion publique et les médias sont si souvent
confondus et si intimement liés que nous devons
consolider l’étude des médias et de l’opinion publique 9
. » On évoquera donc un système d’opinion publique ou
encore une opinion médiatico-publique, pour désigner le
poids essentiel des médias dans le cadrage proposé de
l’information politique et des données sur l’opinion
publique.
BIBLIOGRAPHIE
Références bibliographiques
ALTHAUS, S., Collective Preferences in Democratic Politics: Opinion Surveys
and the Will of the People, Cambridge, Cambridge University Press, 2003.
ANSART, P., La gestion des passions politiques, Lausanne, L’âge d’homme,
1983.
D’ALMEIDA, N. (dir.), L’opinion publique, Paris, CNRS Éditions, coll. « les
Essentiels d’Hermès », 2009.
ENTMAN, R., Projections of Power: Framing News, Public Opinion and U.S.
Foreign Policy, Chicago, The University of Chicago Press, 2004.
GINGRAS, A.-M., Médias et démocratie, le grand malentendu, Sainte Foy,
Presses de l’université du Québec, 2006.
LOUW, E., The Media & political process, Londres, Sage, 2010.
NOTES
1. BLONDIAUX, L., « L’opinion publique », in GINGRAS, A.-M. (dir.), La
Communication politique, état des savoirs, enjeux et perspectives, Sainte
Foy, Presses de l’université du Québec, 2003, p. 139.
2. ENTMAN, R. M., HERBST, S., « Reframing Public Opinion as we Have Known
it », in BENNETT, L., ENTMAN, R. (dir.), Mediated Politics : Communication and
the Future of Democracy, New York, Cambridge University, Press, 2001,
p. 203-225.
3. BOURDIEU, P., « L’opinion publique n’existe pas », Questions de sociologie,
Paris, éditions de Minuit, 1984, p. 222-235.
4. CAYROL, R., La revanche de l’opinion. Médias, sondages, Internet, Paris,
éditions Jacob-Duvernet, 2007, p. 19.
5. BLONDIAUX, L., « L’opinion publique », in GINGRAS, A.-M. (dir), op. cit., 2003,
p. 141.
6. Ibid., p. 150-151.
7. Ibid.
8. Voir notre analyse : MERCIER, A., « Les Médias en campagne », in PERRINEAU,
P., YSMAL, C. (dir.), Le vote de tous les refus, Paris, Presses de Sciences-Po,
2003, p. 53-87.
9. ENTMAN, R. M., HERBST, S., op. cit., 2001, p. 221.
10. KAUFMANN, L., « L’opinion publique : oxymoron ou pléonasme ? »,
Réseaux, vol. 21, no 117, 2003, p. 272-274.
11. BADIE, B., « L’opinion à la conquête de l’international », Raisons
politiques, 2005, vol. 3, no 19, p. 10.
12. ENTMAN, R. M., HERBST, S., op. cit., 2001, p. 209.
AUTEUR
ARNAUD MERCIER
NOTE DE L’ÉDITEUR
Reprise du no 19 de la revue Hermès, Voies et impasses
de la démocratisation, 1996
1 Au cœur du phénomène inédit de la chute subite du
système totalitaire russe, de l’abrupt passage du
communisme à la démocratie, de l’économie planifiée au
libéralisme, on trouve les « moyens d’informations de
masse » selon la terminologie officielle (soit : presse,
radio, télévision). Ils sont les premiers vecteurs de cette
« révolution par le haut » instaurée par Mikhaïl
Gorbatchev dès son arrivée au pouvoir en 1985. Dix ans
plus tard, la construction d’un nouveau paysage
médiatique témoigne du fait que les médias ne se sont
pas uniquement imposés en tant que témoins privilégiés
des transitions, mais qu’ils ont été un acteur à part
entière du processus.
2 L’évolution et le degré d’ouverture du domaine social
constitué par ces médias influencent et accompagnent
les réformes générales de la transition. Mais, s’il est
indéniable que ces nouveaux acteurs sociaux sont
aujourd’hui volontairement actifs dans les
transformations de la jeune Russie démocratique en y
participant amplement, ce n’est qu’après avoir
longtemps constitué des rouages involontaires du
système. Malade, ce dernier s’est éteint après une crise
que les médias ont subie de plein fouet. Dans le même
temps, celle-ci a été le foyer de constitution d’un nouvel
espace public*, mis en place dès 1986 avec la mise en
pratique des deux mots d’ordre gorbatchéviens :
glasnost* – politique de transparence – et perestroïka –
politique de reconstruction. Aujourd’hui, l’existence de
cet espace public est une preuve de la démocratisation
russe.
Médias spectateurs
4 Pendant soixante-quinze ans, les médias ont participé de
l’essence despotique du régime soviétique. Leur mode de
fonctionnement (les médias sont les « suiveurs » de la
pensée politique du Comité Central du PCUS, le porte-
voix du parti unique) est à la fois idéologique et
« contraint » : ils ne sont qu’une courroie de transmission
entre un État omnipotent et les masses populaires, un
vulgaire maillon instrumentalisé de l’idéologie* de l’élite
dont le rôle se borne à éduquer les masses. En juillet
1918, la censure est instaurée. Dès lors, les médias ont
toujours obéit aux ordres.
5 Pendant plus de soixante-dix ans, toutes les semaines,
les rédacteurs en chef des différents journaux
soviétiques se réuniront au CC du PCUS afin de recevoir
les instructions des chefs des départements sur les
événements du monde et d’y préparer la réaction
officielle de l’URSS. De plus, le monopole de l’État sur
tous les moyens matériels de communication est
proclamé. Les médias soviétiques ont donc été organisés
dans l’unique but de servir le PCUS, de défendre les
intérêts de l’élite au pouvoir et de forger un imaginaire
social nourri par des représentations globales et une
mythologie servile.
6 Au cœur du système totalitaire, les médias sont à la fois
les serviteurs les plus fidèles des timides réformes
politiques et économiques (1986-1989) et les premiers à
être totalement dépassés par les événements. La
déviation d’un iota du système provoquera une crise
médiatique profonde. Le système totalitaire ne
fonctionne que s’il est sans faille, abrupt, mécanique. Or,
entre 1986 et 1991, le hiatus entre l’existence de médias
fidèles au pouvoir et la surprenante volonté d’auto-
libération de ces mêmes médias se mue en une brèche
béante dans laquelle s’engouffrent toutes les angoisses
de la société.
Médias victimes
NOTES
1. Cf. BERMAN, H. J., « Political and Legal Control of Freedom of Expression in
the Soviet Union », Soviet Union/Union Soviétique, vol. 15, no 2-3, janv.-fév.
1988, p. 263-272.
2. Il l’occupait depuis 1985 et avait depuis manifesté un soutien sans faille à
son ami Mikhaïl Gorbatchev.
3. Début 1991, Kravtchenko a dépourvu Radio Rossii (créée en 1990) de la
plupart de ses fréquences, et les autorités de la RSFSR ont dû mener une
très longue bataille pour que la deuxième chaîne de la télévision centrale
soviétique soit allouée à la Radio Télévision de Russie, ou RTR. Elle a
commencé à émettre en mai 1991, un mois avant l’élection de Boris Elstine
à la présidence de la Russie.
4. Définition issue du glossaire de WOLTON, D., La dernière utopie : naissance
de l’Europe démocratique, Paris, Flammarion, 1993, p. 411.
5.WISHNEVSKY, J., « Le rôle des médias dans la campagne d’élections
parlementaires » in RFE/RL Weekly report, 19 novembre 1993.
6. Entretien avec l’auteur, Moscou, été 1993.
7. « Comment dit-on “presse libre” en russe ? », entretien réalisé par Claude
Moisy, Médias, no 8, mars 2006. http://www.revuemedias.com/Comment-dit-
on-presse-libre-en,181.html
AUTEUR
ANNE NIVAT
NOTE DE L’ÉDITEUR
Inédit
1 Traditionnellement, les médias chinois sont conçus
comme un rouage de la propagande du parti
communiste. Ils ne décident pas librement de leur
contenu et ne donnent au peuple qu’un maigre accès à
une parole très contrôlée. Les informations sur ce que le
régime appelle les « sujets sensibles » sont
soigneusement filtrées. Par ailleurs, dans la foulée du
décollage économique de la Chine des années 1980, les
technologies modernes, dont Internet, ont rapidement
été adoptées pour répondre aux besoins de
développement du commerce et aux besoins pratiques
du peuple chinois.
2 Ces deux réalités sont entrées en contradiction politique
et sociale. Si le régime a besoin de laisser l’internet se
développer pour la prospérité de la société, c’est au
risque d’un accroissement du danger politique que ce
nouvel espace d’expression représente. Car l’expansion
de l’internet s’accompagne d’une augmentation de
l’expression d’opinions publiques sur ce support,
notamment sur les forums. La propagande politique et le
contrôle de la parole politique se trouvent donc petit à
petit grignotés. Le pouvoir réagit, tente de mettre en
place de nouveaux outils de contrôle, renforce
éventuellement sa répression, mais peut-il vraiment
empêcher que les internautes chinois se constituent peu
à peu en fragment d’une opinion publique ?
Conclusion
24 Les vieux chinois, ceux qui ont vécu la révolution du parti
communiste (avant 1949), la révolution culturelle (1966-
1976) et la phase avortée de contestation politique (Tian
An Men en 1989), n’osent pas parler des sujets sensibles.
Ces personnes se sont trouvées confrontées très
concrètement au pouvoir politique répressif (guerre,
contestations et conflits politiques en face à face). Ces
expériences se sont inscrites très profondément dans les
mentalités et génèrent une véritable crainte politique. Au
contraire, la jeunesse chinoise (la génération des
années 1980 et 1990), a grandi dans des conditions bien
meilleures. Les révolutions et les pressions politiques ne
l’ont pas tant marquée, elle s’oppose ainsi à la politique
chinoise sans trop de crainte. La jeunesse préfère se fier
à des choix personnels, elle est plus audacieuse, libre,
critique, mécontente et rebelle. Cependant, face aux
carcans de la société chinoise (la politique, la moralité
etc.), l’expression de la jeunesse reste bridée. Et si on
peut parler d’émergence d’une opinion publique
chinoise, toute extension vers l’idée d’une société
civile* démocratique qui l’accompagne généralement,
serait encore une extrapolation. « Les structures définies
ailleurs comme des organisations sociales sont apparues
en Chine, mais leur nature, leurs actions et leurs
fonctions ne possèdent pas les caractéristiques que l’on
reconnait a la société civile, c’est-a-dire des fonctions
publiques, une independance et une contribution à la
croissance de la societe civile 17 . »
NOTES
1. Actrice, réalisatrice et écrivain chinoise contemporaine.
2. http://news.xinhuanet.com/society/2007-12/03/content_7188664.htm.
3. http://cd.club.sohu.com/rchongqing-427933-0-0-0.html.
http://tt.mop.com/read_1501813_1_0.html
4. http://www.tianya.cn/publicforum/content/free/1/2069244.shtml.
5. CHEN, Y., « Les Mouvements de protestation des classes moyennes », in
ROCCA, J.-L. (dir.), La Société chinoise vue par ses sociologues, Paris, Presses
de Sciences-Po, 2008, p. 216.
6. http://bbs.city.tianya.cn/tianyacity/content/63/1/617734.shtml
7. http://wjga.wangjiang.gov.cn/include/web_content.php?id=36728
8. « La presse en 30 minutes » de CCTV.
http://cctv.cntv.cn/lm/xinwensanshifen/20111019.shtml
9. http://en.wikipedia.org/wiki/Qian_Yunhui
10.YE GUOPING, « Hong Qi Wen Gao », 2011.
http://www.qstheory.cn/hqwg/2011/201117/201109/t20110913_109664.htm
11. http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2011/07/25/04016-
20110725ARTFIG00435-la-fiabilite-du-tgv-chinois-mise-encause.php
12. http://xiyou.cntv.cn/v-111ff8a8-b75d-11e0-b474-a4badb4689bc.html
13. http://video.sina.com.cn/v/b/57625117-1648989295.html
14. http://www.laahaa.com/shizhengxinwen/201108/02-64479.html.
15. http://www.lefigaro.fr/international/2011/07/27/01003-
20110727ARTFIG00530-le-web-chinois-veut-la-verite-sur-laccident-de-
train.php
16. http://french.china.org.cn/china/txt/2011-08/04/content_23143273.htm
17.ZHANG, J., « Évolution politique et justification des normes de légitimité
dans le discours social », in ROULLEAU-BERGER, L. (dir.), La nouvelle sociologie
chinoise, Paris, CNRS Éditions, 2008, p. 384.
AUTEUR
AÏLI FENG
NOTE DE L’ÉDITEUR
Inédit
1 L’opinion publique arabe est un sujet d’étude qui suscite
toute l’attention des observateurs occidentaux. Cette
notion, vague et protéiforme, intéresse particulièrement
les chancelleries et spécialistes des relations
internationales, car l’accent est porté prioritairement sur
son rôle géopolitique réel ou supposé. Cette approche
instrumentale de l’opinion publique n’a rien d’inédit. Les
sondages, qui en sont l’incarnation depuis Gallup, sont
un outil quotidien à la disposition des pouvoirs politiques
ou économiques. Ce qui est singulier s’agissant de
l’opinion publique arabe, c’est qu’elle n’a été perçue, que
depuis peu, comme étant similaire à l’opinion publique
européenne, par exemple, échappant enfin à une vision
culturaliste qui donnait aux populations des pays arabes
– et par extension à leurs opinions publiques – un
caractère d’exception. En effet, l’opinion publique définie
dans son sens le plus général, c’est-à-dire associée à un
agrégat d’opinions de citoyens informés et dotés de
raison – que ces derniers soient assujettis ou non à des
régimes politiques autoritaires – est devenue chose
entendue à l’heure du « printemps arabe ».
2 Notre propos ici n’est pas ici de statuer sur la pertinence
d’un tel concept dans la mesure où l’opinion publique
arabe existe au moins pour les chercheurs, think-thanks
1 , médias et décideurs politiques. Elle existe au moins
BIBLIOGRAPHIE
Références bibliographiques
BOYD, D. A., Broadcasting in the Arab World, Iowa State University Press,
1993.
EICKELMAN, D. F., ANDERSON, J. W. (eds.), New Media in the Muslim World : The
Emerging Public Sphere, Bloomington, Indiana University Press, 2003.
FANDY, M., (Un) Civil War of Words : Media and Politics in the Arab World,
Westport, Praeger, 2007.
NOTES
1. Par exemple la Brookings Institution aux États-Unis. Cf. TELHAMI, S., Arab
Public Opinion Poll : Results of Arab Opinion Survey conducted June 29-July
20, 2010. En France, on peut mentionner l’Institut Français des Relations
Internationales qui tient compte des opinions publiques arabes
http://www.ifri.org/files/Moyen_Orient/cr_opinionspub.pdf
2. EL OIFI, M., « L’opinion publique arabe entre logique étatique et solidarité
transnationale », Raisons Politiques, no 19, 2005.
3. BERQUE, J., « Le problème de la langue », Cinéma et culture arabe,
Beyrouth, Centre interarabe du cinéma et de la télévision, 1964, p. 187-193.
4. BADIE, B., « L’opinion à la conquête de l’international », Raisons politiques,
no 19, 2005, p. 14.
5. La chaîne qatari a été la cible de l’armée américaine à plusieurs reprises
en Afghanistan et en Irak.
6. GUAAYBESS, T., « Orientalism and the Economics of Arab Broadcasting », in
KAI, H. (ed.), Arab Mass Media : a Research Handbook, New York, Continuum
Publishers, 2008.
7. EICKELMAN, F. D, « The Arab “Street” and the Middle East’s Democracy
“Deficit” », Naval War College Review, Vol. 55, no 4, automne 2002, p. 40.
8. Cf. FURIA, P. A., LUCAS, R. E., « Determinants of Arab Public Opinion on
Foreign Relations », International Studies Quarterly, no 50, 2006, p. 585–605
ou WILLIAM, R. A., « How Washington Confronts Arab Media », Global Media
Journal, vol. 3, no 5, 2004.
9. Voir MIKAIL, B., INA Global, octobre 2010
http://www.inaglobal.fr/television/article-al-hurra-ou-les-raisons-d-une-
atonie-americaine
10. Pour une étude plus détaillée, voir RICHTER, C., « International
Broadcasting and Intercultural Dialogue : Deutsche Welle in the Arab
World », Arab Media and Society, no 6, automne 2008.
11. Voir l’avis de la Commission des Affaires Etrangères sur l’action
audiovisuelle extérieure de la France, no 2861, octobre 2010. En ligne :
http://www.assemblee-nationale.fr/13/budget/plf2011/a2861-tviii.asp
12. Turkey’s broadcasting agency launches Arabic channel, Hürriyet Daily
News, 5 avril 2010.
AUTEUR
TOURYA GUAAYBESS
NOTE DE L’ÉDITEUR
Varia repris du no 52 de la revue Hermès, Les guerres de
mémoires dans le monde, 2008
1 La candidature et la campagne électorale de Ségolène
Royal ont constitué de véritables « analyseurs » des
transformations de la démocratie représentative et des
résistances dont elles font l’objet. L’émergence de cette
candidate inattendue, dépourvue de ressources
partisanes, traduit la prégnance des logiques d’opinion,
l’avènement de la « démocratie du public » mais aussi
ses limites. Ce sont les médias plus que les partis qui
sélectionnent désormais les candidats sur la base de leur
« popularité » mesurée dans les sondages, comme la
candidature de Ségolène Royal semble le démontrer. La
candidate a court-circuité le PS pour construire une
relation personnelle avec l’opinion. Le phénomène
« Royal » témoigne aussi de la fortune actuelle de « la
démocratie participative », des ambiguïtés qui fondent
son succès mais aussi des oppositions auxquelles cette
notion se heurte.
2 Le « royalisme », qui a déjà fait l’objet d’innombrables
exégèses, peut s’analyser comme une tentative de
redéfinir symboliquement les relations entre
représentants et représentés. Partant du diagnostic
fondateur du discrédit du personnel et de la parole
politiques, Ségolène Royal a très largement construit son
offre politique, lors de la dernière campagne
présidentielle, sur la relation qu’elle a instaurée
« personnellement » avec les Français, sur son identité
construite comme distinctive (inflation du « je » dans ses
énonciations, mise en scène permanente de sa
« liberté ») et sur une nouvelle manière de « faire de la
politique » associant les citoyens « ordinaires ». Ce style
censé restaurer la confiance a quasiment tenu lieu de
projet.
3 La candidate socialiste à l’élection présidentielle est un
pur produit des nouvelles élites socialistes qui émergent
au sein du parti depuis sa montée au pouvoir dans les
années 1980. Malgré ce profil standard, elle est parvenue
à styliser une identité distinctive qui la fait apparaître
comme une candidate extérieure à l’establishment
socialiste. Quand elle est encore au plus haut niveau
dans les sondages, on lui fait crédit de bousculer les
pesanteurs idéologiques, de faire bouger les lignes, de
transgresser les interdits et le « politiquement correct ».
La carte de la participation
4 La promotion de la « démocratie participative » par la
candidate est au centre de cette stratégie politique au
point d’être devenue sa principale valeur ajoutée et la
marque distinctive du « royalisme ». Elle en fait le
« troisième pilier » de l’exercice du pouvoir. Ce thème,
d’une grande plasticité, lui permet de se démarquer du
personnel politique traditionnel. Il lui permet de se parer
d’une certaine modernité et de valoriser son action de
« proximité » et les ressources de son ancrage local. La
candidate et son entourage, qui disent largement puiser
leur inspiration dans la littérature des sciences sociales
portant sur la démocratie 1 , ont pris la mesure de la
profondeur du discrédit politique et de « la dissociation
de la légitimité et de la confiance » (Rosanvallon, 2006).
La posture qu’elle construit s’inscrit dans la volonté de
dépasser cette défiance, de restaurer cette confiance
perdue, d’où un style (langagier, corporel…) fondé sur la
proximité, l’interactivité, l’intersubjectivité, la prise en
compte des savoirs ordinaires et profanes (Le Bart et
Lefebvre, 2005). La politique n’est comprise par les
individus que si elle est intégrée à leur vécu : tel en
serait l’axiome. La candidate construit son autorité non
sur un mode surplombant et vertical (sur le mode
sarkozyste) mais sur un mode intersubjectif : « suivez-
moi car je me reconnais en vous. » Ces diverses
conceptions contreviennent à certaines croyances
constitutives du champ politique qui sont au cœur de la
symbolique présidentielle de la Ve République : l’idée que
l’homme politique est omniscient, omnipotent, qu’il
« décide », qu’il a le pouvoir à lui seul de peser sur le
cours des choses, qu’il doit tracer la ligne et indiquer le
chemin…
5 Le « royalisme » mérite ainsi d’être pris au sérieux parce
qu’il entre en résonance avec de nouvelles légitimités de
l’action politique et de l’agir démocratique valorisant la
concertation, la proximité, la participation, le débat, la
discussion… Cette valorisation de « la démocratie
d’expression » est néanmoins lourde d’ambiguïtés. La
candidate a joué sur deux tableaux à la fois : la
démocratie d’opinion avec l’usage intensif qu’elle fait des
sondages et ses appels constants au public (contre le
Parti socialiste notamment) ; la démocratie participative
à partir de laquelle elle a construit son identité politique
et sa démarche. Elle a contribué par là même à la
confusion de ces deux notions, rabattues l’une sur l’autre
par de nombreux observateurs 2 . Les sondages ainsi que
les forums participatifs apparaissent comme des
manières convergentes de « donner voix à l’opinion »,
des technologies d’ajustement à la demande sociale
voire de marketing politique. Le concept et la légitimité
de la « démocratie participative » sortent peut-être
affaiblis d’un épisode où ils ont été si fortement mis en
avant. Le reflux très net de la thématique participative
lors des dernières élections municipales n’y est peut-être
pas étranger.
6 Au-delà de principes généraux et de la volonté affichée
d’associer les citoyens, les contours de la démocratie
participative selon Ségolène Royal sont demeurés très
flous. Les forums participatifs lancés pendant la
campagne sont apparus comme une forme bricolée, peu
codifiée et tardive de prise en compte des aspirations
des électeurs. L’usage événementiel et stratégique fait
de la démocratie participative et ses ambiguïtés l’ont fait
glisser vers la démocratie d’opinion, elle-même
caricaturée en forme moderne du populisme. La
candidate a ainsi donné prise, fût-ce à son corps
défendant, à un procès en populisme sinon en
démagogie. On reviendra ici sur la campagne de
Ségolène Royal pour analyser ces divers glissements et
les tensions qu’elle révèle entre démocratie d’opinion et
démocratie participative.
BIBLIOGRAPHIE
Références bibliographiques
BLONDIAUX, L., Le nouvel esprit de la démocratie, Paris, Seuil/La République
des idées, 2008.
AUTEUR
RÉMI LEFEBVRE
NOTE DE L’ÉDITEUR
Reprise du no 58 de la revue Hermès, Les langues de
bois, 2010
1 Le terme « langue de bois » est d’une extrême
polysémie : il s’emploie, pourrait-on dire, à tout bout de
champ, tant ses emplois sont vastes. Un ouvrage récent
en témoigne, car, sous le titre de Langue de bois.
Décryptage irrévérencieux du politiquement correct et
des dessous de la langue, l’auteur s’applique à en
analyser les manifestations dans les domaines les plus
divers : économie, médias, politique, publicité, sport,
société, etc. (Guilleron, 2010). C’est que le terme n’est
plus réservé, du moins dans l’usage courant, au domaine
de la seule politique. Un autre ouvrage récent comme
Une histoire de la langue de bois, de Lénine à Sarkozy
(Delporte, 2009) ne couvre donc par définition qu’une
partie des emplois possibles de ce concept devenu
protéiforme en français. Qui plus est, la langue de bois
serait aujourd’hui en voie de disparition. On citera un
troisième ouvrage au titre on ne peut plus parlant,
Promis : j’arrête la langue de bois de Jean-François Copé
(2006), mais que les hommes et femmes politiques de
tous bords sont prêts à reprendre à leur compte : la
nouvelle communication, qu’elle relève ou non de la
sphère politique, aurait abandonné la langue de bois,
vestige ringard du passé, au profit du « parler vrai ».
Mais le « parler vrai » n’est souvent en réalité que la
dernière manifestation en date de la langue de bois et de
ce que l’on pourrait appeler la nouvelle communication,
qu’il s’agit tout autant d’apprendre à décrypter. Pour
s’orienter dans cette jungle d’acceptions les plus
diverses, voire les plus contradictoires que peut revêtir le
terme de « langue de bois », Orwell constitue un fil
d’Ariane de premier ordre : mieux encore, il permet d’en
faire apparaître le dénominateur commun.
Conclusion
14 Que la communication s’évertue à jouer la carte de la
transparence, en raison de la pression de l’opinion
publique, aujourd’hui mieux informée, personne ne s’en
plaindra. Néanmoins, ce serait se tromper que de croire
que le « parler vrai » soit la panacée. Si Orwell préconise
de s’exprimer dans une langue simple et directe, c’est là
une condition nécessaire mais non suffisante de
transparence. Il est inutile d’être grand clerc pour savoir
que l’on peut manipuler les autres avec des mots
simples. L’exemple des spin doctors* est à cet égard
éclairant : les conseils qu’ils ont donnés aux hommes et
aux femmes politiques les ont amenés à recourir à une
langue qui s’écarte le moins possible de la langue de
tous les jours et qui fait mouche.
15 Le « parler vrai » peut très bien se révéler comme la plus
récente manifestation de la langue de bois. Plus que
jamais, l’heure est au décryptage. Qui peut croire que la
technique, fût-elle « nouvelle » soit le remède absolu ?
(Wolton, 2005). De ce point de vue, le fait que le français
donne à la langue de bois une polysémie si vaste est un
atout conceptuel non négligeable en permettant de
démultiplier la perspective sur une faculté inhérente au
langage : celui de dire la vérité comme de la manipuler,
pour le meilleur comme pour le pire. Sans oublier les cas
de figure intermédiaires. Car il n’est pas toujours possible
de dire directement les choses. Les langues de bois ont
donc de beaux jours devant elles, quels qu’en soient les
avatars. Le « parler vrai », certes dernier en date, n’en
est qu’un parmi d’autres.
BIBLIOGRAPHIE
Références bibliographiques
COPÉ, J.-F., Promis : j’arrête la langue de bois, Paris, Hachette Littérature,
2006.
NOTES
1. Dans drewniana (pol.) et derev’annyj (rus.) on reconnaît la racine indo-
européenne *deru-, qui a donné, par exemple, d-aru en sanskrit, doru en
grec et tree en anglais (« arbre »). Au russe jazyk correspond également le
polonais język, mais mowa (que l’on retrouve, par exemple, en ukrainien),
signifie plus exactement « langue, parole », le verbe mowi ´c signifiant
« parler ».
2. PINEIRA, C, TOURNIER, M., « De quel bois se chauffe-t-on ? Origines et
contextes de l’expression langue de bois », Mots, no 21, décembre 1989,
p. 5-19.
3. SHAPINA, L. N., « Efemizmy v sotsial’nyx sferax dejatel’nosti :
politkorreknost’I “derevjannyj jazyk” (na primere frantsuzskogo jazyka) »
[Les euphémismes dans l’espace public : le politiquement correct et la
“langue de bois” (l’exemple de la langue française) »], Vestnik Adygejskogo
gosudarstvennogo universiteta, Adygueïsk (Russie), 2008.
4. Le calcul est simple à faire : Orwell écrit son roman en 1948, et inverse
les deux derniers chiffres pour se projeter dans un futur à l’époque perçu
comme lointain. Le roman paraît l’année suivante à Londres.
5. Dans le domaine anglophone, à la novlangue d’Orwell (newspeak) est
venu s’ajouter notamment le doublespeak (littéralement, « doublelangue »),
néologisme forgé par William D. Lutz sur le modèle du doublethink
orwellien(« doublepensée ») mais appliqué aux régimes démocratiques (en
particulier aux États-Unis). Le terme a fait florès : 382 000 résultats sur
Google, soit presque autant que newspeak (413 000 résultats). La définition
en est la suivante (Lutz, 1996, p. 6) : « La doublelangue est une langue qui
prétend servir à communiquer mais qui en réalité fait tout le contraire : c’est
une langue qui donne au mal l’apparence du bien, qui fait passer le négatif
pour positif, le déplaisant pour attirant ou, du moins, tolérable. La
doublelangue est une langue qui évite ou déplace la responsabilité, une
langue qui est en désaccord avec son sens véritable ou supposé. C’est une
langue qui dissimule ou entrave la pensée : plutôt que de lui permettre de
s’étendre, la doublelangue en réduit la portée » [notre traduction].
6. ORWELL, G., « Politics and the English Language », Horizon, avril 1946.
7. ORWELL, G., « La politique et la langue anglaise » (1946), Essais, articles,
lettres, volume IV (1950), traduit de l’anglais par Anne Krief, Bernard
Pécheur et Jaime Semprun, Paris, Ivrea, 2001, p. 169.
8. ROUX, A., « Storytelling. Les règles du jeu », Le Nouvel Économiste,
no 1490, jeudi 24 septembre 2009.
9. ARNOUX, P., « Le numérique va dynamiter la langue de bois en vigueur
dans les entreprises », Le Nouvel Économiste, no 1507, 4 février 2010.
AUTEUR
MICHAËL OUSTINOFF
NOTE DE L’ÉDITEUR
Inédit
1 Il y a trente ans, soit une génération, la mondialisation*
n’avait pas atteint son niveau actuel, le communisme
existait encore. La Chine, l’Inde et les États émergents
étaient encore faibles. Les espaces publics nationaux
encore forts ; la presse, la radio et la télévision à
l’apogée de leurs rôles ; Internet était un embryon. Les
hommes politiques dominaient dans une communication
politique où les sondages existaient, certes, mais moins
omniprésents qu’aujourd’hui. Les fractures idéologiques
étaient beaucoup plus marquées. L’Occident l’emportait
économiquement, culturellement et politiquement. On
devine l’ampleur des ruptures sans qu’il soit encore
possible de savoir lesquelles sont réellement
structurelles…
2 Une chose est sûre dans le domaine de la
communication : si la plupart des idéologies* se sont
affaissées, l’idéologie technique, elle, est envahissante.
Peut-être pour compenser la crise de la pensée politique
liée à cette restructuration de toutes les valeurs et
échelles du monde. Le défi de demain n’est pourtant pas
technique mais politique et peut se résumer de la
manière suivante : « Comment apprendre à cohabiter
pacifiquement quand, grâce à la performance des
systèmes d’information, les différences sont beaucoup
plus visibles que les ressemblances ? » Cette question
anthropologique centrale est masquée par l’idéologie
technique qui suppose que puisqu’il y a beaucoup plus
d’informations, circulant plus vite et avec d’innombrables
interactions, les hommes, les cultures et les sociétés se
comprendront mieux…
3 Il y a trois réalités différentes : le progrès technique, qui
facilite les échanges ; les utopies politiques, qui
renaissent régulièrement ; la réalité de
l’incommunication entre les hommes et les sociétés
expliquant que depuis des siècles, sous tous les
prétextes, ils préfèrent se battre et se dominer plutôt que
de coopérer. L’idéologie technique consiste très
exactement à établir un lien de cause à effet entre les
trois : des techniques performantes d’information et de
communication permettront de réaliser les utopies
politiques en faveur d’un monde meilleur. C’est cela
l’idéologie technique. Faire jouer à des outils un rôle
politique. Les investir d’une mission qui ne relève pas de
leur logique. D’ailleurs, s’il suffisait qu’il y ait plus de
techniques pour changer l’homme et la société, il y a
longtemps que l’on aurait dû en voir le résultat. En effet,
en trente ans, le taux d’équipement en nouvelles
technologies de communication n’a cessé d’augmenter
vertigineusement. Pour quel progrès humain ? La volonté
de « ne pas savoir », de « ne pas se comprendre » est
hélas entière. Les hommes et les sociétés sont infiniment
plus complexes que les techniques et leur progrès.
4 Du télégraphe (1820) au téléphone (1880), la radio
(1910), la télévision (1930), l’ordinateur (1960) et à
Internet (2000), toutes les techniques de communication
qui se sont succédé ont été investies des mêmes utopies
en faveur d’un monde meilleur.
5 Au fond, penser par exemple que la « révolution
Internet » va changer l’homme et la société est
beaucoup plus simple que de réfléchir aux raisons pour
lesquelles, depuis des siècles, des utopies politiques et
culturelles échouent, ou, en tout cas, rencontrent plus de
difficultés à se réaliser.
6 La paix, la tolérance, la réduction des inégalités ont-elles
évolué au rythme du progrès technique ? Le décalage est
considérable. Les nouvelles techniques peuvent relancer,
accélérer, amplifier les utopies politiques, sociales et
culturelles, mais leurs performances ne peuvent pas se
substituer à ce qui fait l’essence de la politique et qui est
d’une autre nature. Un projet politique peut trouver de
l’aide dans les techniques de communication, mais
celles-ci ne font pas un projet politique.
7 Dans l’espace de la politique et de la communication, qui
est l’objet de ces trois Essentiels publiés à l’occasion de
l’élection présidentielle française de 2012, on peut
distinguer trois plans. Celui des faits à l’échelle de la
mondialisation et dans les États-nations. Celui des
transformations visibles aujourd’hui. Celui des questions
ouvertes pour demain.
8 Par ailleurs, si les questions de la place d’Internet, des
médias, de l’opinion publique, du marketing, sont
générales, elles ne sont analysables qu’au travers de la
diversité des situations culturelles et sociales et
nécessitent du comparatisme. C’est pourquoi les quinze
remarques qui suivent s’inscrivent dans le cadre
européen et plus spécifiquement français, même si
certaines ont un caractère plus général. Enfin, ces
analyses concernent les démocraties et non les sociétés
dictatoriales ou autoritaires.
Les faits
1. La mondialisation de l’information. CNN, pionnière dans le domaine
(1980), mais qui renforça finalement l’antiaméricanisme, par sa vision
trop étroite du monde, a provoqué la naissance de plus de trente
chaînes d’information mondiales qui toutes dramatisent l’événement et
sont obsédées par une concurrence effrénée « au nom du droit de savoir
du citoyen ». Droit qui sert souvent de caution à une bataille financière,
médiatique et entre journalistes. Ces chaînes amplifient un des
problèmes majeurs de « l’information de demain » : la différence
croissante des points de vue sur l’information en fonction de la
géographie et des choix idéologico-politiques. Rappelons que la
révolution de l’information du XXe siècle, le message, ouvre sur
l’incertitude de la communication du XXIe siècle, c’est-à-dire la relation.
Plus il y a de messages, plus la diversité et la capacité critique des
récepteurs s’imposent et réduisent la communication. Informer ne suffit
pas à communiquer. Plus il y a d’interactions, plus le récepteur s’impose.
En matière d’information, comme de culture, il faudra admettre la
nécessité de faire cohabiter des points de vue différents sur le monde, la
politique, l’information. La diversité culturelle, longtemps tenue à l’écart
de la question de l’information, la retrouve.
2. La concurrence entre les médias augmente compte tenu du nombre
croissant de supports et de chaînes accessibles. Avec un effritement
quasi mécanique de l’audience des chaînes généralistes, publiques ou
privées, par rapport aux chaînes thématiques. De l’audiovisuel à
Internet en passant par la VoD et la télévision interconnectée, tout va en
faveur de la segmentation. « Ne regardez que ce que vous voulez. »
Cette segmentation croissante, et la place prépondérante du secteur
privé de l’audiovisuel, mettent en cause le rôle de lien social des médias
généralistes, notamment publics. La problématique des médias de
masse reviendra évidemment en force, mais la conjonction d’une
concurrence accrue, alliée à l’individualisation de la demande relativise,
pour le moment, la position des médias généralistes. La question pour
l’avenir est de savoir la proportion qui devra s’établir entre médias
généralistes liés à la logique de l’offre et à une problématique du « être
ensemble », par rapport à la logique de la demande et de la
segmentation. Jusqu’où l’individualisation et la segmentation sont-elles
un progrès ? À partir de quand accélèrent-elles les replis individualistes
et communautaires ?
3. La place grandissante d’Internet et des réseaux qui y sont liés renforce
le sentiment faux, mais persistant, d’une hiérarchie qualitative entre
« les anciens et les nouveaux médias ». La génération Internet a le
sentiment de représenter l’avenir, le futur, le progrès contre le passé et
le conservatisme. Chaque nouvelle étape technique dans la
communication suscite le même processus, mais ici plus qu’auparavant
compte tenu de l’échelle mondiale des réseaux, de la valorisation de la
liberté individuelle qui les accompagne et de l’idée complémentaire
d’émancipation. Le règne de la demande est perçu comme un progrès
par rapport à celui de l’offre. Abondance, liberté, segmentation,
interactivité, connexion, caractérisent cet univers qui donne le
sentiment d’être synchrone avec le processus de la mondialisation.
Même si le retour des identités culturelles, des références nationales et
des cadres culturels et politiques modifiera progressivement cette
impression d’un espace « commun » à l’échelle de la mondialisation.
Certes, la culture mondiale de la musique est le contre exemple, mais
sans doute le seul. Elle relie, c’est vrai, les peuples et les générations. Et
même bien plus que le sport.
4. À l’intérieur des espaces nationaux, le triomphe des sondages, bien au-
delà de la politique donne le sentiment d’une connaissance possible de
la société et d’une certaine transparence. Les sondages accentuent le
sentiment d’une « société interactive », même si le dynamisme et la
complexité des processus sociaux échappent à cette technique
d’expression des opinions publiques constituées. Les sondages,
omniprésents et tous azimuts, complètent la logique de la culture
numérique. Des instantanés sur tout, tout de suite. Connaître la réalité
aussi vite et aussi facilement que l’on voit le résultat de ses photos
numériques. Un monde immédiat. C’est peut-être d’ailleurs ce qui
caractérise la modernité actuelle. Le sentiment que chacun peut
accéder librement, à tout, instantanément. Avant que les inégalités
économiques et sociales ne viennent recréer des fossés et que le retour
des identités culturelles ne vienne compliquer la perception de vivre
dans ce « village global ».
5. Ces mutations tournent autour du règne de l’individu et de sa
valorisation. Il n’est plus question de pays, du Nord ou du Sud, des
riches, des pauvres, des classes, des religions ou des familles. Tout part,
s’adresse et revient vers un individu qui pense, peut s’exprimer et
prendre des initiatives. Incontestable discours d’émancipation et de
liberté qui touche tous les continents et correspond à une certaine
réalité, même si, là aussi, l’expérience compliquera les schémas. Ce
n’est pas seulement la consommation qui est au cœur de cette liberté
individuelle, mais aussi une certaine idée de libération, même si la
question de l’appartenance collective, les difficultés de la solidarité et de
l’action, relativiseront le processus actuel.
AUTEUR
DOMINIQUE WOLTON