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DOI : 10.4000/books.editionscnrs.21153
Éditeur : CNRS Éditions
Année d'édition : 2017
Date de mise en ligne : 30 octobre 2019
Collection : Les essentiels d'Hermès
ISBN électronique : 9782271122186
http://books.openedition.org
Édition imprimée
ISBN : 9782271115058
Nombre de pages : 274
Référence électronique
MERCIER, Arnaud (dir.). La communication politique : (Nouvelle édition revue
et corrigée). Nouvelle édition [en ligne]. Paris : CNRS Éditions, 2017 (généré
le 12 novembre 2019). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/editionscnrs/21153>. ISBN : 9782271122186.
DOI : 10.4000/books.editionscnrs.21153.
ARNAUD MERCIER
Professeur de sciences de l'information et de la
communication à l'université Paris 2 – Assas et chercheur
au CARISM. Il a notamment dirigé chez CNRS Éditions les
ouvrages Médias et opinion publique, 2012, et Le
journalisme, 2009. Il est le président du site d'information
TheConversation France.
SOMMAIRE
Le marketing politique
Gilles Achache
Le modèle dialogique
Le modèle propagandiste
Le modèle marketing
Bibliographie sélective
Les auteurs
Avant-propos à la nouvelle
édition
Arnaud Mercier
AUTEUR
ARNAUD MERCIER
Professeur de sciences de l’information et de la communication à l’université
Paris 2 – Assas et chercheur au CARISM. Il a notamment dirigé chez CNRS
Éditions les ouvrages Médias et opinion publique, 2012, et Le journalisme,
2009. Il est le président du site d’information TheConversation France.
Autour du même thème
1) La revue Hermès
3 Les chercheurs au cœur de l’expertise
Hermès 64, L. Maxim et G. Arnold (dir.), 2012.
4 Les langues de bois
Hermès 58, J. Nowicki, M. Oustinoff et A.-M. Chartier
(dir.), 2010.
5 Les guerres de mémoires dans le monde
Hermès 52, P. Blanchard, M. Ferro et I. Veyrat-Masson
(dir.), 2008.
6 Paroles publiques, communiquer dans la cité
Hermès 47, F. Massit-Folléa et C. Méadel (dir.), 2007.
7 Économie et communication
Hermès 44, J. Farchy et P. Froissart (dir.), 2006.
8 Peuple, populaire, populisme
Hermès 42, P. Durand et M. lits (dir.), 2005
9 Économie solidaire et démocratie
Hermès 36, E. Dacheux et Laville J.-L. (dir), 2003.
10 L’espace, enjeux politiques
Hermès 34, I. Sourbès-Verger (dir.), 2002.
11 L’opinion publique. Perspectives anglo-saxonnes
Hermès 31, L. Blondiaux et D. Reynié (dir.), 2001.
12 Dérision-Contestation
Hermès 29, A. Mercier (dir.), 2001.
13 www.démocratielocale. fr
Hermès 26-27, 2000, É. Maigret et L. Monnoyer-Smith
(dir.)
14 Mimesis. Imiter, représenter, circuler
Hermès 22, S. Ossman (dir.), 1998.
15 Voies et impasses de la démocratisation
Hermès 19, P. Meyer-Bisch et E. M. Swiderski (dir.), 1996.
16 Communication et politique
Hermès 17-18, G. Gauthier, A. Gosselin et J. Mouchon
(dir.), 1995.
17 Argumentation et rhétorique vol. 2
Hermès 16, A. Boyer et G. Vignaux (dir.), 1995.
18 Argumentation et rhétorique vol. 1
Hermès 15, A. Boyer et G. Vignaux (dir.), 1995.
19 Espaces publics en images
Hermès 13-14, D. Dayan et I. Veyrat-Masson (dir.), 1994.
20 Espaces publics, tradition et communautés
Hermès 10, J. M. Ferry (dir.), 1992.
21 Individus et politique
Hermès 5-6, E. Apfelbaum, J.-M. Besnier et A. Dorna (dir.),
1990.
22 Le nouvel espace public
Hermès 4, D. Bregman, D. Dayan, J.-M. Ferry et D. Wolton
(dir.), 1989.
23 Masses et politique
Hermès 2, D. Reynié (dir.), 1988.
24 Théorie poltique et communication
Hermès 1, C. Lazzerie et J.-P. Chrétien-Goni (dir.), 1988.
L’instrumentalisation de la
communication politique : de la
propagande au marketing
7 Idéalement conçue comme une publicité, un art de
rendre accessible à tous ce qui se passe dans les rouages
de décision, la communication politique s’est muée
rapidement en vecteur d’influence politique, surtout au
moment du passage au suffrage universel comme mode
suprême de légitimation. D’idéal de transparence, elle
s’est transformée en un instrument politique pour obtenir
l’assentiment du peuple, avec des modalités différentes
en fonction de la nature du régime politique 1 .
BIBLIOGRAPHIE
Références bibliographiques
ABÉLÈS, Marc et JEUDY, Henri-Pierre, Anthropologie du politique, Paris, Armand
Colin, 1997.
NOTES
1. Sur le marketing politique, lire Stenger, Thomas (dir.), 2012.
2. Le terme désigne ceux qui jouent un rôle de conseillers en
communication des hommes politiques actuels. Si l’on prend l’étymologie du
verbe to spin, on en vient à dire que « spin » signifie tout à la fois : tisser
une toile (donc attraper) ; raconter une histoire (donc mettre en récit) ;
baratiner (donc tromper par le mensonge). Doctors étant un terme
honorifique attribué de façon ironique par les journalistes anglo-saxons. On
pourrait donc traduire par « docteur es-bobards », comme on disait docteur
es-sciences ou es-lettres.
3. Cf. notre article sur le sujet : <http://www.inaglobal.fr/idees/article/post-
verite-nouveau-mot-ou-nouvelles-realites-9668>.
AUTEUR
ARNAUD MERCIER
NOTE DE L'AUTEUR
Ce texte a été publié pour la première fois dans son
intégralité dans Hermès no 4, « Le nouvel espace
public », 1989, p. 27-42. Il a été réactualisé par l’auteur
en mars 2017 et réédité. La version originale est
disponible sur : <https://www.cairn.info/revue-hermesla-
revue-1989-1.htm>.
1 Pas de politique sans communication. Contrairement au
stéréotype dominant, la communication politique n’est
pas la dégradation de la politique, mais simplement la
condition de son exercice. La politique, c’est parler et
agir. Et expliquer. A fortiori en démocratie où tout se joue
devant l’opinion publique, avec beaucoup d’informations
et de médias.
Éléments de définition
2 Autant la démocratie de masse, le suffrage universel, les
sondages et même la télévision ont finalement réussi à
acquérir leurs lettres de noblesse, autant la
communication politique continue de susciter des
réserves. Elle a « mauvaise presse » car elle condense
tout ce que l’on peut reprocher à la politique moderne.
3 La communication politique représente pourtant un
changement aussi important dans l’ordre de la politique
que les médias de masse l’ont été dans celui de
l’information, et les sondages dans celui de l’opinion
publique. La communication politique traduit
l’importance des échanges dans la politique, non pas au
sens d’une disparition de l’affrontement, mais au sens
celui-ci se fait maintenant sur le mode
communicationnel, c’est-à- dire finalement en
reconnaissant « l’autre ». L’émergence de la
communication politique comme concept est
l’aboutissement du processus de démocratisation et de
communication qui a commencé il y a deux siècles, avec
pour conséquence l’élargissement de l’espace public.
4 La communication politique n’est donc pas une
dégradation de la politique, mais au contraire la
condition du fonctionnement de notre espace public
élargi. En permettant l’interaction entre l’information, la
politique et la communication, elle se révèle être un
concept fondamental. Elle ne conduit pas à supprimer la
politique ou à la subordonner à la communication, mais
au contraire, à la rendre possible dans la démocratie de
masse.
5 Je définis la communication politique comme « l’espace
où s’échangent les discours contradictoires des trois
protagonistes qui ont la légitimité de s’exprimer
publiquement sur la politique : les acteurs politiques, les
journalistes et l’opinion publique, au travers notamment
des sondages ».
6 Elle est un lieu d’affrontement des discours qui portent
sur la politique et dont l’enjeu est la maîtrise de
l’interprétation politique de la situation. Cette définition
insiste sur l’idée d’interaction, de discours contradictoires
tenus par des acteurs qui n’ont ni le même statut ni la
même légitimité.
Rôles et fonctions
22 Le rôle essentiel de la communication politique est
d’éviter le renfermement du débat politique sur lui-
même. En intégrant les thèmes de toute nature qui
deviennent un enjeu politique et en facilitant ce
processus permanent de sélection, hiérarchisation,
élimination, elle apporte la souplesse nécessaire au
système politique. Ce va-et-vient entre les thèmes qui
entrent et ceux qui sortent se fait sans rationalité et de
manière inévitablement arbitraire, dépendant en réalité
des rapports de force.
23 La communication politique assure trois fonctions.
D’abord, elle contribue à identifier les problèmes
nouveaux qui surgissent, les hommes politiques et les
médias jouant ici un rôle essentiel. Ensuite, elle favorise
leur intégration dans les débats politiques contemporains
en leur assurant une sorte de légitimité. Le rôle des
sondages et des hommes politiques est ici sensible.
Enfin, elle facilite l’exclusion de thèmes qui ne sont plus
l’objet de conflits ou sur lesquels un consensus
temporaire existe. Là aussi, le rôle des médias est
important par la place qu’ils accordent aux thèmes
débattus sur la place publique.
24 En période d’élection, les sondages jouent un rôle
considérable puisque chacun essaie de savoir à l’avance
ce que pourra être le résultat, ceux-ci étant pour le
moment le seul instrument représentatif permettant une
telle approximation. À chaque campagne, on constate
cette prééminence des sondages, de plus en plus
nombreux, et de plus en plus souvent commandés et
publiés par les médias. Ils ont presque tendance à
« devenir » l’agenda de la campagne, rendant plus
difficile la nécessité pour les hommes politiques de
préserver une autre logique d’analyse.
25 En situation « normale », entre deux élections, la
communication politique est surtout animée par les
médias qui jouent au mieux leur rôle en faisant remonter
les événements et les problèmes qui ne sont pas vus par
le milieu politique. Ils assurent là une fonction de « veille
démocratique » devenant en quelque sorte le cordon
ombilical qui relie la classe politique, inévitablement
refermée sur elle-même, au reste de la société. Certes,
les hommes politiques sont des élus en contact
permanent avec les circonscriptions, mais le jeu politique
et l’exercice du pouvoir imposent souvent des règles
différentes entre deux élections. Les médias, en
informant, sont les principaux facteurs d’animation et de
renouvellement d’une communication politique qui tend
naturellement à se refermer sur elle-même. La
concurrence entre médias provoque, hélas, souvent
l’effet paradoxal d’une moindre représentation de la
diversité de la société. La question est aujourd’hui de
savoir si cette diversité est mieux assurée par la logique
de l’expression sur les réseaux. Ce n’est pas certain… En
situation de crise politique, intérieure ou extérieure,
l’équilibre de la communication politique est encore
différent, dominé par la prééminence des hommes
politiques. L’urgence de la situation, l’importance de
l’action et des décisions à prendre mettent l’homme
politique au centre de la communication politique. Le
rythme des événements et leur caractère inattendu
diminue, momentanément, le rôle de l’opinion publique
et l’intérêt des sondages, car la responsabilité des
acteurs dans de telles situations est rarement d’agir en
fonction de l’opinion publique. Si dans de telles situations
les hommes politiques n’assurent pas cette maîtrise de la
communication politique, le risque est que ce soit les
médias qui le fassent… comme on le voit souvent en
situation de crise.
La communication, le « moteur » de
l’espace public
26 L’existence de la communication politique, à la fois
réalité empirique et concept fondamental d’analyse pour
les démocraties dans les sociétés de masse présente
cinq intérêts du point de vue de la théorie politique.
27 Elle est d’abord la preuve qu’il n’y a pas d’antagonisme
structurel insurmontable entre les groupes sociaux. La
communication politique implique l’échange, donc la
reconnaissance de l’autre, c’est-à-dire de l’adversaire. La
conception de la communication politique que je défends
montre que non seulement l’espace public n’est pas
détruit, mais que son fonctionnement, à l’échelle de la
démocratie de masse, est inséparable de la valorisation
de ce concept. Quant aux médias et aux sondages, ils
n’ont pas non plus dénaturé l’espace public, tel qu’il fut
pensé au XVIIIe siècle, ils permettent simplement son
adaptation à cette nouvelle échelle de la « démocratie de
masse ». La communication politique, sans être la seule,
est probablement une des conditions les plus
importantes du fonctionnement de l’espace public élargi.
Mais cette conception n’est pas fréquente tant domine,
au contraire, l’analyse critique qui voit dans la
communication politique une dégradation de la
démocratie et une logique de manipulation…
28 La mise en valeur du rôle central de la communication
politique présente un avantage complémentaire :
déplacer l’éternelle question de la tyrannie des médias et
des sondages. Ces derniers ne détruisent ni la politique,
ni la communication politique, mais sont au contraire une
de ses conditions structurelles de fonctionnement.
29 Le second intérêt est de retrouver l’importance des
acteurs derrière les discours. Les logiques contradictoires
qui sont au cœur de la communication politique sont en
réalité incarnées par des acteurs. D’ailleurs, cette
revalorisation de leur rôle est parallèle à la revalorisation
de la communication. Cela ne signifie pas que les acteurs
« communiquent » mieux, mais que celle-ci permet de
gérer pacifiquement les affrontements inhérents à la
politique.
30 Le troisième intérêt est de rappeler l’autonomie des trois
logiques : la politique, l’information et la communication.
Cette autonomie a une conséquence importante :
souligner la séparation entre la logique de l’information
des médias et celle de la communication, avec l’opinion
publique. On a vu qu’historiquement les deux étaient
liées, mais aujourd’hui, notamment à travers la
croissance du secteur de l’information et de l’industrie
des sondages, les différences de nature entre
l’information des médias et la communication des
sondages sont nécessaires à rappeler. Cette
autonomisation de l’opinion publique par rapport à
l’information est probablement un des changements les
plus importants, consécutifs à la mise au jour du rôle
essentiel joué par la communication politique. Rôle
encore renforcé avec l’arrivée des réseaux qui donnent
aussi une place croissante, et ambiguë, à l’opinion
publique dans la politique. Expression, communication et
information renforcent la nécessité de valoriser l’action
politique.
31 Le quatrième intérêt est de montrer que cette conception
de la communication politique est dynamique. L’idéal est
une certaine égalité de tension entre les trois logiques
constitutives, mais cet équilibre est rare, ne serait-ce que
parce que les trois logiques de discours n’obéissent pas
au même rythme et que le contexte historique introduit
sans cesse des facteurs de déséquilibre. C’est pourquoi
la communication politique est un modèle d’analyse
dynamique et constitue souvent un révélateur de l’état
du système politique.
32 Le cinquième intérêt est de montrer que si la
communication joue un rôle essentiel dans nos
démocraties, la politique domine toujours. La
communication ne se substitue pas à la politique mais lui
permet d’exister. On peut même avancer l’hypothèse
que la reconnaissance du rôle de la communication
politique est le signe d’une certaine maturité politique.
Maturité au sens où sont acceptés, dans la gestion
nécessairement contradictoire des intérêts, les deux
paramètres complémentaires de la communication et de
la politique. Mais force est de constater qu’aujourd’hui la
marge de manœuvre des politiques, avec la pression de
l’information, des sondages et des réseaux, est plus
étroite, souvent trop étroite même, alors que la politique
reste l’activité la plus difficile.
NOTES
2. Wolton, Dominique, « Les médias, maillons faibles de la communication
politique », Hermès no 4, op. cit., p. 165-179. Disponible sur :
<https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-1989-1.htm>.
AUTEUR
DOMINIQUE WOLTON
NOTE DE L'AUTEUR
Ce texte a été publié pour la première fois dans son
intégralité dans Hermès, no 17-18, « Communication et
politique », 1995, p. 107-124. Il a réactualisé par l’auteur
en mars 2017 et réédité. La version originale est
disponible sur : <https://www.cairn.info/revue-hermes-la-
revue-1995-3.htm>.
1 La politique est inséparable de la communication, et
d’ailleurs l’histoire de la démocratie est celle de leurs
relations. Le problème, aujourd’hui, est de mieux cerner
la spécificité de la « communication politique », au
moment où, avec la radio, la télévision, Internet et les
sondages, la communication est en pleine expansion.
3 – L’égalitarisme, la fin de la
responsabilité sociale des élites
6 L’égalité devant le vote est le symbole de la
démocratisation. Chacun est au niveau de « tous » pour
penser et analyser les problèmes en tout genre, et voter.
Pourtant cette égalité politique symbolisée par le
suffrage universel n’existe pas pour le reste du
fonctionnement de la société. Avec la médiatisation et la
transparence, l’égalité semble se généraliser à tous les
aspects de la société. Et là intervient le glissement
douteux. À côté de l’égalité politique subsistent les
différences et les hiérarchies. Celles-ci peuvent être
critiquées, mais il n’y a pas de société sans hiérarchie. La
critique des élites et de tous les intermédiaires est
possible, mais pas la négation de leur rôle. Bien que leur
arrogance, trop visible aujourd’hui avec les médias,
rende cet élitisme insupportable. L’égalitarisme est aussi
dangereux que son symétrique, l’immuabilité des
hiérarchies. En d’autres termes, la communication
politique, comme enjeu de l’affrontement des discours
pour la conquête et la maîtrise du pouvoir politique, joue
ici un rôle central. Soit elle renforce l’idéologie de
l’égalité, peu compatible avec la réalité, soit elle
contribue à préserver le rôle essentiel des différences.
7 La communication politique est la possibilité de pouvoir
reconnaître tous les discours, mais aussi celle de pouvoir
les critiquer. C’est un espace de débats contradictoires.
Acquis fragile et récent de la démocratie… L’écueil ? Un
égalitarisme qui confond l’égalité politique par le
suffrage universel avec toutes les hiérarchies d’une
société. Avec souvent pour conséquence une croissance
disproportionnée d’une part de l’expression par
l’intermédiaire des réseaux et, d’autre part des experts
qui, au nom de leur compétence, créent une autre
hiérarchie parallèle. Le renforcement du pouvoir des
experts serait le résultat paradoxal du phénomène
d’égalitarisation des discours.
4 – La médiatisation sans limite
8 Je ne reviens pas sur ce que j’ai analysé ailleurs, lié aux
contradictions de l’espace public médiatisé 3 : tyrannie
de l’événement ; distorsion entre grande capacité
d’accès à l’information et faible capacité d’action ;
omniprésence de l’image… Je voudrais ici évoquer un
des effets les plus pervers du processus, par ailleurs
démocratique de publicisation, celui de la médiatisation
sans limite. On a vu que la publicité, par l’intermédiaire
des médias, a l’avantage de faciliter le passage des
problèmes et discours dans l’espace public : tout est
devenu discutable.
9 L’inconvénient, on l’a vu également, est la disparition de
la frontière public/privé. Mais il y a un autre effet
discutable pour l’équilibre fragile de la communication
politique : le fait que les médias deviennent le seul
étalon de la légitimité. Autrement dit, la logique de la
communication devient le critère ultime avec le
syllogisme suivant : ce qui est visible, connu est
médiatisé, donc ce qui est légitime est médiatisé. Ce qui
n’est pas médiatisé n’est donc ni important ni légitime.
C’est la confusion entre visibilité et légitimité.
L’omniprésence des réseaux et l’absence actuelle de
critique des médias à l’égard du règne de l’expression
renforcent ce déséquilibre.
5 – La représentativité omniprésente
10 Plus il y a de discours dans l’espace public, par
l’intermédiaire des médias et la prise de parole des
acteurs, plus se pose le problème, pour les journalistes,
du critère au nom duquel donner la parole aux acteurs.
Tout le monde ne peut parler ou s’exprimer. La
communication requiert donc une logique de
représentativité. Finalement, parle et s’exprime celui qui
est légitime, c’est-à- dire représentatif. Ce processus
produit un risque de rigidification, et d’inégalité, car qui
évalue la représentativité, si ce n’est finalement les
journalistes et le microcosme ? La représentativité liée à
la légitimité politique, avec l’élection, ne suffit plus et il
n’y a plus de critère objectif pour organiser la hiérarchie
des événements des expressions et des valeurs dans
l’espace public. Le problème existe depuis toujours, mais
l’extrême médiatisation, ce que l’on appelle pipolisation,
depuis les années 2000, renforce le pouvoir de
« représentativité » exercé par les médias. Autrement
dit, il peut y avoir simultanément médiatisation et
conformisme. Conformisme car chacun sait que le
processus de représentativité peut se dénaturer en
défense des intérêts acquis…, des modes et des réseaux.
11 La représentativité assurée par l’élection ne suffit plus,
médias, sondages et réseaux pouvant faciliter
l’émergence d’autres thèmes considérés comme aussi
« représentatifs » que ceux issus de l’élection.
6 – La simplification de l’argumentation
politique
12 L’avantage de la politique démocratique est d’obliger à
une simplification du discours politique : la politique faite
aux « balcons du peuple » doit être compréhensible. La
télévision, après la radio, facilite ce phénomène. Internet
et les réseaux sociaux, où chacun s’exprime librement,
l’accentuent. L’inconvénient est évidemment d’aller trop
loin dans cette simplification au point de réduire
l’argumentation politique à un jeu de stéréotypes.
Jusqu’où cette simplification est-elle possible sans
appauvrissement et renforcement des stéréotypes ? La
visibilité, l’élargissement du champ de la politique, la
vitesse et la concurrence entre les médias accentuent
également ce processus. Avec pour conséquence, dans
un premier temps, une sorte de clarification de la
politique, et dans un second temps, l’émergence d’une
« politique sauvage » qui conteste la politique
institutionnelle. Ce risque est constant, mais il devient
dangereux s’il parvient à mettre en cause l’efficacité de
la communication politique. Trop de simplification est
aussi dangereux que trop de représentativité. Avec le
risque corollaire : l’illusion de la maîtrise du temps. Car
telle est la conséquence ambiguë de cette simplification :
comprimer l’échelle du temps, déjà réduite par le jeu des
calendriers électoraux. L’avantage de la démocratie
médiatisée est de pouvoir parler de tout, simplement ;
l’inconvénient est l’usure de tout et le sentiment
d’impuissance quand les problèmes demeurent, ce qui
est le cas par exemple avec le chômage. La
simplification, condition de la communication élargie,
peut devenir un handicap. Nous assistons à ce
phénomène, avec la persistance d’un discours politique
d’extrême-droite concernant l’immigration et finalement
l’identité. Comme les autres forces politiques n’ont pas
pour l’instant réussi à trouver des contre-arguments
simples et convaincants, et que le problème reste
« délicat » en Europe, on le laisse pour le moment en
« jachère » de peur de relancer un débat politique
« défavorable ». La politique de l’autruche face aux
arguments du Front national… Comme si ne pas
combattre et argumenter faisait disparaître le
problème… C’est finalement ce que font la droite et la
gauche depuis plus de vingt ans. On en voit le résultat…
13 En un mot, la simplification de la communication
politique ne change rien à la complexité de la politique.
Au contraire ! Elle accentue les défauts de nos sociétés
« modernes » qui acceptent difficilement le temps et la
durée. L’accélération des débats, des échanges, des
arguments, des thèmes qui entrent et sortent de la
communication politique n’a pas forcément de
conséquence directe sur la solution des problèmes
politiques. La difficulté est d’admettre ce découplage : la
simplification des débats ne signifie pas la simplification
de la résolution de problèmes.
10 – La communication politique
détachée des cadres nationaux
19 On retrouve ici le décalage structurel entre les
performances de la communication qui permettent de
tout voir, tout savoir sur tout, et le fait que la
communication politique, comme lieu d’affrontement des
discours requiert du temps et le respect des réalités
sociopolitiques.
20 Les formes et le sens de la communication politique sont
différents à Paris, Berlin ou Rome, même si en grande
partie, ce sont évidemment les mêmes problèmes qui
sont débattus. Mais tout, du langage, des traditions, des
vocabulaires, des représentations, des références
historiques, des symboles, est différent. Il n’y a de
communication politique que nationale. Et que dire pour
l’Amérique latine, l’Asie, l’Afrique ? Il n’y a pas de citoyen
mondial. Ce n’est pas parce que certains problèmes sont
mondiaux que la politique est mondiale. Car il n’y a de
politique que rapportée à un territoire physique et
symbolique à partir duquel les citoyens se sont engagés.
Aucun citoyen ne peut vivre à l’échelle mondiale. Il n’a a
même pas, finalement, de consommateur mondial. À la
rigueur, un financier… mais ce n’est pas un modèle. Telle
est la limite à « l’universalisme » d’un certain modèle
démocratique, ou plutôt la limite d’un modèle qui ignore
le poids déterminant des « identités culturelles ». Les
« variables locales » sont la condition du fonctionnement
réel de la démocratie.
21 La force et la fragilité de la communication politique
demeurent la gestion contradictoire de deux échelles de
temps constitutives de la politique : celle de
l’événement ; celle de la structure. En un demi-siècle,
tout a été vers une performance croissante de la
première. Le risque serait la délégitimation de la seconde
qui renvoie à l’anthropologie culturelle, mais sans
laquelle il n’y a pas de politique. A fortiori démocratique.
En un mot, plus l’événement domine, plus le temps long
doit conserver sa place. Car c’est au carrefour des deux
que se structure la communication politique ; le temps
court des communications et des événements, le temps
long de la politique et de l’histoire.
NOTES
2. WOLTON, Dominique, Éloge du grand public. Une théorie critique de la
télévision, Paris, Flammarion, 1990.
3. Wolton, Dominique, « Les contradictions de l’espace public médiatisé »,
Hermès, no 10, « Espaces publics, traditions et communautés », 1992, p. 95-
114.
AUTEUR
DOMINIQUE WOLTON
***
38 En un mot, et pour confirmer la construction du modèle
que j’avais élaboré en 1989, soit il y a vingt-huit ans, la
communication politique n’a que peu de choses à voir,
malgré toutes les mutations intervenues en trente ans,
avec la caricature qui en a été faite. Simplement, dans la
politique, comme dans la publicité, les stéréotypes ont la
vie dure… La communication politique n’est pas cette
caricature de la manipulation, du marketing… qui
supposent l’existence d’un récepteur passif et
manipulable.
39 En réalité, si l’on voulait un symbole du retard de la
réflexion théorique sur la communication, on le trouverait
dans cette sous-valorisation du rôle du récepteur, et
donc de l’altérité. Avec en symétrie la domination de
l’idée de manipulation. Mais qui dit manipulation suppose
de n’être pas soi-même manipulé et de savoir, pourquoi
et comment, les autres le sont… Penser la
communication politique, dans toutes ses dimensions,
c’est comprendre comment elle est le véritable moteur
de l’espace public. Un moteur qui doit aujourd’hui
échapper à une autre déviation du modèle
démocratique : l’imperium du quantitatif. Le quantitatif
est le cœur de la légitimité politique. Le gagnant en
politique est celui qui reçoit le plus grand nombre de
suffrages. Avec le succès massif d’Internet, on assiste
aujourd’hui à un glissement pervers dans lequel on
pense que le nombre équivaut à la vérité et à la
légitimité. Mais en matière d’information, de
connaissance et de communication, il n’y a pas de lien
direct, la quantité ici n’est pas symbole de vérité. Et quid
des différences et des minorités ? Elles ne sont pas
moins légitimes. Le règne du quantitatif accentué par
toutes les nouvelles technologies de communication
risque bien de renforcer une légitimité déplacée du
quantitatif.
40 En conclusion, quels sont finalement les aspects positifs
et négatifs de ces nouvelles contradictions de la
communication politique, vingt-cinq ans après ? Six
dimensions sont positives :
l’abondance d’information favorise toujours, finalement, la réflexion
critique ;
l’extension de la capacité d’expression élargit l’espace public ;
les réseaux contribuent au jeu démocratique ;
les sondages éclairent partiellement les sociétés ;
la crise des élites obligera celles-ci à regarder autrement la société ;
la prise en compte du rôle du récepteur permet de comprendre
l’importance de la négociation et de l’incommunication dans toute
communication.
BIBLIOGRAPHIE
À lire
WOLTON, Dominique, Communiquer c’est vivre. Entretiens avec Arnaud
Benedetti, Paris, Cherche-midi, 2016.
—, La communication, les hommes et la politique, Paris, CNRS Éditions, 2015
(Odile Jacob, 2012).
—, Informer n’est pas communiquer, Paris, CNRS Éditions, coll. « Débats »,
2009.
—, Internet et après ? Une théorie critique des nouveaux médias, Paris,
Flammarion, coll. « Champs », 2001.
AUTEUR
DOMINIQUE WOLTON
Le consentement
La délibération politique
politique
Processus
La communication La persuasion
principal
– L’approche dialogique
– La publicité de – Négociation politique
Composantes l’information – Persuasion politique
– La construction des – Symbolique politique
désaccords
BIBLIOGRAPHIE
Références bibliographiques
BLONDIAUX, Loïc, Le nouvel esprit de la démocratie, Paris, Seuil, 2008.
CASTORIADIS, Cornelius, L’institution imaginaire de la société, Paris, Seuil,
1975.
CHOMSKY, Noam et HERMAN, Edward S., La fabrication du consentement. De la
propagande médiatique en démocratie, Paris, Agone, 2008.
DACHEUX, Éric, Sans les citoyens l’Europe n’est rien. Pour une communication
publique au service de la démocratie, Paris L’Harmattan, 2016.
HABERMAS, Jürgen, Droit et démocratie, Paris, Gallimard, 1997.
HABERMAS, Jürgen, Théorie de l’agir communicationnel, tome 1 et 2, Paris,
Fayard, 1987.
NOTES
1. À force de ne vouloir déplaire à personne on ne dit que des banalités.
2. L’unité se fait en rejetant l’autre. Ce dernier n’est plus l’adversaire à
combattre, mais l’ennemi à abattre.
AUTEUR
ÉRIC DACHEUX
NOTE DE L'AUTEUR
Ce texte a été publié pour la première fois dans Hermès,
no 4, « Le nouvel espace public », 1989, p. 103-112. La
version originale est en ligne sur :
<https://www.cairn.info/revue-hermes-larevue-1989-
1.htm>.
1 Qu’entendons-nous par modèle de la communication
politique ? Toute forme de communication politique
suppose que soit satisfait un certain nombre d’exigences
minimales. En nous inspirant du modèle classique des
conditions de la communication en général, nous dirons
que pour qu’il y ait communication politique, il faut que
soient définis :
un émetteur, i.e. les conditions sous lesquelles un acteur peut produire
un énoncé politique ;
un récepteur, i.e. les conditions sous lesquelles un acteur est visé et
atteint par un énoncé politique ;
un espace public, i.e. les modalités selon lesquelles les individus se
constituent en un récepteur collectif. Puisque ce qui nous intéresse ici,
c’est la communication en tant qu’elle est politique, en tant que
communication dans et pour une communauté ;
un ou des médias, c’est-à- dire que soient sélectionnées une ou
plusieurs modalités selon lesquelles l’énoncé est pertinemment
transmis, eu égard à l’effet qu’on en attend (conviction, persuasion,
adhésion, etc.).
Le modèle dialogique
3 C’est le premier qui s’impose à nous comme étant à la
fois le plus ancien et celui qui est doté de la légitimité la
mieux assurée. Il se constitue autour du mouvement des
Lumières aux XVIIe et XVIIIe siècles. Le dialogue, au double
sens d’échange de paroles et de rationalité à plusieurs, y
est présenté comme la forme légitime de la
communication politique.
L’espace public
Les médias
Le modèle propagandiste
12 Avec la propagande, nous sommes dans le théologico-
politique, ou plus exactement dans une forme
théologique du politique. En premier lieu, le terme même
de propagande tient son origine de l’Église avec la
création en 1597, de la Congregado de Propaganda Fide
par le Vatican. Le terme gardera cette connotation
directement religieuse jusqu’au début du XXe siècle. Mais
après que la propagande s’est laïcisée quand à son
contenu avec l’apparition des partis de masse, elle
gardera sa forme théologique. La propagande organise
en effet sa communication en posant comme instance
dernière une réalité transcendante à l’espace de la
communication lui-même. La propagande, c’est ce
discours dont la référence est la Terre Promise, la société
sans classe, le Reich millénaire, etc. D’une manière
générale il s’agit de ces objets qui font les thèmes des
grands récits politiques, les idéologies. Le propre de tels
récits, c’est qu’on ne les discute ni ne les réfute. Ils
échappent par nature à l’évaluation et à la critique. C’est
pourquoi le type de conviction qui leur est attaché relève
de la foi, de la croyance, en tout cas d’une certitude
indiscutable. L’espace politique que suppose le modèle
propagandiste, c’est la communauté des croyants. C’est-
à- dire une communauté qui se constitue moins dans un
partage de la parole que par celui d’une écoute. Le
modèle en est donc moins celui d’une assemblée,
organisée selon les règles de la réciprocité des échanges,
que celui d’une assistance, d’un auditoire.
Les acteurs
L’espace public
Les médias
Le modèle marketing
17 Le marketing politique présente un paradoxe 2 . Il est
aujourd’hui le modèle dominant de la communication
politique, et cependant, il a lui-même une assez
mauvaise image. Sa légitimité reste encore à constituer.
On continue de penser qu’il y a quelque chose
d’insatisfaisant sur le plan éthique à « vendre un
candidat comme une savonnette », pour reprendre le
reproche traditionnel. On demandera donc comment un
mode de communication peut ainsi se développer avec
une légitimité si faible, précisément dans un domaine, la
politique, où la question de la légitimité est centrale. Si,
avec le modèle propagandiste, le politique se présentait
sous la forme du théologique, avec le marketing il se
présente sous une forme commerciale. Quel est le sens
d’une telle représentation ? Tout autre chose, en tout cas,
que la (trop) simple idée que l’on vend un candidat et
que les électeurs l’achètent.
18 Retournons brièvement aux conditions de naissance du
marketing lui-même. L’apparition et le développement
du marketing sont liés à la saturation du marché de
masse, dont il constitue une solution. Le marketing est
une des deux réponses que le capitalisme a apportées au
problème de l’extension de ses marchés, rendue
nécessaire par les contraintes de la concurrence. La
première fut l’impérialisme. Elle a consisté à ouvrir de
nouveaux marchés à l’extérieur. L’autre, celle du
marketing, a été de réarticuler le marché à l’intérieur.
C’est-à- dire de le redéfinir non plus comme une réalité
homogène et continue (le marché de masse standardisé),
mais plutôt comme un assemblage de différentes zones,
ce que les gens de marketing appellent des
« segments », chacun étant caractérisé par une
demande spécifique et distincte des autres segments. La
représentation qui préside à cette opération de
redéfinition du marché est que la sphère des besoins se
caractérise par une essentielle diversité. Tous les besoins
ne sont pas classés identiquement par tous les acteurs. Il
n’y a pas une seule hiérarchie des préférences pour
l’ensemble des marchés. Il en existe au contraire
plusieurs, qui définissent autant de marchés. Une même
valeur d’usage, un même produit, n’est pas demandé de
la même manière par tout le monde, chaque segment du
marché en exige sa propre version. Le marketing a ainsi
mis en œuvre une série de critères de segmentation du
corps social, afin de mieux cerner la demande, mieux
définir les marchés. C’est pourquoi au développement du
marketing est lié celui des sondages, en tant que
techniques de description du corps social par
segmentation sociographique. Dans son sillage sont
également apparues des techniques d’analyse plus
qualitatives, telle la sociologie des « styles de vie », des
« socio-styles » développés par des organismes liés à des
agences de publicité.
19 La mise en œuvre de ces techniques d’étude des
marchés conduit à la représentation d’un corps social
désarticulé, marqué d’hétérogénéité. Les raisons de cette
segmentation sont, comme on l’a dit, de rendre possible
une lutte entre les forces concurrentes que sont les
entreprises. Cependant, cette lutte n’est pas une lutte à
mort. Les batailles auxquelles elles donnent lieu ne
consistent pas nécessairement à chercher la mort de
l’adversaire, mais plus simplement à lui infliger une
défaite relative. Il ne s’agit pas tant d’obtenir la totalité
du marché (ce qui d’ailleurs n’a plus guère de sens) que
d’en obtenir des parts. La concurrence est l’horizon
indépassable du marketing. C’est cette représentation du
social sous les espèces de la diversité : diversité des
marchés, diversité des entreprises, que le marketing
importe dans la politique, et à partir de laquelle il
repense l’espace public. Puisque le marketing s’installe
d’entrée de jeu dans un univers politique à la fois pluriel
et concurrentiel qu’il accepte comme tel, il s’agit moins
pour lui de réduire cette diversité que de la gérer, de
l’aménager à la marge. Ainsi, à la différence des deux
autres modèles de la communication politique que nous
avons vus, le marketing politique ne suppose aucun point
de vue, aucune valeur substantielle (ni intérêt général ni
grand récit) par rapport à quoi devrait s’organiser la
totalité de l’espace de la communication politique. N’en
supposant aucun, il peut se mettre au service de tous.
C’est pourquoi il se présente comme un ensemble de
techniques purement instrumentales.
Le récepteur
L’émetteur
NOTES
2. Pour un panorama plus complet sur cette question, lire Thomas Stenger
(dir.), Le marketing politique, Paris, CNRS Editions, coll. « Les Essentiels
d’Hermès », 2012 (NdE).
AUTEUR
GILLES ACHACHE
NOTE DE L'AUTEUR
Ce texte a été publié pour la première fois dans Hermès,
no 42, « Peuple, populaire, populisme », 2005, p. 172-
180. La version originale est en ligne sur :
<https://www.cairn.info/revue-hermesla-revue-2005-
2.htm>.
1 Silvio Berlusconi représente un phénomène original, et
même un cas unique, puisqu’il est le seul chef
d’entreprise du secteur des médias qui ait accédé, à
deux reprises, aux fonctions de Premier ministre dans
une grande démocratie. Les raisons de son double
succès tiennent, pour beaucoup d’observateurs, au fait
qu’il possédait trois grands réseaux nationaux de
télévision qui, en informant les électeurs, auraient
influencé, voire « déterminé », leurs choix électoraux. La
plupart des commentaires venus des dirigeants
politiques ou des « politologues » ont fonctionné sur ce
registre. En 1994, Laurent Fabius qualifia le phénomène
de « télé-populisme », L’Événement du Jeudi fit sa
couverture sur le « téléfascisme » et le Wall Street
journal évoqua pour sa part, la « tycooncracy ».
2 Dès l’entrée de Berlusconi en politique, Vincenzo Vita,
responsable du secteur communication au Parti des
démocrates de gauche, mit en garde contre les dangers
du « péronisme électronique ». Le phénomène Berlusconi
était si dérangeant par rapport aux rationalités
traditionnelles du politique en Europe qu’il fallait de toute
urgence le classer dans une formule boîte, comme pour
mieux le conjurer en tant qu’« accident ». Le télé-
populisme fit l’affaire. Or Berlusconi s’est inscrit dans la
vie politique italienne comme un phénomène politique
durable. Les interprétations de sa seconde victoire
de 2001 ont ajouté le qualificatif de « populisme de
droite » à la thèse de la vidéocratie. Ce faisant, le
phénomène Berlusconi a été plus souvent diabolisé
qu’interprété. Umberto Eco a justement souligné
l’insuffisance d’analyse du « cas italien » trop vite réduit
à un nouveau césarisme (Bocca, 2002), sinon même à un
« populisme médiatique » (Candiard, 2003).
Populisme ou popularisme ?
3 La notion de populisme, au contenu flou, vise en fait à
disqualifier a priori le personnage politique et à invalider
sa démarche, tout en limitant le travail d’interprétation.
4 Quelle est la portée de cette étiquette « populiste » ?
S’agit-il de classer sa coalition à l’extrême-droite ? Or,
elle occupe sur l’échiquier politique le centre-droit et a
même récupéré une bonne partie de l’électorat de
l’ancien Parti socialiste. S’agit-il de comprendre son
irruption soudaine dans la politique ? Désormais, il s’y est
installé depuis onze ans et dirige un gouvernement qui a
déjà la plus longue durée de vie depuis l’après-guerre,
avec plus de 50 mois d’existence. S’agit-il d’indiquer qu’il
est hors – voire anti – système politique traditionnel ?
C’est ce que le Cavalière ne cesse de revendiquer pour
se démarquer de la « partitocratie 2 », mais la question
demeure de savoir au nom de « quel ailleurs » il parle.
5 L’ambiguïté de la notion de « populisme », clef de son
usage inflationniste, n’offre pas un éclairage suffisant sur
ce phénomène. Elle sert avant tout de marqueur
idéologique péjoratif et, combinée à la manipulation
médiatique, elle finit par discréditer le politique. Le
populisme serait la maladie infantile (dans les pays en
développement) ou sénile (dans les pays industrialisés)
de la démocratie. Paolo Flores d’Arcais, philosophe italien
et directeur de la revue MicroMega, résumait ainsi :
« C’est un populiste représentant un régime nouveau non
démocratique, en partie péroniste… en partie
vidéocratique » (Libération, 13 septembre 2003). Le
cocktail berlusconien se réduirait donc à additionner
populisme, TV et publicité : autant d’éléments
symboliques qui le disqualifieraient aux yeux d’un idéal
démocratique fondé sur le débat argumenté et l’écrit.
6 Jean-Gustave Padioleau a avancé la notion plus
intéressante de « popularisme », dans lequel, dit-il,
Berlusconi excelle (Padioleau, 2003). « Le popularisme
est une forme générale de l’action politique […]. Mettre
en scène l’agir suffit au popularisme. Impressionner,
frapper, décider deviennent des preuves manifestes de
l’efficacité. La production d’effets substantiels s’efface
devant l’impératif de séduction […]. Le popularisme
manipule, à bon marché, les ressorts du consumérisme
de satisfaction d’opinions. Il ne connaît que le tempo de
l’urgence, de la vitesse et de l’immédiat. Il renvoie à plus
tard les tests de l’action efficace ou, avec adresse, tente
de les faire oublier. Il se soumet aux diktats d’un seul
objectif : gagner le pouvoir et le conserver ». Si certains
traits du popularisme caractérisent Berlusconi, son action
s’est installée dans la durée, prise dans les institutions
de la République et le jeu politique classique, et s’est
donc inscrite en dehors de ce concept. Populisme et
popularisme désignent plus qu’ils n’expliquent le
phénomène qui doit être appréhendé dans sa complexité
et dans sa durée.
7 Le mystère Berlusconi est d’autant plus fort que le
personnage est biface : chef d’entreprise et homme
politique, animal mi-politique et mi-télévisuel, leader
médiatique surexposé et homme d’affaires obscur. Le
Cavaliere possède une grande capacité à passer d’une
figure à l’autre. Il définit lui-même son savoir-faire
comme une combinaison de rêve et de pragmatisme.
C’est ce savoir-faire mêlant fiction et action, que
Berlusconi applique dans les affaires et en politique.
L’art de la néo-télévision commerciale
8 Si la télévision a contribué au succès politique de
Berlusconi, c’est moins comme un instrument de
manipulation de l’opinion que comme une machine à
« fictionner » une société et à dramatiser le débat public.
La « néo-télévision » de Berlusconi a joué un rôle majeur,
mais indirect, dans son dispositif de conquête du pouvoir.
C’est l’art de la programmation dans la néo-télévision
commerciale, c’est-à- dire la capacité à choisir et à
assembler des programmes en fonction des désirs des
téléspectateurs et des annonceurs, et non la télévision
considérée globalement, qui s’avère être une arme
redoutable dans le champ politique. En fait, il ne s’agit
même pas de « la » télévision, mais d’un type particulier
de néo-télévision commerciale italo-américaine, mis au
point par Berlusconi à la fin des années 1970 et opposée
systématiquement à la RAI publique. La programmation
des chaînes de la néo-télévision commerciale de
Berlusconi, composée surtout de fictions et de variétés,
est une télévision de la catharsis qui divertit, fait
s’évader et rêver : une télévision relationnelle et
émotionnelle, avec publicité pré-insérée pour financer
cette industrie du rêve.
9 Dans son laboratoire télévisuel, Berlusconi a expérimenté
avec ses équipes ce savoir-faire particulier de
« programmateur » de la néo-télévision commerciale
qu’il a pu, par la suite, exporter et imposer dans un
champ politique en ruines. Une connaissance quasi-
ethnologique de la société italienne résulte du travail très
sophistiqué de la programmation télévisuelle qui suppose
une étude fine et dynamique des désirs et attentes des
téléspectateurs, une contre-programmation par rapport
aux concurrents, en l’occurrence la RAI, et une forte
intuition, voire une capacité créatrice, pour assembler
ces programmes dans une grille attractive. Le « rêveur
pragmatique » est un praticien de la vente d’imaginaire
et de fictions destinés au plus grand nombre. Son
expérience du négoce des biens immatériels, amplifiée
par l’exercice du management de son groupe, la
Fininvest, lui a permis de développer la manipulation des
signes et symboles. Ce know-how a donné à Berlusconi
les clefs de ses succès économiques et politiques.
10 Ainsi sa carrière d’entrepreneur passe de la vente de
« rêves » dans la promotion immobilière et la finance
dans les années 1960-1970, à la télévision durant la
décennie 1980, pour entrer en politique au début des
années 1990. L’invariant dans ses déplacements
d’activités, c’est sa capacité à faire rêver le
consommateur et le citoyen. Il vend un rêve (ses
détracteurs disent qu’il vend du vent) dont il est le
producteur et un des messagers, avec ses proches. Il
n’exerce donc pas une séduction directe par simple
identification à sa personne, mais il sait produire des
clones, des médiateurs à son image, des copies fidèles.
Ainsi, le footballeur de son club du Milan AC, le
commercial de sa régie Publitalia, l’élu de son parti Forza
Italia ou l’animateur de ses chaînes de télévision, tous
deviennent des représentants « berlusclonés », mettant
en valeur leur référent. Berlusconi sait construire une
fable pour séduire des consommateurs, puis se présenter
comme le médiateur de ce rêve, entouré de stars
reflétant son image, et enfin, le réaliser dans un produit
ou un service. Il est un représentant, au sens commercial
du terme et au sens symbolique, c’est-à- dire un
messager des rêves qu’il promeut. Ce ne sont ni la
propriété de télévisions, ni son charisme qui, à eux seuls,
expliquent sa victoire politique en 1994, puis sa
répétition sous une autre forme en 2001, mais bien sa
« praxis managériale de l’imaginaire » qui porte remède
à une crise profonde de la représentation politique
traditionnelle.
La néo-politique prolongement du
management
17 En combinant le management par le rêve et la
programmation télévisuelle, Berlusconi réunit rationalité
et symbolique d’entreprise pour l’imposer dans l’espace
public. Pour saisir ce phénomène, nous avons proposé le
néologisme de « commanagement », notion qui met
l’accent sur la puissance idéologique du management, de
la communication et de leur combinaison. Ce néologisme
identifie la confusion entre le management de
l’entreprise de spectacles et l’hégémonie symbolique du
discours communicationnel, en particulier du langage
télévisuel. Lucien Sfez a souligné que la « nouvelle
religion mondiale de la Communication évacue, entre
autres, le ou la politique » (Sfez, 1988, p. 15), et Pierre
Legendre insiste sur le dogme du management entendu
comme la « version technologique du Politique »
(Legendre, 1993, p. 40). Le commanagement désigne
ainsi le règne simultané et universel de la symbolique de
la communication et du dogmatisme du management.
Avec l’imposition générale à la société du dogme
managérial de l’efficiency et des formes de la
théâtralisation télévisuelle, la politique est reformulée en
termes d’efficacité et de communication. En période de
dérégulation et de crise du politique, le commanagement
est devenu le contrepoint et le contrepoison à la crise
d’identité de l’État-nation. Le commanagement occupe
l’espace libéré par la critique systématique de l’État – qui
est au centre du discours berlusconien – et crée
progressivement un nouvel espace de croyances
structurées autour de l’efficacité technico-économique.
C’est sur ce terrain de la foi en l’entreprise postfordiste
dont il se dit le missionnaire que Berlusconi mène son
combat politique.
18 En prolongeant la distinction d’Umberto Eco entre
« paléo » et « néo-télévision », on peut dire de Berlusconi
qu’il vise une « néo-politique » entendue comme une
politique expressive, basée sur la relation directe et
affective avec l’électeur-consommateur, par différence à
la « paléo-politique » construite sur le message
programmatique des partis et des élus. Cette néo-
politique de la relation directe est issue du modèle de la
néo-télévision commerciale qui met en scène le
téléspectateur ordinaire sur ses plateaux pour établir une
relation émotionnelle avec le téléspectateur placé devant
son écran. Berlusconi est alors dans la position de
l’animateur dans le talk-show, celle d’un médiateur
confident, complice et ordonnateur de l’échange public. Il
applique ainsi l’art de la théâtralisation télévisuelle dans
le politique. Dans cette translation, tout se passe comme
si le commanager visionnaire et gestionnaire, était
capable d’occuper toutes les fonctions, prouvant qu’il est
omniscient, flexible, disponible et adaptable. Tel
l’animateur de la néo-télévision, ses blagues, sa
décontraction, et surtout son éternel sourire,
garantissent la permanence de son personnage.
BIBLIOGRAPHIE
Références bibliographiques
BOCCA, Giorgio, Piccolo Cesare, Milan, Feltrinelli, 2002.
NOTES
2. La partitocratie est le nom donné à un régime politique où plusieurs
partis se partagent à l’amiable le pouvoir, en fonction de leur influence
électorale respective, et où ils se partagent également des postes étatiques
ou des allocations publiques pour satisfaire leur clientèle électorale.
AUTEUR
PIERRE MUSSO
BIBLIOGRAPHIE
Références bibliographiques
FASSIN, Éric, Populisme, le grand ressentiment, Paris, Éditions Textuel, 2017.
KIMMEL, Michael, Angry White Men: American Masculinity at the End of an
Era, New York, Nation Books, 2015.
MAIGRET, Éric, L’Hyperprésident, Paris, Armand Colin, 2008.
AUTEUR
MARIE-CÉCILE NAVES
NOTE DE L'AUTEUR
Ce texte a été publié pour la première fois dans Hermès,
no 17-18, « Communication et politique », 1995, p. 201-
214. La version originale est en ligne sur :
<https://www.cairn.info/revuehermes-la-revue-1995-
3.htm>.
1 L’orientation qui a longuement dominé la théorie de la
démocratie dans la tradition anglo-saxonne était
d’inspiration économique. Elle présupposait un acteur-
citoyen individuel agissant selon une rationalité
instrumentale stricte. Je pense essentiellement aux
théories dites « néo-utilitaristes ». Le sociologue italien
Alessandro Pizzorno leur a consacré plusieurs travaux,
dans lesquels il a montré leur impuissance à rendre
compte des comportements politiques en démocratie
(Pizzorno, 1978 ; 1985).
2 La démarche de Pizzorno aboutit à une conception de la
démocratie qui est, certes, bien plus intéressante et riche
que celle fondée sur la rationalité instrumentale du néo-
utilitarisme. La démocratie n’apparaît pas comme le
système le moins mauvais que nous connaissons pour
gérer les intérêts individuels, mais comme le système le
moins mauvais pour gérer les identités collectives : « […]
Il y a une valeur que seule la démocratie peut réaliser :
ce n’est pas la liberté de choix politique (nous avons
démontré que c’est une illusion) mais la liberté de
participer à des processus d’identification collective ; et
les droits de ceux-ci de ne pas être détruits ou
déterminés uniquement par le pouvoir de l’État national.
Cette liberté, dans notre hypothèse, est née comme une
réponse à la dissolution des identités traditionnelles »
(Pizzorno, 1978, p. 368).
3 Mais l’acteur « pizzornien », est-il véritablement en
rupture avec l’acteur rationnel du néo-utilitarisme, qui
fait le calcul coûts/bénéfices à la lumière de son intérêt ?
Il a certes compris qu’il se trouve dans une situation
impossible à évaluer entièrement à partir de son point de
vue individuel, qu’il est de son intérêt de préserver la
fonction stabilisatrice des cadres identitaires collectifs, et
qu’étant donné la complexité de la société où il vit, il est
aussi de son intérêt de laisser à des individus plus
experts que lui-même le soin de gérer les incertitudes du
long terme. On pourrait dire que l’acteur social implicite
dans la théorie proposée par Pizzorno se caractérise donc
par une rationalité élargie.
4 Pizzorno souligne clairement que ces « collectivités
identifiantes », essentielles pour comprendre les
fondements du système démocratique, sont des produits
de l’activité propre à la politique. Et si cette production
des collectifs dont l’entrelacement structure l’identité de
l’acteur ne se faisait plus dans le champ du politique,
mais ailleurs ? Et si la crise du politique dont il est tant
question aujourd’hui n’était justement pas autre chose
que le déclin du pouvoir du système politique à générer
et faire évoluer les collectifs identitaires des citoyens ?
Autrement dit : et si des démarches comme celle de
Pizzorno, à « rationalité politique élargie » étaient, au
fond, des théories pré-médiatiques de la démocratie ?
BIBLIOGRAPHIE
Références bibliographiques
PIZZORNO, Alessandro, « Political Exchange and Collective Identity in Industrial
Conflict », in CROUCH, Colin et PIZZORNO, Alessandro (dir.), The Resurgence of
Class Conflict in Western Europe since 1968, Londres, Macmillan, 1978.
PIZZORNO, Alessandro, « On the Rationality of Democratic Choice », Telos,
no 63, 1985, p. 41-69.
VERÓN, Eliseo, « Télévision et démocratie : à propos du statut de la mise en
scène », Mots, no 20, septembre 1989, p. 75-90.
NOTES
2. Le philosophe américain Charles Peirce (1839-1914) a fondé la science
des signes, qu’on appelle la sémiologie. Parmi ces nombreuses
théorisations, il distingue trois catégories de signes, en fonction de leur
écart plus ou moins grand avec le dénoté (soit ce qui se réfère à l’extension
d’un concept). L’icône possède des qualités identiques à l’objet qui est
dénoté (une tache noire et la couleur noire). L’indice est un signe qui se
trouve en contiguïté avec l’objet dénoté, « en vertu de la relation réelle qu’il
entretient avec lui » (un symptôme et une maladie). Le symbole est un signe
qui n’a de lien avec l’objet dénoté qu’après un travail interprétatif et la
reconnaissance d’une forme de codification, plus ou moins arbitraire (les
panneaux du code de la route et les situations réelles qu’ils évoquent).
AUTEUR
ELISEO VERÓN
NOTE DE L'AUTEUR
Extraits du texte publié pour la première fois dans
Hermès, no 26-27, « www.démocratielocale.fr », 2000,
p. 175-184. La version originale est en ligne sur :
<https://www.cairn.info/revuehermes-la-revue-2000-
1.htm>.
BIBLIOGRAPHIE
Référence bibliographique
LE BART, Christian, La rhétorique du maire-entrepreneur, Paris, Pédone, 1992.
NOTES
2. La loi du 15-1-1990 interdit, dans les six mois qui précèdent un scrutin,
toute « campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion
d’une collectivité ». La jurisprudence n’interdit pas la parution des bulletins
municipaux pendant cette période, mais elle sanctionne les numéros
spéciaux qui se présenteraient par exemple sous la forme d’un bilan de la
municipalité sortante.
AUTEUR
CHRISTIAN LE BART
En période électorale
23 Les périodes électorales sont toujours des moments forts
d’utilisation de ces dispositifs et certains comptes ne
sont réactivés que pour les campagnes électorales. Il
s’agit alors de documenter la campagne et les
déplacements (agenda, vidéos et photos, messages de
remerciements, de mise en avant du travail des
militants, retweets d’autocongratulation…), de relayer les
informations des candidats à la tête du parti ou sur le
programme, parfois d’attaquer l’opposition ou de
participer à des polémiques.
24 Le site internet grand public lancé par Marine Le Pen en
vue de l’élection présidentielle de 2017
(www.marine2017.fr) reproduit les informations publiées
sur ses différents comptes de médias socionumériques.
Portail unique, il donne un accès direct pour ses
supporters à tous les contenus postés depuis ces
comptes. Ce site vient couronner une stratégie globale
de contrôle et de fléchage des informations opérée par la
candidate. Ses messages renvoient très souvent à des
contenus médias plus longs, produits par son parti, et
son utilisation des médias socionumériques contribue à
promouvoir ces mêmes contenus via différents canaux.
25 En plus des médias socionumériques et des sites grand
public, les grands partis ou même les candidats
individuels, lors de scrutins nationaux, peuvent
développer des dispositifs sur mesure dédiés à la
campagne, à la suite de la plateforme web baptisée
« Désir d’avenir » qui a été développée pour soutenir la
campagne de Ségolène Royal lors des primaires
socialistes en préparation des élections présidentielles
de 2007. Ces dispositifs sont dédiés à la diffusion des
informations à propos de la campagne, à l’annonce des
meetings, à la gestion du réseau des militants,
notamment pour coordonner des actions de mobilité, et à
la collecte de fonds. Cette dernière fonctionnalité n’est
pas aussi développée en France qu’aux Etats-Unis où,
en 2015/2016, Bernie Sanders, candidat à l’investiture
démocrate, a axé le financement de sa campagne sur
des micro-donations via les réseaux sociaux, dépassant
largement le montant des fonds levés par sa rivale,
Hilary Clinton.
BIBLIOGRAPHIE
Références bibliographiques
AUSSERHOFER, Julian et MAIREDER, Axel, « National Politics on Twitter »,
Information, Communication & Society, vol. 16, no 3, 2013, p. 291-314.
BARBER, Benjamin R., A Place for Us : How to Make Society Civil and
Democracy Strong, New York, Hill and Wang, 1998.
BENNETT, W. Lance et SEGERBERG, Alexandra, « The Logic of Connective
Action », Information, Communication & Society, vol. 15, no 5, 2012, p. 739-
768.
BRACHOTTE, Gilles et FRAME, Alex, « L’usage de Twitter par des journalistes
politiques français : un outil de recomposition de la pratique professionnelle
journalistique ? », in La communication électronique : enjeux, stratégies,
opportunités, Limoges, Lambert- Lucas, 2015, p. 125-135.
BRANTS, Kees et NEIJENS, Peter, « The Infotainment of Politics », Political
Communication, vol. 15, no 2, 1998, p. 149-164.
COMPAGNO, Dario, « Élections européennes de mai 2014 : étude des données
du corpus français de TEE 2014 afin d’appréhender les usages des candidats
et la circulation de l’information sur Twitter », in FRAME, Alex, MERCIER, Arnaud,
BRACHOTTE, Gilles et THIMM, Caja (dir.), Tweets from the Campaign Trail :
Researching Candidates’ Use of Twitter during the European Parliamentary
Elections, Frankfort, Peter Lang, 2016, p. 33-52.
DEUMERT, Ana, « Wild Publics : Twitter as the Continuation of Politics by other
Means », présenté à Language in the Media – 6th International Conference,
Hambourg, septembre 2015.
FRAME, Alex et BRACHOTTE, Gilles, « Le tweet stratégique : Use of Twitter as a
PR tool by French politicians », Public Relations Review, vol. 41, no 2, 2015,
p. 278-287.
NOTES
1. Les partis politiques ont également une présence développée sur ces
médias, mais cet aspect ne sera pas évoqué directement ici. Par ailleurs,
cette discussion s’en tiendra aux dispositifs généralistes communément
appelés « réseaux sociaux », à l’exclusion des blogs, des pages Wikipédia et
autres sites internet personnels.
2. Les renvois « positifs » qui soutiennent le message relayé sont à
distinguer des renvois « négatifs » qui le détournent ou le critiquent.
3. Cette section s’appuie sur une série de 10 entretiens individuels semi-
directifs menés par l’auteur et Gilles Brachotte, auprès d’élus nationaux de
premier rang et de journalistes politiques des médias nationaux (presse
écrite et télévision) en 2013 et 2014.
4. Entretien personnel avec l’auteur en mai 2013.
5. Entretien personnel, le 30 janvier 2014.
AUTEUR
ALEX FRAME
BIBLIOGRAPHIE
Références bibliographiques
CARDON, Dominique, La démocratie Internet : promesses et limites, Paris,
Seuil, coll. « La république des idées », 2010.
ELTING Bruce, KELLY, John, FARIS, Rob et PALFREY, John, Mapping the Arabic
Blogosphere : Politics, Culture, and Dissent, Berkman Research Center
Publication, 16 juin 2009 [En ligne] :
<http://cyber.law.harvard.edu/publications/2009/Mapping_the_Arabic_Blogos
phere>.
GONZALEZ-QUIJANO, Yves, Arabités numériques. Le printemps du Web arabe,
Arles, Actes Sud/Sindbad, 2012.
GONZALEZ-QUIJANO, Yves et GUAAYBESS, Tourya (dir.), Les Arabes parlent aux
Arabes. La révolution de l’information dans le monde arabe, Arles, Sindbad,
Actes Sud, 2009.
MOROZOV, Evgeny, The Net Delusion : The Dark Side of Internet Freedom,
New-York, Public Affairs, 2011.
RADSH, Courtney, « Core to Commonplace : The Evolution of Egypt’s
Blogosphere », Arab Media and Society, Le Caire, Septembre 2008 [En
ligne] : <http://www.arabmediasociety.com/?article=692>.
NOTES
1. Par exemple, le 9 avril 2011, le blogueur bahreïni, Zakariya Rashid
Hassan meurt en prison après y avoir été torturé. Il avait été arrêté pour
« incitation à la haine », « appel au renversement du régime sur des forums
en ligne ». Voir : <http://www.cpj.org/killed/2011/zakariya-rashid-hassan-al-
ashiri.php>.
2. Les produits exportés dans les régimes autoritaires par ces entreprises
« mercenaires de l’ère digitale » (sic) sont destinés à l’écoute à grande
échelle, à la surveillance du réseau dans son ensemble, à l’espionnage via
des logiciels (spyware) et à des dispositifs de surveillance ciblée. Cf.
Reporters sans Frontières/Les ennemis d’Internet, « Rapport spécial :
Surveillance », 2013. Disponible sur : <http://surveillance.rsf.org/wp-
content/uploads/2013/03/Ennemis-dinternet-20131.pdf>.
3. Laissant sans le vouloir à la chaîne satellitaire Al-Jazeera le soin d’être le
porte-voix et le canal de diffusion des vidéos des manifestants égyptiens.
Par ailleurs, des internautes solidaires du monde entier, des groupes
décentralisés tels que les Anonymous ou les Telecomix, apportèrent leur
soutien à leurs homologues Égyptiens pour les « reconnecter ».
AUTEUR
TOURYA GUAAYBESS
BIBLIOGRAPHIE
Références bibliographiques
ALEMAGNA, Lilian et ALBERTINI, Dominique, « Sapir et le Front national, l’extrême
jonction », Libération, 24 août 2015,
<http://www.liberation.fr/france/2015/08/24/sapir-et-le-front-nationall-
extreme-jonction_1368906>.
NOTES
1. Une première version de cet article est parue dans The Conversation
(France) le 24 juin 2016 sous le titre « La guerre de l’information russe : pour
une réponse globale ».
2. Voir principalement « La crise de l’autorité », La crise de la culture,
Gallimard, 1972.
3. <https://euvsdisinfo.eu/>.
4. Radio Free Europe/Radio Liberty, « Putin Preaches Free- Press Gospel At
State-Run Media Forum », 7 juin 2016, <http://www.rferl.org/content/russia-
putin-press-freedom-mediaforum/27784901.html>.
5. « Kremlin Experts Blame Condoms for Russia HIV Epidemic », The Moscow
Times, 31 mai 2016,
<http://www.themoscowtimes.com/news/article/kremlin-experts-blame-
condoms-for-russianhiv-epidemic/571102.html>.
6. Boris Efimovitch Nemtsov est un homme politique libéral russe, qui a
notamment participé au gouvernement Eltsine. Opposant résolu à V.
Poutine, il fut assassiné le 27 février 2015, dans la rue, à proximité de la
place Rouge.
7. Anna Politkovskaïa est une journaliste russe, militante des droits de
l’homme, vivement opposée à la politique de V. Poutine. Elle a notamment
dénoncé les exactions de l’armée russe lors du conflit tchéchène. Elle a été
assassinée le 7 octobre 2006. Le 14 décembre 2012, l’ancien lieutenant-
colonel Dmitri Pavlioutchenkov a été condamné à onze ans de camp à
régime sévère par un tribunal de Moscou pour avoir organisé son assassinat.
8. Natalia Khoussaïnovna Estemirova, journaliste russe et militante des
droits de l’homme, membre du Conseil d’administration de l’ONG russe
Memorial. Son travail a été distingué par l’attribution à cette association,
en 2004, du prix Nobel alternatif décerné par le Parlement suédois. Enlevée
à son domicile de Grozny, en Tchétchénie, le 15 juillet 2009, son corps fut
retrouvé criblé de balles.
9. Alexeï Anatolievitch Navalny est un avocat et militant politique russe
connu pour être un opposant au président Poutine et qui a déclaré sa
candidature pour la prochaine présidentielle en 2018 en dénonçant la
corruption des membres du clan Poutine.
AUTEUR
NICOLAS TENZER
BIBLIOGRAPHIE
Référence bibliographique
MACHADO DA SILVA, Juremir, « Pédalage budgétaire : la procédure de destitution
de Dilma Rousseff au Brésil », 9 novembre 2016 [En ligne] :
<http://hermes.hypotheses.org/655>.
AUTEUR
JUREMIR MACHADO DA SILVA