Vous êtes sur la page 1sur 24

CHAPITRE VI : Comment se forme et s’exprime l’opinion

publique ?
Notions : opinion publique, démocratie, sondage (d’opinion), échantillon représentatif,
méthode des quotas, méthode aléatoire, démocratie d’opinion, communication politique.

Problématique centrale : qu’est-ce-que l’opinion publique ?

Questions sous-jacentes : comment la notion d’opinion publique a-t-elle évolué ? comment


construire et interpréter les sondages ? quels sont les effets des sondages sur l’opinion
publique et la vie politique (contrôle des gouvernants, participation électorale et
communication politique)

A) L’évolution de la notion d’opinion publique depuis le XVIIIème siècle


(depuis l’émergence de la démocratie)

1) L’émergence (la naissance) de la notion d’opinion publique avec l’avènement des


idées démocratiques (la démocratie)

L’émergence de la notion d’opinion publique est liée au développement de la


démocratie et à ses différentes étapes. En effet, il est nécessaire qu’apparaisse un espace
public (des lieux de mise en relation) dans lequel les décisions politiques et les actions de l’Etat
puissent être discutées pour que la notion d’opinion publique puisse émerger (exister).

La démocratie est un système politique dans lequel la souveraineté appartient au peuple, composé
d’individus égaux, qui exerce le pouvoir suprême par ses représentants et par la voie du référendum. Une
démocratie repose donc sur l’égalité. Cela signifie que les individus jouissent des mêmes possibilités d’action.

Dans un 1er temps, au XVII-XVIIIème siècle, la notion d’opinion publique désigne


l’opinion des intellectuels et de la bourgeoisie éclairée (instruites ; qui possèdent des connaissances),
qui vont exprimer leur avis publiquement (dans les salons littéraires, les cafés, etc.) sur un certain
nombre de sujets (préoccupations) concernant l’ensemble de la société (sur les affaires de l’Etat, les
bonnes décisions à prendre pour le pays). L’opinion publique désigne donc l’opinion d’une fraction
restreinte de la population : elle se limite aux catégories supérieures, à l’élite sociale et donc
ne représente pas l’opinion de l’ensemble de la société.

Lumière (Littéraire) : Personne d'une grande intelligence, d'un savoir


éclatant : Une lumière du barreau.

Laurent DUVERGER, professeur de SES p. 1


Illustration d’un salon littéraire au XVIIIème siècle

Ce mouvement est lié au développement des Lumières et à l’application des principes


de raisons et de critique aux actions de l’Etat.

Le siècle des Lumières est un mouvement philosophique, littéraire et culturel que connaît l'Europe du XVIII siècle
(de 1715 à 1789) et qui se propose de dépasser l'obscurantisme et de promouvoir les connaissances.

Laurent DUVERGER, professeur de SES p. 2


2) La nouvelle définition de l’opinion publique

Lorsque la démocratie se développe au XIXème siècle avec l’instauration du suffrage


censitaire (Cela signifie qu’il fallait payer un impôt, le cens électoral, pour participer à la vie politique, c’est-à-
dire voter et être élu. Selon les élites libérales du temps, seule une population disposant d’une certaine fortune
devait intéressée à la conduite des affaires de l’État. Ainsi, la loi du 19 avril 1831 fixait le cens d’électorat (pour
pouvoir voter) à 200 francs et le cens d’éligibilité (pour pouvoir être élu) à 500 francs. Il fallait en outre avoir 25
ans pour voter et 30 ans pour être élu. Les femmes ne pouvaient pas voter, ni être élues. Le cens représente une
somme importante qui exclue la majeure partie de la nation de la participation à la vie politique. Il y a environ
240 000 électeurs en 1848, soit 10% des hommes en âge de voter. Le cens créait une « aristocratie de l’argent »
qui, seule, pouvait présider au destin du pays)
, puis universel masculin (en 1848), les progrès dans l’alphabétisation de la population en lien
avec l’accroissement de la scolarisation, le développement de la presse avec l’affaiblissement
de la censure, etc. l’opinion publique va, elle aussi, s’élargir pour ne plus seulement désigner
l’opinion des catégories supérieures, mais celle du peuple (l’opinion populaire) qui proteste et
se fait entendre dans la rue (manifestations, émeutes) ou dans les journaux qui se
développent (courrier des lecteurs).

La presse alimente le débat public (et donc mobilise l’opinion publique en transformant une affaire en cause) :
l’exemple de l’affaire Dreyfus avec la Une du journal L’Aurore du 13 janvier 1898

Laurent DUVERGER, professeur de SES p. 3


Au XXème siècle, l’opinion publique continue de s’élargir sous l’effet de la
reconnaissance de l’égalité entre les citoyens portée par la démocratie : le suffrage universel
véritable permet à chacun de s’exprimer par le vote, les progrès de la scolarisation (la scolarisation
devient obligatoire ) des libertés publiques (avec la progression de l’Etat de droit) et des médias papier,
télévisuels et numériques offrent la possibilité au plus grand nombre de se forger une opinion
éclairée et de la confronter librement à celle des autres et la montée de l’individualisme
consécutive au développement de la division du travail permet à chaque individu de devenir
plus libre (plus indépendant) dans ses croyances par rapport aux divers groupes auxquels il
appartient. La notion d’opinion publique se construit alors comme l’opinion de l’ensemble
de la population sur les sujets économiques, sociaux et politiques et plus précisément du
plus grand nombre. L’opinion publique est alors perçue comme l’addition des points de
vue dont on peut dégager une majorité grâce à l’utilisation d’un nouvel outil : les sondages (on
peut appréhender l’opinion du plus grand nombre par les sondages car tout le monde est censé avoir une opinion
sur tout et toutes les opinions sont censées se valoir en démocratie).

Laurent DUVERGER, professeur de SES p. 4


La presse alimente le débat public (et donc mobilise l’opinion publique en transformant une affaire en cause) :
un des premiers exemples : l’affaire Dreyfus

Au total, l’opinion publique est un concept évolutif qui désigne ce que pense (la majorité
de) la population ou une partie de celle-ci sur divers sujets intéressant la vie de la cité. On est
passé de l’opinion éclairée, à celle de la rue (l’opinion criée), puis à celle du plus grand nombre (l’opinion
démocratisée ou sondée).

Aujourd’hui, les médias jouent un rôle important dans la construction de l’opinion


publique. Le pouvoir politique, les entreprises et les groupes d’intérêts (les lobbys) cherchent
à l’influencer en utilisant parfois la propagande.

Laurent DUVERGER, professeur de SES p. 5


Propagande : Action systématique exercée sur l'opinion pour lui faire accepter certaines idées ou doctrines,
notamment dans le domaine politique ou social : La propagande électorale.

B) L’invention des sondages pour mesurer l’opinion publique

1) La construction des sondages

Laurent DUVERGER, professeur de SES p. 6


Un outil statistique apparaît dans les années 30 aux Etats-Unis pour saisir l’opinion
publique sans avoir besoin d’interroger des millions de personnes : le sondage.

Un sondage est une enquête qui consiste à poser des questions à un


échantillon représentatif de la population (une petite partie de la population) afin de connaître
l’avis de la population entière sur un sujet à un moment donné. Les résultats sont exprimés
sous forme de pourcentage de répartition.

Ils sont plus fiables que les » votes de paille » (straw polls/votes) auparavant organisés (au
XIX siècle) par les journaux pour savoir dans quel sens penchait (basculait) l’opinion. Les journaux
e

interrogeaient leurs lecteurs par le biais de coupons à renvoyer et donc cherchaient à interroger le plus de
personnes possibles. Le problème est que le lectorat d’un journal n’a que peu de chances d’être représentatif du
corps électoral. Le nom renvoie à une pratique rurale qui consistait à lancer en l’air une brindille de paille pour
déterminer dans quelle direction soufflait le vent.

Laurent DUVERGER, professeur de SES p. 7


Il existe deux façons de construire un échantillon (deux techniques de constitution des
échantillons sont utilisées) : la méthode aléatoire et la méthode des quotas.

La méthode aléatoire consiste à sélectionner les personnes interrogées par tirage au


sort dans une liste complète de la population à étudier. Il s’agit de sondages probabilistes.
Ils nécessitent de posséder un fichier répertoriant l’ensemble de la population étudiée.

Laurent DUVERGER, professeur de SES p. 8


La méthode des quotas consiste à sélectionner les personnes interrogées en fonction
de leurs caractéristiques (sexe, âge, profession, etc.) pour reproduire en miniature dans les
mêmes proportions, les caractéristiques de la population dans son ensemble. On parle ainsi
de quotas car l’échantillon est constitué d’un certain nombre de sous-groupes d’individus
correspondant à leur proportion dans la population étudiée. Par exemple, il faut 52% de
femmes dans l’échantillon car les femmes représentent 52% de la population française, 26%
de personnes âgées de 35à 49 ans, 13% d’ouvriers, 18% de franciliens, 23% de ruraux , etc. Il s’agit des
sondages empiriques. Cette technique est la plus largement utilisée car elle permet de
s’assurer scientifiquement que l’échantillon soit représentatif puisqu’il possède les mêmes
caractéristiques principales que l’ensemble de la population dont il relève. Il peut, à ce titre,
la représenter et on pourra extrapoler une conclusion valable pour l’ensemble. Attention : la
méthode des quotas n’est pas une science exacte car la détermination des caractéristiques de la population
(sexe, âge, CSP, région, commune, etc.) ne fait pas forcément l’unanimité entre les sociologues.

Laurent DUVERGER, professeur de SES p. 9


Remarques :

Dans les années 1950, les instituts de sondage (qui sont des entreprises privées)
interrogeaient les citoyens sur leurs opinions politiques (intentions de vote, avis sur les propositions
politiques, etc.) en face à face dans la rue ou au domicile des individus ; puis le téléphone va
progressivement s’imposer dans les années 1980. Depuis la fin des années 2000, ils utilisent
de plus en plus internet.

Laurent DUVERGER, professeur de SES p. 10


Aujourd’hui, les sondages politiques (d’opinions générales ; électoraux) représentent une
part très minoritaire de l’activité des instituts de sondage. L’essentiel de leur chiffre d’affaires
provient des études de marketing et de publicité demandées par les entreprises pour mieux
cerner les attentes des consommateurs (les principaux clients des instituts de sondage sont les industriels
de la grande consommation et du commerce).

2) L’interprétation des sondages (Comprendre les débats relatifs à leur interprétation de l’opinion publique)

Laurent DUVERGER, professeur de SES p. 11


Les sondages sont utiles pour savoir ce que pense et souhaite la majorité des citoyens
à conditions qu’ils soient fiables. Pour cela, ils doivent respecter un certain nombre de
critères (précautions méthodologiques) : le nombre de personnes interrogés doit être suffisant, les
personnes interrogées doivent être représentatives de la population dans son ensemble, les
questions doivent porter sur les préoccupations réelles de la population (il doit exister un
consensus au sein de la population sur les questions qui méritent d’être posées) , elles doivent être
formulées de la façon la plus objective possible (elles ne doivent être orientées idéologiquement) et
enfin, une fois les résultats connus, il faut les présenter avec une marge d’erreur.

Or, les sondages (d’opinion) présentent un certain nombre de biais de construction et


donc font l’objet de débats quant à leur capacité à interpréter l’opinion publique :

D’une part, il existe souvent un problème de représentativité de l’échantillon


interrogé. Lorsque les sondages étaient réalisés par téléphone ou en face à face, il y avait une
sous-estimation de certains votes (vote communiste, puis vote FN) que les individus étaient
moins prêts à admettre devant l’enquêteur (ils ont honte et ont peur de déplaire à intervieweur : « effet
désirabilité »). Pour corriger ce biais (refus d’une partie de l’électorat à avouer ses intentions de vote :
l’extrême droite ou l’extrême gauche), les instituts de sondage utilisent d’une part, la technique du
redressement qui consiste à modifier les résultats bruts en comparant les votes observés lors
des précédents scrutins et les réponses de l’échantillon sur ses précédents votes. La limite de
cette technique est que les votes ne sont pas forcément transposables d’une élection à une
autre puisque les candidats changent. D’autre part, ils utilisent aujourd’hui quasi
systématiquement internet (la quasi-totalité des sondages politiques sont réalisés par internet). Le
problème des sondages en ligne est que certaines catégories de la population sont plus
difficiles à interroger, notamment les moins diplômées, car elles n’ont pas accès à internet ou
ne font aucune démarche pour répondre à des sondages politiques (elles se désintéressent de la vie
politique et n’ont aucune démarche sociale proactive : les sondés ne sont plus trouvés au hasard, ce sont des
volontaires qui viennent s’inscrire sur les panels pour répondre à des questionnaires). Dans ces conditions, la
construction de l’échantillon peut fausser les résultats du sondage, car ceux-ci ne sont pas
représentatif de la population. Cela peut conduire à faire des prévisions erronées (pour les
sondages électoraux) ou à induire des représentations incorrectes de l’opinion de la
population (pour les sondages d’opinion).

D’autre part, il ne suffit pas d’avoir un échantillon représentatif pour obtenir des
résultats certains. Une marge d’erreur inhérente au sondage doit toujours être prise en
compte lors de la présentation des résultats (incertitude qui s’exprime par un intervalle de confiance
situé de part et d’autre de la valeur observée et dans lequel la vraie valeur à une probabilité déterminée de se
pour inciter les lecteurs à les interpréter avec mesure et prudence ce qui est souvent
trouver)
occulté. Cette marge d’erreur varie en fonction de la taille de l’échantillon et du pourcentage
observé. C’est la raison pour laquelle la loi encadre l’usage des sondages d’opinion.

Laurent DUVERGER, professeur de SES p. 12


Laurent DUVERGER, professeur de SES p. 13
Ensuite, ce sont les instituts de sondage et surtout leurs commanditaires (clients/ ceux
qui ont commandé le sondage) qui décident, à partir de leurs propres préoccupations, des
questions qui méritent d’être posées aux français. Or, tout le monde n’a pas un avis sur tous
les sujets (la réforme de la PAC, le mode de scrutin pour les élections départementales, etc.) donc les
questions posées n’ont pas toujours de sens pour les personnes interrogées. Le fait de
sommer les enquêtés de répondre à des questions qu’ils ne s’étaient jamais posés auparavant
puis de donner le même poids (force réelle) aux opinions des individus informées et à celles des
individus qui ne connaissent pas les enjeux des questions posées ne permet pas de refléter
l’opinion publique (il n’y a pas d’équivalence des opinions individuelles car tout le monde ne se sent pas
concerné de manière égale par les questions d’un sondage).

Laurent DUVERGER, professeur de SES p. 14


Ensuite, les questions posées ne sont pas toujours formulées de façon neutre (elles
peuvent être orientées idéologiquement) ce qui peut influencer les réponses apportées par les
répondants (ce qui peut inciter le répondant à choisir une réponse plutôt qu’une autre). On peut donc faire
dire au sondage autre chose que ce que les répondants pensaient vraiment. L’interprétation
des résultats du sondage peut alors être biaisée. Il faut donc les analyser avec précaution (les
résultats des enquêtes ne sont pas forcément une juste représentation de l’opinion publique sur un sujet donné) .

Laurent DUVERGER, professeur de SES p. 15


Laurent DUVERGER, professeur de SES p. 16
Pour conclure, certains auteurs contestent même l’existence de l’opinion publique
telle qu’elle est mesurée par les sondages. Pour Pierre BOURDIEU, les sondages sont un
instrument au service des acteurs politiques destiné à faire croire (donner l’illusion) qu’il
existerait une opinion « moyenne » qui correspondrait à ce que pense « en moyenne » les
français en dissimulant le fait que l’opinion sur un sujet est l’objet de conflits (tensions) et de
rapports de force entre groupes sociaux qui ont des visions du monde (idées) et des intérêts
divergents (dans la réalité, vont exister des groupes en conflits qui vont partager des opinions différentes sur
une situation. Parler d’ « une » opinion publique conduit à négliger voire à nier la diversité des opinions existantes
sur un sujet). En effet, il faut garder à l’esprit que certains (en premier lieu, les hommes politiques) ont
intérêt à invoquer l’opinion publique, à agir sur elle voire à la manipuler afin de légitimer une
politique et renforcer les rapports de force qui la fondent ou la rendent possible.

Laurent DUVERGER, professeur de SES p. 17


Les sondages peuvent même parfois contribuer à produire ce que l’on veut mesurer
(les résultats des sondages peuvent parfois influencer ce que pense la population donc il faut exercer une vigilance
critique à leur égard).
Par exemple, le sondage « pensez-vous que la France gagnerait en cas de
conflit armé avec la Belgique » (réalisé page 178 doc1) conduit à construire dans l’opinion
publique belge l’idée d’un conflit entre la France et la Belgique car beaucoup de belges
interprètent comme une attaque le résultat du sondage réalisé en France.

Laurent DUVERGER, professeur de SES p. 18


A) Les effets des sondages sur le fonctionnement de la démocratie

1) Les sondages influencent l’opinion publique et font basculer la démocratie vers


une démocratie d’opinion

Le recours aux sondages contribue à modifier profondément les rapports entre


gouvernants et gouvernés et donc à transformer la manière dont fonctionnent les
démocraties au point que la démocratie d’opinion aurait remplacé la démocratie des partis.
La démocratie d’opinion désigne un nouveau mode de fonctionnement de la démocratie
représentative dans lequel les médias et les sondages joueraient un rôle plus important que
les partis politiques pour organiser le débat public et animer la vie politique. En effet, grâce
aux sondages publiés et commentés continuellement par les médias, on peut savoir ce que
pense les citoyens sur différents sujets ce qui incite ceux qui gouvernent à prendre des
décisions conformes à l’opinion publique (mesurée par les sondages) et à accorder de plus en
plus d’importance à l’image des candidats et à la communication politique. La communication
politique désigne l’ensemble des techniques utilisées par les responsables politiques pour
séduire (et non convaincre) et obtenir le soutien de l’opinion publique.

Laurent DUVERGER, professeur de SES p. 19


2) Les sondages (la démocratie d’opinion) influencent la participation électorale et la
manière de gouverner

Les sondages ont des effets multiples sur la vie politique en particulier sur la manière
de conquérir et d’exercer le pouvoir.

D’abord, les sondages électoraux, en réalisant des prédictions, plus ou moins justes,
sur les élections à venir, peuvent mener à des changements de vote de la part de certains
électeurs et agir sur la participation électorale c’est-à-dire le fait pour un électeur (inscrit sur
les listes électorales) d’aller voter aux élections. D’un côté, ils peuvent mobiliser les électeurs
pour les inciter à voter, soit pour le candidat en tête (effet « bandwagon »), soit pour le
candidat en difficulté (effet « underdog »). Dans le premier cas, les électeurs se mobilisent
pour renforcer le succès de celui qui apparaît comme le futur vainqueur, alors que dans le
deuxième cas, ils se mobilisent pour essayer de changer le résultat prévu.

Laurent DUVERGER, professeur de SES p. 20


Dans le même temps, les sondages peuvent aussi décourager des électeurs qui pensent
qu’il est inutile de voter car leur candidat est sûr de gagner (effet « humble the winner ») ou
au contraire parce qu’il n’a aucune chance de gagner (effet « snob the loser »). Dans ce cas,
les sondages auront alors tendance à faire diminuer la participation électorale (renforcer
l’abstention).

Ensuite, les médias, en publiant des sondages d’opinion, peuvent mettre en avant des
thématiques particulières qui vont accaparer le débat public. Une thématique pouvant être

Laurent DUVERGER, professeur de SES p. 21


plus ou moins favorable à un candidat plutôt qu’à un autre, la mise en avant de certains sujets
peut orienter certains votes.

Enfin, les médias et les sondages influencent la confection des programmes (pour les
partis et les candidats) mais aussi la sélection des candidats et la carrière du personnel politique
car ils vont donner du poids à certaines candidatures et en délégitimer d’autres. Les partis
politiques vont ainsi choisir leurs candidats et leur programme en partie à partir des prévisions
de succès que produisent les sondages.

Par ailleurs, les sondages permettent aux citoyens de mieux contrôler ceux qui
gouvernent car ils les contraignent à devoir justifier en permanence leurs actions et leurs
décisions et à faire de la communication politique. Toutefois, cette pression diffuse exercée
par les sondages peut, d’une part, les amener à privilégier une logique de court terme au
détriment d’une réflexion collective de long terme car il faut réagir aux événements présents
et obtenir des résultats rapidement pour satisfaire l’opinion publique, d’autre part, les amener

Laurent DUVERGER, professeur de SES p. 22


à renoncer à certaines décisions ou à certains idées du programme (si elles apparaissent trop
impopulaires dans les sondages) dans l’espoir de mécontenter le moins d’électeurs possibles
(la politique se résume à une course effrénée à la popularité : il faut s’efforcer d’être populaire) quitte à
s’éloigner de leurs convictions (et donc à affaiblir leur crédibilité) et à s’éloigner de l’intérêt
général (et donc à affaiblir le bien-être collectif). Le risque est donc que la forme, la
communication devienne plus importante que le fond.

Au total, Il faut garder à l’esprit que les véritables opinions sont des opinions éclairées
qui résultent d’une évaluation systématique et raisonnées des arguments en jeu. Or, les
opinions des sondés s’expriment souvent à la va-vite, sans évaluer systématiquement l’enjeu.
On peut donc se demander si les sondages peuvent permettre d’augmenter la qualité des
décisions politiques. La démocratie d’opinion présente donc des limites.

Laurent DUVERGER, professeur de SES p. 23


Les acteurs de la sphère
politique (décideurs entourés
de communicants)
comprennent mal la faible
représentativité de cet outil
et la pauvreté ce certaines
questions. Ils ont donc
tendance à surestimer la
valeur des sondages.

Laurent DUVERGER, professeur de SES p. 24

Vous aimerez peut-être aussi