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Plus paradoxal encore est le fait que, dès le début du 19ème siècle, se produise une
substitution de sens entre « gouvernement représentatif » et « démocratie ». Le premier
pris le nom de la seconde sans en absorber les principes. Nous en sommes toujours là et
c’est pourquoi les guillemets s'imposent lorsqu'on parle des « démocraties » occidentales.
Mais cette usurpation de sens est lourde de conséquences, puisque le peuple à qui l’on
suggère d’exiger une démocratie comme réponse à ses maux, répond aisément que nous
vivons déjà sous ce type de régime politique, assimilant la démocratie à l’élection au suffrage
universel. Or l’élection, vue du côté candidats et non plus du côté électeurs, à pour vocation
de sélectionner les individus les plus considérables parmi un groupe restreint. C’est donc un
processus parfaitement aristocratique (l’aristocratie est le pouvoir ou le gouvernement des
plus considérables) qui bien sûr s’oppose absolument au démocratique (la démocratie est le
pouvoir ou gouvernement du peuple).
Changer d’organisation politique, afin que le peuple gouverne, ainsi que le décrète le mot
démocratie, notre étendard occidental, c’est écrire un nouveau texte régissant le
fonctionnement de nouvelles institutions réellement démocratiques, c’est écrire une
nouvelle constitution.
Qui l’écrit ? Le peuple bien sûr, pour que le texte serve ses intérêts, non ceux d’élites
restreintes qui l’auraient rédigé.
Pour ce faire, il faut convoquer une grande assemblée, nommée assemblée constituante,
composée d’individus appelés constituants et dont la tâche est de rédiger ce texte. C’est ici
qu’intervient le tirage au sort des constituants parmi le peuple, (chaque tiré au sort ayant
bien sûr la possibilité de refuser cette mission publique) car c’est le seul moyen d’obtenir
une assemblée ayant une similitude avec le peuple, une assemblée montrant l’ensemble de
la diversité du peuple. Une constituante élue au contraire, composée de membres des castes
précitées (1), verrait à coup sûr ces derniers écrire un texte servant leurs intérêts, le premier
d’entre eux étant de perdurer, c'est-à-dire de maintenir par tous les moyens leurs privilèges
de pouvoir. Ils supprimeraient le régime présidentiel actuel, changeraient le numéro de
république, réécriraient le texte de fond en comble pour finalement refaire une organisation
globalement identique.
Les conférences de citoyens (2) l’ont montré, les individus tirés au sort et bien informés
pendant le processus de rédaction d’un texte (ce qui nécessite la mise en place de
procédures et d’un contrôle très strict de leur bonne exécution, visant à les informer de
façon contradictoire), parviennent à des résultats de grande qualité. Leur tâche qui
s’apparente à celle d’un élu actuel, c'est-à-dire écouter les différentes informations qui lui
sont proposées sur un sujet particulier, d’en faire la synthèse en vue d’une décision d’action
ou de vote, ici d’une rédaction de texte, ne nécessite aucune compétence particulière à part
celle d’écouter et de réfléchir. Comme les élus, ils sont le plus souvent ignorants des choses
qui leurs sont exposées, mais ne le sont plus après l’exposé des spécialistes.
Laisser ce travail législatif (la rédaction d'une nouvelle constitution) à des élus serait leur
conférer des capacités particulières qu’ils n’ont pas et qui de plus ne sont pas requises, sans
parler du biais massif déjà discuté à propos des intérêts divergents. Le temps des
professionnels de la politique et de leur faux métier est révolu.
Notes
(1) Ce serait une assemblée similaire à notre assemblée nationale actuelle qui n’a rien à
voir avec la diversité du peuple français. Jugez vous-même ! Vous comprenez sans
doute pour quelle raison il n’y a aucune chance qu’une telle assemblée fasse quoi
que ce soit qui aille dans le sens des intérêts du plus grand nombre, sauf bien sûr
pour maintenir la paix sociale, ce qui n’est pas une façon décente de gouverner.
La démocratie moderne
Cette démocratie, qui s’est développée de manière plus ou moins progressive (notamment
avec les Révolutions française, américaines, et les différentes révolutions et réformes
anglaises) ne pouvait toutefois pas prendre les mêmes formes que la démocratie antique,
car elle ne concernait pas les mêmes échelles géographiques et sociales. La démocratie se
pense à l’époque à l’échelle de ce que l’on appelle l’État-nation, l’échelle de pays entiers,
avec leurs peuples. La démocratie moderne a donc pris une forme nouvelle, fondée sur le
développement de la représentation politique. Plutôt que de gouverner directement, les
citoyens élisent des représentants pour les gouverner et prendre des décisions en leur nom.
Cette forme de démocratie a permis d’étendre la participation politique à des groupes qui
en étaient auparavant exclus, mais elle a également créé de nouvelles inégalités, notamment
entre les élus et les électeurs. Elle a également posé la question de la légitimité
démocratique : qui peut être le représentant légitime du peuple ? Dans quelles conditions ?