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Pr Alioune Badara DIOP/ Introduction à la science politique

Dans son célèbre discours de Gettysburg, prononcé en 1863, Abraham Lincoln


définissait la démocratie par cette formule : « Le gouvernement du peuple, par le peuple,
pour le peuple ». Etymologiquement, en effet, le mot « démocratie » est issu du grec
demokratia que l’on peut traduire par l’expression « pouvoir du peuple » (demos : peuple,
kratos : pouvoir). Ce qui caractérise ce type de régime c’est le fait que le pouvoir y est exercé
par le peuple, ou du moins, par ceux dont la qualité de citoyen est reconnue. Ainsi comprise,
la démocratie s’oppose à la monarchie (gouvernement d’un seul) et à l’oligarchie
(gouvernement d’un groupe particulier). Le dictionnaire de la science politique et des
institutions politiques donne la définition suivante de la démocratie : « (…) un mode
d’organisation du pouvoir politique dont la légitimité requiert qu’il reconnaisse pleinement
le primat de la souveraineté populaire et qu’il s’assigne pour objectif son perfectionnement,
mais dont l’agencement réel se fonde toujours pour l’essentiel sur une délégation de
pouvoir à un personnel spécialisé par le biais d’élections régulières, concurrentielles et
sans exclusives trop marquées vis-à-vis de certains secteurs, dans lequel aussi la volonté
majoritaire ne s’exerce pas au point d’écraser les minorités ou les groupes d’intérêt de
toutes espèces. En revanche il n’y a pas de démocratie là où les électeurs sont privés de la
liberté de choisir et de renvoyer pacifiquement […] ». (Hermet et al. 1996)
On verra dans un premier temps si la démocratie repose aujourd’hui sur la
souveraineté nationale (B) davantage que sur la souveraineté populaire (A) ; prétexte
commode pour questionner les différents types de régimes démocratiques (C).

A- La théorie de la souveraineté populaire

Cette théorie reste la base même de la démocratie en ce sens qu’elle fait reposer le
principe de la légitimité politique sur le peuple. De fait toutes les démocraties affirment
solennellement - c’est gravé dans le marbre de la loi fondamentale qu’est la Constitution -
que « la souveraineté appartient au peuple ». Jean-Jacques Rousseau, auteur du fameux Le
contrat social en est l’un des chantres les plus fervents même s’il est revenu de ses illusions.
Selon lui, le titulaire de la souveraineté, c’est le peuple réel, c'est à dire l’ensemble des
citoyens. Ainsi, chaque citoyen détient une parcelle de souveraineté : « s’il y a 10 000
citoyens, chaque citoyen a pour sa part la dix-millième partie de l’autorité suprême ».
L’expression de cette souveraineté passe par un droit de vote pour chaque citoyen (suffrage
universel) et un mandat impératif qui lie les élus aux électeurs, ces derniers leur donnant des
instructions, voire même pouvant les révoquer s’ils estiment que les élus s’écartent de leur
volonté. Cependant, Rousseau lui-même reconnaissait que la démocratie directe était une
utopie: « (…) à prendre le terme dans la rigueur de l’acception, il n’a jamais existé de
véritable Démocratie, et il n’en existera jamais », arguant même qu'elle ne conviendrait qu'à
« un peuple de Dieux ». La raison qu’il donne est qu’il va à l’encontre de l’ordre naturel que
le grand nombre gouverne et que le petit soit gouverné. Autrement dit, comme le souligne
Philippe Braud dans Sociologie politique, « le gouvernement est toujours exercé par une
fraction ». Aussi, il convient de distinguer deux types de démocratie :
a)- la démocratie directe : le peuple participe activement et directement au pouvoir législatif
(élaboration et vote des lois), mais qui ne correspond qu'à "un peuple de Dieux" ;
b)- la démocratie semi-directe : le peuple désigne ses représentants et participe
occasionnellement à la fonction législative par le biais des référendums (vote d’approbation à
une loi), d’un droit de véto populaire (opposition à une loi) ou d’un droit d’initiative populaire
(droit de proposer des lois). Notons que Philippe Braud invite également à se défaire de
l’idée que cette fraction puisse être désignée librement car il existe toujours d’importants

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filtrages des candidats à la candidature : le jeu des médias, des formations politiques ou
encore la notoriété ou l’argent sont des éléments à prendre en compte dans une élection.

B- La théorie de la souveraineté nationale

Lors de la Révolution française, la théorie de la souveraineté nationale a été préférée à


celle de la souveraineté populaire. Cette théorie implique :
a)- une démocratie représentative : la souveraineté n’est pas exercée directement par le
peuple (on parle également de démocratie indirecte) ;
b)- une souveraineté nationale : aux termes de l’art. 3 DDHC, « le principe de toute
souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer
d’autorité qui n’en émane expressément », ce qui signifie que la Nation, entité abstraite et
indivisible, est distinguée de l’ensemble des citoyens qui la composent ;
c)- une théorie de la représentation qui considère que la volonté des représentants équivaut
à celle des représentés et de la Nation tout entière ; ils décident de ce que la Nation décide ;
d)- un mandat représentatif : à la différence du mandat impératif, le mandat des
représentants émane de la Nation entière et non pas des citoyens de telle ou telle
circonscription. Aussi, ces représentants ne doivent pas être considérés comme les défenseurs
des intérêts particuliers de leurs électeurs (ils ne peuvent recevoir ni d’ordre, ni d’instruction
de leur part), ils ne sont d’ailleurs pas responsables devant eux, mais seulement devant la
Nation.

C- Les différents types de régimes démocratiques

On peut distinguer plusieurs types de régimes démocratiques. Dans tous les cas, ces
régimes supposent nécessairement une séparation entre pouvoirs exécutif, législatif et
judiciaire afin que, comme le souligne Montesquieu dans L’esprit des lois, « par la disposition
des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Mais il existe plusieurs manières d’organiser les
rapports entre ces pouvoirs.

a) Le régime parlementaire

Dans un régime parlementaire, il existe une séparation souple des pouvoirs. Chaque
pouvoir s’inscrit dans un système qui le rend dépendant des autres. Il dispose d’un moyen de
pression qui permet d’équilibrer l’ensemble. Ainsi le pouvoir exécutif a la possibilité de
dissoudre le pouvoir législatif qui, à son tour conserve la latitude de renverser le premier –
dans certaines conditions particulières – par le vote de motion de censure ou de défiance). En
outre, ce modèle consacre l’existence d’un dualisme de l’exécutif combinant irresponsabilité
du chef de l’Etat et responsabilité politique du gouvernement devant le parlement. Le régime
concret le plus proche de ce modèle théorique est celui de la Grande-Bretagne.

b) Le régime présidentiel

Dans un régime présidentiel, il existe une séparation rigide des pouvoirs. Chaque
pouvoir est strictement séparé des deux autres par des cloisons étanches. Ainsi le pouvoir
exécutif tient sa légitimité de son élection par le peuple (elle ne peut en aucun cas provenir du
pouvoir législatif, par exemple le chef de l’Etat ne peut pas être élu par le parlement) et il ne
peut pas non plus dissoudre le pouvoir législatif. En contrepartie, le pouvoir législatif a
l’exclusivité formelle de l’initiative des lois et ne peut pas renverser le pouvoir exécutif. Le

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régime concret le plus proche de ce modèle théorique est celui des Etats-Unis. Toutefois, la
séparation des pouvoirs s’y trouve modéré puisque le Président dispose d’un droit de véto et
peut être exceptionnellement démis de ses fonctions (procédure de l’impeachment).
L’équilibre entre les pouvoirs peut également se trouver modifié lorsqu'à certaines périodes
les orientations politiques du Congrès sont défavorables au Président (cas de Barack Obama
après les élections de novembre 2010 qui ont été remportées par les Républicains).

c) Le régime semi-présidentiel

Ce régime désigné également comme semi-parlementaire est le régime correspondant


à la France sous la Constitution de 1958. Il s’agit d’un modèle hybride à mi-chemin du régime
parlementaire (le gouvernement émane de la majorité parlementaire car il est responsable
devant elle) et du régime présidentiel (le président de la République est élu au suffrage
universel direct et n’est pas responsable politiquement devant l’Assemblée nationale). Sous la
présidence de Nicolas Sarkozy, il est devenu courant de dénoncer « la logique
présidentialiste » de la Ve République, traduisant ainsi une critique de l'omnipotence
supposée du président de la République. Au Sénégal le régime est qualifié de
« présidentialiste » par certains constitutionnalistes qui soulignent ainsi la prépondérance du
chef de l’Etat. Un tel jugement appelle à être nuancé pour deux raisons particulières :

1)- certes, en France, le président de la République dispose de pouvoirs propres (qu’il exerce
sans contreseing ministériel) dans le cadre de la Constitution (nomination du Premier
ministre, dissolution de l’Assemblée nationale, pouvoirs exceptionnels de l’art. 16 C), mais
ces pouvoirs demeurent assez limités et sont encadrés juridiquement. Le président sénégalais
dispose d’importants pouvoirs propres prévus aux articles 42, 46, 47, 49, 51, 52, 72, 73, 87,
89 et 90 de la Constitution.
2)- le pouvoir réel du président de la République dépend fortement des majorités
parlementaires. En cas de victoire de son parti au Parlement, il peut être le principal animateur
du travail gouvernemental. Cependant, en cas de défaite, il revient au gouvernement de
déterminer et conduire la politique de la nation (art. 20 C) et donc au Premier ministre
d’animer le travail gouvernemental. Mais il est vrai que le passage du septennat au
quinquennat (réforme de 2000) a fortement réduit la probabilité d’une cohabitation, ce qui
pourrait augurer une présidentialisation du régime de la Ve république. Pour cette raison, la
notion de régime semi-présidentiel (plutôt que semi-parlementaire) semble préférable. Il reste
que parler de présidentialisme à propos du système actuel (l’idée d’un Président tout puissant)
apparaît excessif.

Section II- Les limites de la démocratie : critiques et amendements théoriques

La notion de démocratie est au cœur de controverses notamment idéologiques dans les


débats contemporains qui établissent une distinction entre démocraties populaires qui
prétendent être « réelles » et démocraties libérales qualifiées de formelles (A). Par ailleurs
d’autres critiques soulignent la nécessité d’une démocratie délibérative et participative pour
corriger les travers de la démocratie représentative (B).

A- Démocraties réelles et démocraties formelles

Le XXe siècle a vu s’affronter deux conceptions rivales de la démocratie : il s’agit


d’une part des démocraties populaires ou « réelles » et d’autre part des démocraties

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pluralistes. Les premières correspondent aux régimes à parti unique dont l’URSS constituait
le cas emblématique avant de s’effondrer en 1991; aujourd’hui la Chine en est un exemple
anachronique. Les secondes renvoient aux régimes multipartites ; elles ont connu un fort
développement notamment dans les pays de l’Est se trouvant anciennement dans le giron de
l’URSS, mais également en Amérique latine (à la place des dictatures militaires, par exemple
celle de Pinochet au Chili) ou en Afrique.

a) La conception marxiste de la démocratie

Dans la logique marxiste, la démocratie est un instrument de la classe dominante (la


bourgeoisie) pour imposer sa domination. Elle reste toutefois un instrument original car elle
ne nie pas la lutte des classes, mais en constitue l’expression, sans en réaliser le dépassement.
Par conséquent, le droit que produisent les institutions démocratiques est un résultat
momentané d’un compromis démocratique exprimant la lutte des classes, c’est-à-dire un
rapport momentané des forces sociales. La démocratie est donc par essence fragile et instable
: les partis représentent les diverses classes existantes, le grand capitalisme essayant de
regrouper tous les représentants de la bourgeoisie contre les partis prolétariens. Selon Marx, la
démocratie bourgeoise va donc nécessairement vers une crise dont l’issue va dépendre du
rapport de forces existant. La résolution du conflit passe par une alternative simple : soit la
démocratie régresse vers un régime autoritaire (par exemple le bonapartisme qui est une
négation du conflit de classe), soit elle évolue vers le socialisme et le communisme (vers la
réalisation d’une société sans classes). Marx appelle évidemment à la fin de la démocratie
bourgeoise et milite en faveur de l’établissement d’une démocratie « réelle », succédant à la
lutte des classes. Mais ce type de démocratie, sans partis, sans élections pluralistes, où les
dirigeants gouvernent en fonction d’un sens commun se réclamant de la grande majorité du
peuple semble suffisamment douteux pour inciter au moins à la prudence quant à son
caractère démocratique supposé « réel ».

b) La conception de la démocratie pluraliste chez Jean-Louis Quermonne

Pour cet auteur la démocratie pluraliste répond à quatre principes qui peuvent constituer
autant d'idéaux de la démocratie des pays occidentaux :
1)- la légitimité démocratique : si le pouvoir vient d’en haut, la légitimité vient d’en bas, ce
qui signifie un certain consentement à l’obéissance et un nécessaire respect des droits
individuels ;
2)- la démocratie représentative : le gouvernement du peuple se confond avec le
gouvernement de la majorité ;
3)- le multipartisme : son enjeu est le respect des minorités, du droit de l’opposition et des
droits en matière de liberté et d’expression ;
4)- un Etat impartial.

B- De la démocratie représentative à la démocratie délibérative et participative

Dans le débat contemporain, certaines réformes de la démocratie sont suggérées par


différents penseurs politiques.

a) Jürgen Habermas et la démocratie délibérative

Pour ce philosophe de l’école de Francfort (Notes programmatiques pour fonder en


raison une Ethique de la discussion, 1983), le concept de « démocratie délibérative » sert à

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désigner une société démocratique où les décisions sont prises par la délibération publique de
tous ses membres. L’accord qui se dégage entre eux doit être basé sur la force du meilleur
argument. Toute la question reste alors de déterminer quelles sont les conditions d'un bon
débat et notamment la qualité de la procédure délibérative pour arriver à ce qu'il appelle « une
entente rationnellement motivée » (Droit et Démocratie. Entre faits et normes, 1997),
notamment la liberté des participants au débat (ils doivent être « actifs et ouverts », « exempts
de toute forme de contrainte ») et du débat lui-même (il doit être public et potentiellement
ouvert à tous). Ceci, bien sûr, sans aboutir à une définition excessivement normative du
« citoyen idéal » dont l'effet pervers peut-être la disqualification du « citoyen réel ».

b) La démocratie participative

Apparu en 1960 et faisant suite à des insatisfactions liées à la démocratie


représentative traditionnelle (fait majoritaire, professionnalisation de la politique,
omniprésence des experts), la démocratie participative est une forme de partage et d'exercice
du pouvoir, fondée sur le renforcement de la participation des citoyens à la prise de décision
politique. Elle vise à associer les citoyens à la vie publique via divers instruments tels que les
débats publics, les comités de quartier ou les jurys citoyens. Cet ajout participatif à la
démocratie conduit à ce que les citoyens ne réduisent pas leur participation politique au vote
électif, mais qu’ils soient aussi les décideurs publics sur des enjeux importants. Dans cette
perspective, des auteurs comme Michel Callon, Pierre Lascoumes et Yannick Barthe
mettent l’accent sur la nécessité d’appréhender la décision politique en répondant au besoin
éthique de statuer sur les controverses socio-techniques issues notamment des nouvelles
découvertes scientifiques. Les décideurs doivent avoir, en cas d'erreur, la possibilité de
corriger les décisions publiques. Selon ces auteurs, il serait bon de quitter le cadre des
décisions traditionnelles et d'accepter de prendre, plutôt qu'un seul acte tranché, une série
d'actes mesurés, enrichis par les apports des profanes. Au plan institutionnel, la France a mis
en place une Commission nationale du débat public qui a pour mission d'organiser des débats
publics sur des infrastructures (lignes de train à grande vitesse, d’électricité, etc.) ou sur des
choix technologiques (énergie nucléaire). La loi lui confie mission de « veiller au respect de la
participation du public au processus d'élaboration des projets d'aménagement ou d'équipement
d'intérêt national (...) dès lors qu'ils présentent de forts enjeux socio-économiques ou ont des
impacts significatifs sur l'environnement ou l'aménagement du territoire ». Son rôle reste
toutefois limitée car elle n'a pas à se prononcer « sur le fond des projets qui lui sont soumis ».
Au Sénégal des organisations de la société civile tel que le Forum civil s’activent à rendre
obligatoire le débat public sur des questions cruciales liées à des enjeux de gouvernance
transparente et de reddition de compte de la part des titulaires de charges publiques.

Section III : Les régimes autoritaires

La démocratie et le totalitarisme constituent des régimes « purs » tandis que


l'autoritarisme est un régime hybride qui combine des caractéristiques des deux premiers.
Certes l’autoritarisme s'oppose à la démocratie en ce sens qu’il ne tolère pas la présence d'une
opposition politique ; pour autant il ne se confond pas avec le totalitarisme car il ne cherche
pas à contrôler les mentalités.

A- Démocratie et autoritarisme : éléments de distinction

On mettra en exergue deux éléments distinctifs importants : l’absence d’élections et


l’intolérance vis-à-vis de l’opposition. En effet, les élections n’existent pas ou ne permettent

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pas réellement une compétition ouverte à d’autres groupements politiques. L’expression


publique d’un désaccord sur la politique du gouvernement est souvent interdite et dans le
meilleur des cas faiblement tolérée. Les dirigeants – notamment dans les Etats africains –
veulent empêcher toute remise en cause de leur présence au pouvoir. Dans son manuel
Sociologie politique, Philippe Braud expose ainsi le modus operandi de ces autocrates à
travers trois procédés plus ou moins efficaces:
1)- l’interdiction des activités politiques organisées : les partis, mais aussi les syndicats, les
associations civiques, les comités intellectuels sont interdits, tout comme les consultations
électorales ; l’efficacité de cette mesure dépend néanmoins de l’importance de la participation
politique traditionnelle ou du niveau de violence auquel recourt le pouvoir pour intimider les
éventuels protestataires ;
2)- le contrôle étroit de la vie politique : il passe soit par un contrôle du pluralisme, soit par
l’institutionnalisation d’un parti unique afin de canaliser l’expression populaire ; certains
régimes ne soumettent pas à l’élection le chef suprême, d’autres truquent les élections ou
présentent un candidat unique ;
3)- le contrôle entier de l’appareil d’Etat : l’enjeu est de s’assurer les fidélités de la base au
sommet de l'administration. Certains régimes favorisent les solidarités familiales, tribales,
régionales ou clientélistes (ce qui était le cas dans les monarchies traditionnelles pré-
modernes), d’autres institutionnalisent un parti unique et un syndicalisme d’Etat (qui jouent le
rôle d’outils de sélection des cadres fidèles) ou bien recourent à l’armée à tous les niveaux de
l’administration étatique.

B- Totalitarisme et autoritarisme : éléments de distinction

Les régimes autoritaires se distinguent également des régimes totalitaires car ils
n’exigent pas des citoyens qu’ils partagent l’idéologie du pouvoir, soit qu’ils tolèrent et
entretiennent l’indifférence généralisée, soit qu’ils se satisfont d’une adhésion publique
extérieure sans rechercher à remodeler les mentalités. Ils s’accommodent ainsi selon les mots
de Philippe Braud, « d’un relatif pluralisme idéologique ». Par exemple, les régimes
autoritaires d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine laissent une autonomie significative aux
grandes firmes économiques en échange de leur soutien politique. Ils contrôlent étroitement
les moyens de communication (presse, radio, télévision, Internet), mais permettent une
relative liberté dans les domaines non politiques comme la culture, la religion ou les loisirs.
Leur ambition se limite à assurer l’ordre extérieur. En revanche, lorsque le régime connaît des
difficultés, il recourt bien souvent à la violence, l’absence d’institutionnalisation d’une
opposition rendant le dialogue compliqué avec les contestataires lorsqu’ils manifestent
publiquement leur désapprobation. C’est ce que montre notamment l’exemple récent des
révolutions arabes : les régimes autoritaires tunisiens et égyptiens ont d’abord cherché un
traitement purement policier des conflits afin de décourager les contestataires. Mais lorsque le
mécontentement est devenu trop grand au sein du pays, la solution de la violence n'a fait
qu'aggraver la crise politique et a finit par menacer l’existence même du régime.

C- Esquisse d’une typologie des régimes autoritaires

Philippe Braud recense quatre types de régimes différents appartenant au système


autoritaire : il s’agit de l’autoritarisme patrimonial (1), de l’oligarchie clientéliste (2), de la
dictature populiste (3) et de la bureaucratie autoritaire (4).

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1) - L’autoritarisme patrimonial

C’est un régime dans lequel le chef s’appuie sur sa légitimité traditionnelle (concept
de Max Weber : l’autorité du Prince se rapproche de l’autorité naturelle du père de famille).
Les ressources de l’Etat se confondent avec ses biens personnels. Les limites de son pouvoir
sont plus politiques que juridiques : il dispose d’un pouvoir absolu, mais il doit néanmoins
transiger avec les ordres sociaux existants. Dans son ouvrage Traditional Neo-
patrimonialism and Modern Neo-patrinmonialism (1973), Samuel Eisenstadt parle de néo-
patrimonialisme pour rendre compte des régimes du monde arabe (monarchies pétrolières du
Golfe) caractérisés par la faiblesse des contre-pouvoirs. Le Prince décide seul et entretient une
clientèle pour s’assurer le loyalisme de ses soutiens (promotion, privilèges, prébendes). La
sphère étatique et la sphère privée des dirigeants se confondent, d’où leur enrichissement
personnel parfois colossal.

2)- L’oligarchie clientéliste

C’est un type de régime disposant d’une façade parlementaire et d’un pluralisme


politique apparent, mais où le pouvoir appartient à une minorité politiquement dominante au
sein des grands propriétaires terriens ou du monde des affaires. Les allégeances reposent
surtout sur un lien clientéliste tissé entre des partenaires fortement inégaux. Elles se font, en
outre, à la marge de l’Etat, dont les moyens demeurent limités et qui par conséquent, ne peut
pas garantir un niveau d'impartialité satisfaisant (corruption forte). Ce type de régime se
retrouve en Amérique latine, en Colombie notamment.

3)- La dictature populiste

Elle s’enracine dans le bonapartisme. Le bonapartisme est un régime qui voit la


prééminence de l’exécutif sous l’égide d’un empereur à vie, qui fait référence aux principes
de la souveraineté nationale et qui fait appel aux valeurs patriotiques en vue d’obtenir un large
consensus populaire (recours au plébiscite). Comme le note Guy Hermet dans Aux frontières
de la démocratie (1983), le bonapartisme opère la conjonction entre les aspirations à l’ordre
et l’irruption canalisée des masses populaires sur la scène politique. L’appel au peuple via une
symbolique populiste (grandeur nationale, chef militaire charismatique, pratique du suffrage
universel) renforce la légitimité de l’Etat et lui permet d’accompagner, voire d'accélérer, les
mutations culturelles et économiques du pays.
Au XXe siècle, plusieurs Etats suivent ce modèle pour accélérer la modernisation
d’une société : Mustapha Kemal en Turquie et Gamal Abdel Nasser en Egypte. Ce sont des
régimes forts, dirigés par un chef militaire prestigieux, qui s’appuient sur l’armée et le
nationalisme des classes moyennes. Ils n’hésitent pas à exalter des valeurs d’égalité et de
révolution en faveur des plus démunis. Le Venezuela d’Hugo Chavez en est un exemple
contemporain.

4)- La bureaucratie autoritaire

Ce type de régime donne à voir un Etat qui crée et contrôle les corps intermédiaires et
plus particulièrement, les institutions économiques, culturelles et professionnelles. Une
autonomie de façade leur est toutefois accordée laissant l’impression que le pouvoir
bureaucratique se manifeste en dehors de l’Etat. C’est le cas notamment du régime russe sous
l’ère Poutine ou de la Chine post-maoïste.

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Section IV- Les régimes totalitaires

Une boutade célèbre dit ceci : « En France tout est permis sauf ce qui est interdit ;
aux Etats-Unis d’Amérique tout est permis même ce qui est interdit ; en URSS tout est
interdit même ce qui est permis !». C’est une variante d’un dicton populaire allemand qui
soutient que : « en démocratie, tout ce qui n'est pas interdit est permis, sous une
dictature, tout ce qui n'est pas permis est interdit et dans le totalitarisme, tout ce qui
n'est pas interdit est obligatoire ». Tout cela rend bien compte de la dimension totalitaire
spécifique à ce dernier type de régime. En effet, on a affaire à des systèmes politiques à parti
unique où aucune opposition politique n’est admise et où l’Etat tend à contrôler la totalité des
activités de la société. Le concept de totalitarisme a été fondé au XXe siècle pour distinguer
ce type de régime de celui de la dictature. Contrairement à cette dernière, le système
totalitaire ne cherche pas seulement à contrôler l’ensemble des activités humaines, mais il
essaie de s'immiscer jusque dans la sphère intime de la pensée, en imposant à tous les citoyens
l'adhésion obligatoire à une idéologie, hors de laquelle ils sont considérés comme ennemis de
la communauté. Dans un premier temps on proposera une définition du totalitarisme (A),
avant d’en déterminer les origines possibles en exposant brièvement quelques théories du
fascisme (B).

A- Essai de définition du totalitarisme

Les travaux d’Hannah Arendt (1), d’une part, et l’analyse de Carl Friedrich et
Zbigniew Brzezinski (2), d’autre part, permettent de définir des régimes totalitaires. Ces
auteurs mettent en exergue les traits caractéristiques – donc l’originalité – des régimes
apparus au XXe siècle, opposés à la démocratie et au libéralisme.

1- Le régime totalitaire selon Hannah Arendt

Dans son œuvre classique Les origines du totalitarisme (1951), cette auteure juive
caractérise le totalitarisme par deux éléments structurants : l’idéologie et la terreur.
L’idéologie est une vision dogmatique du monde et des rapports politiques ; elle ne se limite
pas à proposer une représentation possible et relative des faits historiques mais prétend détenir
la vérité sur l’Etat et le pouvoir. En d’autres termes elle a ceci de particulier qu’elle fait
éclater l’alternative traditionnelle entre régime sans lois (la tyrannie) et régime sous des lois
(régimes républicains ou constitutionnels) puisque le totalitarisme cherche à appliquer une loi
de la Nature ou de l’Histoire à l’humanité. Quant à la terreur, elle constitue l’essence même
du régime totalitaire. Arendt la distingue de la crainte qui sert seulement de principe d’action
dans une tyrannie ; la terreur est une peur extrême qui non seulement isole l’homme de tout
autre mais l’isole de toute humanité. Dans les régimes totalitaires, elle n’est pas seulement un
moyen en vue d’une fin (terrifier la population pour anéantir toute opposition dangereuse pour
le régime), mais elle est une condition essentielle du régime totalitaire car c’est elle qui
opère l’accomplissement de la loi de la Nature ou de l’Histoire. Cette définition permet de
rapprocher le stalinisme et le nazisme (ce qui a fait l'objet de critiques).

2- Le totalitarisme selon Carl Friedrich et Zbigniew Brzezinski

Quelques années plus tard, dans Totalitarian Dictatorship and Autocracy (1956), Carl
Friedrich et Zbigniew Brzezinski livrent une définition plus fonctionnelle du totalitarisme.

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Cette définition a servi de référence à la politique américaine durant la guerre froide et de


cadre conceptuel à toute une génération de chercheurs en sciences politiques et en histoire
pour l'étude de l'URSS. Elle est axée autour de six caractéristiques fondamentales :
a)- une idéologie officielle embrassant la totalité de la vie ;
b)- un parti unique de masse et soumis à un chef charismatique ;
c)- un contrôle policier recourant à la terreur et dirigé par une police secrète ;
d)- un monopole des moyens de communication de masse ;
e)- un monopole des armes ;
f)- une planification et un contrôle centralisé de l'économie.

B- Les origines du totalitarisme

La généalogie de la notion de totalitarisme est tortueuse : son sens, ses usages mais
aussi ses fonctions sont multiples et changeants. La notion de totalitarisme trouve son origine
dans l'entre-deux-guerres. Elle est d’abord un instrument de lutte politique puisque son emploi
se répand de manière péjorative dans les milieux antifascistes italiens. Il fut ensuite repris de
manière opportuniste à leur compte avec une connotation positive, celle d'unité du peuple
italien. Benito Mussolini exaltait sa « farouche volonté totalitaire », appelée à délivrer la
société des oppositions et des conflits d'intérêts. Giovanni Gentile, théoricien du fascisme,
mentionna le totalitarisme dans l'article « Doctrine du fascisme » qu'il écrivit pour
L’Enciclopedia Italiana et dans lequel il affirma que « pour le fasciste tout est dans l'État et
rien d'humain et de spirituel n'existe et il a encore moins de valeur hors de l'État. En ce
sens, le fascisme est totalitaire ».
Cependant, Hannah Arendt dans Les origines du totalitarisme ne considère pas le
fascisme italien comme un totalitarisme. La raison de cette mise à l’écart tient à l’usage de la
terreur qui ne correspond pas, selon elle, à l’essence véritable du fascisme, mais aussi et
surtout à l’attitude du parti unique vis-à-vis de l’Etat, le parti unique n’étant qu’un parti au-
dessus des partis (cas des dictatures), mais pas un parti au-dessus de l’Etat (cas des
totalitarismes). En revanche pour Arendt, deux régimes sont emblématiques du totalitarisme :
le nazisme et le stalinisme. Ces régimes défendent ouvertement une forme totalitaire
d’organisation sociale et où le parti décide dans tous les domaines y compris dans celui de la
pensée, en recourant de manière systématique à la violence. Le régime nazi s’appuie
notamment sur:
1)- une atomisation de la société marquée par l’existence d’individus déracinés et isolés prêts
à s’identifier à un chef, à un mouvement et à une idéologie offrant une vision du monde
(expansionnisme territorial et antisémitisme) ;
2)- un parti unique, doté d’un chef charismatique, affichant ses objectifs (Hitler et son livre
Mein Kampf) organisant et enrégimentant la jeunesse ;
3)- sur une idéologie prétendument scientifique dont le but est la transformation radicale de
l’humanité et du monde (eugénisme, mythe du salut) ;
4)- sur une police secrète usant de la terreur, qui contrôle et surveille les espaces publics et
privés, exerçant le droit d’enfermer (camp de concentration) et de tuer (assassinats, camps
d’extermination).
Quant au régime stalinien, il s’appuie notamment sur :
1)- sur un « génocide de classe » comparable au « génocide de race » commis par les régimes
nazi et fasciste (selon Stéphane Courtois dans Le livre noir du communisme, 1997) ;
2)- sur la volonté, propre également au nazisme, de mettre à bas la société bourgeoise et
d’instaurer la puissance d’un parti-Etat, légitimée par un culte du chef et pérennisé au moyen
de la terreur des camps (selon François Furet qui présente néanmoins une thèse nuancée sur

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le rapprochement du nazisme et du stalinisme parlant d’influences réciproques entre des


phénomènes comparables mais non identiques).
Il convient de souligner que tous les auteurs n’adhèrent pas à la pertinence du rapprochement
entre le nazisme et le stalinisme ; c’est le cas de Trotsky et de Castoriadis qui voient dans le
stalinisme ni plus ni moins qu’une simple déviation du communisme. Ian Kershaw soutient
que l’après-Staline a ouvert une ère de rupture avec le culte du chef et rendu anachronique les
guerres d’impérialisme racial. S’y ajoutent d’autres nuances de taille : l’emprise des partis
n’était pas similaire dans les deux systèmes puisque le parti communiste contrôlait plus
fermement l’appareil étatique que le parti nazi ; que la terreur en URSS ne constituait pas un
objectif en soi, alors que la terreur se confondait avec la nature même du parti nazi et que le
système soviétique reposait sur une idéologie universaliste, à la différence de l’idéologie
nazie connue pour exalter la « supériorité de la race aryenne » et cristalliser l’idée de la nation
allemande.

Encadré n°4 : Cédric Polère, « Démocratie : de quoi parle-t-on ? », Le Centre Ressources


Prospectives du Grand Lyon, avril 2007.

Nous avons largement discuté d’une tension majeure (et constitutive) de la


démocratie, qui permet en partie de comprendre tant ce qui fait crise dans son
fonctionnement aujourd’hui comme hier, et permet d’avancer vers des solutions. Cette
tension ou contradiction structurante est celle qui existe entre le régime politique réel et
l’utopie mobilisatrice. Le fait d’avoir montré que cet écart est en un sens irréductible ne
doit pas nous amener à abandonner l’idéal de la démocratie. Ce qui importe après tout,
c’est que ce soit par rapport à cet idéal que les conduites soient jugées, et que la
démocratie reste un horizon vers lequel tend l’action. Il faut accepter que la démocratie
soit un horizon éloigné de sa réalité, ce qui suscite à la fois un sentiment de non
accomplissement, de déception, d’insuffisance de ses réalisations, et finalement de crise
de la démocratie, et en même temps une dynamique d’approfondissement, visant à
rapprocher la démocratie réelle de la démocratie idéelle. Nous avons estimé que l’on
gagne à considérer avec attention les « théories élitistes » de la démocratie, qui nous
alertent sur les dogmes de la démocratie, et les faiblesses qu’ils dissimulent. Mieux
comprendre ces faiblesses nous aide à avoir une vision plus réaliste de la démocratie en
tant que régime réel, souligne la difficulté à réaliser la formule fondatrice de la
démocratie (le pouvoir procède du peuple souverain), indique aussi qu’il faut sans cesse
chercher à limiter les phénomènes de captation du pouvoir par des groupes restreints,
en ouvrant les assemblées représentatives à la diversité de la société, en renforçant le
contrôle des élus par les citoyens, et en multipliant les formes de participation politique.
Il existe une autre tension constitutive de la démocratie, qui découle de cette tension
première, entre le principe du gouvernement indirect ou représentatif, et la volonté,
chez des élus ou des citoyens non élus, d’aller vers une démocratie plus directe. Les
notions en vogue de « démocratie participative », de « démocratie délibérative » ou de «
démocratie dialogique », sont symptomatiques d’une recherche d’accroissement de la
participation des citoyens à la démocratie réelle. La discussion autour du paradigme
délibératif manifeste le retour en faveur des idées républicaines (fort anciennes : voir
Maurizio Viroli) sur les effets bénéfiques des délibérations publiques dans le larges
assemblées, de l’échange libre, et préalable à la discussion, d’opinions différentes et
conflictuelles, sur les affaires publiques. Mais il y a aussi matière à améliorer le
fonctionnement des institutions représentatives existantes (diversité sociologique des
représentants du peuple, modes de scrutin, cumul des mandats, etc.) sans tout chercher

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du côté de la participation et du débat. Enfin, deux grands enjeux du débats


démocratiques, jamais vraiment réglés (…) sont également source d’une tension
constante : la tension liée à la nécessité de concilier deux notions inconciliables, la liberté
et l’égalité (en bref, l’exercice de la liberté tend à accroître l’inégalité, alors que la
poursuite de l’égalité tend à entraver la liberté ; un auteur comme DeWiel élargit cette
thèse et conçoit la démocratie comme l’histoire d’une lutte entre idéaux) ; enfin, la
tension entre les partisans d’un rôle minimum de l’Etat par rapport à la société
(libéraux), et les tenants d’un Etat fort, qui dans sa version la plus radicale (Jacobins et
bolchevik), considèrent que l’Etat doit modeler la société démocratique. Cette seconde
option s’est peut être imposée si l’on considère que la démocratie influence nos pratiques
à tous les niveaux de la vie sociale : « La démocratie aujourd’hui, ce n’est pas seulement
le choix d’un régime, la réponse à la question de l’origine du pouvoir et de son exercice :
c’est aussi un système philosophique, un ordre social, un ensemble de valeurs, qui
concernent tous les domaines de l’activité humaine et qui ont vocation à régir aussi bien
la vie de l’entreprise que l’exercice de la justice, la transmission des connaissances que
l’organisation du travail ». Plutôt que de s’appuyer sur ces tensions pour critiquer la
démocratie, il faut essayer, comme l’a suggéré récemment Pierre Rosanvallon, de les
gérer au mieux.

Chapitre IV : Les groupes d’intérêt

L es groupes d’intérêt sont des organisations qui ont vocation à influencer le pouvoir,
mais qui, contrairement aux partis, ne participent pas directement à la compétition politique.
En dehors des Etats-Unis qui ont cette tradition de lobbying politique, ces groupes ont
pratiquement partout ailleurs une connotation négative comme en atteste leur désignation par
le terme anglais péjoratif de « lobby » renvoyant, à l’origine, aux couloirs et vestibules
menant aux assemblées parlementaires. Cette méfiance vient du fait qu'ils ont souvent pour
objectif de défendre les intérêts particuliers d’une catégorie de la population (les retraités, les
salariés, mais aussi l’industrie, le patronat, etc.). Ils ne sont pourtant pas tous les défenseurs
des intérêts privés, certaines ONG (Organisations non gouvernementales) prétendant surtout
agir au nom de l’intérêt général (Greenpeace, Médecins du monde, etc.). On verra d’abord
quel type de relations les groupes d’intérêt entretiennent avec le système politique (section 1),
avant d’analyser les traits communs qu’ils partagent globalement (section 2).

Section I- Les rapports entre groupes d’intérêt et système politique

En réalité ces rapports varient sensiblement et revêtent des modalités différentes d’un pays à
un autre. On verra ainsi que la dialectique de ces rapports dépend de ressorts socio-politiques
protéiformes (A) ; ce qui explique largement la complexité des relations qu’entretiennent
groupes d’intérêt et partis politiques (B).

A- Groupes d’intérêt et système politique : des relations protéiformes

Les groupes d’intérêt n’ont pas partout la même connotation ; loin s’en faut. Ainsi
Alexis de Tocqueville - De la Démocratie en Amérique (1840), tome 2 – relevait-il une

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