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Thème I: La démocratie

1
I) Le fonctionnement des démocraties
A) Principes de toutes les démocraties
Etymologie : ‘’demos kratos’’ : le pouvoir du peuple
La démocratie est un type de régime bien particulier. Au cours de l’Histoire, plusieurs penseurs ont
tenté de classer l’ensemble des régimes politiques, en les caractérisant. Je me contenterai de 2 exemples :
Aristote (384 av. J-C. - 322 av. J-C.) et Montesquieu (1685 – 1755).
Classification des régimes politiques selon Aristote :

Autocratie : Oligarchie : Démocratie


pouvoir d’un seul pouvoir de : pouvoir de
plusieurs tous

Un seul critère : le nombre de citoyens1


Classification des régimes politiques selon Montesquieu :

Régimes
Régimes modérés
d’arbitraire

Oligarchie: Démocratie Monarchie : Despotisme :


pouvoir de :pouvoir de tous pouvoir d’un seul pouvoir d’un seul
plusieurs selon des règles sans règles

Autocratie:
pouvoir d’un seul

Deux critères : le nombre de citoyens, et la présence ou non de règles qui régissent l’exercice du pouvoir A
partir de ceci, nous voyons déjà que la démocratie est caractérisée par deux choses : l’exercice du
pouvoir par tous les citoyens (ce qui sous-entend l’égalité) et la présence de règles qui codifient
l’organisation de l’Etat et du pouvoir. C’est la différence entre la démocratie et le despotisme : les deux
mènent à l’égalité entre les hommes, mais l’absence d’Etat de droit2 dans le despotisme amène à l’égalité
dans la peur, et l’Etat de droit dans la démocratie mène à l’égalité dans la liberté.

1
Aristote définit le citoyen comme quelqu’un qui a le droit d’exercer le pouvoir.
2
Concept philosophique, juridique et politique selon lequel le pouvoir de l’Etat doit être limitées par des règles
juridiques.

2
NB : Cette classification n’est pas absolue : par exemple, un régime peut-être à la fois monarchique et
démocratique (comme le Royaume-Uni ou l’Espagne). Et il peut y avoir plusieurs types de régimes
oligarchiques : l’aristocratie, la ploutocratie, la technocratie….
La démocratie se caractérise donc par le refus des privilèges (contrairement aux régimes
aristocratiques, qui sont fondés sur l’idée d’une hiérarchie naturelle des êtres). Selon Tocqueville (1805 –
1859), elle mène donc à une ‘’égalisation des conditions’’ : les individus veulent de plus en plus être
parfaitement égaux. Tocqueville pensait que cette égalisation peut mener soit à une société despotique, soit
à une société libérale (je l’ai déjà évoqué plus haut). C’est ce qu’il appelle la ‘’tyrannie de la majorité’’ : au
nom de la majorité, le gouvernement pourrait prendre des décisions en sacrifiant certaines libertés
individuelles, ou sans tenir compte des avis minoritaires. C’est pour cela que, selon Tocqueville, la
démocratie repose sur un strict équilibre entre la souveraineté populaire3 et l’Etat de droit.
NB : Il ne faudrait pas non plus que l’Etat de droit soit plus important que la souveraineté populaire, car
cela pourrait aboutir à ce qu’on peut appeler le ‘’gouvernement des juges’’, c’est-à-dire des décisions
politiques prises selon l’interprétation personnelle des lois par les juges, et non l’avis de la majorité.

B) Démocraties, directe et représentative

La démocratie est un régime pouvant prendre plusieurs formes. La démocratie directe est la première
forme de démocratie, historiquement. Elle se caractérise par le fait que le peuple exerce sa souveraineté sans
passer par des représentants, en se réunissant lui-même en assemblée, comme à Athènes (qui avait des
limites, car même si tous les citoyens y étaient égaux, la citoyenneté était réservée aux seuls hommes libres,
et le régime avait une dimension théocratique4). Selon Rousseau (1712-1778), cette forme de démocratie est
la seule valable car pour lui, il y a une contradiction entre représentation et souveraineté : si le peuple est
souverain, il ne nomme pas des représentants pour décider à sa place. Au contraire, des penseurs ont critiqué
la démocratie directe, comme Montesquieu, déjà évoqué, ou John Adams5 (1735-1826), par un argument
qui est celui de l’incapacité du peuple à se gouverner lui-même, notamment dans un grand Etat.
Dans tous les cas, la démocratie directe est caractérisée par un type de liberté : ce que Benjamin
Constant appelle la Liberté des Anciens, qui consiste selon lui à posséder la liberté, pour chaque citoyen,
d’exercer une partie du pouvoir. Cependant, l’individu se retrouve complètement soumis à la volonté
générale : il renonce donc à beaucoup de libertés individuelles (à Athènes, par exemple, il n’y avait pas de
liberté religieuse).

3
Pouvoir de décision suprême qui appartient au peuple (différent de la souveraineté nationale)
4
Théocratie : régime dont la source du pouvoir est la religion. A Athènes, cela se caractérisait par l’élection au
tirage au sort, qui selon les Athéniens, correspondait à la volonté des dieux.
5
2e président des USA. A propos de la démocratie directe, il disait : « L'idée que le peuple est le meilleur gardien de
sa liberté n'est pas vraie »

3
La démocratie représentative est caractérisée par plusieurs principes :
_ Le peuple accepte de laisser l’exercice du pouvoir à des gouvernants ;
_ Les gouvernants sont élus à des intervalles réguliers ;
_ Les gouvernants, dans leurs décisions, sont, une fois élus, libres par rapport aux électeurs ;
_ Les gouvernés peuvent exprimer leurs opinions librement sans être contrôlés par les gouvernants.
Selon Benjamin Constant, ce régime à un avantage et un risque : il libère le peuple de la charge du
pouvoir, ce qui fait que les libertés individuelles sont plus grandes (la Liberté des Modernes), mais le risque
est que le peuple soit tellement satisfait dans ses libertés individuelles, qu’il renonce totalement à sa
souveraineté, au profit d’une oligarchie. D’ailleurs, les premiers théoriciens de la démocratie représentative,
comme l’Abbé Sieyès ou les Pères Fondateurs des USA (Georges Washington, John Adams, James
Madison, Alexander Hamilton, etc…) ne considéraient même pas le régime représentatif comme une
démocratie.

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II) Evolution des démocraties dans l’Histoire
A) Transformation des démocraties
La démocratie a connu plusieurs étapes dans son histoire. Elle est née à Athènes, à la fin du VIe siècle
av. J-C, sous sa forme directe. Une stricte séparation des pouvoir existe alors (la magistrature civile possède
le pouvoir législatif et religieux, la magistrature militaire possède le pouvoir exécutif), et plusieurs modes
d’élections : tirage au sort et vote.
Au Moyen Age, il y a très peu de gouvernements fondés sur le vote, à part de très petites communautés
en Scandinavie, en Inde ou au Japon.
La démocratie représentative apparait progressivement à la fin du XVIIe siècle, au moment de la
Glorieuse Révolution (1688) en Angleterre. Petit à petit, le pouvoir du Parlement est renforcé et le droit de
vote élargi au fil du temps, notamment avec le Bill of Rights, qui a pour but d’empêcher que la monarchie
anglaise redevienne absolutiste et que les citoyens perdent leurs droits.

En France, les premières élections se font au suffrage censitaire7. Le suffrage universel ne sera
accordé qu’en 1848, sous la IIe République.

Aux USA, il y a le premier mode de scrutin au suffrage indirect : le peuple n’élit pas le président,
il élit des représentants qui choisissent le président. Au départ, le droit de vote est très limité : réservé aux
blanc, propriétaires et de religion protestante, son extension aux autres (catholiques, juifs, femmes, noirs,
indiens…) va se faire plus ou moins vite d’un Etat à un autre. Ce n’est qu’en 1965 que sera criminalisée
toute procédure visant à limiter la participation au vote pour des raisons raciales ou religieuses.

Les femmes obtinrent le droit de vote aux USA dans tous les Etat entre 1869 et 1920. En Angleterre
et en Allemagne, en 1918. En Italie en 1925 (mais sous le régime fasciste). En Espagne en 1933. En France
en 1944.

B) Contestation des démocraties


Au cours de l’Histoire, la démocratie a été critiquée par de nombreux auteurs, et contestée par de
nombreuses idéologies politiques. Par exemple, dans son livre La République, le philosophe grec Platon
(qui a été le maître d’Aristote) condamne la démocratie car il considère qu’il y a une seule bonne manière
de diriger la cité (Aristote n’était pas d’accord avec cela), et que cette manière, les gens qui savent doivent
l’imposer aux gens qui ne savent pas (c’est la doctrine du philosophe-roi).
Beaucoup plus tard, Pierre-Joseph Proudhon8 (1809-1865) a condamné la démocratie car il
considérait que c’était une oligarchie déguisée, qui fait semblant de tenir compte de l’avis du peuple, par un
système qu’il juge trompeur : le vote.

7
Mode de scrutin où il faut payer un impôt (le cens) pour pouvoir voter
8
Philosophe anarchiste français

5
De même, Karl Marx (1814-1883) considérait que derrière les principes de la démocratie (égalité des
citoyens, liberté, etc.), ce régime défend en réalité les intérêts de la classe bourgeoise, contre les intérêts
des ouvriers.
Au XXe siècle, des dictatures (sous plusieurs formes) ont cherché à proposer des alternatives à la
démocratie. Il y a d’abord les totalitarismes : les régimes dans lequel l’Etat et un parti (le seul parti politique
légal) fusionnent dans le but de contrôler toute la société et tous les individus en se basant sur une idéologie.
Le XXe siècle a connu trois grands types de totalitarismes : le fascisme, le nazisme, et le communisme. Et
les trois cherchaient à justifier leur existence par le fait que le vote démocratique ne représente pas la volonté
du peuple, et que celle-ci s’exprime grâce au parti. Les communistes pensaient que la volonté du peuple est
la disparition des classes sociales et la mise en place d’une société parfaitement égalitaire ; les nazis
prétendaient que cette volonté est la domination d’une ‘’race’’ sur toutes les autres qui sont jugées
‘’inférieure’’ ; les fascistes prétendaient que cette volonté est l’existence d’un Etat tout-puissant qui
assurerait l’unité de la société.
D’autres dictatures, non totalitaires, ont voulu être des alternatives à la démocratie : l’Espagne de
Franco (1936-75), le régime d’Antonio Salazar au Portugal (1932-68), celui d’Augusto Pinochet au Chili
(1974-90), celui de Ould Haidalla en Mauritanie (1980-84), etc… Ces régimes se justifiaient en prétendant
détenir la ‘’vérité’’ en matière de conduite de l’Etat : c’est une forme de dictature qui se veut éclairée (la
notion est proche du concept de philosophe-roi de Platon). Ce type de régime implique que le peuple ne se
mêle absolument pas de politique : une dépolitisation du peuple.

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III) L’Union Européenne
A) L’histoire de la construction européenne
Au lendemain de la 2nde Guerre Mondiale, l’Europe entière est ruinée, et il faut la reconstruire. Pour
cela, la Communauté européenne du charbon et de l’acier est créée dans les années 50. A ce moment-là, une
idée commence à se répandre : celle des Etats-Unis d’Europe. L’idée est de Victor Hugo, et elle a été reprise
un 150 ans plus tard par les Pères Fondateurs de l’Europe (notamment Jean Monnet et Robert Schuman).
Ainsi, en 1957, le Traité de Rome créé la CEE (Communauté Economique Européenne) entre 6 pays
(au départ). Elle a pour but l’union économique, et un début d’union politique. Deux visions de l’Europe
s’opposent alors : ‘’l’Europe des nations’’ (voulue par le Général De Gaulle), basée sur la coopération
économique et le respect de la souveraineté des Etats, et ‘’l’Europe fédérale’’ (voulue par Konrad
Adenauer9) qui consiste à ce que les Etats renoncent petit à petit à leur souveraineté, au profit d’un Etat
européen sur le modèle des USA.
A partir des années 70, il y a un élargissement de la CEE, et des mesures prises en faveur d’une
Europe fédérale : Election du Parlement Européen à partir de 1979, Traité de Schengen en 1986 qui supprime
les frontières entre les Etats membres…
Mais le tournant arrive en 1992, avec le Traité de Maastricht qui créé l’Union Européenne. Il instaure
une citoyenneté européenne, une monnaie unique (l’euro), le droit de vote des étrangers aux élections
municipales
En 2005, une constitution européenne est rédigée, mais 2 pays de l’UE la rejettent par referendum10
: la France et les Pays-Bas. Mais en 2009, le Traité de Lisbonne est ratifié par les parlements de chaque Etat,
et reprend les grands traits de la constitution européenne.

B) Les contestations de la démocratie européenne


Le projet européen ne plaît pas à tout le monde. Certains, pour des raisons identitaires, pensent qu’il
est mauvais de créer un Etat fédéral européen, par peur que les identités nationales ne disparaissent.
On reproche également à l’UE son caractère technocratique : la Commission Européenne est
composée d’experts qui prennent des décisions sans être élus, par exemple.
Des critiques existent aussi sur le fait que, depuis 1964, le droit européen, souvent issu de traités qui
n’ont pas été votés par les peuples européens, sont ‘’au-dessus’’ des constitutions des Etats et des lois
nationales.

9
Chancelier de l’Allemagne de l’Ouest, de 1949 à 1963
10
Procédé par lequel on consulte le people pour prendre une décision, en posant une question à laquelle le people
répond Oui ou Non

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